III. VALORISER L'ENGAGEMENT DES ÉLUS LOCAUX AU-DELÀ DES ASPECTS FINANCIERS

A. UNE APPROCHE DÉFENSIVE AVEC LA NOTION DE NON-DISCRIMINATION INSCRITE DANS LE DROIT DU TRAVAIL

Cette question de non-discrimination ne faisait pas l'objet de recommandations particulières dans les rapports de la délégation en 2018, même si le rapport soulignait que la reconnaissance « symbolique » de l'engagement des élus locaux était une piste d'amélioration des conditions d'exercice du mandat.

La loi n°2019-1461 du 27 décembre 2019 dite « engagement et proximité » a ajouté, dans son article 86, une nouvelle interdiction de discrimination dans le droit du travail relative à « l'exercice d'un mandat électif local » ceci protège les élus de toute mesure discriminatoire dans leur carrière professionnelle qui serait en tout ou partie motivée par la détention d'un mandat électif local (modification de l'article L. 1132-1 du code du travail). Ce principe de non-discrimination s'applique en matière d'embauche, de formation, de licenciement, de rémunération, d'intéressement, de reclassement, de promotion ou de mutation est étendu aux salariés titulaires d'un mandat électif local.

La loi « engagement et proximité » a supprimé les dispositions du CGCT relatives au statut de salarié protégé des élus locaux13(*). Elle a ainsi mis fin à une disparité : seuls certains salariés élus locaux bénéficiaient du statut de « salarié protégé », tandis que d'autres n'en bénéficiaient pas14(*).

Le Sénat souhaitant conforter ce statut de salarié protégé en précisant la durée durant laquelle les élus peuvent en bénéficier.

La difficulté pour les élus discriminés à obtenir gain de cause, vu la longueur du temps judiciaire, pose de nouveau la question du retour à un statut protégé élargi.

B. LA NÉCESSITÉ DE RENFORCER LA RECONNAISSANCE DES ÉLUS

Recommandation n°4 : favoriser les dispositifs qui reconnaissent l'engagement des élus : campagne nationale de valorisation des élus locaux, label des entreprises citoyennes, honorariat municipal, explication de la nature de leurs absences sur leur bulletin de paye, etc.

Premièrement, la mission recommande à l'État de lancer, avant les municipales de 2026, une campagne nationale de communication de grande ampleur, pour présenter les missions des élus locaux et leur travail au service de l'intérêt général, qui clarifierait la réalité du mandat et serait de nature à susciter des vocations.

Deuxièmement, comme le mentionnait le rapport du 16 novembre 2023 précédemment cité relatif aux indemnités des élus, il conviendrait de créer un label « employeur partenaire de la démocratie locale » ou « entreprise citoyenne » pour les structures comptant des élus locaux dans leur effectif, à l'instar de ce qui existe pour les sapeurs-pompiers volontaires (voir encadré). Ce label récompenserait les structures embauchant des élus. Il pourrait être envisagé des avantages fiscaux, ou l'octroi d'un crédit spécifique de l'État, la reconnaissance au titre de la responsabilité sociale des entreprises.

Sur ce dernier point, il convient de rappeler que la démarche de Responsabilité sociétale et environnementale (RSE) est fondée sur une approche incitative reposant sur le volontarisme : il s'agit d'encourager les entreprises à s'engager pour mettre en oeuvre des mesures pour réduire ses impacts négatifs et contribuer mieux à l'intérêt général. Cependant, elle est assortie d'un certain nombre d'obligations légales, comme par exemple l'obligation de réaliser des plans d'action et de rendre compte (rapports RSE, déclarations de performance extra-financière, reporting de durabilité...). Les obligations reposent plutôt sur des entreprises de grande taille. Il serait souhaitable d'inclure le statut de l'élu dans la partie sociale de cette démarche, afin de connaitre les agissements des entreprises en la matière (nombre de crédits d'heures octroyés, facilités offertes dans l'organisation du travail, ...). Cette mesure aurait aussi le mérite de valoriser la place de l'élu dans l'entreprise.

