N° 2443

 

N° 511

ASSEMBLÉE NATIONALE

 

SÉNAT

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

SESSION ORDINAIRE 2023 - 2024

Enregistré à la présidence de l'Assemblée nationale

 

Enregistré à la présidence du Sénat

le 4 avril 2024

 

le 4 avril 2024

RAPPORT

au nom de

L'OFFICE PARLEMENTAIRE D'ÉVALUATION

DES CHOIX SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES

sur

La protection de la biodiversité marine en haute mer

Compte rendu de l'audition publique du 29 février 2024
et de la présentation des conclusions du 4 avril 2024

par

Mme Mereana REID ARBELOT, députée

Déposé sur le Bureau de l'Assemblée nationale

par M. Pierre HENRIET,

Premier vice-président de l'Office

 

Déposé sur le Bureau du Sénat

par M. Stéphane PIEDNOIR,

Président de l'Office

Composition de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques
et technologiques

Président

M. Stéphane PIEDNOIR, sénateur

Premier vice-président

M. Pierre HENRIET, député

Vice-présidents

M. Jean-Luc FUGIT, député

M. Victor HABERT-DASSAULT, député

M. Gérard LESEUL député

Mme Florence LASSARADE, sénatrice

Mme Anne-Catherine LOISIER, sénatrice

M. David ROS, sénateur

DÉPUTÉS

SÉNATEURS

Mme Christine ARRIGHI

M. Philippe BERTA

M. Philippe BOLO

Mme Maud BREGEON

M. Hendrik DAVI

Mme Olga GIVERNET

M. Maxime LAISNEY

M. Aurélien LOPEZ-LIGUORI

M. Yannick NEUDER

M. Jean-François PORTARRIEU

Mme Mereana REID ARBELOT

M. Alexandre SABATOU

M. Jean-Philippe TANGUY

Mme Huguette TIEGNA

M. Arnaud BAZIN

Mme Martine BERTHET

Mme Alexandra BORCHIO FONTIMP

M. Patrick CHAIZE

M. André GUIOL

M. Ludovic HAYE

M. Olivier HENNO

Mme Sonia de LA PROVÔTÉ

M. Pierre MÉDEVIELLE

Mme Corinne NARASSIGUIN

M. Pierre OUZOULIAS

M. Daniel SALMON

M. Bruno SIDO

M. Michaël WEBER

CONCLUSIONS DE L'AUDITION PUBLIQUE DU 29 FÉVRIER 2024 SUR LA PROTECTION DE LA BIODIVERSITÉ MARINE EN HAUTE MER

La haute mer représente plus de 60 % de la surface de l'océan et près de la moitié de la surface du globe. Elle se caractérise par une biodiversité encore mal connue mais vitale pour l'humanité, qui attise les convoitises et subit une pression croissante due aux activités humaines.

Dès le début des années 2000, les États se sont interrogés, au sein de l'Assemblée générale de l'ONU, sur la nécessité de protéger la biodiversité en haute mer. Il a néanmoins fallu attendre le 19 juin 2023 pour que l'Accord se rapportant à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer et portant sur la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale (connu sous le sigle anglais BBNJ, Biodiversity Beyond National Jurisdiction) soit adopté par consensus.

Alors que la France se mobilise pour que cet accord entre en vigueur avant la Conférence des Nations Unies sur les océans qui se tiendra à Nice en 2025, l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques a organisé le 29 février 2024 une audition publique sur les enjeux liés à la protection de la biodiversité en haute mer.

Cette audition avait deux objectifs :

- expliquer les raisons qui ont poussé à l'élaboration de cet accord ;

- rappeler les conditions à réunir pour assurer l'efficacité du BBNJ.

Les intervenants étaient :

Pascale Ricard, chargée de recherche CNRS au Centre d'études et de recherches internationales et communautaires (CERIC) ;

Denis Duclos, directeur des relations européennes et internationales au Muséum national d'histoire naturelle ;

Robert Blasiak, professeur associé au Stockholm Resilience Centre, Stockholm University (Suède) ;

Pierre-Marie Sarradin, chercheur à l'Ifremer ;

Mariana Travassos Tolotti, chercheuse IRD (Institut de recherche pour le développement) à l'UMR Marbec (MARine Biodiversity, Exploitation and Conservation) ;

Rodolphe Devillers, directeur de recherche IRD à l'UMR Espace-Dev ;

Denis Bailly, économiste de l'environnement, maître de conférences à l'Université de Bretagne ;

Klaudija Cremers, chercheuse, gouvernance internationale de l'océan, à l'Iddri (Institut du développement durable et des relations internationales) ;

Sophie Arnaud-Haond, chercheuse Ifremer à l'UMR Marbec ;

Virginie Tilot, océanologue biologiste, membre de l'Académie des sciences d'outre-mer et de l'Académie royale belge des sciences d'outre-mer.

I. UN NOUVEL ACCORD (LE BBNJ) VISE À COMBLER LES LACUNES DU DROIT INTERNATIONAL CONCERNANT LA CONSERVATION ET L'UTILISATION DURABLE DE LA BIODIVERSITÉ MARINE EN HAUTE MER

A. LES ÉCOSYSTÈMES EN MILIEU MARIN PROFOND RESTENT MAL CONNUS MAIS SONT PARTICULIÈREMENT VULNÉRABLES

1. Des écosystèmes encore mal connus mais particulièrement vulnérables

Pascale Ricard a rappelé que les zones marines ne relevant pas de la juridiction nationale sont constituées, d'une part, de la haute mer, c'est-à-dire de la colonne d'eau située au-delà de la zone économique exclusive des États, soit 200 milles nautiques1(*), d'autre part, de la zone internationale des fonds marins au-delà du plateau continental, appelée « la Zone ».

En haute mer, la zone abyssale située sous le seuil des 3 500 mètres représente environ 70 % de l'environnement marin. La compréhension du fonctionnement de ces écosystèmes et de leur implication dans les grands cycles biogéochimiques constitue donc un enjeu majeur. Pourtant, moins de 10 % des observations d'espèces marines ont lieu dans cette zone, tandis que sur les 200 000 publications concernant la biodiversité recensées dans la base de données Web of Science, seules 3 000 concernent la biodiversité en milieu marin profond.

Sophie Arnaud-Haond a présenté les raisons qui expliquent cette connaissance très partielle des écosystèmes. Ceux-ci sont d'abord difficiles d'accès et la recherche sur ces écosystèmes, fortement dépendante des avancées technologiques en matière d'exploration des fonds marins, est relativement récente. Ensuite, leur biomasse est souvent très faible et leur distribution hétérogène, ce qui ne permet pas de prédire l'endroit précis de ce vaste espace qui doit être exploré pour étudier des phénomènes concernant la vie et la biodiversité.

Elle a également insisté sur les capacités d'adaptation exceptionnelles des écosystèmes en milieu marin profond face à des habitats hostiles (absence de lumière, températures extrêmes, etc.). Ils s'avèrent néanmoins vulnérables en raison de leur faible dynamique liée à la présence d'espèces très longévives2(*) ou à faible renouvellement.

2. Des écosystèmes fortement convoités

Les zones marines ne relevant pas de la juridiction nationale sont riches en ressources qui attirent les convoitises. Mariana Travassos Tolotti a rappelé que la pêche en haute mer est exercée depuis de nombreuses décennies, essentiellement au travers de la pêche industrielle. Celle-ci, par exemple, prélève 5 millions de tonnes de thon par an depuis 2018.

Olivier Poivre d'Arvor a insisté sur les risques que la découverte de gisements de minéraux marins3(*) fait peser sur la biodiversité s'ils venaient à être exploités. Jusqu'à présent, l'Autorité internationale des fonds marins (AIFM) n'a attribué que des permis d'exploration4(*), l'exploitation minière étant conditionnée à l'élaboration d'un code minier à laquelle se consacre l'AIFM depuis plus de dix ans. Si la France et 23 autres États défendent l'idée d'un moratoire sur l'exploitation minière en eaux profondes, d'autres États font pression sur l'AIFM afin qu'elle autorise cette exploitation5(*).

Enfin, comme l'a expliqué Robert Blasiak, l'utilisation des ressources génétiques marines en haute mer offre des opportunités particulièrement prometteuses dans des domaines aussi variés que le développement d'enzymes permettant la synthèse de biocarburants, le marquage et le découpage de fragments d'ADN, la bioremédiation ou encore la fabrication de cosmétiques, de peintures ou de revêtements antisalissures, d'adhésifs, d'antibiotiques et d'antiviraux. Actuellement, on compte 15 médicaments à base de ressources génétiques marines qui ont été approuvés ; 43 autres sont en cours de tests cliniques.

Le potentiel est énorme : seules 250 000 espèces marines ont été recensées à ce jour, tandis qu'entre un et dix millions de nouvelles espèces resteraient à découvrir. Cette recherche reste pour l'instant très concentrée puisque dix pays6(*) sont à l'origine de 90 % des demandes de brevet liées aux gènes d'organismes marins, dont certains proviennent de zones ne relevant pas de la juridiction nationale.

B. DES LACUNES JURIDIQUES NE PERMETTENT PAS UNE PROTECTION EFFECTIVE DES ZONES NE RELEVANT PAS DE LA JURIDICTION NATIONALE

1. Une gouvernance fragmentée régionalement et sectoriellement

Les zones ne relevant pas de la juridiction nationale, à savoir la haute mer et la Zone, sont soumises à des régimes très différents7(*) qu'a décrits Pascale Ricard.

La Zone, qui prend en compte uniquement les ressources minérales sur le plancher océanique, a le statut de « patrimoine commun de l'humanité ». Aucun État ne peut revendiquer ni exercer de souveraineté ou de droits souverains sur une partie quelconque de la Zone, ni s'approprier une partie quelconque de celle-ci. Les ressources minérales font donc l'objet d'une gestion commune et l'AIFM est l'organisation internationale autonome grâce à laquelle les États parties à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer organisent et contrôlent les activités dans la Zone.

La haute mer est, avant tout, une zone de libertés : liberté de navigation, de survol, de pose de câbles sous-marins, de pêche ou de recherche scientifique. Néanmoins, les activités en haute mer sont gérées par une multitude d'organisations et d'instruments sectoriels (Organisation maritime internationale, Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture, Convention sur la diversité biologique, Commission baleinière internationale, etc.) et régionaux (les organisations régionales de gestion des pêches, l'OSPAR8(*), la CAMLR9(*), le programme pour les mers régionales du PNUE10(*), etc.) sans réelle consultation ni harmonisation entre ces différentes instances.

2. Une gouvernance lacunaire

Les espaces ne relevant pas de la juridiction nationale sont soumis à une pression croissante due aux activités humaines, à la pollution, à la surexploitation des ressources, au changement climatique et à la diminution de la biodiversité. Olivier Poivre d'Arvor a rappelé que l'article 192 de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer dispose que les États ont l'obligation de protéger et de préserver le milieu marin, même dans les zones ne relevant pas de leur juridiction nationale. Néanmoins, cette obligation reste très générale et trop peu mise en oeuvre tandis que les contrôles s'avèrent difficiles et coûteux dans un espace si éloigné des côtes. Or, comme a insisté Virginie Tilot, les océans forment un tout, en dépit des frontières artificielles créées par le droit de la mer. Par conséquent, les mesures prises par les États pour sauvegarder la biodiversité dans les zones relevant de leur juridiction nationale perdent une partie de leur efficacité si les zones au-delà de leur juridiction nationale ne sont pas protégées. Ni la faune, ni les pollutions ne connaissent les frontières administratives mises en place par la communauté internationale.

3. Quatre champs thématiques « oubliés » par le droit de la mer

Pascale Ricard a expliqué que dès 2011, les États membres des Nations Unies avaient identifié quatre champs dans lesquels le droit de la mer était lacunaire : la création d'aires marines protégées, la réalisation d'études d'impact environnemental, l'utilisation des ressources génétiques marines, et le renforcement des capacités des États en développement.

Aucun régime juridique ne permet actuellement de créer des aires marines protégées dans les zones ne relevant pas de la juridiction nationale, alors même qu'elles sont indispensables pour atteindre l'objectif de protéger au moins 30 % des mers d'ici 2030, objectif qui figure dans l'accord de Kunming-Montréal de 202211(*).

Pascale Ricard a insisté sur le fait que les États sont soumis à une obligation générale de réaliser des études d'impact environnemental sur certaines des activités qu'ils pratiquent compte tenu des risques qu'elles font courir à la biodiversité12(*). Toutefois, aucune procédure spécifique n'a été prévue à ce jour pour garantir le respect de cette obligation.

Elle a fait remarquer que l'accès aux ressources génétiques marines et leur utilisation ne sont régis par aucune norme, si bien que le principe du « premier arrivé, premier servi » s'applique. De ce fait, compte tenu des différences de moyens mis en oeuvre, l'accès aux ressources génétiques marines apparaît très inégalitaire puisque 98 % de l'activité commerciale liée à ces ressources sont le fait de dix États seulement.

Elle a ajouté que face au constat partagé au sein de la communauté internationale selon lequel les États en développement peinent à protéger le milieu marin en raison de moyens financiers, humains et techniques insuffisants, aucune réponse concrète n'a été apportée.

Ces différentes raisons expliquent que les États membres des Nations Unies aient souhaité adopter un instrument international juridiquement contraignant afin de renforcer la gouvernance des zones au-delà de la juridiction nationale et établir les outils nécessaires à une protection effective de l'océan et à une utilisation durable de ses ressources.

C. LE BBNJ CONSTITUE UNE RÉELLE AVANCÉE POUR LA CONSERVATION ET L'UTILISATION DURABLE DE LA BIODIVERSITÉ MARINE EN HAUTE MER

1. Les outils mis en place pour la protection de la biodiversité : « le package deal »

(a) La création d'outils de gestion par zone, y compris d'aires marines protégées

Pascale Ricard a expliqué que les États pourront, lorsque le BBNJ sera entré en vigueur, définir collectivement ou individuellement des aires protégées ou tout autre outil de gestion de zone. Afin d'éviter les situations de blocage comme celles rencontrées dans le cadre de la Convention sur la conservation de la faune et la flore marines de l'Antarctique, le consensus n'est pas l'unique voie de prise de décision. En l'absence de consensus, les décisions et les recommandations sont prises à la majorité des trois quarts des parties présentes et votantes, après que la Conférence des parties a décidé, à la majorité des deux tiers, que tous les moyens de parvenir à un consensus ont été épuisés.

(b) La réalisation d'études d'impact environnemental

Pascale Ricard a également décrit les modalités de réalisation des études d'impact environnemental. La procédure prévoit la consultation des parties prenantes qui peuvent faire part de leurs observations quant aux impacts potentiels de l'activité envisagée. La procédure prône également la transparence puisqu'en amont, les parties s'engagent à notifier publiquement toute activité engagée tandis qu'en aval, le rapport d'évaluation d'impact sur l'environnement est publié à l'attention de toutes les parties.

Par ailleurs, le BBNJ prévoit que les États susceptibles d'être les plus affectés13(*) puissent participer à l'évaluation d'impact sur l'environnement de l'activité envisagée. Il insiste sur la prise en compte des impacts cumulés des différentes activités conduites en mer, y compris du changement climatique.

Le seuil de déclenchement de l'étude d'impact est élevé puisqu'il faut que l'activité envisagée « risque d'entraîner une pollution importante ou des modifications considérables et nuisibles du milieu marin »14(*).

Toutefois, le BBNJ prévoit un seuil intermédiaire à partir duquel la partie doit réaliser un contrôle préliminaire pour s'assurer que l'impact de l'activité envisagée est inférieur au seuil de déclenchement de l'étude d'impact. Ce seuil intermédiaire est atteint lorsque « l'activité envisagée risque d'avoir un effet plus que mineur ou transitoire sur le milieu marin ou si ses effets sont inconnus ou mal compris ».

(c) L'encadrement des activités liées aux ressources génétiques marines et le partage des bénéfices découlant de leur exploitation

Robert Blasiak a constaté qu'un nombre très réduit d'États ont les capacités techniques, humaines et financières pour mener les activités liées aux ressources génétiques marines. Néanmoins, ces dernières sont « dans l'intérêt de l'humanité tout entière, et visent en particulier à faire progresser les connaissances scientifiques de l'humanité et à favoriser la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique marine » 15(*). C'est la raison pour laquelle les États en voie de développement ont soutenu la mise en place de mécanismes pour assurer le partage juste et équitable des avantages qui découlent de ces activités.

Il est prévu de créer un centre d'échange qui collectera les informations liées aux activités relatives aux ressources génétiques marines16(*) des zones ne relevant pas de la juridiction nationale et génèrera automatiquement un identifiant normalisé de lot « BBNJ ».

Robert Blasiak a expliqué que le partage monétaire des avantages découlant de l'utilisation des ressources génétiques marines est régi par deux régimes distincts.

Dès l'entrée en vigueur de l'accord, un fonds spécial sera créé pour permettre aux parties en développement de renforcer leurs capacités pour analyser les ressources génétiques marines. Ce fonds sera alimenté par des contributions des parties développées égales à 50 % de leur contribution au budget du BBNJ.

Par ailleurs, il reviendra à la Conférence des parties de déterminer les modalités de partage des avantages monétaires dans les cas où les activités utilisant des ressources génétiques marines produiraient des bénéfices. Le BBNJ prévoit enfin la création d'un Comité sur l'accès et le partage afin d'établir les lignes directrices pour le partage des avantages et de faire des recommandations à la Conférence des parties.

(d) Le renforcement des capacités et le transfert des technologies marines

Plusieurs intervenants ont insisté sur l'ambition du BBNJ de renforcer les capacités des États en développement et le transfert des technologies marines. L'objectif est double : d'une part, réduire les inégalités entre les États en matière de recherche scientifique, soutenir le développement économique et social durable des États en développement - en particulier des petits États insulaires -, et limiter leur dépendance à l'égard de l'aide internationale pour le développement ; d'autre part, améliorer l'aptitude des États en développement à satisfaire les obligations contenues dans l'accord, notamment en ce qui concerne la création et la gestion des aires marines protégées.

L'article 44 énumère les moyens envisagés pour assurer « le renforcement des capacités des parties en matière de ressources humaines, de moyens de gestion financière et de moyens scientifiques, technologiques, administratifs, institutionnels et autres ».

Denis Duclos a rappelé que l'article 45 prévoit la création d'un comité du renforcement des capacités et de transfert des technologies marines afin d'assurer le suivi et l'examen des mesures prises.

2. L'objectif du BBNJ : ouvrir la voie à une gouvernance multilatérale, inclusive et prenant en compte les intérêts des États en développement pour garantir la conservation et l'utilisation durable de la biodiversité

Plusieurs intervenants se sont félicités qu'en dépit de la liberté souveraine des États en haute mer, le BBNJ instaure une gouvernance multilatérale dans cet espace en matière de protection de la biodiversité et permette, par exemple, d'imposer aux parties la création d'aires marines protégées même sans consensus.

Olivier Poivre d'Arvor a insisté sur le caractère inclusif de cette gouvernance. D'abord, l'accent est mis sur la nécessité de renforcer les capacités des pays en développement afin qu'ils soient en mesure, techniquement, financièrement et humainement, d'assurer leurs obligations. Ensuite, le BBNJ prévoit des consultations et évaluations préalables aux prises de décision sur les propositions émises par les parties, que ce soit en matière de création de zones marines protégées ou d'élaboration des études d'impact environnemental.

Comme l'a fait remarquer Virginie Tilot, cette gouvernance a vocation à défendre les droits des États les plus faibles à travers le partage des avantages découlant des activités relatives aux ressources génétiques marines ou encore le renforcement de leurs capacités et le transfert de technologies marines. De même, les peuples autochtones et les communautés locales sont protégés par l'article 13 du BBNJ qui stipule que les connaissances traditionnelles détenues par lesdits peuples et communautés relatives aux ressources génétiques marines dans les zones ne relevant pas de la juridiction nationale ne sont accessibles qu'avec leur consentement préalable.

D. LA SCIENCE EST AU COEUR DU BBNJ

Denis Duclos a insisté sur le rôle central de la science dans le BBNJ. Il y est explicitement prévu de s'appuyer sur la liberté de la recherche scientifique marine et l'utilisation des meilleures connaissances et informations scientifiques disponibles pour atteindre les objectifs fixés dans l'accord. Concrètement, la science a vocation à servir d'outil d'aide à la décision et d'outil de coopération.

1. La science comme outil d'aide à la décision

Denis Duclos a expliqué que le BBNJ crée un organe scientifique et technique composé de membres siégeant en qualité d'experts et possédant une expertise scientifique et technique pertinente. Cet organe joue un rôle central dans le cadre de la création d'aires marines protégées et de l'élaboration d'études d'impact environnemental.

L'organe scientifique et technique a vocation à intervenir à tous les stades de la création d'aires marines protégées. Il est chargé de réviser et compléter au besoin les éléments relatifs au contenu des propositions d'aires marines protégées. Il procède également à l'examen préliminaire des propositions et fait, le cas échéant, des observations qui sont prises en compte dans la proposition finale. Une fois les aires marines protégées mises en place, l'organe scientifique et technique assure leur suivi, évalue leur efficacité et fait des recommandations à l'intention de la Conférence des parties.

Denis Duclos a ajouté que l'organe scientifique et technique sera particulièrement impliqué si des mesures d'urgence doivent être prises dans les zones ne relevant pas de la juridiction nationale en cas de menaces particulièrement graves sur la biodiversité : il pourra recommander les mesures à prendre et établira les procédures et orientations pour la mise en place des mesures d'urgence avant de les présenter pour examen et adoption à la Conférence des parties.

Denis Duclos a également insisté sur le rôle de l'organe scientifique et technique en matière d'évaluation des impacts sur l'environnement. C'est lui qui est chargé d'élaborer des normes ou des lignes directrices en ce qui concerne :

- la méthode permettant de savoir si les seuils pour la réalisation d'un contrôle préliminaire ou d'une évaluation d'impact sont atteints ;

- l'évaluation des impacts cumulés ;

- l'évaluation des impacts des activités qu'il est envisagé de mener ;

- la procédure de notification et de consultation publique des études d'impact réalisées ;

- le contenu des rapports d'évaluation d'impact sur l'environnement ;

- la surveillance des impacts des activités autorisées ;

- la réalisation d'évaluations environnementales stratégiques.

Une fois que la partie a réalisé l'étude d'impact environnemental, l'organe scientifique et technique peut formuler des commentaires à l'intention de la partie.

En cas de désaccord entre les parties sur les conclusions d'un contrôle préliminaire, l'organe scientifique et technique examine les impacts potentiels de l'activité envisagée et adresse ses recommandations à la partie qui a formulé les conclusions. Lesdites recommandations sont rendues publiques, notamment par l'intermédiaire du centre d'échange.

L'organe scientifique et technique est également récipiendaire des rapports d'évaluation d'impact sur l'environnement qui lui servent à élaborer les lignes directrices et à recenser les meilleures pratiques.

Il est amené à examiner et évaluer les rapports sur les impacts des activités autorisées. S'il estime que lesdites activités peuvent avoir des effets néfastes importants qui n'ont pas été anticipés au moment de l'évaluation de leur impact sur l'environnement ou qui découlent du non-respect de l'une des conditions d'approbation de l'activité, il peut le notifier à la partie qui a autorisé l'activité et lui faire des recommandations. Il peut également être saisi par toute partie de ses préoccupations quant aux impacts néfastes importants de l'activité autorisée.

2. La science comme outil de coopération

Denis Duclos a également exposé la place décisive de la science dans le renforcement des capacités et du transfert des technologies marines.

L'annexe II de l'accord dresse une liste non exhaustive des formes que peut prendre le renforcement des capacités. Sont mentionnées les informations environnementales et biologiques recueillies dans le cadre des recherches menées en haute mer, la fourniture de technologies - y compris de matériel d'échantillonnage et de méthodologie -, l'acquisition du matériel nécessaire pour appuyer et développer les capacités de recherche et développement, la création de centres scientifiques nationaux et régionaux, la collaboration et la coopération dans le domaine des sciences de la mer - y compris par l'élaboration de projets de recherche scientifiques conjoints avec les institutions d'États en développement -, l'éducation et la formation aussi bien dans les domaines des sciences naturelles et sociales que dans ceux des technologies.

Denis Duclos a donné des exemples de la place déterminante de la science dans le cadre du partage des avantages non monétaires découlant des activités relatives aux ressources génétiques marines, que ce soit à travers l'accès libre à des données scientifiques faciles à trouver, accessibles, interopérables et réutilisables (dites FAIR), ou encore via le renforcement de la coopération technique et scientifique, en particulier avec les scientifiques et les institutions scientifiques des États en développement.

II. LE BBNJ RESTE LE FRUIT D'UN COMPROMIS ET L'EFFICACITÉ RÉELLE DE CET ACCORD EST CONDITIONNÉE À LA LEVÉE DE CERTAINS OBSTACLES

A. LE BBNJ EST LE FRUIT D'UN COMPROMIS

1. Le respect des accords déjà existants et la nécessaire articulation entre le BBNJ et lesdits accords

Plusieurs intervenants ont fait remarquer que le BBNJ entre en jeu alors qu'il existe déjà de nombreuses réglementations en matière de navigation, d'exploration et d'exploitation des fonds marins ou des ressources halieutiques. Pour articuler le BBNJ avec les instruments existants, l'article 5 dispose que « le présent accord est interprété et appliqué d'une manière qui ne porte atteinte ni aux instruments et cadres juridiques pertinents, ni aux organes mondiaux, régionaux, sous-régionaux et sectoriels pertinents, et qui favorise la cohérence et la coordination avec ces instruments, cadres et organes ». Par conséquent, l'application du BBNJ nécessitera une articulation entre l'obligation générale de conservation de la biodiversité et l'existence des nombreuses obligations conventionnelles, sans que les dispositions du BBNJ ne puissent prévaloir puisque toutes les conventions ont la même valeur juridique.

À défaut de pouvoir imposer la coopération entre les instruments et les organes existants, le BBNJ rappelle son importance à de nombreuses reprises : de façon générale à l'article 8, puis dans le cadre de chaque champ thématique de l'accord, afin de « promouvoir la cohérence des efforts déployés en vue de la conservation et de l'utilisation durables de la diversité biologique marine des zones de relevant pas de la juridiction nationale ».

(a) La coopération entre le BBNJ et les autres instruments en matière de création d'aires marines protégées

Pascale Ricard a cité l'article 22 qui dispose que « la Conférence des parties prend des dispositions pour organiser des consultations régulières afin de renforcer la coopération et la coordination avec et entre les instruments et cadres juridiques pertinents en ce qui concerne les outils de gestion par zone, y compris les aires marines protégées, ainsi que la coordination en ce qui concerne les mesures connexes adoptées en vertu de ces instruments et cadres et par ces organes ».

Concrètement, les propositions de création d'aires marines protégées devront être élaborées en collaboration avec les organes mondiaux et régionaux concernés, comme l'a rappelé Denis Bailly. Elles devront également leur être soumises pour consultation. La Conférence des parties peut prendre des décisions sur toute mesure compatible avec celles adoptées dans le cadre des instruments et cadres juridiques existants. En revanche, lorsque les mesures proposées relèvent de la compétence d'autres organes, la Conférence des parties ne peut que formuler des recommandations visant à promouvoir l'adoption de mesures pertinentes. Lorsque la Conférence des parties a pris des décisions, ces dernières ainsi que les objections dont elles font l'objet sont communiquées aux instances des instruments et cadres juridiques pertinents17(*). Les organes mondiaux et régionaux18(*) sont également informés des mesures d'urgence adoptées en cas de dommages graves à la biodiversité marine.

Les parties du BBNJ doivent également veiller à la bonne coordination des mesures qu'elles prennent dans les différentes instances dans lesquelles elles sont représentées. Ainsi, l'article 25 prévoit que « les parties encouragent, selon qu'il convient, les instruments et cadres juridiques pertinents et les organes mondiaux, régionaux, sous-régionaux et sectoriels pertinents dont elles sont membres à adopter des mesures appuyant la mise en oeuvre des décisions prises et des recommandations formulées par la Conférence des parties » dans le domaine des outils de gestion par zone.

Le BBNJ invite les membres des instruments et cadres juridiques pertinents ainsi que les membres des différents organes à faire en sorte qu'ils contribuent au suivi des aires marines protégées en fournissant à la Conférence des parties les informations sur la mise en oeuvre des mesures qu'ils ont adoptées pour atteindre les objectifs fixés.

(b) La coopération entre le BBNJ et les autres instruments en matière d'évaluation de l'impact environnemental des activités envisagées

L'article 29 encourage la coopération entre l'organe scientifique et technique et les instruments juridiques pertinents ainsi que les organes mondiaux et régionaux qui réglementent des activités en haute mer, notamment dans le cadre de l'élaboration des normes et lignes directrices. Il instaure une complémentarité de fait entre le BBNJ et les autres outils juridiques existants puisque les parties du BBNJ sont exonérées de contrôle préliminaire ou d'évaluation d'impact sur l'environnement dès lors que ceux-ci ont déjà été réalisés en application d'autres instruments juridiques.

(c) La coopération entre le BBNJ et les autres instruments en matière de renforcement des capacités et du transfert de technologies marines

Cette coopération est prévue à l'article 41 de l'accord BBNJ. L'article 42 affirme la nécessité de s'appuyer sur les programmes existants afin d'éviter les redondances et de s'inspirer des enseignements tirés des activités de renforcement des capacités et de transfert de technologies marines menées dans le cadre des instruments juridiques actuels.

2. Un accord dont la portée est limitée en raison de l'exclusion de la pêche et des ressources minérales de son champ d'application

(a) L'exclusion des ressources halieutiques

Rodolphe Devillers a rappelé que la pêche en haute mer constitue l'une des activités ayant le plus d'impacts négatifs sur la biodiversité marine à travers la surpêche des espèces ciblées, notamment des juvéniles. Ainsi, selon Mariana Travassos Tolotti, 17 % des stocks de thons sont considérés comme surexploités. Les prises accessoires sont également victimes de la pêche. Une étude de 2023 menée dans l'océan Pacifique a évalué à 1,8 million le nombre de requins capturés par les palangriers en 2019 et à 100 000 le nombre de requins victimes des senneurs.

La majorité des stocks de poissons de mer sont gérés par une ou plusieurs organisations régionales de gestion de la pêche (ORGP). Mariana Travassos Tolotti a néanmoins démontré que ces organismes peinent à prévenir l'appauvrissement des stocks de poissons en haute mer en l'absence d'une gestion intégrative efficace prenant en compte l'ensemble des aspects de l'écosystème. Ainsi, la méthode de gestion focalisée sur l'évaluation de stocks individuels peut avoir des impacts involontaires sur d'autres composantes de l'écosystème.

Exemple des limites des décisions ne tenant compte que de la population de l'espèce cible : les conséquences des quotas en matière de pêche au thon albacore sur les requins soyeux dans l'océan Indien

Le thon albacore indien est surpêché depuis plusieurs années. Afin de tenter de reconstituer le stock, la Commission des thons de l'océan Indien a mis en place depuis 2017 un quota pour la pêche à la senne. Face à cette nouvelle mesure, la flotte française a adapté sa stratégie de pêche en réduisant la capture sur les bancs libres composés essentiellement de gros individus de thons albacores et en pêchant davantage sur les bancs associés aux dispositifs de concentration de poissons19(*) (DCP), plutôt composés de thons listaos et de juvéniles de thons albacores ou patudos.

La flotte française a donc étendu sa zone de pêche et s'est concentrée sur des poissons moins gros, ce qui lui permet d'en pêcher un nombre plus important. En outre, les DCP attirent une grande variété d'espèces marines au-delà des thons, telles que les raies, les tortues et les requins, qui se prennent dans les filets flottants attachés aux DCP ou sont capturés accidentellement dans la senne. Les prises accessoires peuvent donc être élevées avec des DCP, en particulier par rapport à la pêche sur bancs libres, qui ne sont constitués que des espèces ciblées. Dans les trois années qui ont suivi la mise en place de quotas sur le thon albacore dans l'océan Indien, le nombre de requins soyeux capturés par la flotte française a augmenté de 35 %.

L'exclusion des questions de pêche du champ d'application du BBNJ affaiblit considérablement l'efficacité des mesures qui pourront être prises pour la conservation et l'utilisation durable de la biodiversité marine dans les zones ne relevant pas d'une juridiction nationale. En particulier, plusieurs intervenants ont insisté sur le fait que la création d'aires marines protégées sans qu'y soit prévue une régulation stricte de l'activité de pêche industrielle pourrait s'avérer relativement inutile. Il conviendra donc d'articuler aux mieux les efforts entre les organismes internationaux oeuvrant à la protection de la biodiversité et les organisations sectorielles et régionales.

(b) L'exclusion des ressources minérales minières

Plusieurs intervenants se sont inquiétés du fait que les activités liées à l'exploration et l'exploitation des ressources minérales sont également exclues du champ d'application du BBNJ puisqu'elles sont déjà régies par la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer. L'AIFM est chargée de protéger les fonds marins et d'en réguler l'exploitation. À l'occasion de la 29e session de l'AIFM qui s'est tenue du 18 au 29 mars 2024, les 168 membres de l'AIFM ont discuté du projet de code minier qui doit définir les conditions d'exploitation des ressources minérales. Les débats ont été vifs entre, d'une part, les États souhaitant imposer un moratoire sur l'exploitation minière des fonds marins devant la trop grande méconnaissance des impacts que cette nouvelle industrie extractive pourrait avoir sur les écosystèmes marins, d'autre part, les États qui ne souhaitent pas se priver de ces ressources qu'ils jugent indispensables pour assurer leur transition climatique sans augmenter leur dépendance vis-à-vis des États producteurs de ces métaux.

