N° 121

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024

Enregistré à la Présidence du Sénat le 16 novembre 2023

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation (1) relatif au statut de l'élu,

Par Mme Françoise GATEL, MM. François BONHOMME et Éric KERROUCHE,

Sénateurs

(1) Cette délégation est composée de : Mme Françoise Gatel, présidente ; M. Rémy Pointereau, premier vice-président ; Mme Agnès Canayer, MM. Cédric Vial, Fabien Genet, Mme Corinne Féret, MM. Éric Kerrouche, Gérard Lahellec, Mme Guylène Pantel, MM. Didier Rambaud, Pierre Jean Rochette, Grégory Blanc, vice-présidents ; MM. Jean Pierre Vogel, Laurent Burgoa, Bernard Delcros, Hervé Gillé, secrétaires ; M. Jean-Claude Anglars, Mme Nadine Bellurot, MM. Guy Benarroche, François Bonhomme, Max Brisson, Mme Céline Brulin, MM. Bernard Buis, Cédric Chevalier, Thierry Cozic, Mme Catherine Di Folco, MM. Jérôme Durain, Daniel Gueret, Pascale Gruny, MM. Joshua Hochart, Patrice Joly, Mmes Muriel Jourda, Sonia de La Provôté, Anne-Catherine Loisier, M. Jean-Jacques Lozach, Pascal Martin, Jean-Marie Mizzon, Franck Montaugé, Mme Sylviane Noël, MM. Olivier Paccaud, Hervé Reynaud, Jean-Yves Roux, Mme Patricia Schillinger, MM. Laurent Somon, Lucien Stanzione, Jean-Marie Vanlerenberghe.

L'ESSENTIEL

INDEMNITÉS DES ÉLUS LOCAUX :
RECONNAITRE L'ENGAGEMENT
À SA JUSTE VALEUR

De Mme Françoise Gatel, sénateur d'Ille-et-Vilaine (Union Centriste), de M. François Bonhomme, sénateur du Tarn-et-Garonne (Les Républicains), et de M. Éric Kerrouche, sénateur des Landes (Socialiste, Écologiste et Républicain).


Il n'est point d'avenir pour nos territoires si les élus n'en ont plus.

Quelques chiffres illustrent le malaise des élus locaux : en 2020, 345 communes ne disposaient pas d'un conseil municipal complet, faute de candidats en nombre suffisant (228 communes en 2014). Par ailleurs, début avril 2023, 1 293 maires ont démissionné depuis les dernières élections municipales de juin 2020, soit environ 3,7%. Selon l'Association des Maires de France, les démissions d'élus municipaux ont atteint, à mi-mandat, un « niveau sans précédent ».

Face à ces difficultés, il y a urgence à agir. Parce que la question de la juste indemnisation des élus est un enjeu démocratique majeur, au coeur de l'engagement républicain, la délégation a fait le choix de consacrer un premier « rapport flash » au régime indemnitaire des élus, notamment municipaux. Elle a naturellement porté une attention particulière à la mise en oeuvre et au suivi des recommandations qu'elle avait formulées en 2018.

Certes, l'engagement de l'élu local s'est construit en France autour du principe fondateur de gratuité. Un mandat découle d'une élection au suffrage universel : il ne s'agit donc pas d'un métier rémunéré, mais d'un engagement civique. Ainsi, seul un tiers des élus reçoit une indemnité afin de compenser l'exercice de leur charge.

Pour autant, dévouement ne rime pas avec sacrifice. Or non seulement les élus locaux sont exposés au risque pénal mais, en outre, de nombreux facteurs les conduisent à consacrer de plus en plus de temps à leur mandat : complexité des normes, montée de l'intercommunalité, difficultés de recrutement des secrétaires de mairies...

Il convient aujourd'hui de passer à l'acte II du volet indemnitaire du statut de l'élu, avec un objectif clair : garantir une meilleure protection matérielle des élus afin de faciliter et sécuriser l'exercice du mandat d'élu local.

Tel est le sens des 8 recommandations présentées par la mission.

I. POUR UNE NOUVELLE VALORISATION DES INDEMNITÉS À LA HAUTEUR DU FORT ENGAGEMENT CITOYEN DES ÉLUS LOCAUX

A. En 2018, la délégation a proposé une revalorisation des indemnités de fonction des maires

Dans son rapport de 2018, la délégation ne plaidait pas pour « une professionnalisation de la fonction élective », mais pour l'ajustement du modèle. Partant du constat de l'insuffisance, de l'iniquité et de l'inadaptation du régime indemnitaire en vigueur, la première recommandation du rapport consistait à « revaloriser le niveau maximal des indemnités de fonction des maires des communes de moins de 100 000 habitants, en particulier celles en deçà de 1 000 habitants ».

B. Cette demande de revalorisation a été suivie d'effet

À l'initiative du Sénat, l'article 92 de la loi « engagement et proximité » de 2019 a conduit à une revalorisation significative de 20 à 50% des indemnités des maires et des adjoints des communes de moins de 3 500 habitants.

C. Le nouveau contexte nécessite de remédier à la dégradation des conditions matérielles d'exercice des mandats

L'inflation et la crise des vocations ont changé la donne, de sorte que l'équilibre atteint par le législateur en 2019 n'est plus satisfaisant.

Trop souvent, le mandat local pénalise souvent ceux qui l'exercent : ainsi, la quasi-totalité des maires et adjoints perçoivent une indemnité inférieure, voire nettement inférieure au salaire moyen brut en France.

Remplacer les maires et adjoints par des fonctionnaires de catégorie A, à temps plein ou partiel selon les strates démographiques, coûterait 3,4 milliards d'euros, soit 2,3 fois plus cher qu'actuellement.

La mission a également souligné l'existence d'interrogations sur d'autres évolutions indemnitaires possibles :

- corrélation entre indemnité et temps consacré au mandat : en moyenne un élu municipal consacre 32 heures par semaine à son mandat. Or, les indemnités sont déterminées de façon forfaitaire en fonction de grandes strates de population et du niveau de responsabilité exercé par l'élu, sans lien avec le temps passé. Cette situation favorise les retraités et compromet l'objectif de diversification des profils. C'est pourquoi la question de la corrélation entre le temps passé par l'élu et le niveau de l'indemnité, bien qu'elle pose des difficultés techniques et juridiques, mérite d'être posée ;

- statut de l'élu étudiant : la mission souligne également la situation particulière des élus étudiants, et appelle de ses voeux la création d'un statut dédié, pour aménager les conditions de poursuite des études avec l'exercice d'un mandat ;

- enfin, le principe même de gratuité soulève certaines interrogations, comme l'illustre la proposition de loi du rapporteur Éric Kerrouche. Selon l'exposé des motifs du texte précité, « tant que subsistera cette contradiction entre une vision idéalisée, voire mythifiée, de l'élu amateur et bénévole et la réalité d'exercice des mandats locaux qui exige des compétences toujours plus pointues et un investissement en temps toujours plus important, le projet d'instaurer un véritable statut de l'élu sera condamné ». Partant du constat que « les fonctions exécutives requièrent aujourd'hui un investissement en temps suffisamment important pour les considérer désormais comme une profession », le texte propose de « rémunérer », et non plus d' « indemniser » les élus détenteurs de mandats exécutifs. Ces derniers seraient liés à la collectivité territoriale ou au groupement dont ils sont élus par un contrat de droit public à durée déterminée dont l'échéance serait fixée à la cessation de leurs fonctions.

RECOMMANDATION 1 : Remédier à la dégradation des conditions matérielles d'exercice des mandats, sans revenir à ce stade sur le principe de gratuité des mandats :

- à partir du 1er janvier 2024, indexer chaque année sur l'inflation les montants d'indemnités des élus ; le coût de cette indexation serait de 52 millions d'euros en 2024.

- avant le renouvellement municipal de 2026, proposer, en concertation avec les associations d'élus locaux, une revalorisation des indemnités pour toutes les strates démographiques ;

- à plus long terme, réfléchir, pour certaines catégories d'élus, à la création d'un nouveau statut rémunéré.

II. GARANTIR L'ACCOMPAGNEMENT FINANCIER DE L'ÉTAT POUR FAVORISER CET INDISPENSABLE ENGAGEMENT CITOYEN

A. La délégation a proposé en 2018 d'étendre le bénéfice de la DPEL, une recommandation partiellement suivie d'effet

Dans le rapport précité de 2018, la délégation préconisait d'« augmenter le seuil d'éligibilité de 1 000 à 2 000 habitants à la dotation particulière « élu local » ainsi que son montant à proportion des revalorisations indemnitaires proposées ». La dotation particulière relative aux conditions d'exercice des mandats locaux (DPEL) a été mise en place afin d'assurer aux communes rurales les moyens nécessaires à l'exercice des mandats locaux.

Le Gouvernement a réformé en 2020 l'architecture de la DPEL en créant deux parts. La première part est attribuée aux communes dont la population est inférieure à 1 000 habitants, et dont le potentiel financier par habitant est inférieur à 1,25 fois le potentiel financier moyen par habitant des communes de métropole de moins de 1 000 habitants. La seconde part permet de majorer la première pour les communes dont la population est inférieure à 500 habitants.

B. L'Etat doit renforcer son accompagnement financier à l'égard des communes de moins de 3500 habitants

Plus d'un maire sur trois déclare partager son indemnité avec des membres de leur conseil municipal pour ne pas grever le budget de leur commune. Toute amélioration du régime indemnitaire des élus locaux constitue une charge supplémentaire pour les collectivités territoriales et nécessite en corollaire un accompagnement financier de l'État.

RECOMMANDATION N°2 : garantir l'accompagnement financier de l'État pour favoriser l'indispensable engagement dans le mandat local :

- augmenter le seuil d'éligibilité à la DPEL de 1 000 à 3 500 habitants et l'indexer sur l'inflation ;

- supprimer la condition de potentiel financier dans le calcul de la DPEL afin que l'ensemble des communes de moins de 3 500 habitants en bénéficient.

Le coût de ces deux mesures s'élèverait à 36,67 millions d'euros par an.

III. GARANTIR LA RESPONSABILISATION FINANCIÈRE DE L'ÉTAT PAR LA CRÉATION D'UNE DOTATION VISANT À COMPENSER L'ACTIVITÉ DES MAIRES POUR L'ÉTAT

Au titre du dédoublement fonctionnel, les maires consacrent une part de leur activité à des tâches importantes réalisées au nom de l'État (état civil, élections, police judiciaire...) ou en appui des actions régaliennes (police municipale). Reconnaître que le maire exerce deux fonctions, dont l'une est d'être représentant de l'État dans sa commune, implique de créer une contribution de l'État, estimée à 10% du plafond indemnitaire du maire, par la délégation. Le maire ne saurait être un « passager clandestin de l'État ».

Cette indemnité serait versée à la commune et, le cas échant, en complément de la DPEL.

Le coût estimé de la mesure proposée serait d'environ 63 millions d'euros.

RECOMMANDATION N°3 : garantir la responsabilisation financière de l'État en créant une contribution de l'État au bénéfice de la commune, complémentaire, le cas échéant, de la DPEL, afin de compenser l'activité des maires agissant pour le compte de l'État. Cette contribution de l'État serait égale à 10% du plafond indemnitaire du maire dans la strate concernée.

IV. DONNER DAVANTAGE DE MARGES DE MANoeUVRE FINANCIÈRES AU CONSEIL MUNICIPAL DANS L'ATTRIBUTION DES INDEMNITÉS AUX ÉLUS

A. La délégation a proposé en 2018 de clarifier les règles concernant l'enveloppe indemnitaire globale, une recommandation suivie d'effet

L'enveloppe indemnitaire globale correspond à l'indemnité maximale du maire et des adjoints en exercice, déterminées en fonction de la strate démographique de la commune, et ce hors majorations. En 2018, la délégation appelait à « clarifier et codifier les modalités de détermination de « l'enveloppe indemnitaire globale » ».

Suivant cette recommandation, la loi « engagement et proximité » prévoit que l'application de majorations aux indemnités de fonction des élus municipaux doit faire l'objet d'un vote distinct de la délibération fixant le montant des indemnités de fonction.

B. Il est nécessaire de garantir la liberté d'agir du maire en assouplissant le calcul de l'enveloppe indemnitaire globale

L'intérêt principal de l'enveloppe indemnitaire globale réside dans le fait de permettre une modulation de rémunération au sein du conseil municipal : si le maire et certains adjoints ne perçoivent pas la totalité de leurs indemnités, le conseil municipal peut décider, sans dépasser le montant de l'enveloppe globale :

- soit d'attribuer une indemnité plus importante en faveur d'autres adjoints,

- soit de verser une indemnité aux « simples » conseillers municipaux, ayant reçu ou non une délégation de fonction.

Actuellement, les adjoints pris en compte pour le calcul de cette enveloppe sont ceux exerçant effectivement leurs fonctions. La délégation aux collectivités territoriales souhaite que les communes puissent définir le volume des indemnités à partir du nombre théorique maximal d'adjoints susceptibles d'être désignés. Cette évolution permettrait ainsi d'augmenter le montant de l'enveloppe indemnitaire globale lorsqu'une commune n'a pas désigné la totalité des adjoints.

RECOMMANDATION N°4 : donner davantage de marges de manoeuvre financières au conseil municipal dans l'attribution des indemnités aux élus, en particulier pour tenir compte de la situation des conseillers délégués.

V. AMÉLIORER LA PRISE EN CHARGE DES FRAIS DE TRANSPORT EXPOSÉS PAR LES ÉLUS LOCAUX LORSQU'ILS REPRÉSENTENT LEUR COLLECTIVITÉ ES QUALITÉS

A. Les élus locaux peuvent être remboursés de leurs frais de transport

Afin de faciliter l'exercice de leur mandat, les élus locaux peuvent bénéficier, de l'indemnisation de frais exposés dans le cadre de leurs fonctions, sur présentation de justificatifs. Il s'agit des frais de transport engagés pour se rendre à des réunions dans des instances ou organismes où ils représentent leur commune ès qualités, lorsque la réunion a lieu hors du territoire de celle-ci. Des dispositions analogues existent pour les conseillers intercommunaux, départementaux et régionaux.

B. Cette prise en charge doit devenir obligatoire et être compensée par l'État pour les communes de moins de 3500 habitants

Les rapporteurs recommandent de rendre obligatoire ce remboursement, et de créer, au sein de la DPEL, une part spécifique permettant de financer ces frais de déplacement, pour toutes les communes de moins de 3 500 habitants. En effet, pour ne pas peser sur les budgets locaux, beaucoup d'élus se refusent à solliciter un quelconque remboursement de leurs frais de transport même lorsqu'il est prévu par le conseil municipal.

Le coût de cette mesure est évalué à 1,42 million d'euros.

Par ailleurs, une attention particulière doit être portée sur ce sujet à la situation des élus étudiants, dont le lieu d'enseignement peut être éloigné de la collectivité dont ils sont élus.

RECOMMANDATION N°5 : améliorer la prise en charge par l'État des frais de transport exposés par les élus locaux lorsqu'ils représentent leur collectivité es qualités, notamment dans les intercommunalités. Prendre en compte la situation particulière des élus étudiants dont il faut encourager l'engagement dans le mandat local


VI. DONNER AUX ÉLUS DES POSSIBILITÉS AMÉLIORÉES, AUX PLANS JURIDIQUE ET PRATIQUE, DE CONTINUER À EXERCER LEUR MANDAT DANS LE CADRE D'UN ARRÊT MALADIE

A. La loi « engagement et proximité » a prévu la possibilité de cumuler les indemnités d'élus et les indemnités journalières en cas d'arrêt maladie

L'article 103 de la loi « engagement et proximité » a consacré la possibilité pour les élus locaux de poursuivre leur mandat durant leur congé maladie, sous réserve de l'accord exprès de leur praticien.

B. Il est nécessaire de rendre le dispositif plus protecteur et mieux connu

La mission propose de revenir à la position défendue par le Sénat dans le cadre de l'examen du projet de loi « engagement et proximité » : sauf avis contraire du praticien, les élus locaux qui le souhaitent pourraient poursuivre l'exercice de leur mandat. 

De plus, la délégation relève que le dispositif actuel est très mal connu dans les territoires, donnant lieu à des dysfonctionnements qui pénalisent les élus. La mission recommande ainsi de lancer une campagne d'information et de sensibilisation auprès de tous les acteurs concernés (médecins, caisses primaires d'assurance maladie...).

La délégation est consciente que cette mesure législative peut parfois être mal comprise de nos concitoyens. Comment un salarié pourrait-il être en incapacité de travailler tout en étant apte à exercer sa fonction d'élu ? Cette possibilité d'exercice du mandat doit naturellement être appréciée par le praticien in concreto afin de tenir compte de nombreux paramètres, tels que la nature de la maladie et les fonctions exercées par l'élu.

D'une manière générale et dans un objectif d'intelligibilité et d'accessibilité du droit, la mission propose de regrouper tous les droits des élus au sein du CGCT.

RECOMMANDATION N°6 : donner aux élus qui le souhaitent des possibilités améliorées, aux plans juridique et pratique, de continuer à exercer leur mandat dans le cadre d'un arrêt maladie.

VII. DANS LE RESPECT DE LA VOLONTÉ DU LÉGISLATEUR, FACILITER L'ACCÈS DES PERSONNES EN SITUATION DE HANDICAP AUX FONCTIONS ÉLECTIVES

A. La loi « engagement et proximité » a prévu le cumul de l'AAH avec une indemnité de fonction élective locale

L'article 97 de la loi « engagement et proximité » prévoit le cumul de l'allocation adulte handicapé (AAH) avec une indemnité de fonction élective locale. Cet article de loi, adopté à l'unanimité du Sénat, constitue une avancée significative qui met fin à une injustice. Or la mise en oeuvre de cette mesure est toujours neutralisée par l'absence de décret d'application, plus de trois ans après la promulgation de la loi.

