N° 216

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024

Enregistré à la Présidence du Sénat le 14 décembre 2023

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation (1) relatif à la sortie de mandat des élus locaux,

Par Mme Agnès CANAYER, MM. Thierry COZIC
et Gérard LAHELLEC,

Sénateurs

(1) Cette délégation est composée de : Mme Françoise Gatel, présidente ; M. Rémy Pointereau, premier vice-président ; Mme Agnès Canayer, MM. Cédric Vial, Fabien Genet, Mme Corinne Féret, MM. Éric Kerrouche, Gérard Lahellec, Mme Guylène Pantel, MM. Didier Rambaud, Pierre Jean Rochette, Grégory Blanc, vice-présidents ; MM. Jean Pierre Vogel, Laurent Burgoa, Bernard Delcros, Hervé Gillé, secrétaires ; M. Jean-Claude Anglars, Mme Nadine Bellurot, MM. François Bonhomme, Max Brisson, Mme Céline Brulin, MM. Bernard Buis, Cédric Chevalier, Thierry Cozic, Mme Catherine Di Folco, MM. Jérôme Durain, Daniel Gueret, Mme Pascale Gruny, MM. Joshua Hochart, Patrice Joly, Mmes Muriel Jourda, Sonia de La Provôté, Anne-Catherine Loisier, MM. Jean-Jacques Lozach, Pascal Martin, Jean-Marie Mizzon, Franck Montaugé, Mme Sylviane Noël, MM. Olivier Paccaud, Hervé Reynaud, Jean-Yves Roux, Mmes Patricia Schillinger, Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Lucien Stanzione, Jean-Marie Vanlerenberghe.

SYNTHÈSE

S'il est bien un impensé de la vie politique locale, c'est la fin de mandat. Pourtant cette étape n'est jamais anodine dans la vie d'un élu, elle fait même partie intégrante du cycle électoral et de la règle du jeu démocratique. Les raisons du départ peuvent être multiples : du souhait de « passer à autre chose » jusqu'à la défaite interdisant le renouvellement, en passant par la démission pour raisons personnelles. Les conséquences pratiques n'en demeurent pas moins toujours identiques, avec le sentiment diffus d'un saut dans l'inconnu et l'impératif d'une nouvelle page à écrire.

Quelles que soient la nature du mandat (municipal, intercommunal, départemental ou régional) et les situations personnelles, l'horizon se dessine alors toujours autour de ces grandes lignes de perspective : la perte de ressources en fin de mandat, le régime de retraite, le devenir des compétences et des connaissances acquises, et la réinsertion professionnelle.

Pour accompagner au mieux les élus locaux dans cette période cruciale de leur parcours personnel et professionnel, la délégation du Sénat aux collectivités territoriales et à la décentralisation formule huit  recommandations.

I. LA SORTIE DE MANDAT : UNE ÉTAPE IMPORTANTE DANS LA VIE DE L'ÉLU LOCAL, MAIS TROP NEGLIGÉE

A. Le manque de données statistiques

En dehors des chiffres rendant compte du nombre de démissions de maire depuis 2020, les statistiques manquent pour objectiver le phénomène. Aucun suivi (tableaux de bord, appareil statistique...) n'est assuré du côté du Ministère de l'Intérieur et de la direction générale des collectivités locales (DGCL).

RECOMMANDATION 1 : production de données chiffrées (statistiques) afin de suivre les sorties de mandat des élus locaux.

B. L'angle mort de la fin de mandat

La difficulté à vivre la sortie de mandat représente une réalité incontournable sur le plan personnel. Car on ne quitte jamais le service de la collectivité sans, au moins, un pincement au coeur. L'élu était « quelqu'un » et devient « personne ». Certains élus éprouvent le besoin d'être accompagnés, et même conseillés, dans le démarrage de leur nouvelle vie.

La fin de mandat de l'élu n'a jamais été l'objet central d'aucun texte législatif, ni d'aucune étude parlementaire spécifique. En l'absence d'un véritable « statut de l'élu », les outils juridiques pour répondre aux attentes des élus sont peu nombreux.

Les évolutions de la sociologie politiques dans notre pays et les fluctuations électorales plus fréquentes renforcent les enjeux liés à la fin de mandat.

RECOMMANDATION 2 : aménagement des conditions de sortie de mandat afin de faciliter cette transition parfois délicate dans la vie des élus locaux :

- diffusion par le préfet d'un guide d'information recensant les droits des élus en fin de mandat. La distribution du guide se fait en début, en milieu et en fin de mandat ;

- maintien sur un semestre des coordonnées institutionnelles de l'ancien élu (réception du courrier, adresse mail...).

C. Les prémisses d'un statut autour de mesures disparates

Le caractère chronophage d'un mandat électif local et la volonté de s'y investir pleinement se conjuguent pour amener des élus à abandonner leur activité professionnelle, et se consacrer à temps plein à leur collectivité territoriale. La loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité a institué une allocation réservée à ces élus. Mais l'existence de l'allocation différentielle de fin de mandat est encore trop méconnue et son champ d'application trop restreint.

RECOMMANDATION 3 : adaptation de l'allocation différentielle de fin de mandat à la diversité des situations par :

- l'information systématique en fin de mandat, par le préfet par exemple, de l'existence et des modalités d'accès à l'allocation différentielle de fin de mandat ;

- l'extension du champ de l'allocation différentielle de fin de mandat aux maires des communes de moins de 1 000 habitants ;

- l'ouverture du droit à l'allocation différentielle de fin de mandat pour les élus démissionnaires en cours de mandat.