Dans ce contexte, le vote par le parlement norvégien de la loi « exploitation minière sur le plateau continental norvégien - désenclavement et stratégie de gestion des ressources » le 9 janvier 2024 a suscité l'inquiétude des associations environnementales et des États favorables à un moratoire sur les activités d'exploitation des fonds marins. À la suite de la forte mobilisation de la société civile norvégienne contre l'exploitation minière de l'Arctique, la loi autorise in fine uniquement l'exploration d'une partie du plateau continental norvégien. L'exploitation éventuelle de ces fonds devra faire l'objet d'un nouvel examen par le parlement. Toutefois, cette loi témoigne de l'intérêt croissant suscité pour les ressources minérales situées au fond de la mer et de l'enjeu majeur que représentent les études d'impact sur l'environnement de ce type d'activités.

Or, le BBNJ fixe les procédures à suivre pour réaliser les études d'impact environnemental des activités qui risquent d'entraîner une pollution importante ou des modifications considérables et nuisibles du milieu marin dans des zones ne relevant pas de la juridiction nationale, mais il n'a pas compétence sur les études d'impact des activités liées à l'exploitation minière qui relèvent de l'AIFM.

La conservation de la biodiversité marine dans la Zone dépendra donc de la capacité de l'AIFM à imposer des exigences environnementales rigoureuses aux États souhaitant se lancer dans l'exploitation minière.

3. Les points d'équilibre du BBNJ susceptibles d'affaiblir son efficacité

Le BBNJ internationalise un certain nombre de procédures telles que les évaluations d'impact environnemental ou encore la création d'aires marines protégées. Toutefois, dans la mesure où un accord international n'est obligatoire que pour les parties qui l'ont ratifié, les négociateurs du BBNJ ont eu à coeur de s'assurer que l'accord final soit acceptable par le plus grand nombre d'États possibles, et notamment par les États développés qui exercent des activités en haute mer. Des points d'équilibre ont été recherchés, tels que le respect de la souveraineté et de l'indépendance politique des États.

Pascale Ricard a ainsi insisté sur le fait qu'il revient à chaque État souverain de décider de l'autorisation de l'activité qui a nécessité la réalisation d'une étude d'impact, même si certains États pendant les négociations ont défendu l'idée que cette décision devait être prise par la Conférence des parties.

L'accord prévoit la possibilité de prendre des décisions sur la création d'aires marines protégées à la majorité des trois quarts en cas de blocage. En contrepartie, il autorise toute partie à formuler une objection à ladite création afin que cette décision ne soit pas contraignante.

La possibilité pour un État d'activer la clause d'opt-out est toutefois très encadrée. Les motifs pouvant être invoqués sont prévus expressément tandis que la partie qui formule une objection « adopte, autant que faire se peut, d'autres mesures ou approches ayant un effet équivalent à la décision à laquelle elle a fait objection et n'adopte aucune mesure ni n'accomplit aucun acte susceptible de porter atteinte à l'efficacité de cette décision, à moins que de telles mesures ou de tels actes ne soient essentiels à l'exercice des droits que lui confère la Convention ou à l'accomplissement des obligations que celle-ci lui impose ». Par ailleurs, l'objection doit être renouvelée expressément tous les trois ans.

En ce qui concerne le partage juste et équitable des avantages qui découlent des activités relatives aux ressources génétiques marines, les positions étaient très clivées sur le statut juridique à conférer aux ressources marines génétiques.

Les États en développement souhaitaient que leur soit reconnu le statut de patrimoine mondial de l'humanité, avec comme conséquence juridique une gestion commune des ressources fondée sur un système international d'accès. Les États développés ne souhaitaient pas voir la liberté d'accès aux ressources génétiques marines remise en cause.

Le compromis trouvé élude la question du statut juridique des ressources marines génétiques. En revanche, comme l'a rappelé Denis Duclos, l'accès à ces ressources s'accompagnera de la notification auprès du centre d'échange d'un ensemble très complet d'informations liées aux activités relatives aux ressources génétiques marines afin de garantir leur traçabilité. Par ailleurs, le BBNJ contient de nombreuses mesures visant à renforcer les capacités des États en développement et les transferts de technologie marine. L'un des objectifs est de donner à ces États les moyens humains et techniques nécessaires pour se lancer dans l'exploration des ressources génétiques marines.

B. CERTAINS OBSTACLES DEVRONT ÊTRE LEVÉS POUR GARANTIR L'EFFICACITÉ DU BBNJ

1. Les obstacles pour son entrée en vigueur

L'article 68 prévoit que le BBNJ entrera en vigueur 120 jours après la date de dépôt du 60e instrument de ratification. Olivier Poivre d'Arvor a précisé que fin mars 2024, seuls les Palaos et le Chili ont ratifié l'accord.

La procédure est particulière pour les États membres de l'Union européenne, dans la mesure où l'accord relève à la fois des compétences de l'Union et de celles des États membres. Olivier Poivre d'Arvor a expliqué qu'il est nécessaire qu'aussi bien l'Union que les États membres ratifient l'accord, par la procédure qui leur est propre. S'agissant du dépôt des instruments de ratification de chacun, la pratique dite « du commun accord » implique un effort de la part des États membres et de l'Union pour un dépôt simultané des instruments de ratification auprès des Nations Unies. L'objectif retenu par l'Union et les 27 États membres est que ce dépôt intervienne avant la Conférence des Nations Unies sur les océans de juin 2025. Si la France envisage la ratification de l'accord avant l'été 2024, les autres États membres n'en ont pas tous fait une priorité. En ce qui concerne sa ratification par le Parlement européen, il paraît difficile qu'elle intervienne avant les élections de juin 2024 en raison de la brièveté des délais. Il n'est pas certain non plus qu'elle fasse partie des priorités de l'assemblée nouvellement élue.

Par conséquent, sans une volonté politique forte de la part de la communauté internationale, le BBNJ pourrait n'entrer en vigueur que dans plusieurs années.

En outre, seuls 87 États l'ont signé jusqu'à présent, ce qui reste largement insuffisant pour qu'il ait une réelle portée au sein de la communauté internationale.

2. Les obstacles pour sa mise en oeuvre rapide : la lourdeur et le coût des procédures

Denis Bailly a insisté sur le fait que la mise en place des outils prévus par le BBNJ pour garantir la conservation et l'utilisation durable de la biodiversité marine s'accompagne de procédures lourdes et coûteuses.

Les dossiers à constituer pour proposer la création d'aires marines protégées doivent comporter un grand nombre d'éléments tels que la description géographique de l'aire proposée, les critères pour la détermination des aires à protéger, les informations sur les activités humaines menées dans l'aire, la description de l'état du milieu marin et de la diversité biologique, la description des objectifs de conservation, le plan de gestion comprenant les mesures qu'il est proposé d'adopter et décrivant les activités de suivi, de recherche et d'examen à mener pour atteindre les objectifs retenus, les informations sur les consultations menées, les contributions scientifiques pertinentes. L'organe scientifique et technique peut demander d'autres éléments de contenu. Les propositions d'aires marines protégées constituent donc des dossiers particulièrement lourds à monter, qui nécessitent des compétences scientifiques et techniques poussées et un soutien financier non négligeable.

Il en va de même pour l'évaluation de l'impact environnemental des activités menées dans les zones ne relevant pas de la juridiction nationale. Cette évaluation comporte des obligations de consultation, de prise en compte des observations du comité scientifique et technique, de publication de l'étude d'impact et de rédaction périodique de rapports sur les impacts de l'activité autorisée.

Denis Duclos a estimé que les activités de recherche relatives aux ressources génétiques marines s'accompagnent également d'une procédure de notification relativement contraignante (cf. supra) qui exige des moyens humains et financiers importants. Il faudra donc s'assurer que cette charge administrative qui pèsera sur les chercheurs restera raisonnable. Un autre point de vigilance concerne le centre d'échange qui doit centraliser les déclarations préalables aux campagnes de collecte. S'il devenait un lieu où l'opportunité de la campagne était évaluée et, éventuellement, débattue, le principe même de la liberté de la recherche serait remis en cause.

Enfin, le BBNJ crée pas moins de quatre comités, sans compter l'organe scientifique et technique : le comité sur l'accès et le partage des avantages, le comité de renforcement des capacités et de transfert de technologies marines, le comité des finances et le comité de mise en oeuvre et de contrôle du respect des dispositions.

Ces instances devront disposer de ressources humaines, techniques et financières pour accomplir leurs missions. En outre, leur mise en place risque de prendre du temps puisque les États devront s'entendre sur la composition desdits comités. Or, la nomination de leurs membres revêt un caractère éminemment sensible compte tenu des missions qu'ils auront à exercer.

3. Les obstacles spécifiques auxquels risquent de se heurter certains outils prévus par le BBNJ

(a) Les obstacles à la création d'aires marines protégées efficaces

Rodolphe Devillers a expliqué que les aires marines protégées doivent remplir un certain nombre de conditions pour garantir réellement la conservation de la biodiversité marine dans les zones ne relevant pas de la juridiction nationale.

Il a insisté sur le fait que l'efficacité des aires marines protégées dépend de leur niveau de protection. Il a présenté plusieurs études scientifiques montrant que les aires marines protégées qui interdisent presque toute activité humaine sont les plus efficaces. À l'inverse, les aires marines protégées bénéficiant seulement d'une protection minimale ou légère (notamment en autorisant la pêche industrielle) n'ont aucun impact en pratique.

Or, selon lui, en matière d'aires marines protégées, les États ont tendance à privilégier la quantité (afin de respecter l'objectif de 30 % des mers et océans protégés) au détriment de la qualité. Il a estimé que la question du niveau de protection des aires marines protégées en haute mer se posera de manière encore plus cruciale compte tenu du poids de la pêche industrielle dans ces zones et de la fragmentation de la gouvernance en matière de conservation de la biodiversité entre les organisations sectorielles et régionales.

Klaudija Cremers a expliqué que le suivi et la surveillance des futures aires marines protégées sont indispensables pour garantir la mise en oeuvre effective des mesures adoptées. Or, ce contrôle dépend actuellement de la capacité et de la volonté politique des États de contrôler les activités des navires qu'ils ont immatriculés.

Denis Bailly a insisté sur la nécessité de pouvoir s'appuyer sur des connaissances scientifiques ex ante et sur l'observation in situ pour la mise en place d'aires marines protégées. Par exemple, l'analyse de la variation de la biomasse de zooplancton dans le dôme thermal a des implications sur la détermination de l'aire protégée. De même, la collecte de données sur les activités humaines et leur intensité (pêche, trafic maritime) permet d'objectiver la nature des pressions humaines et d'adopter les mesures les plus appropriées. Selon Klaudija Cremers, cette collecte des données peut être facilitée par l'accès aux données satellitaires, mais également par la mise en place de collaborations avec des instances mondiales et régionales qui disposent déjà de nombreuses données (telles que l'Organisation maritime internationale ou encore les organisations régionales de gestion de pêche).

Enfin, la coopération avec les États côtiers dont les ZEE seront mitoyennes des aires marines protégées envisagées devra également être privilégiée dans la mesure où la biodiversité comme la pollution ne connaît pas de frontière.

(b) Les obstacles à l'élaboration d'études d'impact environnemental

Sophie Arnaud-Haond a rappelé que la communauté scientifique dispose actuellement d'une connaissance très parcellaire de la diversité marine en milieu profond. Même sur la zone de Clarion Clipperton20(*) qui a fait l'objet du plus grand nombre d'études à ce jour, les états de référence permettant d'analyser et de quantifier l'impact de certaines activités sur les écosystèmes restent très incomplets. De même, le niveau actuel des connaissances scientifiques sur les écosystèmes de cette zone ne permet pas de prendre des décisions validées scientifiquement sur la pertinence et les conséquences potentielles de l'exploitation minière.

Aussi, en dépit de la procédure très formalisée mise en place par le BBNJ pour la réalisation d'études d'impact environnemental, Sophie Arnaud-Haond comme Pierre-Marie Sarradin ont souligné les limites desdites études pour garantir l'utilisation durable des ressources tant que les lacunes scientifiques liées à l'exploitation minière des grands fonds ne seront pas levées.

III. LES RECOMMANDATIONS

 Oeuvrer pour une entrée en vigueur rapide du BBNJ

La France accueillera en juin 2025 la prochaine Conférence des Nations Unies sur l'océan et s'est fixée comme objectif de pouvoir annoncer l'entrée en vigueur du BBNJ à cette occasion. Au-delà de l'intense travail diplomatique mené par le Gouvernement, les parlementaires, en particulier les membres de l'Office et des délégations aux outre-mer ainsi que les présidents et membres des groupes interparlementaires d'amitié, peuvent également agir en sensibilisant leurs homologues étrangers sur la nécessité de ratifier le BBNJ.

 Refuser l'application rétroactive du BBNJ

Le Parlement français doit prendre position pour que les dispositions concernant les activités relatives aux ressources génétiques marines ne s'appliquent pas aux ressources collectées avant l'entrée en vigueur de l'accord comme cela est prévu dans son article 10. En effet, une telle obligation pourrait créer une insécurité juridique pour les collections établies depuis parfois plusieurs siècles par certains établissements de recherche français. L'article 70 autorise les États à déroger au principe de rétroactivité en émettant une réserve au moment de la ratification de l'accord. Il conviendra donc de vérifier que le Gouvernement prévoit bien d'émettre cette réserve au moment de l'examen de l'accord par le Parlement.

 Imposer un moratoire sur l'exploitation minière des fonds marins

Lors du 28e conseil de l'Autorité internationale des fonds marins qui s'est tenu au printemps 2023, la France a lancé un appel à la constitution d'une large coalition d'États pour s'opposer à l'exploitation minière des fonds marins.

Depuis, 24 États dont la France ont décidé de soutenir l'idée d'un moratoire dans l'attente d'un progrès des connaissances scientifiques sur la biodiversité en mer profonde et d'études pertinentes sur l'impact des activités minières sur ces écosystèmes.

Le 29e conseil de l'Autorité internationale des fonds marins qui s'est tenu du 18 au 29 mars 2024 a été à nouveau l'occasion d'aborder cette question. La diplomatie française est fortement impliquée pour convaincre de nouveaux États à soutenir la proposition de moratoire. Il est important que les parlementaires français contribuent à ce travail de persuasion.

 Adopter une approche holistique de la conservation de la biodiversité

La protection de la biodiversité en haute mer se heurte au problème de sa gouvernance, à la fois lacunaire et fragmentée, aussi bien en termes géographiques qu'en termes sectoriels. Face à cette « cacophonie océanique », le BBNJ rappelle l'obligation, pour tous les États parties à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, de protéger et de préserver le milieu marin et prône la cohérence et la coopération entre les instruments et cadres juridiques ainsi que les organes mondiaux, régionaux, sous-régionaux et sectoriels pertinents.

Il conviendra donc de s'assurer que les décisions prises par les États dans les différentes organisations internationales dont ils sont membres ne soient pas contradictoires et tiennent compte de la nécessité de protéger la biodiversité en haute mer.

 Intensifier l'effort de recherche pour l'exploration des fonds marins

Les connaissances scientifiques sur les écosystèmes en milieu marin profond restent encore très partielles et ne permettent pas d'évaluer de manière totalement pertinente l'impact des activités, notamment minières, sur les zones ne relevant pas de la juridiction nationale. L'exploration des fonds marins exige d'investir dans des technologies de plus en plus perfectionnées et coûteuses telles que les drones, les robots autonomes sous-marins, ou les outils d'analyse des données. Afin de mieux appréhender la biodiversité en haute mer, il est également indispensable de combiner les observations in situ avec la modélisation.

Lors de la présentation du plan d'investissement d'avenir « France 2030 » en octobre 2021, le Gouvernement s'est engagé à investir 300 millions d'euros dans l'objectif « grands fonds marins ». Il est essentiel que les investissements annoncés soient réalisés21(*), voire amplifiés afin que la France conserve son statut de grande nation océanique.

 Renforcer le niveau de protection et la surveillance des activités dans les aires marines protégées

La mise en place d'un plan de gestion comprenant les mesures à adopter et décrivant les activités de suivi, de recherche et d'examen à mener pour atteindre les objectifs retenus est indispensable afin d'assurer l'efficacité des aires marines protégées.

Garantir un niveau de protection élevé des aires marines protégées ainsi qu'une surveillance effective des activités qui y sont réalisées est essentiel. Pour cela, il est indispensable de s'assurer de la capacité technique et de la volonté politique des États en matière de contrôle des navires battant leur pavillon. Le cas échéant, des coopérations peuvent être engagées avec les États du pavillon afin de les aider dans leur mission de contrôle. À défaut, le renforcement des contrôles portuaires pourrait compenser les difficultés rencontrées par certains États pour contrôler les navires battant leur pavillon. L'implication particulière d'un ou de plusieurs États dans la mise en place et le suivi d'une aire marine protégée est souvent une condition nécessaire pour garantir la conservation de la biodiversité.

Compte tenu de la superficie du domaine maritime français22(*), notre pays a une responsabilité particulière pour assurer ce leadership en matière de création et de surveillance des aires marines protégées. Pour cela, la France doit être exemplaire.

Certes, 33 % des eaux françaises sont couvertes par au moins une aire marine protégée en 2022. Toutefois, le terme d'aire marine protégée recouvre des situations très contrastées et très peu d'entre elles bénéficient dans les faits d'un niveau de protection élevé. Nous devons donc adapter notre politique de conservation de la biodiversité marine en privilégiant la qualité sur la quantité.

 Multiplier les démarches pédagogiques pour sensibiliser les populations à la conservation de la biodiversité en haute mer

Plusieurs dispositifs ont été mis en place, en particulier dans les zones côtières et dans les outre-mer, pour sensibiliser la population à la préservation du milieu marin dans les eaux territoriales et dans la zone économique exclusive. Des aires marines éducatives ont par exemple été instaurées en Polynésie, dont une aux îles Marquises.

Ces démarches pédagogiques pour sensibiliser les citoyens, au premier rang desquels les enfants et les adolescents, doivent être étendues aux zones ne relevant pas de la juridiction nationale. Certaines initiatives existent déjà, telles que le programme pédagogique « Mon lopin de mer », des jeux sérieux, des projets de science participative. Elles méritent d'être soutenues et amplifiées.

 Impliquer davantage les outre-mer dans la mise en place du BBNJ

Les communautés insulaires ont un rapport à l'océan qui contribue à sa protection. Elles sont également les premières intéressées par une protection efficace de la biodiversité marine.

Les outre-mer français se situent géographiquement à proximité de nombreux États dont l'investissement est majeur pour l'application effective du BBNJ tels que les États-Unis, le Japon, l'Australie, ou tous les États insulaires.

Le gouvernement français a donc tout intérêt à impliquer les outre-mer dans sa politique d'influence pour la défense de la biodiversité marine et la ratification du BBNJ, mais également de s'inspirer de certaines pratiques traditionnelles comme le rahui23(*) pour la mise en place de mesures garantissant la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique marine dans les zones ne relevant pas de la juridiction nationale.

TRAVAUX DE L'OFFICE

I. COMPTE RENDU DE L'AUDITION PUBLIQUE DU 29 FÉVRIER 2024

M. Stéphane Piednoir, sénateur, président de l'Office. - Bienvenue à cette audition publique de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) consacrée à la protection de la biodiversité en haute mer.

Au cours des dernières années, l'Office a publié plusieurs travaux sur la biodiversité, notamment le rapport de Florence Lassarade sur le réchauffement climatique et la biodiversité, et les notes scientifiques d'Annick Jacquemet sur le déclin des insectes et la pollution lumineuse, d'Hendrik Davi sur les espèces exotiques envahissantes et de Jérôme Bignon sur l'effondrement de la biodiversité.

En revanche, l'Office s'est assez peu penché sur la question des océans. Notre ancien collègue Roland Courteau a produit en 2011 un rapport sur la pollution en Méditerranée. Plus récemment, en 2021, la protection de la biodiversité au travers de la création d'aires marines protégées dans l'Antarctique avait été brièvement évoquée dans le cadre d'une audition publique sur la recherche française en milieu polaire organisée par Huguette Tiegna et Angèle Préville, sans pour autant être au coeur des débats.

Je salue par conséquent l'initiative de notre collègue Mereana Reid Arbelot, qui nous a proposé de consacrer l'entièreté d'une audition publique à la seule problématique, cruciale, de la protection de la biodiversité en haute mer. Il n'est guère étonnant que cette proposition soit venue d'une députée de Polynésie française, territoire particulièrement concerné par le sujet.

Avec près de 11 millions de km2 de zone économique exclusive (ZEE), la France possède le deuxième domaine maritime mondial, dont 97 % autour de ses outre-mer : cela explique que l'Office ait souhaité associer à cette audition publique les deux délégations aux outre-mer de l'Assemblée nationale et du Sénat.

La proposition de Mme Reid Arbelot s'inscrit dans le contexte historique de l'accord sur la conservation et l'utilisation durable de la biodiversité marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale, adopté par consensus en juin 2023 par les États membres de l'Organisation des Nations Unies.

Cette séance sera consacrée à l'approfondissement des enjeux scientifiques de ce traité. Comment garantir par exemple qu'il permettra réellement de protéger la biodiversité marine ?

Je rappelle que cette audition est diffusée en direct sur le site de l'Assemblée nationale et sera ensuite disponible en vidéo à la demande sur les sites de l'Assemblée nationale et du Sénat. Les internautes ont également la possibilité de soumettre des questions, que nous répercuterons auprès des intervenants lors des échanges qui suivront chacune des tables rondes.

M. Pierre Henriet, député, premier vice-président de l'Office. - Je souhaite remercier Mereana Reid Arbelot pour sa volonté de porter haut le sujet de la protection de la biodiversité en haute mer.

Des échéances en termes de coopération internationale interviendront en 2025 avec la conférence des Nations Unies sur l'océan qui se tiendra en France ; il est donc important que l'OPECST anticipe ces discussions futures et les positions françaises. Il sera intéressant, à l'issue de cette audition et une fois rendues les conclusions de la rapporteure, que l'Office sollicite le secrétaire d'État chargé de la mer et de la biodiversité pour appuyer l'ensemble de nos demandes d'un point de vue politique. Il faut en effet s'attacher à ce que les travaux de l'OPECST, à l'articulation entre les dimensions scientifiques et politiques, puissent faire émerger des réflexions au sein des ministères chargés de défendre les positions françaises dans le cadre de ces traités internationaux.

Mme Micheline Jacques, sénatrice, présidente de la délégation sénatoriale aux outre-mer. - La délégation sénatoriale aux outre-mer a pour mission d'éclairer le Sénat sur toute question relative aux outre-mer, de veiller à la prise en compte des spécificités ultramarines et de la diversité des territoires, et de contribuer à une meilleure visibilité des outre-mer.

Pour y parvenir, notre délégation est particulièrement soucieuse de développer des travaux transversaux. Cette invitation, dont je vous remercie, nous en fournit l'occasion, sur une thématique qui nous tient particulièrement à coeur.

Sous l'impulsion de mon prédécesseur Michel Magras, qui a consacré toute son énergie et sa passion à ce sujet, la délégation a organisé un cycle de colloques sur les biodiversités ultramarines, qui s'est ouvert le 31 mai 2018 par une session dédiée au bassin pacifique, s'est poursuivi le 6 juin 2019 par une conférence sur le bassin atlantique et s'est conclu le 23 avril 2020 par une séance sur le bassin de l'océan Indien. Ces manifestations ont réuni plus de 500 participants. Organisés en partenariat avec l'Agence française pour la biodiversité, devenue depuis le 1er janvier 2020 l'Office français de la biodiversité, ces colloques ont donné lieu à des contributions de grande qualité. La somme de ces travaux, consultables sur le site internet du Sénat, constitue une mine d'informations, toujours pleinement d'actualité.

Votre initiative sur la haute mer vient judicieusement prolonger ce travail parlementaire, dont les enjeux sont essentiels pour nos outre-mer. Je tiens, au nom de nos collègues, à vous en féliciter.

Nous souhaitons, comme vous, alerter sur les menaces, éclairer les potentialités et préparer le grand rendez-vous de 2025, qui sera l'année de l'océan en France et verra se tenir en juin à Nice la troisième conférence des Nations Unies sur l'océan.

Mme Mereana Reid Arbelot, députée, rapporteure. - Je suis particulièrement heureuse que l'OPECST se saisisse, à travers cette audition publique, du sujet ô combien important de la protection de la biodiversité marine en haute mer.

La haute mer représente plus de la moitié de la surface du globe et 64 % des océans. Bien que ne figurant sous la juridiction d'aucun État, elle n'est pas pour autant une zone de non droit. Son régime est défini par la convention des Nations Unies sur le droit de la mer, adoptée en 1982.

Concrètement, la haute mer est soumise à des droits tels que la liberté de navigation, de survol, de pose de câbles sous-marins, de pêche ou de recherche scientifique. Elle est également assujettie à des devoirs, parmi lesquels la protection et la préservation du milieu marin, consacrées dans la partie 12 de la convention des Nations Unies sur le droit de la mer.

La mise en oeuvre de la réglementation des activités en haute mer se heurte toutefois à plusieurs difficultés. Il convient tout d'abord de noter, comme le souligne la fondation Tara Océan, que le contexte politique, social, économique et environnemental de la haute mer a énormément évolué depuis que la constitution de l'océan mondial a été adoptée en 1982. Des concepts comme la biodiversité, le développement durable ou l'approche écosystémique n'en étaient alors qu'à leurs balbutiements, sans parler de notre compréhension du changement climatique.

La protection de la haute mer se heurte par ailleurs au problème de sa gouvernance, à la fois lacunaire et fragmentée, aussi bien en termes géographiques que sectoriels.

Face à cette cacophonie océanique, les membres des Nations Unies ont entrepris, à partir des années 2000, d'arrêter de nouvelles règles visant à garantir la conservation et l'utilisation durable de la biodiversité marine en haute mer. Après des années de négociations, un accord connu essentiellement sous son acronyme anglais BBNJ (Biodiversity Beyond National Jurisdiction) a été adopté par consensus en juin 2023.

La protection de la haute mer est importante non seulement en raison de la superficie qu'elle représente, mais aussi parce que les océans forment un tout, en dépit des frontières artificielles créées par le droit de la mer. Ainsi, les mesures prises par les États pour sauvegarder la biodiversité dans les zones relevant de leur souveraineté perdent une grande partie de leur efficacité si les zones situées au-delà des juridictions nationales ne sont pas protégées. Ni la faune, ni les pollutions ne connaissent les frontières administratives mises en place par la communauté internationale.

À cette conception territoriale de l'océan s'oppose la vision de nombreuses communautés insulaires, notamment océaniennes, qui considèrent l'océan comme un espace commun, pacifique, de communication entre les peuples, et dont elles apparaissent comme les gardiennes les plus légitimes. Parce que l'océan est au coeur de leur identité, elles ont développé des formes traditionnelles de gestion des ressources de l'océan adaptées à son caractère holistique, qui inspirent aujourd'hui la communauté internationale.

Ce n'est donc pas un hasard si les pays insulaires sont fortement impliqués dans la défense de la biodiversité des océans. En France, les outre-mer ont vocation à jouer un rôle moteur dans la promotion du BBNJ et le suivi de son application, dans la mesure où ils sont les premiers concernés par les conséquences délétères de la perte de biodiversité des océans.

Je rappelle que si le domaine maritime de la France couvre une superficie de plus de 10,2 millions de km2, 5,5 millions de km2 bordent la Polynésie, 1,7 million de km2 les terres australes et antarctiques et 1,4 million de km2 la Nouvelle-Calédonie. Les territoires ultramarins représentent ainsi 97 % du domaine maritime français.

Le changement climatique a des effets particulièrement négatifs sur les océans, qui se répercutent de manière violente sur les régions côtières et insulaires. Je rappelle à cet égard que l'une de mes initiatives en tant que députée a été de déposer en décembre 2023 avec mon collègue Marcellin Nadeau une proposition de résolution visant à adapter et mutualiser nos politiques publiques au changement climatique, à destination notamment des villes côtières et insulaires.

Cette audition publique va s'articuler autour de deux tables rondes. La première va s'intéresser aux enjeux scientifiques qui ont poussé à l'adoption du BBNJ et aux menaces liées aux activités en haute mer qui pèsent sur la biodiversité. La seconde se concentrera sur les conditions à réunir pour assurer l'efficacité du BBNJ.

Je souhaite remercier M. Jean-Marc Daniel, directeur général délégué chargé de la stratégie à Ifremer, et M. Joachim Claudet, directeur de recherche au Centre de recherches insulaires et Observatoire de l'environnement (CRIOBE) et conseiller pour l'océan au CNRS, pour leurs précieux conseils dans la préparation de cette audition publique.

À titre liminaire, je vais demander à M. Olivier Poivre d'Arvor, ambassadeur pour les pôles et les enjeux maritimes, d'intervenir pour replacer le BBNJ dans son contexte et nous présenter l'implication de la France pour son adoption et sa ratification.

M. Olivier Poivre d'Arvor, ambassadeur pour les pôles et les enjeux maritimes. - En tant qu'ambassadeur pour les pôles, je tiens à remercier tout d'abord l'OPECST de sa contribution majeure aux sujets polaires, qui a permis, à travers le One Planet Polar Summit organisé voici quelques mois, de replacer la recherche polaire française dans la cour des grands.

J'interviens également en tant qu'envoyé spécial du Président de la République pour l'organisation de la conférence des Nations Unies sur l'océan, qui se tiendra à Nice en juin 2025 et sera probablement la plus grande réunion jamais organisée à l'échelle internationale sur ce sujet majeur. Dans ce contexte, cette discussion cruciale sur les enjeux scientifiques liés à la protection de la biodiversité prend tout son sens.

Il s'agit en effet d'un enjeu majeur, en termes tout d'abord de superficie, puisque la haute mer représente quelque 65 % de la surface des océans, soit la moitié de la surface du globe. Cet écosystème est d'une richesse extraordinaire en termes de biodiversité et de ressources génétiques, mais recouvre également des enjeux économiques, sociaux et culturels extrêmement importants. Le message transmis par nos outre-mer nous invite à une implication absolument indispensable des peuples de l'océan dans la réflexion à mener sur la biodiversité marine. Les enjeux, incluant celui de la sécurité alimentaire, sont considérables.

Cette biodiversité est menacée par des activités humaines. La convention des Nations Unies de 1982 sur le droit de la mer comprenait différentes dispositions relatives à la haute mer, mais n'était pas allée très loin dans ce domaine, même si elle posait des principes fondamentaux en matière de protection de l'environnement.

En revanche, l'accord BBNJ adopté formellement par consensus aux Nations Unies le 19 juin 2023 après plus de quinze ans de négociations, dans un contexte géopolitique caractérisé par la guerre menée en Ukraine par la Russie, constitue une avancée majeure. Les enjeux étaient nombreux. Il fallait tout d'abord, sur un plan juridique, trouver un équilibre entre le respect des mandats et des compétences fixés par les cadres préexistants. Il importait en outre d'ouvrir la voie à une gouvernance multilatérale effective, inclusive de l'océan et prenant en compte les petits États insulaires très menacés par les effets du changement climatique. Cela renvoie d'ailleurs à votre audition sur les sujets polaires, puisque la trajectoire engagée devrait conduire, si elle n'est pas infléchie, à une augmentation du niveau de la mer de deux mètres environ d'ici 2100, due en partie à la fonte des inlandsis du Groenland et de l'Antarctique et au réchauffement de l'eau. Il était essentiel de prendre en considération les attentes des pays en développement, qui ont montré dans cette négociation l'importance qu'ils attachent à ce sujet et la place qu'ils entendent y prendre, en matière notamment de partage des richesses et des avantages issus de l'utilisation des ressources marines génétiques, qui représentent des revenus considérables. Il faut se féliciter d'avoir pu aboutir dans ce cadre.

Cet accord prévoit des outils de gestion que je trouve très innovants et ambitieux, avec la création d'aires marines protégées, la réalisation d'études d'impacts environnementaux et la mise en place d'un régime d'accès aux ressources génétiques marines.

Cela contribuera à répondre à l'objectif fixé lors de la COP15 de décembre 2022 d'aboutir à une protection d'au moins 30 % des mers et 30 % des terres d'ici 2030.

La France a signé le BBNJ dès le jour de la cérémonie d'ouverture au siège des Nations Unies, le 20 septembre 2023, marquant ainsi son fort engagement en faveur de la protection de la biodiversité. Nous continuons à vouloir apparaître comme un pays leader en la matière, ne serait-ce que par la responsabilité importante qui nous a été confiée par les Nations Unies d'organiser en juin 2025 la conférence précédemment mentionnée, et travaillons à encourager un maximum d'États à signer et ratifier cet accord au plus vite. L'engagement de la France s'est traduit très tôt par le lancement, lors de la présidence française de l'Union européenne, d'une coalition très efficace, qui réunit aujourd'hui quelque 60 États.

À ce jour, rien n'est encore gagné. 87 États seulement ont signé l'accord, ce qui est insuffisant, et il reste des étapes importantes à franchir pour que ce texte entre en vigueur. 60 ratifications sont nécessaires pour cela. Or aujourd'hui, seuls les Palaos et le Chili ont déposé leur instrument de ratification auprès des Nations Unies. Il est donc légitime, à la veille de la troisième grande conférence des Nations Unies sur l'océan, de s'inquiéter que le seuil des 60 pays ne soit pas atteint.

Pour la France, la ratification implique une autorisation parlementaire, conformément à l'article 53 de la Constitution. Je ne peux évidemment qu'encourager notre pays à s'engager dans cette voie le plus rapidement possible. Cela suppose toutefois de travailler de façon concomitante à une ratification de l'Union européenne : nous espérions que l'UE pourrait ratifier l'accord lors de la session actuelle du Parlement européen, mais il semble que cela soit difficile, voire impossible. La ratification simultanée de l'UE et de ses États membres n'est donc pas acquise. Il faut par conséquent poursuivre le travail, auprès notamment des parlementaires européens et de la Commission européenne. Une ratification prochaine, sous cette législature ou juste après les élections européennes, est souhaitable. Il faut en effet que nous, Européens, donnions un signal fort aux autres pays pour qu'ils ratifient cet accord.