B. La délégation demande la publication sans délai du décret d'application

La délégation recommande le respect de la volonté du législateur et la publication sans délai du décret d'application. Il est en effet essentiel de faciliter l'accès des personnes en situation de handicap aux fonctions électives.

RECOMMANDATION N°7 : dans le respect de la volonté du législateur, faciliter l'accès des personnes en situation de handicap aux fonctions électives.

VIII. AMÉLIORER LE RÉGIME DES AUTORISATIONS D'ABSENCE ET DES CRÉDITS D'HEURES POUR COMPENSER LES PERTES DE REVENU LIÉES À L'EXERCICE DU MANDAT

A. Le droit en vigueur prévoit certaines garanties pour permettre aux élus salariés de consacrer du temps à leur mandat

Des garanties sont accordées aux élus ayant une activité professionnelle afin qu'ils puissent consacrer un minimum de temps au service de leur collectivité. Ils peuvent faire valoir, d'une part, des autorisations d'absence pour participer aux diverses réunions et séances plénières, d'autre part, des crédits d'heures qui leur permettent de disposer du temps nécessaire à la gestion de la collectivité et à la préparation des réunions des instances où ils siègent. Si l'employeur doit accorder les autorisations d'absence ainsi que les crédits d'heures, il n'est pas tenu des payer ces temps d'absence.

Les pertes de revenu subies par les élus qui exercent une activité professionnelle et qui ne bénéficient pas d'indemnités de fonction peuvent être compensées par la collectivité à hauteur de soixante-douze heures par élu et par an. Chaque heure ne peut être rémunérée à un montant supérieur à une fois et demie la valeur horaire du salaire minimum de croissance (SMIC).

B. La délégation recommande de relever le plafond de prise en charge par la collectivité

La délégation recommande de prévoir que les crédits d'heures ou les autorisations d'absence non payés par l'employeur puissent être pris en charge par la collectivité, dans un plafond augmenté à deux fois la valeur horaire du SMIC.

Elle recommande également de réfléchir à l'octroi de compensations (crédit d'engagement citoyen, exonérations fiscales...) accordées aux entreprises qui engagent des élus. Ce point sera développé par la délégation dans le cadre du rapport consacré à la conciliation entre le mandat local et la vie professionnelle.

RECOMMANDATION N°8 : garantir une meilleure conciliation du mandat avec l'exercice d'une activité professionnelle :

- prévoir que les crédits d'heures ou les autorisations d'absence non payés par l'employeur soient pris en charge par la collectivité, dans un plafond égal à deux fois la valeur horaire du SMIC, et non plus une fois et demie comme actuellement ;

- réfléchir à l'octroi de compensations (crédit d'engagement citoyen, exonérations fiscales...) accordées aux entreprises qui engagent des élus.

Principales données chiffrées du rapport

Économies potentielles réalisées grâce aux élus municipaux
(par an)

Coût pour l'État
des mesures proposées dans le rapport
(par an)

plus de 1,9 milliards d'euros

Indexation sur l'inflation (en 2024):
52 millions d'euros

 

Étendre le bénéfice de la DPEL :
36,67 millions d'euros

 

Dotation de l'État (10 %) :
63 millions d'euros

 

Frais de transport : 1,42 million d'euros

 

TOTAL : 153 millions d'euros

(8% des économies potentielles réalisées)

LISTE DES RECOMMANDATIONS

N° de la recommandation

Recommandations

Acteurs concernés

Calendrier prévisionnel

Support/action

1

Remédier à la dégradation des conditions matérielles d'exercice des mandats :

- à partir du 1er janvier 2024, indexer chaque année sur l'inflation les montants d'indemnités des élus ;

- proposer une revalorisation globale des indemnités

Gouvernement

et

Parlement

   

à partir du 1er janvier 2024 et chaque année

Projet de loi de finances pour 2024

avant le renouvellement municipal de 2026

Loi ordinaire ou loi de finances

2

Garantir l'accompagnement financier de l'État :

- augmenter le seuil d'éligibilité à la DPEL de 1 000 à 3 500 habitants et l'indexer sur l'inflation ;

- supprimer la condition de potentiel financier dans le calcul de la DPEL

Gouvernement

et

Parlement

2024

Loi ordinaire ou loi de finances

3

Créer une contribution de l'État au bénéfice de la commune, complémentaire, le cas échéant, de la DPEL, afin de compenser l'activité des maires agissant pour le compte de l'État

Gouvernement

et

Parlement

2024

Loi ordinaire ou loi de finances

4

Donner davantage de marges de manoeuvre financières au conseil municipal dans l'attribution des indemnités aux élus

Gouvernement
et

Parlement

À partir du premier semestre 2024

Loi ordinaire ou loi de finances

5

Améliorer la prise en charge par l'État des frais de transport exposés par les élus locaux lorsqu'ils représentent leur collectivité ès qualités

Gouvernement

et

Parlement

À partir du premier semestre 2024

Loi ordinaire ou loi de finances

6

Donner aux élus qui le souhaitent des possibilités améliorées de continuer à exercer leur mandat dans le cadre d'un arrêt maladie

Gouvernement

et

Parlement

Conseil national de l'Ordre des Médecins

Caisses primaires d'assurance maladie

2024

Loi
Campagne de sensibilisation,

7

Dans le respect de la volonté du législateur, faciliter l'accès des personnes en situation de handicap aux fonctions électives

Gouvernement

(ministre en charge des solidarités)

Sans délai

Décret d'application

8

Prévoir que les crédits d'heures ou les autorisations d'absence non payés par l'employeur soient pris en charge par la collectivité, dans un plafond égal à deux fois la valeur horaire du SMIC, et non plus une fois et demie comme actuellement

Gouvernement

et

Parlement

2024

Loi

AVANT-PROPOS

INDEMNITÉS DES ÉLUS LOCAUX :

RECONNAÎTRE L'ENGAGEMENT À SA JUSTE VALEUR

Il n'est point d'avenir pour nos territoires si les élus n'en ont plus. Ce constat est au coeur de deux rapports récents du Sénat, publiés les 5 et 6 juillet 2023 : tous deux lancent un signal d'alarme, dans un contexte, que chacun connaît, de crise des vocations1(*). Quelques chiffres l'illustrent : en 2020, 345 communes ne disposaient pas d'un conseil municipal complet, faute de candidats en nombre suffisant (228 communes en 2014). Par ailleurs, début avril 2023, 1 293 maires ont démissionné depuis les dernières élections municipales de juin 2020, soit environ 3,7 %. Selon l'Association des Maires de France, les démissions d'élus municipaux ont atteint, à mi-mandat, un « niveau sans précédent ». L'Association appelle ainsi à « stopper l'hémorragie ».

Face à ces difficultés, il y a urgence à agir. C'est pourquoi la mise en place d'un véritable « statut de l'élu » s'impose comme une évidence. Prévu dès les lois «  Defferre » de 19822(*), ce statut s'est progressivement construit depuis le début des années 1990.

Ce statut regroupe l'ensemble des droits et garanties dont bénéficient les quelque 500 000 élus locaux afin de faciliter l'exercice de leurs missions.

Votre délégation a produit, le 5 juillet 2018, un rapport comportant six tomes sur le sujet. Ces travaux, qui font toujours référence aujourd'hui, ont largement inspiré la loi dite « engagement et proximité » du 27 décembre 20193(*), en particulier son titre V intitulé « reconnaître et renforcer les droits des élus ». De manière constante, votre délégation poursuit deux objectifs pour rendre le mandat local aussi attractif que possible :

- concilier le mandat avec la vie personnelle et professionnelle de l'élu ;

- protéger l'élu dans le cadre de ses fonctions.

Notre assemblée a pris des initiatives fortes sur le second volet, dans le cadre d'une récente proposition de loi, déposée par nos collègues François-Noël Buffet, Françoise Gatel et  Mathieu Darnaud4(*), et adoptée à l'unanimité par notre assemblée le 10 octobre 2023. Ce texte a été largement soutenu par le Gouvernement.

S'agissant du second volet du statut, à savoir la conciliation entre le mandat local et la vie de l'élu, il regroupe de nombreuses dispositions, au premier rang desquelles figurent le régime indemnitaire, la formation, la reconversion professionnelle et la protection sociale.

Parce que la question de la juste indemnisation des élus est un enjeu démocratique majeur, au coeur de l'engagement républicain, votre délégation a fait le choix de consacrer un premier « rapport flash » au régime indemnitaire des élus, notamment municipaux. Elle a naturellement porté une attention particulière à la mise en oeuvre et au suivi des recommandations qu'elle avait formulées en 2018 dans le tome II de son rapport précité, consacré au régime indemnitaire. Votre délégation y constatait que « les évolutions législatives qui se sont succédées ces trente dernières années n'ont pas abouti (...) à un régime indemnitaire pleinement satisfaisant. La prévalence d'une culture de l' « amateurisme républicain » à rebours d'une « professionnalisation de la fonction élective », la dégradation des comptes publics locaux, la sensibilité de l'opinion publique à l'égard des enjeux financiers et peut-être la répugnance de certains élus locaux à s'intéresser à ces considérations prosaïques, ont sans doute constitué un frein à toute évolution significative ». Afin de combler les lacunes du régime indemnitaire des élus locaux, la délégation formulait 12 recommandations5(*). Elles ont été quasi-intégralement suivies d'effet.

Il convient aujourd'hui de passer à l'acte II du volet indemnitaire du statut de l'élu, dans le contexte du malaise des élus locaux, précédemment évoqué, avec un objectif clair : garantir une meilleure sécurité matérielle des élus afin de faciliter et sécuriser l'exercice du mandat d'élu local. Tel est le sens des 8 recommandations proposées par vos rapporteurs.

I. POUR UNE NOUVELLE VALORISATION DES INDEMNITÉS, À LA HAUTEUR DU FORT ENGAGEMENT CITOYEN DES ÉLUS LOCAUX

A. EN 2018, LA DÉLÉGATION A PROPOSÉ UNE REVALORISATION DES INDEMNITÉS DE FONCTION DES MAIRES

Dans le rapport précité, votre délégation n'appelait ni à un retour à un strict « amateurisme républicain », tel qu'il apparut à la fin du XIXe siècle lorsque l'exercice des responsabilités locales était encore l'apanage d'une élite, ni à un saut vers une véritable « professionnalisation de la fonction élective », à l'oeuvre dans certains pays étrangers où la vocation d'élu local est pratiquement devenue un métier.

En conséquence, le rapport ne plaidait pas pour un changement de modèle, mais pour son ajustement, partant d'un double constat de bon sens, largement partagé dans nos territoires :

- le mandat local ne constitue pas, la plupart du temps, une activité qui se substitue à l'activité professionnelle, mais un engagement civique ;

- l'indemnité de fonction n'est pas une rémunération, mais une compensation.

Pour autant, précise le rapport, cette indemnité doit couvrir effectivement les frais liés à l'exercice du mandat, pour ne pas pénaliser les élus ni décourager les candidats. C'est pourquoi sa première recommandation tend à « revaloriser le niveau maximal des indemnités de fonction des maires des communes de moins de 100 000 habitants, en particulier celles en deçà de 1 000 habitants ».

B. CETTE DEMANDE DE REVALORISATION A ÉTÉ SUIVIE D'EFFET

Cette recommandation a trouvé sa traduction dans le projet de loi « engagement et proximité ». Partageant le constat de votre délégation sur l'insuffisance, l'iniquité et l'inadaptation du régime indemnitaire alors en vigueur, le Gouvernement a proposé, à l'article 28 du texte précité, de relever sensiblement le plafond indemnitaire des maires et des adjoints des communes de moins de 1 000 habitants. La commission des Lois du Sénat a toutefois proposé un dispositif alternatif pour rendre cette revalorisation indemnitaire à la fois suffisante et soutenable. Elle a en effet estimé que le projet du Gouvernement représentait un coût difficile à supporter pour les communes, de l'ordre de 474 millions d'euros6(*).

À la place, la commission a proposé un dispositif dans lequel :

- les indemnités des maires et des adjoints des communes de moins de 1 000 habitants augmentent de façon « raisonnable et graduée » : + 50 % dans les communes de moins de 500 habitants et + 30 % dans les communes de 500 à 999 habitants ;

- contrairement au dispositif du Gouvernement, cette revalorisation indemnitaire a également concerné les communes de 1 000 à 3 499 habitants (+ 20 %), communes qui nécessitaient également, selon la commission, « une implication sans relâche de la part de leurs élus ».

La commission évaluait le coût global de ces deux mesures entre 239 et 295 millions d'euros par an, soit deux fois moins que le projet de loi initial.

Cette position sénatoriale a été pleinement approuvée par le législateur7(*). Les tableaux ci-dessous illustrent la genèse des dispositions concernées.

Plafonds indemnitaires des maires
(Art. L 2123-23 du CGCT)

 

État du droit
avant la loi

Projet de loi initial

Position de la commission des lois du Sénat retenue dans le texte final

Population
(en nombre d'habitants)

Taux maximal

(en % de l'indice8(*))

Indemnité
(en euros)

Taux maximal
(en % de l'indice)

Indemnité
(en euros)

Évolution

Taux maximal

(en % de l'indice)

Indemnité
(en euros)

Évolution

Moins de 500

17

661

43

1 672

+ 153 %

25,5

992

+ 50 %

De 500 à 999

31

1 206

43

1 672

+ 39 %

40,3

1 567

+ 30 %

De 1 000 à 3 499

43

1 672

43

1 672

-

51,6

2 007

+ 20 %

Plafonds indemnitaires des adjoints au maire
(Art. L 2123-24 du CGCT)

 

État du droit avant la loi

Projet de loi initial

Position de la commission des lois du Sénat retenue dans le texte final

Population
(en nombre d'habitants)

Taux maximal

(en % de l'indice)

Indemnité
(en euros)

Taux maximal
(en % de l'indice)

Indemnité
(en euros)

Évolution

Taux maximal

(en % de l'indice)

Indemnité
(en euros)

Évolution

Moins de 500

6,6

257

16,5

642

+ 150 %

9,9

385

+ 50 %

De 500 à 999

8,25

321

16,5

642

+ 100 %

10,7

416

+ 30 %

De 1 000 à 3 499

16,5

642

16,5

642

-

19,8

770

+ 20 %

C. LE NOUVEAU CONTEXTE NÉCESSITE DE REMÉDIER À LA DÉGRADATION DES CONDITIONS MATÉRIELLES D'EXERCICE DES MANDATS

1. Préserver le principe de gratuité

Pas plus qu'en 2018, votre délégation n'entend remettre en cause la conception française du mandat local et de la démocratie locale : des élus locaux bénévoles et engagés, et perçus comme tels par leurs concitoyens. Un mandat, qu'il soit local ou national, découle d'une élection au suffrage universel : il ne s'agit donc pas d'un métier, mais d'un service rendu à la collectivité. C'est pourquoi l'élu local n'est ni rémunéré, ni gratifié, mais se voit simplement compenser son engagement bénévole par une indemnité.

Encore cette indemnité ne concerne-t-elle qu'une minorité d'élus : en effet sur 500 000 élus locaux, 190 000 bénéficient d'une indemnité de fonction. Autrement dit, les deux tiers des élus sont actuellement totalement bénévoles.

Votre délégation considère de manière constante, comme la plupart des associations d'élus locaux, que le mandat local demeure avant tout fondé sur l'engagement citoyen d'élus qui consacrent, au quotidien, leur temps et leur énergie à servir l'intérêt général. Une véritable « rémunération » viendrait ainsi amoindrir cette force de l'engagement municipal. En outre, le principe de gratuité du mandat emporte deux conséquences juridiques d'importance : d'une part, le versement d'une somme à un élu municipal ne peut intervenir que sur le fondement d'une disposition législative expresse, d'autre part, l'élu n'est soumis à aucun rapport de subordination à l'égard d'un tiers employeur.

Principe de gratuité des mandats locaux :
fondement et aménagements

Héritée de la pratique romaine, la gratuité des mandats locaux est profondément enracinée dans la culture politique française. Montaigne, maire de Bordeaux, indiquait ainsi au XVIe siècle que « la charge de maire semble d'autant plus belle qu'elle n'a ni loyer, ni gain autre que l'honneur de son exécution ». En France, le statut de l'élu local s'est donc construit progressivement autour de ce principe fondateur de gratuité, considéré comme gage d'impartialité, de désintéressement et de dévouement de l'élu.

Ce principe est aujourd'hui inscrit à l'article L. 2123-17 du code général des collectivités territoriales (CGCT) aux termes duquel « les fonctions de maire, d'adjoint et de conseiller municipal sont gratuites ».

Néanmoins, plusieurs aménagements législatifs sont venus tempérer ce principe pour permettre au plus grand nombre de se porter candidat aux élections locales, dans le droit-fil de la pensée de Max Weber qui soulignait, au XIXe siècle, qu'attribuer des revenus permettant de « vivre de la politique » ouvre l'accès aux moins fortunés, et constitue en outre un moyen de prévenir la corruption. La loi municipale du 5 avril 1884 apporte ainsi au principe de gratuité une première atténuation en autorisant à la fois le remboursement de frais (sous certaines conditions), ainsi que la mise en place par les communes d'indemnités de représentation pour leur maire.

