N° 474

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024

Enregistré à la Présidence du Sénat le 27 mars 2024

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des finances (1) par la mission d'information sur les problèmes assurantiels des collectivités territoriales,

Par M. Jean-François HUSSON,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Bernard Delcros, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; M. Michel Canévet, Mmes Marie-Claire Carrère-Gée, Frédérique Espagnac, M. Marc Laménie, secrétaires ; MM. Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mme Florence Blatrix Contat, M. Éric Bocquet, Mme Isabelle Briquet, M. Vincent Capo-Canellas, Mme Marie-Carole Ciuntu, MM. Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel.

L'ESSENTIEL

Sous la présidence de M. Claude Raynal, la commission des finances a examiné, le mercredi 27 mars 2024, la communication de M. Jean-François Husson, rapporteur de la mission d'information sur les problèmes assurantiels des collectivités territoriales.

Pour répondre aux difficultés majeures rencontrées par les collectivités territoriales pour s'assurer, il est urgent d'adopter un panel de réponses qui visent, d'une part, à redonner vie à un marché de l'assurance des collectivités aujourd'hui atrophié et, d'autre part, à recréer les conditions d'un dialogue sain et fructueux entre assureurs et collectivités assurées.

I. DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES QUI SUBISSENT DES DIFFICULTÉS CROISSANTES À S'ASSURER

A. CES DIFFICULTÉS CONCERNENT ESSENTIELLEMENT L'ASSURANCE « DOMMAGES AUX BIENS » ...

Dans un contexte où de nombreux élus dénoncent les difficultés grandissantes qu'ils rencontrent pour s'assurer, la mission d'information a décidé de lancer une consultation en ligne afin d'identifier le plus précisément possible les problèmes rencontrés et les typologies de collectivités concernées. Il ressort des résultats de cette enquête plusieurs constats :

- des difficultés à s'assurer en raison de l'absence de réponse aux appels d'offres ou de nouvelles conditions tarifaires défavorables : depuis le 1er janvier 2023, 24 % des collectivités ayant répondu à la consultation indiquent avoir lancé un appel d'offres pour lequel aucun assureur n'a répondu. Par ailleurs, en cas de réponses, les montants de primes et de franchises proposés étaient en forte hausse par rapport au contrat précédent ;

- des difficultés dans l'exécution des contrats (avenants avec hausse des tarifs et des franchises, baisse des montants indemnisés) : 48 % des répondants évoquent une dégradation de la relation avec leur assureur au cours des 10 dernières années, et même une forte dégradation pour 24 %.

Parallèlement, 60 % des collectivités déclarent faire face à au moins un problème important dans leur relation avec leur assureur, ce taux s'élevant même à 90 % pour les collectivités de plus de 10 000 habitants.

Plus précisément, depuis le 1er janvier 2023, 29 % des collectivités répondantes ont vu leur contrat d'assurance faire l'objet d'un avenant, avec pour conséquence :

- une hausse de la cotisation pour 94 % d'entre elles. Cette augmentation de la prime était comprise : entre 20 % et 50 % pour 40 % des répondants, entre 50 % et 100 % pour 10 % des répondants et entre 50 % et 100 % pour 10 % des répondants ;

- une hausse des montants de franchises appliquées pour 27 % d'entre elles : cette augmentation était comprise entre 20 % et 50 % pour 19 % des répondants et entre 50 % et 100 % pour 9 % des répondants.

Dans certains cas, ces avenants, engendrant une hausse du coût du contrat, n'ont pas été justifiés par une hausse de la sinistralité, laissant ainsi les élus dans une situation d'incompréhension.

Enfin, depuis le 1er janvier 2023, 20 % des collectivités ayant répondu à la consultation ont subi une résiliation du contrat à l'initiative de l'assureur avec des durées de préavis parfois incompatibles avec le lancement d'un nouvel appel d'offres.

Ainsi, dans 4 % des cas de résiliation, la durée de préavis était égale ou inférieur à un mois, dans 11 % des cas, elle était comprise entre un et deux mois et dans 26 % des cas de résiliation cette durée était de deux à quatre mois.

Répartition géographique des collectivités ayant répondu à la consultation

Source : résultats de la consultation des élus locaux effectuée par le Sénat entre le 31 janvier 2024 et le 28 février 2024 auprès de 713 répondants

B. ... ELLES TOUCHENT L'ENSEMBLE DES COLLECTIVITÉS, AVEC UNE CONCENTRATION SUR CELLES DE PLUS DE 5 000 HABITANTS

Les difficultés assurantielles affectent l'ensemble des collectivités, qu'elles soient rurales ou urbaines, qu'elles aient été touchées ou non par des émeutes ou par des phénomènes climatiques violents.

Cette généralisation du phénomène et le fait que les difficultés remontent à avant l'année 2023 démontrent que les tensions du marché de l'assurance des collectivités territoriales résultent de dysfonctionnements structurels bien plus que du niveau de sinistralité des collectivités ou de leur exposition aux risques.

Toutefois, il convient de souligner que les collectivités les plus peuplées, en particulier celles de plus de 5 000 habitants, subissent plus fortement la dégradation de leur relation avec les assureurs.

Lien entre la taille de la collectivité et la dégradation de la relation
avec l'assureur

Source : résultats de la consultation des élus locaux effectuée par le Sénat entre le 31 janvier 2024 et le 28 février 2024 auprès de 713 répondants

II. CES DIFFICULTÉS ONT POUR ORIGINE LES DYSFONCTIONNEMENTS DU MARCHÉ DE L'ASSURANCE DES COLLECTIVITÉS

A. LA FORTE CONCENTRATION DU MARCHÉ PRIVE DE CHOIX LES COLLECTIVITÉS ET LES SOUMET AUX DÉCISIONS DES ASSUREURS

Reflet des dysfonctionnements qui frappent le marché de l'assurance des collectivités, le montant des primes y a connu une forte diminution entre 2017 et 2022, passant de 470 millions d'euros à 385 millions d'euros, soit une baisse de 18 %, alors même que la sinistralité augmentait sur cette période, ce que traduit notamment la hausse de 23 % enregistrée sur les primes des contrats d'assurance des entreprises.

Marché de l'assurance de dommages aux biens
des collectivités territoriales

(chiffre d'affaires, en millions d'euros, échelle de gauche ; nombre de contrats
en milliers, échelle de droite)

Source : réponses de France assureurs au questionnaire du rapporteur

Dans la deuxième moitié de la décennie 2010, les tarifs associés aux contrats d'assurance des collectivités ont en effet fortement baissé, sous l'effet conjugué de la politique tarifaire très agressive de la SMACL, engagée dans une « course au volume » pour devenir « numéro 1 » sans pour autant disposer d'une gestion suffisamment saine pour le lui permettre, et d'une guerre des prix sous l'influence notable d'assureurs européens qui ont pénétré intempestivement ce marché avant de s'en désengager. En conséquence, assurer les collectivités a nui à la profitabilité du marché de l'assurance des collectivités territoriales, que les assureurs ont fini par déserter.

Il en résulte un marché aujourd'hui divisé en deux segments, dont chacun est dominé par un unique assureur : Groupama pour les collectivités de moins de 10 000 habitants, SMACL Assurances SA pour les autres. Cette dernière, arrivée à une situation financière si grave qu'elle a dû faire le choix de s'adosser à la MAIF à la fin de l'année 2021, a fait les frais d'une politique tarifaire trop longtemps décorrélée du risque couvert. Elle a ainsi enregistré des pertes de près de 140 millions d'euros en 2022 et de 196 millions en 2023.

Les événements climatiques et les émeutes de l'année 2023 n'apparaissent ainsi que comme les révélateurs d'une situation qui préexistait à ces difficultés. En outre, du fait du défaut de concurrence, les collectivités sont en pratique forcées de se soumettre en cas de hausse de tarifs ou d'autres modifications contractuelles. Quant à la résiliation, elle les place dans une situation sans issue. La décision du Conseil d'État Grand port maritime de Marseille du 12 juillet 2023, qui permet à une collectivité d'imposer, en cas de résiliation unilatérale, la poursuite du marché pour la durée nécessaire à la passation d'un nouveau marché, n'offre qu'une modeste protection.

B. SI L'ACTION DU SUPERVISEUR A PERMIS D'ÉVITER UN VIDE DU MARCHÉ, ELLE N'A PAS EMPECHÉ SON ATROPHIE

L'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), qui supervise le secteur des assurances, a su jouer un rôle d'incitateur et a averti plusieurs fois la SMACL des difficultés vers lesquelles elle s'orientait. Elle a fini par lui demander en septembre 2020, et conformément aux pouvoirs de police administrative dont elle dispose, la mise en oeuvre d'un programme de rétablissement, aboutissant à l'adossement à la MAIF de la SMACL - devenue SMACL Assurance SA.

L'action résolue de l'ACPR a très probablement évité la défaillance d'un acteur incontournable de l'assurance des collectivités, ce qui aurait placé ces dernières dans une situation plus difficile encore que celle à laquelle elles sont confrontées aujourd'hui. Néanmoins, la mission constate que l'usage qu'elle a fait de ses prérogatives n'a pas permis de sortir le marché de l'ornière dans laquelle il était tombé, malgré une menace orale de retrait d'agrément - la sanction la plus sévère - auprès de la SMACL.

III. DES RISQUES ACCRUS ET DES DOMMAGES DE PLUS EN PLUS NOMBREUX ET COÛTEUX ONT MIS EN ÉVIDENCE CETTE SITUATION ET CONSTITUENT UNE MENACE POUR L'AVENIR

A. DES RISQUES EN ÉVOLUTION ET DONT LA PROBABILITÉ DE SURVENANCE AUGMENTE

Au-delà des risques « classiques » à assurer, les collectivités doivent faire face à des risques accrus pesant sur les bâtiments publics et le mobilier urbain en raison des événements et aléas climatiques. Ainsi, les tempêtes et inondations, mais également les sécheresses et leurs conséquences en termes de retrait gonflement des argiles et d'impact sur les bâtiments, causent des dommages et, subséquemment, des indemnisations importantes.

Plus récemment, à ces événements climatiques d'ampleur exceptionnelle, se sont ajoutés des mouvements sociaux violents (« gilets jaunes » puis émeutes de juin 2023) qui ont également eu pour conséquences des dégâts importants et coûteux pour les collectivités et subséquemment pour les assurances.

Ces deux types de phénomènes, climatiques et sociaux, ont mis en évidence les dysfonctionnements du marché assurantiel des collectivités. Ils ont été les révélateurs d'une atrophie de ce secteur allant jusqu'à un risque d'insoutenabilité du système financier de l'assurance.

Or, ces événements présentent des risques de récurrence accrue, de sorte qu'en l'absence de modification des modalités de fonctionnement de ce marché, les constats actuels ne peuvent que s'aggraver, générant des relations contractuelles avec les assureurs de plus en plus problématiques et déséquilibrées.

B. DES DOMMAGES DONT LA FACTURE DEVRAIT AUGMENTER D'ICI 2050

Entre 1982 et 2023, 50 milliards d'euros d'indemnisation ont été versés par les assurances au titre du régime des catastrophes naturelles. Pour l'ensemble des évènements climatiques, les indemnisations pour la période 1989 à 2019, soit une période de 30 ans, se sont élevées à 74 milliards d'euros. Les données collectées ne permettent cependant pas d'isoler la part des indemnisations versées aux collectivités ni même d'estimer le reste à charge pour ces dernières. Mais cette évolution traduit bien l'accroissement du risque climatique.

D'après des études basées sur des projections socio-démographiques et climatiques, les indemnisations pour la période 2020-2050 seraient de 143 milliards d'euros soit 69 milliards de plus que sur la période 1989-2019 (74 milliards).

Concernant les émeutes, pour les seules collectivités, les dommages aux biens représentent 27 % de leur coût total, et 200 millions d'euros d'indemnisation. En revanche, l'estimation du coût à venir de nouvelles émeutes est bien plus délicat à anticiper en raison d'une absence de modélisation et d'un aléa moral important, qui permet difficilement d'anticiper la survenance et l'ampleur de ces phénomènes dans les prochaines années.

Les principaux risques anticipés par les collectivités territoriales
dans les années à venir

(à l'échelle des départements)

Source : résultats de la consultation des élus locaux effectuée par le Sénat entre le 31 janvier 2024 et le 28 février 2024 auprès de 713 répondants

IV. GARANTIR LA CONCURRENCE SUR LE MARCHÉ, SÉCURISER LES COLLECTIVITÉS ET PRÉVOIR UNE INTERVENTION DE L'ÉTAT EN DERNIER RESSORT

Les collectivités territoriales ne sont pas responsables des difficultés qu'elles subissent. Pour autant, elles peuvent prendre diverses mesures afin d'améliorer leur situation assurantielle, de même que les assureurs et l'État doivent renforcer leur accompagnement. Aussi, les recommandations de la mission portent sur quatre axes :

- en premier lieu, il est nécessaire de garantir la concurrence sur le marché de l'assurance pour permettre à de nouveaux acteurs d'y entrer et protéger ainsi les collectivités des décisions d'un unique assureur ;

- deuxièmement, les collectivités doivent mettre en place des actions visant à mieux connaître leur patrimoine à assurer, à mieux identifier leurs risques et à les prévenir le mieux possible, afin de négocier des marchés au plus près de leurs besoins réels et au meilleur coût ;

- troisièmement, les conditions de passation des marchés publics d'assurance doivent être sécurisées et l'introduction de franchises doit permettre le recentrage des contrats sur les principaux risques, la diminution de leur coût et la responsabilisation des collectivités dans la gestion des petits risques ;

- enfin, l'État doit élargir son intervention dans les situations exceptionnelles afin qu'aucune collectivité ne se retrouve dans l'impasse.

La mission a formulé 15 propositions visant à atteindre ces objectifs. Elles tiennent compte du fait que les collectivités territoriales ne peuvent pas être considérées comme des entreprises et que la nécessité d'assurer des services publics de proximité exige de traiter leurs difficultés assurantielles de manière différenciée par rapport au secteur privé. La faculté de pouvoir s'assurer doit être considérée comme contribuant à leur libre administration.

LES 15 RECOMMANDATIONS
DE LA MISSION D'INFORMATION

Recommandation n° 1 : saisir l'Autorité de la concurrence sur la situation du marché de l'assurance des collectivités pour garantir son bon fonctionnement (commission des finances du Sénat puis Autorité de la concurrence).

Recommandation n° 2 : mettre en place un suivi spécifique à l'assurance des collectivités et mieux utiliser les prérogatives de supervision prévues par la loi (Autorité de contrôle prudentiel et de résolution - ACPR).

Recommandation n° 3 : mettre en place un inventaire physique exhaustif du patrimoine mobilier et immobilier des collectivités précisant l'état du bien en termes de vétusté et de respect des normes de sécurité (collectivités territoriales).

Recommandation n° 4 : développer des actions de formation et de sensibilisation à la gestion des risques auprès des élus et des agents et développer la fonction de gestionnaire des risques (collectivités territoriales et assureurs).

Recommandation n° 5 : établir une cartographie des risques de la collectivité (collectivités territoriales).

Recommandation n° 6 : systématiser les actions et investissements de prévention des risques en sollicitant les fonds d'investissement existants et l'expertise des assureurs (collectivités territoriales).

Recommandation n° 7 : clarifier et sécuriser juridiquement l'application du code de la commande publique aux marchés d'assurance des collectivités territoriales notamment par l'actualisation du guide pratique (direction des affaires juridiques des ministères économiques et financiers).

Recommandation n° 8 : mettre en place des actions de formation et de sensibilisation au fonctionnement du marché et des contrats d'assurance (collectivités territoriales, en lien avec les assureurs).

Recommandation n° 9 : développer le recours à des courtiers, conseils ou intermédiaires d'assurances qui pourront accompagner les collectivités dans la définition de leurs besoins et l'élaboration des pièces du marché (collectivités territoriales).

Recommandation n° 10 : utiliser l'ensemble des procédures permises par le code de la commande publique (collectivités territoriales).

Recommandation n° 11 : systématiser la pratique des franchises dans les contrats d'assurance (assureurs et collectivités territoriales).

Recommandation n° 12 : porter la durée minimum de préavis à six mois en cas de résiliation d'un contrat par l'assureur pour les collectivités et leurs établissements, et obliger les assureurs à justifier les résiliations unilatérales (Législateur).

Recommandation n° 13 : élargir les prérogatives du Médiateur de l'assurance afin d'accompagner les collectivités qui ne trouvent pas d'assureur et préciser sa compétence en termes de litiges (Gouvernement).

Recommandation n° 14 : étendre la dotation de solidarité aux collectivités victimes d'évènements climatiques ou géologiques (DSEC) aux dommages causés dans le cadre de violences urbaines (Gouvernement).

Recommandation n° 15 : mettre en place un dispositif d'indemnisation du risque d'émeutes inspiré de celui qui existe pour les catastrophes naturelles (Législateur).

INTRODUCTION

Depuis quelques années, les collectivités territoriales font face à des risques accrus, pesant notamment sur les bâtiments publics, en raison de la multiplication des événements et aléas climatiques. Plus récemment, ce constat a été renforcé par la survenance de mouvements sociaux violents qui ont généré des dégâts importants sur les biens immobiliers des collectivités.

Face à la hausse des épisodes météorologiques extrêmes et six mois après les émeutes de juin 2023, de nombreux élus dénoncent les difficultés grandissantes qu'ils rencontrent pour s'assurer auprès des compagnies : hausse du coût des contrats et des franchises, baisse des montants indemnisés, absence de réponse aux appels d'offres, etc. Si les premiers constats de ces difficultés assurantielles ont été remontés par des communes, tous les niveaux de collectivités sont touchés.

Dans ce contexte, la commission des finances a créé une mission d'information sur les difficultés assurantielles des collectivités territoriales1(*), dont le rapporteur est Jean-François Husson (LR - Meurthe-et-Moselle), rapporteur général de la commission. La mission s'est fixé comme objectif de dresser un état des lieux de ces difficultés et de proposer des solutions à même de garantir des conditions d'assurance acceptables pour toutes les collectivités et soutenables financièrement pour l'ensemble des acteurs concernés.

À cette fin, le Sénat par ailleurs lancé une consultation en ligne des élus locaux qui vise à recueillir leur témoignage sur les problèmes rencontrés tant pour s'assurer que dans leurs relations avec leur assureur. Cette consultation était ouverte du 31 janvier au 28 février 2024.

I. UN CONSTAT : DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES QUI SUBISSENT DE PLUS EN PLUS DE DIFFICULTÉS POUR S'ASSURER

A. LES OBLIGATIONS ASSURANTIELLES DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

1. Le champ limité des assurances obligatoires

En l'état du droit, seuls certains risques doivent obligatoirement être assurés par les collectivités.

a) Les assurances obligatoires en matière de responsabilité civile

Conformément à l'article L. 211-1 du code des assurances, les collectivités territoriales doivent souscrire des contrats d'assurance en responsabilité civile automobile visant à couvrir les dommages subis par des tiers résultant d'atteintes aux personnes ou aux biens dans la réalisation desquels un véhicule est impliqué. Cette garantie porte sur la responsabilité civile automobile, qu'il s'agisse des dommages causés aux personnes se trouvant hors du véhicule lors de l'accident ou aux personnes transportées dans le véhicule. Il s'agit de la seule garantie obligatoire.

Dans les faits, cette assurance peut également couvrir les dommages accidentels subis par le véhicule tels que ceux résultant de chocs, événements naturels, dommages par collision, vol, incendie, explosion, bris de glace, etc.

En pratique, et notamment pour faciliter la gestion, les collectivités souscrivent généralement une seule assurance dite de « flotte de véhicules » portant sur la responsabilité civile et sur les dégâts causés sur les véhicules de la collectivité.

Par ailleurs, l'article L. 421-13 du code de l'action sociale et des familles prévoit que les collectivités territoriales (et, de manière générale, les personnes morales employeurs) doivent assurer les assistants maternels et assistants familiaux qu'elles emploient pour tous les dommages, quelle qu'en soit l'origine, que les enfants gardés pourraient provoquer et pour ceux dont ils pourraient être victimes.

Les collectivités territoriales, organisant l'accueil des mineurs2(*) et exploitant les locaux où cet accueil se déroule, sont également tenues, au titre de l'article L. 227- 5 du code de l'action sociale et des familles, de souscrire un contrat d'assurance garantissant les conséquences pécuniaires de leur responsabilité civile, ainsi que de celle de leurs préposés et des participants aux activités qu'elles proposent.

b) Les assurances obligatoires en matière de protection des élus

S'agissant des élus locaux, seules les communes sont tenues de souscrire une garantie, dans un contrat d'assurance, destinée à assurer la protection fonctionnelle qu'elles doivent aux élus assurant des fonctions exécutives (maires, adjoints et conseillers municipaux avec délégation), soit en leur qualité d'auteur (article L. 2123-34 du code général des collectivités territoriales - CGCT), soit de victime (article L. 2123-35 du même code).

Premièrement, cette garantie vise à couvrir le conseil juridique, l'assistance psychologique et les coûts qui résultent de l'obligation de protection à l'égard du maire et des élus le suppléant ou ayant reçu une délégation ou à l'un de ces élus ayant cessé ses fonctions lorsque celui-ci fait l'objet de poursuites pénales à l'occasion de faits qui n'ont pas le caractère de faute détachable de l'exercice de ses fonctions.

Par ailleurs, cette garantie permet également de couvrir le conseil juridique, l'assistance psychologique et les coûts qui résultent de l'obligation de protection à l'égard du maire et des élus municipaux le suppléant ou ayant reçu délégation contre les violences, menaces ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion ou du fait de leurs fonctions.

Dans les communes de moins de 10 000 habitants, le montant payé par la commune au titre de cette souscription fait l'objet d'une compensation par l'État dans les conditions fixées à l'article L. 2335-1 du CGCT (compensation forfaitaire intégrée à la dotation particulière élu local - DPEL depuis la loi de finances pour 20233(*)).

Cette obligation de protection couvre la réparation intégrale des préjudices corporels matériels et immatériels subis ou causés dans l'exercice des fonctions d'élus.

c) Les assurances obligatoires en matière de protection des agents publics

S'agissant des agents, les collectivités ont, aux termes des articles L. 827-9 du code général de la fonction publique (CGFP) et du 3° de l'article 4 de l'ordonnance n° 2021-175 du 17 février 2021 relative à la protection sociale complémentaire, l'obligation de participer au financement de la protection sociale complémentaire des agents en matière de prévoyance, à compter du 1er janvier 2025. Cette obligation couvre les risques d'incapacité de travail, d'invalidité, d'inaptitude ou de décès auxquelles souscrivent les agents qu'elles emploient (volet prévoyance).

De surcroît, en matière de santé, à compter du 1er janvier 2026, les collectivités territoriales devront également participer au financement des garanties de protection sociale complémentaire destinées à couvrir les frais occasionnés par une maternité, une maladie ou un accident auxquelles souscrivent les agents qu'elles emploient (volet santé).

À l'inverse, la protection fonctionnelle des fonctionnaires peut faire l'objet d'un contrat d'assurance sans que celui-ci soit pour autant obligatoire. En l'absence d'assurance, la collectivité supporte elle-même les frais y afférents.

d) Les assurances obligatoires pour les dommages-ouvrages

L'assurance dommages-ouvrages est obligatoire pour les seules constructions à usage d'habitation.

Conformément aux dispositions de l'article L. 242-1 du code des assurances, l'objet de l'assurance dommages-ouvrage est de permettre le préfinancement de la réparation des dommages de nature décennale subis par l'ouvrage assuré et ce sans recherche préalable de responsabilité.

Au sens des dispositions de l'article 1792 du code civil, les dommages concernés sont ceux qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou le rendent impropre à sa destination.

2. Des assurances facultatives pour la majorité des biens des collectivités

En dehors des cas susmentionnés, l'assurance des collectivités territoriales n'est pas obligatoire et celles-ci peuvent opter pour la souscription de contrats d'assurance ou pour l'auto-assurance.

Dans les faits, une grande majorité des collectivités territoriales a cependant recours à des contrats d'assurance plutôt qu'à l'auto-assurance, comme en attestent les résultats de la consultation menée par le Sénat4(*) selon lesquels 9 % seulement des collectivités répondantes pratiquent l'auto-assurance contre 91 % qui ont recours à des contrats d'assurance en matière de dommages aux biens.

S'il existe de nombreuses polices d'assurance facultatives5(*) pour les collectivités territoriales, le présent rapport se limitera, pour l'essentiel, aux assurances « dommages aux biens » en raison, d'une part, de leur caractère quasiment systématique malgré l'absence d'obligation légale d'assurer les biens mobiliers et immobiliers des collectivités et, d'autre part, car ces assurances sont celles posant les plus grandes difficultés aux collectivités territoriales. En effet, lors de l'exécution des contrats, les collectivités ayant répondu à la consultation précisent, pour 77 % d'entre elles, que les contrats d'assurance pour les dommages aux biens sont ceux qui posent le plus de difficultés.

a) Le principe de l'assurance « dommages aux biens »

Cette assurance « dommages aux biens », lorsqu'elle a été contractée par la collectivité, couvre les dommages subis par les biens dont la collectivité est propriétaire ou dont elle a l'usage au moment de la survenance d'un sinistre, à savoir essentiellement son patrimoine immobilier, les ouvrages participant à l'adduction et au traitement des eaux, le mobilier urbain, l'éclairage public, les édifices ruraux et monuments aux morts. Cette assurance peut couvrir le vol, l'incendie, les dégâts causés par la tempête ou la neige, les dégâts des eaux, les dommages électriques, le bris de glace ou encore les catastrophes naturelles. Seuls les biens limitativement mentionnés dans les pièces contractuelles sont assurés.

b) L'auto-assurance

L'auto-assurance consiste, pour les collectivités territoriales, à prendre en charge directement, sur le budget local, la réparation des dommages subis à l'occasion de la survenance d'un risque. Elle n'est possible que pour les risques qui ne sont pas soumis à assurance obligatoire (cf. supra).

Toutefois, l'auto-assurance ne peut pas faire l'objet de provisions au sens comptable du terme. En effet, la notion comptable de provisions concerne les seuls risques avérés dont une évaluation peut être produite et nécessite que les trois conditions cumulatives suivantes soient remplies :

- qu'il existe une obligation de l'entité vis-à-vis d'un tiers résultant d'un événement passé (rattachable à l'exercice clos ou à un exercice antérieur) ;

- qu'il soit probable ou certain qu'une sortie de ressources sera nécessaire pour éteindre cette obligation vis-à-vis du tiers ;

- que le montant puisse être estimé de manière fiable.

Ainsi, sur le plan comptable, les collectivités ont l'obligation de constituer une provision dès l'apparition d'un risque avéré. Les provisions sont comptabilisées en fin d'exercice au plus tard, au vu des risques intervenus au cours de l'année.

Dès lors, ce cadre règlementaire, défini dans les instructions budgétaires et comptables (M57 à compter de 2026), peut être mis en oeuvre en cours d'année une fois le risque survenu.

Le système de provisionnement ne peut, dans ce contexte, constituer qu'un premier niveau de réponse à l'auto-assurance.

En dehors de risques avérés, les collectivités ont la possibilité de constituer des réserves budgétaires à travers leurs résultats excédentaires cumulés, tant sur la section de fonctionnement que sur celle d'investissement.

Par conséquent, au regard de leur connaissance des risques, les collectivités peuvent, par ce mécanisme, constituer volontairement des réserves budgétaires qui matérialisent la faculté d'auto-assurance.

L'auto-assurance a pour principaux obstacles, d'une part, le coût important des sinistres potentiels par rapport au budget global d'une collectivité, et, d'autre part, la situation financière tendue de certaines collectivités qui ne leur permet pas de constituer des réserves budgétaires ou des provisions, au-delà de celles imposées par les textes. Cette contrainte budgétaire explique, en partie, le choix massif des collectivités territoriales de recourir à des contrats d'assurance plutôt qu'à l'auto-assurance.

Quelques explications et définitions sur l'assurance des collectivités
et le système assurantiel

Comme tout agent économique, particulier ou entreprise, une collectivité peut s'assurer contre les risques qu'elle est amenée à subir. Elle souscrit pour cela un contrat d'assurance auprès d'un assureur. Outre les assurances qu'elle doit obligatoirement souscrire, elle peut s'assurer contre le risque de « dommages aux biens »6(*). Les assureurs rangent les biens assurés dans la catégorie des « biens professionnels », comparables à ceux détenus par une entreprise. En revanche, à la différence des entreprises, la collectivité est tenue, pour conclure le contrat d'assurance qui la lie à son assureur, de se soumettre aux procédures prévues par le code de la commande publique pour éviter tout risque ou soupçon de favoritisme.

Le contrat d'assurance détermine limitativement les risques couverts ainsi que les conditions de couverture de ces risques et d'indemnisation des sinistres7(*). En particulier, il prévoit :

- le niveau de la prime d'assurance ou, lorsque l'assureur est une société d'assurance mutuelle, de la cotisation. L'une comme l'autre désigne la même réalité, à savoir la somme que le souscripteur du contrat - l'assuré - s'engage à verser à l'assureur en échange de la garantie du risque ;

- le niveau des franchises, c'est-à-dire la contribution de l'assuré en cas de sinistre. La franchise représente la prise en charge du risque supportée par l'assuré. Elle peut être relative (absence d'indemnisation si le coût du sinistre est inférieur à la franchise, mais indemnisation complète dans le cas contraire) ou absolue (le montant de la franchise est déduit de l'indemnité quelle que soit l'importance du sinistre ;

- le plafond de garantie.

Ces niveaux peuvent varier en cours de contrat, par le biais d'un avenant, ou lors du renouvellement du contrat, pour prendre en compte la survenance éventuelle d'un ou plusieurs sinistres, l'absence de sinistre, ou encore les mesures de prévention mises en place par l'assuré. En effet, la prime, en ce qu'elle peut évoluer en fonction du comportement de l'assuré, ainsi que la franchise partagent un objectif de responsabilisation de l'assuré. Au surplus, elles sont interdépendantes : une franchise élevée peut permettre un niveau de prime inférieur, car l'assureur sait alors qu'en cas de sinistre, sa contribution sera moindre.

L'encaissement des primes vient alimenter une provision qui permet à l'assureur d'indemniser les sinistres lorsqu'ils surviennent. Il permet aussi de financer son activité et contribue à son chiffre d'affaires.

Outre les traditionnels indicateurs de résultats, le ratio « sinistre sur prime » (S/P) ou « sinistre sur cotisation » (S/C), qui met en rapport les indemnisations versées par l'assureur lors de la réalisation de sinistres8(*) et les primes ou cotisations versées par l'assuré, est particulièrement observé. Au niveau du contrat, il permet de donner une indication sur son équilibre : s'il est trop élevé, l'assureur doit rééquilibrer les termes du contrat, par exemple en augmentant la prime. Au niveau de l'activité (ou d'une branche d'activité) de l'assureur, il permet de donner une indication sur sa performance financière et la pertinence de son modèle économique. Si le ratio est trop élevé, l'assureur doit modifier son modèle économique, par exemple en exigeant globalement un niveau de primes ou de franchises plus élevé ou en résiliant davantage de contrat. Une étude réalisée en 2016 par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) montre que la moyenne, toutes affaires confondues, du ratio S/P entre 2001 et 2015 se situe autour de 80 %. Pour le risque « dommage aux biens des particuliers », il est assez instable autour de 70 % et pour le risque « dommages aux biens professionnels et agricoles », auquel se rattache l'assurance « dommages aux biens » des collectivités, il est en moyenne compris entre 50 % et 60 %.

Le ratio de solvabilité est, quant à lui, un des principaux indicateurs pour apprécier la solidité financière d'un assureur : il compare le montant de capital requis en fonction des risques encourus par l'entreprise au capital effectivement détenu par l'assureur.

Un assureur se protège lui-même contre les risques en faisant à son tour garantir auprès d'un réassureur une partie des risques qu'il a couverts. Historiquement, c'est pour faire face à des risques qu'elles avaient du mal à assurer, en particulier le risque d'incendie, que les sociétés d'assurances ont fait appel à des contrats de réassurance. Le réassureur couvre ainsi une partie du risque que l'assureur a couvert auprès de l'assuré. Le principe est similaire à celui de l'assurance : il existe une franchise et une prime. Le processus de négociation est itératif, pour trouver le bon équilibre entre les souhaits et nécessités de l'assureur et l'appétit au risque du réassureur, afin de déterminer les conditions de couverture. Les conditions de réassurance ont une influence déterminante sur les conditions d'assurance : si, lors d'un exercice, un réassureur constate qu'il fait face à une sinistralité trop élevée pour lui, il exigera de l'assureur une vigilance plus grande avec ses assurés, des primes et des franchises plus élevées, ce qui se répercutera rapidement sur les assurés.