L'Union européenne s'est engagée à mobiliser 40 millions d'euros dans le cadre d'un programme mondial pour l'océan, afin d'aider les pays en développement à se préparer à la ratification, car cela nécessite un important travail juridique et implique des coûts de mise en oeuvre.

Il est très important à nos yeux que cette ratification intervienne dans les plus brefs délais. Toutes les actions que vous pourrez entreprendre dans ce cadre auprès des députés européens seront assurément très utiles.

La protection de la biodiversité ne se limite pas à ce sujet. La France a notamment pris une position très marquée et remarquée sur la question de l'exploitation des grands fonds marins, partagée avec les territoires d'outre-mer, qu'il s'agisse de la Polynésie ou de la Nouvelle-Calédonie. Le Président de la République a ainsi souhaité porter l'idée, pour notre propre zone économique exclusive mais aussi au-delà, dans le cadre de la négociation d'un accord sur l'établissement d'un code minier, d'un moratoire visant à s'assurer que l'exploitation des fonds marins envisagée n'impactera pas fortement cet environnement.

Il s'agit d'un sujet crucial, assez technique, sur lequel votre action est tout à fait déterminante. Je tiens à vous remercier de porter cette dynamique à un niveau politique.

PREMIÈRE TABLE RONDE
LE BBNJ POUR FAIRE FACE AUX MENACES PESANT SUR LA BIODIVERSITÉ LIÉES AUX ACTIVITÉS EN HAUTE MER

Mme Mereana Reid Arbelot, députée, rapporteure. - La première table ronde va mettre en lumière les menaces liées aux activités en haute mer qui pèsent sur la biodiversité.

Nous accueillons tout d'abord Pascale Ricard, chargée de recherche CNRS au Centre d'études et de recherches internationales et communautaires. Sa thèse, couronnée de plusieurs prix, portait sur la conservation de la biodiversité dans les espaces maritimes internationaux, alors que le BBNJ était encore en négociation. Entrée au CNRS en 2019, elle a orienté ses travaux principalement vers le droit international de la mer, de l'environnement, mais aussi le droit international public général et le droit des organisations internationales. Mme Ricard va nous présenter le contenu du traité BBNJ, ainsi que la manière dont celui-ci s'articule avec l'existant. Je vous remercie, Madame, d'avoir pris sur votre temps de congé pour partager avec nous par visioconférence votre excellente connaissance du BBNJ.

Mme Pascale Ricard, chargée de recherche CNRS au Centre d'études et de recherches internationales et communautaires (CERIC). - Je tiens tout d'abord à rappeler que l'adoption du BBNJ est l'aboutissement d'un processus de longue haleine. C'est en effet en 2004 que l'Assemblée générale des Nations Unies a formulé ses premières préoccupations concernant la conservation et l'utilisation durable de la biodiversité dans les espaces maritimes internationaux et que les États se sont interrogés sur le caractère suffisant ou non du droit international en la matière. Cela a ensuite conduit progressivement à la négociation formelle du texte, qui a duré cinq ans, de 2018 à 2023, ce qui est relativement court, après un important travail préparatoire de plus de quinze ans.

Cet accord concerne 65 % de la surface des océans et près de la moitié de la surface de la Terre. Son champ d'application spatial porte sur la haute mer, c'est-à-dire la colonne d'eau située au-delà des 200 milles nautiques de la zone économique exclusive des États, mais aussi la zone internationale des fonds marins que constituent le sol et le sous-sol sous-jacents à la haute mer. Cet accord marque donc une tentative de défragmentation des espaces maritimes, avec une mise en commun des espaces maritimes internationaux que sont la haute mer et la zone internationale des fonds marins. Cela pose quelques questions en termes d'articulation avec d'autres textes. Nous y reviendrons.

L'accord contient principalement des dispositions relatives à quatre champs thématiques, identifiés dès 2011 par les États comme un package deal, avec des éléments pour lesquels des lacunes pouvaient être relevées en matière de droit de la mer.

Cela concerne tout d'abord les outils de gestion par zone, y compris les aires marines protégées. Aucun instrument juridique ne permet actuellement de créer des aires marines protégées en haute mer. Seules certaines conventions régionales ont cette capacité.

Le deuxième champ est celui des études d'impact environnemental. Les États ont certes une obligation générale de réaliser de telles études, mais comme aucune procédure spécifique n'était jusqu'alors prévue à cet effet, cette obligation n'était pas respectée.

De la même manière, l'utilisation des ressources génétiques marines, au fort potentiel économique, dans les domaines par exemple de la médecine ou des industries cosmétiques, n'était régie par aucune norme, si bien que le principe du « premier arrivé premier servi » primait.

Enfin, le quatrième volet est relatif au renforcement des capacités des pays en développement et au transfert des technologies.

Nous allons à présent, avant de nous intéresser à l'articulation avec l'existant, examiner ce que prévoit le BBNJ pour chacun de ces éléments.

Concernant les outils de gestion par zone et les modalités de création d'aires marines protégées, les États pourront, lorsque l'accord sera en vigueur, désigner collectivement ou individuellement des aires protégées ou tout autre outil de gestion par zone. Leurs propositions devront alors contenir toutes les informations nécessaires à la désignation des zones concernées, y compris les mesures de conservation et les mesures de contrôle associées afin d'assurer leur effectivité. Cette procédure inclut la consultation et la collaboration avec toutes les parties prenantes concernées, une évaluation par un organe scientifique et technique et une adoption de ces mesures par la conférence des parties du nouvel accord, par consensus ou vote à la majorité des trois quarts, afin d'éviter toute situation de blocage telle que celles rencontrées dans le cadre du système relatif à l'Antarctique.

Les États ont négocié une possibilité d'opt-out leur permettant, dans certaines circonstances et si cela est justifié, de demander à être exemptés des mesures de conservation décidées. Cette possibilité est toutefois assez encadrée. Ces outils de gestion par zone vont permettre de mettre en oeuvre les objectifs adoptés lors de la COP15, dans le cadre de la convention sur la diversité biologique de décembre 2022, et notamment de créer 30 % d'aires marines et terrestres protégées d'ici 2030.

Si l'obligation de réaliser des études d'impact environnemental existait déjà, aucune procédure relative aux activités dans les espaces maritimes internationaux n'était prévue. Le seuil reste élevé : la réalisation de telles études ne sera en effet exigée qu'en cas de risque de pollution importante ou de modifications considérables et nuisibles du milieu marin. La procédure définie dans le BBNJ comporte des éléments tels que la consultation des parties prenantes au sens large, la transparence et la prise en compte des États potentiellement affectés parce qu'ils sont côtiers ou mènent des activités dans les espaces concernés. La procédure est intéressante car elle prévoit une prise en considération des impacts cumulés des différentes activités conduites en mer, y compris des changements climatiques, ainsi que des évaluations stratégiques d'impact. Il convient par ailleurs de noter que le dernier mot appartient à l'État, qui peut décider de déployer ou non son activité à la lumière de l'étude d'impact environnemental. Il doit toutefois avoir « fait tous les efforts raisonnables pour que l'activité puisse être menée d'une manière compatible avec la prévention des impacts néfastes importants sur le milieu marin ».

Je ne développerai pas, faute de temps, les éléments relatifs aux ressources génétiques marines, à l'accroissement des capacités des pays en développement et au transfert de technologies, sur lesquels nous reviendrons, je suppose, lors des échanges.

Il faut savoir que le nouveau traité n'arrive pas dans un espace vierge, mais va chevaucher des règlementations qui existent déjà en matière de navigation, d'exploration et d'exploitation des fonds marins ou de pêche. Pour articuler ce texte avec l'existant, les États ont consacré d'emblée le principe de ne pas porter atteinte aux instruments juridiques pertinents et de favoriser la cohérence et la coordination. Des dispositions relatives à la coopération ont donc été introduites. Il est en effet difficile de parler de protection de la biodiversité en écartant les questions relatives à la pêche ou à l'exploration et l'exploitation des fonds marins. L'une des dispositions particulièrement intéressantes à cet égard est celle de l'article 22, qui prévoit que « la Conférence des parties mène des consultations avec les institutions compétentes et formule des recommandations quant à l'articulation de leurs compétences ».

Des outils spécifiques sont également prévus : il est par exemple indiqué que les aires marines protégées ne doivent pas diminuer l'effectivité des mesures de conservation adoptées dans d'autres cadres. Des recommandations visent par ailleurs à promouvoir l'adoption de mesures pertinentes dans d'autres cadres.

Pour ce qui est des études d'impact environnemental, des systèmes d'équivalence, de transparence et de publication sont prévus.

Cette question de l'articulation du traité avec l'existant est un enjeu très important, puisque les compétences de l'Autorité internationale des fonds marins ou des organisations régionales de gestion des pêches par exemple chevauchent en partie les éléments qui devraient être règlementés dans le cadre du BBNJ. Le champ d'application de ce nouveau traité demeure donc relativement limité et dépendant de l'effectivité des autres régimes de conservation de la biodiversité.

Mme Mereana Reid Arbelot, députée, rapporteure. - La parole est à Denis Duclos, directeur des relations européennes et internationales au Muséum national d'histoire naturelle, qui va évoquer la place de la science dans le BBNJ. Elle y apparaît comme un outil d'aide à la décision, notamment dans l'élaboration des aires marines protégées ; mais le BBNJ tend également à règlementer les activités scientifiques dans le cadre de la protection des ressources génétiques marines, ainsi que les informations de séquençage numérique acquises à partir de ces ressources.

M. Denis Duclos, directeur des relations européennes et internationales au Muséum national d'histoire naturelle (MNHN). - Mon intervention s'inscrit dans le prolongement de l'exposé précédent, puisque je vais vous proposer une lecture de l'accord au regard de ses enjeux scientifiques. Le BBNJ accorde une place importante à la science et lui assigne différents rôles. Dans le cadre des analyses menées au Muséum national d'histoire naturelle, nous en avons distingué trois : un outil d'aide à la décision, un outil d'aide à la coopération et un objet de réglementation.

Je souhaite avant tout mettre l'accent sur le fait que la science est une composante incontournable du BBNJ. Pour le démontrer, j'utilise un indicateur relativement basique, consistant à comptabiliser dans le texte les occurrences des termes « recherche », « science » et « scientifique ». J'ai obtenu un résultat de 132 occurrences. Sachant que l'accord compte seulement 57 pages, annexes comprises, on peut affirmer que les mots recherchés y sont très présents.

Ce critère quantitatif doit nécessairement être couplé à un indicateur qualitatif. Ainsi, la liberté scientifique maritime et l'utilisation des meilleures données scientifiques disponibles sont consacrées dans les alinéas c et i de l'article 7 et doivent permettre d'atteindre les objectifs de préservation et de conservation de la biodiversité en haute mer fixés dans l'accord. Il y est fait mention très précisément de « la liberté de la recherche scientifique conjuguée aux autres libertés de la haute mer » et il est indiqué que « l'utilisation des meilleures connaissances et informations scientifiques disponibles concourt à l'atteinte des objectifs du présent accord ».

L'accord BBNJ assigne à la science un rôle d'outil d'aide à la décision. Ceci se matérialise notamment par l'instauration d'un organe scientifique et technique composé de membres siégeant en qualité d'experts, qui doit refléter une expertise multidisciplinaire et fournir des avis et recommandations scientifiques et techniques à la conférence des parties. En ce sens, cet organe a un rôle fondamental.

Signalons également, à l'article 46 de l'accord, l'instauration d'un comité de renforcement des capacités et de transfert de techniques marines, qui sera lui aussi très probablement constitué de scientifiques.

L'organe scientifique et technique mentionné précédemment interviendra tout particulièrement dans la mise en place des outils de gestion par zone, y compris les aires marines protégées, à tous les stades de leur existence, c'est-à-dire lors de leur création, au cours de leur gestion et à l'occasion de leur révision périodique. Cet organe aura un rôle de premier plan lorsque des mesures d'urgence devront être prises, en cas de menaces particulièrement graves sur la biodiversité située en haute mer. Ceci étant, le dernier mot appartient aux États, ainsi que l'a indiqué Mme Ricard précédemment.

Cet organe est également central dans le domaine des études d'impact environnemental. L'article 38, qui les encadre, lui donne en effet l'obligation d'élaborer des « normes et lignes directrices sur les évaluations d'impact sur l'environnement ». Il appartiendra en outre à cet organe de déterminer des seuils pour la réalisation des contrôles préliminaires. Il pourra enfin, le cas échéant, émettre une liste indicative non exhaustive d'activités qui requièrent ou non une étude d'impact environnemental.

La science est également considérée dans cet accord comme un outil d'aide à la coopération. Cela est très clair en matière de renforcement des capacités et de transfert de technologies marines comme vient de le présenter Mme Ricard. L'article 46 de l'accord indique ainsi que les parties doivent veiller à renforcer les capacités scientifiques et techniques marines, notamment dans le cadre de l'élaboration de programmes techniques, scientifiques et de recherche et développement.

Cette dimension apparaît également dans le principe d'un partage juste et équitable des avantages découlant des activités relatives aux ressources génétiques marines. Cela concerne notamment les avantages non monétaires, dans lesquels la science dispose d'une place centrale avec la mise en place de projets de recherche pour les scientifiques et les chercheurs, et l'affirmation d'un accès libre à des données scientifiques faciles à trouver, accessibles, interopérables et réutilisables (dites « données FAIR »).

Ainsi, la science, soit de façon autonome, soit via l'organe scientifique et technique, est centrale dans les quatre piliers de l'accord BBNJ.

Elle est enfin un objet de réglementation. La science fait en effet partie du périmètre du BBNJ, à la différence des pêcheries. On peut d'ailleurs s'interroger sur la pertinence de l'inclusion de l'une et de l'exclusion des autres ; mais ceci est un autre débat.

Au titre du BBNJ, les scientifiques doivent effectuer des déclarations préalables à toute campagne de collecte de ressources génétiques et transmettre, par la suite, des informations sur les résultats de collecte.

Mais les délais prévus dans l'accord sont difficilement tenables pour la transmission des résultats. De même, il y a un point de vigilance à souligner sur le rôle du clearing house mechanism chargé de recenser et centraliser les déclarations préalables des chercheurs. Si ce dispositif se contente d'être un lieu de stockage des déclarations, alors il n'y aura pas de problème. Si en revanche il dérive vers une structure devant évaluer l'opportunité des campagnes de collecte, alors cela risque fort de remettre en jeu la liberté scientifique. Il existe par ailleurs, dans toute campagne de recherche, un degré d'imprédictibilité. Il est très difficile d'anticiper, dans le cadre des informations préalables à fournir, l'ensemble des découvertes auxquelles la recherche pourra donner lieu.

Je terminerai en évoquant un point particulièrement sensible pour le Muséum national d'histoire naturelle, à savoir l'impossibilité pour lui de mettre en oeuvre la rétroactivité de l'accord, dont l'article 10 du BBNJ fait une règle de droit commun. Ceci étant, les États ont la possibilité d'y déroger en activant l'article 70. Ce principe de rétroactivité est intenable pour une institution comme le Muséum national d'histoire naturelle, dont les collections parfois très anciennes s'élèvent à 68 millions d'items, dont certains issus de la haute mer et peu ou pas référencés. Si la France ne demandait pas à bénéficier sur ce point de la possibilité d'opt-out lors de la ratification de l'accord, cela pourrait avoir des conséquences très difficiles pour le MNHN.

Mme Mereana Reid Arbelot, députée, rapporteure. - Je vais donner la parole à Robert Blasiak, professeur américano-suédois associé au Stockholm Resilience Centre. Après avoir étudié aux États-Unis, en Suède et au Japon, M. Blasiak concentre désormais ses travaux de recherche sur la gestion des ressources océaniques, en particulier sur l'utilisation durable et équitable des ressources génétiques marines. Il va nous expliquer ce que l'on entend par « ressources génétiques marines » et les différentes façons dont elles sont utilisées et commercialisées. Il va également nous éclairer sur le concept d'informations de séquençage numérique de ces ressources et sur les questions d'équité et de partage des avantages qui en découlent.

M. Blasiak s'exprimant en anglais, une traduction simultanée de ses propos est disponible.

M. Robert Blasiak, professeur associé au Stockholm Resilience Centre, Université de Stockholm (Suède). - Mon exposé va s'inscrire dans la droite ligne des présentations précédentes, mais mettra l'accent sur les ressources génétiques marines (RGM). Ces RGM sont désormais définies juridiquement : il s'agit de « tout matériel marin d'origine végétale, animale, microbienne ou autre qui contient des unités fonctionnelles de l'hérédité ayant une valeur effective ou potentielle ».

Au-delà de ce jargon juridique, je souhaite prendre quelques instants pour évoquer la valeur de ces ressources, qui les utilise, à quelles fins et quel est leur lien avec le BBNJ.

Les RGM sont utilisées notamment pour le développement d'enzymes permettant la synthèse de biocarburants, ou le marquage et le découpage de fragments d'ADN, mais aussi pour la fabrication de cosmétiques, de peintures ou revêtements anti-salissures, d'adhésifs, d'antibiotiques, d'antiviraux ou encore pour la bioremédiation. La biotechnologie marine est ainsi utilisée pour contribuer à la résolution de problèmes et à la fabrication de produits utiles.

Je me suis lancé le défi de représenter graphiquement cette valeur. Le schéma montre le nombre d'années nécessaires au développement de ces innovations, ainsi que les différentes catégories, en partant à gauche de celles qui peuvent être développées le plus rapidement pour aller, à droite, jusqu'à celles dont la mise au point et l'acceptation par des instances comme la Food and Drug Administration (FDA) ou l'Anses peuvent nécessiter des décennies.

La diapositive suivante présente cinq médicaments à base de ressources génétiques : les gains cumulés générés par leur commercialisation durant la période 2011-2020 s'élèvent à près de 12 milliards de dollars. Seuls 15 médicaments à base de RGM ont reçu une autorisation de mise sur le marché (AMM) ; 43 autres sont en phase 1, 2 ou 3 d'essais cliniques et pourraient recevoir une AMM dans les prochaines années.

Une étude a montré que 10 pays représentaient 90 % des brevets associés à des ressources génétiques marines, incluant des RGM provenant d'eaux internationales. Cela montre l'intérêt commercial de ces ressources et éclaire le processus d'innovation. Cette situation est susceptible de changer avec les négociations et la mise en oeuvre du BBNJ. Des articles publiés voici quelques années montrent qu'environ 800 espèces et plus de 12 000 séquences d'ADN étaient référencées dans les brevets en 2017.

De nombreux pays ne participent pas à cette activité d'innovation. Les dix pays leaders concentrent 98 % des ressources marines présentes dans les brevets, ce qui soulève des questions d'équité et de justice et rend la tâche des négociateurs particulièrement ardue. La diapositive suivante représente des espèces des fonds marins et les relie aux pays qui en sont les plus grands utilisateurs. On observe que certains pays sont très largement représentés.

L'article 7 du BBNJ pose des principes absolument essentiels, dont ceux de pollueur-payeur et de patrimoine commun de l'humanité. La convention mentionne également la liberté de la recherche scientifique marine, conjuguée aux autres libertés relatives à la haute mer, ainsi que le principe d'équité et de partage juste et équitable des avantages obtenus. Il existe ici une composante économique importante.

Quand les avantages obtenus, monétaires ou non, seront-ils partagés ? Il est très difficile d'avoir une vision claire de cette question. Cela suppose tout d'abord que l'accord BBNJ entre en vigueur. Les plus optimistes pensent que cela interviendra en 2025 ; il est toutefois plus probable, si l'on se base sur l'exemple d'autres accords multilatéraux, que cela n'ait lieu que dans quatre à sept ans. Cela demandera beaucoup d'efforts et de nombreuses personnes y travaillent d'arrache-pied. Une fois l'accord entré en vigueur, il faudra constituer le comité sur l'accès et le partage des avantages, composé de quinze membres élus par la première conférence des parties (COP). Ce comité formulera des recommandations à l'attention de la COP sur les taux et les mécanismes à utiliser pour partager les avantages monétaires tirés de l'utilisation des RGM et des informations de séquençage numérique. Sur cette base, la COP décidera des modalités de partage des bénéfices.

Dans l'intervalle, le partage des avantages non monétaires est une priorité, au même titre que le renforcement des capacités et le transfert de la technologie marine, ainsi que l'établissement du centre d'échange (clearing house mechanism) et d'identifiants de lots normalisés.

De nombreuses questions restent en suspens. Même s'il existe un risque réel que cela sape les recherches, il est essentiel de nous assurer que les fruits de cet accord seront équitablement partagés.

Je termine en vous présentant deux graphiques qui selon moi démontrent pleinement l'urgence d'avancer sur ces points. À gauche est représentée l'évolution du coût du séquençage de l'ADN, qui est passé de 6 000 dollars en 2001 à environ 1 centime aujourd'hui. Nous avons parallèlement mis en place des bases de données d'informations de séquençage numérique, qui ont connu une augmentation phénoménale en vingt ans. Cela ne va pas ralentir durant la période de ratification de l'accord. La technologie continue à avancer.

Mme Mereana Reid Arbelot, députée, rapporteure. - Le prochain intervenant est Pierre-Marie Sarradin, chercheur à l'Ifremer, qui va nous parler de l'exploration des écosystèmes marins pour les connaître et les protéger.

M. Pierre-Marie Sarradin, chercheur à l'Ifremer. - Je n'aborderai pas dans ma présentation l'aspect règlementaire, mais me concentrerai sur le volet écologique du sujet. À partir de quelques exemples portant sur la compréhension du fonctionnement des écosystèmes marins, je tenterai d'effectuer un parallèle avec ce que nous allons faire avec l'Autorité internationale des fonds marins (AIFM) ou en matière d'accès et de partage des avantages.

Le milieu marin profond commence à être connu depuis une cinquantaine d'années seulement. La photographie en bas à gauche de la diapositive est celle d'un écosystème de nodules polymétalliques, situé sur les plaines abyssales à quelque 5 000 mètres de profondeur. Cet écosystème est basé sur la photosynthèse : la production primaire formée en surface va sédimenter et nourrir ces organismes.

En haut à droite de l'image, nous voyons une dorsale médio-océanique, avec une source hydrothermale. Cela a donné lieu à une découverte majeure en biologie marine : il faut savoir en effet que ces écosystèmes ne dépendent pas de l'énergie solaire, mais de l'énergie chimiosynthétique. Le flux hydrothermal très chaud permet ainsi à des microorganismes de former la production primaire qui va nourrir des « oasis de fond de mer », selon l'expression utilisée pour les décrire lors de leur découverte, dans les années 1970. C'est également dans ces écosystèmes extrêmes que l'on trouve les microorganismes les plus thermotolérants existant sur Terre, qui vivent dans un environnement à 122 degrés.

L'image de gauche a été prise dans le canyon de Lampaul, dans le golfe de Gascogne, qui présente des écosystèmes de coraux profonds fortement affectés par la pêche profonde.

En bas de cette mosaïque, vous pouvez apercevoir des organismes étranges mesurant entre un millimètre et 300 microns, regroupés sous le terme de méiofaune. Nous connaissons de plus en plus de ces organismes, car nous sommes désormais capables de les chercher, ce qui n'était pas le cas auparavant.

On observe une très grande diversité d'écosystèmes au fond de la mer. Si 80 % de ces espaces sont constitués par la plaine abyssale, on observe également des écosystèmes hydrothermaux sur les dorsales médio océaniques, des écosystèmes chimiosynthétiques associés à des émissions de méthane sur les zones de subduction, des coraux profonds sur les talus, notamment sur les monts sous-marins situés en Polynésie. Il arrive en outre parfois que des apports organiques massifs, sous forme de bois ou de carcasses de baleines, soutiennent des écosystèmes particuliers pendant dix, vingt ou trente ans. Il est important de garder en tête cette grande variabilité spatiale, qui fait que l'on ne retrouve pas les mêmes écosystèmes dans les différents océans.

Ces écosystèmes sont encore relativement peu connus en raison des difficultés d'accès. Une source hydrothermale occupe par exemple environ le volume de cette salle : la trouver dans l'océan nécessite de disposer d'outils d'exploration et de cartographie adaptés. Étudier ces organismes nécessite d'avoir accès à des technologies de pointe.

Dans les années 1930, un ornithologue et un ingénieur américains, William Beebe et Otis Barton, eurent l'idée folle d'aller explorer les fonds marins avec leur bathysphère et établirent le premier record de plongée à 950 mètres de profondeur.

Dans les années 1960, le professeur Auguste Piccard plongea à 11 000 mètres de profondeur dans la fosse des Mariannes avec son bathyscaphe le Trieste. Ont ensuite été développés les submersibles scientifiques comme le Nautile, capables de plonger à 6 000 mètres de profondeur. Puis est venu l'avènement des robots, qui se poursuit aujourd'hui avec le ROV (remotely operated vehicle) Victor 6000 par exemple, engin filoguidé qui, à la différence d'un submersible habité qui reste huit heures sur le fond, peut y travailler pendant trois jours, ce qui ouvre des possibilités considérables.

Dans les années 2010 s'est posée la question de la dynamique temporelle. Une campagne océanographique donne en effet une photographie d'un écosystème à un instant t. Ce constat a conduit au déploiement d'observatoires en mer qui permettent, grâce aux capteurs fixés sur le fond pendant plusieurs années, d'avoir accès à cette dynamique temporelle.

Actuellement, on développe de plus en plus d'engins autonomes. Ulyx, dernier-né de la flotte océanographique française, a ainsi pour vocation d'effectuer des opérations de cartographie, de prélèvement et de photographie, de façon totalement autonome.

Nous avons la chance, pour mettre en oeuvre ces outils, de bénéficier en France d'une « très grande infrastructure de recherche » (TGIR), la flotte océanographique française, qui gère les navires et les submersibles. Le Pourquoi pas ?, navire amiral de cette flotte, mesure 107 mètres de long et présente la double particularité de pouvoir mettre en oeuvre les submersibles et d'abriter un laboratoire embarqué de 250 m2, avec des salles blanches et des zones où il est possible de maintenir les organismes en vie.

Les écosystèmes marins profonds sont parfois qualifiés de « dernière frontière de notre planète ». En matière de biodiversité, on connaît environ 250 000 espèces marines mais on estime qu'il reste entre un et dix millions de nouvelles espèces à découvrir. Les études menées portent notamment sur l'adaptation des animaux et microorganismes marins à ces environnements extrêmes et variables. Nous nous intéressons également de plus en plus au rôle de ces écosystèmes dans le fonctionnement global de l'océan, dont la compréhension permettra d'évaluer les impacts d'une exploitation potentielle. Nous abordons enfin des questions de sécurité, dans la mesure où de nombreux câbles sont susceptibles de passer dans les grands fonds.

Les ressources convoitées sont essentiellement pétrolières, bien qu'actuellement en décroissance, et minérales.

Dans ce contexte, l'Ifremer a, en tant qu'établissement public industriel et commercial (EPIC), une mission d'appui à la politique publique et est gestionnaire pour la France de deux contrats d'exploration en haute mer, l'un pour les nodules polymétalliques, l'autre pour les sulfures polymétalliques sur la dorsale médio-atlantique. C'est dans ce cadre que nous participons à l'acquisition de connaissances, à l'évaluation des lignes de base environnementales et à l'écriture de la réglementation du code minier.

Le processus d'accès et partage des avantages (APA) règlemente l'accès aux ressources génétiques dans les zones économiques exclusives des pays. Il est assez similaire dans son principe au processus défini par le BBNJ, mais se limite aux ZEE. Des travaux sont en cours, à l'Ifremer notamment, pour assurer la traçabilité des échantillons, qui serviront de base à la mise en place du BBNJ.

Quels sont les enjeux de connaissance relatifs à ces écosystèmes marins profonds ? Disposer de connaissances fondamentales est nécessaire pour en comprendre le fonctionnement et appréhender l'impact de leur exploitation potentielle. La science permettra de construire des outils de gestion pertinents et de servir de base à l'élaboration de la réglementation.

Mme Mereana Reid Arbelot, députée, rapporteure. - La dernière intervenante de cette première table ronde est Mme Mariana Travassos Tolotti, chercheuse d'origine brésilienne qui travaille à l'Institut de recherche pour le développement au sein de l'UMR Marbec (Marine Biodiversiy, Exploitation and Conservation). Sa présentation portera sur les manières de concilier la conservation de la biodiversité marine et l'exploitation des ressources halieutiques hauturières.

Mme Mariana Travassos Tolotti, chercheuse IRD (Institut de recherche pour le développement) à l'UMR Marbec (Marine Biodiversity, Exploitation and Conservation). - L'homme exploite les ressources halieutiques hauturières depuis de nombreuses décennies, essentiellement au travers de la pêche industrielle. Le principal mode d'exploitation est la pêche thonière, avec des captures dépassant 5 millions de tonnes par an depuis 2018. Plusieurs techniques de pêche sont utilisées dans ce cadre, mais les senneurs sont les navires qui capturent les plus gros volumes de thon.

La France est présente dans les océans Atlantique et Indien. En 2021, sa flotte, essentiellement composée de thoniers senneurs, capturait 17 % des thons pêchés dans l'Atlantique et 6 % des thons pris dans l'océan Indien. Ces pêcheries revêtent une importance économique assez élevée. Les 20 navires qui composent la flotte française sont responsables de 11 % des revenus de la pêche nationale.

La pêche thonière entraîne un coût élevé pour l'écosystème. Parmi les principaux impacts négatifs de la pêche en haute mer, citons la capture et la mortalité d'espèces sensibles telles que les requins, les raies et les tortues marines. Les filets maillants, les palangriers et les senneurs sont les techniques qui causent le plus d'effets négatifs. Malheureusement, le manque de données rend difficile une estimation globale du nombre d'espèces sensibles indûment capturées. Une étude très récente menée dans l'océan Pacifique ouest a évalué à 1,8 million le nombre de requins capturés par les palangres en 2019 et à 100 000 le nombre de requins victimes de la pêche à la senne.

Un autre impact important est celui de la pollution plastique, principalement générée par des engins abandonnés ou perdus. Dans ce contexte, le principal facteur est le déploiement, chaque année, d'environ 120 000 dispositifs de concentration de poissons (DCP) par la pêche à la senne. 20 % environ de ces DCP s'échouent sur la côte, risquant ainsi d'endommager des habitats côtiers sensibles comme les récifs coralliens. Le reste coule probablement dans les eaux profondes et devient du déchet plastique.

La pêche a également un impact négatif sur les espèces cibles. Les thons sont biologiquement assez résistants, mais une gestion inadéquate peut conduire à une surexploitation des stocks. Actuellement, 17 % des stocks de thons sont considérés comme surexploités et 22 % nécessitent une attention particulière. Il n'en demeure pas moins que 86 % des captures de thons proviennent de stocks en bonne santé.

En pratique, le BBNJ a exclu la pêche de son champ d'application. Ainsi, la pêche commerciale ne sera pas interdite dans les futures aires marines protégées, mais le BBNJ appelle néanmoins à une « utilisation durable » des ressources halieutiques. Les organisations régionales de gestion des pêches (ORGP) restent souveraines dans la gestion de la pêche hauturière, mais doivent faire coïncider leurs objectifs avec cette dimension d'utilisation durable et travailler en collaboration.

Les ORGP sont des organisations internationales créées pour gérer et conserver les thons et d'autres espèces pêchées, par association entre plusieurs États. Elles comptent entre 20 et 48 pays membres, dont des États côtiers et des États lointains. Ce cadre exige une collaboration entre des pays ayant des objectifs et des intérêts très divers, ce qui est extrêmement complexe.

Les processus de gestion des ORGP reposent essentiellement sur des évaluations de stocks individuels. Malgré cela, force est de constater que les stocks sont exploités de manière non durable. Il convient toutefois de reconnaître que toutes les ORGP ont désormais intégré l'approche écosystémique dans leur mandat et prennent des mesures de conservation pour les espèces sensibles. Mais peu de ces dispositions prennent vraiment en compte les aspects multifactoriels d'une gestion des pêcheries basée sur les écosystèmes.

La gestion durable de la pêche hauturière constitue un réel défi. La méthode de gestion focalisée sur l'évaluation de stocks individuels peut en effet avoir des impacts involontaires sur d'autres composantes de l'écosystème. À titre d'exemple, le thon albacore indien est surpêché depuis plusieurs années. Afin de tenter de reconstituer le stock, la commission du thon de l'océan Indien a mis en place depuis 2017 un quota pour la pêche à la senne. Face à cette nouvelle mesure, la flotte française a adapté sa stratégie de pêche en réduisant la capture sur les bancs libres composés essentiellement de gros individus de thons albacores et en pêchant davantage sur les bancs associés aux DCP, plutôt composés de thons listaos et de juvéniles de thons albacores ou patudos.

Le problème est que d'autres espèces s'associent aux DCP, dont des espèces sensibles comme le requin soyeux. La flotte française a ainsi étendu sa zone de pêche vers une zone riche en listaos, mais celle-ci constitue aussi un hotspot connu de requins soyeux. La combinaison de ces changements de stratégie a entraîné une augmentation de l'ordre de 35 % du nombre de requins soyeux capturés par la flotte française dans les trois années qui ont suivi la mise en place de quotas.

Cet exemple montre qu'il est impératif, si l'on veut inverser la tendance actuelle de perte de biodiversité marine, d'instaurer une gestion vraiment intégrative prenant en compte l'ensemble des aspects de l'écosystème. Il est absolument nécessaire d'adopter une approche écosystémique des pêches.

Il convient de rappeler que la science joue un rôle essentiel dans cette approche. Il faut que les conseils scientifiques soient pris en compte durant les processus de définition des objectifs et des mesures de gestion.

Je conclurai en rappelant les principaux messages à retenir. Nous avons vu que les ressources halieutiques hauturières étaient exploitées depuis plusieurs décennies et que le BBNJ a exclu la pêche de son champ d'application. Pour autant, une gestion durable est impérative. Pour ce faire les ORGP doivent aligner leurs objectifs et travailler en collaboration avec le BBNJ, sachant qu'une gestion durable implique nécessairement d'adopter une approche écosystémique.