Alors que les indemnités se limitaient précédemment à ce que l'on pouvait assimiler à des remboursements de frais, un changement de paradigme s'opère à la suite de la seconde guerre mondiale : les ordonnances du 26 juillet 1944 et du 21 février 1945 relatives aux indemnités de fonctions des maires et adjoints permettent aux communes de voter des indemnités de fonctions à leurs maires et adjoints.

Le montant des indemnités de fonction est fixé en pourcentage du montant correspondant à l'indice brut terminal de l'échelle indiciaire de la fonction publique. Le CGCT détermine le plafond d'indemnisation des élus locaux, qui varie selon l'importance du mandat exercé et de la population de la collectivité.

2. Reconnaître l'engagement local à sa juste valeur

Nos rapporteurs sont néanmoins conscients que la décentralisation a sensiblement alourdi la charge des élus locaux. De nombreux facteurs conduisent les élus à  consacrer de plus en plus de temps à leur mandat : technicité croissante des tâches, complexification du droit et des procédures, montée de l'intercommunalité, difficultés de recrutement des secrétaires de mairies9(*)...

Comme le souligne le livre blanc de l'Observatoire de l'Éthique Publique10(*), l'exercice des mandats locaux est de plus en plus chronophage, de sorte que « les coûts en termes de vie personnelle et familiale sont élevés ».

Pour autant, dévouement ne rime pas avec sacrifice. Dans le rapport précité de notre délégation portant sur l'exercice des mandats locaux, 55,6 % des répondants estiment que la faiblesse des indemnités joue un rôle important dans la crise des vocations au niveau municipal11(*). Par ailleurs ils sont assez partagés sur la logique indemnitaire12(*).

Comme le souligne très justement le rapport précité sur l'avenir du maire et de la commune, « reconnaître l'engagement municipal à sa juste valeur, c'est reconnaître le juste besoin de compensation des dépenses et sujétions inhérentes à l'exercice par les élus locaux de la charge publique à laquelle ils ont été élus. La question du montant des indemnités, qui servent ce but, mérite donc d'être posée ». C'est pourquoi cette mission estimait « nécessaire d'engager une réflexion sur la revalorisation du montant des indemnités des élus communaux, afin notamment d'examiner si elle doit au moins suivre l'inflation ou si des décisions plus fortes doivent être prises pour pallier le découragement de ces élus, en particulier dans les communes rurales ».

Entendant cet appel de la mission et conscients du formidable engagement citoyen des élus locaux, au service de l'intérêt général, vos rapporteurs ont souhaité examiner les différents scénarii de revalorisation des indemnités qui leur sont alloués.

En préalable à toute réflexion sur les indemnités des élus locaux, il est nécessaire d'avoir à l'esprit deux réalités incontestables : d'une part, la quasi-totalité des élus perçoivent une indemnité inférieure au salaire moyen brut, d'autre part, les élus assument une mission quasi-bénévole irremplaçable, au service de la collectivité.

En premier lieu, la quasi-totalité des maires et adjoints perçoivent une indemnité inférieure, voire nettement inférieure au salaire moyen brut en France. Telles sont les conclusions d'une étude menée en 2020 par Élodie Lavignotte et notre co-rapporteur Éric Kerrouche13(*). Ces travaux soulignent notamment que :

- seuls 462 maires en France ont une indemnité brute supérieure au salaire moyen brut ;

- seuls les adjoints des communes de plus de 100 000 habitants ont une indemnité qui approche le salaire brut moyen (de 86 à 95 % de celui-ci). Sont concernés environ 720 adjoints dans 40 communes.

Il en résulte que très peu d'élus peuvent vivre uniquement de leurs mandats, alors même que, de facto, l'exercice de certaines fonctions électives empêche toute activité professionnelle.

La récente consultation menée par le Gouvernement et l'AMF va dans le même sens : elle souligne que de nombreux élus ont un taux horaire brut à peine supérieur au SMIC.

Enquête AMF-Gouvernement, réalisée par le CEVIPOF (novembre 2023)

En second lieu, il convient de s'interroger sur le rôle irremplaçable des élus locaux : que deviendraient nos services publics sans leur engagement ? Qui assumerait leurs fonctions ? À  quel coût ?

Selon les chiffres adressés à vos rapporteurs par la Direction générale des collectivités locales (DGCL), toutes strates confondues, le montant annuel des indemnités de fonction des élus communaux s'élevait à 2 milliards d'euros en 2022, dont près d'1,5 milliard d'euros pour les communes.

Population des communes

Nombre de communes

Montant des indemnités de fonction

moins de 500

18 139

321 975 166,00 €

500-999

6 687

220 326 011,00 €

1000 - 3499

6 891

420 599 946,00 €

3500 - 9999

2 198

237 977 523,00 €

10 000 - 19 999

556

94 811 113,00 €

20 000 - 49 999

352

97 909 434,00 €

50 000 - 99 999

90

45 827 826,00 €

100 000 - 200 000

31

27 618 301,00 €

Plus de 200 000

11

31 311 150,00 €

TOTAL

34 955

1 498 356 470,00 €

Source : DGCL

Si on considère que les maires et adjoints exercent des fonctions comparables à celles d'un cadre A de la fonction publique, à l'indice terminal brut, à temps plein ou partiel selon les strates démographiques, leur remplacement par des fonctionnaires coûterait à la collectivité un montant estimé à plus de 3,4 milliards d'euros, soit un coût 2,3 fois supérieur au montant actuel des indemnités versées aux élus communaux.

Pour établir ce chiffre de 3,4 milliards d'euros, vos rapporteurs ont considéré que les maires exercent des fonctions similaires à celles d'un agent de catégorie A, à hauteur de :

· 50 % de l'indice terminal brut 1 027 pour les 25 047 communes de moins de 1 000 habitants, soit 2 043 euros ;

· 100 % de l'indice pour les 9 791 communes de 1 000 à 49 999 habitants, soit 4 086 euros ;

· 150 % de l'indice pour les 130 communes de plus de 50 000 habitants, soit 6 123 euros.

Concernant les adjoints, la mission a estimé que ces derniers exercent des fonctions similaires à celles d'un agent de catégorie A, à hauteur de :

· 25 % de l'indice terminal brut 1 027 pour les communes de moins de 1 500 habitants, soit 1 021 euros ;

· 50 % de l'indice pour les communes de 1 500 à 49 999 habitants, soit 2 043 euros ;

· 100 % de l'indice pour les communes de plus 50 000 habitants, soit 4 086 euros.

Le détail du calcul figure en annexe.

Remplacer les maires et adjoints par des fonctionnaires entraînerait un surcoût pour notre pays de près de 2 milliards d'euros, sans qu'on puisse garantir que le service rendu à nos concitoyens ne serait pas réduit, au regard de la très grande disponibilité dont font preuve les élus locaux.

Et encore ne prend-on pas en compte, dans ce calcul, d'une part, les conseillers municipaux, délégués ou non, d'autre part, les élus intercommunaux, départementaux et régionaux. Les plafonds indemnitaires des conseillers départementaux et régionaux sont retracés dans les tableaux ci-dessous.

Plafonds indemnitaires des conseillers départementaux
(Art. L. 3123-16 du CGCT)

Population départementale

(habitants)

Taux maximal

(en % de l'indice brut terminal)

Indemnité brute

(en euros, au 1er juillet 2023)

moins de 250 000

40

1 634, 36

de 250 000 à moins de 500 000

50

2 042, 95

de 500 000 à moins de 1 million

60

2 451, 54

de 1 million à moins de 1,25 million

65

2 655, 84

1,25 million et plus

70

2 860, 13

Plafonds indemnitaires des conseillers régionaux
(Art. L. 4135-16 du CGCT)

Population régionale

(habitants)

Taux maximal

(en % de l'indice brut terminal)

Indemnité brute

(en euros, au 1er juillet 2023)

moins de 1 million

40

1 634, 36

de 1 million à moins de 2 millions

50

2 042, 95

de 2 millions à moins de 3 millions

60

2 451, 54

de 3 millions et plus

70

2 860, 13

Pour toutes ces raisons, il convient d'agir de manière concrète pour ne plus pénaliser financièrement l'engagement des élus.

La mission formule ainsi trois propositions :

- au 1er janvier 2024, indexer chaque année sur l'inflation les montants d'indemnités des élus ;

- avant le renouvellement municipal de 2026, proposer, en concertation avec les associations d'élus locaux, une revalorisation des indemnités pour toutes les strates démographiques ;

- à plus long terme, réfléchir, pour certaines catégories d'élus, à la création d'un nouveau statut rémunéré.

3. Au 1er janvier 2024, indexer chaque année sur l'inflation les montants d'indemnités des élus 

Le tableau ci-dessous retrace l'évolution des indemnités sur trois ans : entre le 1er juillet 2020 et le 1er juillet 2023. Ce tableau fait apparaître un décrochage significatif par rapport à l'inflation. En effet, sur la période considérée, les indemnités ont progressé de 5,1 % tandis que l'inflation s'est, quant à elle, élevée à 13,1 %. L'indemnité de fonction a donc subi une perte de 8 % en euros constants.

Indemnités des maires :
Évolution entre le 1er juillet 2020 et le 1er juillet 2023

Nombre d'habitants

Indemnité brute
(en €)
au 1er juillet 2020

Indemnité brute
(en €)
au 1er juillet 202314(*)

Moins de 500

991

1 042

De 500 à 999

1 567

1 647

De 1 000 à 3 499

2 006

2 108

De 3 500 à 9 999

2 139

2 247

De 10 000 à 19 999

2 528

2 657

De 20 000 à 49 999

3 500

3 677

De 50 000 à 99 999

4 278

4 495

100 000 et plus

5 639

5 924

Vos rapporteurs recommandent donc d'indexer sur l'inflation les montants d'indemnités des élus. Cette indexation annuelle automatique, qui ne serait pas rétroactive, interviendrait dès le 1er janvier 2024.

En 2024, le coût de cette indexation serait de 52 millions d'euros pour l'ensemble des élus locaux, sur la base d'une inflation estimée à 2,6 %15(*).

Afin de rendre automatique cette revalorisation annuelle, il conviendra que les conseils municipaux, lors de leurs délibérations, fixent les indemnités de leurs membres par référence à des pourcentages de l'indice brut terminal de la fonction publique plutôt qu'à des montants en euros.

4. Avant le renouvellement municipal de 2026, proposer, en concertation avec les associations d'élus locaux, une revalorisation des indemnités pour toutes les strates démographiques.

Deuxième proposition avancée par la mission : étudier, avant le renouvellement municipal de 2026, une revalorisation des indemnités pour toutes les strates démographiques.

Il n'est pas possible, à ce stade, d'établir le montant de cette revalorisation dans la mesure où, d'une part, elle nécessitera une étroite concertation avec les élus locaux, d'autre part, il conviendra d'évaluer les effets des mesures proposées dans le cadre du présent rapport.

À cet égard, vos rapporteurs se réjouissent que les associations d'élus locaux aient formulé, sur le sujet indemnitaire, de nombreuses propositions intéressantes. D'autres contributions sont attendues, notamment à l'occasion du prochain Congrès des Maires. Elles mériteront toutes un examen attentif de votre délégation avant toute recommandation.

5. Des interrogations sur d'autres évolutions indemnitaires possibles
a) Une corrélation entre indemnité et temps consacré au mandat

Lors de la consultation précitée, menée en 2018, plus d'un quart des élus répondants estimaient consacrer plus de 35 heures hebdomadaires à leur mandat, et près de la moitié plus de 25 heures. En moyenne un élu municipal consacre 32 heures par semaine à son mandat.

Estimation du temps hebdomadaire consacré au(x) mandat(s) par le maire :
Résultats de la consultation menée en janvier 2018 par votre délégation

Estimation du temps hebdomadaire consacré au(x) mandat(s) par les adjoints :
Résultats de la consultation menée en janvier 2018 par votre délégation

Les indemnités sont toutefois indépendantes du temps effectif consacré au mandat par les élus. Elles sont déterminées de façon forfaitaire en fonction de grandes strates de population et du niveau de responsabilité exercé par l'élu (maire/adjoint par exemple). Les textes prévoient également une majoration indemnitaire pour certaines communes16(*).

Il n'y a donc pas de corrélation directe entre le temps passé par l'élu et le niveau de l'indemnité qu'il perçoit. En conséquence, il revient actuellement aux élus de décider s'ils entendent faire de leur mandat une activité à temps partiel ou à temps plein, sans que cela ait une conséquence quelconque sur le niveau des indemnités qu'ils percevront.

Telle n'est pas toujours l'approche retenue en dehors de nos frontières : le livre blanc de l'Observatoire de l'Éthique Publique sur l'indemnisation des élus souligne ainsi que « le temps est un critère de modulation de la rémunération des maires dans de nombreux pays européens ».

Cette question de la corrélation/modulation est essentielle et mérite un large débat public, dans le contexte de crise des vocations. Selon les derniers chiffres communiqués par le ministère de l'Intérieur début avril 2023, 1 293 maires ont démissionné depuis les dernières élections du 28 juin 2020, soit environ 3,7 %.

Si le bénévolat est un principe fondamental, comme rappelé supra, il n'apparait pas contradictoire avec une corrélation entre les indemnités de fonctions et le temps consacré au mandat. Cette corrélation pose la question concrète de la compatibilité du mandat avec l'exercice d'une activité professionnelle, et donc de la diversité des profils des élus. En effet, dès lors que les élus n'ont pas la possibilité de déclarer une quotité de temps allouée à leur mandat, d'où pourrait découler une modulation de l'indemnité, cette situation favorise les retraités et pré-retraités. Ils sont davantage disponibles que les actifs et aujourd'hui logiquement surreprésentés parmi les élus17(*). Or, vos rapporteurs soulignent l'importance de la diversification des profils au sein des conseils municipaux, qui doivent pouvoir être représentatifs de l'ensemble de la population de leur commune.

Profil des maires

· 39,2 % sont des retraités.

· 21,2 % sont des cadres ou exercent une profession intellectuelle supérieure.

· 11,6 % sont des agriculteurs exploitants.

· 10,5 % sont issus de professions intermédiaires.

· 5,9 % sont des artisans commerçants, chefs d'entreprises.

· 5,9 % sont employés.

· 2,4 % sont ouvriers.

Enquête AMF-Gouvernement, réalisée par le CEVIPOF (novembre 2023)

Par ailleurs, dans le système actuel, qui ne « récompense » pas les élus qui décident d'exercer un temps plein, les actifs qui s'engagent dans le mandat local ont tendance à privilégier un mandat à temps partiel, au risque d'être submergés et, en conséquence, de ne pas pouvoir gérer efficacement les contraintes temporelles de la double activité mandat / emploi. Le montant de l'indemnité est donc, à l'évidence, au coeur de la conciliation vie professionnelle / vie personnelle.

C'est aussi dans le but de favoriser un meilleur accès des actifs au mandat local qu'une proposition de loi avait prévu, en 2019, une majoration indemnitaire de 50 % pour les maires des communes de moins de 10 000 habitants ayant cessé leur activité professionnelle pour se consacrer pleinement à leur mandat18(*).

Si l'idée, fondée sur les notions de manque à gagner et de coût d'opportunité, paraît séduisante, elle se heurte à plusieurs arguments, tant d'opportunité que juridique :

- argument du désavantage comparatif : ces mêmes candidats actifs risqueraient d'être écartés par les électeurs car ils coûteraient plus cher à la commune ;

- argument du retour à l'emploi : certains élus pourraient être incités à quitter leur activité professionnelle mais rencontreraient, à l'issue du mandat local, des difficultés de retour à l'emploi ;

- argument de l'effet de seuil : les maires ayant cessé leur activité professionnelle pour se consacrer à leur mandat dans les communes de moins de 10 000 habitants recevraient une indemnité nettement supérieure à celle des maires des communes de plus de 10 000 habitants se trouvant pourtant exactement dans la même situation (cf supra, tableau des indemnités).

Pour l'ensemble de ces raisons, cette idée n'a pas été retenue par le Sénat dans le cadre de l'examen de la proposition de la susmensionnée. La proposition a néanmoins le mérite de soulever une question fondamentale : celle de la corrélation entre indemnité et temps consacré au mandat, gage d'un meilleur accès de tous aux mandats locaux. Le temps consacré au mandat peut, notamment mais pas seulement, être mesuré par le nombre de réunions auxquelles les élus doivent participer.

Vos rapporteurs pensent notamment aux étudiants qui font le choix de l'engagement citoyen. Or, ils sont souvent découragés par l'insuffisante prise en compte du temps consacré au mandat. D'une manière générale, la mission appelle de ses voeux à la création d'un statut de l'élu étudiant pour les jeunes élus locaux inscrits en université ou dans un établissement supérieur. En effet, les textes ne prévoient aucune disposition particulière pour aménager les conditions de poursuite des études avec l'exercice d'un mandat, ce qui est particulièrement regrettable, comme l'a souligné le rapport précité sur l'avenir du maire et de la commune.

b) La création d'un statut d'agent civique territorial

Par ailleurs, le principe de gratuité du mandat, évoqué précédemment, soulève certaines interrogations, comme l'illustre la proposition récurrente de créer un statut d'agent civique territorial19(*). Cette initiative est notamment portée par notre co-rapporteur Éric KERROUCHE dans une proposition de loi dont il est le premier signataire20(*). Elle n'a pas été retenue, à ce stade, par la délégation, mais fait partie des pistes de réflexion, à terme, pour certaines catégories d'élus, dès lors que de facto l'exercice de certaines fonctions électives empêche toute activité professionnelle.