Source : commission des finances ; Autorité de contrôle prudentiel et de résolution : Analyses et Synthèses, Indicateurs de risque et vulnérabilités en assurance sur données historiques, n° 67, juillet 2016 ; réponses de MunichRe au questionnaire du rapporteur

B. DES DIFFICULTÉS CROISSANTES ET DE NATURE DIVERSE

Depuis plusieurs mois, de nombreux élus dénoncent les difficultés grandissantes qu'ils rencontrent pour s'assurer. Dans une tribune9(*) adressée au journal « Le Monde » un collectif d'édiles a d'ailleurs interpelé le Gouvernement sur le désengagement des assureurs.

Dans ce contexte, la commission des finances a décidé de mener la présente mission d'information pour identifier le plus précisément possible les difficultés rencontrées et les typologies de collectivités concernées par ces problèmes.

Dans ce cadre, une consultation en ligne des élus locaux a été lancée sur le site internet du Sénat le 31 janvier 2024. Les élus, qui avaient jusqu'au 28 février pour y répondre, se sont fortement mobilisés avec plus de 700 réponses collectées.

Il ressort des résultats de cette consultation que les difficultés rencontrées par les collectivités sont protéiformes et touchent tant la passation des marchés que leur exécution.

Avertissement

Les résultats de la consultation n'ont pas de valeur de représentativité statistique en raison du caractère facultatif de la participation et du fait que seules les collectivités inscrites sur la plateforme de consultation du Sénat ont été sollicitées.

Ils peuvent donc présenter un biais dans la mesure où les répondants peuvent être des collectivités rencontrant le plus de difficultés assurantielles. Ils représentent cependant un échantillon large, avec 713 réponses, et permettent, à ce titre, de confirmer et compléter les éléments et témoignages recueillis lors des auditions.

1. Des difficultés pour s'assurer en raison de l'absence de réponse aux appels d'offres ou de nouvelles conditions tarifaires défavorables

En premier lieu, les collectivités territoriales font part de difficultés croissantes pour s'assurer, caractérisées par la multiplication des appels d'offres infructueux.

Ainsi, depuis le 1er janvier 2023, 24 % des collectivités répondantes indiquent avoir lancé un appel d'offres pour lequel aucun assureur n'a répondu.

Par ailleurs, en cas de réponses, les montants de primes et de franchises proposés étaient en forte hausse par rapport au contrat précédent.

À titre d'exemple, pour les dommages aux biens, la commune d'Alfortville, qui a conclu un nouveau marché en janvier 2024 pour une surface de bâtiments à assurer inchangée, a vu le montant de sa cotisation passer de 82 633 euros à 280 000 euros et son montant de franchise de 2 000 euros à 100 000 euros (nouveau contrat avec un nouvel assureur).

La commune de Chevilly-Larue a, quant à elle, renouvelé son contrat pendant la période des émeutes de l'été 2023. Après un appel d'offre infructueux, la commune a opté pour une négociation de gré à gré avec l'aide d'une assistance à maitrise d'ouvrage (AMO). Son nouveau contrat se traduit par une augmentation de la cotisation, passée de 102 000 euros à 107 000 euros, mais surtout de la franchise, passée de 100 000 euros à 2 millions d'euros, pour une surface à assurer en diminution de 1 708 mètres carré (nouveau contrat avec le même assureur que précédemment).

2. Des difficultés dans l'exécution des contrats 
a) Des conditions tarifaires et d'indemnisation dégradées, parfois sans lien avec la sinistralité constatée

De manière générale, 48 % des répondants évoquent une dégradation de la relation avec leur assureur au cours des 10 dernières années, et même une forte dégradation pour 24 % d'entre eux.

Parallèlement, 60 % des collectivités déclarent faire face à au moins un problème important avec leur assureur, ce taux montant à 90 % pour les collectivités de plus de 10 000 habitants.

Typologie des problèmes rencontrés par les collectivités territoriales
avec leur assurance depuis le 1er janvier 2023

Source : résultats de la consultation des élus locaux effectuée par le Sénat entre le 31 janvier 2024 et le 28 février 2024 auprès de 713 répondants

Ces difficultés touchent, par ailleurs, des collectivités sur l'ensemble du territoire comme en atteste l'analyse géographique des résultats de la consultation.

Répartition géographique des collectivités ayant répondu à la consultation.

Source : résultats de la consultation des élus locaux effectuée par le Sénat entre le 31 janvier 2024 et le 28 février 2024 auprès de 713 répondants

Plus particulièrement, depuis le 1er janvier 2023, 29 % des collectivités répondantes ont vu leur contrat subir un avenant. Cet avenant a eu pour conséquence :

- une hausse de la cotisation pour 94 % d'entre elles. Cette augmentation de la prime était comprise entre 20 % et 50 % pour 40 % des répondants et entre 50 % et 100 % pour 10 % des répondants ;

Hausse des primes des contrats après avenant

Source : résultats de la consultation des élus locaux effectuée par le Sénat entre le 31 janvier 2024 et le 28 février 2024 auprès de 713 répondants

- une hausse des montants de franchises appliquées pour 27 % d'entre elles. Cette augmentation des montants de franchises était comprise entre 20 % et 50 % pour 19 % des répondants et entre 50 % et 100 % pour 9 % des répondants.

Hausse des franchises après avenant

Source : résultats de la consultation des élus locaux effectuée par le Sénat entre le 31 janvier 2024 et le 28 février 2024 auprès de 713 répondants

Parallèlement, les résultats de la consultation révèlent également des baisses des montants indemnisés et/ou l'instauration ou la baisse d'un montant maximal indemnisé par an.

Dans certains cas, ces avenants n'ont pas été justifiés par une hausse notable de la sinistralité, laissant ainsi les élus dans une situation d'incompréhension sur la corrélation entre le coût de leur contrat et leur taux de sinistralité. Les témoignages relatant ces évolutions ont été nombreux. Ainsi, la commune de Fresnes, à titre d'exemple, a vu l'avenant de son contrat générer une hausse de 42 % de la cotisation pour les dommages aux biens, alors même que la commune a enregistré peu de dégâts durant les émeutes de juin 2023 et un seul sinistre dans l'exécution du contrat, datant de 2018.

Cependant, lors des auditions et déplacements réalisés par la mission d'information, certaines collectivités ont reconnu que les prix et montants de franchises pratiqués antérieurement étaient relativement bas au regard des risques à couvrir et vraisemblablement en dessous du juste prix de l'assurance.

b) Des divergences d'interprétation récurrentes et des délais d'indemnisation parfois très longs

Les résultats de la consultation ont, par ailleurs, mis en exergue des différences d'interprétation des contrats se traduisant par des refus d'indemnisation et des divergences d'appréciation sur le montant des dégâts indemnisés.

Ainsi, 12 % des collectivités ayant répondu indiquent que leur assureur a, depuis le 1er janvier 2023, refusé au moins une fois d'indemniser des dégâts dont la couverture était pourtant prévue, d'après la collectivité, par le contrat d'assurance souscrit.

Parallèlement, 14 % des répondants indiquent avoir rencontré, depuis la même date, des divergences significatives d'appréciation sur le montant à indemniser.

Enfin, 35 % des collectivités ayant répondu sont actuellement dans l'attente d'une indemnisation pour un dommage sur un de leur bien. Parmi ces cas, 18 % attendent cette indemnisation depuis une durée comprise entre un et deux ans et 4 % depuis plus de 2 ans.

Délais d'indemnisation moyens des collectivités ayant répondu à la consultation

Source : résultats de la consultation des élus locaux effectuée par le Sénat entre le 31 janvier 2024 et le 28 février 2024 auprès de 713 répondants

3. La multiplication des résiliations unilatérales à l'initiative des assureurs

Enfin, depuis le 1er janvier 2023, 20 % des collectivités ayant répondu à la consultation ont subi une résiliation du contrat à l'initiative de l'assureur, avec des durées de préavis parfois incompatibles avec le lancement d'un nouvel appel d'offres. Ainsi, dans 4 % des cas de résiliation, la durée de préavis était égale ou inférieur à un mois, dans 11% des cas, elle était comprise entre un et deux mois et dans 26 % des cas de résiliation cette durée était de deux à quatre mois.

D'après les données de France Assureurs, au niveau national, les taux de résiliation des contrats des collectivités est cependant resté stable sur les dernières années : 3,5 % en 2020, 4,3 % en 2021, 3,5 % en 2022 et 2,9 % sur les neufs premiers mois de l'année 2023.

Délais de préavis dans les cas de résiliation unilatéral du contrat d'assurance

Source : résultats de la consultation des élus locaux effectuée par le Sénat entre le 31 janvier 2024 et le 28 février 2024 auprès de 713 répondants

Les auditions menées par les membres de la mission mettent également en exergue les conditions de ces résiliations : par simple courrier et le plus souvent sans motif et à tout le moins sans explication ou justification précise.

Il ressort de cette pratique un sentiment d'incompréhension des élus notamment pour ceux dont la sinistralité est demeurée faible.

C. DES DIFFICULTÉS QUI CONCERNENT L'ENSEMBLE DES COLLECTIVITÉS, AVEC UNE PRÉDOMINANCE POUR CELLES DE PLUS DE 5 000 HABITANTS

Les difficultés assurantielles affectent l'ensemble des collectivités qu'elles soient rurales ou urbaines, qu'elles aient été touchées ou non par des émeutes ou par des phénomènes climatiques violents.

Cette généralisation du phénomène démontre que les tensions du marché de l'assurance des collectivités territoriales résultent de dysfonctionnements structurels bien plus que du niveau de sinistralité des collectivités ou de leur exposition aux risques.

Des résiliations unilatérales, de même que les avenants tarifaires intervenus en amont des émeutes, comme ce fut le cas du syndicat des eaux Orne Aval en Meurthe-et-Moselle, attestent également d'un phénomène plus ancien que l'année 2023.

Pour autant, les difficultés évoquées supra semblent plus particulièrement toucher un certain type de collectivités. De surcroît, même si elles se diffusent à l'ensemble du territoire, elles demeurent à ce jour relativement limitées dans la mesure où elles toucheraient quelques milliers de collectivités sur près de 40 000.

Selon l'Association des maires de France, 10 % des communes sont actuellement confrontées à des résiliations de contrat ou à de fortes hausses de leur cotisation, ce phénomène touchant essentiellement les chefs-lieux de canton, les bourgs centre et les villes moyennes.

1. Les collectivités de plus de 5 000 habitants semblent les plus touchées par les difficultés assurantielles

Il ressort de l'analyse des résultats de la consultation et des auditions menées par la mission d'information que les collectivités de plus de 5 000 habitants ont vu leurs relations avec leur assureur se dégrader dans des proportions plus importantes que les collectivités de moins de 5 000 habitants.

Ainsi, 80 % des collectivités de plus de 5 000 habitants répondantes indiquent avoir constaté une forte dégradation de cette relation sur les dix dernières années contre seulement 18 % des collectivités de moins de 5 000 habitants. La différence n'est en revanche pas significative entre les collectivités comprises entre 5 000 et 10 000 habitants et celles supérieures à 10 000 habitants.

À l'inverse, seules les collectivités répondantes de moins de 5 000 habitants indiquent constater une amélioration de la relation, même si ce pourcentage reste faible (4% des répondants).

Lien entre la taille de la collectivité et la dégradation de la relation
avec l'assureur

Source : résultats de la consultation des élus locaux effectuée par le Sénat entre le 31 janvier 2024 et le 28 février 2024 auprès de 713 répondants

Les cas de résiliations unilatérales des contrats d'assurance ont aussi très majoritairement concerné les collectivités de plus de 5 000 habitants.

Typologie des collectivités ayant connu une résiliation unilatérale

de leur contrat d'assurance

Source : résultats de la consultation des élus locaux effectuée par le Sénat entre le 31 janvier 2024 et le 28 février 2024 auprès de 713 répondants

Si ces difficultés concernent donc essentiellement les communes de plus de 5 000 habitants, les contributions des associations d'élus transmises aux membres de la mission révèlent également que les intercommunalités, les départements et les régions sont touchés.

2. Le facteur déterminant du périmètre des biens à assurer

D'après Alain Chrétien, vice-président de l'Association des maires de France, auditionné le 7 février 2024 par la commission des finances, le phénomène touche assez peu les communes rurales faiblement peuplées, dans la mesure où « les risques y sont très limités » en raison d'un nombre restreint voire nul d'équipements publics (écoles, piscines, bibliothèques, etc.). 

A contrario, les villes qui concentrent le plus d'équipements publics subissent largement le désistement massif des assureurs, y compris des communes qui n'ont été touchées ni par les émeutes ni par des catastrophes naturelles.

Ainsi, une des raisons expliquant les moindres difficultés rencontrées par les communes de moins de 5 000 habitants pourrait provenir non pas des risques potentiels ou réels, qu'ils soient climatiques ou sociaux, mais bien plus du périmètre des biens à assurer.

3. Les cas particuliers des collectivités d'outre-mer

Historiquement, les territoires ultramarins ne présentent pas de différence significative par rapport à l'hexagone en termes de sinistralité, notamment liée à des phénomènes climatiques, et du coût moyen des sinistres.

Ainsi, d'après un rapport sur le phénomène de non assurance dans les départements et collectivités d'outre-mer10(*), sur la période 1995-2016, la part de la sinistralité liée aux catastrophes naturelles au sein des départements ultramarins représentait 4,5 % de la sinistralité nationale à mettre en regard de la population des territoires d'outre-mer qui représente 4,2 % de la population nationale. Le poids des sinistres d'origine naturelle par rapport au nombre d'habitants n'est donc pas significativement plus important qu'en métropole.

Cependant, les territoires d'outre-mer sont caractérisés par une grande volatilité et une intensité plus importante des sinistres naturels. De plus, compte tenu de l'exiguïté des collectivités ultramarines, ces événements sont généralisés à l'ensemble du territoire alors que la métropole connaît également des phénomènes réguliers mais qui restent, le plus souvent, limités à une région.

L'ouragan Irma, ayant touché une large partie de l'océan Atlantique nord en 2017, a modifié les données précédemment enregistrées en termes de sinistralité en faisant passer les outre-mer à 13,3 % de la sinistralité naturelle en France d'après les données du rapport précité.

Le principal problème lié à la gestion de la sinistralité naturelle dans ces territoires demeure surtout dans le manque de couverture assurantielle. Ainsi, en 2020, le taux d'assurance dommage (particuliers, entreprises et collectivités confondus) était de l'ordre de 50 % dans les outre-mer (40 % à Mayotte, à Saint-Martin et en Guyane, de 50 % en Guadeloupe et en Martinique et de 60 % à La Réunion et Saint-Barthélemy), contre 96 % dans l'Hexagone. Cette absence d'assurance peut s'expliquer, dans certains cas, par les difficultés financières rencontrées par certaines communes ultra-marines11(*), les incitant à renoncer à contracter des assurances parfois couteuses.

Parallèlement au manque de couverture assurantielle des biens ultramarins, la question du processus d'évaluation des dommages pose également des difficultés. À la suite de l'ouragan Irma de 2017, la préfecture de Guadeloupe avait d'ailleurs souligné les défaillances des assureurs pour accéder aux territoires très sinistrés.

De surcroît, le statut des collectivités du Pacifique (Nouvelle-Calédonie et Polynésie française) crée des particularités. Ainsi, le régime « Cat-Nat12(*) » ne s'applique pas à ces deux territoires.

En Nouvelle-Calédonie, si un « état de catastrophe », prévu par certains textes réglementaires locaux, peut être déclaré par un arrêté du gouvernement de Nouvelle-Calédonie, il ne déclenche aucun dispositif de soutien financier.

En Polynésie française, le cadre juridique relatif aux catastrophes naturelles est plus unifié, et ressemble davantage au régime « Cat Nat » de l'hexagone. Ainsi, l'état de catastrophe naturelle existe également dans le droit local polynésien, souvent qualifié de « calamité naturelle ». En revanche, si l'état de calamité naturelle est déclaré par un arrêté du conseil du gouvernement polynésien, il ne déclenche pas de mécanisme assurantiel comme dans l'Hexagone mais un ensemble de mécanismes de solidarité.

Le rapport sur le phénomène de non assurance dans les départements et collectivités d'outre-mer fournit, par ailleurs, quelques éléments intéressants sur le niveau d'assurance des collectivités d'outre-mer malgré l'absence de données consolidées et précise que « les communes d'outre-mer affichent, en moyenne, des dépenses d'assurance plus limitées qu'en métropole par rapport à leur budget de fonctionnement (0,6 % contre 0,8 %), alors même que le prix de certaines garanties est plus élevé outre-mer. De nombreuses collectivités ultramarines rencontrées par la mission, surtout des communes, ont effectivement déclaré choisir de ne pas assurer tout ou partie de leurs biens notamment immeubles. La sous-assurance, avec notamment des limitations contractuelles d'indemnité largement inférieures aux actifs assurables de la commune, est également pratiquée » car jugée seule compatible avec les contraintes budgétaires des collectivités.

Par ailleurs, la mission commune de l'Inspection générale des finances (IGF) et du conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) a constaté, lors des entretiens menés avec des élus locaux ultramarins, que les difficultés assurantielles rencontrées par les collectivités de ces territoires sont assez similaires à celles de l'hexagone :

- difficultés à renouveler des contrats et/ou à trouver un assureur répondant aux appels d'offres (parfois en raison de la vétusté de certains bâtiments que les assureurs ne veulent pas assurer) ;

- résiliation de contrats.

Il ressort de ce qui précède que si la mission d'information du Sénat n'a pas développé de manière spécifique les problématiques assurantielles ultramarines, notamment en raison de contraintes de temps, les principaux constats du présent rapport leurs sont applicables en grande partie, et ce malgré les particularités liées au climat, à l'état batimentaire, à l'insularité ou aux contraintes budgétaires.

II. CES DIFFICULTÉS ONT LARGEMENT POUR ORIGINE LES DYSFONCTIONNEMENTS DU MARCHÉ DE L'ASSURANCE, DONT LES COLLECTIVITÉS SONT VICTIMES

A. UN MARCHÉ AUJOURD'HUI TRÈS FORTEMENT CONCENTRÉ, CE QUI PORTE PRÉJUDICE AUX COLLECTIVITÉS

1. Groupama et Smacl Assurances SA se partagent la quasi-totalité du marché

Le marché de l'assurance des collectivités territoriales se partage essentiellement entre deux acteurs français : Groupama, dont le siège se situe à Paris, et Smacl Assurances SA, dont le siège se situe à Niort.

Ce constat, dont la plupart des personnes entendues par la mission lui ont fait part, se retrouve dans les résultats de la consultation des élus locaux sur la plateforme du Sénat. En effet, 32,9 % des répondants déclarent être assurés par Smacl Assurances SA, tandis que 43,5 % d'entre eux sont assurés par Groupama.

Les principaux assureurs des collectivités en 2024

(en pourcentage des collectivités assurées)

Source : résultats de la consultation des élus locaux effectuée par le Sénat entre le 31 janvier 2024 et le 28 février 2024 auprès de 713 répondants

Ces chiffres, qui ne représentent pas précisément l'état du marché puisqu'ils ne concernent que 713 collectivités, recoupent en partie ceux des principaux intéressés13(*).

Smacl Assurances SA assure près de 16 000 collectivités14(*). Elle assure au moins un risque dans 73 % des communes de plus de 2 500 habitants, 90 % des conseils départementaux, 56 % des conseils régionaux et 58 % des communautés de communes et d'agglomération15(*). De par son positionnement sur les grandes collectivités, cette société domine le marché des appels d'offres. En effet, au-delà de 221 000 euros hors taxe, l'acheteur public doit respecter une procédure formalisée pour passer son marché (une procédure d'appel d'offres la plupart du temps)16(*).

Groupama revendique pour sa part une clientèle d'environ une commune sur deux en France17(*). Historiquement implantée dans le monde rural, cette société cible surtout les communes de moins de 10 000 habitants, mais les garanties proposées ont été étendues aux intercommunalités au fil des lois de décentralisation. Après la loi NOTRe18(*), Groupama a étendu son ciblage sur les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) dont la ville centre est inférieure à 50 000 habitants. Positionnée sur les petites collectivités, cette société domine le marché du « gré à gré », procédure qui peut être lancée en dessous de 40 000 euros hors taxe, sans publicité ni mise en concurrence. Entre 40 000 euros hors taxe et 221 000 euros hors taxe, l'acheteur public peut utiliser une procédure intermédiaire (MAPA - marché à procédure adaptée) qui fait l'objet d'un formalisme plus allégé que l'appel d'offre.

Quelques autres assureurs sont présents sur le marché, notamment Axa pour certaines des collectivités les plus importantes, mais celui-ci peut tout de même s'analyser comme se partageant entre deux monopoles pour chaque segment : l'un pour les grandes collectivités, l'autre pour les petites.

2. Des collectivités privées de choix

C'est ce manque d'acteurs qui limite fortement les collectivités dans leur choix aujourd'hui et est largement à l'origine des problèmes qu'elles rencontrent puisqu'elles se retrouvent soumises aux conditions posées par l'assureur de leur segment.

En cas de résiliation, il leur est difficile, voire impossible de retrouver un assureur. Cette difficulté n'est que partiellement allégée depuis juillet 2023 par la décision du Conseil d'État Grand port maritime de Marseille (cf. infra), qui impose en cas de résiliation unilatérale de la part de l'assureur la poursuite du contrat qui le lie à une personne publique pour le délai nécessaire à la passation d'un nouveau marché, délai toutefois inférieur à un an.

En cas de hausse de tarifs à la suite d'un avenant, il leur est également difficile de refuser celle-ci ou de résilier elles-mêmes leur contrat. Seule une certaine ténacité des collectivités dans la renégociation de ces hausses de tarifs peut leur permettre de les modérer. Par exemple, et comme la mission a pu en prendre connaissance, la commune de Boulogne-Billancourt a ainsi obtenu une modération des hausses de tarifs demandées par Smacl Assurances SA.

B. LA DÉRIVE D'UN ACTEUR HISTORIQUE STOPPÉE TARDIVEMENT PAR LE SUPERVISEUR ET DONT LA POLITIQUE COMMERCIALE PARTICIPANT À UNE GUERRE DES PRIX A CONDUIT À L'ATROPHIE DU MARCHÉ

1. La stratégie de la Smacl a été renforcée par une guerre des prix dans la deuxième moitié des années 2010, ce qui a poussé les tarifs à la baisse et a fini par provoquer le désengagement des acteurs en place

La stratégie portée par la Smacl sur les années 2010 a été la domination du marché : Patrick Blanchard, actuel directeur général de Smacl Assurances SA, estimait auprès de la mission que, dans les années 2010 à 2015, la Smacl avait pour objectif d'« être numéro 1 et d'avoir une course au volume » ce qui, selon lui, a été « contre-productif ». Jean-Luc de Boissieu, ancien président du Conseil d'administration de la Smacl et actuel président du conseil d'administration de Smacl Assurances SA, estime également que la Smacl était, dans les années 2010, en position dominante.

Le vice-président de l'ACPR, Jean-Paul Faugère, sans être aussi précis, a bien souligné auprès de la mission que les pratiques tarifaires de l'acteur historique ont été assez agressives dans le passé, induisant un décalage préjudiciable du tarif par rapport au risque couvert, posant nécessairement problème selon lui puisque, selon lui, elle met les assureurs dans l'impossibilité d'assurer le risque proposé19(*). Les courtiers entendus par la mission estiment aussi que la Smacl a pratiqué des prix très décorrélés de la sinistralité.

Or, ces pratiques tarifaires - qui sont intervenues après un mouvement de rattrapage à la suite de la tempête Xynthia de 2010 - se conjuguaient avec une gestion globale douteuse.

Dans les suites qu'elle a données à son rapport de contrôle effectué au début de la décennie 2010, l'ACPR mettait déjà en évidence une insuffisance des fonds propres compte tenu de la nature des risques souscrits par la Smacl20(*). De nombreux doutes étaient également émis quant à la qualité de la gestion interne de la Smacl.

Si un redressement a été engagé par la Smacl à la suite de ce rapport, la guerre des prix initiée en 2015 avec l'arrivée de nouveaux assureurs sur le marché, notamment étrangers et souvent sollicités par des courtiers21(*), a contribué à renforcer la décorrélation entre les tarifs pratiqués orientés à la baisse et les risques couverts, au point que le prix moyen des attributions au mètre carré pour les dommages aux biens a été divisé par deux entre 2012 et 2017.

Prix moyen des attributions au m2 pratiqués par la Smacl
pour l'assurance dommage aux biens des collectivités

(en euros)

Source : réponses de Smacl Assurances SA au questionnaire du rapporteur

La pression concurrentielle semble, à l'époque, avoir été particulièrement forte, voire déloyale, puisque malgré un partenariat entre la Smacl et Ethias, assureur belge des collectivités, celui-ci est venu lui faire concurrence sur le marché français, ayant même gagné le marché de la ville de Niort où siège la Smacl. Cette arrivée d'assureurs étrangers est liée à la « LPS », pour « libre prestation de services » : le passeport européen permet à un assureur étranger de proposer librement ses contrats d'assurance en France.

Le provisionnement de la Smacl s'en est trouvé dégradé, ce qui était à l'époque un secret de Polichinelle : « sur le marché, il était connu que la Smacl avait une sous-provision », mais ce comportement pouvait s'analyser à la lumière de cette guerre des prix, car pour tenir dans ce contexte « il fallait aller chercher de l'argent dans le provisionnement »22(*).

Le recours aux procédures de marchés publics pour la souscription des contrats d'assurances des collectivités territoriales a pu renforcer ce phénomène, puisque le prix, plus que la qualité des affaires souscrites, est souvent le critère d'attribution principalement retenu par les collectivités souscriptrices. De même, le recours à des courtiers chargés de repérer les offres les plus profitables, n'a pas contribué à enrayer cette baisse des prix.

Dans ces conditions, les résultats de la Smacl se sont fortement affaissés sur la deuxième moitié des années 2010 : elle a alors cherché de nouveaux relais de développement sur des secteurs qu'elle maîtrisait mal, en particulier la flotte automobile des entreprises, ce qui a contribué à empirer sa situation financière, devenue très préoccupante.

Évolution de la situation financière de la Smacl de 2014 à 2023

Source : contribution écrite de Jean-Luc de Boissieu

Le désengagement progressif des assureurs - dont le comportement est qualifié par la Smacl de « dumping sévère » - a conduit à une forte concentration du marché, et a permis une hausse progressive des tarifs à partir de 2018, hausse encore insuffisante23(*) puisque la MAIF, lorsqu'elle a récupéré la Smacl, a constaté un écart très fort entre ses propres règles de provisionnement et celles de la Smacl. Comme l'a signalé Patrick Blanchard à la mission, « les règles de provisionnement de la Smacl n'étaient pas les règles du marché. Comment cela n'a pas été vu ? ». Cette tarification encore trop faible a empêché la constitution d'un marché véritablement concurrentiel.

2. Les difficultés de la Smacl ont nécessité la mise en place de plans de rétablissement puis un adossement à la MAIF

La stratégie de la Smacl à la fin de la décennie 2010 lui a probablement permis de perdurer, mais à un prix fort, pour elle-même et pour les collectivités.

Encouragée par l'ACPR24(*), la Smacl a adhéré au 1er janvier 2019 à l'UMG VyV, un groupe de mutuelles de santé qui lui laissait la possibilité de conserver sa spécificité en assurances dommages, tout en y voyant une opportunité de constituer, avec en son sein la MNT25(*), un pôle territorial.

Cette stratégie d'adossement a été manifestement insuffisante, la Smacl payant probablement, et à retardement, une politique de souscription et de tarification sans rapport avec sa tolérance aux risques, une gestion douteuse (problèmes sur la récupération des recours, la surveillance du portefeuille et la structure des couvertures en réassurance) ainsi qu'une « réorientation de la dernière chance » vers la flotte des entreprises, faite pour compenser les pertes mais malvenue étant donné l'inadaptation des services de la Smacl à la gestion de ce risque26(*).

À partir de 2019, l'ACPR a procédé à un suivi annuel des résultats de la Smacl et du plan de redressement adopté par le conseil d'administration. S'il a conduit à une première hausse des tarifs en 2020 et à un retour à un résultat de 0 en 2020, qui n'était que le produit d'une amélioration conjoncturelle liée à la crise sanitaire et à la baisse des accidents, il a toutefois été jugé insuffisant.

L'ACPR, observant, pour reprendre les termes de son vice-président, que « les équilibres techniques de la Smacl étaient inquiétants », lui a ainsi demandé en septembre 2020 de mettre en oeuvre un programme de rétablissement, en application de l'article L. 612-32 du code monétaire et financier. Un plan de rétablissement, visant notamment l'application de hausses tarifaires sur les marchés des particuliers, a dès lors été soumis en novembre 2020. La communication des indicateurs demandés à la Smacl s'est avérée insuffisante, incomplète et ne correspondant pas à ceux nécessaires. Un programme modifié, plus convaincant, a donc été mis en place.

Constatant une certaine incompatibilité entre la Smacl et son groupe de rattachement27(*), la première a décidé de se rapprocher de la MAIF, un de ses concurrents sur le marché de l'assurance des collectivité, incitée en cela par le groupe VyV. L'Autorité de la concurrence a autorisé ce rapprochement le 20 octobre 2021. « Ceci s'est concrétisé fin 2021 par la création d'une société anonyme détenue majoritairement par la MAIF dans laquelle la majorité des contrats a été transférée depuis la mutuelle, avec l'accord de l'ACPR »28(*).

Sur les années suivantes, les déséquilibres accumulés sur les années précédentes ainsi que la hausse de la sinistralité ont plongé la Smacl dans une situation particulièrement difficile nécessitant une intervention de la MAIF. Faisant face à un déficit de fonds propres, elle a été recapitalisée début 2022 par la MAIF à hauteur de 180 millions d'euros. Smacl Assurances SA précise que « les événements climatiques, les émeutes urbaines de 2023, une forte augmentation des sinistres graves ainsi qu'un alignement des méthodes de provisionnement sur celles du marché ont rendu nécessaires deux nouvelles augmentations de capital à hauteur de 205 millions d'euros (140 millions d'euros en 2022 et 65 millions d'euros en 2023) ainsi que deux émissions de dette pour un montant cumulé de 81 millions d'euros intégralement souscrites par MAIF en 2023 ».

Il s'agit d'un effort massif au regard du poids de la Smacl, dont le chiffre d'affaires représentait 406 millions d'euros en 2022 et 409 millions d'euros en 2023, toutefois nécessaire au regard des résultats négatifs enregistrés depuis 2021, avec en particulier - 140 millions d'euros en 2022 et - 196 millions d'euros en 2023.

3. Les dysfonctionnements du marché ont donné lieu à une correction brutale dans le cadre d'une hausse de la sinistralité

Avec le changement climatique, la sinistralité a fortement augmenté ces dernières années, et les cotisations auraient dû suivre. Or, le marché en assurance dommages aux biens s'est au contraire contracté, les contrats « dommages aux biens » des collectivités passant de 470 millions d'euros de prime en 2017 à 385 millions d'euros en 202229(*). Dans le même temps, les primes sur les contrats d'assurance des entreprises ont augmenté de 23 %30(*).

Le rattrapage n'en est aujourd'hui que plus violent et les collectivités ont subi de plein fouet la tension du marché.

Marché de l'assurance de dommages aux biens des collectivités territoriales

(chiffre d'affaires, en millions d'euros, échelle de gauche ; nombre de contrats en milliers, échelle de droite)

Source : réponses de France assureurs au questionnaire du rapporteur

Par ailleurs, les hausses de tarifs enregistrées sur les contrats de la Smacl ne paraissent pas uniquement refléter une « correction du marché », mais sont aussi le produit de l'alignement de ses méthodes de provisionnement sur celles de la MAIF. Elles sont d'autant plus fortes qu'elles interviennent dans le cadre d'une forte hausse de la sinistralité qui, en 2023, a particulièrement touché Smacl Assurances SA.

Comme le souligne la compagnie, les émeutes urbaines de l'été 2023 ont en effet pesé pour 200 millions d'euros brut de réassurance sur les contrats de collectivités, dont 100 millions d'euros pour le Groupe MAIF, et plus particulièrement 65 millions d'euros bruts de réassurance pour Smacl. Une fois prise en compte la réassurance, cette somme est réduite à 45 millions d'euros net, ce qui représente toutefois plus de 10% du chiffre d'affaires de Smacl. Il s'agit, selon cette compagnie, d'un « déséquilibre majeur qui, cumulé à la forte sinistralité climatique - de l'ordre de 50 millions d'euros, fragilise dangereusement la Smacl et rend in fine le marché insoutenable »31(*).