Mme Mereana Reid Arbelot, députée, rapporteure. - Ma première question s'adresse à M. Poivre d'Arvor. La France a-t-elle associé ses collectivités ultramarines au processus de négociation du BBNJ ?

M. Olivier Poivre d'Arvor. - Les collectivités ont, pour un certain nombre d'entre elles, exprimé leur point de vue, mais les procédures en matière de traités internationaux n'impliquent pas de consultation préalable à la ratification et au vote. Pour autant, l'engagement de la Polynésie française et de la Nouvelle-Calédonie, notamment sur la question de la biodiversité, a largement contribué à forger le mantra français en la matière, centré sur la notion de protection, tout d'abord dans nos zones économiques exclusives. Le fait que les parlements de Nouvelle-Calédonie et de Polynésie aient voté en faveur de la non-exploitation des grands fonds marins au sein de la ZEE a alimenté la position française. Ainsi, même si ces collectivités ne sont pas présentes autour de la table lors des négociations aux Nations Unies, elles y sont représentées par l'intermédiaire des principes et valeurs qu'elles portent et nous ont transmis, à savoir un principe de précaution et une approche particulière de l'océan qui ont guidé notre démarche et forgé notre logique en matière d'exploitation des fonds marins, mais aussi de soutien au traité BBNJ.

Mme Micheline Jacques, sénatrice. - Je souhaiterais revenir sur la question de la pêche au thon et évoquer un aspect, plus politique, qui n'a pas été mentionné. Certaines îles indépendantes des Caraïbes rencontrent d'importants problèmes de développement et de grandes puissances asiatiques viennent y investir en contrepartie de l'octroi de droits de pêche. La mer des Caraïbes est ainsi en train de se faire piller par des navires-usines. Or j'ai le sentiment que cela est passé sous silence. J'alerte en vain depuis 2014 sur cette situation. Existe-t-il une omerta sur ce sujet ? Faut-il le dénoncer ouvertement ?

Mme Mariana Travassos Tolotti. - Cette question dépasse le cadre de mes compétences. Je travaille beaucoup au sein des organisations de gestion de la pêche et suis plutôt spécialiste de l'océan Indien ; je connais donc moins bien les problématiques des Caraïbes. De nombreux parallèles peuvent toutefois être établis. Le problème réside essentiellement dans la définition des quotas et la répartition des ressources entre les différents pays. En réalité, si les accords de pêche passés entre des pays sont légaux, il est difficile de s'y opposer. Il s'agit d'une gestion très compliquée de ressources partagées entre plusieurs pays.

Mme Micheline Jacques, sénatrice. - J'estime que les territoires ultramarins ne sont pas assez impliqués dans la préservation de la ressource.

M. Pierre-Marie Sarradin. - L'exploitation des ressources dans les ZEE dépend du code minier de ces zones.

Mme Huguette Tiegna, députée. - Mes questions s'adressent à M. Poivre d'Arvor. Angèle Préville et moi avons travaillé sur la problématique des pôles et soulevé la question des moyens financiers. Aujourd'hui, le contexte international est plus compliqué qu'au moment où nous avons rédigé notre rapport. Je souhaite savoir si les fonds évoqués lors du One Planet Polar Summit en juin 2023 ont permis de favoriser le développement de la recherche et d'équipements nécessaires pour explorer les fonds marins.

La guerre en Ukraine est par ailleurs venue bouleverser l'équilibre de l'exploitation des fonds marins. A-t-elle un impact sur la biodiversité que nous cherchons à protéger ?

M. Olivier Poivre d'Arvor. - Votre question concerne en réalité le système de l'hydrosphère, qui comporte non seulement les océans, mais aussi les zones polaires et les fleuves.

Au niveau politique, il faut savoir que même si nous nous sommes mis d'accord sur le BBNJ, la Russie s'est abstenue. C'est donc par consensus et non à l'unanimité que cet accord a été adopté.

La Chine a quant à elle une politique plus que conquérante en matière de pêche et négocie des accords avec divers pays afin de récupérer des zones de pêche, de manière légale. Cela contribue très largement aux phénomènes de surpêche et de pêche illicite, non déclarée et non réglementée (INN).

La bonne nouvelle est que se tient actuellement à Abou Dhabi la treizième réunion ministérielle de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), lors de laquelle devrait être ratifié un accord très important sur l'interdiction des subventions illégales à la pêche INN, utilisées le plus souvent pour la construction d'immenses bateaux qui, dans le cadre du chalutage et de la pêche à la senne, capturent beaucoup de poissons dans des zones non autorisées. Une autre discussion en cours à l'OMC concerne la surpêche.

Même si les résultats espérés ne sont pas encore atteints, une dynamique est en cours dans ce domaine, pour une meilleure organisation de l'utilisation de la ressource halieutique. Cela se heurte au fait que le dispositif de surveillance ne permet pas aujourd'hui d'appréhender l'ensemble du système maritime ni de repérer les pays pratiquant une pêche illicite ou la surpêche. Certains accords permettent toutefois de mieux contrôler les arrivées de ressources halieutiques dans les ports.

Vous avez par ailleurs, en tant que parlementaires, un rôle majeur à jouer sur la question polaire. C'est grâce à l'action des députés et des sénateurs que nous avons pu, sur la base de la première stratégie polaire française que j'avais rédigée à la demande du Président de la République et du Premier ministre de l'époque, prendre en novembre 2023 au Muséum national d'histoire naturelle des engagements forts, avec l'annonce par le Président de la République de l'allocation d'un milliard d'euros en faveur de la recherche française polaire d'ici 2030. Cela comprend à la fois des rénovations de nos stations Dumont d'Urville et Concordia en Antarctique, mais aussi des moyens nouveaux dédiés à des programmes de recherche ainsi qu'à la construction d'un navire dit « à capacité glace » baptisé Michel Rocard en l'honneur de mon prédécesseur aux fonctions d'ambassadeur des pôles et des océans, qui sera basé entre Nouméa et l'Antarctique. Ce bateau, géré par la flotte océanographique française, pourra passer plusieurs mois dans le Pacifique puis, durant la période où l'océan est libre de glace dans l'Antarctique, s'approcher des stations polaires et aider les chercheurs qui y séjournent. Ces engagements financiers doivent à présent se traduire dans les faits. L'Institut polaire français va ainsi devoir engager les études préalables à la rénovation des stations. Il va également falloir lancer la construction du Michel Rocard et faire en sorte que les crédits annoncés soient disponibles afin que les objectifs fixés puissent être atteints à l'horizon 2030. Nous sommes face à une perspective politique et financière tout à fait favorable.

M. Stéphane Piednoir, sénateur, président de l'Office. - Je vous remercie pour ces exposés, qui nous plongent dans des considérations à la fois scientifiques et politiques.

Vous avez indiqué que seuls 87 États avaient à ce jour signé l'accord BBNJ et que très peu l'avaient ratifié. Nous voyons ainsi le chemin qu'il reste à parcourir. Je suis quelque peu inquiet des délais annoncés et ai bien compris que la perspective d'une entrée en vigueur de l'accord en 2025 était irréaliste.

Je m'interroge sur la volonté politique qui sous-tend cela. Signer de grands accords internationaux est parfois une manière de se donner bonne conscience et de verdir son discours politique, mais cela n'est pas toujours suivi d'effets concrets.

Il a été rappelé par ailleurs que la pêche était exclue du champ d'application du BBNJ, mais qu'il était fait mention dans l'accord d'une « utilisation durable » des ressources. Ce terme sera-t-il laissé à l'appréciation de chaque État signataire ou fait-il l'objet d'une définition consensuelle dans le traité ?

M. Olivier Poivre d'Arvor. - Je suis plus optimiste que vous : le mandat qui m'a été confié est de disposer, dans l'optique de la conférence des Nations Unies de juin 2025 à Nice, des 60 ratifications nécessaires : j'ai bon espoir d'y parvenir. Je reviens d'Inde où le processus ne passe pas par le Parlement et où la ratification va être effective prochainement. Cela est important dans la mesure où ce pays représente 1,43 milliard d'habitants. Si l'Union européenne et les États membres se mettent d'accord, ce qui constitue vraiment un point crucial, nous aurons 28 ratifications supplémentaires, portant le total à près de 35. Notre travail, au travers du réseau diplomatique, va consister à convaincre le maximum de pays de ratifier l'accord d'ici 2025. Le combat n'est pas gagné d'avance, mais il est très loin d'être perdu et je pense qu'il faut persévérer afin d'atteindre cet objectif.

Concernant la pêche, le fait de pouvoir construire un réseau d'aires marines protégées me semble constituer un élément important, même si le grand débat est de déterminer jusqu'où ira cette protection. Le reproche souvent adressé à la France est que son niveau de protection est trop faible et qu'il est possible de pêcher dans les aires marines protégées. En l'occurrence, je pense que le fait pour les ORGP d'avoir dans leur mandat cette mission d'« utilisation durable » des ressources constitue déjà, sur le papier, un progrès important. C'est ensuite au sein de ces instances que se discutera le niveau de durabilité.

Mme Pascale Ricard. - La notion d'« utilisation durable » est définie à l'article premier du traité et s'imposera à tous les États signataires comme « une utilisation des éléments constitutifs de la diversité biologique d'une manière et à un rythme qui n'entraînent pas leur appauvrissement à long terme et sauvegardent ainsi leur potentiel pour satisfaire les besoins et les aspirations des générations présentes et futures ». Cette définition est très large, mais permet d'aplanir la crainte d'une absence de vision commune.

La pêche n'est pas explicitement exclue de l'accord, sauf en ce qui concerne les ressources génétiques marines, c'est-à-dire ne provenant pas des ressources halieutiques. Elle est en outre déjà règlementée par les ORGP. La coopération et la coordination entre institutions permettront de rendre effectif ce principe d'utilisation durable.

L'accord dessine des lignes directrices, mais tout dépendra de la pratique et de la manière dont les institutions créées par le nouveau traité et les instances existantes en matière de pêche pourront collaborer et mettre en symbiose leurs compétences pour assurer cet objectif de gestion durable.

M. Daniel Salmon, sénateur. - Vos exposés démontrent que la France a le souci d'être un élément moteur dans la protection de la biodiversité marine. Est-elle toutefois vraiment exemplaire ? On observe en effet que notre pays est très mal placé dans le ratio des aires marines protégées, où il figure à la 17e place. Une évolution est-elle possible dans ce domaine, afin que nous puissions être véritablement exemplaires et nous montrer plus exigeants au niveau international ?

M. Olivier Poivre d'Arvor. - Il faudrait poser cette question à notre secrétaire d'État à la mer et à la biodiversité. Il est apparu que la France a déjà rempli, lors du One Ocean Summit à Brest en février 2022, son contrat de 30 % de protection des espaces dans les ZEE, alors que l'échéance était initialement fixée à 2030. Cela a certes notamment concerné les espaces situés autour des Terres australes et antarctiques françaises. La question que vous soulevez se pose donc en fait principalement pour les façades atlantique et méditerranéenne de l'Hexagone, où le sujet de la pêche est le plus tendu et où un travail reste à faire. Les associations environnementalistes nous reprochent un degré de protection qu'elles estiment ne pas être à la hauteur des critères de l'Union nationale pour la conservation de la nature (UICN). La réalité est qu'il existe effectivement des activités de pêche dans les ZEE des façades atlantique et méditerranéenne. Le sujet est sensible, comme en témoigne la décision du Conseil d'État d'empêcher la pêche dans le golfe de Gascogne pendant un mois, en janvier-février, pour protéger les dauphins qui se trouvaient là à cette période et risquaient d'être mis en danger, voire tués du fait de l'activité de pêche. Cette interdiction a entrainé pour les pêcheurs des dommages extrêmement importants. Je me réjouis que le secrétaire d'État à la mer soit aussi celui de la biodiversité, car nous devrons résoudre cette équation d'ici un an et demi. Je ne doute pas que des députés ou des sénateurs engagés feront entendre leur voix. La pêche au chalut est évidemment dans ce domaine le sujet majeur, réactivé récemment par le lancement de l'un des plus grands bateaux de ce type au large de Saint-Malo.

Mme Sylvie Dufour, chargée de mission Mer au Muséum national d'histoire naturelle. - Je souhaiterais revenir sur la question de l'exclusion de la pêche du traité BBNJ. Il a été indiqué que le critère de durabilité serait pris en compte. Mais qu'en est-il de l'équitabilité ? On pourrait considérer que les ressources en haute mer font partie d'un bien commun de l'humanité. La pêche en haute mer devrait donc faire l'objet de réflexions sur un partage équitable des ressources qui en sont issues. Or je ne pense pas que cela figure dans le traité.

Si je comprends bien les éléments du BBNJ relatifs aux ressources génétiques, la prédéclaration concerne les campagnes d'exploration scientifique. Or une campagne de pêche peut très bien aboutir à la découverte de nouvelles espèces et de ressources génétiques auxquelles on ne songe pas nécessairement, en lien notamment avec le microbiote des espèces marines. Une réflexion me semble devoir être menée à ce sujet.

Mme Martine Berthet, sénatrice. - Comment les laboratoires de recherche se procurent-ils ces ressources ? Comment cette filière s'organise-t-elle actuellement ? Nous avons vu que l'Allemagne était très en avance par rapport à d'autres pays comme les États-Unis, le Japon ou la France.

M. Pierre-Marie Sarradin. - Il existe en effet actuellement en France peu de projets de valorisation directe des ressources génétiques. En revanche, le schéma que je vous ai présenté à propos de l'APA, concernant l'accès aux ressources génétiques dans les ZEE, fait apparaître un objectif de traçabilité. Ainsi, nous sommes obligés d'effectuer des demandes d'autorisation dans les ZEE concernées. Je pense d'ailleurs qu'un principe identique va se mettre en place dans le cadre du BBNJ. Il va très certainement falloir exposer clairement l'objectif des campagnes scientifiques envisagées. Par exemple, les campagnes que nous conduisons actuellement ont une vocation de recherche fondamentale, sans valorisation. Si nous voulons changer l'objectif de nos recherches, c'est-à-dire inclure de la valorisation, il faut effectuer une nouvelle demande d'autorisation auprès des pays concernés, pour commencer à mettre en place un contrat d'échange, correspondant à l'accès au partage des avantages. À partir de là, nous pouvons commencer à travailler avec des industriels notamment. Je pense que le principe sera le même. C'est la raison pour laquelle nous mettons l'accent sur la notion de traçabilité des échantillons à partir des navires scientifiques, voire des navires de pêche. La question de l'équitabilité est intéressante, mais j'ignore si elle figure dans le traité.

M. Robert Blasiak. - J'ai évoqué dans mon exposé les brevets découlant de ces matériaux génétiques et tiens à souligner que les responsables n'en sont pas des entreprises, mais des navires scientifiques ayant pour but d'effectuer des recherches taxonomiques et d'étudier la faune présente dans les eaux internationales et la haute mer. La visée n'est donc pas commerciale. Le partage de ces données est bien sûr essentiel pour établir une base de données commune permettant leur utilisation dans le monde entier et comprendre l'évolution des espèces. Bien évidemment, ces ressources sont également très intéressantes pour des entreprises. Cela recouvre un territoire assez vaste. Je pense qu'introduire un degré de traçabilité peut apporter de la transparence à l'ensemble du système et est de nature à engendrer davantage d'équité et de partage des bénéfices issus de ces ressources lorsqu'une commercialisation intervient.

Vous avez évoqué la biodiversité des ressources halieutiques et des espèces. L'intérêt principal de cette diversité réside assurément dans la microbiologie, les bactéries, les virus et non les poissons. Or nous avons très peu de connaissances sur la distribution et l'abondance de la vie bactérienne dans les océans. Il est très probable que ces éléments soient présents non seulement dans les eaux internationales, mais aussi dans les eaux sous juridiction nationale. Il s'agit d'un domaine que nous découvrons en temps réel. Il est très important dans ce contexte d'avoir de la traçabilité, car cela facilitera les choses à l'avenir. Je crois que cela constitue l'un des éléments majeurs mis en lumière par ce traité. Cela est essentiel pour le long terme.

SECONDE TABLE RONDE
LES CONDITIONS À RÉUNIR POUR ASSURER L'EFFICACITÉ DU BBNJ

Mme Mereana Reid Arbelot, députée, rapporteure. - La seconde table ronde de cette audition est consacrée aux conditions à réunir pour assurer l'efficacité du BBNJ.

Nous accueillons Sophie Arnaud-Haond, chercheuse Ifremer à l'UMR Marbec, qui s'intéresse dans ses recherches aux paramètres naturels et anthropiques façonnant la distribution de la biodiversité marine, de la bande côtière aux grands fonds. Elle a également travaillé avec des entreprises privées au développement de protocoles d'études d'impact basés sur l'utilisation de nouvelles technologies de séquençage associées à l'exploitation de l'ADN environnemental.

La partie 4 du BBNJ est consacrée aux évaluations d'impact sur l'environnement. Mme Arnaud-Haond va évoquer cette question et préciser les conditions que devront remplir ces études afin de servir réellement l'objectif recherché, à savoir la conservation et l'utilisation durable de la biodiversité en haute mer.

Mme Sophie Arnaud-Haond, chercheuse Ifremer à l'UMR Marbec. - Comme vous le voyez sur la carte, la zone abyssale située sous le seuil des 3 500 mètres représente environ 70 % de l'environnement marin. Les informations extraites de la base de données mondiale OBIS (Ocean Biodiversity Information System) montrent par ailleurs que moins de 10 % des observations d'espèces marines ont lieu dans cette zone, qui couvre pourtant quasiment la moitié de la planète.

Cela s'explique tout d'abord, de façon évidente, par la difficulté d'accès à ces grandes profondeurs, mais aussi par le fait que l'environnement marin fait l'objet de 10 % seulement de l'effort de recherche en biodiversité, contre 90 % pour l'environnement terrestre. Un travail que j'ai conduit récemment sur la base de données mondiale ISI Web of Science, laquelle fait référence en termes de littérature scientifique, montre qu'avec les mêmes équations de mots clés, on trouve environ 200 000 publications sur la biodiversité, dont 30 000 en biodiversité marine et un nombre très modeste concernant l'environnement profond.

Cela constitue évidemment un obstacle à la compréhension non seulement du fonctionnement des écosystèmes et des espèces qui les composent, mais aussi de leur implication dans les grands cycles biogéochimiques. Cela représente également un frein à l'obtention des états de référence (baseline studies) nécessaires à la mise en place d'études d'impact.

Dans ce contexte de connaissance très partielle et parcellaire de l'environnement marin, il est légitime de s'interroger sur notre capacité à prédire ou estimer l'incidence des activités anthropiques ou du changement climatique sur ces écosystèmes largement méconnus.

Un exemple représentatif de cette méconnaissance est celui de la zone de Clarion Clipperton, qui a probablement fait à ce jour l'objet du plus grand nombre d'études. Pour autant, nous ne disposons sur cette zone d'aucun état de référence complet et les études d'impact sont majoritairement lacunaires.

Les faibles connaissances acquises nous permettent néanmoins de penser que l'environnement profond, et notamment la majeure partie du plancher océanique concerné par l'accord BBNJ, est caractérisé par des propriétés relativement répandues. La première est une diversité très élevée, mais des difficultés d'études liées à une biomasse, c'est-à-dire une quantité de matière vivante présente dans les grands fonds, souvent très faible, sauf dans certains écosystèmes ponctuels et relativement étudiés car charismatiques, comme les récifs coralliens ou les écosystèmes chimiosynthétiques, notamment les sources hydrothermales et les sources de fluides froids. S'ajoute à cela une distribution très hétérogène, qui rend difficile pour les biologistes le fait de prédire à quel endroit de ce vaste espace se rendre pour étudier des phénomènes concernant la vie et la biodiversité. Cela explique que de nombreuses études menées ces dernières années se soient concentrées sur les zones à forte concentration de biomasse, qui représentent 20 % de ces grands fonds.

La plaine abyssale, qui couvre la majorité de notre planète, est ainsi encore relativement méconnue. Nous soupçonnons d'ailleurs que l'écosystème que nous qualifions de plaine abyssale recouvre en réalité un grand nombre d'écosystèmes différents que nous n'avons pas encore pu caractériser et différencier.

Cet environnement profond présente par ailleurs des points de vulnérabilité, avec une dynamique en général très lente et des espèces longévives ou à faible renouvellement. L'âge de la gorgone rouge figurant sur la photographie à droite de l'écran a par exemple été estimé à 200 ans. On imagine par conséquent la durée d'un impact sur ce type d'écosystème.

Face à ces lacunes, nous voyons émerger des technologies et des méthodes visant à accélérer l'acquisition des connaissances nécessaires à l'établissement des états de référence et à la réalisation des études d'impact sur ce biome, qui est le plus grand de la planète.

Citons notamment les drones ou les robots autonomes sous-marins, qui vont permettre de réaliser avec un relatif haut débit des cartographies physiques et éventuellement chimiques des grands fonds et de détecter des points d'intérêt majeurs en termes de biodiversité. Au vu des enjeux, nous attendons beaucoup de ces outils encore en développement.

Nous observons par ailleurs une amélioration récente des méthodes basées sur l'acoustique, qui permettent de caractériser des écosystèmes dans leur état le plus vierge, le plus naturel, le moins impacté possible. Ces données servent à établir des états de référence acoustiques de ces écosystèmes, utilisés par la suite pour en effectuer un suivi assez rapide et à large spectre. Chaque écosystème est en effet caractérisé par un ensemble de bruits liés à ses propriétés physico-chimiques et à sa biodiversité.

Les méthodes fondées sur l'ADN environnemental permettent de réaliser assez rapidement un inventaire des espèces en présence dans un écosystème, à partir d'ADN extrait non des animaux, qu'il peut être très long d'isoler individuellement, mais de leur environnement, c'est-à-dire d'échantillons d'eau ou de sédiments. Les organismes vivants ayant la propriété de laisser derrière eux des traces (mucus, fèces, fragments de peau) contenant de l'ADN, il est possible d'extraire de l'ADN d'échantillons prélevés dans l'environnement et de procéder à une caractérisation ou un inventaire assez complet de la diversité des organismes qui sont ou ont été présents dans l'écosystème considéré.

Il convient, afin que l'accord BBNJ soit efficace pour protéger la biodiversité marine, de prendre en compte le niveau de méconnaissance et la vulnérabilité des écosystèmes qu'il a été possible de caractériser.

Il faut par ailleurs ne céder à la tentation de la modélisation qu'avec parcimonie. Si celle-ci est nécessaire, il faut avoir conscience qu'un modèle doit être bien informé pour ne pas être dangereux. J'apprécie la citation selon laquelle « tout doit être fait de façon aussi simple que possible, mais pas plus simple » : selon moi cela s'applique particulièrement à la modélisation, afin qu'elle soit utile et non dangereuse.

Il convient en outre de poursuivre la recherche de proxy biologiques et d'indicateurs de l'état de santé des écosystèmes qui soient robustes face à une exploration des différents compartiments du vivant aussi partielle que celle que je viens de décrire.

Mme Mereana Reid Arbelot, députée, rapporteure. - Je laisse la parole à Rodolphe Devillers, directeur de recherche IRD à l'UMR Espace-Dev, situé à La Réunion. Sa présentation portera sur les aires marines protégées et les conditions à réunir pour assurer leur efficacité.

M. Rodolphe Devillers, directeur de recherche IRD (Institut de recherche pour le développement) à l'UMR Espace-Dev. - Une aire marine protégée (AMP) est un « espace délimité en mer qui répond à des objectifs de protection de la nature à long terme ». J'insiste sur le fait qu'il s'agit de protéger la nature : il existe en effet de nombreux autres outils permettant de protéger d'autres éléments des océans, comme les stocks de poissons par exemple. Cette protection s'effectue au moyen d'interdictions et de contrôles des activités impactant la biodiversité marine.

Par exemple, vous voyez sur cette carte les frontières d'une aire marine protégée dans les Pyrénées-Orientales, près de Banyuls. La ligne verte marque la frontière de l'AMP, au sein de laquelle d'autres zones sont délimitées par des traits rouges et orange, avec des icônes correspondant aux types d'activités autorisées.

Une aire protégée est un espace géographique où sont définies des zones à l'intérieur desquelles on détermine les activités autorisées ou interdites : bateaux en mouillage, pêche à la ligne, pêche professionnelle, etc.

Les AMP sont des outils de plus en plus utilisés, dont la création a été stimulée par les conventions internationales sur la biodiversité des dix ou vingt dernières années. On est ainsi passé en deux décennies d'un nombre très faible d'aires protégées dans les ZEE des pays à un nombre beaucoup plus important, bien qu'encore insuffisant. La France est quant à elle passée de 0,3 % de ses eaux couvertes par au moins une AMP en 2006 à plus de 33 % en 2022. À l'échelle internationale, ce taux se situe à 8 % environ. Il apparaît ainsi que sans la haute mer, il ne sera pas possible d'atteindre l'objectif de 30 % fixé par les nouvelles conventions. L'importance du BBNJ est, de ce point de vue, considérable.

L'une des difficultés tient au fait que le terme « aire marine protégée » est une sorte de fourre-tout réunissant des éléments plus ou moins efficaces. En France, sont considérées comme AMP des portions marines de parcs nationaux comme les Calanques, des réserves naturelles, des parcs naturels marins comme la mer d'Iroise, des sites Natura 2000 et même des zones de pêche réglementées. Certaines AMP interdisent presque toute activité humaine et sont efficaces, tandis que d'autres autorisent quasiment tout et n'ont aucun impact en pratique.

Vous voyez à l'écran un tableau relatif à la Grande barrière de corail, en Australie, où a été mis en place un système de zonage au sein des AMP. Chaque ligne correspond à une activité : aquaculture, différents types de pêche, recherche, etc. Les colonnes font apparaître les différents niveaux de protection, de celle de gauche où tout est autorisé à celle de droite où tout est interdit, sauf potentiellement la recherche. Cela fait trente ans environ que la recherche s'intéresse à ces aires marines protégées et observe que certaines fonctionnent mieux que d'autres. L'une des raisons de cette disparité tient à la diversité des niveaux de protection offerts.

Le tableau maintenant affiché à l'écran présente, en colonnes, les étapes de création d'une aire marine protégée, depuis l'annonce jusqu'à la phase de gestion active, en passant par la qualification et la mise en oeuvre. Vous observez qu'au-delà de la ligne jaune, qui marque le début de la mise en oeuvre, des conséquences bénéfiques sur la biodiversité apparaissent. Nous avons également constaté que ces bénéfices sont d'intensité différente en fonction du niveau de protection. Ainsi, les AMP qui fonctionnent le mieux sont celles dites « de protection forte ». Certaines études scientifiques ont démontré que les résultats obtenus dans les zones bénéficiant d'un faible niveau de protection n'étaient pas très différents de ceux observés à l'extérieur de l'aire protégée. Cela signifie que mettre en place une aire marine ne bénéficiant que d'un faible niveau de protection ou ne pas créer d'AMP revient quasiment au même.

En France, les AMP jouissant d'une protection forte sont peu nombreuses. Il en va de même pour d'autres pays, qui ont créé de nombreuses AMP en se concentrant exclusivement sur l'objectif de placement en aire protégée d'un certain pourcentage de leur ZEE, sans nécessairement les doter de niveaux de protection forts, gages de qualité et d'efficacité.

En haute mer, le même problème se posera. La question du niveau de protection est cruciale. Cette difficulté est accrue par la fragmentation de la gouvernance, entre des organisations sectorielles et régionales avec des mandats différents. Ainsi, la Commission baleinière internationale s'occupe exclusivement des baleines, tandis que l'Organisation maritime internationale gère le transport maritime. Les ORGP s'occupent des pêches, mais de façon régionalisée. La gouvernance est donc morcelée, si bien qu'il est difficile de parvenir à une gestion coordonnée.

Développer des aires marines protégées en haute mer supposera d'utiliser l'information scientifique existante. Nous disposons en effet déjà de cartes répertoriant des endroits identifiés comme potentiellement intéressants en termes de biodiversité.

Mais cela nécessitera par ailleurs de faire face à de nombreux défis en matière de gouvernance, de partage d'informations, de financement, de contrôle du respect des règles, etc. Le traité BBNJ représente un pas en avant, mais n'est qu'une première étape à franchir.

Je tiens à insister sur le fait que la crise de la biodiversité marine ne concerne pas uniquement l'outre-mer, mais nous concernent tous, car elle a des répercussions économiques et sociales qui dépassent de loin les territoires ultramarins et les régions côtières.

Le traité BBNJ est indispensable à l'atteinte des cibles internationales de conservation. Les aires marines protégées sont la pierre angulaire de cette conservation, mais ont une efficacité très variable. Ces outils sont en effet parfois peu efficaces, car résultant de compromis excessifs avec les acteurs conduisant à abaisser le niveau de protection.

Il est donc nécessaire de ratifier ce traité rapidement afin de mieux intégrer la gouvernance en haute mer, indispensable à la création d'aires marines protégées véritablement efficaces. Multiplier les AMP n'est en effet pas nécessairement le gage d'une meilleure protection de la biodiversité.

Mme Mereana Reid Arbelot, députée, rapporteure. - Nous accueillons Denis Bailly, économiste de l'environnement, maître de conférences à l'université de Bretagne, qui travaille sur l'intégration des connaissances en appui à l'action publique dans le domaine de la protection du milieu marin. Il va nous présenter les enjeux scientifiques et diplomatiques de la reconnaissance par les futures instances du BBNJ de deux sites à protéger : le dôme thermal dans le Pacifique et la mer des Sargasses.

M. Denis Bailly, économiste de l'environnement, maître de conférences à l'université de Bretagne. - Je voudrais illustrer les propos de mes collègues sur les aires marines protégées par un travail en cours, visant à anticiper la mise en place, que nous espérons rapide, des instances et des procédures issues du BBNJ.

L'article 19 de la troisième partie du traité indique que « les propositions de création d'outils de gestion par zone, y compris les aires marines protégées, sont soumises par les Parties agissant individuellement ou collectivement » et doivent comporter de nombreux éléments parmi lesquels la description géographique ou spatiale de l'aire, les informations sur tous les critères justifiant les besoins de conservation, sur les activités humaines concernées, la description de l'état du milieu marin et de la diversité biologique, des objectifs de conservation ainsi que le projet de plan de gestion. Il s'agit donc de dossiers très lourds à constituer, qui nécessiteront d'y consacrer beaucoup de temps.

Comme cela a été rappelé précédemment, la connaissance, la recherche, la science sont des composantes très importantes dans l'élaboration de ces propositions.

Le projet SARGADOM, financé par le Fonds français pour l'environnement mondial, associe l'ONG costaricienne MarViva, la Commission de la mer des Sargasses, l'Office français de la biodiversité et l'université de Bretagne occidentale pour étudier et contribuer à la mise en place d'une gouvernance hybride d'aires remarquables à protéger en haute mer, autour de deux sites emblématiques : le dôme thermal et la mer des Sargasses.

Le dôme thermal, situé dans l'océan Pacifique Est tropical, est une zone remarquable du fait d'un phénomène physique bien connu consistant en une remontée d'eaux profondes froides très riches en nutriments (on parle d'upwelling) qui, en arrivant à la surface, provoquent un bloom planctonique à l'origine d'une forte concentration de vie, grand attracteur pour toute une série d'espèces.

La mer des Sargasses est un écosystème de surface très riche, caractérisé par des algues flottantes (les sargasses) qui servent d'habitat d'alevinage à de nombreuses espèces et constituent la seule zone de frai connue des anguilles d'Amérique et d'Europe.

La carte projetée à l'écran fait apparaître un ensemble de sites, dont les deux précédemment cités, identifiés comme des candidats futurs pour une reconnaissance en tant qu'aires marines protégées au titre du traité BBNJ.

Nous essayons, dans le cadre du projet SARGADOM, de rassembler toutes les données disponibles et de travailler sur l'acquisition de nouvelles connaissances afin de défendre la nécessité de mise en protection de ces deux sites.

Cela nous a conduits à appréhender diverses problématiques, dont certaines communes à plusieurs des sites figurant sur la carte. La première est le chevauchement entre ZEE et haute mer : vont se poser dans ce contexte des problèmes d'interaction, puisqu'il s'agira de travailler à la fois en coopération à l'échelle internationale, mais aussi en proximité avec les États côtiers des ZEE concernées.

Une deuxième problématique réside dans la grande variabilité spatio-temporelle à la fois infra-annuelle et interannuelle, à court et à long terme, de ces zones. Les schémas sur la droite de l'écran montrent par exemple clairement la variation et le déplacement de la biomasse de zooplancton liée à l'upwelling dans le dôme thermal d'un mois à l'autre. Cela a des implications pour la délimitation de l'aire protégée, sa gouvernance, la régulation des usages en fonction de la réalité de l'enjeu, les suivis scientifiques et bien évidemment la surveillance nécessaire à une mise en oeuvre efficace.

Il est essentiel par ailleurs de documenter les activités humaines. Je vous présente ici un exemple d'acquisition et de traitement de données sur les usages dans le cadre du projet Global Fishing Watch. Les données satellitaires fournissent une cartographie des indicateurs d'intensité des activités humaines, donc des pressions potentielles qu'elles exercent sur la biodiversité, en termes de pêche, de déchets ou de bruit. Cela permet notamment d'identifier les zones de concentration de l'activité de pêche selon les périodes et d'observer les lieux de chevauchement avec les espaces présentant des enjeux importants de conservation de la biodiversité.

Ces analyses ne peuvent être réalisées par les chercheurs de façon totalement indépendante. Elles visent en effet à objectiver la nature des pressions humaines, donc à mettre en débat la question de régulation des activités avec la gouvernance des AMP et plus globalement du BBNJ. Cela implique notamment un travail de coopération avec les organisations régionales de gestion des pêches (ICATT, IATCC, NAFO).