Selon l'exposé des motifs du texte précité, « tant que subsistera cette contradiction entre une vision idéalisée, voire mythifiée, de l'élu amateur et bénévole et la réalité d'exercice des mandats locaux qui exige des compétences toujours plus pointues et un investissement en temps toujours plus important, le projet d'instaurer un véritable statut de l'élu sera condamné ». Partant du constat que « les fonctions exécutives requièrent aujourd'hui un investissement en temps suffisamment important pour les considérer désormais comme une profession », le texte propose de « rémunérer », et non plus d' « indemniser » les élus détenteurs de ces mandats exécutifs. Les élus qui relèveraient de ce statut seraient liés à la collectivité territoriale ou au groupement dont ils sont élus par un contrat de droit public à durée déterminée dont l'échéance serait fixée à la cessation de leurs fonctions.

Votre délégation relève, comme elle l'avait fait en 2018, que le régime indemnitaire français des élus locaux est sur certains points en retrait par rapport à d'autres pays : ainsi, certains pays européens ont opté pour une logique assumée de « professionnalisation » des fonctions électives locales, où les maires exerçant à temps plein perçoivent une indemnité de fonction souvent supérieure à celle de leurs homologues français (Allemagne, Portugal, Italie, Espagne, Pays-Bas).

Votre délégation réaffirme toutefois, à ce stade, son attachement au principe fondamental de gratuité.

RECOMMANDATION N°1 : Remédier à la dégradation des conditions matérielles d'exercice des mandats, sans revenir à ce stade sur le principe de gratuité des mandats :

- à partir du 1er janvier 2024, indexer chaque année sur l'inflation les montants d'indemnités des élus ; le coût de cette indexation serait de 52 millions d'euros en 2024 ;

- avant le renouvellement municipal de 2026, proposer, en concertation avec les associations d'élus locaux, une revalorisation des indemnités pour toutes les strates démographiques ;

- à plus long terme, réfléchir, pour certaines catégories d'élus, à la création d'un nouveau statut rémunéré.

II. GARANTIR L'ACCOMPAGNEMENT FINANCIER DE L'ÉTAT POUR FAVORISER CET INDISPENSABLE ENGAGEMENT CITOYEN

A. LA DÉLÉGATION A PROPOSÉ EN 2018 D'ÉTENDRE LE BÉNÉFICE DE LA DPEL

Dans le rapport précité, votre délégation préconisait d' « augmenter le seuil d'éligibilité de 1 000 à 2 000 habitants à la dotation particulière « élu local » ainsi que son montant à proportion des revalorisations indemnitaires proposées » (recommandation n°5). Rappelons que la dotation particulière relative aux conditions d'exercice des mandats locaux, plus communément appelée dotation particulière « élu local » (DPEL) a été mise en place afin d'assurer aux communes rurales les moyens nécessaires à la mise en oeuvre de la loi n°92-108 du 3 février 1992 relative aux conditions d'exercice des mandats locaux.

B. CETTE RECOMMANDATION A ÉTÉ PARTIELLEMENT SUIVIE D'EFFET

La recommandation susmentionnée a été partiellement suivie d'effets. En effet, afin d'accompagner le relèvement des plafonds indemnitaires décidé par la loi « engagement et proximité », le Gouvernement a réformé, en 2020, l'architecture de la DPEL en créant, en son sein, deux parts (décret n° 2020-606 du 19 mai 2020).

La première part de cette dotation est attribuée aux communes :

- dont la population est inférieure à 1 000 habitants ;

- dont le potentiel financier par habitant est inférieur à 1,25 fois le potentiel financier moyen par habitant des communes de métropole de moins de 1 000 habitants.

La seconde part permet de majorer la première. Elle est attribuée à deux catégories de communes :

- aux communes éligibles à la première part dont la population est inférieure à 200 habitants. Ces communes bénéficient d'une attribution de la seconde part égale au montant attribué au titre de la première part, soit un doublement de la première part ;

- aux communes éligibles à la première part dont la population est comprise entre 200 et 500 habitants. Ces communes bénéficient d'une attribution de la seconde part égale à 50 % du montant de la première part.

Montant de la DPEL versée aux communes en 2023
(1e et 2e parts réunies)

Nombre d'habitants dans la commune concernée

DPEL versée par commune

Nombre de communes concernées

Pourcentage de communes concernées
(par rapport au nombre total de communes dans la strate21(*))

Communes de moins de 200 habitants

6 058 €

7 450

84,9 %

Communes entre 200 et 500 habitants

4 544 €

8 700

90,6 %

Communes entre 500 et 1 000 habitants

3 029 €

5 350

80,3 %

En 2023, la DPEL s'élève ainsi à 108,56 milliards d'euros22(*).

Selon le Gouvernement :

- les montants retracés ci-dessus constituent un point d'équilibre satisfaisant : ils permettent à toutes les communes de moins de 500 habitants de bénéficier d'une majoration de leur dotation dès lors que leur potentiel financier par habitant ne dépasse pas 125 % de la moyenne ;

- ce seuil de 125 % est suffisamment élevé pour n'exclure du bénéfice de la dotation que les communes qui peuvent, objectivement, lever assez de ressources pour assumer les charges liées aux mandats locaux. Interrogé par vos rapporteurs, le ministère en charge des collectivités locales a en effet jugé équitable que « le bénéfice de la dotation soit ciblée sur les communes les plus fragiles qui, sans elle, n'auraient pas nécessairement les moyens de faire face à leurs charges en matière de démocratie locale ».

C. L'ÉTAT DOIT RENFORCER SON ACCOMPAGNEMENT FINANCIER À L'ÉGARD DES COMMUNES DE MOINS DE 3 500 HABITANTS

Vos rapporteurs sont conscients que toute amélioration du régime indemnitaire des élus locaux constitue une charge supplémentaire pour les collectivités territoriales et doit donc être appréciée au regard de sa soutenabilité pour les budgets des collectivités.

C'est pourquoi, afin d'accompagner la mise en place des nouveaux plafonds indemnitaires issus de la loi « engagement et proximité », la DPEL avait été significativement augmentée en 2020. Son montant était passé de 65 millions à plus de 101 millions d'euros, avec près de 36 millions concentrés sur les plus petites communes.

Une nouvelle majoration de cette dotation sera nécessaire pour accompagner la mise en place des mesures proposées par votre mission concernant la valorisation des indemnités, à la fois au 1er janvier 2024 (indexation sur l'inflation) et avant le renouvellement municipal de 2026 (revalorisation globale des indemnités).

Cet accompagnement financier de l'État est d'autant plus indispensable que de nombreux maires et adjoints renoncent actuellement à percevoir leur indemnité, afin de ne pas grever le budget de leur commune, étant rappelé que l'article L. 1612-4 du CGCT pose le principe selon lequel les collectivités territoriales doivent voter leurs actes budgétaires en équilibre réel. Ainsi, plus d'un maire sur trois déclare partager son indemnité avec des membres de leur conseil municipal.

Enquête AMF-Gouvernement, réalisée par le CEVIPOF (novembre 2023)

1. Étendre le bénéfice de la DPEL pour revitaliser notre démocratie locale

Vos rapporteurs recommandent d'augmenter le seuil d'éligibilité de la DPEL de 1 000 à 3 500 habitants, le seuil actuel paraissant trop restrictif.

6 779 communes seraient ainsi concernées par cette extension du bénéfice de la DPEL, qui s'élèverait à 3 029 €, comme pour les communes entre 500 et 1 000 habitants.

2. Supprimer la condition de potentiel financier dans le calcul de la DPEL afin que l'ensemble des communes de moins de 3 500 habitants en bénéficient

Vos rapporteurs recommandent également de supprimer la condition précitée de potentiel financier dans le calcul de la DPEL afin que l'ensemble des communes de moins de 3 500 habitants en bénéficient.

Conjuguée à la proposition précédente, cette mesure aurait un coût de 36,67 millions d'euros par an23(*).

Le tableau ci-dessous retrace la situation telle que souhaitée par vos rapporteurs. Les modifications par rapport à la situation actuelle apparaissent en rouge et en italique.

Nombre d'habitants dans la commune concernée

DPEL versée par commune

Nombre de communes concernées

Application d'un critère financier

Communes de moins de 200 habitants

6 058 €

7 450

NON

Communes entre 200 et 500 habitants

4 544 €

8 700

Communes entre 500 et 1 000 habitants

3 029 €

5 350

Communes entre 1 000 et 3 500 habitants

3 029 €

6 779

RECOMMANDATION N°2 : garantir l'accompagnement financier de l'État pour favoriser l'indispensable engagement dans le mandat local

- augmenter le seuil d'éligibilité à la DPEL de 1 000 à 3 500 habitants et l'indexer sur l'inflation ;

- supprimer la condition de potentiel financier dans le calcul de la DPEL afin que l'ensemble des communes de moins de 3 500 habitants en bénéficient.

III. GARANTIR LA RESPONSABILISATION FINANCIÈRE DE L'ÉTAT PAR LA CRÉATION D'UNE DOTATION VISANT À COMPENSER L'ACTIVITÉ DES MAIRES POUR L'ÉTAT

Au titre du dédoublement fonctionnel, les maires consacrent une part de leur activité à des tâches importantes réalisées au nom de l'État (état civil, élections, cimetières, police judiciaire...) ou en appui des actions régaliennes (police municipale).

Reconnaître que le maire a deux fonctions, dont l'une est d'être représentant de l'État dans sa commune, implique de créer une contribution de l'État.

Vos rapporteurs estiment que le montant de cette contribution devrait être égale à 10 % du plafond indemnitaire du maire, au regard du temps équivalent consacré par le maire à ses fonctions d'État.

Cette indemnité serait versée à la commune. Lorsque cette dernière bénéficie déjà d'une aide de l'État sous forme de la DPEL, cette dotation viendrait en complément de cette dernière.

Le coût estimé de la mesure proposé serait d'environ 63 millions d'euros.

Estimation du coût de la mesure proposée

Population totale
(nombre d'habitants)

Dotation mensuelle de l'État
(10 % du plafond)

Nombre de communes par strate

TOTAL annuel

< 500

104,19 €

18 383

22 984 118 €

500 à 999

164,66 €

6 664

13 167 691 €

1 000 à 3 499

210,83 €

6 779

17 150 762 €

3 500 à 9 999

224,73 €

2 136

5 760 151 €

10 000 à 19 999

265,58 €

538

1 714 610 €

20 000 à 49 999

367,73 €

338

1 491 517 €

50 000 à 99 999

449,45 €

88

474 619 €

100 000 à 200 000

592,46 €

31

220 394 €

> 200 000
(y compris Marseille et Lyon)

592,46 €

11

78 204 €

Total

   

63 042 066 €

Source : Délégation du Sénat aux collectivités territoriales

RECOMMANDATION N°3 : garantir la responsabilisation financière de l'État en créant une contribution de l'État au bénéfice de la commune, complémentaire, le cas échéant, de la DPEL, afin de compenser l'activité des maires agissant pour le compte de l'État. Cette contribution de l'État serait égale à 10 % du plafond indemnitaire du maire dans la strate concernée.

IV. DONNER DAVANTAGE DE MARGES DE MANOEUVRE FINANCIÈRES AU CONSEIL MUNICIPAL DANS L'ATTRIBUTION DES INDEMNITÉS AUX ÉLUS

A. LA DÉLÉGATION A PROPOSÉ EN 2018 DE CLARIFIER LES RÈGLES CONCERNANT L'ENVELOPPE INDEMNITAIRE GLOBALE

L'enveloppe indemnitaire globale correspond à l'indemnité maximale du maire et aux indemnités maximales des adjoints en exercice, déterminées en fonction de la strate démographique de la commune, et ce hors majorations24(*). Cette enveloppe est donc calculée en additionnant l'indemnité maximale du maire et celle de tous les adjoints en exercice.

En 2018, votre délégation appelait à « clarifier et codifier les modalités de détermination de l'« “enveloppe indemnitaire globale” » (recommandation n°6). Le rapport soulignait en effet que les modalités de détermination de l'« enveloppe indemnitaire globale » pouvaient être « mal interprétées ou mal appliquées localement, engendrant in fine un risque de contentieux ».

B. CETTE RECOMMANDATION A ÉTÉ SUIVIE D'EFFET

Cette recommandation a été mise en oeuvre par le vote de dispositions figurant à l'article 92 de la loi « engagement et proximité ». Ces mesures, introduites à l'initiative du Sénat25(*), prévoient que l'application de majorations aux indemnités de fonction des élus municipaux doit désormais faire l'objet d'un vote distinct. En d'autres termes, un premier vote est désormais nécessaire pour déterminer le montant des indemnités de fonction, dans le respect du plafond fixé par l'enveloppe indemnitaire globale ; un second vote est requis afin que le conseil municipal se prononce sur les majorations.

C. IL EST NÉCESSAIRE DE GARANTIR LA LIBERTÉ D'AGIR DU MAIRE EN ASSOUPLISSANT LE CALCUL DE L'ENVELOPPE INDEMNITAIRE GLOBALE

L'intérêt principal de l'enveloppe indemnitaire globale réside dans la modulation de rémunération qu'elle permet entre membres du conseil municipal. En effet, si le barème de rémunération fixé pour les maires à l'article L. 2123-23 du CGCT en fonction de strate démographique, indique des montants plafonds26(*), les indemnités versées à un adjoint, ou à un conseiller municipal d'une commune de plus de 100 000 habitants, peuvent dépasser les taux fixés, à condition de rester dans la limite du montant de cette enveloppe globale27(*).

Autrement dit, si le maire renonce à une partie du montant de son indemnité, ou si l'indemnité d'un ou plusieurs adjoints est fixée à un taux inférieur au barème, le conseil municipal peut décider :

- soit d'attribuer une indemnité plus importante en faveur d'autres adjoints, sans toutefois dépasser le montant global de l'enveloppe28(*) ;

- soit de verser une indemnité29(*) aux « simples » conseillers municipaux, ayant reçu ou non une délégation de fonction30(*).

Vos rapporteurs estiment nécessaire d'assouplir les modalités d'utilisation de l'enveloppe. En effet, les adjoints pris en compte pour le calcul de cette enveloppe sont ceux exerçant effectivement leurs fonctions. Si le nombre d'adjoints est inférieur au nombre maximal autorisé en fonction de la strate, l'enveloppe est calculée sur ce nombre effectif.

Votre mission recommande de permettre aux communes de définir le volume des indemnités allouées à partir du nombre théorique maximal d'adjoints susceptibles d'être désignés. L'enveloppe globale serait ainsi augmentée, de sorte que si le nombre maximal n'est pas atteint, il serait possible de répartir le surplus au sein du conseil municipal. Une telle majoration donnerait davantage de marges de manoeuvre financières au conseil municipal, en compensation de la charge de travail supplémentaire résultant de l'absence de certains adjoints.

Cette recommandation est d'autant plus importante qu'en application des dispositions des articles L. 2122-2 et L. 2122-18 du CGCT, le maire peut nommer des conseillers délégués, alors que tous les postes d'adjoints auxquels la commune peut prétendre n'ont pas été pourvus31(*).

RECOMMANDATION N°4 : donner davantage de marges de manoeuvre financières au conseil municipal dans l'attribution des indemnités aux élus, en particulier pour tenir compte de la situation des conseillers délégués.

V. AMÉLIORER LA PRISE EN CHARGE DES FRAIS DE TRANSPORT EXPOSÉS PAR LES ÉLUS LOCAUX LORSQU'ILS REPRÉSENTENT LEUR COLLECTIVITÉ ÈS QUALITÉS

A. LES ÉLUS LOCAUX PEUVENT ÊTRE REMBOURSÉS DE LEURS FRAIS DE TRANSPORT

Afin de faciliter l'exercice de leur mandat, les élus locaux peuvent bénéficier, en plus de leurs indemnités de fonction, de l'indemnisation de frais exposés dans le cadre de leurs fonctions. Conformément aux dispositions de l'article L. 2123-18-1 du CGCT, les membres du conseil municipal peuvent ainsi bénéficier du remboursement des frais de transport engagés pour se rendre à des réunions dans des instances ou organismes où ils représentent leur commune ès qualités, lorsque la réunion a lieu hors du territoire de celle-ci. Des dispositions analogues existent pour les conseillers intercommunaux, départementaux et régionaux. La prise en charge de ces remboursements de frais, sur présentation des pièces justificatives, est assurée dans les conditions définies par le décret n° 2006-781 du 3 juillet 2006 fixant les conditions et les modalités de règlement des frais occasionnés par les déplacements temporaires des personnels civils de l'État.

En application de l'article L. 2123-18-1, le remboursement aux élus constitue une simple faculté  les membres du conseil municipal peuvent bénéficier du remboursement... »).

B. CETTE PRISE EN CHARGE DOIT DEVENIR OBLIGATOIRE ET ÊTRE COMPENSÉE PAR L'ÉTAT POUR LES COMMUNES DE MOINS DE 3500 HABITANTS 

Vos rapporteurs recommandent :

- de rendre obligatoire ce remboursement, de la même façon que la loi « engagement et proximité » a rendu obligatoire le remboursement des frais de garde d'enfants ou d'assistance aux personnes à charge32(*) ; ce caractère obligatoire serait étendu aux élus intercommunaux, départementaux et régionaux ; il est important de rappeler ici que le développement de l'intercommunalité a généré des déplacements importants pour les élus ;

- de créer, au sein de la DPEL, une part spécifique permettant de financer ces frais de déplacement, pour toutes les communes de moins de 3 500 habitants. En effet, de la même façon que de nombreux maires et adjoints renoncent à leurs indemnités pour ne pas peser sur les budgets locaux, beaucoup d'élus, pour les mêmes raisons, se refusent à solliciter un quelconque remboursement de leurs frais de transport même lorsqu'il est prévu par le conseil municipal. Le caractère obligatoire n'aura d'effets pratiques que si l'État couvre les frais correspondants.