La correction du marché et la hausse de la sinistralité s'accompagnent d'une plus forte rigueur de la part des réassureurs, particulièrement frileux face au risque d'émeutes, et réagissant avec retard aux dysfonctionnements décrits plus haut. Ainsi, les tarifs de réassurance ont sensiblement augmenté au cours des deux dernières années après un cycle baissier de plus de dix ans et une perte de rentabilité pour les assureurs, ce qui a pu se répercuter sur les tarifs des polices originelles. De même, les conditions de couverture de réassurance (franchises, étendue de couverture, possibilités d'agrégation de sinistres cumulatifs) se sont resserrées32(*). Par ailleurs, ainsi que l'a indiqué à la mission Thierry Léger, le directeur de SCOR, comme « ce risque augmente très fortement, mais que les compagnies d'assurance ne sont pas prêtes à payer pour ce risque, les réassureurs introduisent un prix pour un risque d'émeutes et clarifient la couverture » dans le cadre des traités de réassurance. Les assureurs doivent aussi supporter désormais une partie du risque climatique.

La conjonction de ces éléments entraîne de plus fortes exigences de la part des réassureurs dans le cadre des traités de réassurance, ce qui finit par se répercuter sur les assurés : « les communes sans couverture sont probablement le résultat de cette réflexion des compagnies d'assurance », selon Thierry Léger.

4. L'intervention du superviseur a permis d'éviter la défaillance d'un acteur, sans pour autant remédier aux dysfonctionnements constatés

Dans ce contexte, la mission a été amenée à s'interroger sur le rôle du superviseur - l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) - et sur l'usage qu'il a pu faire de ses prérogatives.

Son intervention dès le début des années 2010, à la suite d'un contrôle approfondi, a permis de mettre en évidence des défauts de gestion, mais aussi le caractère insuffisant du niveau de fonds propres de la Smacl, compte tenu de la nature des risques souscrits.

Sans que cela ait fait l'objet d'une trace écrite, selon Jean-Luc de Boissieu, l'ACPR aurait par la suite donné quelques années à la Smacl pour retrouver un niveau de fonds propres de 100 millions d'euros, sous peine d'un retrait d'agrément - ce qui représente la sanction la plus forte mobilisable.

Par ailleurs, face à la pression supplémentaire à la baisse exercée par des assureurs étrangers européens pénétrant, dans le cadre du régime de la libre prestation de service, le marché français à la fin de la décennie 2010, l'ACPR disposait de moyens limités pour intervenir. En effet, les assureurs étrangers n'ont besoin que de disposer de l'agrément de l'autorité de contrôle de leur pays d'origine, qui conserve l'essentiel du pouvoir de contrôle et de supervision, pour exercer en France. L'ACPR intervient essentiellement à la demande de l'autorité de contrôle étrangère, tandis que les mesures qu'elle est susceptible de prendre à l'encontre de l'entreprise ne font pas l'objet de la même gradation qu'à l'encontre d'une entreprise nationale (cf infra).

Les conditions d'exercice et de contrôle des assureurs européens en France

L'article 56 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), qui interdit les restrictions à la libre prestation des services entre les États membres, s'applique aux services d'assurance. Dès lors, une entreprise d'assurance dont le siège social ou la succursale est situé dans un État membre de l'Espace économique européen peut offrir ses services sur le territoire d'un autre État membre. Pour cela, elle doit avoir reçu l'agrément des autorités de contrôle de son État d'origine33(*). Le droit français prévoit toutefois que l'ACPR doit avoir « préalablement reçu de ces dernières les informations requises »34(*). Les autorités de contrôle étrangères peuvent procéder à un contrôle en France, sous réserve d'en avoir informé l'ACPR35(*).

L'ACPR agit essentiellement sur demande de l'autorité de contrôle de l'État d'origine, qu'il s'agisse de restreindre ou d'interdire la libre disposition des actifs de l'entreprise, ou de prendre les mesures pour protéger les intérêts des assurés en cas de retrait d'agrément ou de liquidation de l'entreprise36(*). L'ACPR peut toutefois obtenir tous les documents et informations qu'elle demande justifiant que l'entreprise respecte les obligations qui s'imposent à elle en application du code des assurances37(*), enjoindre à l'entreprise de mettre fin à une situation irrégulière (non-respect des règles qui s'imposent à elle) et, en cas de refus d'obtempérer, en informer l'autorité de contrôle étrangère, saisir l'AEAPP, et, en cas de persistance du refus, « prendre les mesures appropriées pour faire cesser cette situation irrégulière »38(*).

Source : commission des finances, d'après le TFUE et le code des assurances

L'ACPR n'a par ailleurs pas pour mission de surveiller les prix en vigueur sur le marché, ce qui contreviendrait au principe de liberté contractuelle. Elle doit surtout assurer la protection de la clientèle et veiller au respect, par les assureurs, de leurs obligations prudentielles pour éviter la matérialisation d'une crise.

Une fois passé l'épisode de forte dégradation de l'activité de la Smacl (résultat global négatif en 2018 et 2019, ratio S/C39(*) supérieur à 80 % entre 2017 et 2019), l'ACPR s'est saisie plus « volontairement » du problème de la Smacl et lui a demandé en septembre 2020 de mettre en place un programme de rétablissement. Ainsi, l'intervention de l'ACPR a probablement permis d'éviter un vide du marché puisque, sans ce programme de rétablissement, il est probable que la Smacl aurait périclité ce qui, compte tenu de la situation du marché, aurait induit un défaut d'assurance pour 16 000 collectivités.

Toutefois, la mission constate que l'ACPR n'a pas recouru à l'ensemble des prérogatives dont elle disposait.

En vertu du code monétaire et financier, elle peut notamment procéder à des contrôles sur pièces et sur place auprès d'un organisme40(*), le contrôle sur place pouvant être étendu à d'autres organismes qui lui sont liés41(*). Dans ce cadre, elle peut obtenir tout renseignement ou information de l'organisme contrôlé42(*) et prononcer une injonction assortie d'une astreinte dans certains cas43(*). En cas de contrôle sur place, elle établit un rapport dont les suites sont communiquées au conseil d'administration44(*). Dans le cas de la Smacl, la mission estime que ces pouvoirs ont été utilisés de façon adaptée.

L'ACPR dispose également, au-delà de ses prérogatives en matière de contrôle, de pouvoirs de police administrative45(*) et de sanction46(*) à l'égard des entreprises qu'elle supervise.

Elle peut ainsi notamment :

mettre en garde une entreprise à l'encontre de la poursuite de pratiques qu'elle juge « susceptibles de mettre en danger les intérêts de ses clients, assurés, adhérents ou bénéficiaires »47(*) ;

mettre en demeure toute personne soumise à son contrôle de prendre toutes mesures destinées à sa mise en conformité avec les obligations au respect desquelles l'ACPR a pour mission de veiller48(*) ;

- demander à toute personne soumise à son contrôle qu'elle soumette à son approbation un programme de rétablissement49(*) ;

- prendre une série de mesures conservatoires, allant du placement de l'entreprise sous surveillance à l'interdiction de certaines de ses activités, en passant par l'interdiction de distribution d'un dividende aux actionnaires, dès lors que la solvabilité ou la liquidité de l'entreprise ou que les intérêts des assurés sont compromis ou susceptibles de l'être50(*) ;

- désigner un administrateur provisoire auprès de la personne contrôlée auquel sont transférés tous les pouvoirs d'administration, de direction et de représentation, ou un ou plusieurs administrateurs temporaires51(*).

Elle dispose également d'un large pouvoir de sanction, mobilisable notamment lorsque l'entreprise a enfreint une disposition au respect de laquelle l'ACPR a pour mission de veiller, qu'elle n'a pas remis le programme de rétablissement demandé par l'ACPR, n'a pas tenu compte d'une mise en garde ou n'a pas déféré à une mise en demeure. L'article L. 612-39 du code monétaire et financier établit ainsi une gradation des sanctions disciplinaires, commençant par l'avertissement et se terminant par le retrait total d'agrément. Elles peuvent s'accompagner de sanctions pécuniaires.

Les données qu'a obtenues le rapporteur concernant la Smacl et l'usage que l'ACPR a fait de ses pouvoirs le conduisent à estimer que le superviseur interprète de façon trop restrictive l'étendue des prérogatives qui lui sont reconnues par la loi.

Comme cela a été signalé à la mission par Jean-Luc de Boissieu, alors qu'elle n'avait utilisé aucun des pouvoirs de police administrative que la loi lui reconnaît, l'ACPR a menacé oralement la Smacl d'un retrait d'agrément, qui constitue la sanction la plus forte si celle-ci ne rétablissait pas un niveau de fonds propres satisfaisant. Ce n'est que plus tard, en septembre 2020, qu'elle a exigé de la Smacl la mise en place d'un programme de rétablissement.

C. L'ENTRÉE DE NOUVEAUX ACTEURS EST RENDUE DIFFICILE PAR UN USAGE INADÉQUAT DES RÈGLES DE COMMANDE PUBLIQUE ET LA MAUVAISE CONNAISSANCE DES RISQUES PAR LES COLLECTIVITÉS LOCALES

La hausse des tarifs enregistrée en 2022 et 2023 et dont témoignent de nombreuses collectivités, si brutale, mal anticipée et donc préjudiciable soit-elle, devrait contribuer à faire revenir certains assureurs sur le marché.

Toutefois, l'attractivité du marché de l'assurance des collectivités semble dégradée par les règles de la commande publique, dont relève l'assurance depuis le décret du 27 février 199852(*)'.

Cette entrée de l'assurance dans les règles de la commande publique a eu pour effet une baisse des prix pour les collectivités, une amélioration de la qualité de l'assurance, et un certain assainissement des pratiques à travers le renouvellement périodique imposé.

Aujourd'hui, toutefois, les assureurs semblent unanimes pour estimer que les procédures liées à l'application de code de la commande publique freinent l'entrée de nouveaux acteurs. Le mode de fonctionnement le plus fréquent est en effet l'appel d'offre (75 %53(*)). Or, dans ce cas, c'est l'assuré qui fixe son besoin dans un cahier des charges publié à la disposition de tous les opérateurs. Une fois qu'il est public, l'appel d'offres peut très difficilement être modifié, et les assureurs sont priés de déposer leur offre sur cette seule base. Le seul choix à disposition de l'assureur est de répondre, ou de ne pas répondre, alors que son métier suppose qu'il ait la meilleure connaissance possible des risques qu'il assure, ce qui peut passer par des visites de site ou un dialogue renforcé avec la collectivité. Faute de ce dialogue en amont, les assureurs ne peuvent pas constater, si c'est le cas, que le risque est maîtrisé par la collectivité ou qu'elle a mis en place les mesures de prévention adéquates et, 'par conséquent, les collectivités ne sont pas incitées à améliorer leur gestion du risque pour améliorer les conditions contractuelles de leurs marchés.

Il existe aussi une disjonction entre les nombreuses contraintes réglementaires imposées aux collectivités (par exemple en matière de prévention) et les demandes des assureurs en termes de gestion du risque, qui ne se rencontrent qu'imparfaitement. Il est ainsi fréquent que la réglementation des établissements recevant du public et les demandes des assureurs se distinguent (exemple du certificat Q18, souvent requis par les assureurs pour s'assurer de la qualité des installations électriques, mais qui n'est pas prévu par la réglementation).

III. LES RISQUES ACCRUS ET LES DOMMAGES DE PLUS EN PLUS NOMBREUX ET COUTEUX QUI ONT MIS EN ÉVIDENCE CETTE SITUATION CONSTITUENT UNE MENACE POUR L'AVENIR

A. DES RISQUES EN ÉVOLUTION ET DONT LA PROBABILITÉ DE SURVENANCE AUGMENTE

Depuis quelques années, au-delà des risques « classiques » à assurer, les collectivités doivent faire face à des risques accrus pesant sur les bâtiments publics et le mobilier urbain, en raison des événements et aléas climatiques.

Ainsi, les tempêtes et inondations, mais également les sécheresses et leurs conséquences en termes de retrait gonflement des argiles et d'impact sur les bâtiments, causent des dommages et, subséquemment, des indemnisations importantes.

Plus récemment, à ces événements climatiques d'ampleur exceptionnelle, se sont ajoutés des mouvements sociaux (« gilets jaunes » de novembre 2018 à novembre 2019 puis émeutes de juin 2023) qui ont également eu pour conséquences des dégâts importants et coûteux pour les collectivités et subséquemment pour les assurances.

Ces deux types de phénomènes, climatiques et sociaux, ont mis en évidence les dysfonctionnements du marché assurantiel des collectivités. Ils ont été les révélateurs d'une atrophie de ce secteur allant jusqu'à un risque d'insoutenabilité du système financier de l'assurance.

Or, ces événements présentent des risques de récurrence accrue, de sorte qu'en l'absence de modifications des modalités de fonctionnement de ce marché, les constats mentionnés supra ne peuvent que s'aggraver laissant les collectivités territoriales dans l'impossibilité de s'assurer et, à tout le moins, générant des relations contractuelles avec les assureurs de plus en plus problématiques et déséquilibrées.

1. Des risques environnementaux de plus en plus marqués et qui devraient devenir de moins en moins exceptionnels

La France est exposée à différents phénomènes naturels qui peuvent être regroupés en trois types d'aléas principaux :

- aléas hydrologiques (inondations) ;

- aléas terrestres (mouvements de terrain, séismes, avalanches, éruptions volcaniques, feux de forêt, tsunamis) ;

- phénomènes atmosphériques (vents, tempêtes et cyclones).

D'après les données du ministère de la transition écologique, depuis 1982, près de 17 500 événements naturels ont été à l'origine d'une reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle dans au moins une commune. 61 % sont le résultat d'inondation, 20 % sont liés au phénomène de retrait-gonflement des argiles et 16 % à des mouvements de terrain, le reste se répartissant principalement entre les cyclones et les séismes.

Ramenée à l'échelle communale, ce sont environ 240 000 états de catastrophe naturelle qui ont été reconnus depuis la mise en place du régime Cat-Nat.

Le nombre annuel de reconnaissances de l'état de catastrophe naturelle a fortement varié sur la période 1982-2023. Les évolutions constatées ne dépendent cependant pas uniquement de l'occurrence des catastrophes naturelles mais reflètent également l'évolution de la liste des phénomènes naturels indemnisables et notamment les critères retenus pour justifier une reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle. Ainsi, la tempête de 1982 a été reconnue en tant que telle, alors que seuls les inondations et mouvements de terrain provoqués par celles de 1999 (Lothar et Martin) ou 2010 (Xynthia) ont été reconnus.

Nombre de reconnaissances de l'état de catastrophe naturelle entre 1982 et 2023

Note de lecture : en 1999, 57 956 communes ont été reconnues en Cat-Nat.

Note : les phénomènes atmosphériques ne sont plus couverts par le régime Cat-Nat depuis 2010 (et 1989 pour les tempêtes).

Source : MTECT, données Gaspar du 10 novembre 2023 dans le rapport sur les chiffres clés des risques naturels - Edition 2023

La pertinence de l'analyse n'est donc pas intrinsèquement liée au nombre de catastrophes naturelles mais plutôt aux montants indemnisés qui reflètent l'ampleur des dommages causés. Sous ce prisme, force est de constater que la sinistralité liée aux catastrophes naturelles est en forte hausse depuis 2016, comme l'indique le graphique ci-dessous. Parallèlement, alors que les inondations étaient, jusqu'en 2010, la principale cause des dégâts indemnisés, les sècheresses ont tendance à devenir le phénomène le plus coûteux aujourd'hui.

Ainsi, sur la période 1982-2022, près de 50 milliards d'euros d'indemnisations ont été versées par les assureurs au titre de la garantie catastrophes naturelles (aux particuliers, entreprises et collectivités territoriales).

Indemnisations liées aux dommages assurés
causés par les seules catastrophes naturelles de 1982 à 2022

Note : le coût des sinistres Cat-Nat s'entend hors véhicules terrestres et hors franchise.

Source : CCR dans le rapport sur les chiffres clés des risques naturels - Edition 2023

Synthèse des évènements climatiques touchant la France

Source : Observatoire national des risques naturels - Rapport sur les chiffres clés des risques naturels -
Edition 2023

La tendance à la multiplication d'événements climatiques d'ampleur devrait se poursuivre dans les années à venir voire s'accentuer.

Le 6e rapport du Giec (2021-2023) confirme ainsi la progression du réchauffement climatique. Selon les scénarios envisagés, il apparaît ainsi très probable que la température moyenne à la surface du globe à l'horizon 2100 augmente de 1,4 degré dans un scénario minimaliste à 4,4 degrés dans un scénario maximaliste par rapport à la période préindustrielle.

Or, chaque hausse de 0,5 degré supplémentaire est susceptible de se traduire par une augmentation de l'intensité et/ou de la fréquence des phénomènes extrêmes. Cette évolution concerne en particulier le risque de submersion marine, les aléas en montagne, les feux de forêt, les précipitations intenses et les cyclones.

2. Des violences sociales de plus en plus fréquentes et difficiles à anticiper

En France, les violences urbaines ont connu une évolution importante depuis 40 ans. Dans les années 1980 et 1990, la montée des violences était essentiellement liée à la délinquance et aux rivalités entre bandes, en particulier dans les banlieues défavorisées. Ce phénomène était donc relativement isolé et limité à certains territoires, avec peu de conséquences sur les biens publics ou privés.

Les émeutes de 2005 constituent un tournant dans le développement de ce phénomène avec une généralisation des dégradations.

Depuis lors, les violences urbaines en France se sont intensifiées et diversifiées. Les mouvements sociaux tels que les Gilets Jaunes, et plus récemment les émeutes de juin 2023, ont donné lieu à des affrontements violents entre manifestants et forces de l'ordre accompagnés de nombreux actes de vandalisme en marge des manifestations.

Enfin, contrairement aux violences urbaines de 2005, celles de 2023 se sont propagées à l'ensemble du territoire touchant des communes de toutes tailles. À cet égard, le ministre de la cohésion des territoires soulignait d'ailleurs qu'il s'agissait « d'une géographie nouvelle ».

Ainsi, plus de 550 communes ont été le théâtre d'émeutes en 2023 contre environ 200 en 2005 dont 97 en Île-de-France contre seulement 8 en 2005. Par ailleurs, les violences de 2023 présentent la particularité de s'être propagées dans des communes faiblement peuplées, parfois rurales.

Types de communes touchées par les émeutes entre le 27 juin et le 2 juillet 2023

(en nombre de communes)

Source : Article « Analyse comparée et socio-territoriale des émeutes de 2023 en France - Marco Oberti et Maela Guillaume Le Gall (Sciences Po / Polytechnique)

La probabilité de survenance de ces phénomènes augmente. Si les éléments déclencheurs restent relativement stables (souvent un événement particulier dans un contexte de tensions déjà existantes liées à une situation économique dégradée), la généralisation de l'utilisation des réseaux sociaux renforce le phénomène et permet sa rapide propagation, de même qu'elle réduit la prévisibilité des actions et subséquemment limite les possibilités rapides d'intervention des pouvoirs publics afin d'en limiter les conséquences.

3. Des cyber risques en hausse encore mal appréhendés par les collectivités

En 2020, près de 30 % des collectivités territoriales ont été victimes d'une attaque au rançongiciel54(*) selon une étude du Clusif 55(*). Cette même année le nombre de cyberattaques contre des collectivités territoriales a augmenté de 50 % par rapport à 2019.

L'ensemble des collectivités est touché par ces attaques qui peuvent parfois générer des coûts considérables. Ainsi, le rapport 2023 d'IBM sur « le coût d'une violation de données » a montré que le coût moyen d'une cyberattaque contre le secteur public pouvait atteindre les 2,6 millions de dollars.

Or, la cybercriminalité à l'encontre des collectivités territoriales devrait progresser dans les années à venir en raison de trois phénomènes concomitants qui la rendent plus facile, plus attractive et plus lucrative :

- la numérisation accélérée des services publics, avec le développement du télétravail, le déploiement de la fibre et la dépendance croissante des collectivités aux systèmes d'information ;

- la difficulté à mettre en place des outils de prévention, en raison notamment d'un manque de moyens et de compétence en interne sur ce sujet ;

- l'intégration du cyberespace comme nouveau vecteur de la conflictualité géopolitique dont les collectivités territoriales, leurs établissements publics et les établissements de santé, sont soit les cibles soit les victimes collatérales.

4. Les principaux risques anticipés par les collectivités : une décorrélation avec les risques constatés ces dernières années

Malgré les données climatiques et sociales évoquées supra, en réponse à la consultation du Sénat, les collectivités anticipent essentiellement un risque, pour l'avenir, de vols et dégradations isolés avant les tempêtes et les sécheresses. Les dégradations généralisées causées par des émeutes n'arrivent en première position que dans le département de Seine-Saint-Denis.

Les principaux risques anticipés par les collectivités territoriales

(à l'échelle des départements)

Source : résultats de la consultation des élus locaux effectuée par le Sénat entre le 31 janvier 2024 et le 28 février 2024 auprès de 713 répondants

B. DES DOMMAGES DE PLUS EN PLUS COUTEUX ET DONT LA FACTURE DEVRAIT ENCORE AUGMENTER D'ICI À 2050

1. Les estimations à venir des risques environnementaux
a) Les indemnisations versées ces dernières décennies

Selon le rapport précité sur les chiffres clés des risques naturels, entre 1982 et 2023, 50 milliards d'euros d'indemnisation ont été versés par les assurances au titre du régime des catastrophes naturelles sans que les données ne précisent les montants versés aux collectivités territoriales et ceux versés à des particuliers et entreprises.

Pour l'ensemble des évènements climatiques, les indemnisations pour la période 1989 à 2019, soit une période de 30 ans, se sont élevées à 74 milliards d'euros.

Évolution du cout des sinistres climatiques

(en milliards d'euros constants)

Source : France assureurs

Ces indemnisations concernent essentiellement les dégâts causés par des tempêtes, puis par des inondations et en dernier lieu par des sècheresses.

Détail des indemnisations entre 1989 et 2019

Source : France assureurs - Rapport « Impact du changement climatique sur l'assurance à l'horizon 2050 - 2021

Sur la seule année 2022, le coût des sinistres climatiques est estimé à 10 milliards d'euros en France, contre 3,6 milliards d'euros en moyenne annuelle sur la décennie 2011-2021 (France Assureurs).

Les données collectées ne permettent cependant pas d'isoler la part des indemnisations versées aux collectivités et encore moins d'estimer le reste à charge pour ces dernières.

b) Les scénarios d'impact financier à horizon 2050

France assureurs a mené une étude56(*) sur la base d'une projection socio-démographique, en la couplant à une projection climatique, afin d'estimer les indemnisations que verseront les assureurs d'ici 2050.

Il ressort de cette analyse que les indemnisations pour la période 2020-2050 seraient de 143 milliards d'euros soit 69 milliards de plus que sur la période 1989-2019 (74 milliards).

Cette hausse s'explique principalement par deux facteurs :

- l'enrichissement global du pays - effet richesse - (densité et valeur moyenne des logements, des entreprises et des biens des collectivités territoriales), qui pèserait pour près de 37 milliards d'euros dans cette hausse ;

- l'impact du changement climatique, qui représenterait près de 24 milliards d'euros.

L'évolution des coûts serait en premier lieu due aux sècheresses (+ 215 %), puis aux inondations (+ 87 %) et enfin aux tempêtes (+ 46 %).

2. Le coût assurantiel des récentes dégradations lors des mouvements sociaux de juin 2023

Les violences urbaines de l'été 2023 ont causé de nombreux dommages sur des biens publics et privés. D'après le bilan dressé par France assureurs, 15 600 sinistres ont été recensés sur le territoire pour un coût total de 730 millions d'euros.

Pour les seules collectivités, les dommages aux biens représentent 4 % des déclarations mais 27 % du coût total soit 624 déclarations et 200 millions d'euros d'indemnisation, dont 65 millions d'euros pour Smacl Assurances SA et 30 millions d'euros pour Groupama.

En revanche, comme l'ont indiqué à la mission les réassureurs auditionnés dans le cadre de ses travaux, l'estimation du coût à venir de nouvelles émeutes est bien plus délicat à anticiper que le coût du risque climatique, en raison d'une absence de modélisation et d'un aléa moral important, qui permet difficilement d'anticiper la survenance et l'ampleur de ces phénomènes dans les prochaines années. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle les réassureurs se sont montrés particulièrement frileux s'agissant du risque de violences urbaines, bien plus qu'ils ne le sont face à une hausse probable de la sinistralité climatique.

Au-delà des indemnisations versées par les assurances, le reste à charge pour certaines collectivités a été considérable.

Exemple de la commune de Valenton

Durant les émeutes de 2023, 15 véhicules de la commune ont été incendiés dont 5 de plus de 10 ans et non assurés contre l'incendie. Le remplacement de la flotte automobile dégradée a généré une dépense de 659 584 euros et une indemnisation de 115 870 euros, soit un reste à charge de 543 714 euros.

Les enrobés, bordures, caniveaux de voirie ainsi que la signalisation horizontale ont été détériorés. Le montant des réparations s'élève à 6 363,60 euros pour la signalisation horizontale et 72 871,15 euros pour la reprise des enrobés bordures et caniveaux. Ces montants sont entièrement pris en charge par la commune, les biens endommagés n'étant pas assurables.

Enfin, les dommages causés sur des bâtiments ont nécessité la réaffectation de personnels dans de nouveaux locaux non prévus à cet effet et qui ont donc dû être réaménagés pour un montant total de 149 678 euros, à la charge intégrale de la commune.

Source : mission d'information à partir des éléments transmis par la commune de Valenton

Au regard des tendances passées et des données climatiques pour les 30 prochaines années, d'une part, et des tensions sociales croissantes dans un contexte de crise économique d'autre part, la sinistralité des collectivités devrait continuer à augmenter, tant en termes de nombre de sinistres qu'en termes de coût global, comme l'ont indiqué à la mission de nombreuses personnes auditionnées

Dans ce contexte, si le chiffrage de cette sinistralité future reste difficile à établir, le marché assurantiel qui connait déjà des tensions financières devrait encore se dégrader si des adaptations et modifications ne sont pas rapidement mises en oeuvre. À défaut, il pourrait en résulter des difficultés grandissantes pour les collectivités.

IV. 15 PROPOSITIONS POUR RESTAURER LE NÉCESSAIRE DIALOGUE ENTRE LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET LEURS ASSUREURS

Les collectivités territoriales ne sont pas responsables des difficultés qu'elles subissent. Pour autant, elles doivent permettre d'améliorer leur situation assurantielle par diverses mesures et les assureurs, ainsi que l'État, doivent renforcer leur accompagnement.

Les recommandations de la mission portent sur quatre axes :

- avant tout de chose, il convient de s'assurer de bonnes conditions de concurrence sur le marché de l'assurance ;

- deuxièmement, les collectivités doivent, en coopération avec les assureurs, mettre en place des actions visant à mieux connaître leur patrimoine à assurer, à mieux connaître leurs risques et à les prévenir le mieux possible, ce qui permettra de négocier des marchés au plus près de leurs besoins réels ;

- troisièmement, les conditions de passation des marchés publics d'assurance doivent être facilitées et sécurisées ;

- enfin, l'État doit élargir son intervention dans les situations exceptionnelles.

A. GARANTIR LA CONCURRENCE SUR LE MARCHÉ DE L'ASSURANCE : UN PRÉREQUIS POUR PROTÉGER LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES DES APPELS D'OFFRES INFRUCTUEUX ET DES HAUSSES TARIFAIRES EXCESSIVES

Le premier axe d'intervention consiste à éviter que les comportements ayant conduit à l'atrophie du marché et aux difficultés assurantielles touchant aujourd'hui les collectivités ne se reproduisent. On pourra en effet inciter tant que l'on voudra les collectivités à avoir une meilleure connaissance de leur patrimoine et de leur risque, cela servira peu si le marché de l'assurance des collectivités reste dysfonctionnel.

Pour cela, un diagnostic poussé des caractéristiques de ce marché doit être établi, et avec lui des recommandations précises sur les conditions d'une amélioration de son fonctionnement. Il s'agirait d'éviter la concentration du marché entre deux acteurs. Les deux principaux acteurs sur le marché - non seulement la Smacl mais aussi Groupama - ont en effet pratiqué des prix très bas et très attractifs pour les collectivités, mais au moment de leur inévitable augmentation, ces collectivités n'avaient plus d'autre assureur vers qui se tourner, du fait de la faible profitabilité de leurs activités sur ce marché.

La mission a, par conséquent, demandé à la commission des finances de saisir l'Autorité de la concurrence pour qu'elle lui rende un avis sur la situation du marché de l'assurance des collectivités. Cet avis pourrait s'accompagner d'une liste de recommandations visant à améliorer les conditions concurrentielles du marché, pour faire revenir sur celui-ci les assureurs qui l'ont déserté et éviter que ne perdure ou se reproduise la situation d'atrophie actuelle.

Recommandation n° 1 : saisir l'Autorité de la concurrence sur la situation du marché de l'assurance des collectivités pour garantir son bon fonctionnement (commission des finances du Sénat puis Autorité de la concurrence).

Il s'agirait également d'éviter que les pratiques agressives de certains assureurs étrangers ne viennent accentuer des baisses de tarifs pour se désengager ultérieurement du marché, constatant que les tarifs proposés ne permettent pas de couvrir dans des conditions correctes les risques assurés.

S'agissant du rôle de l'ACPR, un premier chantier consisterait à mettre en place un suivi spécifique à la catégorie de l'assurance des collectivités. En effet, comme l'a signalé le vice-président de l'ACPR lors de son audition par la mission, les données dont elle dispose sont pauvres du fait que le suivi des entreprises se fait par catégorie de risques et non de clientèle. Or, il y aurait du sens à faire une exception pour cette catégorie particulière de clientèle que sont les collectivités, soumises à des règles particulières de passation des marchés et assurant une mission de service public.

Le superviseur gagnerait également à avoir une interprétation plus extensive de ses prérogatives, lui permettant d'orienter plus facilement l'action des assureurs, en particulier par un recours plus fréquent à la mise en garde. En effet, alors que l'article L. 612-30 du code monétaire et financier dispose que, lorsqu'elle constate qu'une personne soumise à son contrôle a des pratiques susceptibles de mettre en danger les intérêts de ses clients, assurés, adhérents ou bénéficiaires, l'ACPR peut, après avoir mis ses dirigeants en mesure de présenter leurs explications, la mettre en garde à l'encontre de la poursuite de ces pratiques en tant qu'elles portent atteinte aux règles de bonne pratique de la profession concernée, l'ACPR estime devoir réserver cet outil aux pratiques commerciales vis-à-vis des particuliers. Or, rien dans l'article L. 612-30 ne l'indique. Le recours à la mise en garde, à condition qu'il soit suffisamment et correctement motivé, peut pourtant constituer un levier puissant d'incitation auprès d'un assureur, puisque l'article L. 612-39 du code monétaire et financier prévoit que l'ACPR peut sanctionner une entreprise lorsqu'elle n'a pas tenu compte d'une mise en garde.

Recommandation n° 2 : mettre en place un suivi spécifique à l'assurance des collectivités et mieux utiliser les prérogatives de supervision prévues par la loi (Autorité de contrôle prudentiel et de résolution - APCR).

B. MIEUX CONNAITRE SON PATRIMOINE ET SES RISQUES, POUR UN CONTRAT D'ASSURANCE AU PLUS PRÈS DES BESOINS : UN TRAVAIL À MENER MAIN DANS LA MAIN ENTRE COLLECTIVITÉS ET ASSUREURS

Afin de définir au mieux leur besoin d'assurance, les collectivités doivent engager ou développer des actions visant à améliorer la connaissance de leur patrimoine mobilier et immobilier, d'une part, mais également à appréhender pleinement les risques auxquels elles sont confrontées et à prévenir ces risques.

Ces trois axes (connaissance du patrimoine, connaissance des risques, prévention des risques) sont de nature à rééquilibrer la relation assureur/assuré, à sécuriser les assureurs répondant aux appels d'offres et à permettre la fixation d'une tarification des contrats la plus en adéquation avec les besoins de la collectivité.