Avant même que le BBNJ soit mis en place, nous essayons de préfigurer ce que pourrait être une coopération entre les aires protégées et ces organisations, afin d'incarner la volonté portée par ce traité de coopérer sans porter préjudice aux autres organisations, donc de créer des relations de confiance et de collaboration. En ce sens, la science et notamment le traitement et l'analyse des données constituent un pont très intéressant à construire.

Un autre exemple est celui de la cartographie de l'intensité du trafic maritime, représentée ici au niveau du dôme thermal et de la mer des Sargasses. La forte circulation enregistrée dans la zone du dôme thermal est liée à la proximité du canal de Panama. La mer des Sargasses est quant à elle soumise à l'intensité du trafic maritime transatlantique.

Nous avons initié dans le cadre de ce travail une collaboration avec l'Organisation maritime internationale et mis en oeuvre plusieurs ateliers visant à réfléchir à la mise en opération d'un outil nommé ZMPV (zone maritime particulièrement vulnérable), permettant d'envisager des mesures de régulation du trafic maritime.

La traduction rapide et effective de l'objectif de création d'AMP en haute mer est à mettre en lien avec quelques enjeux tels que l'état parcellaire des connaissances, appelant un investissement de recherche intensif, et le besoin de renforcement de la coopération internationale, avec un différentiel d'investissement considérable entre le Nord et le Sud.

Il convient en outre de souligner l'importance de la recherche ex ante, afin de disposer d'une connaissance approfondie permettant de justifier la création des AMP, d'élaborer les plans de gestion et d'en gérer la mise en oeuvre.

Il est également nécessaire d'intégrer les connaissances sous la forme d'analyses diagnostiques sociales et écologiques (SEDA) structurées selon les enjeux socio-économiques, politiques, de gouvernance, juridiques et les problématiques physiques, biologiques, écologiques et environnementales d'une manière générale.

Un point positif mérite d'être souligné, à savoir la baisse du coût d'acquisition de certaines données et de la surveillance, due au développement de l'observation satellitaire et du traitement systématisé des informations. Un enjeu de mise à disposition en science ouverte pour tous les acteurs subsiste toutefois.

Je tiens enfin à mettre l'accent sur le besoin, beaucoup plus coûteux, de renforcer l'observation in situ et de développer une coopération entre acteurs étatiques, organisations sectorielles, ONG et acteurs économiques dépassant très largement la recherche publique.

J'ajoute que tout ceci intervient dans des contextes environnementaux, institutionnels et économiques complexes, marqués par la variabilité liée au changement climatique, des pressions anthropiques externes telles que la pollution et des dimensions géostratégiques et politiques liées aux intérêts des différents pays et acteurs économiques.

Cela me conduit à souligner l'importance de l'engagement de la France et de l'Union européenne pour accompagner les sites candidats à leur reconnaissance comme AMP dès l'ouverture des procédures du BBNJ, en matière de développement des connaissances, avec une approche transdisciplinaire, d'élaboration de dossiers de candidatures et de constitution de partenariats internationaux pour porter les futures aires marines protégées, reconnaissant tout à la fois le rôle central des pays riverains proches de ces zones, notamment les pays du Sud, et l'enjeu global, autour d'une gouvernance hybride, dans la mesure où la poursuite des objectifs du BBNJ nécessitera d'y investir des moyens considérables.

Il est essentiel d'anticiper ainsi la ratification prochaine de l'accord et la mise en place de ses instances.

Mme Mereana Reid Arbelot, députée, rapporteure. - La prochaine intervenante est Klaudija Cremers, chercheuse d'origine lituanienne à l'Institut du développement durable et des relations internationales. Elle s'intéresse principalement à la gouvernance régionale de l'océan, à la mise en oeuvre effective des aires marines protégées en haute mer et à l'exploitation minière des grands fonds marins. Elle va aborder un sujet clé pour la mise en oeuvre des futures AMP, à savoir le suivi, le contrôle et la surveillance des activités humaines en haute mer. De quels types d'outils de surveillance disposons-nous ? Comment les États peuvent-ils commencer à préparer les premières aires marines protégées en haute mer dans le cadre du traité BBNJ ?

Mme Klaudija Cremers, chercheuse en gouvernance internationale de l'océan à l'Iddri (Institut du développement durable et des relations internationales). - Je vais aborder la question du suivi, du contrôle et de la surveillance des futures AMP en haute mer, en vous expliquant dans un premier temps ce que comporte le BBNJ à ce sujet, puis en donnant des éléments de réponse à la question posée, avant de conclure par quelques messages clés.

Les précédents intervenants ont déjà passé en revue les différents éléments que devront comporter les propositions de création des AMP. L'une des obligations inscrites dans le traité concerne la nécessité d'inclure dans le dossier un projet de plan de gestion englobant les mesures qu'il est proposé d'adopter et décrivant les activités de suivi, de recherche et d'examen qu'il est envisagé de mener pour atteindre les objectifs retenus. Ainsi, la dimension de suivi, de contrôle et de surveillance peut y être intégrée.

Nos travaux de recherche ont mis en évidence le caractère essentiel de ce plan de gestion pour assurer l'efficacité des aires marines protégées et faire en sorte qu'elles n'existent pas uniquement sur le papier.

Je rappelle qu'en haute mer, les États du pavillon sont, selon les termes de la convention de Montego Bay, responsables pour exercer effectivement leur juridiction et leur contrôle sur les navires battant leur pavillon. Ils disposent pour ce faire de plusieurs outils, dont certains traditionnels comme les journaux de bord ou encore les navires ou avions de patrouille, mais aussi de plus en plus de technologies émergentes parmi lesquelles les technologies satellitaires, les drones et les caméras embarquées. Il existe ainsi déjà de nombreuses technologies disponibles pour connaître l'activité des bateaux en haute mer.

Quels sont les défis à relever ? Il est tout d'abord important de savoir que les mesures prises dépendent de la capacité et de la volonté politique des États du pavillon d'assurer ce contrôle et cette surveillance en haute mer.

Les technologies émergentes sont certes de moins en moins chères (il s'agit là d'un point positif), mais elles nécessitent encore un travail en termes d'actions de suivi, telles que les sanctions par exemple. Une fois le constat effectué, encore faut-il que les entreprises ayant contrevenu aux règles puissent être punies. Or les images satellitaires ne sont pas toujours admises dans certains tribunaux comme éléments de preuve. Il s'agit là d'un problème à résoudre dans plusieurs pays.

Un troisième défi, mentionné précédemment, tient à l'existence d'une gouvernance fragmentée. Le traité BBNJ a pour objectif de promouvoir, en matière de conservation de la biodiversité marine et d'utilisation durable des ressources, la coopération et la coordination avec les organisations existantes comme les ORGP ou l'Organisation maritime internationale, qui disposent déjà de nombreuses données sur les activités humaines en haute mer.

Il faut savoir qu'il existe encore en haute mer des zones non couvertes par les organisations régionales de gestion des pêches. Le traité BBNJ a donc pour objectif de combler cette lacune et de compléter le dispositif, sans porter préjudice à l'existant.

Quelles leçons tirer des aires marines protégées existantes ?

Dans la mesure où il n'existe pas de cadre de gestion commun, il apparaît qu'aucune solution ne semble applicable à l'ensemble des régions concernées. Tout dépend de l'objectif poursuivi, du budget, de la localisation de l'aire (plus ou moins loin de la côte par exemple), des États riverains, de la fiabilité des données disponibles et des outils de contrôle et de surveillance mis en oeuvre, de leur couverture, de leur facilité de manipulation et des considérations en matière de confidentialité et d'analyse. Il existe déjà beaucoup de données sur les activités humaines, mais la question centrale est de savoir qu'en faire et comment les utiliser.

L'expérience de l'Antarctique montre que même s'il existe une gestion commune, certains pays jouent un rôle clé. On soupçonne ainsi qu'en haute mer, certains États côtiers joueront un rôle plus important que d'autres plus éloignés de l'aire marine protégée concernée.

Les États du pavillon n'ayant pas de réelle capacité de contrôle en haute mer s'appuient davantage sur le contrôle portuaire. Il importe ainsi de réfléchir aux modalités de renforcement de ce contrôle afin de mieux gérer les aires marines protégées en haute mer.

Les organisations ayant déjà un mandat en haute mer collectent une multitude d'informations susceptibles d'être utilisées pour les AMP.

Je terminerai en insistant sur quatre messages clés.

Le premier est que le suivi, la surveillance et le contrôle humains sont une condition essentielle de l'efficacité des futures aires marines protégées en haute mer. Il apparaît que la plupart des aires marines protégées créées dans les eaux nationales ne disposent pas de plan de gestion.

Ces actions de contrôle et de surveillance peuvent s'appuyer à la fois sur des outils traditionnels, mais aussi sur des technologies émergentes, notamment satellitaires, ce qui suppose de développer la capacité d'analyse des données recueillies.

Il apparaît par ailleurs que la surveillance des aires marines protégées « no-take », bénéficiant d'une protection complète, est beaucoup plus simple et moins coûteuse que celle des AMP présentant différents types de zonage et plusieurs activités humaines, qui implique plusieurs organisations et nécessite de prendre en considération chaque bateau.

Les futures AMP bénéficieront, au-delà de la gestion commune, d'une forme de leadership de la part de certains pays, notamment en matière de surveillance. Nous avons vu l'illustration de ce phénomène dans l'Antarctique avec l'exemple de l'ORGP CCAMLR, dans laquelle l'Australie et la Nouvelle-Zélande jouent un rôle plus important que d'autres membres de cette organisation.

Mme Mereana Reid Arbelot, députée, rapporteure. - La dernière intervenante est Virginie Tilot, océanologue biologiste, membre de l'Académie des sciences d'outre-mer et de l'Académie royale belge des sciences d'outre-mer. Face à la multiplication des organes internationaux compétents en matière de protection des océans, il apparaît indispensable de mettre en place une gouvernance plus globale et mieux coordonnée. Mme Tilot va évoquer la manière dont l'intégration des savoirs des pays insulaires du Pacifique peut favoriser une gestion holistique des ressources marines en haute mer.

Mme Virginie Tilot, océanologue biologiste, membre de l'Académie des sciences d'outre-mer et de l'Académie royale belge des sciences d'outre-mer. - L'intégration des savoirs des pays insulaires du Pacifique aux outils scientifiques d'exploration et de gestion des ressources des espaces marins n'est pas nouvelle. Depuis une trentaine d'années en effet, les Nations Unies développent des programmes s'attachant à travailler avec les communautés locales, à les écouter, à former des agents environnementaux et à recueillir tous les savoirs locaux afin que les communautés s'approprient les zones que l'on suggère de protéger.

Concernant la haute mer, ces savoirs ont également pu être intégrés par exemple dans les programmes LME (Large Marine Ecosystems) qui se sont développés depuis trente ou quarante ans un peu partout dans le monde. Il existe actuellement 60 LME, qui s'attellent d'abord à la gestion des pêches, mais ont une approche multidisciplinaire, prennent en considération l'ensemble des impacts et essaient de proposer des politiques sectorielles, avec néanmoins une vision holistique.

Il apparaît que l'objectif de développement durable (ODD) relatif à la gestion de l'espace marin est intimement lié à de nombreux autres et compte lui-même plusieurs sous-objectifs. Plutôt que de fragmentation, je préfère donc parler de continuité.

Vous voyez à l'écran un tableau sur lequel nous avons travaillé lors de la rédaction des lignes directrices du BBNJ, à Hambourg. Il est très parlant : à gauche, figurent les accords non contraignants mais adoptant une approche holistique et à droite, des accords sectoriels contraignants. Tous présentent différentes caractéristiques d'aires marines protégées. J'insisterai tout particulièrement sur les propositions, pour la haute mer dans le cadre des LME, de corridors pour les mammifères marins, qui pourraient occuper, s'ils sont acceptés, une très grande partie de l'océan Pacifique et relever le défi des 30 % de zones protégées.

Là où nos yeux de scientifiques voient de la mer parsemée d'îles, les peuples océaniens voient plutôt une mer de connexion. On observe en effet une grande imbrication de toutes les ZEE et très peu de haute mer. Ainsi, lorsqu'il est question de l'exploitation de la haute mer par les grandes pêches commerciales, des migrations de baleines, de thons et de grands prédateurs, des écosystèmes eux-mêmes et des processus océanographiques qui évoluent avec le changement climatique, tout est imbriqué.

Il convient de rappeler par ailleurs que la Polynésie française couvre 5 millions de km2 sur les 11,2 millions de km2 placés sous la juridiction de la France. Cette région est soumise à de multiples facteurs de stress. Il y existe néanmoins une volonté d'harmonisation et de renforcement de la coopération et de la coordination, matérialisée par la signature de nombreux accords.

Il est intéressant de superposer la carte des ressources minérales à celle des ZEE. On observe ainsi qu'il existe de très importantes ressources de cobalt, de sulfures et de nodules polymétalliques dans les zones territoriales. Leur exploitation potentielle va évidemment impacter les communautés locales. Connaissant les processus océanographiques et les écosystèmes impliqués, l'impact dans des zones comme celle de Clarion Clipperton sera beaucoup plus grand que sur le territoire des permis miniers.

J'aimerais revenir sur la concrétisation de la volonté de coopération et de coordination en matière de gouvernance des océans dans la région Pacifique.

On sait que les connaissances traditionnelles et les pratiques coutumières de gestion d'espaces marins par les communautés locales ont un rôle central à jouer pour atteindre les objectifs régionaux, nationaux et internationaux en matière de conservation, de gestion des ressources marines et de développement durable.

Au niveau international, la référence dans le BBNJ à la notion de patrimoine commun de l'humanité peut être considérée comme un reflet clair de l'idée générale de propriété collective et d'objectifs de conservation mutuels.

L'adoption et la signature du traité BBNJ sont une opportunité pour soutenir la durabilité économique et le développement social à long terme des États insulaires du Pacifique et limiter leur dépendance à l'égard de l'aide internationale pour le développement.

La plupart des pays insulaires ont ratifié et adhéré à des instruments mondiaux, régionaux et sectoriels pertinents pour assurer la protection du milieu marin et de la biodiversité, tels que le droit de la mer ou les lignes directrices de l'accord relatif aux ressources minérales offshore. Les Fidji, la Papouasie-Nouvelle-Guinée et le Vanuatu ont signé le moratoire de dix ans sur le deep sea mining jusqu'à 2030. Citons également la convention de Nouméa pour la protection des ressources naturelles et culturelles, dont l'exercice des droits coutumiers traditionnels dans les régions du Pacifique. En matière de pêche, mentionnons l'accord sous-régional de Nauru signé en 1982, qui organise la coopération dans la gestion des pêcheries d'intérêt commun. Je souhaite également citer l'initiative Pacific Ocean Space, endossée en 2010 par les dirigeants du Forum des îles du Pacifique avec une volonté de gouvernance collaborative des océans, dont le Pacifique, ainsi que le cadre législatif et règlementaire des États ACP de la région Pacifique, qui va servir de feuille de route pour les décideurs politiques, vers une législation efficace et une prise de décision adéquate pour le bénéfice à long terme des communautés insulaires et des générations futures.

Les domaines profonds et mésopélagiques sont peu connus et l'on utilise essentiellement pour les appréhender des moyens technologiques très sophistiqués, alors que les savoirs traditionnels peuvent aussi apporter de très importantes informations sur les processus, les cycles de vie de nombreuses espèces et leur rôle en tant que service écosystémique.

Cette prise en compte de la dimension traditionnelle dans la gestion intégrée est déjà présente dans les lois et la politique de l'environnement de différents pays. Les îles Cook et le parc marin Marae Moana en sont un très bon exemple, qui regroupe des aires à usages multiples, dont certaines sont régies par le rahui, ensemble de règles fondées sur une perception des terres et des eaux environnantes comme un continuum. La connaissance traditionnelle est source de nombreux savoirs, qu'il est possible de combiner avec des données satellitaires par exemple.

Les capacités des pays étant inégales, il est très important de procéder à des transferts de technologies et à un renforcement de la formation à l'étude et à la gestion des milieux marins, en intégrant des savoirs traditionnels. De nombreux exemples montrent l'intérêt d'adopter un tel modèle. Le fait que les communautés locales gèrent l'espace signifie par ailleurs une meilleure implication de leur part dans la problématique et dans l'application d'une stratégie adaptée. Mettre en place ces éléments impliquerait des innovations, une planification coopérative et la participation de toutes les parties prenantes. Il serait intéressant par ailleurs de s'inspirer des expériences menées dans les autres pays océaniens du Pacifique.

Les politiques et pratiques développées dans le Pacifique pourraient ainsi servir de modèle pour concilier les valeurs commerciales, écologiques, culturelles et sociales dans le contexte de l'exploitation durable des ressources marines et subvenir durablement aux communautés du Pacifique ainsi qu'à la santé de l'océan mondial.

J'ai extrait, pour conclure, quelques recommandations d'un colloque que nous avions organisé avec les académies belge et française, lors duquel étaient intervenus des orateurs de différentes agences, des Nations Unies et de l'Union européenne.

Ces recommandations sont les suivantes :

- renforcer la gouvernance régionale, avec plus de coordination et de coopération, en lien avec le nouveau traité sur la protection de la haute mer ;

- approuver des règlementations contraignantes pour la protection et la conservation du milieu marin, intégrant notamment les savoirs traditionnels ;

- élaborer des études d'impact pour mieux adapter les mesures contraignantes ;

- développer les activités de recherche associant les technologies modernes et les savoirs traditionnels ;

- améliorer les capacités régionales à étudier et gérer le milieu marin ;

- améliorer le transfert des savoirs traditionnels et des outils scientifiques de gestion parmi l'ensemble des acteurs.

Toutes ces recommandations mettent en évidence la nécessité d'une transformation fondamentale de la logique économique actuelle. Il faudrait selon moi considérer que le seul bénéfice à court terme, mesuré en termes de profit et de PIB, n'est pas une solution et qu'il faudrait s'appuyer sur une approche holistique à long terme, centrée sur le bien-être humain et la santé environnementale.

Mme Mereana Reid Arbelot, députée, rapporteure. - Je vous remercie. Le débat est ouvert.

Mme Micheline Jacques, sénatrice. - Il ressort de ces diverses interventions que des efforts se nouent collectivement pour préserver l'environnement et les océans pour les générations futures. Je souhaiterais évoquer un dispositif, qui n'a pas été mentionné, mis en place en Polynésie et dupliqué dans la quasi-totalité des territoires ultramarins : il s'agit des aires marines éducatives. Si nous voulons que la volonté de protection reçoive l'adhésion du plus grand nombre, il faut commencer à sensibiliser les enfants à cette problématique dès leur plus jeune âge.

Concernant la pêche et les autres activités humaines, je souhaiterais vous faire part d'une expérience qui me paraît intéressante. Lorsque nous avons créé en 1996 la première réserve naturelle de Saint-Barthélemy, nous nous sommes heurtés à des pêcheurs furieux qui, près de trente ans plus tard, sont pourtant devenus les plus grands protecteurs de cette réserve. Nous avons travaillé avec eux à la mise en place d'un règlement de pêche pour les pêcheurs et les plaisanciers, qui s'est depuis lors élargi à la Guadeloupe et à la Martinique. Ces bonnes pratiques développées près des côtes se propagent de plus en plus en direction de la haute mer, avec les dispositifs de concentration de poissons. Il s'agit d'une action de longue haleine, qui vise à toujours améliorer les dispositifs afin de les rendre plus vertueux.

S'il est vrai que les territoires ultramarins ne disposent pas nécessairement des technologies et des méthodes des scientifiques parisiens, on ne peut néanmoins faire abstraction, dans la stratégie française, des savoirs traditionnels. J'insiste sur la nécessité de porter un regard plus respectueux sur ces populations qui ont grandi dans la mer, ont utilisé pendant de très nombreuses années le milieu marin pour se nourrir, étaient isolées sur leurs territoires et représentent une mine d'informations sur les écosystèmes locaux. Ces communautés sont les premiers protecteurs de nos océans.

Mme Mereana Reid Arbelot, députée, rapporteure. - Les Polynésiens ont effectivement conquis leurs îles en traversant les océans et disposent de savoirs ancestraux basés sur l'observation. Leurs pratiques, dans lesquelles l'océan occupe une place essentielle, sont respectueuses de l'environnement et des cycles naturels.

M. Jimmy Pahun, député. - Nous sommes réunis ici aujourd'hui parce qu'en avril 2024 le Parlement va ratifier le BBNJ. J'ai été nommé rapporteur et voulais vous remercier du travail effectué depuis 22 années pour parvenir à ce texte.

Je souhaite également saluer les ONG qui se sont beaucoup investies dans l'élaboration de cet accord. Notre rôle est de ratifier rapidement ce traité et notre ambition de le promouvoir afin qu'un grand nombre de pays l'aient ratifié à leur tour d'ici la conférence des Nations Unies sur l'océan, qui se déroulera à Nice en juin 2025.

Je tiens à souligner que le politique a joué un rôle important dans ce domaine, puisque j'avais, avec mes collègues polynésiens et polynésiennes, dont Maina Sage, déposé une résolution qui a permis d'accélérer sur le plan politique ces dernières négociations si importantes auprès de l'ONU.

Concernant les AMP, il me paraît nécessaire, comme vous l'avez suggéré, de s'inspirer largement des rahui et de les mettre en place tout d'abord le long de nos côtes. Il convient en outre de faire preuve de vigilance à l'égard des aires marines protégées dites « fortes » et être au clair sur ce que l'on ne souhaite pas y faire. Le Président de la République a demandé une feuille de route aux pêcheurs pour le mois de juillet : peut-être ces éléments pourraient-ils y être intégrés.

M. Pierre-Marie Sarradin. - L'intégration des sciences humaines et sociales dans nos projets scientifiques, à côté des sciences dites « dures », est aujourd'hui une priorité absolue.

Je souscris à vos propos relatifs à la médiation scientifique envers les plus jeunes. Il est difficile de mettre en place des aires marines éducatives en zone profonde, mais nous développons d'autres outils comme le programme pédagogique « Mon lopin de mer », des jeux sérieux, des projets de science participative. Ces objectifs de sensibilisation des jeunes sont désormais intégrés dans nos projets de recherche, dans le cadre notamment de France 2030, avec les programmes prioritaires de recherche (PPR) ou les programmes et équipements prioritaires de recherche (PEPR).

M. Denis Duclos. - J'attire votre attention sur les programmes de sciences participatives centrés sur les publics scolaires de collégiens et lycéens. Je pense notamment au programme Vigie Mer, qui a pour objectif de faire en sorte que les jeunes s'approprient les problématiques de conservation de la biodiversité.

Mme Klaudija Cremers. - Je trouve intéressant que figure dans le préambule du traité la nécessité d'oeuvrer pour une bonne gestion des océans, pour les générations présentes et futures.

L'accord me semble par ailleurs assez innovant dans la prise en compte des communautés locales et des peuples autochtones. Dans la partie consacrée aux propositions concernant les aires marines protégées figure ainsi, parmi les différents critères que doivent mentionner les États, celui relatif aux informations scientifiques disponibles, mais aussi aux savoirs traditionnels des populations locales. Cela constitue un moyen d'intégrer les connaissances issues de Polynésie ou d'autres régions ultramarines dans l'élaboration des propositions.

M. Rodolphe Devillers. - L'IRD privilégie, dans les travaux qu'il mène avec les pays du sud notamment, les démarches de co-construction avec les populations locales, par exemple pour créer une AMP. Cela fonctionne très bien, mais sur de petits territoires, qui sont loin de dominer l'espace géographique que l'on essaie de protéger.

Nous observons par ailleurs que les pêcheries artisanales sont souvent très en support de ces aires marines protégées. Le problème vient plutôt des pêcheries industrielles. Or la pêche artisanale est peu présente dans le contexte de la haute mer, où domine la pêche industrielle, dotée de lobbies très structurés. Il est ainsi difficile de transposer le débat des AMP côtières aux AMP en haute mer. Le paysage d'acteurs, le tissu économique et les priorités ne sont pas identiques.

Mme Mereana Reid Arbelot, députée, rapporteure. - Alors que cette audition publique sur la protection de la biodiversité en haute mer touche à sa fin, je remercie vivement le président et le premier vice-président de l'Office d'en avoir accepté la tenue. J'espère qu'elle a démontré l'intérêt des sujets relatifs aux océans.

Je remercie bien évidemment les intervenants pour leurs présentations et les informations qu'ils nous ont apportées, ainsi que les participants, qu'il s'agisse des membres de l'Office ou de ceux des délégations aux outre-mer.

Cette audition publique a tout d'abord mis en lumière la nécessité de considérer l'océan et ses écosystèmes comme un tout, à l'image de la représentation qui prévaut chez les populations insulaires, particulièrement bien décrite par Mme Tilot.

Par conséquent, toute gestion fragmentée de l'océan est vouée à l'échec, ou tout du moins à des résultats insuffisants.

Les aires marines protégées ne peuvent être efficaces si la gestion durable des ressources halieutiques n'est pas garantie, que ce soit dans les zones hors ou sous juridiction nationale, ou si l'exploitation des ressources minières entraîne des conséquences néfastes pour les écosystèmes.

De même, ainsi que l'a montré Mme Travassos Tolotti, l'efficacité de la gestion durable des ressources halieutiques nécessite la prise en compte de l'ensemble de ces ressources et pas seulement de l'espèce que l'on souhaite protéger.

Le BBNJ constitue une réelle avancée pour la conservation et l'utilisation durable de la biodiversité en haute mer. Il facilite la création des aires marines protégées, en évitant que le consensus soit l'unique mode de décision. Il renforce également la procédure pour la réalisation d'études d'impact environnemental.

Ce traité reste toutefois issu d'un compromis et peut à ce titre soulever certaines interrogations, voire des frustrations. Ainsi, la possibilité de décider de la création d'une AMP à la majorité qualifiée est contrebalancée par l'introduction d'une clause d'opt-out pour l'État qui s'y opposerait.

Par ailleurs, comme l'a souligné Pascale Ricard, le champ d'application de cet accord demeure limité et dépendant de l'efficacité des autres régimes de conservation de la biodiversité. Ainsi, les ressources halieutiques sont exclues de son périmètre d'application, tandis que les ressources minières situées dans les fonds marins sont gérées par l'Autorité internationale des fonds marins.

Le BBNJ n'a en outre pas mis un terme à la multiplication des gouvernances et son efficacité dépendra largement, pour reprendre le propos de M. Devillers, de la capacité de coopération et d'articulation entre les différentes instances. Il convient toutefois de rester optimiste. En effet, ce sont les mêmes États qui siègent dans les diverses instances : or ils sont tenus, même si les services concernés ne sont pas nécessairement les mêmes, de faire preuve de cohérence et de respecter leurs engagements.

À court terme, la priorité est de s'assurer que le BBNJ soit ratifié le plus rapidement possible par au moins 60 États afin qu'il puisse entrer en vigueur. M. l'ambassadeur nous a fait part de l'engagement de la France en ce sens. Nous pouvons également agir à notre niveau, en sensibilisant les parlementaires des autres États que nous rencontrons dans le cadre de nos fonctions.

À long terme, le BBNJ ne sera efficace que si nous sommes capables d'assurer le suivi, le contrôle et la surveillance des activités humaines en haute mer. Mme Cremers a insisté sur le rôle de leadership que devraient avoir certains États en matière de surveillance. Compte tenu de la superficie du domaine maritime français, notre pays a une responsabilité particulière pour assurer cette surveillance. La France doit disposer de moyens à la hauteur de cette tâche. À cet égard, je vous informe que M. Éric Spitz, haut-commissaire de la République en Polynésie française, a annoncé récemment un renforcement des moyens de l'État consacrés à la surveillance de la pêche illégale. Les Falcon Guardian vont laisser place à deux Falcon 50, tandis que deux patrouilleurs vont remplacer le patrouilleur actuel. Des accords de coopération devraient en outre être signés avec les îles Fidji, Tonga et la Papouasie-Nouvelle-Guinée pour permettre à la France de réaliser des contrôles dans leurs ZEE respectives.

Concernant la création d'aires marines protégées, notre pays se doit de montrer l'exemple. M. Devillers a montré que le terme « AMP » englobait des situations très contrastées et que seule une protection forte de la biodiversité dans ces aires permettrait d'atteindre des résultats tangibles. Or nous avons tendance à privilégier la quantité sur la qualité. Il nous faut donc prendre en compte ces résultats scientifiques et adapter en conséquence notre politique de conservation de la biodiversité marine.

Je souhaite insister tout particulièrement sur le rôle de la science dans la protection de la biodiversité. Comme l'a fait remarquer M. Sarradin, les environnements marins profonds sont encore mal connus, mais présentent assurément des diversités d'écosystèmes et de fonctionnement. Seule la science permettra d'augmenter nos savoirs sur ces milieux, de connaître et d'évaluer leurs ressources potentielles et de mettre en place des outils de protection. M. Duclos, M. Bailly et Mme Arnaud-Haond ont tout particulièrement mis l'accent sur le rôle de la science comme outil de décision pour la mise en place des AMP et le développement des études d'impact environnemental. Il est par conséquent indispensable d'investir dans la science et de s'assurer que la France reste parmi les grandes nations en matière de recherche océanographique.

Deux autres sujets abordés lors de cette audition publique me tiennent à coeur.

M. Blasiak a montré l'accès très inégalitaire des États aux ressources génétiques marines. 98 % de l'activité commerciale liée à ces ressources sont le fait de dix États seulement. On comprend donc que la problématique du partage juste et équitable des profits découlant des activités relatives aux ressources génétiques marines ait été au centre des négociations du BBNJ. Je ne peux que me féliciter qu'un fonds spécial ait été prévu pour renforcer les capacités des pays en développement d'analyse des ressources génétiques marines. Ce fonds sera alimenté par le versement obligatoire de l'équivalent de 50 % de la contribution de chaque pays développé au budget du BBNJ.

En tant que députée de Polynésie, je souhaite enfin insister de nouveau sur le rôle et la place que devraient occuper les outre-mer dans la mise en application de cet accord. Comme l'a indiqué Mme Tilot, les communautés insulaires ont un rapport à l'océan qui contribue à sa protection et sont intéressées au premier chef par une protection efficace de la biodiversité marine. Les outre-mer sont par ailleurs proches géographiquement de nombreux États particulièrement importants pour l'application effective du BBNJ. Je pense aux États-Unis, au Japon et à l'Australie, sans parler de tous les États insulaires. Le gouvernement français a donc tout intérêt à impliquer les outre-mer dans sa politique d'influence pour la défense de la biodiversité marine et la ratification du BBNJ, mais également à s'inspirer de certaines pratiques traditionnelles comme le rahui.

Voici les premières réflexions, nécessairement partielles au regard de la densité des informations fournies, que m'a suggéré cette très riche audition publique. J'aurai l'occasion de présenter une synthèse plus complète de ces travaux aux membres de l'OPECST dans quelques semaines.

M. Stéphane Piednoir, sénateur, président de l'Office. - Merci, chère collègue, pour cette conclusion.

Je souhaite à mon tour remercier l'ensemble des intervenants des deux tables rondes, qui nous ont permis d'approfondir la question de la protection de la biodiversité en haute mer.

Je me félicite de l'annonce faite par Jimmy Pahun de la ratification du BBNJ par l'Assemblée nationale en avril prochain. J'imagine que le Sénat suivra dans un délai raisonnable.

Merci à vous tous de votre présence et de vos apports.

II. COMPTE RENDU DE LA RÉUNION DU 4 AVRIL 2024 DE PRÉSENTATION DES CONCLUSIONS DE L'AUDITION PUBLIQUE DU 29 FÉVRIER 2024

M. Stéphane Piednoir, sénateur, président de l'Office. - Les conclusions de l'audition publique sur la protection de la biodiversité marine en haute mer nous sont maintenant présentées par notre collègue députée Mereana Reid Arbelot que je remercie d'avoir organisé cette très intéressante audition.

Mme Mereana Reid Arbelot, députée, rapporteure. - Monsieur le président, Monsieur le premier vice-président, chers collègues, je suis honorée et touchée que l'Office se soit penché sur un sujet qui résonne fortement en moi. Je suis originaire d'un monde insulaire situé dans le triangle polynésien bordé, au nord, par les îles Hawaï, à l'est, par l'île de Rapa Nui, connue sous le nom d'île de Pâques, et à l'ouest par Aotearoa, le pays du « long nuage blanc », plus connu sous le nom de Nouvelle-Zélande. Au coeur de ce triangle, la Polynésie française est constituée de 118 îles réparties en cinq archipels sur une surface équivalente à l'Europe continentale, et on y trouve l'archipel des Gambier, qui est sans doute, avec l'île de Pâques et la Nouvelle-Zélande, l'une des dernières terres atteintes par l'homme dans son exploration du Pacifique.

De 3500 avant Jésus-Christ à 1200 après Jésus-Christ, les populations dites austronésiennes parcourent et apprivoisent l'immense « moana Nui a Hiva », l'océan Pacifique, en se repérant notamment grâce aux étoiles. J'évoque les migrations polynésiennes pour qu'on se rappelle qu'il y a des populations liées à l'océan depuis la nuit des temps et que nous tous, ici, sommes bien liés aux océans.

En effet, ceux-ci fabriquent la moitié de l'air que nous respirons, nous leur devons une inspiration sur deux. Pensons-y. Ils absorbent un tiers du gaz carbonique que nous produisons. Pensons-y. Ils abritent 80 % de la vie sur la Terre, des micro-organismes aux gigantesques baleines. La faune qu'ils accueillent constitue le principal moyen de subsistance pour plus de trois milliards d'êtres humains. Pensons-y.

Leur protection et leur préservation sont primordiales pour notre survie et celle de nos descendants. Pourtant la biodiversité que renferment les océans est méconnue. On estime que seulement 10 % des espèces marines en zone abyssale ont pu être observées et étudiées.

Les défis liés à la science, à l'environnement et à l'économie sont colossaux, comme l'ont révélé les puissants qui, de tout temps, ont cherché à s'approprier des espaces marins et des ressources naturelles.