Selon la DGCL interrogée par vos rapporteurs, le poste « frais de mission et de déplacement » représente un montant de 5,83 millions d'euros en 2022 pour les communes de moins de 100 000 habitants, dont 1,42 million d'euros pour les communes de moins de 3 500 habitants. Il s'agit donc d'un montant relativement faible pour l'État, alors qu'il pèse lourdement dans les budgets des petites communes.

Frais de mission et de déplacement en 2022

Nombre d'habitants

Montants

Moins de 100 hab.

17 086 €

100 à 200 hab.

50 857 €

200 à 500 hab.

152 576 €

500 à 2 000 hab.

646 128 €

2 000 à 3 500 hab.

558 299 €

TOTAL

1 424 946? €

Source : DGCL

Vos rapporteurs insistent en outre sur la nécessité de prendre en compte la situation particulière des frais de transport des élus étudiants, dont il faut encourager l'engagement dans le mandat local (cf supra, création d'un statut de l'élu étudiant).

RECOMMANDATION N°5 : améliorer la prise en charge par l'État des frais de transport exposés par les élus locaux lorsqu'ils représentent leur collectivité ès qualités, notamment dans les intercommunalités.

VI. DONNER AUX ÉLUS DES POSSIBILITÉS AMÉLIORÉES, AUX PLANS JURIDIQUE ET PRATIQUE, DE CONTINUER À EXERCER LEUR MANDAT DANS LE CADRE D'UN ARRÊT MALADIE

Vos rapporteurs souhaitent que les élus puissent, plus facilement qu'aujourd'hui, continuer à exercer leur mandat dans le cadre d'un arrêt maladie.

A. LA LOI « ENGAGEMENT ET PROXIMITÉ » A PRÉVU LA POSSIBILITÉ DE CUMULER LES INDEMNITÉS D'ÉLUS ET LES INDEMNITÉS JOURNALIÈRES EN CAS D'ARRÊT MALADIE

L'article 103 de la loi « engagement et proximité » a consacré la possibilité pour les élus locaux de poursuivre leur mandat durant leur congé maladie, sous réserve de l'accord formel de leur praticien (article L. 323-6 du code de la sécurité sociale).

Le Sénat avait toutefois défendu une position plus protectrice pour les élus. En effet notre assemblée, à l'initiative de M. Darnaud et de Mme Gatel, rapporteurs pour la commission des lois, avait inversé le principe, au bénéfice des élus, s'inspirant d'une proposition de votre délégation.

Les élus locaux auraient été autorisés à poursuivre l'exercice de leur mandat à deux conditions :

- ils n'ont reçu aucune contrindication médicale ;

- ils sont volontaires pour continuer à exercer leurs fonctions33(*).  

L'Assemblée nationale a toutefois préféré que les élus locaux obtiennent l'accord explicite de leur médecin pour continuer d'exercer leur mandat.

B. IL EST NÉCESSAIRE DE RENDRE LE DISPOSITIF PLUS PROTECTEUR ET MIEUX CONNU

1. Revenir à la position initiale du Sénat sur l'accord implicite du médecin

Vos rapporteurs proposent de revenir à la position défendue par le Sénat dans le cadre de l'examen du projet de loi « engagement et proximité ». Ainsi, sauf avis contraire du praticien, les élus locaux qui le souhaitent pourraient poursuivre l'exercice de leur mandat. 

2. Faire connaître les dispositions en vigueur auprès de tous les acteurs concernés

Vos rapporteurs relèvent que même le dispositif actuel est très mal connu dans les territoires.

En effet, les organismes de sécurité sociale assimilent fréquemment l'exercice d'un mandat local à une activité professionnelle, ce qui peut représenter une forte contrainte pour les élus locaux. Certains d'entre eux ont dû rembourser jusqu'à 10 000 euros aux URSSAF pour avoir poursuivi leur engagement local en toute bonne foi !

« Soucieux de ces situations dramatiques qui nuisent à la vocation des élus », le président de l'AMF, David Lisnard, a saisi en juillet 2023 le ministre de la santé afin qu'une solution soit mise en oeuvre dans les meilleurs délais. Vos rapporteurs soutiennent fortement cette démarche.

Dans l'attente d'une évolution législative que votre délégation appelle de ses voeux (cf point précédent), le dispositif actuel doit être pleinement appliqué.

Plusieurs sénateurs se sont fait l'écho des dysfonctionnements susmentionnés. Ainsi, notre collègue Franck Menonville a dénoncé le fait que les caisses primaires d'assurance maladie (CPAM) réclament des remboursements des indemnités journalières versées en cas d'arrêt maladie auprès des élus qui ont continué, après accord médical, d'exercer leur mandat malgré cet arrêt maladie34(*). Par ailleurs, certains professionnels de santé ignoreraient cette faculté qui est offerte au bénéfice de la continuité de l'exercice des mandats municipaux et, comme l'a signalé notre collègue Dominique Vérien, « les praticiens eux-mêmes ne sont bien souvent pas au courant de cette subtilité »35(*).

Vos rapporteurs recommandent donc :

- au ministère de la santé de trouver une solution aux dysfonctionnements constatés ;

- au Conseil national de l'Ordre des Médecins de lancer une campagne de sensibilisation à l'attention des médecins.

Lors de la présentation du rapport, certains membres de la délégation ont souligné que cette mesure législative pouvait parfois être mal comprise de nos concitoyens. Comment un salarié pourrait-il être en incapacité de travailler tout en étant apte à exercer sa fonction d'élu ? Vos rapporteurs soulignent que cette possibilité d'exercice du mandat doit naturellement être appréciée par le praticien in concreto, avec intelligence et humanité. La décision du médecin, qu'elle soit explicite ou implicite, doit tenir compte de nombreux paramètres, aux premiers rangs desquels la nature de la maladie et les fonctions exercées par l'élu.

En tout état de cause, et d'une manière générale, il serait utile, dans un double objectif d'intelligibilité et d'accessibilité du droit, de regrouper tous les droits des élus au sein du CGCT, par exemple après l'article L. 1111-1-1 du CGCT relatif à la charte de l'élu local. En effet, les conditions d'exercice du mandat local sont actuellement dispersées et manquent de lisibilité pour tous les acteurs.

RECOMMANDATION N°6 : donner aux élus qui le souhaitent des possibilités améliorées, aux plans juridique et pratique, de continuer à exercer leur mandat dans le cadre d'un arrêt maladie.

VII. DANS LE RESPECT DE LA VOLONTÉ DU LÉGISLATEUR, FACILITER L'ACCÈS DES PERSONNES EN SITUATION DE HANDICAP AUX FONCTIONS ÉLECTIVES

A. LA LOI « ENGAGEMENT ET PROXIMITÉ » A PRÉVU LE CUMUL DE L'ALLOCATION ADULTE HANDICAPÉ AVEC UNE INDEMNITÉ DE FONCTION ÉLECTIVE LOCALE

L'article 97 de la loi « engagement et proximité » prévoit le cumul de l'allocation adulte handicapé (AAH) avec une indemnité de fonction élective locale. Il modifie ainsi l'article L. 821-3 du code de la sécurité sociale, en excluant, en partie, les indemnités de fonction allouées au titre d'un mandat électoral local des ressources prises en compte pour calculer cette allocation, au même titre qu'une rémunération professionnelle.

Cet article de loi constitue une avancée significative pour les élus locaux en situation de handicap, en mettant fin à une injustice qui entrainait pour les élus handicapés une perte équivalente de leurs indemnités de fonction sur leur AAH. Il contribue ainsi à la démocratisation des fonctions électives.

B. VOTRE DÉLÉGATION DEMANDE LA PUBLICATION SANS DÉLAI DU DÉCRET D'APPLICATION

Votre délégation appelle le Gouvernement à respecter la volonté du législateur. En effet, la mise en oeuvre concrète de cette mesure, adoptée à l'unanimité par le Sénat, est neutralisée par l'absence de décret d'application. Notre co-rapporteur, M. Éric Kerrouche a interpellé à plusieurs reprises le Gouvernement à ce sujet. En 2021, il lui a été répondu qu'un projet de décret « était à l'étude »36(*). Pourtant, les dispositions réglementaires n'ont pas, à ce jour, été prises plus de trois ans après la promulgation de la loi. Une nouvelle question posée le 5 mai 2023 par M. Eric Kerrouche est demeurée lettre morte, ce qui n'est pas acceptable37(*).

En conséquence, votre mission recommande au Gouvernement de respecter la volonté du législateur et de publier ainsi sans délai le décret d'application.

RECOMMANDATION N°7 : dans le respect de la volonté du législateur, faciliter l'accès des personnes en situation de handicap aux fonctions électives.

VIII. AMÉLIORER LE RÉGIME DES AUTORISATIONS D'ABSENCE ET DES CRÉDITS D'HEURES POUR COMPENSER LES PERTES DE REVENU LIÉES À L'EXERCICE DU MANDAT

A. LE DROIT EN VIGUEUR PRÉVOIT CERTAINES GARANTIES POUR PERMETTRE AUX ÉLUS SALARIÉS DE CONSACRER DU TEMPS À LEUR MANDAT

Un certain nombre de garanties sont accordées aux élus dans leur activité professionnelle. Pour permettre à l'élu de pouvoir consacrer un minimum de temps au service de sa collectivité, des autorisations d'absence et des crédits d'heures.

Les premières concernent les participations aux diverses réunions et séances plénières.

Quant au crédit d'heures, il permet à l'élu de disposer du temps nécessaire à la gestion de la collectivité et à la préparation des réunions des instances où il siège. Indépendant des autorisations d'absence, le crédit d'heures, forfaitaire, est un droit pour tous les élus.

Si l'employeur (public ou privé) doit accorder les autorisations d'absence ainsi que les crédits d'heures, il n'est pas tenu de rémunérer ces temps d'absence.

C'est pourquoi le législateur a prévu que les pertes de revenu subies par les élus qui exercent une activité professionnelle salariée ou non salariée et qui ne bénéficient pas d'indemnités de fonction puissent être compensées par la collectivité. Cette compensation est limitée à soixante-douze heures par élu et par an ; chaque heure ne peut être rémunérée à un montant supérieur à une fois et demie la valeur horaire du salaire minimum de croissance (SMIC)38(*).

B. VOTRE DÉLÉGATION RECOMMANDE DE RELEVER LE PLAFOND DE PRISE EN CHARGE PAR LA COLLECTIVITÉ

Afin de mieux compenser les pertes de revenu subies par les élus et garantir ainsi une meilleure conciliation du mandat avec l'exercice d'une activité professionnelle, vos rapporteurs recommandent de :

- prévoir que les crédits d'heures ou les autorisations d'absence non payés par l'employeur soient pris en charge par la collectivité, dans un plafond égal à deux fois la valeur horaire du SMIC, et non plus une fois et demie comme actuellement ;

- réfléchir à l'octroi de compensations (crédit d'engagement citoyen, exonérations fiscales...) accordées aux entreprises qui engagent des élus. Ce point sera développé par votre délégation dans le cadre du rapport consacré à la conciliation entre le mandat local et la vie professionnelle.

RECOMMANDATION N°8 : garantir une meilleure conciliation du mandat avec l'exercice d'une activité professionnelle :

- prévoir que les crédits d'heures ou les autorisations d'absence non payés par l'employeur soient pris en charge par la collectivité, dans un plafond égal à deux fois la valeur horaire du SMIC, et non plus une fois et demie comme actuellement ;

- réfléchir à l'octroi de compensations (crédit d'engagement citoyen, exonérations fiscales...) accordées aux entreprises qui engagent des élus.

CONCLUSION GÉNÉRALE

La question de la juste indemnisation des élus est une exigence démocratique majeure, en ce sens que tout citoyen doit pouvoir être candidat à une élection politique, quels que soient son âge, ses origines sociales et son activité professionnelle.

Toute l'action du législateur a consisté, dans le respect du principe historique de « gratuité », à rechercher un équilibre entre la nécessaire compensation du temps passé au service de la collectivité et le risque d'une professionnalisation des élus. Autrement dit, si le mandat électif ne doit pas être un métier, il ne doit pas non plus être un sacerdoce décourageant qui pénalise ceux qui l'exercent, conduisant à une dégradation de leur sécurité matérielle.

L'équilibre auquel est parvenu le législateur dans la loi « engagement et proximité » de 2019 semble aujourd'hui insuffisant. La crise de vocations et le malaise des maires en sont les illustrations les plus emblématiques.

De la même façon que la loi a consolidé, en 202139(*), notre modèle de sécurité civile et valorisé le volontariat des sapeurs-pompiers, dont chacun salue le dévouement pour la collectivité, notre pays doit faire plus et mieux pour les élus.

Nos concitoyens sont éminemment conscients de l'importance des missions que ceux-ci exercent, pour le compte tant de la collectivité, que de l'État (sécurité, élections, état civil...). Ils sont tout autant conscients des fortes contraintes qu'ils subissent depuis des années : une charge de travail de plus en plus lourde, une complexité croissante des tâches, une prolifération des normes, des équipes administratives souvent insuffisantes, des attentes toujours plus fortes des citoyens, une responsabilisation et une judiciarisation accrues.

Pour autant, la dégradation des comptes publics est un argument souvent avancé pour repousser à des lendemains meilleurs la question du statut « financier » des élus locaux. C'est également un argument repris par les maires eux-mêmes pour renoncer à leurs indemnités lorsque le budget de la collectivité est fragile.

Vos rapporteurs sont toutefois convaincus que nos concitoyens sont attachés à la qualité du service rendu par les élus locaux. Comme l'a souligné David Lisnard, président de l'Association des maires de France lors de la convention nationale de la démocratie locale, organisée le 7 novembre 2023, si la démocratie n'a pas de prix, elle a un coût que nous devons collectivement assumer.

Que serait une France sans ses élus locaux ? Qui pourrait assurer leurs fonctions à leur place ? Qui assumerait le surcoût pour notre pays, estimé à plus de 1,9 milliard d'euros dans le cadre du présent rapport ?

Si la question de l'indemnité des élus constitue un élément incontournable de toute réflexion sur le statut des élus locaux, elle n'épuise évidemment pas le sujet. C'est pourquoi vos rapporteurs appellent de leurs voeux, l'adoption par l'Assemblée nationale, dans les meilleurs délais, de la proposition de loi de notre assemblée visant, d'une part, à mieux protéger les élus locaux dans l'exercice de leurs mandats, d'autre part, à améliorer l'accompagnement des élus par les acteurs chargés des élus victimes.

En outre, deux autres rapports de la délégation viendront utilement compléter le présent rapport : le premier portera sur la facilitation de l'engagement dans le mandat local et l'amélioration de son exercice : (autorisation d'absence, crédits d'heures, non-discrimination, formation initiale et continue...) ; le second rapport sur la réussite et la sécurisation de l'après-mandat (retraite, allocation différentielle de fin de mandat, reconversion...).

Il est impératif de doter enfin les élus d'un véritable statut à la hauteur de leur responsabilité et de leur engagement.

Gageons que les travaux de la délégation contribueront à une salutaire prise de conscience collective.

EXAMEN EN DÉLÉGATION

Lors de sa réunion du 16 novembre 2023, la délégation aux collectivités territoriales a autorisé la publication du présent rapport.

Mme Françoise Gatel, présidente et rapporteure. - Nous présenterons ce jour le rapport du premier volet de la mission sur le statut des élus locaux qui a trait aux indemnités. Ce rapport a été réalisé par Éric Kerrouche, François Bonhomme et moi-même.

Nous avons dû travailler très rapidement. Il nous a fallu attendre la reconstitution de la délégation, le 18 octobre, puis désigner un rapporteur avec une présentation du rapport ce jour, avant le congrès des maires. Je remercie mes collègues pour l'intensité et la qualité du travail fourni.

Le premier volet de notre mission sur la facilitation et la sécurisation de l'engagement des élus a trait aux indemnités des élus locaux, en affirmant que l'engagement des élus locaux est un engagement civique qui n'a pas de prix, mais a un coût, en premier lieu pour les élus locaux qui méritent d'être totalement reconsidérés. Comme le dit souvent le Président du Sénat, il n'y a point d'avenir pour nos territoires - et j'ajouterai pour la République - si les élus n'en ont plus.

Ce constat est au coeur de deux rapports du Sénat, publiés en juillet 2023 : le rapport de Gérard Larcher, Président du Sénat, intitulé « Libre administration, simplification, libertés locales : 15 propositions pour rendre aux élus locaux leur ''pouvoir d'agir '' » et le rapport sur l'avenir du maire, de Mathieu Darnaud, vice-président du Sénat, intitulé « Avis de tempête sur la démocratie locale : soignons le mal des maires ». Tous deux lancent un signal d'alarme que nous devons prendre très au sérieux.

On compte 345 communes qui n'ont pas de conseil municipal complet, faute de candidats en nombre suffisant. Je ne parle pas du nombre de communes de taille significative qui n'ont eu qu'une liste aux élections. Au-delà des 1 200 démissions répertoriées depuis les dernières élections municipales, le désenchantement et la lassitude posent question.