1. Une bonne connaissance du patrimoine à assurer : condition nécessaire pour une assurance de qualité

Pour rappel, les instructions codificatrices comptables précisent que « la responsabilité du suivi des immobilisations incombe, de manière conjointe, à l'ordonnateur et au comptable. L'ordonnateur est chargé plus spécifiquement du recensement des biens et de leur identification : il tient l'inventaire physique, registre justifiant la réalité physique des biens et l'inventaire comptable, volet financier des biens inventoriés. Le comptable est responsable de leur enregistrement et de leur suivi à l'actif du bilan : à ce titre, il tient l'état de l'actif ainsi que le fichier des immobilisations, documents comptables justifiant les soldes des comptes apparaissant à la balance générale des comptes et au bilan. L'inventaire comptable et l'état de l'actif ont des finalités différentes mais doivent, en toute logique, correspondre57(*) ».

Malgré cette obligation, il s'avère que la connaissance, par les collectivités, de leur patrimoine mobilier et immobilier est largement perfectible.

a) Des inventaires physiques incomplets

Le patrimoine immobilier des collectivités locales et des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) s'est constitué au fil du temps. Il s'est diversifié et complexifié, et les collectivités ne le connaissent que très imparfaitement. Cette connaissance, pour être complète, doit se baser sur un inventaire physique et comptable ainsi que sur un diagnostic technique et juridique de leurs biens.

La bonne tenue et la mise à jour régulière de l'inventaire physique et de l'état de l'actif est une condition préalable à la connaissance, par une collectivité, de son parc immobilier et, partant, des investissements nécessaires à son entretien et/ou son renouvellement.

Or, l'inventaire physique qui permet le recensement complet des biens et leur suivi est parfois encore inexistant. Il est très souvent partiel (uniquement sur certaines catégories de biens), succinct sous la forme d'une simple liste et insuffisamment renseigné notamment concernant les surfaces, l'ancienneté ou encore la localisation exacte des biens.

En effet, certaines collectivités n'ont pas établi d'inventaire exhaustif de leur patrimoine immobilier, les seuls documents existants pouvant être un tableau synthétique des locaux dont elles sont propriétaires, ne prenant pas toujours en compte l'ensemble des biens.

Par ailleurs, les informations sur les biens recensés se limitent souvent au domaine comptable et financier, laissant de côté des informations extracomptables élémentaires comme la superficie des bâtiments ou l'état des biens, notamment en termes de performance énergétique, des dernières opérations d'entretien effectuées, etc. Dans de nombreux cas, les informations relatives aux biens (numéro d'inventaire unique, date et mode d'acquisition, surface des biens, état de vétusté, occupation, coût d'entretien annuel) sont soit incomplètes, soit éclatées sur différents supports, voire les deux, ce qui prive les gestionnaires locaux d'un outil d'information essentiel.

Enfin, le suivi des biens nécessite d'identifier précisément leurs régimes juridiques qui définissent les conditions d'occupation et les obligations attachées aux biens détenus et/ou occupés. Là aussi, les situations sont multiples (propriété totale ou partielle, location, bail commercial, occupation partagée, mise à disposition gratuite, affectation, etc.). Les constats montrent des lacunes, en particulier à l'occasion de transferts liés à la décentralisation ou au développement de l'intercommunalité.

Selon les données issues de la consultation en ligne du Sénat des collectivités, il ressort que 30 % des collectivités répondantes indiquent ne pas disposer d'un état détaillé de leur patrimoine. De surcroît, pour les collectivités ayant réalisé un inventaire détaillé, 25 % précisent ne pas le mettre à jour régulièrement. S'agissant de pourcentages issus des déclarations par les collectivités territoriales elles-mêmes, il est permis de penser que les taux effectifs réels sont encore plus bas.

b) Des états de l'actif souvent erronés, en l'absence de mise à jour régulière

Au-delà des lacunes recensées sur les inventaires physiques, les états de l'actif des collectivités sont également régulièrement défaillants et erronés, en raison de la non comptabilisation de certaines écritures comptables. Les anomalies les plus couramment pointées dans les rapports des chambres régionales des comptes sont les suivantes :

- l'absence de comptabilisation ou la comptabilisation partielle des immobilisations achevées alors même que la bascule des comptes d'immobilisations en cours à des comptes d'immobilisation est le point de départ de l'amortissement, nécessaire préalable au maintien en état et au remplacement des éléments de patrimoine ;

- l'absence de sortie de l'état de l'actif de biens cédés ;

- des valorisations approximatives, en raison de la difficulté à reconstituer les coûts historiques de patrimoine ancien.

Dès lors, la valeur de l'actif immobilisé des bilans successifs ne permet pas de donner une image fidèle de la situation patrimoniale de la collectivité et ne correspond pas avec l'inventaire physique. Ainsi, les rapprochements font régulièrement ressortir de nombreuses discordances en raison d'un défaut de transmission, par les services des collectivités au comptable public, des informations patrimoniales relatives aux entrées et sorties d'immobilisations.

c) La nécessité de mieux connaitre le patrimoine des collectivités pour mieux l'assurer et au meilleur coût

Afin de rédiger des documents d'appels d'offres les plus précis possibles, nécessaire préalable à la fixation d'un juste prix du contrat d'assurance, les collectivités doivent engager des travaux de fiabilisation de leur inventaire physique et de leur état de l'actif.

Si certaines collectivités, notamment les plus peuplées, mieux dotées en moyens humains et financiers, ont engagé des travaux importants dans ce sens, parfois en faisant appel à des prestataires extérieurs ou à des recrutements dédiés à cette mission (exemple : département du Loiret, Commune du Havre), force est de constater que des améliorations sont encore nécessaires dans ce domaine

À cet égard, selon un rapport de 201658(*) de l'inspection générale des finances (IGA), de l'inspection générale de l'administration (IGA) et du contrôle général économique et financier (CGefi) « certaines collectivités se sont dotées d'un service dédié à la fonction immobilière [...]. Néanmoins, l'existence d'une entité spécifiquement chargée de porter la fonction immobilière est loin d'être généralisée. Selon les résultats de l'enquête réalisée par la mission, une telle entité existe dans deux départements sur trois, mais dans un EPCI sur cinq et une commune sur six [...]. Dans les plus petites communes, le manque d'expertise peut les conduire également à rechercher la rationalisation de la fonction patrimoniale, en la mutualisant au sein de l'échelon intercommunal. Cette mutualisation au niveau intercommunal demeure toutefois timide : 18 % des EPCI indiquent avoir mutualisé la gestion immobilière avec tout ou partie de leurs communes membres ».

Recommandation n° 3 : mettre en place un inventaire physique exhaustif du patrimoine mobilier et immobilier des collectivités précisant l'état du bien en termes de vétusté et de respect des normes de sécurité (collectivités territoriales).

Pour mettre en oeuvre cette recommandation, les collectivités peuvent recourir à des ressources internes au besoin par des recrutements dédiés de personnels chargés de réaliser et/ou mettre à jour un inventaire exhaustif.

Elles peuvent par ailleurs s'appuyer sur les comptables publics. À cet égard, la signature de conventions de services comptable et financier entre les services ordonnateurs et les comptables publics locaux peut être de nature à fluidifier la transmission des informations et, de fait, la réalisation d'un inventaire actualisé.

De même le développement du compte financier unique (par le déploiement généralisé de l'instruction codificatrice M57) devrait faciliter le suivi de la politique patrimoniale des collectivités.

Enfin, elles peuvent recourir à des prestataires externes, qui les accompagneront dans ces travaux d'inventaire.

2. Assureurs et assurés doivent partager une connaissance précise des risques couverts par le contrat qui les lie
a) Des documents obligatoires relatifs aux risques....

Conformément à l'article L. 731-3 du code de la sécurité intérieure, les communes doivent détenir un plan communal de sauvegarde. Ce document constitue une réponse aux situations de crise et regroupe l'ensemble des documents de compétence communale contribuant à l'information préventive et à la protection de la population. Il détermine, en fonction des risques connus, les mesures immédiates de sauvegarde et de protection des personnes, fixe l'organisation nécessaire à la diffusion de l'alerte et des consignes de sécurité, recense les moyens disponibles et définit la mise en oeuvre des mesures d'accompagnement et de soutien de la population.

Ce plan est obligatoire pour chaque commune :

- concernée par un plan de prévention des risques naturels (PPRN) ou miniers (PPRM) prévisibles prescrit ou approuvé ;

- comprise dans le champ d'application d'un plan particulier d'intervention (PPI), comme les plans particuliers d'intervention liés aux risques technologiques ;

- comprise dans un des territoires à risque important d'inondation prévus à l'article L. 566-5 du code de l'environnement ;

- reconnue, par voie réglementaire, comme exposée au risque volcanique ;

- située dans les territoires régis par l'article 73 de la Constitution ou les territoires de Saint-Martin et Saint-Barthélemy et exposée au risque cyclonique ;

- concernée par une zone de sismicité définie par voie réglementaire ;

- sur laquelle une forêt est classée au titre de l'article L. 132-1 du code forestier ou est réputée particulièrement exposée.

Les Plans Intercommunaux de Sauvegarde ont, par ailleurs, été introduits par la loi n° 2004-811 du 13 août 200459(*), laissant la possibilité aux communes membres d'un EPCI à fiscalité propre de confier à celui-ci l'élaboration d'un plan intercommunal de sauvegarde ainsi que la gestion et, le cas échéant, l'acquisition des moyens nécessaires à l'exécution du plan.

Même en l'absence de PPRN, de PPRM ou de PPRT, la commune doit tenir compte des risques dans ses documents d'urbanisme (schéma de cohérence territoriale - SCoT, plan local d'urbanisme - PLU, carte communale et autorisations d'occupation du sol).

Enfin, l'article R. 125-11 du code de l'environnement précise que l'information donnée au public sur les risques majeurs est consignée dans un document d'information communal sur les risques majeurs (DICRIM) établi par le maire et qui reprend les informations transmises par le préfet. Dès lors qu'une commune est exposée à au moins un risque majeur, elle doit en informer ses administrés en élaborant et mettant à leur disposition ce document d'information.

Les PPRN, PPRM et les PPI sont élaborés par les services de l'État sous l'autorité du préfet, en concertation avec les collectivités territoriales concernées par les risques. Ces documents s'imposent à ces dernières et deviennent, une fois approuvés, des servitudes d'utilité publique qui doivent être intégrées aux documents d'urbanismes (PLU et PLUi) dans un délai de trois mois et s'appliquer dans les autorisations d'urbanisme.

L'objet de ces plans est d'identifier les risques prévisibles qui constituent une menace pour la population et les biens, de délimiter les zones exposées directement ou indirectement à ces risques, d'y réglementer l'utilisation des sols et de déterminer les mesures de construction applicables.

b) ...qui ne couvrent pas l'ensemble des risques auxquels les collectivités sont exposées

Les documents susmentionnés permettent aux collectivités d'avoir une connaissance précise des risques naturels, miniers et de certains risques technologiques auxquels elles sont exposées.

Cependant, ces documents ne couvrant que certains domaines, il appartient aux collectivités elles-mêmes de dresser un état des lieux des autres risques, également couverts par les marchés d'assurance, comme :

- les risques de vols et de dégradations isolés causés par des tiers ;

- les risques d'incendie notamment ceux liés à l'état des installations électriques bâtimentaires ;

- les risques liés à la vétusté des équipements ;

- les risques cyber....

Les auditions menées par la mission lui ont permis de constater qu'il n'y a pas de corrélation entre les documents obligatoires relatifs aux risques produits par les collectivités territoriales et les besoins des assureurs en termes de connaissance des risques couverts par les contrats d'assurance. Ceci peut expliquer l'incompréhension de certains élus qui ont le sentiment de travailler assidument à la production de documents relatifs aux risques de leurs collectivités alors qu'en parallèle leurs assureurs s'estiment insuffisamment informés quant aux risques qu'ils sont censés couvrir.

c) La nécessaire mise en oeuvre d'une politique de maitrise des risques

Or, dans ces domaines ne faisant pas l'objet de plan de prévention établi par les services de l'État, les collectivités ont une connaissance encore lacunaire des risques.

Le rapport d'étude réalisé en 202360(*) par « Infopro digital études » pour le courrier des maires et Smacl Assurances sur les collectivités et les élus face aux risques présente, à cet égard, des résultats assez révélateurs sur l'absence de culture du risque au sein des collectivités.

Ainsi, seuls 47 % des élus et directeurs généraux des services (DGS)/ directeurs généraux adjoints (DGA) ayant répondu61(*) à l'étude indiquent avoir une bonne culture du risque. Parallèlement, 46 % des répondants estiment ne pas être suffisamment informés pour gérer, prévenir et traiter les risques et 71 % estiment de pas être suffisamment formés à la gestion des risques.

La consultation menée par le Sénat révèle pour sa part que 18 % des collectivités ayant répondu indiquent n'avoir aucun document de prévention des risques, 32 % ne sont pas dotés de PCS et 7 % indiquent ne pas savoir si elles en sont dotées, ce qui est assez symptomatique de cette absence de culture du risque.

Ces tendances mettent en exergue la nécessité d'informer et de former régulièrement les décideurs territoriaux sur la gestion des risques, notamment pour ceux exerçant leur première mandature.

Cette nécessité est d'autant plus prégnante que la notion de risque devient de plus en plus complexe à appréhender par les élus locaux dans un contexte changeant, avec une évolution rapide des compétences transférées, des risques nouveaux et des situations financières parfois tendues.

Une politique de gestion des risques doit donc être développée par les collectivités territoriales autour de deux axes :

- le recensement et d'identification des risques ;

- l'évaluation de ces risques notamment en termes de probabilité de survenance (fréquence) et d'impact pour la collectivité (gravité).

Pour ce faire, la réalisation d'une cartographie des risques par les collectivités territoriales se révèle un outil essentiel pour leur relation avec leur assureur.

Lors de son audition par la mission, l'association pour le management des risques et des assurances de l'entreprise (AMRAE) a indiqué développer un outil d'élaboration de cartographie des risques à destination des collectivités (s'inspirant de celui existant déjà pour les entreprises - macartodesrisques.fr) qui devrait être mis en ligne d'ici la fin du premier semestre 202462(*). La conception de cet outil est issue d'un groupe de travail composé de collectivités (la métropole de Lyon, la ville de Paris, les communes d'Enghien-les-Bains, Deauville, Lyon, Niort, Nevers, Villeurbanne et Clichy, la communauté d'agglomération de Niort, les conseils départementaux de Seine-Saint-Denis, de l'Isère et du Var) du cabinet d'avocat SEBAN, de Smacl Assurances et de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI).

Pour mener à bien cette politique volontariste, des actions de sensibilisation et de formation doivent être mises en place par les collectivités, en leur sein pour les plus importantes, ou en recourant à des prestataires extérieurs, et notamment les assureurs, pour les plus petites mais également en développant les échanges entre collectivités sur les bonnes pratiques mises en place.

d) Un indispensable accompagnement des collectivités par les assureurs pour développer cette culture du risque

Dans les collectivités qui en ont les moyens, la gestion des risques peut être mise en oeuvre, ou développée lorsqu'elle existe déjà, en interne par la création de référents « risques », placés auprès du DGS ou d'un DGA. Elle peut, par ailleurs, s'appuyer sur le recours à des sociétés extérieures spécialisées dans la gestion des risques.

Pour les collectivités de plus petite taille, le développement d'une fonction de gestion des risques pourra se faire de façon mutualisée à l'échelon intercommunal.

Dans tous les cas cependant, un accompagnement par les assureurs doit être mis en place. À cet égard, les assureurs disposent d'outils dont l'utilisation contribue à l'instauration d'une véritable culture du risque dans chaque entité territoriale, quelles que soient sa taille et ses problématiques.

À titre d'exemple, la Smacl publie sur son site internet63(*) une collection de guides et de fiches pratiques, qui abordent toutes les thématiques, du risque incendie/malveillance à l'établissement d'un PCS en passant par le risque routier en milieu professionnel, et incluant tous les points à traiter pour s'inscrire dans une véritable politique de gestion de risques. En complément, des outils d'évaluation des risques sont également disponibles en ligne. Il s'agit d'autodiagnostics applicables aussi bien à la gestion de patrimoine qu'aux flottes de véhicules ou au domaine « santé-hygiène-sécurité » pour le personnel territorial qui consistent en une série de questions ciblées, dont les réponses permettent d'obtenir une première évaluation des risques.

Au-delà de ces outils préétablis, les préventeurs des compagnies d'assurance sont en mesure d'affiner ces analyses pour une collectivité en particulier.

Enfin, les collectivités peuvent s'appuyer sur les réseaux de partenaires spécialisés des assureurs. Ces derniers peuvent ainsi intervenir dans des domaines variés (bâtiment, automobile, risques sociaux) en :

- proposant des formations ;

- effectuant des diagnostics ;

- pilotant des missions d'assistance technique à la mise en place d'un schéma opérationnel de pilotage des risques.

Or, à ce jour, les collectivités ayant répondu à la consultation menée par le Sénat estiment à 82 % ne pas être accompagnées dans la gestion de leurs risques.

Pour les 18 % de collectivités indiquant être accompagnées dans ce domaine, cet appui provient essentiellement des agents d'assurance ou des courtiers en assurance. Le manager de risques ne concerne que 3 % des collectivités parmi les 18 % qui estiment être accompagnées.

Typologie des acteurs accompagnant les collectivités territoriales
dans la gestion de leurs risques

Source : résultats de la consultation des élus locaux effectuée par le Sénat entre le 31 janvier 2024 et le 28 février 2024 auprès de 713 répondants

Enfin, en cours d'exécution du contrat, il est de la responsabilité de l'assureur de mener auprès de la collectivité assurée des actions de sensibilisation afin de l'accompagner dans sa connaissance des risques. Ce cercle vertueux, pourtant de nature à grandement améliorer le dialogue entre les collectivités et leur assureur, n'a pas été mis en place durant la dernière décennie, expliquant au moins en partie la dégradation du marché.

Recommandation n° 4 : développer des actions de formation et de sensibilisation à la gestion des risques auprès des élus et des agents et développer la fonction de gestionnaire des risques (collectivités territoriales et assureurs).

Recommandation n° 5 : établir une cartographie des risques de la collectivité (collectivités territoriales).

3. Des actions de prévention des risques à systématiser en s'appuyant sur les outils existants et sur l'expertise des assureurs

Après les phases de connaissance et d'évaluation des risques, il est indispensable que les collectivités territoriales mettent en place ou développent leurs actions de prévention des risques afin de limiter chaque sinistre envisagé, de les rendre les moins impactant possible pour les activités de la collectivité, les moins lourds financièrement, et de garantir le redémarrage des activités dans des délais acceptables.

Ainsi, d'après les éléments de réponse transmis par la direction générale des collectivités locales (DGCL) à la mission, la mise en place d'un plan de prévention des inondations se traduit, en moyenne, par une réduction de 28 % du coût des sinistres, ce qui démontre l'efficacité des actions de prévention pour réduire le montant des dommages subis.

Or, 42 % des collectivités ayant répondu à la consultation organisée par la mission indiquent qu'elles ne mènent pas d'actions de prévention afin d'éviter la survenance de dommages sur leurs biens. Cette proportion apparaît particulièrement élevée et apparaît incompatible avec une saine répartition des responsabilités entre assureurs et assurés et partant avec la qualité et la bonne exécution des contrats d'assurance des collectivités territoriales.

a) Des services compétents et des fonds d'investissement qui peuvent être sollicités par les collectivités pour leurs actions de prévention des risques

Ces actions de prévention peuvent prendre des formes différentes en fonction des risques concernés :

- vidéo-surveillance pour les risques de dégradations et vols ;

- rénovation bâtimentaire tenant systématiquement compte des risques climatiques et géologiques inhérents à une région ;

- système de protection incendie conforme au risque et à l'utilisation d'un bâtiment ;

- vérification des installation électriques, etc.

Elles doivent, pour gagner en efficacité, s'appuyer sur les outils et services existants à la disposition des collectivités tels que :

- la direction générale de la prévention des risques (DGPR) ;

- le centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) et ses directions territoriales, notamment pour les risques d'inondations/submersion et de mouvements de terrains ;

- l'Association Française pour la Prévention des Catastrophes Naturelles et Technologiques (AFPCNT) qui s'apprête à lancer une campagne nationale d'exercices de simulation, baptisée Prépa'Risk, visant à sensibiliser l'ensemble des acteurs locaux à l'importance de la préparation faces aux risques majeurs. Cette deuxième édition se déroulera entre avril et juin 2024 sur l'ensemble du territoire national, de l'Hexagone et d'outre-mer64(*). L'initiative est menée avec l'appui du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, du ministère de l'intérieur et des outre-mer, des préfectures et des partenaires nationaux relais. Elle permettra aux collectivités de se préparer efficacement aux risques majeurs en leur permettant :

- de bénéficier d'une série d'exercices clés en main et gratuits ;

- de tester les outils et méthodes prévus dans leurs plans communaux ou intercommunaux de sauvegarde ;

- d'anticiper et faire face aux situations de crises ;

- de se préparer avec 18 scénarios d'exercices pour plusieurs risques majeurs et différents niveaux de difficulté ;

- de satisfaire à leurs obligations réglementaires de réaliser un exercice de gestion de crise au moins une fois tous les 5 ans.

Au-delà de l'appui méthodologique et en termes d'ingénierie pour la prévention des risques, les collectivités ont la possibilité de recourir à des fonds leur apportant des moyens financiers pour la mise en place de leurs actions de prévention des risques. Ainsi, l'État a porté, en 2022, à 235 millions d'euros, le budget alloué au Fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM dit « fonds Barnier65(*) »). Ce fonds peut être mobilisé pour des dépenses d'investissement des collectivités territoriales afin de réaliser des études, des travaux ou des équipements de prévention ou de protection contre les risques naturels. Il peut également financer les actions d'information préventive sur les risques majeurs, qui contribuent à développer la conscience du risque. Toutes les communes ou leurs groupements couverts par un plan de prévention des risques naturels (PPRN) peuvent en bénéficier. Certaines de leurs actions s'inscrivent dans le cadre de démarches globales de prévention, comme le plan séisme Antilles.

À titre d'exemple, les investissements suivants peuvent être financés à partir du FPRNM :

- création ou confortement de systèmes d'endiguements ou aménagements hydrauliques ;

- confortement de berge pour protéger des bâtiments ;

- aménagement de cours d'eaux visant à réduire le risque d'inondation (reméandrage...) ;

- réalisation de merlons de protection contre les chutes de blocs, etc.

Si la commune est couverte par un plan de prévention des risques naturels (PPRN) approuvé, la prise en charge est de :

- 50 % pour les études ;

- 40 à 50 % pour les travaux ou équipements.

En complément du FPRNM, des financements européens peuvent être mobilisés :

le Fonds européen de développement régional (FEDER), notamment pour des investissements portant sur la transition écologique ou l'amélioration d'infrastructures ;

- le Fonds pour la sécurité intérieure (FSI), doté de 1,9 milliard d'euros pour la période 2021-2027, notamment pour des actions de prévention de lutte contre les incidents, risques et crises liés à la sécurité.

Les collectivités peuvent également solliciter le Fonds vert pour leurs actions de prévention. En effet, l'axe 2, doté de près de 400 millions d'euros, a vocation à financer les investissements liés à l'adaptation au changement climatique :

- prévention des inondations ;

- appui aux collectivités de montagne soumises à des risques émergents ;

- renforcer la protection des bâtiments des collectivités d'outre-mer contre les vents cycloniques ;

- prévention des risques d'incendies de forêt ;

- recul du trait de côte ;

- fonds de renaturation des villes.

Elles peuvent également avoir recours au Fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD). La circulaire du 16 février 2023 relative aux orientations budgétaires du FIPD pour l'année 2023 précisait d'ailleurs que les grandes priorités des politiques de lutte contre la délinquance pour 2023 devaient porter sur les actions visant à poursuivre le déploiement de la vidéoprotection de voie publique, la prévention de la délinquance des jeunes, avec un accent porté sur ses manifestations les plus récentes.

De manière générale, les membres de la mission ne peuvent qu'encourager l'État à tenir ses engagements concernant le niveau des dotations d'investissement qui peuvent représenter des ressources financières complémentaires pour le financement de certains investissements relatifs à la prévention des risques. À cet égard, l'annulation en février 2024 de 500 millions d'euros en autorisations d'engagement du Fonds vert est un mauvais signal.

b) Des assureurs qui doivent guider les collectivités dans les actions de prévention à mettre en oeuvre

Enfin, comme pour la gestion des risques, les assureurs doivent jouer un rôle d'accompagnement des collectivités dans leurs actions de prévention des risques. En effet, de par leur connaissance des causes de sinistralité par territoire, ces derniers peuvent orienter les collectivités et les aider à définir et prioriser les actions de préventions qui peuvent et doivent être mises en oeuvre. Ils y ont un intérêt propre puisque plus la collectivité mènera des actions efficaces de prévention moins la sinistralité devrait coûter à son assureur.

À cet égard, il convient de rappeler que les assureurs peuvent apporter une aide personnalisée avec remise d'un rapport de fin d'intervention comportant un plan de préconisations d'action de prévention à déployer.

Recommandation n° 6 : systématiser les actions et investissements de prévention des risques en sollicitant les fonds d'investissement existants et l'expertise des assureurs (collectivités territoriales).

C. FACILITER LES CONDITIONS DE PASSATION DES MARCHÉS D'ASSURANCE ET FAVORISER DES RELATIONS CONTRACTUELLES EQUILIBRÉES

Par manque d'information et crainte des procédures contentieuses, les collectivités territoriales utilisent essentiellement la technique de l'appel d'offres pour leurs marchés d'assurance, alors que d'autres procédures sont possibles et plus à même de répondre à la spécificité de leurs besoins. De surcroit, même en recourant aux appels d'offres, les collectivités se privent parfois d'échanges avec les assureurs en raison des risques de distorsion de l'information et de la concurrence.

Il parait donc indispensable de mieux les informer et de les sécuriser dans la passation de ces marchés parfois complexes.

Par ailleurs, les collectivités doivent être en capacité de conclure des contrats équilibrés et les plus avantageux possibles financièrement au regard des risques réels à couvrir. Pour ce faire, il est indispensable de développer leur accompagnement par des intermédiaires et de systématiser la pratique de franchises.

1. Alors que le code de la commande publique permet le recours à la négociation, les collectivités se tournent essentiellement vers la procédure d'appel d'offres, sans pour autant l'utiliser de manière optimale
a) Les marchés publics d'assurance : des marchés de services de droit commun depuis 1992 qui permettent la négociation dans certains cas

Historiquement, les contrats d'assurance des personnes publiques n'étaient pas soumis aux règles de la passation des marchés publics. En effet, un arrêt de 1984 du Conseil d'État précisait que : « le code des assurances soumet les contrats d'assurances en raison de leur nature à un régime propre qui a pour effet de les exclure du champ d'application du code des marchés publics [et] aucun principe général du droit n'oblige les collectivités publiques à recourir au préalable à la concurrence lors de la passation de leurs contrats d'assurances »66(*).

Toutefois, la directive européenne du 18 juin 199267(*) portant coordination des procédures des marchés publics de services, dite « directive services », a intégré les produits d'assurance parmi les services rendant ainsi obligatoire l'application du code des marchés pour les contrats d'assurance.

Conformément à la directive européenne de 201468(*), transposées par le code de la commande publique, les marchés publics d'assurance sont donc soumis aux règles de publicité et de mise en concurrence de droit commun :

- procédure adaptée entre 40 000 euros et 221 000 euros ;

- nécessité d'une procédure formalisée à compter d'un montant de 221 000 euros pour les collectivités territoriales.

L'obligation de recourir à une procédure formalisée (appels d'offres) au-delà de 221 000 euros ne fait cependant pas obstacle au recours à la négociation dans certains cas.

Ainsi, la directive 2014/24 du 26 février 2014 a étendu les cas de recours à la procédure négociée. Alors que la directive 2004/18 et le code des marchés publics imposaient le recours à l'appel d'offres sauf exceptions, l'article R.2124-3 du code de la commande publique permet désormais aux acheteurs de passer leurs marchés selon la procédure avec négociation dans les cas suivants :

- lorsque le besoin ne peut être satisfait sans adapter des solutions immédiatement disponibles ;

- lorsque le besoin consiste en une solution innovante. Sont innovants les travaux, fournitures ou services nouveaux ou sensiblement améliorés ;

- lorsque le marché comporte des prestations de conception ;

- lorsque le marché ne peut être attribué sans négociation préalable du fait de circonstances particulières liées à sa nature, à sa complexité ou au montage juridique et financier ou en raison des risques qui s'y rattachent ;

- lorsque le pouvoir adjudicateur n'est pas en mesure de définir les spécifications techniques avec une précision suffisante en se référant à une norme, une évaluation technique européenne, une spécification technique commune ou un référentiel technique ;

lorsque, dans le cadre d'un appel d'offres, seules des offres irrégulières ou inacceptables, au sens des articles L. 2152-2 et L. 2152-3, ont été présentées pour autant que les conditions initiales du marché ne soient pas substantiellement modifiées. Le pouvoir adjudicateur n'est pas tenu de publier un avis de marché s'il ne fait participer à la procédure que le ou les soumissionnaires qui ont présenté des offres conformes aux exigences relatives aux délais et modalités formelles de l'appel d'offres.

Or, d'après la direction des affaires juridiques (DAJ) des ministères économiques et financiers, auditionnée par la mission, les difficultés rencontrées dans le cadre de la passation des marchés publics d'assurance peuvent être de nature à justifier le recours à la négociation dans la mesure où les besoins des collectivités publiques en matière d'assurance ne peuvent être satisfaits « sans adapter des solutions immédiatement disponibles » ou parce qu'ils ne peuvent être attribués sans négociation préalable du fait de leur complexité.

En effet, sauf lorsque l'autorité contractante envisage de passer un marché d'assurance ne visant à couvrir qu'un seul risque simple, la spécificité des marchés d'assurances suppose, pour bien couvrir le profil de risque de l'acheteur et l'ensemble des risques à assurer, une adaptation de l'offre des compagnies d'assurances. Par définition, ces risques ne sont pas standards et l'acheteur doit pouvoir bénéficier des propositions d'offres optimisées par des professionnels du secteur, afin de personnaliser du mieux possible l'offre à son besoin spécifique.

De même, la procédure avec négociation peut être envisagée lorsque l'acheteur est confronté à une complexité complémentaire dans le montage contractuel, en particulier dans le cadre des groupements de commande où la complexité résulte des conditions d'adhésion des membres du groupement et de la répartition financière entre eux69(*).

Enfin, les cas de recours à la procédure du dialogue compétitif sont les mêmes que ceux de la procédure avec négociation (art. R. 2124-5 du CCP). Il est donc possible d'y recourir, pour les mêmes motifs que ceux présentés à ci-dessus.

Toutefois, ces deux procédures n'ont pas le même objectif. En effet, alors que la procédure avec négociation est la procédure par laquelle « l'acheteur négocie les conditions du marché avec un ou plusieurs opérateurs économiques », le dialogue compétitif est la procédure par laquelle « l'acheteur dialogue avec les candidats admis à y participer en vue de définir ou développer les solutions de nature à répondre à ses besoins et sur la base desquelles ces candidats sont invités à remettre une offre ». La procédure avec négociation consiste donc à améliorer une offre, alors que le dialogue compétitif consiste à définir une solution technique à partir d'un besoin défini de manière moins précise, au moyen d'un simple programme fonctionnel détaillé, ou de manière incomplète.

b) Malgré la possibilité de recourir à la procédure négociée, les collectivités utilisent quasi exclusivement la procédure d'appel d'offres, qu'elles jugent moins risquée juridiquement

D'après les éléments transmis par la DAJ de Bercy (données du recensement des marchés publics), il ressort que, pour les marchés publics d'assurances, les acheteurs utilisent la procédure négociée dans près de 20 % des cas. Ce chiffre révèle, d'une part, que le recours à cette procédure est donc possible mais, d'autre part, qu'il reste limité.

Plusieurs facteurs peuvent expliquer la préférence des acheteurs publics pour la procédure d'appel d'offres (75 % des marchés d'assurances). Premièrement, certains contrats d'assurance passés par les collectivités territoriales ne présentent pas de spécificités particulières au regard de leurs risques à assurer qui nécessiteraient une adaptation des solutions sur « étagère » des compagnies d'assurance et qui justifieraient donc le recours à la procédure négociée.

Surtout, il semble que les collectivités territoriales soient réticentes à utiliser cette procédure au regard du risque juridique qui s'y attache. Jusqu'en 2016 (année de transposition des directives européennes), il n'était pas possible de recourir à la négociation pour les marchés d'assurances, sauf infructuosité d'une première procédure (ancien article 35 du code des marchés publics). Les acheteurs ont donc pris l'habitude de passer leurs marchés selon la procédure d'appel d'offres et n'osent pas utiliser les souplesses offertes par les directives pour ne pas s'exposer à un contentieux.