Dès le début des années 2000, les États se sont interrogés, dans le cadre de l'Assemblée générale des Nations Unies, sur la nécessité de protéger la biodiversité en haute mer. Le 19 juin 2023, en se rapportant à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, un accord portant sur la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale, connu sous le sigle anglais BBNJ (Biodiversity Beyond National Jurisdiction) a été adopté par consensus.

Si la France souhaite qu'il entre en vigueur pour la Conférence des Nations Unies sur l'océan qui se tiendra à Nice en juin 2025, l'OPECST, lui, apporte son petit corail au récif en présentant les raisons qui ont poussé à son élaboration et en rappelant les conditions à réunir pour assurer son efficacité.

L'audition du 29 février a montré que le BBNJ visait à combler les lacunes du droit international concernant la conservation et l'utilisation durable de la biodiversité marine en haute mer. Les écosystèmes marins profonds, peu explorés et vulnérables du fait d'espèces très longévives ou à faible renouvellement, attirent pour leurs riches ressources. La pêche industrielle en haute mer, pratiquée depuis des décennies, cible ces zones hors juridictions nationales.

La découverte de gisements de minéraux marins fait également peser des risques importants sur la biodiversité, s'ils venaient à être exploités.

L'exploitation des ressources génétiques marines en haute mer offre des opportunités prometteuses en pharmacologie et cosmétique, mais elle est actuellement dominée par dix pays dont émanent 90 % des demandes de brevets sur les gènes d'organismes marins.

Face aux convoitises que suscite la biodiversité en haute mer, la protection effective des zones ne relevant pas de la juridiction nationale est rendue difficile par des lacunes juridiques. D'une part, les activités en haute mer sont gérées par une multitude d'organisations et d'instruments sectoriels sans réelles consultation ni harmonisation mutuelles. D'autre part, si la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer oblige les États à protéger le milieu marin, y compris hors de leur juridiction, cette directive générale est peu appliquée et son contrôle complexe et onéreux du fait de l'éloignement des côtes.

Face à ce constat, les États membres des Nations Unies ont adopté, en juin 2023, le BBNJ, instrument international juridiquement contraignant, afin de renforcer la gouvernance des zones au-delà de la juridiction nationale.

Le BBNJ comble les lacunes juridiques dans quatre domaines : la création d'aires marines protégées, la réalisation d'études d'impact environnemental, l'utilisation des ressources génétiques marines et le renforcement des capacités des États en développement.

En ce qui concerne la création d'outils de gestion par zone, y compris d'aires marines protégées, le BBNJ prévoit que les États pourront désigner collectivement ou individuellement des aires protégées ou tout autre outil de gestion de zone. Afin d'éviter toute situation de blocage, les décisions et les recommandations peuvent être prises à la majorité des trois quarts des parties présentes s'il n'est pas possible de parvenir à un consensus.

En ce qui concerne les études d'impact environnemental, des seuils de déclenchement sont prévus et le BBNJ stipule qu'elles nécessitent la consultation des parties prenantes, la publication d'un rapport d'évaluation et la notification de toute activité entreprise.

Le BBNJ encadre les activités liées aux ressources génétiques marines et le partage des bénéfices découlant de leur exploitation. Un centre d'échange collecte les informations sur les activités liées aux ressources génétiques marines des zones internationales et génère automatiquement un identifiant normalisé de lot « BBNJ ». Il prévoit aussi le partage monétaire des avantages découlant de l'utilisation des ressources génétiques marines.

Enfin, il renforce les capacités des États en matière de développement et de transfert de technologies marines. L'objectif est double : diminuer les inégalités en recherche scientifique entre les États et accroître la capacité des pays en développement à satisfaire aux obligations de l'accord, notamment la création et la gestion d'aires marines protégées.

In fine, le BBNJ ouvre la voie à une gouvernance multilatérale, inclusive et prenant en compte les intérêts des États en développement pour garantir la conservation et l'utilisation durable de la biodiversité.

Le BBNJ accorde un rôle central à la science, à la fois comme outil d'aide à la décision et comme outil de coopération. La science joue un rôle clé dans la prise de décision par le biais de l'organe scientifique et technique composé d'experts dotés de compétences scientifiques et techniques. Les attributions de cet organe sont multiples. Il intervient à tous les stades d'existence des aires marines protégées, recommande des mesures d'urgence en cas de grave menace à la biodiversité en zone marine internationale et identifie les activités nécessitant une étude d'impact environnemental.

Par ailleurs, la science joue un rôle prépondérant comme outil de coopération, en particulier dans le cadre du renforcement des capacités et du transfert des technologies marines. Cela peut se traduire par le partage et l'utilisation des données, connaissances et résultats de recherche pertinents, ainsi que par l'élaboration de programmes de recherche et de développement.

Dans le cadre du partage des avantages non monétaires découlant des activités liées aux ressources génétiques marines, la science a également une place prédominante, que ce soit au travers de l'accès libre à des données scientifiques faciles d'accès et réutilisables ou au travers du renforcement de la coopération technique et scientifique.

Le BBNJ reste néanmoins le fruit d'un compromis, et l'efficacité réelle de cet accord est conditionnée à la levée de certains obstacles. Il s'ajoute à de nombreuses recommandations sur la navigation, l'exploitation des fonds marins et des ressources halieutiques. Son application devra donc concilier la conservation de la biodiversité avec les autres obligations conventionnelles, puisque toutes les conventions ont une valeur juridique équivalente.

Par ailleurs, l'exclusion des questions de pêche et des activités minières du champ d'application du BBNJ affaiblit considérablement l'efficacité des mesures qui pourront être prises pour la conservation et l'utilisation durable de la biodiversité marine dans les zones ne relevant pas d'une juridiction nationale.

Enfin, le BBNJ autorise toute partie qui s'opposerait à la création d'une aire marine protégée à être exonérée des contraintes liées à cette dernière.

D'autres obstacles, d'ordre procédural, devront être levés pour garantir l'efficacité de ce traité. D'abord, soixante États doivent le ratifier pour qu'il entre en vigueur. Les Palaos et le Chili l'ont fait et, dernièrement, les Seychelles et Belize les ont rejoints, mais la ratification rapide par les États membres de l'Union européenne et l'Union elle-même ne semble pas garantie. Le coût et la lourdeur de certaines procédures comme celles visant à créer une aire marine protégée ont été pointés par les intervenants. Les activités de recherche sur les ressources génétiques marines exigent aussi des moyens humains et financiers très importants.

Surtout, l'efficacité des outils du BBNJ dépend d'éléments importants dans leur mise en oeuvre. Ainsi l'efficacité des aires marines protégées dépend de leur niveau de protection. Or les États ont tendance à privilégier la quantité - afin de respecter l'objectif des 30 % de mers et océans protégés - au détriment de la qualité. Le suivi et la surveillance des futures aires marines protégées sont indispensables pour garantir la mise en oeuvre effective des mesures adoptées. Ce contrôle dépend actuellement de la capacité et de la volonté politique des États de contrôler les activités des navires qu'ils ont immatriculés.

Les études d'impact environnemental ne garantiront pas l'utilisation durable des ressources tant que les lacunes scientifiques sur l'exploitation minière en eau profonde ne seront pas levées.

J'en viens aux huit recommandations que je vous propose de formuler au nom de l'Office.

Première recommandation : oeuvrer pour une entrée en vigueur rapide du BBNJ.

Deuxième recommandation : lors de la ratification du BBNJ par le Parlement français, nous devrons exiger l'activation de la clause de l'article 70 pour exclure l'application de certaines dispositions aux ressources génétiques marines collectées avant l'accord, afin d'éviter une insécurité juridique pour les collections de certains établissements de recherche français établies depuis des siècles. Le projet de loi de ratification devrait être présenté en conseil des ministres fin avril ou début mai.

Troisième recommandation : la France doit poursuivre son action de persuasion auprès de la communauté internationale, afin d'imposer un moratoire sur l'exploitation minière des fonds marins dans l'attente d'un progrès des connaissances scientifiques sur l'incidence des activités minières sur ces écosystèmes.

Quatrième recommandation : il est indispensable d'adopter une approche holistique de la conservation de la biodiversité. Concrètement, il faut veiller à ce que les décisions des États, y compris la France, au sein des organisations internationales soient cohérentes et visent la protection de la biodiversité en haute mer.

Cinquième recommandation : la France doit intensifier son effort de recherche pour l'exploration des fonds marins, notamment en concrétisant l'investissement promis de 300 millions d'euros prévu dans le plan France 2030.

Sixième recommandation : renforcer le niveau de protection et la surveillance des activités dans les aires marines protégées. Pour cela, il est indispensable de s'assurer de la capacité technique et de la volonté politique des États en matière de contrôle des navires battant leur pavillon. Cela peut passer par des coopérations interétatiques et le renforcement des contrôles portuaires. Au regard de la superficie de son domaine maritime, la France devrait être un modèle dans la création et la surveillance des aires marines protégées en privilégiant la qualité sur la quantité.

Septième recommandation : nous devons multiplier les démarches pédagogiques pour sensibiliser les populations et les générations futures à la conservation de la biodiversité en haute mer.

Huitième recommandation : l'État français doit impliquer davantage les outre-mer dans la mise en place du BBNJ. Les communautés insulaires entretiennent avec l'océan une relation qui favorise sa préservation. Elles sont également les premières intéressées par une protection efficace. Le gouvernement français gagnerait à associer les outre-mer à la protection de la biodiversité marine et à s'inspirer des pratiques traditionnelles comme le rahui pour assurer la conservation et l'exploitation durable des océans.

Par ces conclusions, je souhaite avoir éveillé votre intérêt et votre curiosité pour une lecture plus approfondie du rapport sur le BBNJ.

Je remercie l'Office ainsi que tous les intervenants qui ont participé à l'audition publique. Soyons tous convaincus que le travail effectué et la réflexion autour de ce sujet revêtent toute leur importance aujourd'hui et pour les années qui viennent. Restons réalistes pour être des acteurs constructifs à nos échelles, gardons une part de rêve pour croire que c'est possible.

M. Stéphane Piednoir, sénateur, président de l'Office. - À l'instar des débris spatiaux, cette problématique revêt une dimension internationale. Elle révèle la difficulté de mener à terme des travaux au niveau international et de mobiliser une volonté internationale, après un accord conclu en juin 2023 qui demande à être ratifié. Certes, en doublant chaque mois le nombre d'États l'ayant ratifié, comme c'est le cas depuis février, on peut espérer atteindre rapidement le nombre de soixante, mais neuf mois après, le processus n'est toujours pas enclenché dans beaucoup de pays. L'objectif est d'annoncer l'entrée en vigueur de cet accord international lors de la conférence des Nations Unies sur l'océan qui se tiendra en France en 2025, mais le chemin est encore long. Compte tenu de l'étendue de ses aires maritimes, la France a un rôle de modèle à jouer. Elle doit être exemplaire et à l'initiative ; il me semble qu'elle l'est.

Votre première préconisation invite à faire jouer tous les leviers d'action dont nous disposons en tant que parlementaires. Nous sommes tous membres d'un ou de plusieurs groupes d'amitié et avons des contacts avec nos homologues étrangers dans nos assemblées respectives. Nous pouvons aussi solliciter les têtes de listes aux élections européennes qui auront lieu prochainement, puisqu'il s'agit aussi d'un sujet européen. Nous pouvons être leaders en rassurant les parties prenantes françaises sur la possibilité d'activation de la clause prévue à l'article 70, ce qui est pour nous essentiel.

Je me réjouis de l'inscription de cet accord à l'ordre du jour du Parlement, fin avril-début mai. Nous nous en saisirons. Je suggère que nous ayons une action collective auprès des candidats aux élections européennes, parce que c'est le rôle de l'Office d'alerter. C'est une évaluation a posteriori mais quand une alerte sur la mise en oeuvre d'un traité international va dans le bon sens, nous sommes pleinement dans notre rôle.

Mme Mereana Reid Arbelot, députée, rapporteure. - Je voudrais souligner le lien qui existe avec le sujet précédent des débris spatiaux. Si ce qui se trouve dans le ciel finit sur la Terre, tout ce qui se trouve sur Terre finit à la mer. Je ne souhaite pas être pessimiste, mais on travaillait sur le BBNJ depuis les années 2000 et il n'a été adopté qu'en 2023. Souhaitons que pour l'espace, ce soit beaucoup moins long.

Quant à l'action de chacun, en tant que parlementaire, elle s'exerce dans les groupes d'amitié, dans nos relations politiques et au sein de nos différents groupes. Je compte aussi sur l'OPECST, sur vous tous, pour parler du BBNJ.

M. Daniel Salmon, sénateur. - Ce sujet crucial fait écho à l'action de l'association Bloom, qui vient de lancer une coalition citoyenne pour la protection de l'océan qui va interpeller les responsables politiques à l'occasion des élections européennes.

La présentation montre combien les aires marines protégées en France le sont peu, victimes du chalutage de fond qui détruit les fonds marins, bombe à retardement comparable à la déforestation. Comme pour l'espace, ce qui se passe dans le fond des mers est lié directement à nos modes de vie et de consommation sur les terres. Il est urgent d'imposer des réglementations partagées afin de protéger tous les écosystèmes dont nous avons grand besoin.

M. Ludovic Haye, sénateur. - Merci pour votre travail exhaustif. Je suis stupéfait du nombre de domaines couverts en termes d'exploitation, de pêche, de préservation de la biodiversité. Les analogies avec l'espace sont nombreuses, notamment sur le plan des connaissances.

On dit souvent que la connaissance des fonds marins relève du vide abyssal. Heureusement, car ne pas connaître certains milieux nous évite d'y aller. Pourtant, il faut nourrir les hommes, on ne pêche pas par simple plaisir et les réalités économiques doivent être prises en compte.

Je rappelle que seuls 24 % des fonds marins sont cartographiés et que seuls 5 % ont été explorés. Je partage la nécessité d'intensifier l'effort de recherche pour l'exploration des fonds marins, qui doit être inspiré par une volonté de connaissance et non d'exploitation. Souvent, on veut bien financer des recherches à condition de savoir ce qu'on peut en tirer, comme de nouveaux forages ou de nouvelles zones de pêche.

J'ajoute que la Marine nationale est animée du même souci de connaissance des fonds marins pour des raisons de sécurité. Je rappelle que seulement 5 % ont été explorés et que seulement 24 % des profondeurs sont connues. Alors qu'on prône l'activation du lien armées-nation ou la mise en place d'actions civilo-militaires, la connaissance des fonds marins peut être améliorée en lien avec nos armées.

Mme Mereana Reid Arbelot, députée, rapporteure. - La France étant la deuxième puissance maritime mondiale, notamment grâce au domaine maritime du Pacifique situé autour de la Polynésie française, la Marine est en train d'y consacrer des moyens supplémentaires. Nous ressentons un regain d'intérêt pour l'océan, ce dont nous nous réjouissons en tant que Polynésiens et Français.

Mme Martine Berthet, sénatrice. - Où en est la recommandation visant à imposer un moratoire sur l'exploitation minière des fonds marins ?

Mme Mereana Reid Arbelot, députée, rapporteure. - Cela n'avance pas beaucoup. Peu de pays soutiennent le moratoire proposé par la France. À nous, parlementaires, de faire du lobbying auprès de nos interlocuteurs pour inciter le Gouvernement à faire entendre cette voix.

Des pays commencent déjà à réserver des zones à exploiter, notamment par des demandes auprès de l'Autorité internationale des fonds marins (AIFM).

M. Stéphane Piednoir, sénateur, président de l'Office. - En l'état, ce sujet ne fait pas partie de l'accord signé.

Mme Mereana Reid Arbelot, députée, rapporteure. - Cette question est malheureusement extérieure au BBNJ, mais rien ne nous empêche de soutenir le moratoire.

Mme Martine Berthet, sénatrice. - Au vu de l'ampleur de la recherche restant à mener, on regrette de ne pas l'avoir poussée plus loin avant d'accorder des autorisations.

M. Stéphane Piednoir, sénateur, président de l'Office. - Cela va dans le sens des recommandations.

Concernant les fonds marins, j'ai vu une vidéo sur les abysses. Les espèces marines qui les habitent ne ressemblent à rien de connu. Ce monde nous est totalement étranger. Peut-être vaut-il mieux ne pas aller le voir, mais on peut aussi faire savoir qu'il existe des éléments inconnus au fin fond de notre planète. Prenons soin à ne pas tout saccager car nous pourrions regretter la disparition de telles espèces qui ne ressemblent en rien aux poissons que nous connaissons et nous renvoient à des ères anciennes.

M. Jean-Luc Fugit, député, vice-président de l'Office. - J'ai appartenu aussi à la commission de la défense qui a fait inscrire dans la loi de programmation militaire la nécessité de créer un pôle de compétences dédié aux grands fonds. Il devrait largement dépasser le sujet de la défense et devenir un pôle de compétences national ou européen couvrant l'ensemble de la problématique des grands fonds afin de mieux les protéger.

L'Office adopte à l'unanimité les conclusions de l'audition publique du 29 février 2024 et autorise la publication, sous forme de rapport, du compte rendu de l'audition et de ces conclusions.

M. Stéphane Piednoir, sénateur, président de l'Office. - Nous relayerons vos recommandations d'alerter nos collègues français et étrangers sur l'intérêt de ratifier prochainement l'accord BBNJ.

ANNEXES

I. ACCORD SE RAPPORTANT À LA CONVENTION DES NATIONS UNIES SUR LE DROIT DE LA MER ET PORTANT SUR LA CONSERVATION ET L'UTILISATION DURABLE DE LA DIVERSITÉ BIOLOGIQUE MARINE DES ZONES NE RELEVANT PAS DE LA JURIDICTION NATIONALE

 

Assemblée générale

Distr. générale

19 juin 2023

Français

Original : anglais

Nations Unies

Conférence intergouvernementale chargée d'élaborer un instrument international juridiquement contraignant se rapportant à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer et portant sur la conservation et l'utilisation durable de la biodiversité marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale

Nouvelle reprise de la cinquième session

New York, 19 et 20 juin 2023

Accord se rapportant à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer et portant sur la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale

* Nouveau tirage pour raisons techniques (30 juin 2023).

23-11848* (F) 300623 300623

PRÉAMBULE

Les Parties au présent Accord,

Rappelant les dispositions pertinentes de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982, notamment l'obligation de protéger et de préserver le milieu marin,

Soulignant la nécessité de respecter l'équilibre des droits, obligations et intérêts consacré par la Convention,

Constatant la nécessité de lutter, de manière cohérente et coopérative, contre la perte de diversité biologique et la dégradation des écosystèmes de l'océan dues, notamment, aux impacts des changements climatiques sur les écosystèmes marins, tels que le réchauffement et la désoxygénation de l'océan, ainsi que l'acidification de celui-ci, sa pollution, y compris par les plastiques, et son utilisation non durable,

Conscientes de la nécessité de faire en sorte que le régime mondial complet créé par la Convention encadre mieux la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale,

Considérant qu'il importe de contribuer à l'avènement d'un ordre économique international juste et équitable dans lequel il serait tenu compte des intérêts et besoins de l'humanité tout entière et, en particulier, des intérêts et besoins spécifiques des États en développement, qu'ils soient côtiers ou sans littoral,

Considérant également que l'appui aux États Parties en développement par le renforcement de leurs capacités et le développement et le transfert de technologies marines sont essentiels à la réalisation des objectifs de conservation et d'utilisation durable de la diversité biologique marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale,

Rappelant la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones,

Affirmant que rien dans le présent Accord ne doit être interprété comme diminuant ou éteignant les droits existants des peuples autochtones, notamment ceux inscrits dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, ou, selon le cas, des communautés locales,

Conscientes de l'obligation énoncée dans la Convention d'évaluer, dans la mesure du possible, les effets potentiels sur le milieu marin des activités relevant de la juridiction ou du contrôle d'un État lorsque celui-ci a de sérieuses raisons de penser que ces activités risquent d'entraîner une pollution importante ou des modifications considérables et nuisibles du milieu marin,

Ayant à l'esprit l'obligation énoncée dans la Convention de prendre toutes les mesures nécessaires pour que la pollution résultant d'incidents ou d'activités ne s'étende pas au-delà des zones où s'exercent les droits souverains conformément à la Convention,

Désireuses d'assurer la bonne gestion de l'océan dans les zones ne relevant pas de la juridiction nationale pour le compte des générations présentes et futures en protégeant le milieu marin, en en prenant soin et en veillant à ce qu'il en soit fait une utilisation responsable, en maintenant l'intégrité des écosystèmes océaniques et en conservant la valeur intrinsèque de la diversité biologique des zones ne relevant pas de la juridiction nationale,

Reconnaissant que la production d'informations de séquençage numérique sur les ressources génétiques marines des zones ne relevant pas de la juridiction nationale, l'accès à ces informations et leur utilisation, conjugués au partage juste et équitable des avantages découlant de cette utilisation, servent la recherche et l'innovation ainsi que l'objectif général du présent Accord,

Respectueuses de la souveraineté, de l'intégrité territoriale et de l'indépendance politique de tous les États,

Rappelant que le statut juridique des non-parties à la Convention ou à tout autre accord connexe est régi par les règles du droit des traités,

Rappelant également que, comme l'énonce la Convention, les États sont tenus de veiller à l'accomplissement de leurs obligations internationales relatives à la protection et à la préservation du milieu marin et peuvent être tenus responsables à cet égard conformément au droit international,

Attachées à la réalisation du développement durable, Aspirant à atteindre l'objectif d'une participation universelle, Sont convenues de ce qui suit :

PARTIE I
DISPOSITIONS GÉNÉRALES

Article premier
Emploi des termes

Aux fins du présent Accord, on entend par :

1. « Outil de gestion par zone » un outil, y compris une aire marine protégée, visant une zone géographiquement définie et au moyen duquel un ou plusieurs secteurs ou activités sont gérés dans le but d'atteindre des objectifs particuliers de conservation et d'utilisation durable conformément au présent Accord.

2. « Zones ne relevant pas de la juridiction nationale » la haute mer et la Zone.

3. « Biotechnologie » toute application technologique qui utilise des systèmes biologiques, des organismes vivants, ou des dérivés de ceux-ci, pour réaliser ou modifier des produits ou des procédés à usage spécifique.

4. « Collecte in situ », en ce qui concerne les ressources génétiques marines, la collecte ou l'échantillonnage de ressources génétiques marines dans des zones ne relevant pas de la juridiction nationale.

5. « Convention » la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982.

6. « Impacts cumulés » les impacts combinés et graduels résultant de diverses activités, y compris des activités connues, passées ou présentes, ou raisonnablement prévisibles, ou de la répétition dans le temps d'activités similaires, et les conséquences des changements climatiques, de l'acidification de l'océan et leurs effets connexes.

7. « Évaluation d'impact sur l'environnement » la procédure visant à recenser et à évaluer les impacts qu'une activité peut avoir en vue d'éclairer la prise de décision.

8. « Ressources génétiques marines » tout matériel marin d'origine végétale, animale, microbienne ou autre, qui contient des unités fonctionnelles de l'hérédité ayant une valeur effective ou potentielle.

9. « Aire marine protégée » une aire marine géographiquement définie qui est désignée et gérée en vue d'atteindre des objectifs spécifiques de conservation à long terme de la diversité biologique et dans laquelle, selon qu'il convient, l'utilisation durable peut être autorisée pourvu qu'elle soit compatible avec de tels objectifs.

10. « Technologies marines », entre autres choses, les informations et données, présentées sous une forme facilement exploitable, qui concernent les sciences de la mer et les opérations et services marins connexes ; les manuels, lignes directrices, critères, normes et documents de référence ; le matériel et les méthodes d'échantillonnage ; les installations d'observation et le matériel d'observation, d'analyse et d'expérimentation in situ et en laboratoire ; les matériels et logiciels informatiques, y compris les modèles et les techniques de modélisation ; les biotechnologies connexes ; les compétences, connaissances, aptitudes, savoir-faire technique, scientifique ou juridique et méthodes d'analyse relatifs à la conservation et à l'utilisation durable de la diversité biologique marine.

11. « Partie » un État ou une organisation régionale d'intégration économique qui a consenti à être lié par le présent Accord et à l'égard duquel celui-ci est en vigueur.

12. « Organisation régionale d'intégration économique » toute organisation constituée d'États souverains d'une région donnée, à laquelle ses États membres ont transféré des compétences en ce qui concerne les questions régies par le présent Accord et qui a été dûment autorisée, conformément à ses procédures internes, à signer, ratifier, approuver, accepter l'Accord ou à y adhérer.

13. « Utilisation durable » l'utilisation des éléments constitutifs de la diversité biologique d'une manière et à un rythme qui n'entraînent pas leur appauvrissement à long terme, et sauvegardent ainsi leur potentiel pour satisfaire les besoins et les aspirations des générations présentes et futures.

14. « Utilisation de ressources génétiques marines » le fait de mener des activités de recherche-développement sur la composition génétique et/ou biochimique de ressources génétiques marines, y compris au moyen de la biotechnologie au sens du paragraphe 3 ci-dessus.

Article 2
Objectif général

Le présent Accord a pour objectif d'assurer la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale, dans l'immédiat et à long terme, grâce à la mise en oeuvre effective des dispositions pertinentes de la Convention et au renforcement de la coopération et de la coordination internationales.

Article 3
Champ d'application

Le présent Accord s'applique aux zones ne relevant pas de la juridiction nationale.

Article 4
Exceptions

Le présent Accord ne s'applique ni aux navires de guerre, ni aux aéronefs militaires, ni aux navires auxiliaires. À l'exception de sa partie II, il ne s'applique pas aux autres navires ou aéronefs appartenant à une Partie ou exploités par elle lorsqu'elle les utilise, au moment considéré, exclusivement à des fins de service public non commerciales. Cependant, chaque Partie prend des mesures appropriées n'affectant pas les opérations ou la capacité opérationnelle de ces navires ou aéronefs lui appartenant ou exploités par elle de façon à ce que ceux-ci agissent, autant que faire se peut, d'une manière compatible avec le présent Accord.

Article 5
Relation entre le présent Accord et la Convention, les instruments et cadres juridiques pertinents et les organes mondiaux, régionaux, sous-régionaux et sectoriels pertinents

1. Le présent Accord est interprété et appliqué dans le contexte de la Convention et d'une manière compatible avec celle-ci. Aucune disposition du présent Accord ne porte préjudice aux droits, à la juridiction et aux obligations des États en vertu de la Convention, y compris en ce qui concerne la zone économique exclusive et le plateau continental jusqu'à 200 milles marins et au-delà.

2. Le présent Accord est interprété et appliqué d'une manière qui ne porte atteinte ni aux instruments et cadres juridiques pertinents, ni aux organes mondiaux, régionaux, sous-régionaux et sectoriels pertinents, et qui favorise la cohérence et la coordination avec ces instruments, cadres et organes.

3. Le statut juridique des non-parties à la Convention ou à d'autres accords connexes à l'égard de ces instruments n'est en rien affecté par le présent Accord.

Article 6
Sans préjudice

Le présent Accord, y compris toute décision ou recommandation de la Conférence des Parties ou de l'un de ses organes subsidiaires, et tout acte, toute mesure ou toute activité entrepris sur la base de celui-ci sont sans préjudice de toute souveraineté, de tout droit souverain ou de toute juridiction et ne peuvent être invoqués pour faire valoir ou rejeter une quelconque revendication à cet égard, y compris à l'occasion d'un différend en la matière.

Article 7
Principes généraux et approches

Pour atteindre les objectifs du présent Accord, les Parties sont orientées par les principes et approches suivants :

a) Le principe du pollueur-payeur ;

b) Le principe de patrimoine commun de l'humanité qui est énoncé dans la Convention ;

c) La liberté de la recherche scientifique marine, conjuguée aux autres libertés de la haute mer ;

d) Le principe de l'équité et du partage juste et équitable des avantages ;

e) Le principe de précaution ou l'approche de précaution, selon qu'il convient ;

f) Une approche écosystémique ;

g) Une approche intégrée de la gestion de l'océan ;

h) Une approche qui renforce la résilience des écosystèmes, notamment à l'égard des effets néfastes des changements climatiques et de l'acidification de l'océan et qui, en outre, préserve et restaure l'intégrité des écosystèmes, y compris les services rendus par le cycle du carbone qui sont à la base du rôle que l'océan joue dans le climat ;

i) L'utilisation des meilleures connaissances et informations scientifiques disponibles ;

j) L'utilisation, quand elles sont disponibles, des connaissances traditionnelles pertinentes des peuples autochtones et des communautés locales ;

k) Le respect, la promotion et la prise en compte de leurs obligations respectives, le cas échéant, en matière de droits des peuples autochtones ou, selon le cas, des communautés locales, lorsqu'elles prennent des mesures pour assurer la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale ;

l) Le non-transfert, directement ou indirectement, de dommages ou de risques d'une zone à une autre et la non-transformation d'un type de pollution en un autre lorsqu'elles prennent des mesures pour prévenir, réduire et maîtriser la pollution du milieu marin ;

m) La pleine prise en considération de la situation particulière des petits États insulaires en développement et des pays les moins avancés ;

n) La reconnaissance des intérêts et besoins spécifiques des pays en développement sans littoral.

Article 8
Coopération internationale

1. Les Parties coopèrent au titre du présent Accord aux fins de la conservation et de l'utilisation durable de la diversité biologique marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale, notamment en renforçant et en intensifiant la coopération avec les instruments et cadres juridiques pertinents et les organes mondiaux, régionaux, sous-régionaux et sectoriels pertinents et en favorisant la coopération entre lesdits instruments, cadres et organes, en vue d'atteindre les objectifs du présent Accord.

2. Les Parties s'efforcent de promouvoir, selon qu'il convient, les objectifs du présent Accord lorsqu'elles participent aux décisions qui sont prises au titre d'autres instruments ou cadres juridiques pertinents ou au sein d'organes mondiaux, régionaux, sous-régionaux ou sectoriels pertinents.

3. Les Parties favorisent la coopération internationale en matière de recherche scientifique marine et de développement et de transfert de technologies marines dans le respect de la Convention et à l'appui des objectifs du présent Accord.

PARTIE II
RESSOURCES GÉNÉTIQUES MARINES ET PARTAGE JUSTE ET ÉQUITABLE DES AVANTAGES

Article 9
Objectifs

Les objectifs de la présente partie sont les suivants :

a) Le partage juste et équitable des avantages qui découlent des activités relatives aux ressources génétiques marines des zones ne relevant pas de la juridiction nationale et aux informations de séquençage numérique sur ces ressources génétiques marines, aux fins de la conservation et de l'utilisation durable de la diversité biologique marine desdites zones ;

b) Le renforcement et le développement de la capacité des Parties, en particulier les États Parties en développement, notamment les pays les moins avancés, les pays en développement sans littoral, les États géographiquement désavantagés, les petits États insulaires en développement, les États côtiers d'Afrique, les États archipels et les pays en développement à revenu intermédiaire, de mener des activités relatives aux ressources génétiques marines des zones ne relevant pas de la juridiction nationale et aux informations de séquençage numérique sur ces ressources génétiques marines ;

c) La production de connaissances, d'une compréhension scientifique et d'innovations technologiques, notamment par le développement et la conduite de la recherche scientifique marine, comme contributions essentielles à la mise en oeuvre du présent Accord ;

d) Le développement et le transfert de technologies marines conformément au présent Accord.

Article 10
Application

1. Les dispositions du présent Accord s'appliquent aux activités relatives aux ressources génétiques marines des zones ne relevant pas de la juridiction nationale et aux informations de séquençage numérique sur ces ressources qui ont été collectées et produites après que l'Accord est entré en vigueur pour la Partie concernée. L'application des dispositions de cet Accord s'étend à l'utilisation des ressources génétiques marines des zones ne relevant pas de la juridiction nationale et des informations de séquençage numérique sur ces ressources ayant été collectées ou produites avant que l'Accord ne soit entré en vigueur, sauf si une Partie présente une exception par écrit en vertu de l'article 70 au moment de la signature, de la ratification, de l'approbation ou de l'acceptation du présent Accord ou de l'adhésion à celui-ci.

2. Les dispositions de la présente partie ne s'appliquent pas à ce qui suit :

a) La pêche régie par les dispositions pertinentes du droit international et les activités liées à la pêche ; ou

b) Les poissons ou autres ressources biologiques marines dont on sait qu'ils ont été capturés dans le cadre d'activités de pêche ou liées à la pêche dans des zones ne relevant pas de la juridiction nationale, sauf s'ils tombent sous le régime de l'utilisation établi par la présente partie.

3. Les obligations énoncées dans la présente partie ne s'appliquent pas aux activités militaires des Parties, y compris les activités militaires menées par des navires et aéronefs d'État utilisés à des fins de service non commercial. Les obligations énoncées dans la présente partie qui se rapportent à l'utilisation des ressources génétiques marines des zones ne relevant pas de la juridiction nationale et des informations de séquençage numérique sur ces ressources s'appliquent aux activités non militaires des Parties.

Article 11
Activités relatives aux ressources génétiques marines des zones ne relevant pas de la juridiction nationale

1. Toutes les Parties, quelle que soit leur situation géographique, et les personnes physiques ou morales relevant de leur juridiction peuvent mener des activités relatives aux ressources génétiques marines des zones ne relevant pas de la juridiction nationale et aux informations de séquençage numérique sur ces ressources. De telles activités sont menées conformément au présent Accord.

2. Les Parties favorisent la coopération dans toutes les activités relatives aux ressources génétiques marines des zones ne relevant pas de la juridiction nationale et aux informations de séquençage numérique sur ces ressources.

3. La collecte in situ de ressources génétiques marines des zones ne relevant pas de la juridiction nationale s'effectue compte dûment tenu des droits et des intérêts légitimes qu'ont les États côtiers dans les zones relevant de leur juridiction nationale et des intérêts qu'ont les autres États dans les zones ne relevant pas de la juridiction nationale, conformément à la Convention. À cette fin, les Parties s'efforcent de coopérer, selon que de besoin, y compris selon les modalités de fonctionnement du Centre d'échange définies à l'article 51, en vue de la mise en oeuvre du présent Accord.

