B. DES FINANCEMENTS ÉTRANGERS QUI ONT EFFECTIVEMENT DIMINUÉ

Les nouvelles obligations imposées aux associations cultuelles en matière de déclaration des financements étrangers semblent avoir produit leurs effets. Le service de renseignement Tracfin a ainsi indiqué aux rapporteurs avoir observé un « effet signal » qui se traduit par une nette diminution des flux de financements, désormais résiduels. Si Tracfin a reçu 21 650 déclarations de soupçons portant sur la thématique cultuelle au sens large entre 2019 et octobre 2023, une nette décroissance a été observée à partir de l'entrée en vigueur de la loi CRPR (-30 %). Si les rapporteures soulignent la réussite de ce pan de la loi CRPR, elles appellent toutefois à ne pas relâcher la vigilance au cours des prochaines années.

C. LE RENFORCEMENT DES INFRACTIONS À LA LÉGISLATION SUR LES CULTES : DES DISPOSITIONS ESSENTIELLEMENT COSMÉTIQUES ?

La police des cultes a pour objet de garantir le respect de l'ordre public dans le cadre des pratiques religieuses. Elle revêt plusieurs aspects, également importants aux yeux du Sénat. Or si la police des lieux de culte a été mise en oeuvre, les mesures relatives aux ministres des cultes ou aux pressions religieuses n'ont pas trouvé à s'appliquer.

1. Une mesure nécessaire : la fermeture temporaire des lieux de culte

L'article 87 de la loi CRPR a donné au préfet la possibilité de prononcer la fermeture temporaire des lieux de culte dans lesquels les propos qui sont tenus, les idées ou théories qui sont diffusées ou les activités qui se déroulent, provoquent à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes ou tendent à justifier ou à encourager cette haine ou cette violence. Cette mesure permet de prévoir la fermeture de lieux de cultes où est prôné le séparatisme sans avoir à se fonder sur les dispositions existantes en matière de terrorisme ou sur les dispositions techniques relatives aux établissements recevant du public. Lors de son audition par la commission des lois le 27 février dernier, le ministre de l'intérieur a évoqué 18 fermetures intervenues depuis la fin de l'état d'urgence sanitaire grâce à la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme (Silt) de 2017, puis à la loi confortant le respect des principes de la République. Il a fait état de sa satisfaction sur le fonctionnement de la mesure en indiquant que sa limitation à deux mois renouvelables n'était pas pour lui un obstacle pratique : en effet, « lorsque nous fermons le lieu de culte, c'est pour faire le ménage au sein de l'association. Cela fonctionne très bien. Dans le cas très précis d'une mosquée en banlieue parisienne, j'ai même anticipé la réouverture, car l'association a pris des décisions telles que se séparer de l'imam, mettre fin à des financements et changer de président ».

2. Une mesure imparfaite : la clause « anti-putsch »

L'article 68 de la loi CRPR a fait évoluer les règles de fonctionnement des associations relevant de la loi de 1905 vers plus de démocratie, ce qui a été salué par les représentants des cultes entendus lors des auditions des rapporteures. Cet article avait également pour but d'agir préventivement par une clause dite « anti-putsch » imposant que les statuts associatifs soumettent certains actes importants à la délibération d'un organe collégial (nouvelles adhésions, modification statutaire, cessions et, le cas échéant, recrutement de ministres du culte).

Tant les représentants de cultes que les services de l'État ont pointé le faible nombre de situations dans lesquelles cette mesure avait pu utilement s'appliquer. Il apparaît, que sans pouvoir éviter la prise en main des associations par des éléments extrémistes la clause ne permet pas non plus de remédier aux putschs s'ils surviennent. Il est donc proposé de réfléchir à une évolution de cette disposition afin de clarifier la possibilité pour le préfet de refuser l'enregistrement des actes problématiques.

3. Des mesures trop peu investies par la justice

Le Sénat avait, lors de la discussion de la loi CRPR, souhaité un renouvellement de la police des cultes, qui dès 1905 visait les comportements séparatistes des ministres des cultes et d'individus prétendant imposer des pratiques religieuses. Notre assemblée avait donc augmenté les peines applicables aux ministres provoquant publiquement, dans les lieux où s'exerce le culte, à résister à l'exécution des lois ou aux actes légaux de l'autorité publique, au soulèvement ou à la guerre civile (article 82 de la loi CRPR). Elle avait également souhaité élargir les circonstances aggravantes pour ceux qui « ont agi en vue de déterminer [une personne] à exercer ou à s'abstenir d'exercer un culte, à faire partie ou à cesser de faire partie d'une association cultuelle, à contribuer ou à s'abstenir de contribuer aux frais d'un culte. » (article 81 de la loi CRPR).

Les rapporteurs n'ont cependant pu que constater que la justice est très peu saisie des questions relatives à la police des cultes et que les mesures prises ne trouvent quasiment pas à s'appliquer. On peut bien sûr penser que le nombre de cas où les infractions seraient constituées est réduit. Mais il se peut aussi que le traitement administratif soit privilégié dans les procédures contre les ministres des cultes. Les rapporteures craignent également des pressions exercées pour qu'une personne pratique une religion ne soient trop souvent négligées, spécialement dans le cadre familial.

Il est donc recommandé :

- qu'une circulaire conjointe des ministres de l'intérieur et de la justice encourage la judiciarisation des infractions à la police des cultes afin d'éviter un traitement purement administratif de ces questions ;

- que soit intégrée à l'article 31 de la loi de 1905 l'aggravation des peines voulue par le Sénat dans le cas où un membre de la famille force la participation à un culte.

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