De surcroit, il est probable qu'une part significative des acheteurs ignore que de nombreux marchés publics d'assurance pourraient remplir les conditions du 1° et du 4° de l'article R. 2124-3 du code de la commande publique.

Concernant la procédure de dialogue compétitif, sa faible utilisation s'explique par le fait que cette dernière est moins souple puisqu'elle n'autorise pas véritablement le recours à la négociation. Elle permet seulement, une fois les phases de dialogue terminées, une négociation marginale avec le soumissionnaire reconnu comme ayant présenté l'offre économiquement la plus avantageuse afin de lui faire clarifier, préciser ou optimiser certains aspects de son offre.

Le recours au dialogue compétitif ne se justifie donc que lorsque l'acheteur aura une réelle difficulté à définir précisément son besoin ou à élaborer une solution et un cahier des charges, en présence de solutions complexes.

À titre d'exemple, la métropole de Nancy envisage de lancer une procédure de dialogue compétitif. Elle a cependant fait part à la mission de ses craintes liées à l'absence de sécurisation de l'utilisation de cette procédure, en raison du manque de jurisprudence sur le sujet.

c) Des procédures d'appels d'offres à utiliser de manière optimale en développant les échanges avec les assureurs

Dans le cas, le plus fréquent, du recours à l'appel d'offres, le code de la commande publique n'interdit pas tout échange entre les acheteurs et les opérateurs économiques dès lors que les modalités retenues pour ce dialogue permettent de garantir l'égalité de traitement entre les candidats et l'impartialité de la procédure. En effet, le droit de la commande publique n'exige pas que l'acheteur impose ab initio l'ensemble des caractéristiques précises des prestations à assurer, les soumissionnaires n'ayant plus qu'à renseigner les prix qu'ils proposent.

Or, les collectivités se privent parfois de ces possibilités d'échanges ex-ante par crainte de se voir opposer une rupture d'égalité.

Ainsi, dans le cadre d'un appel d'offres, l'acheteur peut tout à fait :

procéder à un « sourcing » lui permettant d'identifier les solutions et compagnies d'assurance susceptibles de répondre au mieux à son besoin avant une consultation ou dans un cadre plus largement prospectif afin de limiter le risque d'inadéquation de l'offre et de la demande et donc de coûts trop élevés ou d'infructuosité. Il s'agit donc d'une démarche proactive de recherche et d'évaluation des opérateurs économiques d'un secteur, ainsi que leur mise en relation avec des acheteurs. Au contact des entreprises, l'acheteur sera en mesure de vérifier que ses exigences en termes de qualité, coûts, délais, performance environnementale ou sociale sont proportionnées par rapport aux capacités et aux contraintes du secteur ;

- prévoir que les candidats potentiels pourront procéder à une visite des bâtiments afin de bien appréhender le patrimoine immobilier et mobilier à assurer. Dans ce cas, le délai de remise des offres doit être suffisant pour permettre à tous les opérateurs économiques de prendre connaissance de toutes les informations nécessaires pour l'élaboration de leur offre (art. R. 2151-3). En effet, les visites de sites peuvent être organisées dans le cadre de toutes les procédures, y compris en procédure d'appel d'offres. Elles ont généralement lieu avant le dépôt des offres puisqu'elles ont pour objet de permettre aux soumissionnaires potentiels de disposer d'informations utiles à la constitution de leur offre. En tout état de cause, les visites devront être organisées dans des conditions permettant de garantir l'égalité de traitement entre les candidats, notamment s'agissant des informations communiquées à cette occasion qui ne figureraient pas le dossier de consultation des entreprises. Elles ne doivent pas non plus être l'occasion de négociation avec les opérateurs économiques ;

formuler les spécifications techniques et conditions d'exécution des prestations objets de leur besoin en des termes suffisamment ouverts, afin de permettre aux soumissionnaires concurrents de se distinguer sur d'autres critères de celui du prix ;

répondre aux demandes de renseignements complémentaires sur les documents de la consultation formulées par les opérateurs économiques afin qu'ils aient une bonne et complète compréhension des besoins de l'acheteur ;

- demander aux candidats, y compris dans les procédures sans négociation, de préciser ou de compléter la teneur de leur offre et, après l'attribution, de procéder à une mise au point des composantes du marché, à condition que cela n'ait pas pour effet de modifier les caractéristiques essentielles de l'offre ni le classement des offres.

L'allotissement du marché peut également être de nature à éviter les appels d'offres infructueux dans la mesure où il permet de partager le risque entre plusieurs assureurs.

Le cas de la commune de Rueil-Malmaison

La ville de Rueil-Malmaison a relancé son marché d'assurance en 2022 et a enregistré une augmentation de 40 % de ses primes par rapport au marché précédant. En revanche, et contrairement à d'autres villes, elle a bénéficié d'un nombre conséquent d'offres. Cette concurrence peut s'expliquer par le choix de la ville d'organiser son marché en 7 lots qui, chacun, ont bénéficié d'entre une et quatre offres. Seul un lot n'a recueilli aucune offre et a dû faire l'objet d'une négociation de gré à gré.

Les 7 lots étaient les suivants :

- dommages aux biens inférieurs à 30 millions d'euros ;

- dommages aux biens supérieurs à 30 millions d'euros ;

- flotte automobile ;

- couverture statutaire des agents ;

- protection juridique des agents ;

- objets précieux ;

- responsabilités et risques annexes.

La commune de Rueil-Malmaison a également renoncé à assurer le risque cyber sur les conseils de son AMO et faute de marché suffisamment mature.

Source : mission d'information à partir des auditions et contributions des élus locaux

Ainsi, un travail de pédagogie et d'accompagnement des acheteurs est nécessaire afin de les rassurer pour utiliser de manière optimale les procédures d'appels d'offres mais également pour favoriser le recours à la procédure avec négociation pour la passation de leurs marchés d'assurance.

2. L'État doit promouvoir une meilleure utilisation des dispositions du code de la commande publique

L'Observatoire économique de l'achat public (OEAP) - devenu l'Observatoire économique de la commande publique (OECP) - a diffusé en juin 2008 un guide pratique pour la passation des marchés publics d'assurance des collectivités locales70(*), élaboré par un groupe de travail composé de représentants des acheteurs locaux, d'associations concernées, des sociétés d'assurance et des administrations compétentes. Ce document répond à un triple objectif :

- constituer un outil d'aide à la détermination et à l'expression des besoins en matière d'assurances ;

- clarifier les pratiques et rappeler les dispositions réglementaires en vigueur ;

- expliquer l'articulation entre les dispositions du code des assurances et celles du code des marchés publics.

Au regard de l'évolution des directives européennes et des difficultés actuelles rencontrées par les collectivités territoriales pour trouver des assureurs, il semble indispensable, d'une part, de mettre à jour ce guide et, d'autre part, de le diffuser le plus largement à l'ensemble des acheteurs publics.

Au regard des éléments évoqués supra relatifs au recours quasi systématique à la procédure d'appel d'offre, la nouvelle version pourra utilement mettre l'accent sur les possibilités offertes par le code de la commande publique pour améliorer l'adéquation entre l'expression des besoins des acheteurs et l'offre existante sur le marché, notamment via un sourçage préalable, en autorisant les visites des bâtiments/biens à assurer par les assureurs potentiels, en recourant davantage à la procédure négociée ou au dialogue compétitif lorsque cela est possible.

Le document pourra également indiquer les précautions à prendre en cas de recours à la procédure négociée ou à celle du dialogue compétitif pour en identifier les avantages et les risques mais aussi et surtout le document mis à jour devra lister des exemples de recours possibles à ces deux procédures dans un contexte le plus sécurisé juridiquement.

Il est ainsi de la responsabilité des services de l'État de sécuriser juridiquement les pratiques des collectivités territoriales pour passer leurs marchés d'assurance.

Recommandation n° 7 : clarifier et sécuriser juridiquement l'application du code de la commande publique aux marchés d'assurance des collectivités territoriales notamment par l'actualisation du guide pratique (direction des affaires juridiques des ministères économiques et financiers).

3. Les assureurs doivent sensibiliser les collectivités au fonctionnement, aux particularités et aux contraintes du marché de l'assurance

Au-delà de la connaissance des règles relatives à la préparation, à la passation et à l'exécution des marchés publics, qui fait déjà l'objet de nombreuses publications et documentations mais également d'une offre de formation abondante, c'est la connaissance de l'état du marché de l'assurance et du cadre juridique spécifique d'exercice de cette acticité économique qui doit être développée.

La connaissance de ces aspects « métier » est une condition de la détermination des besoins des collectivités en matière d'assurance, de la définition d'une stratégie d'assurance et de la pertinence et de l'efficacité de la commande publique en matière d'assurance.

En effet, il parait utile de former les acheteurs publics aux aspects parfois contradictoires des contrats d'assurance et des marchés publics, qui peuvent être source d'incompréhension au stade de la passation et de conflits au cours de l'exécution.

Alors que le contrat d'assurance est, en principe, un contrat d'adhésion auquel l'acheteur souscrit sans pouvoir négocier les stipulations contractuelles, le marché public d'assurance est élaboré par l'acheteur lui-même dans une logique symétrique de contrat d'adhésion pour les soumissionnaires dès lors que le code de la commande publique lui impose de définir son besoin avant de lancer sa procédure et donc les garanties de couverture de ses risques.

Ce défaut de connaissance du contrat d'assurance par les collectivités ressort assez nettement des résultats de la consultation organisée par le Sénat puisque près de 50 % d'entre elles estiment ne pas avoir une connaissance suffisante du fonctionnement de leurs contrats d'assurance.

Par ailleurs, 62 % des collectivités ayant répondu indiquent souhaiter une formation en matière assurantielle (et non pas en matière de passation des marchés).

De manière coordonnée, il parait donc nécessaire que les collectivités sollicitent des formations auprès des assureurs sur le fonctionnement des contrats d'assurance, tout comme, en parallèle, les assureurs doivent initier des actions de sensibilisation à leurs métiers et leurs contraintes.

Recommandation n° 8 : mettre en place des actions de formation et de sensibilisation au fonctionnement du marché et des contrats d'assurance (collectivités territoriales, en lien avec les assureurs).

4. Accompagnement externe et franchises : deux outils à même de rééquilibrer les relations contractuelles et de tendre vers un prix acceptable pour les collectivités
a) Le recours à un intermédiaire peut permettre d'accéder à des conditions contractuelles plus équilibrées

Lorsque la collectivité ne dispose pas des compétences nécessaires pour conduire elle-même l'ensemble des travaux préparatoires à la passation du marché, elle peut faire appel à un audit ou à un conseil, lesquels ne sont pas nécessairement des intermédiaires d'assurance, afin de l'aider à décrire les risques, définir les besoins, organiser les visites des lieux, établir un plan de présentation des offres pour les rendre comparables, établir les critères de sélection ou encore analyser les offres. Cet appui technique pourra également être recherché auprès des courtiers en assurance.

Des exemples recueillis par la mission d'information attestent d'ailleurs de l'efficacité du recours à des tiers. Ainsi, la maire de Hautecour, ville de 300 habitants en Savoie, a été confrontée à un dégât majeur à la suite de l'effondrement d'une falaise. Face à des discussions déséquilibrées avec son assureur au moment de la passation d'un nouveau contrat, le recours à un conseil a été d'une grande utilité.

À ce jour, le recours à une assistance externe est encore assez peu développé. 38 % des collectivités ayant répondu à la consultation organisée par le Sénat indiquent avoir fait appel à un cabinet de conseil pour passer des marchés d'assurance.

Ce recours à un tiers serait par ailleurs de nature à aider les collectivités à choisir la procédure de passation la plus adéquate au regard de leur besoin d'assurance et, subséquemment, de leur permettre d'utiliser au mieux l'ensemble des dispositions du code de la commande publique.

Recommandation n° 9 : développer le recours à des courtiers, conseils ou intermédiaires d'assurances qui pourront accompagner les collectivités dans la définition de leurs besoins et l'élaboration des pièces du marché (collectivités territoriales).

Recommandation n° 10 : utiliser l'ensemble des procédures permises par le code de la commande publique (collectivités territoriales).

b) Les nombreux bénéfices d'une franchise minimale dans les contrats d'assurance pour tendre vers un prix acceptable pour les collectivités

Une franchise prévue dans un contrat d'assurance est la somme restant à la charge de l'assuré (donc non indemnisée par l'assureur) dans le cas où survient un sinistre.

Les franchises permettent ainsi à l'assureur de ne plus prendre en charges certains petits sinistres qui coûtent parfois plus cher en frais de gestion qu'en indemnisation. Ils lui permettent de se concentrer sur les risques importants, qui justifient le plus l'intervention d'un assureur extérieur.

En parallèle, pour l'assuré, l'introduction de franchises doit lui permettre de parvenir à une diminution de la prime, en contrepartie d'une diminution des garanties.

La généralisation et l'acceptation de cette pratique des franchises par les collectivités, permettraient par ailleurs de recentrer les contrats d'assurance sur les risques majeurs et donc permettent une meilleure indemnisation de ces derniers.

Ce choix d'un contrat avec franchise est, enfin, de nature à responsabiliser les collectivités et à améliorer leurs pratiques pour les risques qu'elles sont en capacité de maitriser comme, par exemple, les dommages mineurs sur leur parc automobile (rétroviseur, carrosserie légère...) ou sur leur bâtiment (bris de glace). La systématisation de franchises peut, à bien des égards, être à l'origine d'un cercle vertueux et d'une incitation plus grande à la mise en oeuvre d'actions de prévention des risques.

Le régime de couverture doit donc évoluer. À cet égard, la contribution transmise à la mission par France urbaine souligne que de nombreux membres de l'association ont désormais de plus en plus recours à un régime mixte. En effet, en relevant les franchises pour maintenir des conditions de prime satisfaisante (et en limiter l'augmentation), le mode de couverture combine aujourd'hui de plus en plus auto-assurance (en-deçà du montant des franchises) et couverture contractuelle au-delà et « l'auto-assurance tend aujourd'hui à s'imposer comme un mode de gestion inévitable pour bon nombre de territoires urbains. Néanmoins, les premières réflexions tenues au sein de l'association ont démontré que le sujet n'était pas aussi binaire qu'il n'y parait. De fait, dans plusieurs cas d'espèce, des solutions mixtes prévalent en fonction du seuil des franchises que les organismes d'assurance fixent avec les personnes publiques. Certaines collectivités ont donc recours à l'auto-assurance jusqu'à un certain plafond ou pour certains lots et, au-delà, gardent (lorsqu'elles le peuvent) une couverture assurantielle dite classique71(*) ».

Certains départements ont également eu recours à l'auto-assurance du fait de la mise en place de franchises. Ainsi, le conseil départemental des Alpes-de-Haute-Provence a relancé un appel d'offres en 2023 avec une prise d'effet du nouveau marché au 1er janvier 2024. La nouvelle prime annuelle enregistrait une hausse de près de 57 % pour une superficie à assurer moins importante. Le conseil départemental a donc fait le choix d'augmenter la franchise générale du contrat et de s'auto-assurer jusqu'à ce seuil afin d'éliminer tout sinistre de fréquence et conserver un niveau de prime correct.

Recommandation n° 11 : systématiser la pratique des franchises dans les contrats d'assurance (assureurs et collectivités territoriales).

5. Une modification du code de la commande publique en dernier recours

Au regard de ce qui précède, il ne parait pas indispensable, à ce stade, de proposer une évolution du droit de la commande publique pour les marchés d'assurance.

Il convient, dans un premier temps, de sensibiliser et de former les collectivités territoriales aux possibilités offertes par le code dans sa rédaction actuelle et à permettre le développement des conditions adéquates à l'utilisation de la procédure la plus adaptée à la situation de chaque collectivité.

De surcroit, le droit national ne peut prévoir une exemption des obligations de publicité et de mise en concurrence pour les marchés d'assurance dont la valeur estimée serait égale ou supérieure au seuil de procédure formalisée. Le code de justice administrative, conformément à la directive européenne 89/665/CEE du 21 décembre 1989, dite « directive recours », prévoit en particulier que l'absence de publication d'un avis d'appel à la concurrence au journal officiel de l'Union européenne, lorsqu'elle est exigée par les directives européennes relatives aux marchés publics et au contrats de concession, est un motif d'ordre public que le juge doit soulever d'office et qui impose l'annulation du contrat.

Par ailleurs, la jurisprudence européenne a rappelé que les contrats non couverts par les directives, notamment en raison de leur montant, n'échappent pas pour autant aux « règles fondamentales du traité en général et au principe de non-discrimination en raison de la nationalité en particulier », lequel « implique, notamment, une obligation de transparence » qui « consiste à garantir [...] un degré de publicité adéquat permettant une ouverture du marché [...] à la concurrence ainsi que le contrôle de l'impartialité des procédures d'adjudication »72(*).

Dès lors, une exemption totale des marchés d'assurance dont la valeur estimée est inférieure au seuil d'application des directives européennes pourrait aussi être jugée non conforme au droit de l'UE. Elle pourrait également être regardée comme inconstitutionnelle au regard des principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, que le Conseil constitutionnel a érigé au rang d'exigences constitutionnelles73(*).

Un traitement particulier des marchés d'assurance nécessiterait donc une modification des directives européennes. Une démarche dans ce sens, en plus d'être longue, présente peu de garantie de réussite et pourrait avoir des effets non souhaités sur le marché des assurances en limitant la concurrence.

D. PERMETTRE À CHAQUE COLLECTIVITÉ DANS L'IMPASSE DE TROUVER UNE SOLUTION ASSURANTIELLE

1. Une meilleure protection des collectivités passe par l'allongement de la durée de préavis, la justification systématique des résiliations unilatérales et l'élargissement des prérogatives du Médiateur de l'assurance
a) Vers un allongement de la durée des préavis en cas de résiliation unilatérale par l'assureur et une obligation de justification

L'article L. 113-12 du code des assurances prévoit que l'assureur peut résilier le contrat à l'expiration d'un délai d'un an, à la condition d'envoyer une lettre recommandée à l'assuré au moins deux mois avant la date d'échéance du contrat.

Il peut être contractuellement dérogé à cette règle pour la couverture des risques autres que ceux des particuliers.

Comme évoqué supra, les résiliations unilatérales des contrats d'assurance se multiplient avec des durées de préavis parfois inférieure à ces deux mois. Or, dans les faits une résiliation, même avec un préavis de deux mois, est peu compatible avec le lancement d'un nouvel appel d'offres, laissant ainsi courir le risque pour les collectivités de ne pas être assurées pendant une période plus ou moins longue.

Dans ce contexte, une récente jurisprudence du Conseil d'État a déjà permis une avancée en permettant la poursuite d'un contrat dans l'attente de la passation d'un nouveau marché. Ainsi, dans sa décision 469319 Grand port maritime de Marseille du 12 juillet 2023, le Conseil d'État a affirmé l'applicabilité des dispositions de l'article L. 113-12 du code des assurances74(*) aux marchés publics d'assurance mais a souligné que ce droit à résiliation peut faire l'objet d'une opposition de la part de la personne publique assurée qui peut alors imposer la poursuite du marché, pour un motif d'intérêt général tiré notamment des exigences du service public dont la personne publique à la charge, pendant la durée strictement nécessaire au déroulement de la procédure de passation d'un nouveau marché public d'assurance, sans que cette durée ne puisse excéder 12 mois, y compris lorsque la procédure s'avère infructueuse. L'assureur conserve cependant la possibilité de contester cette décision devant le juge.

Aussi, dans la ligne de cette décision mais pour sécuriser davantage les collectivités territoriales, la mission estime que le pouvoir de résiliation unilatérale de l'assureur doit être soumis à un préavis d'une durée minimale de six mois, afin de permettre aux collectivités territoriales de passer un nouveau marché d'assurance dans de bonnes conditions.

Par ailleurs, les auditions menées par la mission ont mis en exergue que, dans de nombreux cas, les résiliations sont intervenues sans justification et explication de la part des assureurs (cf. supra). Il en est résulté une incompréhension des élus, surtout dans les collectivités qui n'avaient pas enregistré d'augmentation de leur sinistralité.

L'article L. 113-12-1 du code des assurances prévoit que la résiliation unilatérale du contrat d'assurance couvrant une personne physique en dehors de son activité professionnelle par l'assureur doit être motivée. La mission propose d'étendre ce formalisme aux contrats liant les assureurs aux collectivités territoriales.

Recommandation n° 12 : porter la durée minimum de préavis à six mois en cas de résiliation d'un contrat par l'assureur pour les collectivités et leurs établissements, et obliger les assureurs à justifier les résiliations unilatérales (Législateur).

b) Proposer une solution aux collectivités privées d'assureur : une intervention du Médiateur de l'assurance

En cas d'appel d'offres infructueux, deux hypothèses sont prévues par le code de la commande publique :

- lorsque, dans le cadre d'un appel d'offres, aucune candidature ou aucune offre n'a été déposée dans les délais prescrits ou lorsque seules des candidatures irrecevables ou des offres inappropriées ont été présentées (art. R. 2122-2), l'acheteur peut passer le marché sans publicité ni mise en concurrence préalables, à condition que les conditions initiales du marché ne soient pas substantiellement modifiées ;

- lorsque, dans le cadre d'un appel d'offres, seules des offres irrégulières ou inacceptables ont été présentées (art. R. 2124-3), l'acheteur peut recourir à la procédure avec négociation, à condition que les conditions initiales du marché ne soient pas substantiellement modiées.

Pour autant, il arrive que des collectivités, malgré ces possibilités, se retrouvent dans des situations d'absence d'assurance. Or, certaines d'entre elles ne souhaitent pas ou n'ont pas les capacités budgétaires de recourir à l'auto-assurance.

Dans un contexte où nombre de collectivités ont fait part à la mission de leur crainte de ne plus avoir d'assureur dès le 1er juillet 2024, celle-ci propose d'étendre rapidement les prérogatives du médiateur des assurances afin de lui permettre d'intervenir pour accompagner les collectivités qui ne trouvent pas d'assureur.

Depuis le 1er octobre 2023, les compétences de ce dernier ont été élargies aux différends entre assureurs et collectivités. À ce stade, le rôle du Médiateur se limite toutefois à résoudre les conflits entre assureurs et assurés et il ne peut pas intervenir dans la négociation d'un contrat.

Par ailleurs, depuis l'élargissement de ses compétences, le Médiateur de l'assurance, auditionné par la mission, n'a été sollicitée que 22 fois par les collectivités locales. Selon le Médiateur, dans 13 cas, la demande était en dehors du champ de compétence et dans 9 cas le recours au Médiateur n'entrait pas dans le nouveau champ de compétences défini par le ministre en octobre.

Il convient par ailleurs de souligner que le fondement de cette extension de compétence, aux seuls différends après sinistre, est particulièrement fragile juridiquement puisqu'il s'agit d'une annonce du ministre de l'économie dans une interview au journal Midi Libre : il s'agit d'« élargir la compétence du Médiateur de l'assurance aux différends entre un assureur et une collectivité après un sinistre ». Or, l'article L. 612-1 du code de la consommation autorise le recours au médiateur en vue de la résolution amiable d'un litige, quel que soit le moment où intervient ce litige.

Il importe donc de sécuriser les conditions de recours au Médiateur de l'assurance pour les collectivités et d'élargir sa compétence pour en faire un accompagnateur des collectivités dans leur recherche d'assurance. Le Médiateur doit être chargé d'une obligation de moyens, en vue de la conclusion par une collectivité qui le souhaite d'un contrat d'assurance « dommage aux biens ». Il doit avoir pour objectif qu'une collectivité ne se retrouve pas dans une situation d'absence d'assurance, alors qu'elle aurait tout mis en oeuvre pour être correctement assurée.

Les collectivités ne peuvent être considérées comme des entreprises et la nécessité d'assurer des services publics de proximité exige de traiter leurs difficultés assurantielles de manière différenciée par rapport au secteur privé. Cette situation explique d'ailleurs que nombre d'élus, comme le maire de Sainte-Foy-Tarentaise également président de la communauté de communes de Haute-Tarentaise, se montrent très favorable à une évolution des prérogatives du Médiateur des assurances dans ce sens.

La faculté de pouvoir s'assurer doit d'ailleurs être considérée comme contribuant à leur libre administration.

Recommandation n° 13 : élargir les prérogatives du Médiateur de l'assurance afin d'accompagner les collectivités qui ne trouvent pas d'assureur et préciser sa compétence en termes de litiges (Gouvernement).

2. L'État doit mieux contribuer à la couverture du risque « émeutes »

Dans le cas spécifique des émeutes, il apparait aujourd'hui indispensable de renforcer le rôle et l'intervention de l'État. En effet, ce risque majeur présente la double particularité de générer des coûts potentiellement insoutenables pour les collectivités et d'accroitre le désengagement des assureurs, en raison notamment de l'aléa moral important de ce risque, difficilement modélisable et, subséquemment, difficilement chiffrable ex-ante.

a) La responsabilité sans faute de l'État : une possibilité de prise en charge de certaines dégradations par l'État

Pour financer les travaux de réparation et de reconstruction faisant suite à des mouvements sociaux, les collectivités territoriales et leurs groupements ont la possibilité de rechercher la responsabilité sans faute de l'État et ainsi bénéficier d'une indemnisation sur ce fondement.

En effet, l'article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure dispose que « l'État est civilement responsable des dégâts et dommages résultant des crimes et délits commis, à force ouverte ou par violence, par des attroupements ou rassemblements armés ou non armés, soit contre les personnes, soit contre les biens ».

Ce régime de responsabilité sans faute de l'État, précisé par la jurisprudence du Conseil d'État notamment suite aux émeutes de 2005 et récemment confirmé par le juge administratif dans le contexte du mouvement des « gilets jaunes »75(*), s'applique aux dégradations commises dans le cadre de manifestations, qui dégénèrent de façon spontanée76(*).

En revanche, ce régime ne s'applique pas à des dégradations commises de manière préméditée et organisée en dehors de toute manifestation et sans lien direct avec l'évènement déclencheur77(*).

La prise en charge des dépenses à venir au titre du régime de responsabilité sans faute de l'État est donc limitée à des cas strictement définis.

À l'inverse, pour les dégradations et destructions qui n'entreraient pas dans le champ de la responsabilité de l'État, les collectivités territoriales et leurs groupements doivent recourir à leurs contrats d'assurance et, à défaut ou en cas de franchise, supporter le reliquat des dépenses.

b) Un périmètre de la dotation de solidarité aux collectivités victimes d'évènements climatiques ou géologiques (DSEC) à élargir en cas d'émeutes

La dotation de solidarité aux collectivités victimes d'événements climatiques ou géologiques, portée par le programme 122 de la mission budgétaire « Relations avec les collectivités territoriales » est régie par l'article L. 1613-6 du code général des collectivités territoriales. Elle contribue à réparer les dégâts causés à leurs biens (infrastructures routières, ouvrages d'art, digues...) par des événements climatiques ou géologiques graves.

Les articles R. 1613-4 et R. 1613-5 du même code précisent que seuls les biens suivants sont éligibles à la dotation (biens normalement non assurables) :

- les infrastructures routières et les ouvrages d'art ;

- les biens annexes à la voirie nécessaires à la sécurisation de la circulation ;

- les digues ;

- les réseaux de distribution et d'assainissement de l'eau ;

- les stations d'épuration et de relevage des eaux ;

- les pistes de défense des forêts contre l'incendie ;

- les parcs, jardins et espaces boisés appartenant au domaine public des collectivités territoriales ou de leurs groupements.

Les travaux urgents de restauration des capacités d'écoulement des cours d'eau, dont la maîtrise d'ouvrage est assurée par la collectivité ou le groupement intéressé, peuvent donner lieu à l'attribution de subvention par la dotation.

Toutefois, dans les cas où tout ou partie de ces biens serait assuré, l'assiette de la subvention dépend de la couverture des dégâts par une assurance :

- lorsque le bien n'est pas assuré à la date de l'événement, au montant des dégâts ;

- lorsque le bien est assuré à la date de l'événement et que la collectivité ou le groupement demandeur connaît, au moment du dépôt de la demande de subvention, le montant de l'indemnité qui lui est due, l'assiette de la subvention est nette de cette indemnité ;

- lorsque le bien est assuré à la date de l'événement et que la collectivité ou le groupement demandeur ignore, au moment du dépôt de la demande de subvention, le montant de l'indemnité qui lui est due, l'assiette de la subvention est égale au montant total des dégâts subis. Dans ce cas, la collectivité ou le groupement porte, dès que possible, le montant de l'indemnité à la connaissance du représentant de l'État, qui calcule le montant de la subvention qui aurait été versée si le montant de l'indemnité avait été connu lors du dépôt de la demande de subvention. La différence entre la subvention effectivement versée et la subvention ainsi recalculée fait l'objet d'un reversement.

Après avoir procédé à une première évaluation des dégâts, le représentant de l'État peut demander l'appui d'une mission de l'inspection générale de l'environnement et du développement durable. Cette mission est obligatoire lorsque le montant global estimé des dégâts est supérieur à un million d'euros hors taxes ou lorsque l'événement climatique ou géologique à l'origine des dégâts a touché plusieurs départements.

Lorsque le montant total des subventions susceptibles d'être accordées a été déterminé, sa répartition entre collectivités et groupements d'un même département est établie sur la base de taux maximum de subvention applicables comme suit :

- un taux de 80 % lorsque le montant des dégâts subis est supérieur à 50 % de leur budget total ;

- un taux de 40 % lorsque le montant des dégâts subis est compris entre 10 % et 50 % de leur budget total ;

- un taux de 30 % lorsque le montant des dégâts subis est inférieur à 10 % du budget total.

Le représentant de l'État peut, à titre exceptionnel, au regard de la capacité financière de la collectivité territoriale ou du groupement et de l'importance des dégâts, porter le montant des aides publiques directes jusqu'à 100 % du montant hors taxes des dégâts causés par un même événement.

Une avance peut également être versée lors du commencement d'exécution de l'opération. Son montant peut représenter jusqu'à 20 % du montant prévisionnel de la subvention et peut être porté jusqu'à 30 % pour des travaux urgents nécessaires à la mobilité ou à la sécurité des personnes.

Les collectivités ne sont éligibles à la dotation de solidarité que si la somme des dommages causés par un même événement climatique est supérieure à 150 000 euros.

Face à des mouvements sociaux d'ampleur causant de nombreux dégâts sur des biens publics non assurables, le périmètre de la DSEC doit être interrogé.

La mission préconise donc que cette dotation soit élargie afin de couvrir les biens des collectivités territoriales endommagés dans le cadre d'émeutes, dans les mêmes conditions que la DSEC actuelle.

À cet égard, le Gouvernement avait déjà fait un pas dans ce sens à la suite des émeutes de juin 2023 en instaurant un fonds de 100 millions d'euros (partiellement alimenté, d'ailleurs, par les crédits de la DSEC non consommés).

Deux instructions ont encadré l'utilisation de ce fonds « violences urbaines » :

- l'instruction du 7 juillet 2023 relative à l'accompagnement des collectivités pour la réparation des dégâts et dommages contre les biens des collectivités résultant des violences urbaines survenues depuis le 27 juin 2023 ;

- l`instruction du 21 novembre 2023 relative à la mise en oeuvre du fonds « violences urbaines ».

Conformément à ces instructions, les préfectures ont opéré un travail d'instruction. Dans ce cadre, 228 dossiers ont été déposés fin 2023 et 123 ont été traités, les autres étant encore en cours d'instruction. Parmi les dossiers en cours d'instruction, 33 dossiers du Nord et des départements de l'Ile de France ont été instruits et pourront être délégués (notamment une opération à 1,8 million d'euros de Fontenay-sous-Bois et à une autre à 1 million d'euros à Nanterre).

La loi de finances pour 202478(*) a doté la DSEC de 40 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et de 30 millions d'euros en crédits de paiement (CP).

Si la survenance de tels évènements et les montants à prendre en charge sont difficilement prévisibles, des redéploiements en gestion, des dégels de réserve et en dernier recours des décrets de virement, de transfert ou des ouvertures de crédits permettraient d'ajuster en cours d'année les montants de cette dotation pour tenir compte des besoins effectifs.

Recommandation n° 14 : étendre la dotation de solidarité aux collectivités victimes d'évènements climatiques ou géologiques (DSEC) aux dommages causés dans le cadre de violences urbaines (Gouvernement).

c) La mise en place d'un système inspiré du régime d'indemnisation des catastrophes naturelles pour les biens assurés

Pour les biens assurés, un système de mutualisation faisant in fine intervenir la garantie de l'État, inspiré de celui qui existe pour l'indemnisation des catastrophes naturelles, pourrait être mis en place.