4. Aucun État ne peut revendiquer ou exercer de souveraineté ou de droits souverains sur les ressources génétiques marines des zones ne relevant pas de la juridiction nationale. Aucune revendication ni aucun exercice de souveraineté ou de droits souverains de cette nature ne sera reconnu.

5. La collecte in situ de ressources génétiques marines des zones ne relevant pas de la juridiction nationale ne constitue le fondement juridique d'aucune revendication sur une partie quelconque du milieu marin ou de ses ressources.

6. Les activités relatives aux ressources génétiques marines des zones ne relevant pas de la juridiction nationale et aux informations de séquençage numérique sur ces ressources sont dans l'intérêt de tous les États et pour le bénéfice de l'humanité tout entière, et visent en particulier à faire progresser les connaissances scientifiques de l'humanité et à favoriser la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique marine, compte tenu, particulièrement, des intérêts et besoins des États en développement.

7. Les activités relatives aux ressources génétiques marines des zones ne relevant pas de la juridiction nationale et aux informations de séquençage numérique sur ces ressources sont menées à des fins exclusivement pacifiques.

Article 12
Notifications concernant les activités relatives aux ressources génétiques marines des zones ne relevant pas de la juridiction nationale et aux informations de séquençage numérique sur ces ressources génétiques marines

1. Les Parties prennent les mesures législatives, administratives ou de politique générale qui sont nécessaires pour que les informations soient notifiées au Centre d'échange conformément à la présente partie.

2. Les informations ci-après sont notifiées au Centre d'échange six mois, ou dès que possible, avant la collecte in situ de ressources génétiques marines des zones ne relevant pas de la juridiction nationale :

a) La nature de la collecte et les objectifs aux fins desquelles elle est effectuée, y compris, le cas échéant, le ou les programmes dont elle relève ;

b) L'objet des travaux de recherche ou, si cette information est connue, les ressources marines génétiques visées ou devant être collectées et les fins auxquelles elles seront collectées ;

c) Les zones géographiques où la collecte sera effectuée ;

d) Un résumé de la méthode et des moyens qui seront utilisés pour la collecte, y compris le nom, le tonnage, le type et la catégorie des navires, et un descriptif du matériel scientifique et/ou des méthodes d'étude employés ;

e) Des informations concernant toute autre contribution faite aux principaux programmes envisagés ;

f) Les dates prévues de la première arrivée et du dernier départ des navires de recherche ou celles de l'installation et du retrait du matériel de recherche, selon les cas ;

g) Le nom de l'institution ou des institutions patronnant le projet de recherche et du responsable du projet ;

h) Les possibilités pour les scientifiques de tous les États, en particulier ceux d'États en développement, de participer ou d'être associés au projet ;

i) La mesure dans laquelle on estime que les États qui pourraient avoir besoin et demander à bénéficier d'une assistance technique, en particulier les États en développement, devraient pouvoir participer au projet ou se faire représenter ;

j) Un plan de gestion des données établi selon les principes d'une gouvernance des données ouverte et responsable et conformément à la pratique internationale existante.

3. Lors de la notification visée au paragraphe 2 ci-dessus, le Centre d'échange génère automatiquement un identifiant de lot « BBNJ » normalisé.

4. Si les éléments communiqués au Centre d'échange ont fait l'objet d'une modification substantielle avant la collecte envisagée, toute mise à jour desdits éléments est notifiée au Centre d'échange dans un délai raisonnable et au plus tard au début de la collecte in situ, lorsque cela est faisable.

5. Les Parties veillent à ce que les éléments ci-après, avec mention de l'identifiant de lot « BBNJ » normalisé, soient notifiés au Centre d'échange dès qu'ils sont disponibles et au plus tard un an après la collecte in situ des ressources génétiques marines des zones ne relevant pas de la juridiction nationale :

a) Le référentiel de données ou la base de données où les informations de séquençage numérique sur les ressources génétiques marines sont ou seront déposées ;

b) Le lieu où toutes les ressources génétiques marines collectées in situ sont ou seront déposées ou conservées ;

c) Un rapport précisant la zone géographique dans laquelle les ressources génétiques marines ont été collectées, y compris la latitude, la longitude et la profondeur auxquelles a été effectuée la collecte, et, dans la mesure où elles sont disponibles, les conclusions auxquelles a permis d'aboutir l'activité ;

d) Toute mise à jour nécessaire du plan de gestion des données visé à l'alinéa j) du paragraphe 2 ci-dessus.

6. Les Parties veillent à ce que les échantillons de ressources génétiques marines des zones ne relevant pas de la juridiction nationale et les informations de séquençage numérique sur ces ressources génétiques marines qui se trouvent dans des référentiels de données ou des bases de données relevant de leur juridiction puissent être identifiées comme provenant de zones ne relevant pas de la juridiction nationale, conformément à la pratique internationale existante et autant que faire se peut.

7. Les Parties veillent à ce que les référentiels de données, autant que faire se peut, et les bases de données relevant de leur juridiction établissent tous les deux ans un rapport récapitulatif sur l'accès aux ressources génétiques marines et aux informations de séquençage numérique lié à leur identifiant de lot « BBNJ » normalisé, et le mettent à la disposition du comité sur l'accès et le partage des avantages créé à l'article 15.

8. Lorsque des ressources génétiques marines des zones ne relevant pas de la juridiction nationale et, lorsque cela est faisable, des informations de séquençage numérique sur ces ressources font l'objet d'une utilisation, y compris d'une commercialisation, par des personnes physiques ou morales relevant de leur juridiction, les Parties veillent à ce que les éléments ci-après, y compris l'identifiant de lot « BBNJ » normalisé s'il est disponible, soient notifiés au Centre d'échange dès qu'ils sont disponibles :

a) Le lieu où trouver les résultats de l'utilisation, tels que les publications, les brevets accordés, s'ils sont disponibles et dans la mesure du possible, et les produits développés ;

b) S'ils sont disponibles, les renseignements figurant dans la notification postérieure à la collecte adressée au Centre d'échange concernant les ressources génétiques marines qui ont fait l'objet de l'utilisation ;

c) Le lieu où est conservé l'échantillon original qui fait l'objet de l'utilisation ;

d) Les modalités envisagées en ce qui concerne l'accès aux ressources génétiques marines utilisées et aux informations de séquençage numérique sur ces ressources génétiques marines, et un plan de gestion des données y relatif ;

e) Une fois les produits commercialisés, les informations relatives aux ventes et à tout développement ultérieur, si elles sont disponibles.

Article 13
Connaissances traditionnelles des peuples autochtones et des communautés locales associées aux ressources génétiques marines dans les zones ne relevant pas de la juridiction nationale

Les Parties prennent des mesures législatives, administratives ou de politique générale, le cas échéant et selon qu'il convient, afin de garantir que les connaissances traditionnelles détenues par les peuples autochtones et les communautés locales et associées aux ressources génétiques marines dans les zones ne relevant pas de la juridiction nationale ne soient accessibles qu'avec le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, desdits peuples autochtones et communautés, ou leur approbation et leur participation. L'accès à ces connaissances traditionnelles peut être facilité par le Centre d'échange. Les conditions de cet accès et de l'utilisation de ces connaissances sont convenues d'un commun accord.

Article 14
Partage juste et équitable des avantages

1. Les avantages découlant des activités relatives aux ressources génétiques marines des zones ne relevant pas de la juridiction nationale et des informations de séquençage numérique sur ces ressources génétiques marines sont partagés de manière juste et équitable conformément à la présente partie et contribuent à la conservation et à l'utilisation durable de la diversité biologique marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale.

2. Les avantages non monétaires sont partagés conformément au présent Accord, notamment sous les formes suivantes :

a) Accès à des échantillons et à des collections d'échantillons conformément à la pratique internationale existante ;

b) Accès à des informations de séquençage numérique conformément à la pratique internationale existante ;

c) Accès libre à des données scientifiques faciles à trouver, accessibles, interopérables et réutilisables (dites « FAIR ») conformément à la pratique internationale existante et selon les principes d'une gouvernance des données ouverte et responsable ;

d) Informations figurant dans les notifications faites conformément à l'article 12, accompagnées des identifiants de lots « BBNJ » normalisés correspondants, dans un format accessible et consultable par le public ;

e) Transfert de technologies marines selon les modalités applicables énoncées à la partie V du présent Accord ;

f) Renforcement des capacités, notamment par le financement de programmes de recherche, et possibilités de partenariats, en particulier ceux qui concernent directement et concrètement le sujet, pour des scientifiques et chercheurs participant à des projets de recherche, et initiatives spécifiques, en particulier pour les États en développement, compte tenu de la situation particulière des petits États insulaires en développement et des pays les moins avancés ;

g) Renforcement de la coopération technique et scientifique, en particulier avec les scientifiques et les institutions scientifiques des États en développement ;

h) Autres formes d'avantages fixées par la Conférence des Parties en tenant compte des recommandations faites par le comité sur l'accès et le partage des avantages créé à l'article 15.

3. Les Parties prennent les mesures législatives, administratives ou de politique générale nécessaires pour que les ressources génétiques marines des zones ne relevant pas de la juridiction nationale et les informations de séquençage numérique sur ces ressources génétiques marines, ainsi que les identifiants de lot « BBNJ » normalisés correspondants, qui font l'objet d'une utilisation par des personnes physiques ou morales relevant de leur juridiction soient déposés dans des référentiels de données et des bases de données librement accessibles, administrés soit au niveau national ou international, au plus tard trois ans après le début de cette utilisation ou dès qu'ils sont disponibles, en tenant compte de la pratique internationale existante.

4. L'accès aux ressources génétiques marines des zones ne relevant pas de la juridiction nationale et aux informations de séquençage numérique sur ces ressources génétiques marines déposées dans les référentiels de données et les bases de données relevant de la juridiction d'une Partie peut être subordonné aux conditions raisonnables énumérées ci-après :

a) La nécessité de préserver l'intégrité physique des ressources génétiques marines ;

b) Le caractère raisonnable des coûts liés à la gestion de la banque de gènes, du référentiel de données biologiques ou de la base de données dans lesquels l'échantillon, les données ou les informations sont conservés ;

c) Le caractère raisonnable des coûts liés à la mise à disposition de ressources génétiques marines, aux données ou aux informations ;

d) D'autres conditions raisonnables compatibles avec les objectifs du présent Accord ;

et possibilité pouvant être donnée aux chercheurs et aux institutions de recherche des États en développement de bénéficier de cet accès à des conditions justes et les plus favorables, y compris à des conditions de faveur et préférentielles.

5. Les avantages monétaires découlant de l'utilisation de ressources génétiques marines des zones ne relevant pas de la juridiction nationale et des informations de séquençage numérique sur ces ressources génétiques marines, y compris la commercialisation, sont partagés de manière juste et équitable, par l'intermédiaire du mécanisme de financement créé à l'article 52, aux fins de la conservation et de l'utilisation durable de la diversité biologique marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale.

6. Après l'entrée en vigueur du présent Accord, les Parties développées versent des contributions annuelles au fonds spécial visé à l'article 52. Le taux de contribution d'une Partie est égal à 50 pour cent de la contribution de celle-ci au budget adopté par la Conférence des Parties au titre de l'alinéa e) du paragraphe 6 de l'article 47. Un tel paiement doit être maintenu jusqu'à ce que la Conférence des Parties prenne une décision en vertu du paragraphe 7 ci-dessous.

7. La Conférence des Parties décide des modalités du partage des avantages monétaires découlant de l'utilisation de ressources génétiques marines des zones ne relevant pas de la juridiction nationale et des informations de séquençage numérique sur ces ressources génétiques marines en tenant compte des recommandations faites par le comité sur l'accès et le partage des avantages créé à l'article 15. Si tous les moyens de parvenir à un consensus ont été épuisés, une décision est prise à la majorité des trois quarts des Parties présentes et votantes. Les fonds sont versés par l'intermédiaire du fonds spécial créé à l'article 52. Les modalités peuvent inclure les suivantes :

a) Des paiements par étapes ;

b) Des paiements ou des contributions liés à la commercialisation de produits, y compris le versement d'un pourcentage du revenu tiré de la vente de ces produits ;

c) Des droits progressifs, acquittés périodiquement, dont le montant serait fonction d'un ensemble divers d'indicateurs mesurant le niveau global des activités d'une Partie ;

d) D'autres modalités, fixées par la Conférence des Parties en tenant compte des recommandations faites par le comité sur l'accès et le partage des avantages.

8. Au moment où la Conférence des Parties adopte les modalités, toute Partie peut déclarer que celles-ci ne prendront pas effet pour elle pendant une période ne pouvant pas dépasser quatre ans afin de pouvoir en préparer la mise en oeuvre. La Partie qui fait une telle déclaration continue de faire les versements prévus au paragraphe 6 ci-dessus jusqu'à ce que les nouvelles modalités prennent effet.

9. Lorsqu'elle fixe les modalités du partage des avantages monétaires découlant de l'utilisation d'informations de séquençage numérique sur les ressources génétiques marines des zones ne relevant pas de la juridiction nationale visées au paragraphe 7 ci-dessus, la Conférence des Parties tient compte des recommandations du comité sur l'accès et le partage des avantages, sachant que ces modalités devraient être complémentaires des autres instruments relatifs à l'accès et au partage des avantages et pouvoir y être adaptées.

10. En tenant compte des recommandations du comité sur l'accès et le partage des avantages créé à l'article 15, la Conférence des Parties examine et évalue tous les deux ans les avantages monétaires découlant de l'utilisation de ressources génétiques marines des zones ne relevant pas de la juridiction nationale et d'informations de séquençage numérique sur ces ressources génétiques marines. Le premier de ces examens aura lieu au plus tard cinq ans après l'entrée en vigueur du présent Accord. L'examen porte notamment sur les contributions annuelles visées au paragraphe 6 ci-dessus.

11. Les Parties prennent les mesures législatives, administratives ou de politique générale, selon qu'il convient, qui sont nécessaires pour garantir que les avantages découlant des activités relatives aux ressources génétiques marines des zones ne relevant pas de la juridiction nationale et des informations de séquençage numérique sur ces ressources génétiques marines qui sont menées par des personnes physiques ou morales relevant de leur juridiction sont partagés conformément au présent Accord.

Article 15
Comité sur l'accès et le partage des avantages

1. Il est créé un comité sur l'accès et le partage des avantages. Ce comité doit permettre notamment d'établir des lignes directrices pour le partage des avantages conformément à l'article 14, d'assurer la transparence et de garantir un partage juste et équitable des avantages tant monétaires que non monétaires.

2. Le comité sur l'accès et le partage des avantages est composé de 15 membres possédant les qualifications appropriées dans les domaines concernés pour qu'il puisse bien s'acquitter de ses fonctions. Les membres sont désignés par les Parties et élus par la Conférence des Parties, en tenant compte de l'équilibre des genres et d'une répartition géographique équitable, et en garantissant la représentation au sein du comité des États en développement, y compris les pays les moins développés, les petits États insulaires en développement et les pays en développement sans littoral. Le mandat et les modalités de fonctionnement du comité sont définis par la Conférence des Parties.

3. Le comité peut faire des recommandations à la Conférence des Parties sur les questions se rapportant à la présente partie, y compris en ce qui concerne :

a) Des lignes directrices ou un code de conduite concernant les activités relatives aux ressources génétiques marines des zones ne relevant pas de la juridiction nationale et aux informations de séquençage numérique sur ces ressources génétiques marines conformément à la présente partie ;

b) Des mesures pour mettre en oeuvre les décisions prises au titre de la présente partie ;

c) Des taux ou des mécanismes pour le partage des avantages monétaires conformément à l'article 14 ;

d) Les questions relevant de la présente partie et intéressant le Centre d'échange ;

e) Les questions relevant de la présente partie et intéressant le mécanisme de financement créé à l'article 52 ;

f) Toute autre question relevant de la présente partie dont l'examen par le comité sur l'accès et le partage des avantages est requis par la Conférence des Parties.

4. Chaque Partie tient à la disposition du comité sur l'accès et le partage des avantages, par l'intermédiaire du Centre d'échange, les informations requises par le présent Accord, notamment :

a) Les renseignements sur les mesures législatives, administratives ou de politique générale relatives à l'accès et au partage des avantages ;

b) Les coordonnées des correspondants nationaux et autres informations utiles les concernant ;

c) Toute autre information devant être communiquée en application des décisions prises par la Conférence des Parties.

5. Le comité sur l'accès et le partage des avantages peut consulter les instruments et cadres juridiques pertinents et les organes mondiaux, régionaux, sous-régionaux et sectoriels pertinents et faciliter l'échange d'informations avec eux au sujet des activités relevant de son mandat, y compris le partage des avantages, l'utilisation d'informations de séquençage numérique sur les ressources génétiques marines, les meilleures pratiques, les outils et les méthodes, la gouvernance des données et les enseignements tirés de l'expérience.

6. Le comité sur l'accès et le partage des avantages peut faire des recommandations à la Conférence des Parties en ce qui concerne les informations obtenues dans le cadre prévu au paragraphe 5 ci-dessus.

Article 16
Suivi et transparence

1. Le suivi et la transparence des activités relatives aux ressources génétiques marines des zones ne relevant pas de la juridiction nationale et aux informations de séquençage numérique sur ces ressources génétiques marines sont assurés par la notification au Centre d'échange et l'utilisation d'identifiants de lot « BBNJ » normalisés conformément à la présente partie et aux procédures adoptées par la Conférence des Parties telles que recommandées par le comité sur l'accès et le partage des avantages.

2. Les Parties soumettent périodiquement au comité sur l'accès et le partage des avantages des rapports relatifs à la mise en oeuvre des dispositions de la présente partie sur les activités relatives aux ressources génétiques marines des zones ne relevant pas de la juridiction nationale et aux informations de séquençage numérique sur ces ressources génétiques marines et sur le partage des avantages en découlant, conformément à la présente partie.

3. Le comité sur l'accès et le partage des avantages établit un rapport à partir des informations reçues par l'intermédiaire du Centre d'échange et le met à la disposition des Parties, qui peuvent formuler des commentaires. Il soumet ce rapport, dans lequel figurent les commentaires reçus, à la Conférence des Parties pour examen. La Conférence des parties peut, en tenant compte de la recommandation du comité sur l'accès et le partage des avantages, déterminer les lignes directrices à suivre pour la mise en oeuvre du présent article, qui tiennent compte des capacités nationales et de la situation des Parties.

PARTIE III
MESURES TELLES QUE LES OUTILS DE GESTION PAR ZONE, Y COMPRIS LES AIRES MARINES PROTÉGÉES

Article 17
Objectifs

Les objectifs de la présente partie sont les suivants :

a) Conserver et utiliser de manière durable les zones nécessitant une protection notamment par la mise en place d'un système global d'outils de gestion par zone comprenant des réseaux d'aires marines protégées écologiquement représentatifs et bien reliés entre eux ;

b) Renforcer la coopération et la coordination dans l'utilisation des outils de gestion par zone, y compris les aires marines protégées, entre les États, les instruments et cadres juridiques pertinents et les organes mondiaux, régionaux, sous- régionaux et sectoriels pertinents ;

c) Protéger, préserver, restaurer et maintenir la diversité biologique et les écosystèmes, notamment en vue d'améliorer leur productivité et leur santé et de renforcer la résilience aux facteurs de stress, y compris ceux liés aux changements climatiques, à l'acidification de l'océan et à la pollution marine ;

d) Concourir à la sécurité alimentaire et à d'autres objectifs socioéconomiques, y compris la protection des valeurs culturelles ;

e) Aider les États Parties en développement, en particulier les pays les moins avancés, les pays en développement sans littoral, les États géographiquement désavantagés, les petits États insulaires en développement, les États côtiers d'Afrique, les États archipels et les pays en développement à revenu intermédiaire, en tenant compte de la situation particulière des petits États insulaires en développement, par le renforcement des capacités et le développement et le transfert de technologies marines, à élaborer, mettre en oeuvre, surveiller, gérer et faire respecter les outils de gestion par zone, y compris les aires marines protégées.

Article 18
Zone d'application

La création d'outils de gestion par zone, y compris d'aires marines protégées, ne porte sur aucune zone relevant de la juridiction nationale et ne peut être invoquée pour faire valoir ou rejeter une quelconque revendication de souveraineté, de droits souverains ou de juridiction, y compris à l'occasion d'un différend en la matière. La Conférence des Parties n'examine pas les propositions de création de tels outils de gestion par zone, y compris d'aires marines protégées, et de telles propositions ne doivent en aucun cas être interprétées comme valant reconnaissance ou non d'une quelconque revendication de souveraineté, de droits souverains ou de juridiction.

Article 19
Propositions

1. Les propositions de création d'outils de gestion par zone, y compris d'aires marines protégées, sous le régime de la présente partie sont soumises au secrétariat par les Parties agissant individuellement ou collectivement.

2. Les Parties collaborent avec les parties prenantes concernées, dont les États et les organes mondiaux, régionaux, sous-régionaux et sectoriels, ainsi que la société civile, la communauté scientifique, le secteur privé, les peuples autochtones et les communautés locales, à l'élaboration des propositions, conformément à la présente partie, et les consultent, selon qu'il convient.

3. Les propositions sont formulées à partir des meilleures connaissances et informations scientifiques disponibles et, lorsqu'elles sont disponibles, des connaissances traditionnelles pertinentes des peuples autochtones et des communautés locales, compte tenu de l'approche de précaution et d'une approche écosystémique.

4. Les propositions visant une aire déterminée doivent comporter les principaux éléments suivants :

a) La description géographique ou spatiale de l'aire qui fait l'objet de la proposition, référence étant faite aux critères indicatifs visés à l'annexe I ;

b) Les informations sur tout critère spécifié à l'annexe I, ainsi que sur tout critère qui pourrait être défini et révisé conformément au paragraphe 5 ci-dessous, appliqué pour déterminer l'aire ;

c) Les informations sur les activités humaines menées dans l'aire, y compris les usages qu'en font les peuples autochtones et les communautés locales, et leur impact éventuel ;

d) La description de l'état du milieu marin et de la diversité biologique dans l'aire déterminée ;

e) La description des objectifs de conservation et, le cas échéant, des objectifs d'utilisation durable devant s'appliquer à l'aire ;

f) Le projet de plan de gestion englobant les mesures qu'il est proposé d'adopter et décrivant les activités de suivi, de recherche et d'examen qu'il est proposé de mener pour atteindre les objectifs retenus ;

g) Le cas échéant, la durée de l'aire et des mesures proposées ;

h) Les informations sur toute consultation éventuellement menée avec les États, y compris les États côtiers adjacents, et/ou les organes mondiaux, régionaux, sous-régionaux et sectoriels pertinents ;

i) Les informations sur les outils de gestion par zone, y compris les aires marines protégées, mis en oeuvre sous le régime des instruments et cadres juridiques pertinents et par des organes mondiaux, régionaux, sous-régionaux et sectoriels pertinents ;

j) Les contributions scientifiques pertinentes et, lorsqu'elles sont disponibles, les connaissances traditionnelles pertinentes des peuples autochtones et des communautés locales.

5. Les critères indicatifs utilisés aux fins de la détermination de ces aires sont, selon qu'il convient, ceux énoncés à l'annexe I et qui peuvent être définis ultérieurement et révisés en tant que de besoin par l'Organe scientifique et technique en vue de leur examen et adoption par la Conférence des Parties.

6. L'Organe scientifique et technique définit, selon que de besoin, d'autres éléments relatifs au contenu des propositions, y compris les modalités d'application des critères indicatifs visés au paragraphe 5 ci-dessus et les orientations relatives aux propositions visées à l'alinéa b) du paragraphe 4 ci-dessus, pour examen et adoption par la Conférence des Parties.

Article 20
Publication et examen préliminaire des propositions

Dès réception d'une proposition écrite, le secrétariat la rend publique et la transmet à l'Organe scientifique et technique, qui procède à un examen préliminaire. L'objet de cet examen est de vérifier que la proposition comporte les éléments requis à l'article 19, y compris les critères indicatifs énoncés dans la présente partie et à l'annexe I. Les conclusions de l'examen sont rendues publiques et communiquées par le secrétariat à l'auteur de la proposition. Ce dernier, après avoir pris en compte l'examen préliminaire de l'Organe scientifique et technique, renvoie sa proposition au secrétariat. Ce dernier en informe les Parties, rend la nouvelle proposition publique et facilite les consultations visées à l'article 21.

Article 21
Consultations et évaluation des propositions

1. Les consultations sur les propositions soumises conformément à l'article 19 sont inclusives, transparentes et ouvertes à toutes les parties prenantes concernées, y compris les États et les organes mondiaux, régionaux, sous-régionaux et sectoriels, ainsi que la société civile, la communauté scientifique, les peuples autochtones et les communautés locales.

2. Le secrétariat facilite les consultations et recueille les contributions comme suit :

a) Il notifie la proposition aux États, en particulier les États côtiers adjacents, qui sont invités à communiquer, entre autres :

i) Leurs observations sur le bien-fondé de la proposition et l'étendue géographique visée ;

ii) Tout autre apport scientifique pertinent ;

iii) Des informations relatives à toute mesure existante ou activité en cours dans les zones adjacentes ou connexes relevant de leur juridiction nationale et dans celles ne relevant pas de la juridiction nationale ;

iv) Leurs observations sur les éventuelles incidences de la proposition sur les zones relevant de leur juridiction nationale ;

v) Toute autre information pertinente ;

b) Il notifie la proposition aux organes créés en vertu des instruments et cadres juridiques pertinents et aux organes mondiaux, régionaux, sous-régionaux et sectoriels pertinents, qui sont invités à communiquer, entre autres :

i) Leurs observations sur le bien-fondé de la proposition ;

ii) Tout autre apport scientifique pertinent ;

iii) Des informations relatives à toute mesure existante adoptée par ces instruments, cadres ou organes pour la zone concernée ou les zones adjacentes ;

iv) Leurs observations sur tout aspect des mesures et des autres éléments du projet de plan de gestion mentionnés dans la proposition qui relèvent de leur compétence ;

v) Leurs observations sur d'éventuelles mesures supplémentaires pertinentes qui relèvent de leur compétence ;

vi) Toute autre information pertinente ;

c) Il invite les peuples autochtones et les communautés locales détenant des connaissances traditionnelles pertinentes, la communauté scientifique, la société civile et les autres parties prenantes pertinentes à communiquer, entre autres :

i) Leurs observations sur le bien-fondé de la proposition ;

ii) Tout autre apport scientifique pertinent ;

iii) Toutes connaissances traditionnelles pertinentes des peuples autochtones et des communautés locales ;

iv) Toute autre information pertinente.

3. Les contributions reçues en application du paragraphe 2 ci-dessus sont rendues publiques par le secrétariat.

4. Lorsque la mesure proposée touche des zones complètement entourées par les zones économiques exclusives d'États, les auteurs de la proposition :

a) Procèdent à des consultations ciblées et proactives, y compris par des notifications préalables, avec ces États ;

b) Examinent les observations et commentaires de ces États sur la mesure proposée, y répondent par écrit de manière circonstanciée et, s'il y a lieu, révisent ladite mesure en conséquence.

5. L'auteur de la proposition examine les contributions reçues au cours de la période de consultation, ainsi que les observations et les informations de l'Organe scientifique et technique et, selon qu'il convient, révise sa proposition en conséquence ou répond aux contributions substantielles n'ayant pas été retenues dans la proposition.

6. La période de consultation est limitée dans le temps.

7. La proposition révisée est soumise à l'Organe scientifique et technique, qui l'évalue et fait des recommandations à la Conférence des Parties.

8. À sa première réunion, l'Organe scientifique et technique précise, en tant que de besoin, les modalités de la procédure de consultation et d'évaluation, y compris sa durée en vue de leur examen et de leur adoption par la Conférence des Parties, en tenant compte de la situation particulière des petits États insulaires en développement.

Article 22
Création d'outils de gestion par zone, y compris d'aires marines protégées

1. Sur la base de la proposition finale et du projet de plan de gestion, compte tenu des contributions et des apports scientifiques reçus au cours de la procédure de consultation prévue par la présente partie, ainsi que sur les avis et recommandations scientifiques de l'Organe scientifique et technique, la Conférence des Parties :

a) Prend des décisions sur la création d'outils de gestion par zone, y compris d'aires marines protégées, et les mesures connexes ;

b) Peut prendre des décisions sur toutes mesures compatibles avec celles qui ont été adoptées par des instruments et cadres juridiques pertinents et par des organes mondiaux, régionaux, sous-régionaux et sectoriels pertinents, en coopération et en coordination avec lesdits instruments et cadres juridiques et lesdits organes ;

c) Peut, lorsque les mesures proposées relèvent de la compétence d'autres organes mondiaux, régionaux, sous-régionaux ou sectoriels, formuler à l'intention des Parties au présent Accord et desdits organes des recommandations visant à promouvoir l'adoption de mesures pertinentes dans le cadre des instruments, cadres et organes en question, conformément à leurs mandats respectifs.

2. Lorsqu'elle prend des décisions en vertu du présent article, la Conférence des Parties respecte les compétences des instruments et cadres juridiques pertinents et des organes mondiaux, régionaux, sous-régionaux et sectoriels pertinents et ne leur porte pas atteinte.

3. La Conférence des Parties prend des dispositions pour organiser des consultations régulières afin de renforcer la coopération et la coordination avec et entre les instruments et cadres juridiques pertinents et les organes mondiaux, régionaux, sous-régionaux et sectoriels pertinents en ce qui concerne les outils de gestion par zone, y compris les aires marines protégées, ainsi que la coordination en ce qui concerne les mesures connexes adoptées en vertu de ces instruments et cadres et par ces organes.

4. Lorsque la réalisation des objectifs et la mise en oeuvre de la présente partie l'exigent, dans le but de renforcer la coopération et la coordination internationales aux fins de la conservation et de l'utilisation durable de la diversité biologique marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale, la Conférence des Parties peut envisager et, sous réserve des paragraphes 1 et 2 ci-dessus, décider, selon qu'il convient, de créer un mécanisme concernant les outils de gestion par zone existants, y compris les aires marines protégées, adoptés dans le cadre des instruments et cadres juridiques pertinents ou par des organes mondiaux, régionaux, sous-régionaux ou sectoriels pertinents.

5. Les décisions et les recommandations adoptées par la Conférence des Parties conformément à la présente partie ne doivent pas porter atteinte à l'efficacité des mesures adoptées à l'égard des zones relevant de la juridiction nationale et tiennent dûment compte des droits et des obligations de tous les États, conformément à la Convention. Dès lors que les mesures proposées au titre de la présente partie affecteraient, ou seraient raisonnablement susceptibles d'affecter, les eaux surjacentes et les sous-sols des fonds marins sur lesquels un État côtier exerce des droits souverains conformément à la Convention, ces mesures doivent dûment tenir compte des droits souverains de cet État côtier. Des consultations sont engagées à cette fin, conformément aux dispositions de la présente partie.

6. Si un outil de gestion par zone, y compris une aire marine protégée, créé conformément à la présente partie relève ultérieurement, en tout ou en partie, de la juridiction nationale d'un État côtier, il cesse immédiatement d'être en vigueur pour ce qui est de la partie relevant de la juridiction nationale. Il reste en vigueur pour ce qui est de la partie qui demeure dans la zone ne relevant pas de la juridiction nationale jusqu'à ce que la Conférence des Parties examine la question à sa réunion suivante et décide s'il y a lieu de modifier ou d'abroger l'outil de gestion par zone, y compris une aire marine protégée.

7. Lors de la création ou de la modification de la compétence d'un instrument ou d'un cadre juridique pertinent ou d'un organe mondial, régional, sous-régional ou sectoriel pertinent, les outils de gestion par zone, y compris les aires marines protégées, ou les mesures connexes adoptés par la Conférence des Parties au titre de la présente partie et qui relèvent par la suite, en tout ou en partie, de la compétence dudit instrument, cadre ou organe restent en vigueur jusqu'à ce que la Conférence des Parties ait examiné et décidé, en coopération et en coordination étroites avec cet instrument, ce cadre ou cet organe s'il y a lieu, selon le cas, de les maintenir, de les modifier ou de les supprimer.

Article 23
Prise de décision

1. En principe, les décisions et les recommandations relevant de la présente partie sont prises par consensus.

2. En l'absence de consensus, les décisions et les recommandations relevant de la présente partie sont prises à la majorité des trois quarts des Parties présentes et votantes, après que la Conférence des Parties a décidé, à la majorité des deux tiers des Parties présentes et votantes, que tous les moyens de parvenir à un consensus ont été épuisés.

3. Les décisions prises au titre de la présente partie prennent effet 120 jours après la réunion de la Conférence des Parties à laquelle elles ont prises et lient toute s les Parties.

4. Pendant le délai de 120 jours prévu au paragraphe 3 ci-dessus, toute Partie peut, par notification écrite au secrétariat, formuler une objection à l'égard d'une décision prise en application de la présente partie, auquel cas cette décision n'est pas contraignante pour la Partie en question. Une objection à une décision peut être retirée à tout moment par notification écrite au secrétariat, auquel cas la décision devient contraignante pour cette Partie dans les 90 jours suivant la date de la notification de retrait.

5. Toute Partie qui formule une objection en application du paragraphe 4 ci-dessus en communique les motifs par écrit au secrétariat lorsqu'elle la lui présente. L'objection est fondée sur un ou plusieurs des motifs suivants :

a) La décision est incompatible avec le présent Accord ou les droits et obligations de la Partie qui fait objection conformément à la Convention ;

b) La décision constitue une discrimination injustifiable, de forme ou de fait, contre la Partie qui fait objection ;

c) La Partie ne peut, en pratique, se conformer à la décision au moment où elle y fait objection après avoir fait tous les efforts raisonnables à cet effet.