Nous nous sommes saisis du sujet qui comporte trois volets. Le premier, sur le régime indemnitaire, nous a conduits à auditionner, ou à recevoir les contributions de toutes les associations d'élus et à nous plonger dans les rapports précédents du Sénat qui restent pertinents. Je pense notamment au rapport de 2018 de la délégation aux collectivités et que je vous invite à lire puisque l'essentiel des volets dont nous parlerons ont été couverts.

L'engagement de l'élu local en France a été construit sur le principe d'un engagement civique fondé sur la gratuité. Le mandat découle d'une élection au suffrage universel, ouverte à tous les concitoyens à partir d'un certain âge. Il ne s'agit donc pas d'un métier rémunéré, mais d'une fonction élective à durée déterminée. Seul un tiers des élus locaux reçoit aujourd'hui une indemnité afin de compenser l'exercice de leur charge. Nous savons cependant que les crises se succèdent et nous ne pouvons accepter que le dévouement rime avec sacrifice personnel, familial, professionnel et financier, d'autant que s'ajoute à cela l'exposition au risque pénal. L'exigence de temps n'a plus rien à voir avec le temps initialement consacré par les maires à leur mandat, en raison de la complexité, mais aussi du fait de la montée en puissance de l'intercommunalité, très exigeante, et des difficultés de recrutements de personnel - 1 600 postes de secrétaires de mairie ne sont ainsi pas pourvus aujourd'hui. Nous proposons donc de garantir une meilleure protection matérielle des élus afin de faciliter et de sécuriser l'exercice du mandat d'élu local. La sécurisation de l'élu sécurise également sa famille.

Nous présenterons huit recommandations. Nous avons d'abord examiné notre recommandation formulée en 2018. Une interrogation perdure sur la gratuité de la fonction élective ou sur la professionnalisation de la fonction élective. En 2018, l'importance de la gratuité avait été réaffirmée, mais la délégation avait recommandé de revaloriser le niveau maximal des indemnités de fonction des maires des communes de moins de 100 000 habitants, et particulièrement en deçà de 1 000 habitants. Dans la loi « engagement et proximité », le Sénat a rehaussé les indemnités des élus des plus petites communes, avec une revalorisation entre 30 et 50 %. La proposition initiale du gouvernement visant une revalorisation de 100 % semblait irréaliste puisque les élus ont du mal à utiliser l'intégralité des indemnités. La revalorisation de 30 à 50 % a donc donné satisfaction aux élus des plus petites communes. L'association des maires ruraux ne parle effectivement plus, ou très peu, de la revalorisation des indemnités. Le travail a donc été effectué correctement. Nous sommes allés jusqu'aux communes de moins de 3 500 habitants.

Le mandat local pénalise souvent ceux qui l'exercent. L'indemnité est ainsi largement inférieure au salaire moyen brut en France. Nous avons voulu estimer ce que pourrait coûter le remplacement des maires et des exécutifs par des fonctionnaires de catégorie A, à temps plein ou partiel. Le mode de calcul est sérieux et l'estimation aboutit à un coût de 3,4 milliards d'euros. Si les élus étaient remplacés par des fonctionnaires, même très investis, l'augmentation serait considérable sachant que l'engagement et la présence des fonctionnaires seraient peut-être moindres à celle des élus, lors d'événements comme les inondations du Pas-de-Calais. Nous soulignons également l'existence d'interrogations sur la corrélation entre l'indemnité et le temps consacré au mandat. Selon les retours des élus, ils consacrent en moyenne 32 heures par semaine à leur mission. Je rappelle que les indemnités sont déterminées de manière forfaitaire, en fonction des strates de la population, sans référence au temps consacré à la mission. Cette situation favorise donc les retraités et interroge sur la corrélation entre la démographie des élus locaux et la composition de la population française. Il existe une représentation disproportionnée de certaines strates démographiques et catégories socioprofessionnelles, ce qui nous amène à nous interroger sur le statut de l'élu étudiant.

Une association des jeunes élus a formulé des propositions : il est important de considérer l'engagement des étudiants qui sont les élus de demain. Nous appelons de nos voeux la création de dispositions particulières leur permettant de concilier mandat et études. Aujourd'hui, les étudiants ne bénéficient pas des autorisations d'absence pour leurs cours dont bénéficient les salariés.

Enfin, le principe même de gratuité pose question. Éric Kerrouche évoquera avec précision cette notion de contrat de droit public particulier qui fait l'objet d'une proposition de loi qu'il a déposée. Dans notre première recommandation, nous confirmons à ce stade la gratuité de l'engagement d'élu, mais il nous semble toutefois impératif de remédier à la dégradation des conditions d'exercice des mandats et nous formulons des propositions concrètes, à mettre en oeuvre dès le 1er janvier 2024.

Nous proposons d'indexer chaque année les indemnités des élus sur l'inflation puisque les élus ont perdu à peu près 9 % de pouvoir d'achat avec l'inflation. Avant le renouvellement municipal de 2026, une revalorisation globale des indemnités doit intervenir. L'indexation sur l'inflation a été chiffrée à 52 millions d'euros pour 2024.

Nous n'avons pas formulé de proposition concrète à ce stade pour plusieurs raisons. Les associations d'élus consultées ont toutes des propositions différentes, sans unité de position. Il nous a donc semblé plus raisonnable d'affirmer cette nécessité de revalorisation des indemnités pour tous les élus locaux, tout en considérant qu'il reste à affiner les modalités. À plus long terme, nous souhaitons réfléchir à la création d'un nouveau statut rémunéré pour certaines catégories d'élus.

La question de savoir ce qui sera à la charge des communes se pose : vous savez qu'il existe une dotation particulière élu local (DPEL) qui est l'accompagnement financier de l'État pour favoriser l'indispensable engagement citoyen et rendre possible le versement de l'indemnité aux élus par les communes. Dès le rapport de 2018, notre délégation préconisait d'augmenter le seuil d'éligibilité à la DPEL de 1 000 à 2 000 habitants et de hausser son montant à proportion des revalorisations indemnitaires. Le gouvernement a réformé en 2020 l'architecture de la DPEL en créant deux parts : la première est attribuée aux communes dont la population est inférieure à 1 000 habitants et dont le potentiel financier est inférieur à 1,25 fois le potentiel financier moyen par habitant des communes de France métropolitaine de moins de 1 000 habitants ; la seconde part permet de majorer la première part pour les communes dont la population est inférieure à 500 habitants.

Plus de 85 % des communes de moins de 1 000 habitants sont éligibles à la DPEL. Celles qui restent ne sont pas extrêmement riches pour autant : il suffit qu'une commune de cette taille compte une personne ayant gagné au loto pour faire exploser le potentiel financier de la commune. Nous proposons de supprimer cette clause de potentiel financier et de passer la DPEL de 1 000 à 3 500 habitants, en l'indexant sur l'inflation.

M. François Bonhomme, rapporteur. - Je vous présente nos propositions suivantes.

Pour la troisième proposition, nous souhaitons garantir la responsabilisation financière de l'État en créant une dotation compensant l'action remplie par les maires au nom de l'État. Ils consacrent effectivement une part de leur activité à des tâches réalisées au nom de l'État qu'il s'agisse des tâches d'état civil, de la préparation des élections, de la police judiciaire, ou encore de l'appui aux fonctions régaliennes avec la police municipale.

La proposition vise donc à reconnaître que le maire exerce deux fonctions séparées, dont l'une consiste à représenter l'État dans la commune, ce qui implique selon nous de créer une contribution propre de l'État estimée à 10 % du plafond indemnitaire du maire. Nous opérons cette séparation symbolique importante pour rendre visible cette mission propre réalisée au nom de l'État.

Cette proposition a une valeur spectaculaire ou « choc ». Cette contribution nous paraît pleinement légitime et cohérente avec l'esprit de nos propositions, puisque le maire est trop souvent devenu une sorte de « passager clandestin » de l'État pour reprendre la formule de notre Présidente.

Concrètement, cette indemnité sera versée à la commune, le cas échéant en complément de la DPEL, pour les communes qui perçoivent cette dotation. Le coût de cette nouvelle mesure est estimé à 63 millions d'euros, chiffre à comparer à celui précédemment donné sur l'estimation du coût des fonctionnaires remplaçant les maires, soit 3,4 milliards d'euros.

Notre quatrième recommandation vise à donner davantage de marges de manoeuvre financières aux conseils municipaux lorsqu'ils attribuent les indemnités aux élus. L'enveloppe globale correspond à l'indemnité maximale des maires et des adjoints en exercice. Elle est déterminée en fonction de la strate démographique de la commune, et ce hors majorations. En 2018, notre délégation avait déjà appelé à clarifier et codifier les modalités de détermination de cette enveloppe. Suivant cette recommandation, la loi « engagement et proximité » prévoit que l'application de majorations aux indemnités de fonction des élus municipaux doit faire l'objet d'un vote distinct lors de la délibération qui fixe le montant des indemnités de fonction.

Cette recommandation de la délégation vise à donner plus de liberté au maire en assouplissant les modalités de calcul de l'enveloppe indemnitaire globale. L'intérêt principal de l'enveloppe indemnitaire globale réside dans le fait de permettre une modulation de rémunération au sein du conseil municipal. Ainsi, si le maire et certains adjoints ne perçoivent pas la totalité de leurs indemnités, le conseil municipal peut décider, sans dépasser le montant de l'enveloppe globale, soit d'attribuer une indemnité plus importante à d'autres adjoints, puisque certaines fonctions d'adjoints sont plus prenantes que d'autres, soit de verser une indemnité aux simples conseillers municipaux ayant reçu ou non une délégation de fonction. Actuellement, les adjoints pris en compte pour le calcul de cette enveloppe sont ceux exerçant effectivement leurs fonctions : si le nombre d'adjoints est inférieur au nombre maximal autorisé en fonction de la strate, l'enveloppe est calculée sur ce nombre effectif. Nous recommandons donc permettre aux communes de définir le volume des indemnités allouées à partir du nombre théorique maximal d'adjoints susceptibles d'être désignés. L'enveloppe globale serait ainsi augmentée, de sorte que si le nombre maximal n'est pas atteint, il serait possible de répartir le surplus au sein du conseil municipal. Une telle majoration donnerait davantage de marges de manoeuvre financières au conseil municipal, en compensation de la charge de travail supplémentaire résultant de l'absence de certains adjoints.

La cinquième recommandation vise à améliorer la prise en charge des frais de transport exposés par les élus locaux quand ils représentent leur collectivité ès qualités. Afin de faciliter l'exercice de leur mandat, les élus peuvent bénéficier de l'indemnisation de frais exposés dans le cadre de leurs fonctions, sur présentation de justificatifs. Il s'agit des frais de transport engagés pour se rendre à des réunions dans des instances ou organismes où ils représentent leur commune ès qualités, lorsque la réunion se tient en dehors du territoire de celle-ci. Des dispositions analogues existent pour les conseillers intercommunaux, départementaux et régionaux.

Nous proposons de rendre obligatoire ce remboursement et de créer, au sein de la DPEL, une part spécifique permettant de financer ces frais de déplacement, pour toutes les communes de moins de 3 500 habitants. En effet, nous ne souhaitons pas que ces frais pèsent sur les budgets locaux. Beaucoup d'élus se refusent de fait à solliciter un quelconque remboursement de leurs frais de transport, même lorsqu'il est prévu par le conseil municipal. Enfin, une attention particulière doit être portée à la situation des élus étudiants dont le lieu d'enseignement peut être éloigné de la collectivité dont ils sont élus.

M. Éric Kerrouche, rapporteur. - Je vous présente les recommandations suivantes.

Avant de présenter ces recommandations, je reviens sur la façon de rémunérer les élus. J'ai, avec d'autres collègues, déposé un texte sur la transformation de la logique indemnitaire. Étant donné d'une part la technicité croissante des fonctions électives et d'autre part le temps, de plus en plus important, consacré à l'exercice du mandat, il n'est plus possible, pour certains élus, d'avoir une activité professionnelle et d'exercer en même temps leur mandat. Une interrogation récurrente traverse les perspectives indemnitaires depuis plus de quarante ans : celle d'une rémunération alternative, soit la possibilité, pendant un moment, de recevoir un salaire pour l'exercice de la fonction élective. Cette proposition ne vise pas la professionnalisation des élus, mais la transformation du mode de rémunération. Cette évolution se justifie par l'implication de plus en plus importante des élus sur la strate municipale et sur la strate intercommunale qui conduit à de nouvelles réalités dans l'exercice des fonctions qui ne sont plus celles qui ont présidé lors de la mise en place de la décentralisation en 1982. En l'état actuel des choses, la réflexion concerne l'après 2026 puisque nous restons dans un premier temps sur une logique indemnitaire, le temps de réfléchir à d'autres solutions.

La sixième recommandation vise à donner aux élus locaux des possibilités améliorées de continuer à exercer leur mandat dans le cadre d'un arrêt maladie. Pour rappel, l'article 103 de la loi « engagement et proximité » a consacré la possibilité pour les élus locaux de poursuivre leur mandat durant leur congé maladie, sous réserve de l'accord exprès de leur praticien. Nous vous proposons aujourd'hui de revenir à la position défendue par le Sénat dans le cadre de l'examen de cette loi : sauf avis contraire du praticien, les élus locaux qui le souhaitent pourraient poursuivre l'exercice de leur mandat. Nous portons cette recommandation puisque le dispositif actuellement en vigueur est méconnu dans les territoires et donne lieu à des dysfonctionnements tels que certains élus ont dû rembourser jusqu'à 10 000 euros aux URSSAF pour avoir poursuivi leur engagement local en toute bonne foi. Le président de l'AMF, David Lisnard, a saisi en juillet 2023 le ministère de la Santé pour lui faire constater ces dysfonctionnements. Nous recommandons de lancer une campagne d'information et de sensibilisation auprès de tous les acteurs concernés (médecins, caisses primaires d'assurance-maladie...), mais aussi de regrouper l'ensemble des droits des élus, par exemple après l'article relatif à la charte de l'élu local, au sein du Code général des collectivités territoriales (CGCT). Nous formulons cette recommandation dans une perspective de simplification.

La septième recommandation n'aurait pas dû avoir à être formulée puisqu'il s'agit simplement de respecter notre volonté et de faciliter l'accès des personnes en situation de handicap aux fonctions électives. L'article 97 de la loi « engagement et proximité » prévoit le cumul de l'allocation adulte handicapé (AAH) avec une indemnité de fonction élective locale. Cette mesure, adoptée à l'unanimité du Sénat, mettait fin à une injustice. La ministre en charge des personnes handicapées de l'époque avait alors affirmé que cette disposition serait mise en place extrêmement vite. Or, la mesure est toujours neutralisée par l'absence de décret d'application. Cette recommandation vise simplement à demander au gouvernement de respecter la volonté exprimée à travers la loi. J'ai moi-même interpellé plusieurs fois le gouvernement à ce sujet, mais n'ai toujours pas reçu de réponse. En 2021, il m'a été indiqué qu'un projet était à l'étude, mais les dispositions réglementaires n'ont toujours pas été prises, trois ans après la promulgation de la loi. J'ai posé une nouvelle question le 5 mai 2023 à ce sujet, mais elle est demeurée lettre morte. La recommandation vise donc simplement à respecter la loi. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales, est particulièrement déterminé sur ce sujet et approuve pleinement notre démarche.

Notre huitième recommandation porte sur l'amélioration du régime des autorisations d'absence et des crédits d'heures pour compenser les pertes de revenu liées à l'exercice du mandat. Actuellement, des garanties sont accordées aux élus ayant une activité professionnelle pour qu'ils puissent consacrer du temps à leur collectivité, avec des autorisations d'absence pour les réunions particulières et les crédits d'heures pour disposer du temps nécessaire à la gestion de la collectivité, en respectant des seuils donnés pour six ans. Si l'employeur doit accorder ces autorisations d'absence et des crédits d'heures, il n'est toutefois pas tenu de les payer. Les pertes de revenus subies par les élus qui exercent une activité professionnelle et qui ne bénéficient d'indemnités de fonction peuvent être compensées par la collectivité à hauteur de 72 heures par élu et par an. Chaque heure ne peut être rémunérée à un montant supérieur à une fois et demie la valeur horaire du SMIC.

Nous vous proposons de prévoir que les crédits d'heures et les autorisations d'absence non payées par l'employeur puissent être pris en charge par la collectivité pour un montant égal à deux fois la valeur horaire du SMIC. Ceci correspond à une demande récurrente des associations d'élus. La solution nous paraît plus simple qu'une référence au salaire brut moyen et ne transforme pas radicalement la logique. Se référer au salaire moyen montre seulement que les élus sont la plupart du temps peu ou pas payés. Pour rappel, seuls 1 000 maires en France touchent une indemnité équivalente, pour leur fonction de maire, au salaire moyen.

Nous recommandons également de réfléchir à l'octroi de compensations, telles qu'un crédit d'engagement citoyen, ou des exonérations fiscales, accordées aux entreprises qui engagent des élus. Nous ne faisons qu'évoquer le sujet, car une réflexion plus approfondie pourra être menée avec la délégation aux entreprises pour affiner le sujet.

Mme Françoise Gatel, présidente et rapporteure. - Pascal Martin ne manquera pas de nous parler également des dispositions relatives aux sapeurs-pompiers volontaires discutées dans le cadre du PLFSS. Nous reparlerons certainement du crédit civique des entreprises. Nous engagerons un travail avec la délégation aux entreprises. Il pourrait être intéressant de prévoir une session conjointe entre la délégation aux entreprises et notre délégation pour débattre avec les organisations professionnelles, de ce qu'est l'entreprise citoyenne et de la manière dont l'entreprise qui accepte de pâtir de l'engagement de certains de ses salariés peut être reconnue.