En cas de dégradations massives du mobilier urbain, l'État pourrait, en fonction de leur ampleur et lorsque certains critères, qui restent à définir, seraient remplis, prendre un arrêté de reconnaissance d'émeute comparable à l'arrêté de reconnaissance de catastrophe naturelle.

Dès lors, l'indemnisation des sinistres sur les biens des collectivités se partagerait entre l'assureur et son réassureur, en l'espèce la Caisse centrale de réassurance (CCR)79(*), qui prendrait en charge au moins 50 % des sinistres et la totalité au-delà d'un seuil fixé annuellement. En cas d'impossibilité par la CCR de faire face à la sinistralité observée grâce à ces réserves, l'État interviendrait en réassurance de la CCR avec une garantie illimitée. Pour le régime des catastrophes naturelles, l'État intervient lorsque la sinistralité annuelle de la CCR dépasse 90 % de ses réserves. Dans ce cadre, il faudrait naturellement compartimenter, au sein de la CCR, ce qui relève des catastrophes naturelles et des émeutes.

Le système serait financé par une « surprime » sur tous les contrats d'assurance « dommage aux biens » conclus par les collectivités, de même que chaque contrat d'assurance multirisques habitation (MRH) et automobile fait l'objet d'une « surprime », quand bien même l'assuré n'habite pas dans une zone exposée aux catastrophes naturelles.

Recommandation n° 15 : mettre en place un dispositif d'indemnisation du risque d'émeutes inspiré de celui qui existe pour les catastrophes naturelles (Législateur).

CONCLUSION

Aux termes de ses travaux, la mission d'information du Sénat sur les difficultés assurantielles des collectivités territoriales fait le constat général d'une dégradation des relations entre les assureurs et les collectivités.

Au-delà des problèmes structurels évoqués dans le présent rapport et pour lesquels des recommandations sont formulées, les membres de la mission soulignent avec force la déshumanisation des rapports qu'ils entretiennent.

Dans un contexte où les relations contractuelles passent désormais essentiellement par des échanges informatiques, que des résiliations ont pu être envoyées sans discussion préalable et sans aucune justification, les élus ont un sentiment fautif mêlé de craintes, alors même qu'ils subissent les dysfonctionnements d'un marché dont ils ne sont pas responsables.

Si les préconisations de la mission seront de nature à fluidifier le marché des assurances, à rassurer les assurances tout en sécurisant les collectivités, il semble aussi et surtout nécessaire de réinstaurer un dialogue entre les acteurs du marché assurantiel et les élus, seul moyen de partager les problèmes et de restaurer une confiance mutuelle.

1. TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. AUDITION DE MM. ALAIN CHRÉTIEN, MAIRE DE VESOUL, VICE-PRÉSIDENT DE L'ASSOCIATION DES MAIRES DE FRANCE ET DES PRÉSIDENTS D'INTERCOMMUNALITÉ (AMF), THOMAS FROMENTIN, PRÉSIDENT DE LA COMMUNAUTÉ D'AGGLOMÉRATION PAYS FOIX-VARILHES ET ADMINISTRATEUR D'INTERCOMMUNALITÉS DE FRANCE, ET ÉRIC SCHAHL, CONSEILLER RÉGIONAL D'ILE-DE-FRANCE, REPRÉSENTANT DE RÉGIONS DE FRANCE (7 FÉVRIER 2024)

M. Emmanuel Capus, président. - Je salue les membres du bureau de la délégation aux collectivités territoriales, notamment sa présidente, Françoise Gatel, que notre commission a souhaité associer à nos travaux de ce matin.

Nous nous retrouvons pour une table ronde sur le thème des difficultés assurantielles des collectivités territoriales. En effet, depuis quelques années, les collectivités doivent faire face à des risques accrus pesant sur les bâtiments publics et le mobilier urbain en raison de la multiplication des événements et aléas climatiques.

Plus récemment, ce constat a été renforcé par la survenance de mouvements comme celui des « gilets jaunes » puis les émeutes de l'été 2023, qui ont occasionné des dégâts importants sur les biens immobiliers des collectivités.

Face à ces épisodes, de nombreux élus dénoncent les difficultés grandissantes qu'ils rencontrent pour assurer leur collectivité, toutes les strates étant concernées.

Depuis les émeutes de l'été 2023, plus de 150 communes ont ainsi reçu un avenant et plus de 200 collectivités ont même vu leur contrat résilié par les deux principaux assureurs des collectivités.

De surcroît, les cotisations ont parfois pu être multipliées par trois ou quatre, et certaines communes ont vu leurs obligations d'assurance non respectées concernant la flotte automobile ou encore l'assurance fonctionnelle des élus.

Ces difficultés croissantes résultent de plusieurs facteurs.

D'un côté, le marché de l'assurance des collectivités présente des dysfonctionnements et se révèle peu attirant pour les assureurs. Les règles de la commande publique sont particulièrement contraignantes, ce qui conduit à ce que les assureurs ne répondent plus, ou répondent peu, aux appels d'offres.

De l'autre, la multiplication et l'intensité des aléas climatiques et des atteintes aux biens accroissent le coût des sinistres et fragilisent le modèle économique des contrats d'assurance « dommages aux biens ».

Les collectivités sont alors sûres de perdre face à la seule alternative qui s'offre aux assureurs : renoncer à candidater sur les marchés publics ou augmenter leurs tarifs.

Face à une telle situation, le Gouvernement a annoncé le lancement d'une mission sur l'assurabilité des collectivités territoriales conduite par Alain Chrétien, maire de Vesoul, qui nous fait le plaisir d'être là ce matin au nom de l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF), et Jean-Yves Dagès, ancien président de la fédération nationale Groupama.

Dans l'attente de leurs conclusions, le ministre de l'économie a étendu la compétence du Médiateur de l'assurance aux différends entre assureurs et collectivités, sans qu'il puisse toutefois négocier l'augmentation de cotisations ou aider à renouveler un contrat.

Dans ce contexte, la commission des finances du Sénat a, elle aussi, décidé de créer sa mission d'information sur les difficultés assurantielles des collectivités territoriales, dont le rapporteur est Jean-François Husson, rapporteur général de la commission. La mission s'est fixé comme objectif de dresser un état des lieux de ces difficultés et de proposer des solutions à même de garantir des conditions d'assurance acceptables pour toutes les collectivités et soutenables financièrement pour l'ensemble des acteurs concernés.

Pour étayer ses travaux, une consultation des élus locaux a été lancée sur le site internet du Sénat. Nous espérons que le plus grand nombre d'élus participeront, afin d'établir le constat le plus précis possible sur les difficultés rencontrées.

Pour lancer cette mission, nous avons décidé d'organiser, en réunion plénière de la commission, cette table ronde, dans laquelle sont représentées ce matin trois associations d'élus locaux. M. Alain Chrétien, maire de Vesoul, représente aujourd'hui l'AMF ; sa présence sera l'occasion de faire le lien entre nos travaux et ceux de la mission gouvernementale. M. Thomas Fromentin est président de l'agglomération de Foix-Varilhes et administrateur d'Intercommunalités de France. M. Éric Schahl, conseiller régional d'Île-de-France, représente quant à lui Régions de France.

Nous attendons de vous, messieurs, que vous puissiez nous présenter les difficultés concrètement rencontrées ces derniers mois : appels d'offres infructueux, résiliations ou avenants entraînant une hausse notable du coût des contrats. Vous pourrez aussi nous préciser les risques auxquels vous vous attendez à devoir faire face à l'avenir. N'hésitez pas enfin à esquisser les premières solutions qui pourraient être envisagées pour améliorer les relations assureurs-assurés et prévenir les risques auxquels les collectivités sont confrontées.

Je rappelle que cette audition fait l'objet d'une captation vidéo et qu'elle est retransmise en direct sur le site du Sénat.

M. Alain Chrétien, maire de Vesoul, vice-président de l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité. -

Récemment, les collectivités ont fait face soit à des résiliations, soit à des augmentations brutales et importantes de leurs cotisations et de leur franchise. Toutefois, elles n'ont pas toutes fait remonter ces évolutions et difficultés. Aussi, les travaux du Sénat vont pouvoir nous éclairer un peu plus sur la situation. Il convient, cependant, de souligner qu'un grand nombre de collectivités, notamment les petites communes rurales, continuent d'être protégées, quasi exclusivement par Groupama, et ne sont pas touchées par ces résiliations. En effet, leurs risques, notamment de dommages aux biens, sont extrêmement limités en raison du faible nombre d'équipements publics en particulier. En effet, dans des communes de moins de 500 habitants, il n'y a pas forcément de piscine, de crèche, d'école, de théâtre, etc.

Nous assistons effectivement à un désengagement massif du monde de l'assurance sur certaines catégories de collectivités, qui sont extrêmement visibles ; c'est vers elles que nos concitoyens se tournent pour avoir accès aux services publics : chefs-lieux de canton, villes moyennes et même grandes métropoles. À notre grande surprise, la métropole de Lille a aussi été victime de telles résiliations. Compte tenu de la visibilité de ces collectivités, le problème a un retentissement large. Il concerne même des communes n'ayant été touchées ni par les émeutes ni par les catastrophes climatiques. C'est le cas de ma ville, Vesoul, où les contrats ont été purement et simplement résiliés au 31 décembre dernier.

Le phénomène est antérieur aux difficultés liées aux émeutes et aux catastrophes naturelles que nous avons connues à partir de 2021, même si celles-ci ont eu pour effet d'accélérer le mouvement.

Nous avons un problème structurel d'attractivité sur le marché de l'assurance des collectivités. Les assureurs trouvent trop compliqué d'assurer ces dernières, et cela risque de s'aggraver avec le réchauffement climatique. Les deux principaux assureurs, la Smacl et Groupama, sont des mutuelles. Elles ne sont pas là pour gagner de l'argent, mais elles veulent au moins éviter d'en perdre. Au demeurant, le chiffre d'affaires des assureurs pour les collectivités est de 200 millions d'euros, et si l'on retire l'assurance vie, il représente 1,5 % à 2 % de leur chiffre d'affaires global : ce n'est pas très intéressant pour eux...

Nous dépendons totalement de nos assureurs, qui, eux, n'ont pas d'obligation de nous assurer sur les dommages aux biens. Il y a un problème de dialogue, de compréhension entre le monde de l'assurance et le monde des collectivités. Le problème d'assurabilité est cyclique. Nous l'avons déjà connu voilà une trentaine d'années, puis voilà une dizaine d'années.

Entre les années 2010 et 2020, les cotisations ont baissé, peut-être de manière artificielle : certains assureurs ont proposé des baisses importantes du tarif technique, celui qui permet à tout le monde d'être protégé, créant ainsi un déséquilibre dont nous payons aujourd'hui les conséquences. Il faudra peut-être demander au régulateur, l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), d'avoir un regard plus aiguisé sur les tarifs proposés.

Le constat général de désengagement concerne les communes les plus dotées en services publics, notamment pour les dommages aux biens. Mais il y a un effet domino sur les autres types de contrats. Les seuls contrats obligatoires concernent la flotte automobile et l'assurance fonctionnelle. Pour le reste, comme les écoles, les théâtres ou les piscines, les collectivités ne sont pas obligées de s'assurer et peuvent opter pour l'auto-assurance. Il n'est pas nécessaire de rendre ces assurances-là obligatoires car cela entraînerait des contraintes et une augmentation des tarifs.

La mise en place d'un assureur des collectivités, sur le modèle de la Banque des territoires, est une fausse bonne idée. L'assureur des collectivités existe déjà : c'est la Smacl, qui a été créée justement pour cela. Mais plus vous concentrez un risque sur un seul acteur, plus la situation est fragile. Une bonne assurance est une assurance qui partage le risque dans le temps et dans l'espace.

L'enjeu est donc de donner à nouveau envie aux assureurs de nous assurer. Pour cela, nous devons donner des gages, afin qu'ils nous fassent confiance.

D'abord, il faut intégrer la culture du risque dans le fonctionnement de nos collectivités. Dans une PME de 50 ou 100 salariés, il y a un gestionnaire des risques chargé de vérifier que l'ensemble des mesures ont été prises pour éviter les incendies ou les catastrophes. Dans le monde de l'entreprise, la culture du risque est quelque chose d'extrêmement précieux, qui permet à l'assureur d'avoir confiance en elle. Nous devons trouver des solutions pour intégrer cette culture dans nos collectivités. Cela implique déjà d'avoir une bonne connaissance de notre patrimoine, préalable nécessaire pour définir précisément les besoins. Or, à ce jour, peu de collectivités ont une connaissance précise de l'étendue et de l'état de leurs bâtiments. Et je mets au défi chaque maire ou président d'intercommunalité de connaître tous les mètres carrés dont sa collectivité est propriétaire, ainsi que le taux de vétusté, l'état des bâtiments, etc. Nous sommes ici confrontés à une vraie difficulté. Le cadastre peut nous aider, mais, après l'avoir consulté, il faut encore inspecter chacun des biens. Connaître le patrimoine est le point de départ pour réaliser une expertise préalable, un diagnostic complet qui sera la base de la rédaction d'un cahier des charges le plus précis possible pour l'assureur.

Par ailleurs, il faut avoir une réflexion sur le code des marchés publics. Je ne dis pas qu'il faut le modifier ou le réformer par voie réglementaire ou législative ; c'est prématuré. Mais il y a un travail de pédagogie à faire sur l'utilisation des différents outils qui sont à notre disposition : appels d'offres, procédures négociées, marchés de gré à gré, dialogues compétitifs. Nous sommes nombreux à utiliser, par principe ou par habitude, la procédure de l'appel d'offres, avec toutes les rigidités subséquentes. Or, l'appel d'offres ne nous permet pas de bien définir le besoin et ne permet donc pas à l'assureur de bien y répondre. Et comme sa réponse est souvent différente de ce qu'on lui demande, l'appel d'offre est déclaré infructueux.

Il y a même une certaine hypocrisie. Une disposition du code des marchés publics permet de passer par la procédure négociée à l'issue d'une procédure infructueuse. Ce faisant, on perd six mois ou un an, on dégrade nos relations avec les assureurs et on complique le système pour tout le monde.

La procédure de marché négociée répond à des critères extrêmement précis. Il faudra obtenir de l'État la garantie que les collectivités ne soient pas retoquées quand elles y recourent. Je le rappelle, c'est une procédure qui permet de négocier entre les prestataires et les demandeurs. Elle est lourde et nécessite de la publicité, ainsi que des allers-retours extrêmement précis en termes calendaires. Cela implique une ingénierie extrêmement importante, que seule une grosse collectivité peut s'offrir. Aujourd'hui, toutes les collectivités moyennes, au-dessus de 10 000 habitants, prennent un assistant à la maîtrise d'ouvrage (AMO) pour les aider à rédiger leur cahier des charges. Mais ce n'est pas suffisant s'il n'y a pas une bonne connaissance du patrimoine et des besoins.

La mission gouvernementale formulera ses préconisations à la fin du mois de mars ou au début du mois d'avril. Le problème est récurrent et mérite du temps pour être réglé. La décision du Conseil d'État du 12 juillet 2023 Grand port maritime de Marseille n'est qu'un pis-aller ; elle ne résout absolument rien. Il faudra que nous puissions construire ou reconstruire une relation saine entre les assureurs et les collectivités. L'objectif, c'est de rassurer les assureurs !

M. Thomas Fromentin, président de la communauté d'agglomération Pays Foix-Varilhes et administrateur d'Intercommunalités de France. - Je me réjouis de l'existence de cette mission d'information du Sénat. La problématique des assurances est forte au sein des collectivités.

Je suis président d'une communauté d'agglomération de 30 000 habitants, très rurale, en Ariège. Au mois de mai 2023, notre assureur nous a adressé un courrier laconique annonçant la résiliation de notre assurance dommages aux biens à compter du 31 décembre 2023 et ce malgré deux augmentations tarifaires importantes. Au final, nous avons pu souscrire une autre offre et nous assurer, mais par la mécanique du gré à gré.

Nous sommes nombreux, communes, intercommunalités ou syndicats de déchets, à être confrontés aux mêmes difficultés : envolée des cotisations, résiliations unilatérales, appels d'offres infructueux.

Je souscris aux propositions qu'a formulées Alain Chrétien. Mercredi dernier, lors d'une journée consacrée aux finances au sein d'Intercommunalités de France, nous avons noté que les deux tiers des présents connaissaient des problèmes d'assurance.

À nous aussi, la décision Grand port maritime de Marseille, qui atténue la capacité de retrait unilatéral d'un assureur mais ne la remet pas en cause, paraît insatisfaisante. S'il semble compréhensible qu'un assureur puisse se retirer dans des cas très précis de forte augmentation de sinistralité, le retrait unilatéral ne manque pas d'interroger.

Compte tenu de la forte sinistralité, liée notamment au dérèglement climatique, je ne vois pas comment un système d'auto-assurance mutualisée pourrait tenir. En revanche, existe-t-il une réflexion sur l'existence d'un panier minimum d'assurance pour les collectivités, dans la mesure où elles assurent des missions de service public ?

Sur le code des marchés publics, je rejoins Alain Chrétien. Ce qui remonte du terrain, c'est la demande de pouvoir recourir à des formes de marché public qui soient plus souples.

Il y a une forme d'hypocrisie : on permet parfois aux assureurs de répondre au marché public pour pouvoir ensuite passer en gré à gré. Cela ne semble pas une bonne manière de faire, ne serait-ce que du point de vue de la sécurité juridique.

Je partage également l'analyse d'Alain Chrétien sur la culture des risques, en insistant sur la gestion desdits risques. Cette culture - c'est-à-dire savoir mieux identifier les risques à déclarer - n'est pas suffisamment développée.

Attention toutefois aux usines à gaz. Nos communes, notamment les plus petites, sont déjà écrasées par les normes à respecter, les questionnaires à remplir, etc. Il faut que l'ensemble reste accessible pour nos collègues. Les intercommunalités peuvent jouer leur rôle de mutualisation pour aider à connaître les risques et à répondre aux éventuels questionnaires.

Le risque cyber est également très important.

Enfin, je pense qu'une clarification du régime de catastrophe naturelle serait bienvenue.

M. Éric Schahl, conseiller régional d'Île-de-France, représentant de Régions de France. - Régions de France a préparé un dossier, que nous tenons à votre disposition, sur la situation de l'assurabilité de la strate régionale. En effet, on pourrait croire que les régions ont une taille permettant de ne pas avoir de difficultés. Et pourtant...

En Île-de-France, plus grande région d'Europe, avec un budget de 5 milliards d'euros, nous avons un problème d'offre. Nous n'avons qu'une seule offre, ce qui limite la capacité à faire jouer la concurrence. Certes, nous avons le levier de la réassurance, et la possibilité de nous assurer nous-mêmes. Mais toutes les collectivités n'en disposent pas.

Dans une région du centre de la France, la prime d'assurance dommages aux biens a augmenté de 70 % voilà deux ans et de 25 % cette année, aboutissant à un refus et à une résiliation du contrat. Dans une région du sud-ouest, l'assureur a adressé un préavis de résiliation du marché au 31 décembre, conduisant à multiplier par mille la franchise, désormais fixée à 10 millions d'euros. Dans une région de l'ouest, la collectivité n'a pas eu d'offre pour son assurance de deuxième ligne afin d'assurer son siège.

Comme l'a indiqué Alain Chrétien, le phénomène est antérieur aux événements climatiques dramatiques des deux ou trois dernières années et aux émeutes de cet été. Il est lié à la crise de la Covid-19 et au ralentissement de l'économie mondiale : les assurances font des placements sur les marchés boursiers, qui sont moins fructueux à partir du moment où l'économie mondiale ralentit. Et les collectivités territoriales ne représentent effectivement qu'un tout petit volet du chiffre d'affaires des assurances, qui ont besoin de refaire leurs marges. En plus, les facteurs climatiques jouent à l'échelle mondiale sur le marché de la réassurance : les assurances, qui sont obligées de se réassurer, voient leurs propres primes augmenter considérablement. Ce phénomène va aller croissant avec l'évolution climatique.

Il y a une autre cause structurelle : la situation de quasi-monopole d'une ou deux sociétés d'assurances mutuelles sur le marché.

M. Alain Chrétien. - Un monopole subi !

M. Éric Schahl. - C'est l'histoire de la poule et de l'oeuf. La situation est-elle liée au fait que toutes les sociétés d'assurance se sont désintéressées du marché des collectivités territoriales ou à la politique ultra-compétitive que les deux groupes concernés ont pratiquée ? J'ajoute que la difficulté de monter des dossiers pour répondre aux appels d'offres a pu inciter des sociétés à se désintéresser encore plus du marché des collectivités.

Pendant longtemps, cet état de fait a été intéressant pour nous, puisqu'il nous a permis de bénéficier de tarifs inférieurs au prix du marché. Mais face à l'augmentation de la sinistralité, les deux sociétés sont obligées d'augmenter très significativement les primes et de relever les franchises. Et nous, collectivités, ne pouvons plus nous retourner vers d'autres acteurs, puisqu'ils se sont tous désengagés.

Vous avez parlé de « rassurer les assureurs ». Il faut à tout le moins les intéresser. Il va falloir que nous trouvions le juste prix de l'assurance. Et ce n'est malheureusement pas celui que nous avons payé pendant des années. Ce n'est pas non plus celui que les deux entreprises en situation de quasi-monopole vont vouloir nous imposer, avec des primes qui ne nous conviennent pas.

Je souhaite évoquer les pistes qui ont été mises en avant.

Je rappelle que les appels d'offres ont deux objets : garantir une concurrence équitable, non faussée, et prévenir la corruption et les conflits d'intérêts. Mais où est la concurrence non faussée quand il n'y a, au mieux, qu'une seule offre ? De quel conflit d'intérêts se protège-t-on lorsque tout va finir par une procédure de gré à gré ? Il va donc falloir se poser la question de la simplification des procédures.

La question de l'assurance publique n'est pas illégitime en soi. Dans la mesure où les collectivités territoriales remplissent une mission de service public, il est logique qu'elles aient une garantie d'assurabilité. D'où la proposition d'une assurance de la démocratie locale. Mais je n'y crois pas, pour deux raisons. D'une part, je ne pense pas qu'il y ait de risques inassurables : s'il est possible d'assurer des centrales nucléaires, cela ne doit pas être impossible pour nos flottes automobiles. D'autre part, je ne sais pas bien comment cela pourrait fonctionner, d'autant que, in fine, ce sera toujours le contribuable qui paiera...

La solution est d'aller vers une vraie concurrence, en intéressant de nouveau la pluralité d'offres privées.

Sur les AMO, si aider les plus petites collectivités, qui n'ont pas les moyens techniques, est une bonne chose en soi, j'appelle votre attention sur le fait qu'une telle pratique fausse le rapport entre l'assuré et l'assureur. L'AMO devient l'agent de la collectivité locale. Or, d'ordinaire, l'intermédiaire, c'est plutôt le courtier. Là, on aura donc une relation pour le moins inhabituelle.

À mon sens, le chemin le plus intéressant, c'est la mutualisation. Il faut probablement aller vers une mutualisation de nos risques. Je ne suis pas certain que la mutualisation géographique soit le meilleur schéma : si tout le monde est dans la même zone géographique, tout le monde est soumis à la même sinistralité simultanée et tout le monde risque d'avoir les mêmes problèmes en même temps. On pourrait envisager une mutualisation par spécificités : les problématiques seraient homogènes, mais sans simultanéité des sinistres. Je me demande néanmoins si une mutualisation par strates n'aurait pas du sens. Au sein des régions, nous avons les mêmes problèmes ; nous avons l'habitude de parler ensemble.

Il faut vraiment que l'on invente un métier dans nos collectivités : la gestion du risque. Toutes les entreprises le pratiquent aujourd'hui. Il s'agit de prévenir et de gérer les risques en amont. Aujourd'hui, 42 % des attaques cyber concernent des collectivités locales ; nous ne sommes pas suffisamment prémunis.

Il y a des choses à construire. Concernant la flotte automobile, cela peut passer par une formation des agents qui utilisent nos véhicules. Il faut sans doute également repenser la manière dont on construit nos bâtiments : je rappelle qu'un gymnase a brûlé intégralement à Gravelines voilà un peu plus d'un mois. Il faut effectivement connaître notre patrimoine et procéder à des corrections pour que tout ne brûle pas.

De même, inventer une nouvelle relation commerciale avec l'AMO et le courtier en amont - j'en parlais tout à l'heure - va permettre de changer les choses et d'intégrer la prévention et la gestion des risques dans l'élaboration de notre police d'assurance. Cela permettra d'inventer de nouveaux contrats d'assurance et de réinstaurer la concurrence, qui est le seul moyen d'arriver au juste prix de l'assurance.

M. Emmanuel Capus, président. - Petite précision, cette audition s'inscrit bien dans le cadre des travaux de la mission d'information de la commission des finances du Sénat, qui a son propre périmètre et ses propres objectifs.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Nous avions également convié l'Assemblée des départements de France (ADF), mais aucun de ses élus n'était disponible aujourd'hui. Nous aurons d'autres occasions pour entendre leur contribution.

Nous voulons établir un diagnostic sur les difficultés. D'où l'importance de la consultation sur le site internet du Sénat, que je vous invite, mes chers collègues, à relayer auprès des élus de vos territoires. L'idée est d'avoir un diagnostic le plus objectif et partagé possible.

D'après les éléments dont je dispose, le phénomène dont nous discutons ce matin concerne majoritairement des territoires urbains. Il est vrai que j'ai moi-même des retours assez contrastés. Il faut s'extraire de son propre périmètre et essayer d'avoir une vision nationale.

J'ai trois séries de questions.

La première porte sur les difficultés rencontrées par les collectivités. Pourriez-vous nous fournir des éléments quantitatifs sur les problèmes de réponse à un appel d'offres, sur les augmentations très inhabituelles des coûts des contrats ou des franchises, sur les retards dans les indemnisations, voire sur les résiliations brutales ? Ces difficultés touchent-elles aussi, outre les dommages aux biens ou l'assurance auto, la protection des agents et des élus ? J'aimerais également entendre les avis des uns et des autres sur l'auto-assurance et la mutualisation.

La deuxième série de questions concerne les ressources. Selon vous, les collectivités ont-elles, selon leur taille et leur configuration, les ressources humaines, techniques et budgétaires pour répondre aux conditions de souscription des contrats ou de leur évolution ? Doivent-elles d'ailleurs imaginer des formations améliorées ? Vous paraissent-elles bien informées sur les risques climatiques, les émeutes ou le risque cyber ? À votre avis, quels sont les risques qui demain pèseront le plus sur les biens des collectivités ?

La troisième série a trait aux solutions. Comment redonner de l'attractivité au marché pour que les assureurs y reviennent ? Je vous rejoins sur cet objectif. En revanche, je ne crois pas que les entreprises aient toutes un responsable des risques ; souvenez-vous de la crise sanitaire... Si vous aviez des avis ou des propositions pour résoudre les problèmes assurantiels des collectivités territoriales à nous communiquer d'ici au mois de mars, nous pourrons les intégrer dans nos travaux. Pour ma part, je crois qu'il faut mettre l'accent sur la connaissance, par les réassureurs, des risques liés aux événements climatiques ou aux émeutes.

Mme Françoise Gatel, présidente de la délégation aux collectivités territoriales. - Je tiens tout d'abord à remercier la commission des finances d'avoir pris l'initiative d'une telle réunion et d'y avoir convié les membres du bureau de la délégation aux collectivités territoriales, sur un sujet qui nous intéresse particulièrement.

Nous partageons tous les constats dressés. Je pense que l'opposition entre les communes tient non à leur strate, mais à leur nature, selon qu'elles disposent ou non d'écoles, d'équipements sportifs, etc.

La question est celle de la soutenabilité de l'assurance pour les collectivités. Il y a des leviers, comme l'évolution du code des marchés publics et l'ingénierie pour aller acheter de l'assurance, ce qui est un vrai métier ; il est important que les collectivités soient bien accompagnées en la matière.

Je crois beaucoup à la mutualisation, sous des formes diverses et variées. Cela peut se faire à l'échelon intercommunal ou par catégories de communes. Veillons également à ne pas enlever aux collectivités leur capacité de maîtriser leur politique d'assurance.

Il faut effectivement apprendre à gérer le risque. Mais il faudra aussi l'expliquer à nos concitoyens, dans un contexte de judiciarisation de notre société, où l'on cherche toujours un coupable. Je ne crois pas que l'inscription du principe de précaution dans la Constitution ait d'ailleurs rendu plus facile le marché de l'assurance.

En 2021, nous avons effectué un travail sur la cybersécurité au sein de la délégation. Les cyberattaques touchent toutes les collectivités. Nous n'en avons pas conscience, et nous n'avons aucune culture du risque à ce sujet. Par exemple, une grande agglomération et des communes n'ont pas pu délivrer de permis d'inhumer pendant dix jours pour cause de cyberattaque. Il faut, me semble-t-il, que les associations d'élus et les préfets soient très proactifs pour vérifier si les collectivités sont bien conscientes et prémunies contre de tels risques. Cela diminuerait peut-être les surcoûts d'assurance.

M. Marc Laménie. - Je remercie les trois intervenants. Leur témoignage nous éclaire sur des situations très complexes.

En tant que maire d'un village dans les Ardennes, j'avais repris notre assureur historique, Groupama. Si les contrats sont relativement simples, il est en revanche très compliqué - vous l'avez souligné - de faire l'inventaire de l'ensemble du patrimoine immobilier à assurer, même à l'échelle d'un village. Certes, nous n'avons pas été confrontés aux problèmes que vous avez évoqués, parce que nous sollicitons très peu l'assureur.

Que pouvons-nous faire pour le patrimoine immobilier ? Quand des banquiers se transforment en assureurs et des assureurs en banquiers, comment le système peut-il fonctionner, notamment pour les grandes collectivités ?

Mme Nathalie Goulet. - Je veux également remercier les intervenants ; nous partageons leurs constats. Mais quelle est l'analyse de nos voisins européens sur le sujet ? Et peut-on envisager d'utiliser le fonds européen destiné à la protection des sites et des biens - il y a 98 millions d'euros réservés à la France - face aux émeutes ou au risque cyber ?

Si je comprends l'importance de la mutualisation à l'échelon intercommunal, voyons aussi ce qui se fait en Europe. Il y a des budgets forts, et la mise en concurrence des assureurs relève aussi du droit européen. Je ne pense pas qu'il y ait une clause de nationalité pour les assureurs des collectivités. Les dispositifs européens devraient fonctionner. Je me demande donc s'il ne faudrait pas conduire notre mission d'information vers Bruxelles.

M. Éric Bocquet. - Je remercie également nos intervenants. J'ai trouvé leur discours extrêmement intéressant, concret et ancré dans le réel. J'ignorais l'importance du phénomène pour certaines collectivités. Je suis toujours conseiller municipal d'un village de 2 000 habitants en métropole lilloise, où l'assurance n'est pas un sujet aujourd'hui.

Il a été indiqué que les collectivités représentaient 1 % à 2 % du chiffre d'affaires de l'assurance ; c'est donc un petit segment de l'activité.

Notre commune est assurée chez Axa. Nous sommes très loin des franchises de 10 millions d'euros. Les assureurs sont également financeurs de la dette publique ; ils ont une garantie de recettes par les intérêts qui leur sont payés chaque année.

Je pense que si les assurances choisissent de se désengager de la couverture du risque des collectivités, c'est un choix de gestion. Ne serait-il pas temps de demander aux assureurs de revenir à leur coeur de métier, la couverture du risque ? Je comprends qu'ils puissent investir, mais leur premier métier, c'est la couverture du risque. Je suis vraiment choqué de ce désengagement délibéré et unilatéral des assurances pour faire de l'argent ailleurs.

Mme Florence Blatrix Contat. - Je remercie les trois intervenants, qui nous ont effectivement bien éclairés.

Élue d'une petite commune rurale, je ne suis pas encore confrontée à de telles difficultés. Pensez-vous que, par effet domino, les petites communes pourraient aussi être concernées ?

Pourriez-vous nous en dire plus sur ce que le panier minimum pourrait intégrer ? N'implique-t-il pas une part d'auto-assurance ?

Mme Christine Lavarde. - Vous avez mentionné à plusieurs reprises le besoin de l'État ou de la puissance publique pour compenser la défaillance du secteur privé. Or ce rôle est déjà joué par le Bureau central de tarification (BCT), qui doit proposer une solution d'assurance à toute personne s'étant vu opposer un refus par le secteur privé. Avez-vous eu connaissance de propositions techniques faites par le BCT ?

Vous avez évoqué des exemples particuliers de collectivités ayant fait l'objet d'une sorte d'antisélection par leur assureur. Avez-vous eu la possibilité de creuser un peu pour essayer de comprendre le phénomène dont elles auraient été victimes ?

