II. UNE GESTION MANQUANT DE LISIBILITÉ ET POUVANT ÊTRE AMÉLIORÉE

Le point commun à l'ensemble des plans d'investissement ou de relance est le manque de lisibilité des dispositifs et des moyens correspondants. Il en découle un suivi parcellaire, éclaté entre différents acteurs et sans réel contrôle. En parallèle, la Cour des comptes souligne les défauts de conception préalable de ces plans, dont la logique semble davantage relever d'un « pilotage par la dépense », pour lesquels le lien avec les besoins réels du secteur culturel n'est pas toujours évident et dont l'effet levier est en définitive très décevant. La Cour l'indique clairement : « ainsi, le secteur culturel constitue-t-il un cas d'école des faiblesses de la gestion budgétaire et financière des PIA ».

A. UN CONTRÔLE LACUNAIRE ET UN PROCESSUS DE SUIVI INEFFICACE

L'écheveau des mesures de soutien au secteur culturel, complexe en lui-même, l'est d'autant plus que le suivi des dispositifs est éclaté entre un nombre important d'acteurs. À titre d'exemple, 14 des 36 mesures « Culture » du plan de relance étaient gérées par des grands opérateurs (Centre national de la musique, Centre national du livre, Centre des monuments nationaux, centre national du cinéma, etc.) et 6 co-gérées entre le ministère de la culture et d'autres opérateurs, dont des cabinets de conseil (Deloitte Conseil), et des structures privées exerçant des missions d'intérêt général (Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles - IFCIC et Société des auteurs et compositeurs dramatiques - SACD notamment). Deux mesures étaient gérées intégralement par d'autres ministères que celui de la Culture. Les rapporteurs spéciaux notent à cet égard que la multiplication des intermédiaires a pu entraîner un accroissement important des frais de gestion. Ainsi, la Cour estime que la rémunération des artistes en phase de production ne représenterait que 11 % du total des moyens prévus pour le programme « Mondes nouveaux », alors même que le principal objectif du dispositif est le soutien à la création.

En outre, si le plan de relance a été en grande partie piloté par le ministère de la culture lui-même, le SGPI est en charge du pilotage des PIA et de France 2030.

La Cour des comptes déplore le manque d'association du ministère de la culture, meilleur connaisseur sur le fond des filières culturelles : « le pilotage des PIA et de France 2030 par le Secrétariat général pour l'investissement (SGPI) contribue à dessaisir le ministère de la culture de ses missions de pilotage stratégique, d'allocation des financements et de contrôle sur l'équivalent d'une part significative de son budget annuel ».

Sur ce point, l'analyse des rapporteurs spéciaux peut diverger de celle de la Cour. Il n'est pas certain que confier la gestion et le pilotage des plans d'investissement au ministère de la culture ait été un choix davantage stratégique. Ainsi, concernant le plan de relance, il a été déployé au prix d'une certaine tension dans les effectifs des directions régionales des affaires culturelles (DRAC), alors même qu'il s'agissait d'une logique classique d'attribution de subventions. Il est possible de douter des capacités d'ingénierie et de gestion du ministère de la culture, au moins dans les services déconcentrés, pour la mise en place des dispositifs France 2030. La Cour, tout en déplorant la faible place du ministère de la Culture dans le déploiement des crédits exceptionnels, l'indique elle-même : « le recours massif à des opérateurs pour la mise en oeuvre du plan de relance est d'abord une réponse pragmatique à l'impossibilité humaine et matérielle du ministère de le faire lui-même », reconnaissant par là les moyens limités du ministère.

En revanche, il est certain que le volet culture et industrie culturelles des PIA comme de France 2030 n'a que faiblement un caractère interministériel. Par conséquent, il est permis de douter de la plus-value des PIA en termes de souplesse de gestion et de décision, d'autant plus que, comme l'indique la Cour des comptes, « le plan « France 2030 » se caractérise par une grande lourdeur des processus décisionnels et par un éparpillement de l'information, qui rendent complexe un suivi rigoureux ».

Au-delà de l'enjeu de difficulté de suivi, la Cour relève que la complexification de la chaîne de décision entre SGPI, ministère de la Culture et opérateurs est un facteur de « déresponsabilisation ». Il est certain que la faiblesse des procédures de contrôle formalisées par le SGPI a pu entraîner des anomalies de gestion. La conclusion de la Cour des comptes est sans appel : les PIA « apparaissent cependant globalement inadaptés à ce secteur. [...} pour les industries culturelles et créatives, le gain initial attendu du montage interministériel au plus haut niveau est limité en termes d'agilité faute d'une construction stratégique et budgétaire suffisamment robuste ».

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