En conclusion, nous vous proposons de porter la nécessité d'une juste indemnisation des élus, trop souvent sacrifiée. Le soupçon d'enrichissement pesant sur les élus locaux est absolument injustifié. Il est temps d'affirmer que la République fonctionne avec deux jambes : un État qui a des compétences régaliennes et des élus locaux qui font tourner la machine. Nous l'avons vu pendant la crise Covid et le voyons aujourd'hui, dans le Pas-de-Calais ou en Bretagne. Si cette démocratie revendique d'être une démocratie, permettons aux citoyens d'être candidats à un engagement civique de manière décente, quels que soient leur âge et leur condition sociale ou professionnelle. Les premiers pas accomplis par le Sénat dans la loi « engagement et proximité » doivent se poursuivre. L'exemple que nous prenons souvent est celui de l'engagement civique des sapeurs-pompiers volontaires. La société doit reconnaître ceux qui sortent de leur vie personnelle pour servir les autres.

La question des indemnités ne couvre pas l'intégralité du champ des préoccupations des élus locaux. Nous avons démarré par ce sujet mais nos collègues engageront les réflexions sur les deux autres volets de ce thème portant sur les conditions d'exercice des mandats locaux et les conditions de sortie du mandat. Ainsi nous disposerons, fin décembre, d'une vision complète, avec des propositions s'appuyant sur les travaux précédents de notre délégation et du Sénat.

Le deuxième volet sur l'exercice du mandat sera porté par Nadine Bellurot, Pascal Martin et Guylène Pantel. Parallèlement, le troisième volet consacré à l'après-mandat sera rapporté par Agnès Canayer, Thierry Cozic et Gérard Lahellec.

J'espère que ces travaux contribueront à doter les élus d'un statut à hauteur de leurs responsabilités, de leur engagement et du service qu'ils rendent à la nation.

M. Didier Rambaud. - Je salue ce beau travail, mais je m'interroge sur la disposition permettant à un salarié en arrêt de travail d'exercer sa fonction d'élu. N'est-ce pas choquant pour l'employeur et les collègues ? Cette disposition m'interpelle. Si, dans une commune, un enseignant se trouve en arrêt maladie, je me mets à la place des parents d'élèves et de ses collègues de travail qui le voient aller en mairie exercer sa fonction.

Mme Pascale Gruny. - Je suis assez d'accord avec cette remarque, ce n'est effectivement pas simple. À ce sujet, je voulais partager un cas dont j'ai connaissance. Un maire avait fait une grave dépression, liée à son mandat. Il aurait fallu qu'il arrête son mandat pour aller dans une maison de repos, mais sa seule solution était de démissionner de sa fonction de maire. Ce cas est particulier.

Concernant les arrêts maladie, j'ai vu certains maires, atteints de cancer, qui continuaient à signer des documents et cette activité participait à leur maintien en vie.

Sur le décret relatif à l'AAH, dans le cadre de ma vice-présidence, je m'occupais du suivi de l'application des lois. Gérard Larcher enverra d'ailleurs aux commissions un courrier recommandant de renforcer le suivi des décrets. Chaque année, nous avons un moment dans l'hémicycle avec le ministre en charge des relations avec le Parlement : nous devrions porter ces sujets à ce moment-là pour que le gouvernement puisse ensuite les traiter.

J'approuve la réflexion relative à l'entreprise accueillant des élus. Il est demandé de plus en plus aux entreprises, pour la formation des jeunes en apprentissage, pour les pompiers volontaires et maintenant pour les maires. Si les cadres peuvent organiser leurs journées, la situation est plus compliquée pour les maires qui travaillent dans de petites structures, ce qui est plutôt le cas en ruralité.

M. Pascal Martin. - Je souhaite revenir sur l'idée de réfléchir aux exonérations de charge pour les entreprises employant des élus locaux, en parallèle à ce qui a été accepté, à l'unanimité, à l'occasion de la loi de juillet 2023 sur la prévention du risque incendie pour les feux de forêt, dans le cadre de recrutement de sapeurs-pompiers volontaires. Il en manque aujourd'hui 50 000 en France. Il a alors été acté que les entreprises privées qui acceptaient de recruter des sapeurs-pompiers volontaires pour une mise à disposition des services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) pourraient bénéficier d'exonérations de charges patronales. Le parallèle s'arrête là. Une des difficultés, pour le recrutement des sapeurs-pompiers volontaires dans les entreprises, est liée au fait qu'ils peuvent être requis à tout moment, puisque leurs interventions ne sont pas programmées, contrairement à l'élu local qui travaille dans une entreprise et peut planifier ses absences pour participer à une réunion. Je soutiens la réflexion visant à proposer des exonérations de charges patronales pour des entreprises qui accepteraient de recruter des élus locaux.

Nous avons adopté hier un amendement, à l'unanimité, dans le cadre du PLFSS pour 2024, concernant une extension des exonérations de charges patronales pour les collectivités locales employant des sapeurs-pompiers volontaires. L'Assemblée nationale avait refusé d'étendre la notion d'employeurs aux employeurs publics. Je ne sais pas si cet amendement sera finalement retenu avec le 49.3. Je salue l'idée de l'octroi de compensations, dans le même esprit que ce que nous avons voté pour les sapeurs-pompiers volontaires.

Mme Françoise Gatel, présidente et rapporteure. - Sur la possibilité pour les élus locaux de réaliser leur engagement alors qu'ils sont en arrêt de travail, cette disposition existe déjà dans la loi. J'entends que la situation est compliquée, notamment dans l'exemple cité pour un enseignant élu local. Dans le Morbihan, un élu devra rembourser 10 000 euros d'indemnités journalières. Un autre, décédé depuis, était atteint d'un cancer et aurait dû également rembourser des indemnités journalières : pour lui, se rendre à la mairie faisait partie de sa thérapie. L'appréciation de la situation doit sans doute relever du médecin. Actuellement, si le médecin n'écrit pas que l'arrêt de travail est compatible avec l'activité élective, les maires ne peuvent continuer à exercer leur mandat. Je pense que le sujet peut être apprécié intelligemment et nous souhaitons que la loi s'applique.

M. Éric Kerrouche, rapporteur. - Cette disposition vaut sauf avis contraire du praticien. Si l'état de santé n'est pas compatible avec l'exercice d'une fonction, le médecin peut le notifier. Ainsi, une personne avec une jambe cassée peut être empêchée d'aller travailler, mais peut accomplir certaines tâches pour la mairie en télétravail. Si l'affection ou la blessure est incompatible avec l'exercice de la fonction professionnelle comme avec la fonction d'élu, le médecin le notifiera.

Nous souhaitons l'application du droit et nous avons reçu de multiples témoignages des difficultés engendrées par le non-respect de cette disposition législative. L'AMF a écrit au ministère pour s'étonner de cette situation, puisque de nombreux élus sont concernés. Si la situation de santé n'est pas compatible avec l'exercice de la fonction élective, le médecin l'indiquera.

M. Laurent Burgoa. - Je vous félicite pour la qualité du travail présenté. Je partage les quelques questions sur les arrêts maladies.

Nous recevrons la semaine prochaine nos élus dans le cadre du congrès des maires et nous présenterons alors une synthèse de notre travail au Sénat et dans cette délégation aux collectivités territoriales, en reprenant certaines de vos préconisations. Vais-je véritablement le faire ? Vos idées sont très intéressantes, mais quel est leur devenir du point de vue législatif ? Si nous présentons ces recommandations aux élus, nous risquons de générer des déceptions. Chaque fois que nous communiquons une information aux élus, nous induisons un espoir qui peut se transformer, quelques mois ensuite, en désespoir. Les élus sont conscients du travail transpartisan de notre chambre. Je ne doute pas que ces préconisations, si elles étaient votées, feraient l'unanimité de notre chambre, mais quid de l'Assemblée nationale et du gouvernement ? Comment envisagez-vous l'avenir de vos recommandations, très intéressantes, pour qu'elles soient effectives ?

M. Cédric Chevalier. - Le sujet des indemnités est difficile à aborder : il manque parfois de transparence et de clarté et pèse sur le budget de certaines communes de manière importante. La situation est également difficile compte tenu de l'importante hétérogénéité des situations professionnelles des élus locaux, qu'ils soient retraités, chefs d'entreprises, ou actifs, mais aussi des catégories des collectivités, entre celles qui ne comptent qu'une seule secrétaire de mairie et celles dotées d'importants services administratifs. Les élus consacrent également beaucoup de temps à répondre aux multiples moyens qu'ont les citoyens pour les contacter. Les préconisations portées sont intéressantes puisqu'elles incluent la variabilité en fonction des situations. Il me semble nécessaire de définir un socle de base et des variations pour s'adapter aux situations locales.

Dans votre recommandation relative à la modularité de l'enveloppe, comptez-vous instaurer un plafond pour éviter les dérives ?

Dans la recommandation relative aux crédits d'heures compensées par les collectivités, cela pourrait-il se cumuler ?

L'élu étudiant existe en tant que statut au sein des universités : je comprends que votre propos concerne un jeune qui est étudiant et dispose d'un mandat local. Une grande hétérogénéité existe toutefois parmi les étudiants : beaucoup sont en stage ou en mobilité internationale. Il n'est pas question de payer les transports d'un jeune en étude à San Francisco pour se rendre au conseil municipal. D'autres statuts existent et méritent des précisions. Certains étudiants se trouvent également en année de césure ou en service civique.

Je suis chef d'entreprise et je constate que certains arrêts maladie sont justifiés, d'autres moins. Une complaisance existe parfois. Vis-à-vis du collaborateur et des collègues dans l'entreprise, avoir des personnes en arrêt de travail, rémunérées, qui continuent leur activité élective peut avoir un effet extrêmement négatif.

Enfin, il est intéressant de corréler les crédits d'heures et les exonérations avec la prise en charge par l'entreprise des crédits d'heures.

Pour celui ou celle qui s'engage dans un mandat, l'indemnité peut, lors de la sortie du mandat et si elle constitue un complément de revenus, créer en fait une dépendance en termes de pouvoir d'achat. Cette dépendance est d'autant plus forte que lorsqu'un collaborateur travaille à 50 ou 80 % du fait de son engagement électif, sa carrière n'évolue pas dans l'entreprise de la même manière que celui qui travaille à 100 % dans l'entreprise.

M. Olivier Paccaud. - Je retiens le chiffre de 3,4 milliards d'euros qui correspond à l'estimation du coût du remplacement des élus par des fonctionnaires de catégorie A.

J'ai une question relative à la validation des acquis de l'expérience (VAE) : ce sujet a été abordé dans le cadre de ce rapport, et me semble important puisque les élus acquièrent une expérience extraordinaire au cours de leur mandat. Les possibilités de VAE existent, mais elles sont floues et méconnues. Je pense sincèrement que nous pouvons prévoir une disposition sur le sujet : reconnaître l'engagement à sa juste valeur peut passer par une VAE mieux connue et mieux valorisée.

M. Bernard Delcros. - Je suis resté très longtemps maire d'un petit village et les propositions des rapporteurs sont concrètes et visent juste.

Dans les petites communes, aucun élu ne prend la totalité des indemnités auxquelles il a droit, que cela concerne l'indemnité, le remboursement des transports ou les crédits d'heures, parce que les communes n'en ont pas les moyens. L'idée de structurer, consolider et renforcer la DPEL est pertinente. Vous suggérez d'indexer l'indemnité sur l'inflation ou d'augmenter le taux horaire des crédits d'heures, mais les petites communes n'utiliseront pas ces outils et il est donc nécessaire de consolider la DPEL. Les plus grandes difficultés se rencontrent dans les petites communes de moins de 1 000 habitants, particulièrement celles de 200 ou 300 habitants.

Dans le cadre de la souplesse accordée sur l'enveloppe, la possibilité de verser une indemnité serait-elle déliée de l'arrêté de délégation du maire ? Actuellement, le conseil municipal nomme l'adjoint, mais l'indemnité est liée à l'arrêté de délégation signé par le maire.

M. Grégory Blanc. - Je relève également que les crédits d'heures sont très peu utilisés. Je suis administrateur du SDIS et étais jusque récemment chef d'entreprise. Pour avoir discuté du sujet des sapeurs-pompiers volontaires dans les entreprises avec des collègues au sein de la CCI, l'exonération de charges sociales présentera peut-être un intérêt pour les grandes entreprises, mais, pour les petites entreprises, il vaut mieux avoir une approche par jour chômé, par heure chômée, avec une compensation. Le statut de réserviste de la gendarmerie me paraît être le bon véhicule puisque les réservistes s'inscrivent dans une mission d'intérêt général et qu'une rémunération est prévue. Nous portons cette revendication au niveau des SDIS. Une entreprise a besoin de visibilité, y compris dans l'organisation de sa gestion RH. Pour valoriser l'engagement des élus locaux, la possibilité de la mise en place d'un dispositif comparable doit être prévue.

Une entreprise peut aussi rencontrer des difficultés et la souplesse dans la gestion de sa masse salariale peut permettre de conserver des effectifs. Quand un élu est présent par intermittence, il est pointé du doigt. Nous devrons en parler avec nos collègues de la délégation aux entreprises.

Ma deuxième remarque concerne l'approche par la promotion ou la protection des exécutifs locaux. Nous recevons tous les demandes des associations d'élus qui sont composées d'adjoints ou de maires qui font part de leurs difficultés. Nous devons évidemment promouvoir et sécuriser l'engagement de maire ou d'adjoints. Le sujet ne concerne pas seulement la protection de la fonction, mais aussi la qualité des délibérations. Or, les conseillers municipaux sont perdus lorsque les délibérations sont décidées au niveau de l'intercommunalité : ils n'arrivent plus à être intermédiaires entre les pouvoirs publics et les citoyens. Si nous considérons qu'être élu est essentiel, nous devons alors réfléchir à la manière de sécuriser le rôle du conseiller municipal ou de l'élu de base, en octroyant une indemnité à tous les élus, même si elle n'est que de 10 euros par mois. Proposer un élargissement des indemnités permet de mieux valoriser cet engagement des conseillers municipaux.

Enfin, la contribution de l'État me paraît fondamentale. Nous devrions peut-être être capables de la justifier par les pouvoirs de police du maire. Un effort de clarification est nécessaire en la matière. En effet, l'État transfère à bas bruit cette compétence en matière de sécurité sur les élus locaux. Nous avons vu les propositions de la Première ministre la semaine dernière pour les banlieues. Des carnets à souche seront distribués aux élus ruraux pour qu'ils mettent des amendes, ce qui leur donnera une grande responsabilité. La clarification des pouvoirs de police du maire constitue un chantier fondamental à ouvrir dans le cadre de la sécurisation des fonctions.

M. Fabien Genet. - Le travail mené souligne l'importance du sujet pour nos collègues élus locaux, mais aussi pour la société. Le sujet est, comme souvent en France, tabou, puisqu'il est question d'argent, mais il est la contrepartie d'un dévouement qui n'a pas de prix et dont la disparition aurait un coût énorme pour la société.

Nous parlons des indemnités des élus locaux, mais j'ai une remarque pour ceux qui ne sont pas indemnisés : les conseillers municipaux sont prêts à se rendre en réunion, mais souhaiteraient au moins que cela ne leur coûte pas. La problématique des frais de déplacement a donc pris une acuité toute particulière avec le coût des carburants et l'explosion du nombre de réunions au sein des conseils municipaux et intercommunaux. Il conviendrait au moins de faire connaître les possibilités qui existent déjà et sont méconnues des élus municipaux et des exécutifs d'intercommunalité.

Je souhaite par ailleurs poser une question sur l'indexation des indemnités des élus locaux, qui semble nécessaire au regard de l'inflation actuelle. Techniquement, comment voyez-vous l'application de cette mesure, puisque les indemnités dépendent du barème lié à la rémunération des fonctionnaires ? Un sujet pourrait se poser du point de vue politique puisque certains verraient leur rémunération indexée sur l'inflation et pas les autres, même si ces derniers bénéficient du glissement vieillesse technicité, contrairement aux élus.

M. Patrice Joly. - S'agissant des élus en arrêt maladie, il me paraît difficile de les amputer d'une partie de leur statut de citoyen. Le fait d'être malade ne peut avoir d'incidence sur ce statut. J'entends les difficultés que cela peut représenter vis-à-vis de nos concitoyens, mais c'est une question de principe, avec les limites liées à la position du médecin.

Au moment du vote des indemnités, dans les conseils municipaux, lors des premières séances dans les petites communes, compte tenu de la modestie des revenus, notamment dans les territoires ruraux, l'indemnité n'est pas importante, mais est tout de même significative par rapport au SMIC. Comme le maire est juridiquement un agent de l'État, ne serait-il pas possible de prévoir une prise en charge directe de l'indemnité du maire par l'État, à la place du versement de cette dotation qui est censée compenser en partie ce coût ?

M. Franck Montaugé. - Je souhaite ouvrir le sujet de la reconnaissance de la contribution citoyenne effective des élus, et notamment des conseillers municipaux. La question se pose actuellement de l'engagement au service de l'intérêt général. Les propositions vont dans le bon sens, mais nous devons également nous interroger sur la reconnaissance de la valeur de l'engagement des conseillers municipaux. Cette question me semble importante. Je ne voudrais pas que les propositions accroissent les difficultés entre ceux qui seraient reconnus et ceux qui ne le seraient pas. La qualité de l'action d'intérêt général dépend aussi de la participation effective de l'ensemble des élus, dont ceux qui ne sont pas reconnus, en termes d'indemnité, par rapport au temps qu'ils consacrent au mandat. Ce point me paraît important et pourrait être évoqué dans le rapport, sans aller jusqu'à des propositions précises.