La question du développement de la culture de la gestion du risque dans les collectivités est assez liée à celle de la certification des comptes. Dans des phases de certification, les communes sont aussi obligées de mettre en place une véritable culture du risque pour pouvoir prouver qu'elles agissent de manière complètement consciente sur tous les secteurs. Pour vous, quel est le frein majeur en la matière ? Est-ce uniquement une question de moyens ? Est-ce un problème de disponibilité de personnes formées à la fois à la culture du risque et à celle des collectivités ?

Mme Isabelle Briquet. - Je tiens moi aussi à remercier nos intervenants. Dans la commune dont j'ai été maire pendant de nombreuses années, les tarifs des contrats ont augmenté de 70 %. J'ai envoyé la lettre et le lien de la consultation aux élus de mon département. J'ai déjà eu beaucoup de retours. Cela montre bien qu'il y a un véritable souci.

J'ai entendu ce qui a été dit sur la culture du risque. Mais, dans un contexte de judiciarisation croissante, où les élus sont responsables d'absolument tout, il y a quand même une légère contradiction à gérer.

Pourriez-vous revenir sur ce que vous avez indiqué s'agissant des relations entre AMO et courtiers ? Je ne suis pas certaine d'avoir bien compris votre propos.

Mme Ghislaine Senée. - Il y a beaucoup à dire sur le sujet. La gestion du risque est de plus en plus prégnante au sein des collectivités, grandes ou petites.

J'ai été maire d'une commune qui avait un plan de prévention des risques (PPR) sur les cavités souterraines. Pendant douze ans, je me suis interrogée sur la façon d'anticiper le sujet, car on sait que les carrières de gypse peuvent s'effondrer à tout moment, et ma commune est concernée. Face à la réaction des assurances, les collectivités ont de plus en plus besoin de pouvoir anticiper, mais elles n'en ont pas les moyens : problèmes d'ingénierie, de dotations, etc. Si on doit travailler sur la gestion des risques, il faut faire un inventaire et un diagnostic, tant sur les biens que sur les risques alentour, y compris les risques industriels. Nous sommes confrontés à un problème structurel.

Les assurances qui sont sur une niche particulière se rendent compte de l'ampleur du travail. Leurs interventions intempestives et assez brutales de l'année dernière à l'égard de certaines communes a été un moyen d'alerter sur ces problématiques.

Il me semble important d'intégrer dans le diagnostic à la fois les problèmes d'assurance auxquelles les communes ont été confrontées, mais aussi les charges d'assurance qu'elles ont dû assumer. Je pense que nous pourrons interroger directement les associations des assurances pour avoir un peu de visibilité à cet égard.

Le coeur de métier de l'assurance, c'est la couverture du risque. Il faut assumer de gérer ce risque et ne pas se défausser. Je veux bien que l'on rende le marché plus attractif, mais rappelons-leur aussi leur devoir pour l'intérêt général. Nous ne cessons de discuter pour savoir comment « faire société ». Il est inadmissible que les franchises d'une collectivité passent de 1 500 euros à 1 million d'euros l'année suivante.

Les solutions que vous avez évoquées sont les axes sur lesquels nous devons travailler. Oui à la culture du risque, à condition d'aller jusqu'au bout... Et profitons de l'occasion pour dresser un inventaire des biens des collectivités qui nous permettra d'avoir cette connaissance du patrimoine. Travaillons également sur les appels d'offres, qui représentent toujours une difficulté pour les petites collectivités. Il y a un devoir de formation, d'amélioration des connaissances.

Il est d'utilité publique que le Sénat se saisisse d'un tel sujet.

M. Jean-Marie Mizzon. - Je remercie à mon tour les intervenants.

J'ai moi-même été maire pendant plusieurs décennies. Dès les années 1980, il y avait cette situation d'oligopole dans le marché de l'assurance des collectivités ; je pense qu'elle est structurelle. Le renforcement de la connaissance, par les collectivités, de leur patrimoine me semble une piste à explorer.

Sait-on combien il y a de compagnies d'assurance en France, en plus des deux qui ont été évoquées ?

M. Alain Chrétien. - Il y en a plusieurs dizaines.

M. Éric Schahl. - On peut se dire que les assurances engrangent des sommes considérables et qu'elles doivent donc couvrir les risques des collectivités locales, car ces dernières assument une mission de service public. Toutefois, ce n'est pas le modèle économique dans lequel je m'inscris, car il s'avère contre-productif. En effet, seule une société publique serait à même de couvrir l'intégralité des risques, et ce système aboutirait à un puits sans fond. Si je suis assuré à taux plein, avec des franchises peu élevées, et si, in fine, ce n'est pas moi qui paie, comment vais-je révolutionner la prévention et la gestion du risque ? Il est donc important d'entrer dans une relation économique.

L'assurance a toujours été privée. Elle est née dans l'Italie médiévale, pour assurer les bateaux qui quittaient le port, dans une logique de partage des bénéfices. Pour que les prix baissent, il faut une concurrence saine et non faussée. Or, cela est impossible avec une entreprise publique.

Les grandes collectivités ont été ciblées en premier lieu, car les sociétés d'assurance et de mutuelle, en grande difficulté après avoir assuré tout le monde, avaient besoin de redégager immédiatement des marges. Cependant, l'augmentation des franchises touchera toutes les collectivités. Je ne crois pas d'ailleurs qu'il faille distinguer ici entre milieu urbain et milieu rural. Par la force des choses, ce sont plutôt les collectivités urbaines qui sont touchées aujourd'hui, car les grandes collectivités ont été les premières concernées, mais aucune commune ne sera exonérée en raison de sa taille ou de son implantation.

La gestion du risque ne constitue pas une solution unique, mais une somme de sujets sur lesquels il faut travailler. La tendance à la judiciarisation est inévitable. Il faut en prendre acte, et chercher à réduire les risques. Ainsi, des économies substantielles peuvent être réalisées sur les défauts de voirie, ou par la formation d'agents à l'utilisation de véhicules.

Le plan communal de sauvegarde, qui n'est pas obligatoire pour les communes qui n'ont pas de PPR, peut être aussi une piste intéressante : non seulement pour faire des économies d'assurance, mais aussi pour mieux protéger nos administrés. Or, moins de 40 % des communes de France en sont dotées. Bien penser un plan communal de sauvegarde permet de se prémunir contre le risque d'inondation, par exemple, et de réduire, en définitive, le coût de l'assurance par la diminution du nombre de sinistres et de l'accidentologie, le plus important étant de protéger la population.

Les grandes collectivités, comme les régions, disposent de directeurs des achats très compétents. Toutefois, ce degré de connaissance et de savoir-faire ne se retrouve pas dans toutes les collectivités. De plus, même les directeurs des achats les plus compétents peuvent être perdus dans certaines situations, d'où le recours à l'AMO. Or, de même que le docteur Knock affirmait que tout bien-portant est un malade qui s'ignore, l'AMO peut parfois complexifier le travail à outrance en cherchant à définir la totalité des risques, là où les courtiers réfléchissent pour leur part à la meilleure façon de travailler avec les assureurs. Il peut cependant arriver aussi que, le marché s'étant trop complexifié, l'appel d'offres soit infructueux.

Parmi les risques ayant vocation à croître dans l'avenir figurent les risques climatiques, aux conséquences considérables. Cependant, la lutte contre l'absentéisme des agents coûte également très cher aux collectivités locales. Certains courtiers d'assurances en ont d'ailleurs fait une spécialité. Elle représente une somme de petits coûts, qui peut entraîner en définitive des dépenses importantes.

M. Thomas Fromentin. - Nous parlons des difficultés du secteur de l'assurance, mais nos collègues veulent simplement pouvoir obtenir une assurance dommages aux biens pour leurs bâtiments. Il est bon de leur dire que le monde est complexe, mais il faut aussi comprendre leurs difficultés et leur proposer des solutions simples.

Dans un marché de moins en moins concurrentiel, quelle régulation est-elle possible ? Pourrions-nous imaginer que les assureurs fournissent un panier minimum aux acteurs assumant des missions de service public ?

La mutualisation à l'échelle des intercommunalités est effectivement intéressante. Elle permettrait de recruter des personnes qualifiées en matière assurantielle et d'accompagner les plus petites communes ainsi que les intercommunalités qui gèrent d'importants équipements.

Nous ne devons pas exclure de notre réflexion nos collègues ultramarins, qui sont confrontés aux pires difficultés. J'ai rencontré un maire qui cherchait à assurer son école classe par classe, pour être sûr que l'établissement soit au moins partiellement couvert.

Cependant, même si la mutualisation se développe et la culture du risque s'améliore - points sur lesquels il nous faut effectivement progresser -, la question du traitement des événements majeurs demeurera. On a beau s'organiser au mieux, des événements importants, climatiques, cyber, ou autres, peuvent survenir. Or, les assureurs n'ont pas joué le jeu pendant les émeutes !

M. Alain Chrétien. - Françoise Gatel a donné une partie de la réponse : le bon usage du code des marchés publics. Tous les outils existent dans ce code, encore faut-il qu'on les connaisse et qu'on les utilise bien. Mieux nous les connaîtrons, mieux nous les utiliserons et moins nous aurons besoin de moyens d'ingénierie supplémentaires. Avant de proposer des modifications législatives ou réglementaires au code des marchés publics, commençons donc, avec l'État, par rédiger un nouveau guide des bonnes pratiques de ce code ainsi qu'un cahier spécifique des clauses administratives générales. Avant d'envisager de nouvelles usines à gaz qui nécessiteront des montées en compétences supplémentaires, en sus de celles qui n'ont pas été effectuées auparavant, commençons par reprendre ce qui existe et réfléchir aux meilleurs moyens d'optimiser les procédures à notre disposition dans le code des marchés publics. La mutualisation interviendra dans un second temps.

Je parlerai d'ailleurs plutôt de groupements de commandes. Le groupement de commandes ne fonctionne que s'il y a des risques homogènes dans un même panier. Or, pour cela, il faut connaître les risques. Si l'on assure toutes les écoles d'un même canton, alors que certaines sont vétustes et d'autres flambant neuves, l'assureur ne pourra pas apporter de réponses satisfaisantes.

Il faut donc un guide des bonnes pratiques et une bonne connaissance des biens avant de chercher à rééquilibrer le rapport de forces entre assureurs et assurés.

Nous procéderons par ailleurs à un parangonnage des différents systèmes européens. Ce travail est complexe, car les données sont parcellaires. De plus, notre pays est l'un des plus protecteurs de l'Union européenne. Il existe un fonds européen de soutien, mais qui n'est activé que lorsque le montant des dégâts dépasse 1,5 % du PIB de la région concernée. Entrer dans des négociations avec Bruxelles pour tenter d'abaisser ce seuil prendrait plusieurs années. Nous n'essaierons pas d'aller dans cette voie.

Monsieur Bocquet, ce sont les assurances mutualistes qui ne sont pas censées gagner de l'argent et qui ont fait exploser les primes. Les derniers assureurs privés qui demeurent dans les collectivités ne les ont pas touchées.

Quand les assurances reposent sur deux acteurs, la situation est très fragile. L'incendie de l'hôtel de ville d'Annecy représente à lui seul 70 millions d'euros de réparations !

Notre objectif est de faire revenir les entreprises d'assurances privées, non de les ponctionner ou de leur imposer trop d'obligations. Or instaurer un panier minimum reviendrait à élargir le périmètre de l'assurance obligatoire, aujourd'hui limité à la flotte automobile et à l'assurance statutaire, ce qui ne serait peut-être pas de nature à faire revenir les assureurs.

Le BCT est très peu sollicité par les particuliers, et encore moins par les collectivités locales. De plus, sa mission est de trouver des assureurs, non de négocier des prix. Ce n'est donc pas la solution à tout.

Concernant les captives d'assurance, il n'est pas certain que les collectivités puissent en créer. Je ne pense pas que Jean-Yves Dagès et moi nous engagerons dans cette voie.

L'État devra assumer ses responsabilités face aux événements majeurs. Par ses pouvoirs régaliens, il est garant de la sécurité publique. S'il n'arrive pas à assumer ses responsabilités, il faut qu'il paie.

L'auto-assurance devra par ailleurs être développée pour les petits sinistres - fenêtre cassée, rétroviseur abîmé, etc. - pour ne plus faire jouer l'assurance systématiquement. Au niveau intermédiaire, il faut en revanche que les assureurs recommencent à intervenir, mais au niveau événementiel l'État doit prendre ses responsabilités. Je ne sais pas quel sera le contenu du projet de loi visant à réformer le régime d'indemnisation des catastrophes naturelles prévu par Gabriel Attal, mais des évolutions interviendront sans doute en matière de prise en charge.

Quelles que soient les mesures que nous préconiserons, nous serons appelés à payer plus cher nos assurances, car les risques augmentent. Les assurés paient pour les risques de tous, en vertu de la solidarité nationale. L'important est que les cotisations augmentent de manière raisonnable. La surprime de 22 % ne permet pas aux assureurs de constituer une cagnotte, mais d'être à l'équilibre. Les risques climatiques représentent en effet plus de 2 milliards d'euros par an, et devraient représenter 5 milliards d'euros en 2030. Nous devrons assumer collectivement des dépenses plus importantes pour couvrir les risques à venir.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Nous devons partir de la connaissance la plus aboutie et la plus objective possible. Le débat pourrait devenir passionné. Or, même si nous entendons ceux qui s'estiment victimes de la situation présente, il est préférable d'éviter de tomber dans des postures accusatrices. Nous devons relayer la réalité de la situation sans tomber dans le populisme ou la démagogie.

Durant la crise sanitaire, les assureurs - c'est-à-dire les assurés - ont payé un peu plus de 1 milliard d'euros, quand d'autres, dont on avait dit qu'ils contribueraient, n'ont rien donné.

Il faut une prise de responsabilité individuelle et collective. Dans le secteur de l'assurance, tout le monde paie, ce qui garantit une véritable mutualisation. Il faut ensuite améliorer la sinistralité. Sur ce point, tout ne dépend pas des assurés. Si de grands incendies se produisent demain en France, comme on en voit en ce moment au Chili, il en résultera des difficultés supplémentaires et des dépenses générales pour couvrir des risques relevant de la responsabilité de l'État. Les situations individuelles doivent être précisées, avant de voir comment nous pourrions mieux organiser les choses. Cela peut être un moyen d'intéresser de nouveau les Français au sujet.

Certaines zones historiquement inondables, qui connaissaient de petites inondations régulières, sont désormais confrontées à des phénomènes plus intenses concentrés dans le temps. L'enjeu est donc de chercher à adapter concrètement le marché aux nouvelles réalités.

M. Emmanuel Capus, président. - Pour la première fois, il y a deux ans, mon département, le Maine-et-Loire, a connu des feux considérables. Certaines franchises sont passées de 500 à 500 000 euros !

Merci à tous. Nos collectivités attendent des réponses.

II. EXAMEN DU RAPPORT (27 MARS 2024)

Au cours d'une réunion tenue le mercredi 27 mars 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a examiné le rapport de M. Jean-François Husson, rapporteur général, sur les problèmes assurantiels des collectivités territoriales.

M. Claude Raynal, président. - Nous entendons maintenant une communication de Jean-François Husson, en sa qualité de rapporteur de la mission d'information sur les problèmes assurantiels des collectivités territoriales.

M. Jean-François Husson, rapporteur. - Le 7 février dernier, la commission des finances entendait l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF), Intercommunalités de France et Régions de France sur le sujet des difficultés assurantielles des collectivités. Cette audition, en formation plénière de la commission, attestait de l'importance du sujet et marquait le début des travaux de la mission d'information, constituée le 30 janvier.

En moins de deux mois, la mission a mené 26 auditions et rencontré plus de 40 interlocuteurs : associations d'élus, assureurs, réassureurs, administrations centrales, courtiers, autorités administratives et indépendantes, etc.

Nous avons par ailleurs procédé à deux déplacements : l'un en Île-de-France, dans le Val-de-Marne et les Hauts-de-Seine ; l'autre en Meurthe-et-Moselle. Ces déplacements nous ont permis d'avoir des échanges nourris avec des élus de terrain, concernés au premier chef par ces problèmes.

Ces auditions et ces rencontres ont très utilement nourri les travaux de la mission. Elles ont permis, d'une part, de largement confirmer le constat de difficultés assurantielles accrues pour les collectivités et, d'autre part, de le préciser en identifiant plus clairement le type de problèmes, mais également les catégories de collectivités les plus concernées.

À cet égard, la consultation que le Sénat a menée au cours du mois de février nous a apporté des exemples précis et des éléments chiffrés - avec les réserves que nous devons toutefois avoir en raison du caractère non statistiquement représentatif des réponses reçues. La consultation a recueilli 713 contributions, qui permettent de confirmer solidement et de compléter les éléments et les témoignages récoltés lors des auditions.

On note tout d'abord que 48 % des répondants indiquent avoir constaté une dégradation de leur relation avec leur assureur depuis le 1er janvier 2023. Les collectivités de plus grande taille sont davantage touchées par la forte dégradation : 40 % pour les collectivités de plus de 5 000 habitants, contre 18 % pour les autres.

La consultation confirme également l'ampleur des remontées que nous avions eues des territoires : près de 30 % des répondants indiquent ainsi que leur contrat d'assurance a fait l'objet d'un avenant depuis le 1er janvier 2023, et même 45 % pour les collectivités de plus de 10 000 habitants. En outre, 94 % des avenants se sont traduits par une hausse du coût du contrat.

De manière générale, 60 % des collectivités répondantes déclarent faire face à au moins un problème important avec leur assureur, et c'est le cas de près de 90 % des collectivités de plus de 10 000 habitants.

Ces problèmes sont de natures diverses. Outre la mauvaise qualité de la relation avec l'assureur, notons que 20 % des collectivités répondantes ont vu leur contrat résilié depuis le 1er janvier 2023, parfois avec des préavis très courts - inférieurs à deux mois -, ce qui a induit des difficultés pour retrouver un nouvel assureur. Ainsi, 24 % des répondants indiquent avoir lancé des appels d'offres infructueux et 16 % affirment s'être retrouvés dans l'impossibilité de s'assurer depuis le 1er janvier 2023.

Au-delà de ces constats, permettant de mieux cerner la nature des problèmes rencontrés, la consultation nous éclaire également sur les actions qui pourraient être mises en oeuvre par les collectivités, au besoin avec l'accompagnement des assureurs, afin d'améliorer les relations contractuelles et de faciliter la passation et l'exécution des marchés d'assurance.

Tout d'abord, près de la moitié des collectivités estime ne pas avoir une connaissance suffisante du fonctionnement de ses contrats d'assurance et 62 % d'entre elles souhaiteraient pouvoir bénéficier d'une formation sur ce sujet. À cet égard, 61 % des collectivités qui évoquent une dégradation de leur relation avec leur assureur estiment, dans le même temps, ne pas connaître suffisamment le fonctionnement de leur contrat d'assurance. Inversement, celles qui évoquent une amélioration de leurs relations ne sont que 14 % à ne pas avoir une connaissance suffisante de leurs contrats. Preuve en est qu'une meilleure maîtrise par les collectivités des contrats d'assurance va de pair avec une meilleure relation entre assureur et assuré.

Par ailleurs, les collectivités considèrent rarement disposer de suffisamment d'informations sur les risques auxquels elles font face.

Enfin, la consultation montre que les actions de prévention des risques, pourtant de nature à permettre la conclusion de contrats dans les meilleures conditions tarifaires possible, ne sont pas suffisamment développées, comme en atteste le fait que 42 % des collectivités déclarent ne mener aucune action de prévention ou que 30 % déclarent ne pas connaître leur patrimoine, faute d'inventaire, alors même qu'une connaissance précise de ce patrimoine mobilier et immobilier est un préalable nécessaire à la définition du besoin d'assurance.

Nos travaux, qui se sont appuyés sur les résultats de cette consultation, et le rapport qui en découle mettent en exergue que les difficultés rencontrées par les collectivités sont protéiformes et concernent tant la passation des marchés que leur exécution. Par ailleurs, ces difficultés affectent l'ensemble des communes, qu'elles soient urbaines ou rurales, qu'elles aient été touchées ou non par des émeutes ou des phénomènes climatiques violents.

Cette généralisation pointe le fait que les tensions du marché de l'assurance des collectivités territoriales sont le fruit de dysfonctionnements structurels, bien plus qu'elles ne découlent du niveau de sinistralité des collectivités ou de leur exposition aux risques.

C'est pour moi l'une des principales découvertes issues directement de nos travaux. J'avoue avoir imaginé, en lançant cette mission, que les difficultés du secteur étaient essentiellement dues à une absence de corrélation entre l'évolution des risques, d'une part, et les pratiques des assureurs et des collectivités, d'autre part. Mais en réalité, les émeutes et la hausse de la sinistralité en 2023 n'ont été que le révélateur du véritable fait préjudiciable aux collectivités territoriales : l'atrophie du marché de l'assurance des collectivités, avec une absence quasi totale de concurrence.

Sur ce point, nous avons constaté que, dans la seconde moitié des années 2010, les tarifs des contrats d'assurance des collectivités ont fortement baissé, sous l'effet conjugué de la politique tarifaire très mordante de la Smacl et d'une guerre des prix sous l'influence d'assureurs européens ayant pénétré le marché, pour s'en désengager peu de temps après.

Le marché s'en retrouve aujourd'hui divisé en deux segments, dont chacun est dominé par un assureur : Groupama pour les collectivités de moins de 10 000 habitants et, pour les autres, Smacl Assurances SA, une société pénalisée par une gestion hasardeuse, matérialisée notamment par une inadéquation entre les risques souscrits et ses capacités d'y faire face. Son rétablissement, qui passe par des hausses de tarifs, pèse aujourd'hui d'autant plus sur les collectivités et celles-ci ne peuvent se tourner vers d'autres assureurs puisque, comme je l'ai expliqué, la concurrence n'existe plus sur ce marché.

Face à cette situation, l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), dont l'une des missions est de superviser le secteur des assurances, a averti plusieurs fois la Smacl des difficultés vers lesquelles elle s'orientait et a fini par lui demander en septembre 2020 la mise en oeuvre d'un programme de rétablissement, aboutissant à l'adossement à la MAIF de la structure, devenue de ce fait Smacl Assurances SA.

L'action résolue de l'ACPR a très probablement évité la défaillance d'un acteur incontournable de l'assurance des collectivités. Toutefois, force est de constater qu'elle n'a pas permis de remédier structurellement aux dysfonctionnements du marché.

Or, en l'absence d'évolution du fonctionnement de ce marché, la situation ne pourra qu'empirer dans les années à venir, en raison de risques climatiques et de risques d'émeutes qui causent des dommages de plus en plus nombreux et coûteux. C'est ce qu'indique notamment une très récente communication de France Assureurs, selon laquelle l'année 2023 est la troisième plus chargée en sinistres climatiques, juste après 2022.

Dans ce contexte, les collectivités territoriales, si elles ne sont pas responsables des difficultés qu'elles subissent, peuvent toutefois prendre diverses mesures pour améliorer leur situation assurantielle, de même que les assureurs et l'État doivent renforcer leur accompagnement.

Au terme de ce travail approfondi, le rapport formule quinze recommandations qui s'articulent autour de quatre axes.

Premier axe : il est nécessaire de garantir la concurrence sur le marché de l'assurance.

C'est pourquoi je propose, d'une part, que la commission des finances saisisse l'Autorité de la concurrence, comme elle a le pouvoir de le faire, afin de disposer d'une analyse précise de la situation du marché de l'assurance des collectivités et des modalités à même de garantir son bon fonctionnement. Ce point me semble particulièrement important parce qu'il était dans l'angle mort du sujet ; il me semble notamment ne pas avoir été identifié par la mission diligentée par le Gouvernement, alors même qu'il apparaît comme un prérequis pour régler les problèmes rencontrés.

Je propose, d'autre part, que l'ACPR mette en place un suivi spécifique de l'assurance des collectivités, ce qui n'est pas le cas actuellement. Ses représentants nous ont même indiqué en réunion qu'ils disposaient de peu d'informations sur ce sujet, car ils traitent les collectivités au sein du secteur des entreprises, alors que ce marché, on le voit bien, est spécifique et nécessite un suivi particulier.

Deuxième axe : les collectivités doivent mettre en place des actions visant à mieux connaître leur patrimoine à assurer, à mieux identifier leurs risques et à les prévenir le mieux possible, ce qui doit permettre de négocier des marchés au plus près des besoins réels et au meilleur coût.

Cela passe par une amélioration de la tenue des inventaires, par le développement d'une culture de gestion des risques, mais également par le déploiement d'actions de prévention. Pour ce faire, les collectivités peuvent - doivent, me semble-t-il - se faire accompagner par les assureurs, dont c'est le métier et la responsabilité.

Il est évident que lorsque ni la collectivité ni, a fortiori, son assureur ne savent exactement quel est l'objet du contrat, c'est-à-dire les biens et les risques associés à assurer, tout le monde y perd : le contrat est plus cher, car l'assureur n'a pas de vision claire, et les risques sont moins bien couverts. Comme toujours lorsqu'on évoque la diversité des collectivités territoriales, certaines sont exemplaires, mais d'autres ont des progrès à faire en cette matière - les résultats de la consultation sur la plateforme du Sénat en attestent.

Troisième axe : les conditions de passation des marchés publics d'assurance doivent être facilitées et sécurisées, de même qu'une relation contractuelle équilibrée doit être favorisée.

Ainsi, il convient de déterminer dans quelles conditions les collectivités peuvent avoir recours à l'ensemble des procédures du code de la commande publique sans courir de risques de contentieux. Cette responsabilité incombe au premier chef à l'État, en particulier à la direction des affaires juridiques (DAJ) de Bercy, qui, me semble-t-il, peut progresser pour sécuriser l'utilisation de ce code et diffuser les bonnes pratiques auprès des collectivités. Un grand nombre de celles que nous avons rencontrées ne se sentent pas suffisamment « assurées » - c'est le cas de le dire - dans l'utilisation des procédures de marchés publics, et ce sans compter que le guide pratique de la DAJ remonte à 2008...

Il est également nécessaire de former les élus et les agents aux particularités du marché des assurances en favorisant, autant que possible, le recours à des intermédiaires qui peuvent, si besoin, accompagner les collectivités et les aider à développer des relations contractuelles plus équilibrées avec leur assureur.

Enfin, il me semble qu'il faut avancer vers une généralisation des franchises à des niveaux limités, en évitant les franchises nulles. En effet, les franchises présentent plusieurs avantages : elles permettent de recentrer le contrat sur son coeur - les risques principaux -, en réduisant son coût et en améliorant son efficacité ; elles incitent par ailleurs les collectivités à adopter des pratiques vertueuses en matière de prévention des risques, l'objectif prioritaire étant davantage de réduire les risques que de seulement tout faire pour les couvrir.

Quatrième, et dernier axe : pour apporter de la sécurité aux collectivités, l'État doit élargir son intervention dans les situations exceptionnelles.

Actuellement, les collectivités craignent de plus en plus de se retrouver sans assureur, ce qui n'est pas acceptable. Certaines sont déjà, bien malgré elles, dans cette situation, et de nombreuses risquent de s'y retrouver au 1er juillet prochain, si rien n'est fait.

Dans les cas extrêmes où une collectivité ne trouve plus d'assureurs, elle doit pouvoir bénéficier d'une solution. Je propose de confier cette mission au Médiateur de l'assurance, spécialiste du secteur, assortie d'une obligation de moyens. Celui-ci me semble effectivement être le bon interlocuteur pour aider les collectivités confrontées à cette difficulté : il connaît parfaitement le marché et peut rapidement, par décret, voir ses missions étendues par le Gouvernement.

Je propose également d'augmenter la durée du préavis en cas de résiliation de contrat par les assureurs, en le portant à six mois - la règle est de deux mois et la pratique plutôt de quatre -, afin que les élus aient le temps de passer un nouveau marché. Je souhaite aussi que les assureurs aient l'obligation de justifier la résiliation : nous avons rencontré trop d'élus locaux désemparés qui étaient pris d'un sentiment de culpabilité face à des résiliations sèches et non justifiées.

Enfin, je propose d'étendre les modalités d'intervention de l'État en cas d'émeutes majeures touchant un nombre important de collectivités territoriales, en pérennisant des solutions qui sont aujourd'hui adoptées en urgence. L'idée est d'éviter, comme en juillet 2023, de recourir à un projet de loi d'urgence et d'offrir de la visibilité tant aux assureurs qu'aux assurés.

Les dommages aux biens non assurables dans ces cas extrêmes d'émeutes généralisées seraient couverts in fine par une dotation semblable à la dotation de solidarité en faveur de l'équipement des collectivités territoriales et de leurs groupements touchés par des événements climatiques ou géologiques (DSEC).

Les dommages assurables pourraient, quant à eux, être couverts par un régime spécifique, qui s'inspirerait du régime des catastrophes naturelles (CatNat), avec intervention de la Caisse centrale de réassurance (CCR). En cas d'impossibilité de celle-ci de faire face à la sinistralité, l'État interviendrait avec sa garantie illimitée.

Ces recommandations tiennent compte du fait que les collectivités territoriales sont les victimes de l'atrophie du marché de l'assurance et qu'elles ne peuvent pas être considérées comme des entreprises : la nécessité d'assurer des services publics de proximité exige de traiter leurs difficultés assurantielles de manière différenciée par rapport au secteur privé. Il me semble d'ailleurs que la faculté de s'assurer doit être considérée comme contribuant à leur libre administration.

J'ajoute enfin qu'un guide pratique à destination des collectivités territoriales pour la passation de leurs marchés publics d'assurance a été réalisé dans le cadre des travaux de la mission. Il ne se substituera pas au dialogue renoué que j'appelle de mes voeux entre les collectivités territoriales et leurs assureurs, mais pourra fournir une aide utile aux collectivités, en attendant que l'État se saisisse du problème.

Je rappelle d'ailleurs que ce travail a été réalisé en parallèle des autres travaux de notre commission sur cette thématique, à savoir, d'une part, le contrôle budgétaire mené par Christine Lavarde sur le régime d'indemnisation des catastrophes naturelles, et, d'autre part, la mission conjointe de contrôle relative aux inondations survenues en 2023 et au début de l'année 2024, en particulier dans le nord de la France.

Mme Vanina Paoli-Gagin. - Je salue la qualité des travaux de la mission d'information, qui répondent à des préoccupations concrètes des collectivités territoriales. Vous parliez d'angle mort. Le risque cyber n'en est-il pas un ? Plusieurs maires m'ont fait part de leurs inquiétudes à ce sujet. Quand les systèmes informatiques sont hors service ou que les communes sont victimes de ransomware, il est très difficile d'assurer la continuité du service public.

Par ailleurs, plusieurs maires s'interrogent sur la possibilité d'assurer certains domaines de voirie - aires de retournement, ronds-points -, comme si nous étions dans l'incertitude. Qu'en est-il ? Qui les assure ?

M. Marc Laménie. - Je remercie le rapporteur et les collègues qui se sont investis sur ce sujet. Je m'étonne que les collectivités du Pas-de-Calais aient été si peu nombreuses à répondre à la consultation. Ce département a pourtant été particulièrement touché par les inondations récentes. Par ailleurs, les nombreuses recommandations témoignent de l'ampleur de la tâche. Les banques en particulier se font de plus en plus souvent assureurs. Prennent-elles des dispositions en direction des collectivités locales ? Enfin, il est vrai que tout ce qui relève de la voirie n'est pas assuré. Comment peut-on mieux connaître le patrimoine immobilier des collectivités ?

M. Albéric de Montgolfier. - Je remercie Jean-François Husson de ce rapport et en particulier d'avoir proposé le recours au Médiateur de l'assurance pour les collectivités qui ne trouvent pas d'assureur. Pourquoi ne pas avoir proposé de recourir au Bureau central de tarification (BCT) ? Cette autorité administrative indépendante est chargée de désigner un assureur et, au besoin, d'établir la tarification pour ce qui concerne les assurances obligatoires. Son champ d'action, initialement limité à l'assurance automobile, a notamment été étendu à l'assurance responsabilité locative. Je pose donc la question de la compétence du BCT en cas de refus d'assurance.

Mme Isabelle Briquet. - Je salue le travail collectif qui a été réalisé sous la houlette du rapporteur. Les positions des membres de la mission ont été prises en compte dans toute leur diversité.

Compte tenu de la forte attente de nos collectivités, cette mission d'information était importante. Je comprends que mes collègues éprouvent une certaine frustration à la lecture des résultats de la consultation des élus. Personnellement, je m'explique mal le delta, dans mon département par exemple, entre les remontées de terrain et les retours qui ont été transmis à la mission au travers de cette consultation.