Il convient de traduire, dans les droits à la retraite, la reconnaissance à l'égard de ceux qui ont consacré une partie de leur temps, sur une période de vie conséquente, à l'intérêt général dans leur collectivité.

RECOMMANDATION 4 : perfectionnement du régime de retraite des élus par :

- l'octroi d'une bonification de trimestres (un trimestre par mandat, par exemple) ;

- rendre le régime « Ircantec élu » indépendant des autres régimes, afin de lever les barrières au versement de la retraite professionnelle.

II. COMMENT SÉCURISER LE RETOUR À LA VIE PROFESSIONNELLE DE L'ÉLU LOCAL

A. Diffuser une culture de valorisation des compétences et des connaissances acquises durant le mandat

Tout au long de l'exercice de son mandat, l'élu local acquiert des compétences, il enrichit son bagage de connaissances des rouages de l'administration et de divers champs juridiques, et il développe des savoir-être comme des savoir-faire. Le moment de la réinsertion professionnelle venue, ces acquis représentent autant d'atouts à valoriser dans la recherche d'emploi. Un des leviers pour valoriser l'expérience des élus locaux consiste en la validation des acquis de l'expérience (VAE). Mais cette formation peine aujourd'hui à trouver son public. Plutôt qu'un frein financier, c'est le manque d'information sur la nature du diplôme et la procédure à suivre qui semble faire défaut à la VAE.

RECOMMANDATION 5 : renforcement de l'accompagnement dans le processus de validation des acquis de l'expérience (VAE) :

- développer des synergies entre le monde des élus locaux (associations, notamment) et l'Université ;

- conduire une action informative sur la VAE auprès des élus locaux ;

- à terme, élaborer un référentiel national de formation.

Sans entrer dans une démarche aussi lourde et exigeante que la VAE, l'élu local peut avoir envie et / ou besoin de valoriser les compétences, les aptitudes et les connaissances acquises durant le mandat. Il s'agit alors avant tout d'identifier les compétences, de les répertorier dans un document, et, éventuellement, d'établir des correspondances avec des emplois pour lesquels ces compétences sont requises.

RECOMMANDATION 6 : création d'un certificat de compétences professionnelles pour les élus locaux.

B. Apporter un accompagnement déontologique en sortie de mandat

La judiciarisation croissante de l'exercice d'un mandat électoral local, avec un risque pénal à la clef, fait peser une lourde responsabilité sur les élus locaux. Elle pourrait conduire, à plus ou moins brève échéance, soit à décourager encore un peu plus les vocations de se présenter à un mandat électoral, soit à dissuader les élus de prendre certaines initiatives dans le cadre de leur mandat, avec pour corolaire le blocage inéluctable de l'action publique locale.

L'article L. 1111-1-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT) prévoit le recours à un référent déontologue, mais uniquement pour les élus soucieux de recueillir un avis en cours de mandat. Or, par exemple, la période durant laquelle les exécutifs locaux, lorsqu'ils ont quitté leur fonction, ne peuvent pas travailler pour un organisme avec lequel ils ont eu des relations durant l'exercice de leur mandat, court sur trois ans.

RECOMMANDATION 7 : donner la faculté à l'ancien élu de saisir le référent déontologue de son ancienne collectivité d'élection pour être conseillé et mieux se protéger du risque pénal.

C. Faciliter la réinsertion professionnelle dans le privé

Les allers-retours entre l'exercice d'un mandat local et le travail en entreprise peuvent encore gagner en fluidité. Ces deux mondes sont encore parfois trop cloisonnés : des cultures et des temporalités différentes, comme le souci de ne pas mélanger les genres, expliquent une bonne part de cet éloignement relatif. Pourtant le rôle citoyen des entreprises n'est plus à démontrer, tout comme le souci de la majorité de leurs employés d'être pleinement associés à la vie de la Cité. Encourager l'embauche d'anciens élus au sein de l'entreprise permet d'ailleurs, en retour, de lever certains freins parmi les salariés désireux de s'engager dans un mandat local, mais soucieux de leurs conditions de retour dans le privé au terme du mandat.

RECOMMANDATION 8 : insertion dans le statut des « sociétés à mission », aux côtés des objectifs sociaux et environnementaux, d'un volet « citoyen » visant à favoriser le recrutement et la reconversion professionnelle d'anciens élus.

N° de la recommandation

Recommandations

Acteurs concernés

Calendrier prévisionnel

Support/action

1

Production de données chiffrées (statistiques) afin de suivre les sorties de mandat des élus locaux.

Ministère de l'Intérieur, direction générale des collectivités locales (DGCL)

Avant les prochaines élections municipales en 2026

Organisation des services

2

Aménagement des conditions de sortie de mandat afin de faciliter cette transition parfois délicate dans la vie des élus locaux :

- diffusion par le préfet d'un guide d'information recensant les droits des élus en fin de mandat. La distribution du guide se fait en début, en milieu et en fin de mandat ;

- maintien sur un semestre des coordonnées institutionnelles de l'ancien élu (réception du courrier, adresse mail...).

Associations représentantes des élus locaux, Ministère de l'Intérieur, direction générale des collectivités locales (DGCL)

Avant les prochaines élections municipales en 2026

Loi

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