M. Éric Kerrouche, rapporteur. - La compensation des crédits d'heures constitue une simple possibilité : elle peut être réalisée soit par l'entreprise soit par la collectivité.

M. François Bonhomme, rapporteur. - Concernant la souplesse accordée dans le calcul de l'indemnité globale, dans une petite commune dans laquelle cinq adjoints peuvent être désignés, si seuls trois adjoints le sont, l'enveloppe est calculée sur une base de cinq adjoints. Le maire peut ensuite moduler la distribution, ce qui renforce son autorité. Nous n'allons pas au-delà du barème maximum.

M. Bernard Delcros. - Nous maintenons donc le lien entre l'indemnité et l'arrêté de délégation.

M. François Bonhomme, rapporteur. - Bien sûr.

Mme Françoise Gatel, présidente et rapporteure. - L'avenir dépend de nous. Il appartient au Sénat de porter ces sujets. Nous avons déjà pris des mesures, dans la loi « engagement et proximité » et dans la loi 3DS. Les mesures que nous votons ne sont toutefois pas toujours applicables, à cause de l'absence de décret d'application ou de l'absence de promotion des lois votées. Ainsi, je citerai l'exemple des rescrits : tous les maires peuvent aujourd'hui interroger le préfet pour obtenir des précisions, ce qui sécurise en amont les décisions. Aujourd'hui, aucun préfet n'en parle toutefois. Il nous appartiendra de faire avancer ce sujet, s'il le faut en passant par la voie législative.

Les situations des élus locaux sont effectivement très hétérogènes, avec des salariés, des retraités, des étudiants. Parmi les salariés se trouvent des fonctionnaires d'État, des salariés du privé, dans de grandes entreprises et de petites entreprises, dans des fonctions de cadres ou dans des fonctions de production, ce qui rend l'exercice particulier. Nous devons prendre en compte la diversité des situations.

Certains sujets seront traités dans le second volet de la mission, comme celui de la VAE.

La distinction entre les grandes et les petites entreprises est une réalité et nous devrons travailler sur le sujet avec la délégation aux entreprises, dans un dialogue concerté.

Les élus reçoivent une indemnité alignée sur celle des fonctionnaires. Nous proposons ici une indexation sur l'inflation pour les élus. Nous affirmons que la fonction d'un élu n'est pas celle d'un fonctionnaire et nous ne comparons pas la situation entre élu et fonctionnaire. La solution relative à la référence au salaire médian, un temps envisagée, complexifie le dispositif. Nous avons conservé les strates démographiques applicables aux indemnités des élus : en effet, nous ne souhaitons pas bouleverser le système, mais apporter des ajustements et des adaptations afin d'améliorer certains sujets, sans prétendre régler toutes les situations.

Chers collègues, je vous remercie de l'intérêt porté au sujet. Je remercie les rapporteurs pour le travail effectué. Les travaux de notre délégation se poursuivront avec les autres rapports traitant d'autres volets du statut de l'élu local.

Le rapport est adopté à l'unanimité des sénateurs présents.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

REUNION PLÉNIERE

Jeudi 9 novembre 2023

- Mme Catherine LHÉRITIER, vice-présidente de l'AMF.

AUDITION DE LA PRÉSIDENTE

Mercredi 8 novembre 2023

Mme Aurore GRANERO, Maître de conférences HDR en droit public à l'Université de Bourgogne ;

- M. Arnaud HAQUET, Professeur de droit public à l'Université de Rouen, Directeur adjoint du CUREJ.

AUDITIONS RAPPORTEURS

Jeudi 9 novembre 2023

M. Laurent DEJOIE, vice-président du conseil régional des Pays de la Loire, représentant l'association Régions de France ;

- M. Éric KREZEL, vice-président de l'association des maires ruraux de France, Président des maires ruraux de Haute-Marne.

LISTE DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES

- Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité ;

- Association des maires ruraux de France ;

- Association des Petites Villes de France ;

- Villes de France ;

- France urbaine ;

- Assemblée des Départements de France ;

- Régions de France.

ANNEXE 1 :
ESTIMATION DU COÛT DU REMPLACEMENT DES MAIRES ET DES ADJOINTS PAR DES FONCTIONNAIRES
DE CATÉGORIE A

I) Coût du remplacement des maires par des fonctionnaires

Le calcul se base sur l'hypothèse où les maires exercent des fonctions similaires à celles d'un agent de catégorie A, à hauteur de :

- 50 % de l'indice terminal brut 1 027 pour les 25 047 communes de moins de 1 000 habitants soit : 2 042,955 euros ;

- 100 % de l'indice pour les 9 791 communes de 1 000 à 49 999 habitants soit : 4 085, 91 euros ;

- 150 % de l'indice pour les 130 communes de 50 000 à plus de 200 000 habitants soit : 6 128,865 euros.

Calcul du coût de la mesure « remplacement des maires par des fonctionnaires » :

- 25 047 communes x 2042,955 € x 12 = 614 038 727 € ;

- 9 791 communes x 4085,91 € x 12 = 480 061 738 € ;

- 130 communes x 6128,865 € x 12 = 9 561 029? €.

Coût total de la mesure « remplacement des maires par des fonctionnaires » par an : 1 103 661 494 €.

II) Coût du remplacement des adjoints par des fonctionnaires

Le calcul se base sur l'hypothèse où les adjoints exercent des fonctions similaires à celles d'un agent de catégorie A, à hauteur de :

- 25 % de l'indice terminal brut 1 027 pour les communes de moins de 1 500 habitants soit : 1 021, 48 euros ;

- 50 % de l'indice pour les communes de 1 500 à 49 999 habitants soit : 2 042, 955 euros ;

- 100 % de l'indice pour les communes de 50 000 à plus de 200 000 habitants soit : 4 085, 91 euros.

Population de la commune

Nombre de membres du conseil municipal

Nombre maximal d'adjoints40(*)

Montant de l'indemnité par adjoint
(euros/mois)

Nombre de communes par strate

Total
(euros par an)
[colonne
3 * 4 * 5*12]

De moins de 100 habitants

7

2

1 021,478

3317

81 317 821 €

De 100 à 499 habitants

11

3

1 021,478

15066

554 025 152 €

De 500 à 1 499 habitants

15

4

1 021,478

9614

471 383 496 €

De 1 500 à 2 499 habitants

19

5

2 042,955

2622

321 397 681 €

De 2 500 à 3 499 habitants

23

6

2 042,955

1207

177 540 961 €

De 3 500 à 4 999 habitants

27

8

2 042,955

961

188 474 856 €

De 5 000 à 9 999 habitants

29

8

2 042,955

1175

230 445 324 €

De 10 000 à 19 999 habitants

33

9

2 042,955

538

118 703 857 €

De 20 000 à 29 999 habitants

35

10

2 042,955

196

48 050 302 €

De 30 000 à 39 999 habitants

39

11

2 042,955

91

24 539 975 €

De 40 000 à 49 999 habitants

43

12

2 042,955

59

17 356 946 €

De 50 000 à 59 999 habitants

45

13

4 085,91

35

22 309 069 €

De 60 000 à 79 999 habitants

49

14

4 085,91

35

24 025 151 €

De 80 000 à 99 999 habitants

53

15

4 085,91

16

11 767 421 €

De 100 000 à 149 999 habitants

55

16

4 085, 91

22

17 258 884 €

De 150 000 à 199 999 habitants

59

17

4 085,91

9

7 501 731 €

De 200 000 à 249 999 habitants

61

18

4 085,91

2

1 765 113 €

De 250 000 à 299 999 habitants

65

19

4 085,91

3

2 794 762 €

De 300 000 habitants et au-dessus

69

20

4 085,91

6

5 883 710 €

Total

     

34 974

2 326 542 211 €

Coût total de la mesure « remplacement des adjoints par des fonctionnaires » : 2 326 542 211 euros par an.

III) Coût du remplacement des maires et des adjoints par des fonctionnaires

Coût annuel de la mesure (remplacement des maires et adjoints par des fonctionnaires) : plus de 3,4 milliards d'euros (addition des chiffres fournis aux I et II).

Coût actuel annuel des indemnités de fonction versées aux élus municipaux : près de 1,5 milliard d'euros (données DGCL - 2022).

Il ressort de ce qui précède que le remplacement des maires et adjoints par des fonctionnaires entraînerait un surcoût de plus d'1,9 milliard d'euros par an.

ANNEXE 2 :
PRINCIPALES DONNÉES CHIFFRÉES DU RAPPORT

Économies potentielles réalisées grâce aux élus municipaux
(par an)

Coût pour l'État
des mesures proposées
(par an)

plus de 1,9 milliard d'euros

Indexation sur l'inflation (en 2024):
52 millions d'euros

 

Étendre le bénéfice de la DPEL :
36,67 millions d'euros

 

Dotation de l'État 10 % / dédoublement fonctionnel : 63 millions d'euros

 

Frais de transport : 1,42 million d'euros

 

TOTAL : 153 millions d'euros
(8 % des économies potentielles réalisées)


* 1 Rapport sur l'avenir de la commune et du maire, en date du 5 juillet 2023 : https://www.senat.fr/travaux-parlementaires/structures-temporaires/missions-dinformation-communes/mission-dinformation-sur-lavenir-de-la-commune-et-du-maire-en-france.html ; rapport du groupe de travail sur la décentralisation, en date du 6 juillet 2023 : https://www.senat.fr/travaux-parlementaires/controle-et-evaluation/groupe-de-travail-sur-la-decentralisation.html.

* 2 La loi du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions annonce un futur statut de l'élu : « Des lois détermineront (...) le mode d'élection et le statut des élus » (article 1er).

* 3 Rapport d'information n° 642 (2017-2018), tome I à VI, « Faciliter l'exercice des mandats locaux » : https://www.senat.fr/rapports-classes/crcoll2017.html.

* 4 Texte n° 648 (2022-2023) déposé au Sénat le 26 mai 2023 ; voir le dossier législatif : https://www.senat.fr/senateur/darnaud_mathieu14259y.html. Ce texte vise, d'une part, à mieux protéger les élus locaux dans l'exercice de leurs mandats, d'autre part, à améliorer l'accompagnement des élus par les acteurs chargés des élus victimes.

* 5 Voir https://www.senat.fr/notice-rapport/2017/r17-642-2-notice.html.

* 6 Ce chiffre a été ainsi calculé par l'étude d'impact jointe au projet de loi : si toutes les communes consomment leur enveloppe indemnitaire, son coût annuel pourrait s'élever à 615 millions d'euros. Mais dès lors que les élus locaux sont nombreux à renoncer à leur indemnité, particulièrement dans les petites communes, le Gouvernement estimait que le « taux de mobilisation » de l'enveloppe indemnitaire serait compris entre 74 et 85 %, d'où l'estimation du coût réel à 474  millions d'euros.

* 7 Article 92 de la loi « engagement et proximité » du 27 décembre 2019.

* 8 Il s'agit de l'indice brut terminal de l'échelle indiciaire de la fonction publique.

* 9 Voir le rapport d'information de votre délégation, rapport n° 676 (2022-2023), déposé le 1er juin 2023 : https://www.senat.fr/notice-rapport/2022/r22-676-notice.html; le rapport souligne que les secrétaires de mairie constituent l'emploi le plus en tension de la fonction publique territoriale.

* 10 «  Débattre d'une juste indemnisation des élus », Rémi Lefebvre et Didier Demazières, juin 2023.

* 11 Le taux varie fortement selon la strate démographique, il oscille en effet entre 52 % dans les communes de moins de 500 habitants et 60 % dans celles de plus de 10 000 habitants. Ces variations sont expliquées a` la fois par le temps demandé par le mandat qui, toutes choses égales par ailleurs, est plus important dans les plus grandes communes mais également par la fonction exercée. Sans surprise, cet aspect est plus souligné par les maires et les adjoints que par les conseillers municipaux sans délégation.

* 12 Enquête IFOP pour le CEVIPOF 2019.

* 13 « Profession : élu.e local.e : la fin d'un mythe républicain, pour un renouveau démocratique », 3 janvier 2020, Éditions Berger-Levrault.

* 14 Le 1er juillet 2023, l'indice brut terminal de la fonction publique servant de base au calcul des indemnités de fonction a été augmenté de 1,5 %. Il s'établit désormais à 4 085,91 euros.

* 15 Le gouvernement prévoit dans son projet de loi de finances 2024 une inflation à 2,6 %.

* 16 L'article L. 2123-22 du CGCT prévoit la possibilité d'appliquer certaines majorations d'indemnités : communes chefs-lieux de département et d'arrondissement, communes classées « stations de tourisme », communes sinistrées...

* 17 Voir le rapport précité de 2018 qui rend compte des résultats de la consultation menée auprès des élus locaux : https://www.senat.fr/rap/r17-642-6/r17-642-6_mono.html. Le rapport souligne que « le taux de retraités et de pré-retraités - 37,5 % - chez les répondants élus est plus important que dans la population française en général (26,2 %), ce qui peut signifier qu'il est plus facile d'exercer des fonctions locales quand on n'exerce plus de responsabilités professionnelles ». Selon l'enquête CEVIPOF, commandée par le Gouvernement et l'AMF et publiée en novembre 2023, 39,2 % des maires sont des retraités.

* 18 Proposition de loi créant un statut de l'élu local, Texte n° 305 (2018-2019) de M. Pierre-Yves COLLOMBAT et plusieurs de ses collègues, déposé au Sénat le 12 février 2019 ; https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl18-305.html.

* 19 Cette idée apparaît dans le rapport intitulé « Refonder l'action publique locale », remis au Premier ministre le 17 octobre 2000 et rédigé par la Commission pour l'avenir de la décentralisation, présidée par Pierre Mauroy.

* 20 Texte n° 767 (2022-2023) de MM. Éric Kerrouche, Didier Marie et plusieurs de leurs collègues, déposé au Sénat le 23 juin 2023 : https://www.senat.fr/leg/ppl22-767.html.

* 21 Comme indiqué plus haut, seules les communes les moins favorisées bénéficient des parts 1 et 2 de la DPEL.

* 22 Ce montant intègre la part « frais de garde » (cf infra) et la part « protection fonctionnelle ».

* 23 Nombre de communes de moins de 500 habitants exclues de la DPEL * 6 058 € = 8,05 millions d'euros

Nombre de communes de moins entre 200 et 500 habitants exclues * 4 544 € = 4,11 millions d'euros

Nombre de communes entre 500 et 1 000 habitants exclues * 3 029 € = 3,98 millions d'euros

Nombre total de communes entre 1 000 et 3 500 habitants * 3 029 € = 20,53 millions d'euros.

* 24 Article L. 2123-22 du CGCT ; le premier alinéa de cet article prévoit la possibilité d'appliquer certaines majorations d'indemnités : communes chefs-lieux de département et d'arrondissement, communes classées « stations de tourisme », communes sinistrées...

* 25 Voir l'amendement présenté par M. KAROUTCHI : https://www.senat.fr/amendements/2019-2020/13/Amdt_704.html.

* 26 Montant que le maire peut décider librement d'abaisser.

* 27 Alinéa 2 de l'article L.2123-23 du CGCT.

* 28 Le montant de l'indemnité de l'adjoint doit toutefois rester inférieur à celui du maire.

* 29 Cette indemnité doit être inférieure à celle des adjoints et du maire.

* 30 Le respect de l'« enveloppe indemnitaire globale » impose qu'un « simple » conseiller municipal d'une commune de moins de 100 000 habitants ne peut bénéficier d'une indemnité de fonction qu'à la condition que le maire et les adjoints ne perçoivent pas le plafond des indemnités auxquels ils peuvent prétendre.

* 31 La seule condition est que les adjoints désignés soient bien titulaires d'une délégation, ce qui est toujours le cas en pratique. Réponse du Ministère chargé des collectivités territoriales publiée le 22 mars 2012 : https://www.senat.fr/questions/base/2011/qSEQ110518396.html.

* 32 Dans le rapport précité de 2018, votre délégation avait ainsi formulé sa recommandation n° 10 : « Faciliter les remboursements de frais de garde d'enfants, ou d'assistance à des personnes âgées, handicapées ou ayant besoin d'une aide personnelle à domicile ». Répondant à cette recommandation, le projet de loi « engagement et proximité », avait prévu, en son article 27, que le remboursement des frais de garde d'enfants ou d'assistance aux personnes à charge accordé aux élus devienne une obligation, alors que ce remboursement constituait, jusque-là, une simple faculté.

* 33 Article 29 quater du projet de loi ; voir l'amendement de la commission des lois : https://www.senat.fr/amendements/commissions/2018-2019/677/Amdt_COM-627.html.

* 34  https://www.senat.fr/questions/base/2023/qSEQ230305962.html.

* 35  https://www.senat.fr/questions/base/2023/qSEQ230305962.html.

* 36  https://www.senat.fr/questions/base/2021/qSEQ210220475.html.

* 37  https://www.senat.fr/questions/base/2023/qSEQ230506596.html.

* 38 Voir article L2123-3 du CGCT.

* 39 Loi n° 2021-1520 du 25 novembre 2021 : https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl20-646.html.

* 40 L'article L. 2122-2 du CGCT dispose que «  Le conseil municipal détermine le nombre des adjoints au maire sans que ce nombre puisse excéder 30% de l'effectif légal du conseil municipal. »

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