Albéric de Montgolfier a souligné l'importance des recommandations qui ont été formulées, dont celle du recours au Médiateur. J'espère qu'elle sera rapidement mise en place, car aucune collectivité ne peut être ainsi privée d'assureur.

M. Grégory Blanc. - Je remercie le rapporteur de la qualité du travail présenté. Je goûte avec délectation les propos du rapporteur, qui fait le constat qu'en l'absence de régulation le marché seul ne peut fonctionner et que la puissance publique doit intervenir pour remettre de l'ordre dans tout cela.

Face au risque, les collectivités ne sont pas toutes logées à la même enseigne. Je pense à celles qui sont sujettes à l'effacement du trait de côte ou aux inondations, ou encore à celles qui ont connu des émeutes urbaines. Le déclenchement d'un mécanisme de solidarité supplémentaire de la part de l'État a-t-il été envisagé pour aider ces collectivités à prendre en charge ce surcoût ?

Ma deuxième question porte plus directement sur la recommandation n° 14. Préconisez-vous de maintenir le seuil pour être indemnisé à 150 000 euros de dommages ? Les émeutes urbaines, notamment, dépassent parfois les frontières de la commune et les coûts peuvent être importants pour de petits budgets.

Enfin, on sait que, entre le moment où survient le sinistre et le moment où la commune touche la dotation de solidarité pour les événements climatiques, de très longs mois s'écoulent. Comment faire en sorte que les équipements puissent être remis en service plus rapidement ?

M. Christian Bilhac. - Cette mission d'information nous aura permis d'approfondir le sujet et ses recommandations permettront de faire un grand pas en avant.

Une chose me surprend. Lorsque j'ai parlé de nos travaux à des maires et que je leur ai dit que les assureurs n'avaient pas connaissance de certains éléments - inventaire des biens, cartographie des risques, registres de sécurité, rapports des bureaux de contrôle sur la conformité des installations électriques -, ils m'ont répondu qu'ils les avaient et que jamais les assureurs ne les leur avaient demandés. Il y a donc un manque de communication flagrant entre assureurs et collectivités. Peut-être certaines collectivités n'effectuent-elles pas les contrôles électriques, mais celles qui le font tiennent à disposition des assureurs les documents qui en attestent.

Mme Sylvie Vermeillet. - Je vous remercie, monsieur le rapporteur, de ces travaux qui répondent à une attente très forte de la part de nos collectivités. Pouvez-vous nous apporter un éclairage sur la solidité financière de nos compagnies d'assurance ? Pendant les années covid, en 2020-2021, une sinistralité en baisse leur avait permis de réaliser des profits records - 2,2 milliards d'euros de mémoire - et un prélèvement exceptionnel de 1,5 milliard d'euros avait été décidé. À la faveur d'événements nouveaux, comme les émeutes, la sinistralité est certes aujourd'hui différente, mais les compagnies d'assurances ont-elles conservé cette solidité financière ?

M. Vincent Capo-Canellas. - Je remercie le rapporteur pour son écoute et pour la manière dont il a animé cette mission d'information. Les orientations présentées hier ont donné satisfaction à ses membres.

Je voudrais insister sur l'urgence de la situation. Trop de collectivités de taille moyenne sont encore confrontées à l'absence de réponse sur des lots significatifs. Les élus concernés sont plongés dans un abîme de perplexité.

La recommandation n° 13 - élargir les prérogatives du Médiateur de l'assurance - me paraît très pertinente. Je me demande toutefois si, compte tenu de l'urgence, il ne faudrait pas demander au Gouvernement de procéder à un recensement par les préfectures ou de mener une mission d'inspection afin de faire remonter les cas.

M. Jean-François Husson, rapporteur. - Cela prendrait des mois !

M. Vincent Capo-Canellas. - Nous ne pouvons pas laisser les élus seuls face à la responsabilité de se dire que tel bâtiment peut partir en fumée sans être couvert par une assurance. En cas de sinistre, tout le monde pointerait leur responsabilité.

Mme Ghislaine Senée. - Je remercie le rapporteur de cette synthèse, réalisée en un temps record après des auditions très denses. Je salue l'équilibre des recommandations. Il en ressort la nécessité de mieux connaître le patrimoine des collectivités et de développer la culture du risque.

Je ne peux pas m'empêcher de penser qu'une fois que le marché sera réactivé, nous ferons face à des enjeux cruciaux, notamment en matière d'aléas climatiques. Il y a donc urgence à ce que l'État fasse en sorte que les assureurs assument leurs responsabilités. La rupture du dialogue est en effet davantage du fait des assureurs que des collectivités, qui ne sont pas en faute. Les assureurs doivent prendre leur part pour améliorer la qualité de ce dialogue et la connaissance mutuelle des risques d'un côté, du patrimoine des collectivités de l'autre. Ils doivent s'interdire à l'avenir d'envoyer un courrier de résiliation sans aucune discussion préalable. On a bien vu pendant les auditions que ces pratiques avaient laissé chez les élus locaux une certaine amertume.

M. Michel Canévet. - Je remercie à mon tour le rapporteur et l'ensemble de la mission pour ce travail de synthèse. Je soutiens tout à fait les recommandations qui sont formulées.

Mon inquiétude porte surtout sur les risques liés aux événements climatiques, dont l'intensité pourrait doubler par rapport à ceux des trente dernières années. C'est dire si l'enjeu est important, et les sommes qui se jouent - 143 milliards d'euros - sont tout à fait significatives. Les collectivités doivent-elles s'attendre à ce que les cotisations d'assurance doublent elles aussi ? Peut-on trouver une autre forme de financement ? Imaginer un dispositif inspiré du régime CatNat, dont les réserves sont aujourd'hui épuisées ?

M. Jean-François Husson, rapporteur. - Dans le cadre de cette mission, nous sommes passés du constat « collectivités recherchent assureur désespérément » à l'objectif de trouver la manière de garantir une solution d'assurance aux collectivités, quelle que soit la situation.

L'objectif de cette mission d'information était d'obtenir des garanties pour les collectivités. Nous l'avons menée dans un temps rapide. Le risque cyber a été évoqué, mais il n'est pas encore assez mature. Nous ne disposons pas de statistiques suffisantes, et l'aléa n'est pas évalué. Des débuts de solutions d'assurance existent et ce sujet montera en puissance.

Sur les risques climatiques, ayons bien en tête que le problème du défaut d'assurance des collectivités n'est pas lié à l'explosion des risques. Ce n'est pas seulement la sinistralité liée aux émeutes ou aux événements climatiques qui a provoqué la situation actuelle. Le problème vient en fait du marché, qui se partage désormais entre deux assureurs essentiellement. L'un d'eux a perdu 25 % d'encaissement de primes dans les années précédant l'année 2020 quand, dans la même période, les sinistres qu'il devait régler augmentaient de 25 % !

La pire des situations est celle des communes qui n'ont pas connu de sinistre et qui reçoivent une lettre sèche de résiliation, sans aucune autre explication. La mission avait d'abord pour objectif de résoudre cette difficulté. Chaque chose en son temps.

En ce qui concerne la voirie, ma réponse est simple : ces biens ne sont pas assurables. S'ils les assuraient, les assureurs seraient probablement vite appelés à indemniser beaucoup de sinistres. L'assurance est une activité privée, qui exige un équilibre technique, économique et financier. La Smacl, qui s'était lancée dans une vaine stratégie de conquête, a failli baisser le rideau avant de connaître un plan de redressement. Il est ici question d'assureurs mutualistes ; le sujet n'est donc pas, comme j'ai pu l'entendre, celui des dividendes ou des profits. Cette société a simplement commis des erreurs stratégiques.

Vous m'interrogez sur la solidité financière des compagnies. C'est assez simple : quand les prix sont trop bas, certains concurrents considèrent l'activité comme non rentable et se retirent du marché, ce qui conduit à sa désertification. Il faut donc retrouver un équilibre de prix de marché et faire en sorte que les assureurs retrouvent l'envie de garantir les collectivités.

Grégory Blanc a raison, je ne suis pas partisan d'un marché débridé. Dans tout marché, il y a un cadre d'exercice et des règles qui s'appliquent. À force de jouer avec le feu, dans un premier temps viennent l'évitement, les départs, l'évaporation, et, dans un second temps, ceux qui restent se retrouvent dans une forme d'impasse.

Concernant la question de la connaissance du patrimoine, des risques et des outils d'aide, le guide pratique visant à aider les collectivités dans leur approche du marché de l'assurance vous sera transmis par voie numérique très rapidement. Par ailleurs, l'Association pour le management des risques et des assurances de l'entreprise (Amrae) a établi un document permettant de réaliser une cartographie des risques. Elle a décliné cet outil pour les collectivités ce qui leur permettra de réaliser, de manière autonome, leur propre cartographie des risques

Au-delà de la connaissance des risques auxquelles elles sont exposées, je rappelle que 30 % des collectivités qui ont répondu à la consultation déclarent elles-mêmes ne pas connaître leur patrimoine avec précision. Dans les cas où elles le connaissent et qu'elles disposent de certificats de mise aux normes, comme le certificat de vérification des installations électriques, ces documents ne sont pas demandés par les assureurs. Or, mieux le risque est renseigné, mieux il est tarifé. Faute d'informations, l'assureur peut considérer que le défaut d'entretien, par exemple, aggrave le risque d'incendie et augmenter son tarif.

Monsieur de Montgolfier, nous avons reçu le BCT. Il n'est compétent que pour quelques risques, exclusivement dans le domaine des assurances obligatoires. Pour la plupart de leurs contrats, les collectivités ne sont donc pas concernées puisque les assurances dommages aux biens, qui posent les plus grandes difficultés, ne sont pas obligatoires. Pour être tout à fait honnête, nous n'avons, par ailleurs, pas senti une grande appétence du BCT pour garantir l'obtention d'une assurance pour les collectivités territoriales.

Nous avons également reçu le Médiateur de l'assurance. Ses compétences ont été élargies en octobre 2023 mais de manière assez limitée. En la matière, il faut faire vite. Le rapport d'information du Sénat s'adresse en premier lieu aux collectivités, mais nous proposerons au Gouvernement de se saisir de nos quinze recommandations. À lui d'en faire le meilleur usage possible.

C'est bien l'urgence qui nous a poussés à répondre au besoin de garantie des collectivités. Notre volonté affirmée de combler les trous pour ce qui concerne les garanties incitera les collectivités à trouver des solutions.

Madame Senée, j'ai moi-même évolué au fil des auditions dans ma position sur l'appréciation des risques. Afin de tenir compte des situations différentes, nous proposons des garanties pour que le reste à charge soit minimal.

Monsieur Blanc, l'application du seuil de 150 000 euros n'a pas été évoquée par la mission. En Meurthe-et-Moselle, nous avons visité une école qui avait été incendiée dans la nuit du 13 au 14 juillet dernier et qui a pu rouvrir pour la rentrée. En l'espèce, le fait de ne plus avoir à réaliser certaines consultations avant de procéder à des réparations d'urgence me semble intéressant. Nous avons dressé le même constat à Laxou, où les dégâts sur un bâtiment sont presque totalement effacés. Il en va autrement, en revanche, à Valenton : la mairie est toujours fermée, les dégâts sur un garage sont très importants et la collectivité est dans l'attente d'un règlement, dans un contexte de tension avec les assureurs.

Pour finir, je vous invite à communiquer sur les conclusions de notre rapport. Les dernières recommandations, les plus importantes, sont de nature à rassurer les élus. Notre travail devrait faire consensus. J'espère qu'il permettra au Gouvernement de prendre des décisions rapides au bénéfice des collectivités locales.

La commission a adopté les recommandations de la mission d'information et autorisé la publication de la communication du rapporteur de la mission sous la forme d'un rapport d'information.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Direction générale des collectivités locales (DGCL)

- M. Thomas FAUCONNIER, sous-directeur des finances locales et de l'action économique ;

- M. Yoann GENESLAY, chef du bureau des budgets locaux et de l'analyse financière.

Direction générale du Trésor

- M. Martin LANDAIS, sous-directeur des assurances ;

- Mme Anaïs MATEOS, adjointe au chef du bureau marchés et produits d'assurance.

Direction des affaires juridiques (DAJ) des ministères économiques et financiers

- M. Raphaël ARNOUX, sous-directeur du droit de la commande publique ;

- M. Guillaume DELALOY, adjoint au sous-directeur du droit de la commande publique à la direction des affaires juridiques.

Direction générale de la prévention des risques (DGPR)

- M. Yoann LA CORTE, adjoint à la cheffe du service des risques naturels et hydrauliques.

Autorité de la concurrence

- M. Benoît COEURÉ, président ;

- M. Jérôme SCHALL, conseiller aux affaires institutionnelles et européennes.

Association pour le management des risques et des assurances de l'entreprise (AMRAE)

- Mme Brigitte BOUQUOT, vice-présidente ;

- M. Hubert de L'ESTOILE, délégué général.

Bureau central de tarification (BCT)

- Pr Laurent LEVENEUR, président ;

- M. Aurélien CRESSELY, directeur technique.

SMACL Assurances

- M. Patrick BLANCHARD, directeur général ;

- M. Stéphane TISSERAND, secrétaire général du groupe MAIF.

Groupama

- M. Thierry MARTEL, directeur général ;

- Mme Delphine LETENDART, directrice assurances ;

- M. Christophe GIMOND, directeur assurances professionnelles et collectivités ;

- M. Jérôme NARBONNE, directeur des affaires publiques.

Caisse centrale de réassurance (CCR)

- M. Édouard VIEILLEFOND, directeur général ;

- M. Nicolas BAUDUCEAU, directeur du département Fonds public et prévention ;

- Mme Rose-Marie TUNIER, directrice de la communication et des affaires publiques.

Médiateur de l'assurance

- M. Arnaud CHNEIWEISS, médiateur de l'assurance.

Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR)

- M. Jean-Paul FAUGÈRE, vice-président.

Association des petites villes de France (APVF)

- M. Frédéric LÉVEILLÉ, maire d'Argentan ;

- Mme Marie COULET, conseillère mobilités, sécurité, logement, ZAN, communication institutionnelle.

Départements de France

- M. Patrice ROBIN, conseiller départemental du Val-d'Oise.

France Urbaine

- M. Paul SIMONDON, adjoint à la maire de Paris ;

- Mme Amélie GONDRÉ-NASCIMENTO, cheffe de cabinet de M. Paul SIMONDON ;

- M. Christophe AMORETTI-HANNEQUIN, conseiller France urbaine.

France Assureurs

- M. Franck LE VALLOIS, directeur général ;

- M. Christophe DELCAMP, directeur des assurances de dommages et de responsabilité ;

- Mme Viviana MITRACHE, directrice des affaires publiques France.

BJD Re

- M. Bogdan Jean DUMITRESCU, fondateur et président-directeur général.

Association des professionnels de la réassurance (Apref)

- M. Nicolas BOUDIAS, délégué général.

SCOR

- M. Thierry LÉGER, directeur général ;

- Mme Aurélie DARD, conseillère du directeur général.

Munich Re

- M. Michel RANISE, directeur général Munich Re France.

AGÉA (Fédération nationale des syndicats généraux d'assurance)

- M. Pascal CHAPELON, président, agent général en Bourgogne ;

- M. Julien ARNOULT, responsable des études et des relations institutionnelles.

PLANETE CSCA

- M. Christophe HAUTBOURG, directeur général ;

- M. Ivan BOURASSEAU, directeur des services aux entreprises - Département patrimoines santé collectivités PSC - Verspieren ;

- M. Younes BARNIN, directeur immobilier, entreprises & marchés publics - SATEC.

*

* *

- Déplacement en Val-de-Marne, 1er mars 2024 -

Arcueil

- M. Christian MÉTAIRIE, maire ;

- M. Grégory GOBRAN, directeur de cabinet.

Bonneuil-sur-Marne

- M. Yann LE BRECH, directeur général adjoint.

Champigny-Sur-Marne

- M. Laurent JEANNE, maire ;

- M. Philippe THIEBAUT, directeur des finances.

Charenton-le-Pont

- M. Hervé GICQUEL, maire ;

- M. Loïc LE MERCIER, directeur général adjoint finances ressources.

Chevilly-Larue

- Mme Stéphanie DAUMIN, maire ;

- Mme Carine THIDET, juriste.

Fresnes

- Mme Marie CHAVANON, maire ;

- Mme Marjorie GUIN, directeur général adjoint ;

- M. Vincent JEANIN, directeur des affaires juridiques.

Joinville-Le-Pont

- M. Olivier DOSNE, maire ;

- M. Jérôme TAGNON, conseiller municipal.

Le Perreux-Sur-Marne

- Mme Christel ROYER, maire ;

- Mme Carole PRADES, directrice des ressources humaines ;

- M. Michel DEHAN, directeur des achats.

Le Plessis-Trévise

- M. Didier DOUSSET, maire ;

- M. François PAILLET, directeur général des services.

Limeil-Brévannes

- Mme Françoise LECOUFLE, maire ;

- Mme Gwladys LORENZELLI, directrice des affaires juridiques.

Maisons-Alfort

- Mme Marie-France PARRAIN, maire ;

- M. Christophe CARLIER, directeur général adjoint finances ;

- M. Jérémy TACHEAU, directeur.

Nogent-Sur-Marne

- M. Jacques Jean Paul MARTIN, maire ;

- Mme Pascale MARTINEAU, adjointe au maire.

Thiais

- Mme Alys POTARD, responsable du secrétariat général.

Valenton

- M. Métin YAVUZ, maire.

Villeneuve-le-Roi

- M. Didier GONZALES, maire ;

- M. Pierre HELWIG, directeur général des services.

- Déplacement dans les Hauts-de-Seine, 1er mars 2024 -

Boulogne Billancourt

- M. Albin CADIN, directeur général adjoint.

Courbevoie

- M. Paolo COSTARELLA, directeur des affaires juridiques.

Meudon

- Mme Laurence DE KERSAINT, directrice des affaires juridiques.

Rueil Malmaison

- M. Jean FREYSSELINARD, directeur général adjoint.

Ville d'Avray

- Mme Ange Carole ESMEL, directrice des affaires juridiques ;

- M. Marc POULAIN, directeur des finances.

Nanterre

- M. Yann GOUBARD, directeur général adjoint des services.

- Déplacement en Meurthe-et-Moselle, 18 mars 2024 -

Custines

- M. Pierre JULIEN, maire.

Flavigny-sur-Moselle 

- M. Marcel TEDESCO, maire.

Gerbéviller

- M. Daniel GERARDIN, premier adjoint, vice-président de la communauté de communes Meurthe Mortagne Moselle.

Jaillon

- Mme Catherine SAUVAGE, maire, AMO assurances auprès des collectivités.

Laxou

- M. Laurent GARCIA, maire ;

- Mme Alice LARCHER, directrice générale adjointe Pôle ressources ;

- M. Grégory GOETZ, directeur général des services.

Mont-Saint-Martin

- M. Serge DE CARLI, maire, conseiller départemental et président de la communauté d'agglomération de Longwy ;

- M. Patrice MARINI, premier adjoint ;

- Mme Élise AUGÉ, directrice générale des services ;

- M. Gilles ZELL, directeur service technique et urbanisme ;

- M. Michael MACQUART, responsable achats-marchés ;

- M. DEJOIE, AMO.

Pont-à-Mousson

- M. Henri LEMOINE, maire.

Richardménil

- M. Xavier BOUSSERT, maire ;

- M. Richard RENAUDIN, premier adjoint ;

- M. Jean-François ROY, directeur général des services.

Ville de Nancy

- M. Franck LAHERERRE, directeur général adjoint des services ressources ;

- Mme Julie EL GHAIT, directrice des affaires juridiques.

Métropole du Grand Nancy

- Mme Anne SOMMERARD, directrice de la commande publique.

Association des maires 54 (ADM54)

- Mme Rose Marie FALQUE, présidente.

Communauté de communes du Pays de Colombey et du Sud Toulois

- Mme Sandy POREN, directrice générale adjointe des services ressources.

Pays du Lunévillois

- M. Guillaume CORNIL, directeur pôle d'équilibre territorial et rural (PETR).

Communauté de communes Terres Touloises

- M. Roger SILLAIRE, vice-président ;

- M. Laurent MOUILLEBEAU, directeur général adjoint.

Communauté de communes Terre Lorraine du Longuyonnais

- M. Jean-Pierre JACQUES, président, maire de Longuyon.

Établissement public territorial de bassin Meurthe Madon (EPTB 54)

- M. Bertrand KLING, président ;

- M. Philippe LARIVIÈRE, directeur.

Syndicat des eaux Orne Aval

- Mme Aline CLAUDEL, responsable d'exploitation ;

- M. Jean-Louis CAMPAGNOLO, premier vice-président.

Services de l'État

- M. Richard-Daniel BOISSON, sous-préfet de Briey.

ANNEXES

ANNEXE 1 : COURRIER DE SAISINE POUR AVIS DE L'AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

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ANNEXE 2 : GUIDE PRATIQUE « CONSEILS AUX COLLECTIVITÉS POUR LEURS MARCHÉS D'ASSURANCE DOMMAGES AUX BIENS »

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ANNEXE 3 : EXTRAITS DES RÉSULTATS DE LA CONSULTATION DES ÉLUS LOCAUX ORGANISÉE SUR LA PLATEFORME DU SÉNAT DU 30 JANVIER AU 28 FÉVRIER 2024

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* 1 La mission est composée de 17 membres : Christian BILHAC (RDSE - Hérault), Jean-Baptiste BLANC (LR - Vaucluse), Isabelle BRIQUET (SER - Haute-Vienne), Michel CANÉVET (UC - Finistère), Vincent CAPO-CANELLAS (UC - Seine-Saint-Denis), Thierry COZIC (SER - Sarthe), Rémi FÉRAUD (SER - Paris), Nathalie GOULET (UC - Orne), Jean-François HUSSON (LR - Meurthe-et-Moselle), Christian KLINGER (LR - Haut-Rhin), Christine LAVARDE (LR - Hauts-de-Seine), Vanina PAOLI-GAGIN (LIRT - Aube), Didier RAMBAUD (RDPI - Isère), Stéphane SAUTAREL (LR - Cantal), Pascal SAVOLDELLI (CRCE-K - Val-de-Marne), Ghislaine SENÉE (GEST - Yvelines) et Laurent SOMON (LR - Somme).

* 2 À l'occasion des vacances scolaires, des congés professionnels ou des loisirs (cf. article L 227-4 du code de l'action sociale et des familles) dans le cadre de centres de vacances, de loisirs et des groupements de jeunesse.

* 3 Loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023.

* 4 Consultation en ligne réalisée par le Sénat du 31 janvier au 28 février 2024 (713 participants) -

https://participation.senat.fr/problemes-avec-vos-assureurs-elus-locaux-le-senat-vous-consulte

* 5 Assurance contre les cyber risques, « assurance en responsabilité civile environnement » qui vise à garantir la collectivité contre les conséquences financières de sa responsabilité civile ou administrative en cas d'atteinte à l'environnement, assurance « annulation de concours » en cas d'aléa tenant notamment aux conditions météorologiques, à la divulgation de sujets avant l'épreuve ou encore à la perte de copies avant correction, assurance « annulation de spectacle » pour couvrir les frais engagés pour la location d'une salle, la rémunération d'un artiste, etc., « assurance multirisque exposition » qui vise à indemniser la collectivité ou le propriétaire des oeuvres exposées, assurance « responsabilité civile médicale » pour couvrir les dommages corporels, matériels et immatériels causés aux patients ou à leurs proches du fait d'erreurs ou fautes professionnelles commises par des professionnels de santé au service de la collectivité, etc.

* 6 On dit d'ailleurs que l'on s'assure contre un risque, mais que l'on assure un bien.

* 7 Conformément à l'article L. 113-2 du code des assurances, l'assuré doit donner avis à l'assureur de tout sinistre de nature à entraîner la garantie de l'assureur. L'assureur peut prévoir une clause de déchéance en cas de déclaration tardive.

* 8 Plus exactement, les charges nettes de recours (paiements nets et variation des provisions).

* 9 En date du 20 novembre 2023.

* 10 Rapport réalisé par l'inspection générale des finances (IGF) et le conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) - janvier 2020 - https://www.vie-publique.fr/files/rapport/pdf/277799.pdf

* 11 Cf. Rapport fait au nom de la commission des finances sur les Contrats de redressement outre-mer (COROM) par MM. Georges Patient et Teva Rohfritsch - juin 2023 - https://www.senat.fr/fileadmin/Commissions/Finances/2022-2023/Rapport_provisoire_COROM.pdf

* 12 Le régime d'indemnisation des catastrophes naturelles a été créé par la loi du 13 juillet 1982. L'assurance catastrophe naturelle est une extension de garantie obligatoire pour tous les contrats d'assurance de dommages (multirisque habitation, tous risques auto, local professionnel...). Selon l'article L125-1 du code des assurances, la garantie Cat-Nat prend en charge les « dommages matériels directs non assurables ayant eu pour cause déterminante l'intensité anormale d'un agent naturel, lorsque les mesures habituelles à prendre pour prévenir ces dommages n'ont pu empêcher leur survenance ou n'ont pu être prises. »

* 13 À noter qu'une consultation effectuée par France Assureurs, avec 3 820 réponses, fait état d'un résultat différent puisque 39 % des communes disent être assurées par Groupama, mais seulement 18,5 % par la Smacl.

* 14 Pour être exact, 15 900 personnes morales de droit public.

* 15 Réponses de Smacl Assurances SA au questionnaire du rapporteur.

* 16 Voir la partie IV. C. 1) du présent rapport.

* 17 Réponses de la Direction générale du Trésor au questionnaire du rapporteur.

* 18 Loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République.

* 19 Audition des acteurs publics du secteur de l'assurance, dont Jean-Paul Faugère, vice-président de l'ACPR.

* 20 Contribution écrite de Jean-Luc de Boissieu à la mission d'information.

* 21 Propos de Jean-Luc de Boissieu.

* 22 Propos de M. Patrick Blanchard, lors de son audition par la mission d'information.

* 23 Jean-Luc de Boissieu a également confirmé auprès du rapporteur le caractère insuffisant de cette hausse, compte tenu de la multiplication des événements climatiques.

* 24 Propos de Jean-Luc de Boissieu, entendu par le rapporteur.

* 25 La Mutuelle nationale territoriale fait partie du groupe VyV depuis 2017.

* 26 Propos et contribution écrite de Jean-Luc de Boissieu.

* 27 Selon Smacl Assurances SA, le rattachement de Smacl Assurances au groupe VyV, groupe mutualiste santé-prévoyance « ne permettait pas un pilotage stratégique optimal pour un assureur IARD » (réponses de Smacl Assurances SA au questionnaire du rapporteur).

* 28 Réponses de Smacl Assurances SA au questionnaire du rapporteur.

* 29 Réponses de France Assureurs, de la DG Trésor, etc.

* 30 Audition du directeur général de Groupama, M. Thierry Martel.

* 31 Réponse de Smacl Assurances SA au questionnaire du rapporteur.

* 32 Réponses de MunichRe, réassureur allemand, au questionnaire du rapporteur.

* 33 En application depuis la directive CE n° 92/49 du 18 juin 1992. Voir les articles 147 à 149 de la directive 2009/138/CE du Parlement européen et du conseil du 25 novembre 2009 sur l'accès aux activités de l'assurance et de la réassurance et leur exercice, dite « Solvabilité 2 ».

* 34 Articles L. 362-1 et L. 362-2 du code des assurances respectivement pour les entreprises dont le siège social est situé dans un autre État membre qui qui souhaitent établir une succursale en France, et pour celles qui souhaitent couvrir ou prendre en France des risques ou engagements conformément aux agréments reçus dans leur État d'origine.

* 35 Article L. 363-1 du code des assurances.

* 36 Article L. 362-2 du code des assurances.

* 37 Article L. 363-3 du code des assurances.

* 38 Article L. 363-4 du code des assurances.

* 39 Ratio « sinistres sur cotisations ».

* 40 Article L. 612-23 du code monétaire et financier.

* 41 Article L. 612-26 du code monétaire et financier.

* 42 Article L. 612-24 du code monétaire et financier.

* 43 Article L. 612-25 du code monétaire et financier.

* 44 Article L. 612-27 du code monétaire et financier.

* 45 Articles L. 612-30 à L. 612-37 du code monétaire et financier.

* 46 Articles L. 612-38 à L. 612-42 du code monétaire et financier.

* 47 Article L. 612-30 du code monétaire et financier.

* 48 Article L. 612-31 du code monétaire et financier.

* 49 Article L. 612-32 du code monétaire et financier.

* 50 Article L. 612-33 du code monétaire et financier.

* 51 Articles L. 612-34 et L. 612-34-1 du code monétaire et financier.

* 52 Ce décret transpose la directive n° 92/50/CEE du 18 juin 1992 portant coordination des procédures des marchés publics de services, dite « directive services », qui intègre les produits d'assurance parmi les services qu'elle vise.

* 53 Réponses de la Direction des affaires juridiques du ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique au questionnaire du rapporteur.

* 54 Logiciel malveillant ou virus qui bloque l'accès à l'ordinateur ou à ses fichiers et qui réclame à la victime le paiement d'une rançon pour en obtenir de nouveau l'accès.

* 55 Association de référence de la sécurité du numérique en France. Sa mission consiste à favoriser les échanges d'idées et de retours d'expérience à travers des groupes de travail, des conférences et publications. Il réunit tous les secteurs d'activité de l'économie autour de la cybersécurité et de la confiance numérique.

* 56 Étude de France Assureurs sur « l'impact du changement climatiques sur l'assurance à l'horizon 2050 » - https://www.franceassureurs.fr/wp-content/uploads/2022/09/vf_france-assureurs_impact-du-changement-climatique-2050.pdf

* 57 Chapitre 1 de l'instruction codificatrice M57 (et des instructions codificatrices antérieures relatives aux communes, départements, régions).

* 58 Revue des dépenses sur « Le patrimoine des collectivités territoriales » - rapport de l'inspection générale des finances (IGA), de l'inspection générale de l'administration (IGA) et du contrôle général économique et financier (CGefi) - 2016.

* 59 Loi de modernisation de la sécurité civile.

* 60 « Les collectivités et les élus face aux risques » - https://www.Smacl.fr/etude

* 61 565 répondants à l'étude qui s'est déroulée du 24 mai au 28 juillet 2023 via un questionnaire auto-administré en ligne.

* 62 Les collectivités pourront se connecter à l'adresse suivante afin d'accéder au questionnaire leur permettant d'établir leur cartographie des risques http://www.lesrisquesdemacollectivite.fr/

* 63 https://www.Smacl.fr/

* 64 Pour participer et bénéficier de cette initiative gratuite, les collectivités locales doivent s'inscrire en remplissant le formulaire en ligne via le lien suivant : www.preparisk.fr

* 65 Le périmètre actuel des mesures subventionnables par le fonds est défini à l'article L561-3 du Code de l'environnement. Le fonds Barnier est alimenté par un prélèvement de 12 % sur la prime « catastrophes naturelles » des contrats d'assurance habitation et automobile.

* 66 CE, 12 oct. 1984, Chambre syndicale des agents généraux d'assurance des Hautes-Pyrénées, n° 34671.

* 67 Directive n° 92/50/CEE, transposée en droit français par un décret du 27 février 1998.

* 68 Directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE.

* 69 Voir par exemple TA Dijon, 19 juillet 2018, BEAH, n° 1801667.

* 70 https://www.economie.gouv.fr/daj/Guide-des-bonnes-pratiques-Guide-pratique-pour-la-

* 71 Réponse écrite de France urbaine en complément de l'audition du 27 février 2024.

* 72 CJUE, 7 décembre 2000, Telaustria, aff. C-324-98.

* 73 Décision n° 2003-473 DC du 26 juin 2003.

* 74 Cet article prévoit que l'assureur a la faculté de résilier unilatéralement le contrat à l'expiration d'un délai d'un an suivant sa conclusion, avec un préavis d'au moins deux mois - et plus si l'assuré est une personne morale.

* 75 Tribunal administratif de Paris, 20 juin 2023, Société AXA France et Société financière Frères Blanc, n° 2016762/3-1 ; Tribunal administratif de Paris, 25 avril 2023, Assurances du crédit mutuel, n° 2202327/3-3.

* 76 Conseil d'État, 30 décembre 2016, n° 386536.

* 77 Conseil d'État, 11 juillet 2011, n° 331669.

* 78 Loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024.

* 79 Pour les catastrophes naturelles, l'assureur peut aussi se réassurer auprès de réassureurs privés, mais 95 % du marché fait le choix de se réassurer auprès de la CCR.

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