Statut des sapeurs-pompiers

Le label « employeur partenaire des sapeurs-pompiers » créé par une circulaire du 19 juillet 2006 vise à récompenser et valoriser les employeurs ayant mis en place des dispositifs facilitant la conciliation entre les impératifs de la vie professionnelle des sapeurs-pompiers volontaires et l'exercice de leurs missions au sein des services d'incendie et de secours.

L'entreprise ou l'administration en question peut bénéficier de ce label. Il est attribué pour une durée de trois ans aux employeurs ayant signé une convention prévoyant un nombre annuel minimum de huit jours ouvrés d'autorisation d'absence sur le temps de travail du salarié. Ce label national est délivré par le Ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Par ailleurs, les employeurs peuvent bénéficier d'avantages financiers. En effet, dans le cadre d'une convention de formation professionnelle continue avec le SDIS, des aides financières sont prévues. Il existe ainsi un dispositif d'abattement sur la prime d'assurance incendie (article L723-19 du code de la sécurité intérieure). Il existe également un dispositif d'abattement d'impôt au titre du mécénat (uniquement dans le secteur privé) : les entreprises qui mettent à disposition des SDIS des salariés bénéficient des dispositions de l'article 238 bis du code Général des Impôts. Enfin, l'employeur public ou privé peut être subrogé, à sa demande, dans le droit des sapeur-pompier volontaires à percevoir les indemnités en cas de maintien, durant son absence, de sa rémunération et des avantages y afférents dans la limite de ceux-ci (article 7 de la loi 97-370 du 3 mai 1996 relative au développement du volontariat dans les corps de sapeurs-pompiers).

Des avantages peuvent également être tirés au titre de la formation professionnelle. Pour les employeurs publics, il est possible d'inscrire la formation des sapeurs-pompiers dans les priorités des plans de formations des ministères, administrations publiques et établissements publics. La formation est intégralement prise en charge par le SDIS. Pour les employeurs privés, il est possible d'admettre, au titre du financement de la formation professionnelle continue, la part de la rémunération et des charges sociales correspondant à l'absence pour formation du sapeur-pompier volontaire pendant son temps de travail effectif.

Prenant exemple de ce régime, les entreprises employant un élu local pourraient également bénéficier de privilèges similaires, valorisant d'une part leur engagement et facilitant d'autre part l'exercice du mandat de l'élu en proposant un meilleur aménagement entre vie professionnel et mandat local.

Troisièmement, la mission recommande de réduire à douze ans la durée requise pour bénéficier de l'honorariat municipal. Cette distinction honorifique, conféré par le Préfet aux élus locaux, participe à la reconnaissance de l'engagement des élus, même si elle n'est assortie d'aucun avantage financier. L'article L. 2122-35 du CGCT prévoit actuellement des durées différenciées de 15 à 18 ans selon les types de collectivités avec des spécificités liées aux collectivités ultramarines. Cette nouvelle durée unique coïnciderait avec l'accomplissement de deux mandats complets et permettrait à un plus grand nombre d'élus de se voir accorder cette distinction, en reconnaissance de leurs services.

Quatrièmement, modifier la dénomination sous laquelle apparaissent les heures d'absence d'un élu sur son bulletin de salaire en passant d'« absence non rémunérée » à « absence fonction d'élu local de la République ». Il conviendrait d'ajouter ce point dans l'article R. 3243-1 du code du travail.

Il a aussi été évoqué en audition par plusieurs maires, comme une forme de reconnaissance de leur double engagement professionnel et politique, le souhait que le congrès des maires puisse se tenir le samedi, un temps qui permet à ces élus qui travaillent de pouvoir s'organiser pour être présents à cet évènement.

Pour mémoire la recommandation n° 7 présentée plus avant dans ce rapport permettra également aux élus de présenter le courrier des associations d'élus à leur employeur et est de nature à renforcer cette reconnaissance.

Enfin, cette reconnaissance peut également se mesurer au-delà des mandats. Les recommandations présentées dans le « rapport flash » relatif à la réussite de la fin de mandat contribuent aussi à renforcer la reconnaissance des élus.


* 13 Modification de l'article L. 2123-9 du CGCT pour supprimer la qualification de « salariés protégés » des maires et adjoints des communes de plus de 10 000 habitants n'ayant pas cessé d'exercer leur activité professionnelle.

* 14 Cass. soc. 2 avril 2014, n° 13-11060, BC V n° 93.

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