6. Toute Partie qui formule une objection en application du paragraphe 4 ci-dessus adopte, autant que faire se peut, d'autres mesures ou approches ayant un effet équivalant à la décision à laquelle elle a fait objection et n'adopte aucune mesure ni n'accomplit aucun acte susceptible de porter atteinte à l'efficacité de cette décision, à moins que de telles mesures ou de tels actes ne soient essentiels à l'exercice des droits que lui confère la Convention ou à l'accomplissement des obligations que celle - ci lui impose.

7. La Partie qui formule une objection rend compte à la Conférence des Parties, à la réunion ordinaire qui suit la notification prévue au paragraphe 4 ci-dessus, et périodiquement par la suite, de l'application du paragraphe 6 ci-dessus, aux fins du suivi et de l'examen prévus à l'article 26.

8. Une objection à une décision faite en application du paragraphe 4 ci-dessus ne peut être renouvelée que si la Partie qui l'a formulée l'estime toujours nécessaire, tous les trois ans après la prise d'effet de la décision, par notification écrite au secrétariat. Cette notification rappelle les motifs qui avaient présidé à l'objection initiale.

9. Si aucune notification de renouvellement n'est reçue au titre du paragraphe 8 ci-dessus, l'objection est réputée automatiquement retirée et la décision devient contraignante pour la Partie concernée 120 jours après le retrait automatique de l'objection. Le secrétariat notifie le retrait automatique de l'objection à la Partie 60 jours avant la date de ce retrait.

10. Les décisions de la Conférence des Parties adoptées au titre de la présente partie, et les objections dont elles font l'objet, sont rendues publiques par le secrétariat et communiquées à tous les États et à tous les instruments et cadres juridiques pertinents, et organes mondiaux, régionaux, sous-régionaux et sectoriels pertinents.

Article 24
Mesures d'urgence

1. La Conférence des Parties décide d'adopter, s'il y a lieu, des mesures à appliquer d'urgence dans des zones ne relevant pas de la juridiction nationale lorsqu'un phénomène naturel ou une catastrophe d'origine humaine a causé, ou est susceptible de causer, des dommages graves ou irréversibles à la diversité biologique marine de ces zones, pour prévenir l'aggravation desdits dommages.

2. Les mesures adoptées au titre du présent article ne sont réputées nécessaires que si, après consultation avec les instruments ou cadres juridiques pertinents ou organes mondiaux, régionaux, sous-régionaux ou sectoriels pertinents, les dommages graves ou irréversibles ne peuvent être maîtrisés en temps utile par l'application des autres articles du présent Accord ou par un instrument ou un cadre juridique pertinent ou un organe mondial, régional, sous-régional ou sectoriel pertinent.

3. Les mesures adoptées d'urgence sont fondées sur les meilleures connaissances et informations scientifiques disponibles et, lorsqu'elles sont disponibles, sur les connaissances traditionnelles pertinentes des peuples autochtones et des communautés locales, et tiennent compte de l'approche de précaution. Ces mesures peuvent être proposées par les Parties ou recommandées par l'Organe scientifique et technique, et peuvent être adoptées entre les réunions. Ces mesures sont temporaires et doivent être réexaminées pour décision lors de la réunion de la Conférence des Parties suivant leur adoption.

4. Les mesures prennent fin deux ans après leur entrée en vigueur, ou la Conférence des Parties y met un terme plus tôt lorsqu'elles sont remplacées par des outils de gestion par zone, y compris des aires marines protégées, et des mesures connexes mis en place conformément à la présente partie, ou par des mesures adoptées par un instrument ou cadre juridique pertinent ou un organe mondial, régional, sous - régional ou sectoriel pertinent, ou lorsqu'elle le décide lorsque les circonstances ayant nécessité les mesures disparaissent.

5. Les procédures et orientations relatives à la mise en place des mesures d'urgence, y compris les procédures de consultation, sont établies, selon que de besoin, par l'Organe scientifique et technique, qui les présente pour examen et adoption à la Conférence des Parties dès que possible. Ces procédures sont inclusives et transparentes.

Article 25
Mise en oeuvre

1. Les Parties veillent à ce que les activités relevant de leur juridiction ou de leur contrôle qui ont lieu dans des zones ne relevant pas de la juridiction nationale soient menées conformément aux décisions adoptées au titre de la présente partie.

2. Aucune disposition du présent Accord n'empêche une Partie d'adopter des mesures plus strictes à l'égard de ses ressortissants et de ses navires ou en ce qui concerne les activités relevant de sa juridiction ou de son contrôle en plus de celles adoptées au titre de la présente partie, conformément au droit international et à l'appui des objectifs de l'Accord.

3. La mise en oeuvre des mesures adoptées au titre de la présente partie ne devrait pas imposer, directement ou indirectement, une charge disproportionnée aux Parties qui sont des petits États insulaires en développement ou appartiennent aux pays les moins avancés.

4. Les Parties encouragent, selon qu'il convient, les instruments et cadres juridiques pertinents et les organes mondiaux, régionaux, sous-régionaux et sectoriels pertinents dont elles sont membres à adopter des mesures appuyant la mise en oeuvre des décisions prises et des recommandations formulées par la Conférence des Parties au titre de la présente partie.

5. Les Parties encouragent les États qui ont le droit de devenir Parties au présent Accord, en particulier ceux qui ont des activités, des navires ou des ressortissants opérant dans une zone couverte par un outil de gestion par zone, y compris une aire marine protégée, à prendre les mesures appuyant les décisions prises et recommandations formulées par la Conférence des Parties en ce qui concerne les outils de gestion par zone, y compris les aires marines protégées, créés au titre de la présente partie.

6. La Partie qui n'est pas partie ou qui ne participe pas à un instrument ou à un cadre juridique pertinent ou qui n'est pas membre d'un organe mondial, régional, sous-régional ou sectoriel pertinent, et qui n'accepte pas par ailleurs d'appliquer les mesures instituées par de tels instruments, cadres ou organes n'est pas exonérée de l'obligation de coopérer, conformément à la Convention et au présent Accord, à la conservation et à l'utilisation durable de la diversité biologique marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale.

Article 26
Suivi et examen

1. Les Parties, individuellement ou collectivement, font rapport à la Conférence des Parties sur la mise en oeuvre des outils de gestion par zone, y compris des aires marines protégées, créés au titre de la présente partie, et des mesures connexes. Leurs rapports, ainsi que les informations et les examens visés aux paragraphes 2 et 3 ci-dessous, respectivement, sont rendus publiques par le secrétariat.

2. Les instruments et cadres juridiques pertinents et les organes mondiaux, régionaux, sous-régionaux et sectoriels pertinents sont invités à fournir des informations à la Conférence des Parties concernant la mise en oeuvre des mesures qu'ils ont adoptées pour atteindre les objectifs des outils de gestion par zone, y compris des aires marines protégées, créés au titre de la présente partie.

3. Les outils de gestion par zone, y compris les aires marines protégées, créés au titre de la présente partie, ainsi que les mesures connexes, font l'objet d'un suivi et d'un examen périodique par l'Organe scientifique et technique, qui tient compte des rapports et des informations visés aux paragraphes 1 et 2 ci-dessus, respectivement.

4. Dans le cadre de l'examen visé au paragraphe 3 ci-dessus, l'Organe scientifique et technique évalue l'efficacité des outils de gestion par zone, y compris des aires marines protégées, créés au titre de la présente partie, y compris des mesures connexes, ainsi que les progrès accomplis dans la réalisation de leurs objectifs, et formule des avis et des recommandations à l'intention de la Conférence des Parties.

5. À l'issue de cet examen, la Conférence des Parties prend des décisions ou formule des recommandations, en tant que de besoin, sur l'opportunité de modifier, de proroger ou d'abroger les outils de gestion par zone, y compris les aires marines protégées, et toute mesure connexe, qu'elle a adoptés, en s'appuyant sur les meilleures connaissances et informations scientifiques disponibles et, lorsqu'elles sont disponibles, sur les connaissances traditionnelles pertinentes des peuples autochtones et des communautés locales, en tenant compte de l'approche de précaution et d'une approche écosystémique.

PARTIE IV
ÉVALUATIONS D'IMPACT SUR L'ENVIRONNEMENT

Article 27
Objectifs

Les objectifs de la présente partie sont les suivants :

a) Mettre en oeuvre les dispositions de la Convention relatives aux évaluations d'impact sur l'environnement dans les zones ne relevant pas de la juridiction nationale, par l'établissement de procédures, de seuils et d'autres critères que les Parties doivent appliquer pour réaliser ces études et rendre compte de leurs résultats ;

b) Faire en sorte que les activités visées par la présente partie soient évaluées et menées de manière à prévenir, atténuer et gérer tout impact néfaste important dans le but de protéger et de préserver le milieu marin ;

c) Soutenir la prise en compte des impacts cumulés et des impacts dans les zones relevant de la juridiction nationale ;

d) Prévoir des évaluations environnementales stratégiques ;

e) Mettre en place un cadre cohérent pour les évaluations d'impact sur l'environnement des activités menées dans les zones ne relevant pas de la juridiction nationale ;

f) Développer et renforcer la capacité des Parties, particulièrement les États Parties en développement, en particulier les pays les moins avancés, les pays en développement sans littoral, les États géographiquement désavantagés, les petits États insulaires en développement, les États côtiers d'Afrique, les États archipels et les pays en développement à revenu intermédiaire, à préparer, mener et évaluer les évaluations d'impact sur l'environnement et les évaluations environnementales stratégiques à l'appui des objectifs du présent Accord.

Article 28
Obligation de procéder à des évaluations d'impact sur l'environnement

1. Les Parties font en sorte que les impacts sur le milieu marin que pourraient avoir les activités relevant de leur juridiction ou de leur contrôle qu'il est envisagé de mener dans les zones ne relevant pas de la juridiction nationale soient évalués conformément à la présente partie avant que ces activités ne soient autorisées.

2. Lorsqu'une Partie qui exerce sa juridiction ou son contrôle sur une activité qu'il est envisagé de mener dans des zones marines relevant de la juridiction nationale détermine que cette activité risque d'entraîner une pollution importante ou des modifications considérables et nuisibles du milieu marin dans des zones ne relevant pas de la juridiction nationale, elle fait en sorte qu'une évaluation d'impact sur l'environnement de cette activité soit menée conformément à la présente partie ou conformément à sa procédure nationale. La Partie qui procède à une telle évaluation conformément à sa procédure nationale :

a) Met diligemment à disposition toute information pertinente par l'intermédiaire du Centre d'échange, pendant la procédure nationale ;

b) Fait en sorte que l'activité soit surveillée conformément aux exigences de sa procédure nationale ;

c) Fait en sorte que les rapports d'évaluation d'impact sur l'environnement et tout rapport de surveillance pertinent soient mis à disposition par l'intermédiaire du Centre d'échange conformément au présent Accord.

3. Après réception des informations visées à l'alinéa a) du paragraphe 2 ci-dessus, l'Organe scientifique et technique peut formuler des commentaires à l'intention de la Partie qui exerce sa juridiction ou son contrôle sur l'activité envisagée.

Article 29
Relation entre le présent Accord et les procédures relatives aux évaluations d'impact sur l'environnement prévues par les instruments et cadres juridiques pertinents et les organes mondiaux, régionaux, sous-régionaux et sectoriels pertinents

1. Les Parties favorisent le recours aux évaluations d'impact sur l'environnement ainsi que l'adoption et la mise en oeuvre de normes et/ou de lignes directrices élaborées en application de l'article 38 dans le cadre des instruments et cadres juridiques pertinents et par les organes mondiaux, régionaux, sous-régionaux et sectoriels pertinents dont elles sont membres.

2. La Conférence des Parties établit des mécanismes au titre de la présente partie afin que l'Organe scientifique et technique collabore avec les instruments et cadres juridiques pertinents et les organes mondiaux, régionaux, sous-régionaux et sectoriels pertinents qui réglementent des activités dans les zones ne relevant pas de la juridiction nationale ou protègent le milieu marin.

3. Lorsque l'Organe scientifique et technique élabore ou met à jour les normes ou lignes directrices, visées à l'article 38, relatives à la réalisation par les Parties au présent Accord d'évaluations d'impact sur l'environnement d'activités menées dans les zones ne relevant pas de la juridiction nationale, il collabore, selon qu'il convient, avec les instruments et cadres juridiques pertinents et les organes mondiaux, régionaux, sous-régionaux et sectoriels pertinents.

4. Il n'est pas nécessaire de procéder à un contrôle préliminaire ou à une évaluation d'impact sur l'environnement d'une activité qu'il est envisagé de mener dans les zones ne relevant pas de la juridiction nationale si la Partie exerçant sa juridiction ou son contrôle sur l'activité envisagée détermine :

a) Que les impacts potentiels de l'activité ou de la catégorie d'activités envisagée ont été évalués suivant les exigences d'autres instruments ou cadres juridiques pertinents ou organes mondiaux, régionaux, sous-régionaux ou sectoriels pertinents ;

b) Que :

i) l'évaluation déjà réalisée pour l'activité envisagée est équivalente à celle requise en vertu de la présente partie et que ses résultats sont pris en considération ; ou

ii) les règles ou normes fixées dans les instruments ou cadres juridiques pertinents ou par les organes mondiaux, régionaux, sous-régionaux ou sectoriels pertinents résultant de l'évaluation ont été conçus de manière à prévenir, atténuer ou gérer les impacts potentiels afin qu'ils restent sous le seuil de déclenchement de l'évaluation d'impact sur l'environnement fixé dans la présente partie et que ces règles et normes ont été respectées.

5. Lorsqu'une évaluation d'impact sur l'environnement d'une activité qu'il est envisagé de mener dans les zones ne relevant pas de la juridiction nationale a été réalisée conformément à un instrument ou un cadre juridique pertinent ou par un organe mondial, régional, sous-régional ou sectoriel pertinent, la Partie concernée veille à ce que le rapport de l'évaluation d'impact sur l'environnement soit publié par l'intermédiaire du Centre d'échange.

6. À moins que les activités envisagées qui satisfont aux critères énoncés à l'alinéa b) i) du paragraphe 4 ci-dessus ne fassent l'objet d'une surveillance et d'examens au titre d'un instrument ou cadre juridique pertinent ou par un organe mondial, régional, sous-régional ou sectoriel pertinent, les Parties procèdent à la surveillance et à l'examen de ces activités et font en sorte que les rapports y afférents soient publiés par l'intermédiaire du Centre d'échange.

Article 30
Seuils et facteurs pour la réalisation d'évaluation d'impact sur l'environnement

1. Lorsqu'une activité envisagée risque d'avoir un effet plus que mineur ou transitoire sur le milieu marin ou si ses effets sont inconnus ou mal compris, la Partie qui exerce sa juridiction ou son contrôle sur l'activité procède au contrôle préliminaire prévu à l'article 31 en se fondant sur les facteurs indiqués au paragraphe 2 ci-dessous, étant entendu que :

a) Le contrôle préliminaire doit être suffisamment détaillé pour que la Partie puisse déterminer si elle a de sérieuses raisons de penser que l'activité envisagée risque d'entraîner une pollution importante ou des modifications considérables et nuisibles du milieu marin et doit comporter :

i) une description de l'activité envisagée, y compris son objectif, sa localisation, sa durée et son intensité ; et

ii) une analyse initiale des impacts potentiels, y compris l'examen des impacts cumulés et, le cas échéant, des alternatives à l'activité envisagée ;

b) Si, à l'issue du contrôle préliminaire, il est établi que la Partie a de sérieuses raisons de penser que l'activité risque d'entraîner une pollution importante ou des modifications considérables et nuisibles du milieu marin, une évaluation d'impact sur l'environnement est menée conformément aux dispositions de la présente partie.

2. Lorsqu'elles s'efforcent de déterminer si les activités envisagées relevant de leur juridiction ou de leur contrôle correspondent au seuil fixé au paragraphe 1 ci-dessus, les Parties examinent la liste non exhaustive de facteurs ci-après :

a) Le type d'activité, les technologies employées et la manière dont l'activité doit être menée ;

b) La durée de l'activité ;

c) La localisation de l'activité ;

d) Les caractéristiques et l'écosystème de la localisation (y compris les zones particulièrement importantes ou vulnérables sur les plans écologique ou biologique) ;

e) Les impacts potentiels de l'activité, y compris les impacts potentiels cumulés et les impacts qu'elle pourrait avoir dans des zones relevant de la juridiction nationale ;

f) La mesure dans laquelle les effets de l'activité sont inconnus ou mal compris ;

g) D'autres critères écologiques ou biologiques pertinents.

Article 31
Procédure relative aux évaluations d'impact sur l'environnement

1. Les Parties veillent à ce que la procédure suivie pour la réalisation d'une évaluation d'impact sur l'environnement en application de la présente partie comporte les étapes suivantes :

a) Contrôle préliminaire. Les Parties procèdent sans délai à un contrôle préliminaire pour déterminer s'il y a lieu de réaliser une évaluation d'impact sur l'environnement pour une activité envisagée relevant de leur juridiction ou de leur contrôle conformément à l'article 30 et rendent leur conclusion publique :

i) Si une Partie conclut qu'il n'y a pas lieu de réaliser une évaluation d'impact sur l'environnement d'une activité envisagée relevant de sa juridiction ou de son contrôle, elle rend publiques les informations pertinentes, y compris celles visées à l'alinéa a) du paragraphe 1 de l'article 30, par l'intermédiaire du Centre d'échange créé par le présent Accord ;

ii) Se fondant sur les meilleures connaissances et informations scientifiques disponibles et, lorsqu'elles sont disponibles, sur les connaissances traditionnelles pertinentes des peuples autochtones et des communautés locales, toute Partie peut faire part de ses observations quant aux impacts potentiels de l'activité envisagée qui ont donné lieu à la conclusion visée à l'alinéa a) i) ci-dessus à la Partie qui en est à l'origine et à l'Organe scientifique et technique dans un délai de 40 jours à compter de la publication de cette conclusion ;

iii) Si la Partie qui a fait part de ses observations a exprimé des préoccupations quant aux impacts potentiels de l'activité envisagée qui ont donné lieu à la conclusion, la Partie à l'origine de cette dernière examine ces préoccupations et peut revoir sa conclusion ;

iv) Après examen des préoccupations exprimées par une quelconque Partie en application de l'alinéa a) ii) ci-dessus, l'Organe scientifique et technique examine les impacts potentiels de l'activité et peut les évaluer en se fondant sur les meilleures connaissances et informations scientifiques disponibles et, lorsqu'elles sont disponibles, sur les connaissances traditionnelles pertinentes des peuples autochtones et des communautés locales et, s'il y a lieu, peut adresser des recommandations à la Partie qui a formulé la conclusion après lui avoir donné la possibilité de répondre aux préoccupations exprimées et en tenant compte de cette réponse ;

v) La Partie qui a formulé la conclusion visée à l'alinéa a) i) ci-dessus examine toute recommandation faite par l'Organe scientifique et technique ;

vi) L'expression des observations et les recommandations de l'Organe scientifique et technique sont rendues publiques, notamment par l'intermédiaire du Centre d'échange ;

b) Détermination du champ de l'évaluation. Les Parties veillent à ce que soient recensés les principaux impacts environnementaux et tous impacts connexes, comme les impacts économiques, sociaux et culturels et les impacts sur la santé humaine, y compris les impacts cumulés potentiels et les impacts dans les zones relevant de la juridiction nationale, ainsi que les alternatives à l'activité envisagée, le cas échéant, à examiner dans le cadre de l'évaluation d'impact sur l'environnement qui doit être réalisée en application de la présente partie. Le champ de l'évaluation est défini en tenant compte des meilleures connaissances et informations scientifiques disponibles et, lorsqu'elles sont disponibles, des connaissances traditionnelles pertinentes des peuples autochtones et des communautés locales ;

c) Étude et évaluation d'impact. Les Parties veillent à ce que les impacts des activités envisagées, y compris les impacts cumulés et les impacts dans les zones relevant de la juridiction nationale, soient étudiés et évalués en tenant compte des meilleures connaissances et informations scientifiques disponibles, et, lorsqu'elles sont disponibles, des connaissances traditionnelles pertinentes des peuples autochtones et des communautés locales ;

d) Prévention, atténuation et gestion des effets néfastes potentiels. Les Parties veillent à ce que :

i) Les mesures visant à prévenir, atténuer et gérer les effets néfastes potentiels des activités envisagées relevant de leur juridiction ou de leur contrôle soient recensées et analysées afin d'éviter tout impact néfaste important. De telles mesures peuvent comprendre l'examen d'alternatives à l'activité envisagée relevant de leur juridiction ou de leur contrôle ;

ii) Le cas échéant, ces mesures soient intégrées dans un plan de gestion environnemental ;

e) Les Parties veillent à ce qu'il soit procédé à la notification et à la consultation publiques prévues à l'article 32 ;

f) Les Parties veillent à l'élaboration et à la publication du rapport d'évaluation d'impact sur l'environnement prévu à l'article 33.

2. Les Parties peuvent réaliser des évaluations d'impact sur l'environnement conjointes, en particulier en ce qui concerne les activités envisagées relevant de la juridiction ou du contrôle de petits États insulaires en développement.

3. Une liste d'experts est établie sous l'égide de l'Organe scientifique et technique. Les Parties dont les moyens sont limités peuvent demander l'avis et l'assistance de ces experts pour la réalisation et l'évaluation des contrôles préliminaires et des évaluations d'impact sur l'environnement d'une activité envisagée relevant de leur juridiction ou de leur contrôle. Les experts ne peuvent être affectés à un autre volet de la procédure d'évaluation d'impact sur l'environnement de la même activité. La Partie qui a demandé l'avis et l'assistance des experts veille à ce que les évaluations d'impact sur l'environnement lui soient présentées pour examen et décision.

Article 32
Notification et consultation publiques

1. Les Parties assurent en temps opportun la notification publique de toute activité envisagée, y compris par voie de publication par l'intermédiaire du Centre d'échange et du secrétariat, et donnent, autant que faire se peut, à tous les États, en particulier les États côtiers adjacents et tout autre État adjacent à l'activité faisant partie des États les plus susceptibles d'être affectés, et à toutes les parties prenantes la possibilité de participer de manière effective et planifiée et pour un temps déterminé, à l'évaluation d'impact sur l'environnement. La notification et les possibilités de participation, y compris par la soumission de commentaires, ont lieu à tous les stades de l'évaluation, selon que de besoin, notamment lors de la détermination du champ de celle-ci prévue à l'alinéa b) du paragraphe 1 de l'article 31 et lorsqu'un projet de rapport d'évaluation d'impact sur l'environnement a été établi conformément à l'article 33, avant qu'une décision soit prise quant à l'autorisation de l'activité.

2. Pour déterminer quels sont les États les plus susceptibles d'être affectés, il est tenu compte de la nature de l'activité envisagée et de ses effets potentiels sur le milieu marin. Figurent notamment parmi ces États :

a) les États côtiers dont il est raisonnable de penser que l'exercice des droits souverains à des fins d'exploration, d'exploitation, de conservation ou de gestion de ressources naturelles sera affecté par l'activité ;

3. les États qui exercent, dans la zone de l'activité envisagée, des activités humaines, y compris économiques, dont il est raisonnable de penser qu'elles seront affectées. Les parties prenantes sont notamment les peuples autochtones et les communautés locales détenant des connaissances traditionnelles pertinentes, les organes mondiaux, régionaux, sous-régionaux et sectoriels pertinents, la société civile, la communauté scientifique et le public.

4. Lorsque des petits États insulaires en développement sont concernés, la notification et la consultation publiques doivent être inclusives et transparentes, effectuées en temps opportun et ciblées et proactives, conformément au paragraphe 3 de l'article 48.

5. Les commentaires substantiels reçus au cours de la consultation, notamment de la part d'États côtiers adjacents et de tout autre État adjacent à l'activité envisagée faisant partie des États les plus susceptibles d'être affectés, sont examinées par les Parties, qui y répondent ou y donnent suite. Les Parties accordent une attention particulière aux commentaires concernant les impacts potentiels dans les zones relevant de la juridiction nationale et, selon qu'il convient, y répondent par écrit de manière circonstanciée, y compris au sujet de toute mesure additionnelle destinée à remédier à ces impacts. Elles rendent publiques les commentaires reçus et la réponse ou la suite qui a été donnée à ceux-ci.

6. Lorsqu'une activité envisagée touche des zones de la haute mer complètement entourées par les zones économiques exclusives d'États, les Parties :

a) Procèdent à des consultations ciblées et proactives, y compris par des notifications préalables, avec ces États ;

b) Examinent les observations et commentaires de ces États sur les activités envisagées, y répondent par écrit de manière circonstanciée et, s'il y a lieu, révisent l'activité envisagée en conséquence.

7. Les Parties veillent à permettre l'accès aux informations relatives à la procédure d'évaluation d'impact sur l'environnement prévue dans le présent Accord. Néanmoins, elles ne sont pas tenues de rendre publiques les informations confidentielles ou exclusives. Il sera indiqué dans les documents publics que de telles informations ont été supprimées, si tel a été le cas.

Article 33
Rapports d'évaluation d'impact sur l'environnement

1. Les Parties veillent à ce que soit élaboré un rapport d'évaluation d'impact sur l'environnement pour toute évaluation menée en application de la présente partie.

2. Le rapport d'évaluation d'impact sur l'environnement doit comporter, au minimum, les informations suivantes : une description de l'activité envisagée, y compris sa localisation ; un exposé des conclusions des travaux de détermination du champ de l'évaluation ; une évaluation initiale du milieu marin susceptible d'être affecté ; une description des impacts potentiels, y compris les impacts cumulés potentiels et tout impact dans les zones relevant de la juridiction nationale ; une description des mesures potentielles de prévention, d'atténuation et de gestion ; un exposé des incertitudes et des lacunes dans les connaissances ; des informations sur la procédure de consultation publique ; un exposé des alternatives qui pourraient raisonnablement remplacer l'activité envisagée ; une description des activités de suivi, y compris un plan de gestion environnemental ; un résumé non technique.

3. Durant la procédure de consultation publique, la Partie met à disposition, par l'intermédiaire du Centre d'échange, le projet de rapport d'évaluation d'impact sur l'environnement afin de permettre à l'Organe scientifique et technique de l'examiner et de l'évaluer.

4. L'Organe scientifique et technique peut, s'il y a lieu et en temps utile, adresser des commentaires sur le projet de rapport à la Partie. Celle-ci examine tout commentaire que l'Organe scientifique et technique aura formulé.

5. Les Parties publient les rapports d'évaluation d'impact sur l'environnement, y compris par l'intermédiaire du Centre d'échange. Lorsque les rapports sont publiés par l'intermédiaire du Centre d'échange, le secrétariat veille à ce que toutes les Parties en soient informées en temps utile.

6. L'Organe scientifique et technique examine, sur la base des pratiques, procédures et connaissances pertinentes visées dans le présent Accord, la version définitive des rapports d'évaluation d'impact sur l'environnement, en vue d'élaborer des lignes directrices, y compris de recenser les meilleures pratiques.

7. L'Organe scientifique et technique examine et évalue, sur la base des pratiques, procédures et connaissances pertinentes visées dans le présent Accord, certaines des informations publiées utilisées lors du contrôle préliminaire visé aux articles 30 et 31 afin de décider s'il y a lieu de procéder à une évaluation d'impact sur l'environnement, en vue d'élaborer des lignes directrices, y compris de recenser les meilleures pratiques.

Article 34
Prise de décision

1. Il appartient à la Partie sous la juridiction ou le contrôle de laquelle l'activité envisagée doit être menée de décider si celle-ci peut être entreprise.

2. Pour décider si l'activité envisagée peut être entreprise au titre de la présente partie, il est tenu pleinement compte de l'évaluation d'impact sur l'environnement réalisée conformément à la présente partie. La Partie ne peut décider d'autoriser l'activité envisagée relevant de sa juridiction ou de son contrôle que si, compte tenu des mesures d'atténuation ou de gestion, elle a conclu qu'elle avait fait tous les efforts raisonnables pour que l'activité puisse être menée d'une manière compatible avec la prévention des impacts néfastes importants sur le milieu marin.

3. Les documents de décision, énoncent clairement les conditions d'approbation relatives aux mesures d'atténuation et aux obligations de suivi. Les documents de décision sont rendus publics, y compris par l'intermédiaire du Centre d'échange.

4. À la demande d'une Partie, la Conférence des Parties peut fournir conseils et assistance à cette Partie pour décider si une activité envisagée relevant de sa juridiction ou de son contrôle peut être entreprise.

Article 35
Surveillance des impacts des activités autorisées

Les Parties surveillent, en se fondant sur les meilleures connaissances et informations scientifiques disponibles et, lorsqu'elles sont disponibles, sur les connaissances traditionnelles pertinentes des peuples autochtones et des communautés locales, les impacts de toutes les activités dans les zones ne relevant pas de la juridiction nationale qu'elles autorisent ou auxquelles elles se livrent, afin de déterminer si ces activités sont susceptibles de polluer ou d'avoir des impacts néfastes sur le milieu marin. Chaque Partie surveille en particulier les impacts sur l'environnement et les impacts connexes, comme les impacts économiques, sociaux et culturels et les impacts sur la santé humaine, d'une activité autorisée relevant de sa juridiction ou de son contrôle, conformément aux conditions énoncées dans le document d'approbation de l'activité.

Article 36
Rapport sur les impacts des activités autorisées

1. Les Parties, agissant individuellement ou collectivement, font périodiquement rapport sur les impacts de l'activité autorisée et sur les résultats de la surveillance requise à l'article 35.

2. Les rapports de surveillance sont rendus publics, y compris par l'intermédiaire du Centre d'échange, et peuvent être examinés et évalués par l'Organe scientifique et technique.

3. Les rapports de surveillance sont examinés par l'Organe scientifique et technique, sur la base des pratiques, procédures et connaissances pertinentes visées dans le présent Accord, l'objectif étant d'élaborer des lignes directrices relatives à la surveillance des impacts des activités autorisées, y compris de recenser les meilleures pratiques.

Article 37
Examen des activités autorisées et de leurs impacts

1. Les Parties veillent à ce que les impacts de l'activité autorisée qui est surveillée en application de l'article 35 soient examinés.

2. Si la Partie qui exerce sa juridiction ou son contrôle sur l'activité découvre des impacts néfastes importants dont la nature ou la gravité n'a pas été anticipée au moment de l'évaluation d'impact sur l'environnement ou qui découlent du non - respect de l'une quelconque des conditions énoncées dans le document d'approbation de l'activité, elle réexamine sa décision d'autoriser l'activité, le notifie à la Conférence des Parties, aux autres Parties et au public, y compris par l'intermédiaire du Centre d'échange, et :

a) Exige que des mesures soient proposées et mises en oeuvre pour prévenir, atténuer et/ou gérer ces impacts, ou prend toute autre mesure nécessaire et/ou interrompt l'activité, selon le cas ; et

b) Évalue diligemment toute mesure prise ou action mise en oeuvre au titre de l'alinéa a) ci-dessus.

3. Sur la base des rapports reçus au titre de l'article 36, s'il estime que l'activité peut avoir des impacts néfastes importants qui n'ont pas été anticipés au moment de l'évaluation d'impact sur l'environnement ou qui découlent du non-respect de l'une quelconque des conditions d'approbation de l'activité, l'Organe scientifique et technique peut le notifier à la Partie qui a autorisé l'activité et, selon qu'il convient, lui faire des recommandations.

4. a) Sur la base des meilleures connaissances et informations scientifiques disponibles et, lorsqu'elles sont disponibles, sur les connaissances traditionnelles pertinentes des peuples autochtones et des communautés locales, toute Partie peut faire part à la Partie qui a autorisé l'activité et à l'Organe scientifique et technique de ses préoccupations quant aux impacts néfastes importants que peut avoir l'activité et dont la nature ou la gravité n'a pas été anticipée au moment de l'évaluation d'impact sur l'environnement ou qui découlent du non-respect de l'une quelconque des conditions de l'approbation ;

b) La Partie qui a autorisé l'activité examine ces préoccupations ;

c) Après examen des préoccupations exprimées par une Partie, l'Organe scientifique et technique examine la question, qu'il peut évaluer en se fondant sur les meilleures connaissances et informations scientifiques disponibles et, lorsqu'elles sont disponibles, sur les connaissances traditionnelles pertinentes des peuples autochtones et des communautés locales, et, s'il estime qu'une activité peut avoir des impacts néfastes importants dont la nature ou la gravité n' a pas été anticipée au moment de l'évaluation d'impact sur l'environnement ou qui découlent du non - respect de l'une quelconque des conditions de l'approbation, il peut le notifier à la Partie qui a autorisé l'activité et, après avoir donné à celle-ci la possibilité de répondre aux préoccupations exprimées et en tenant compte de cette réponse, lui adresser des recommandations, selon qu'il convient ;

d) L'expression des préoccupations, toute notification émise et toute recommandation formulée par l'Organe scientifique et technique sont rendues publiques, notamment par l'intermédiaire du Centre d'échange ;

e) La Partie qui a autorisé l'activité prend en considération toute notification émise et toute recommandation formulée par l'Organe scientifique et technique.

5. Tous les États, en particulier les États côtiers adjacents et tout autre État adjacent à l'activité faisant partie des États les plus susceptibles d'être affectés, et toutes les parties prenantes sont tenus informés par l'intermédiaire du Centre d'échange et peuvent être consultés lors des procédures de surveillance, d'établissement des rapports et d'examen concernant une activité autorisée conformément au présent Accord.

6. Les Parties publient, y compris par l'intermédiaire du Centre d'échange :

a) Les rapports relatifs à l'examen des impacts de l'activité autorisée ;

b) Les documents de décision, y compris, lorsque la Partie revient sur sa décision d'autoriser l'activité, la liste des raisons ayant motivé sa décision.

Article 38
Normes et/ou lignes directrices sur les évaluations d'impact sur l'environnement à élaborer par l'Organe scientifique et technique

1. L'Organe scientifique et technique élabore des normes ou des lignes directrices, en vue de leur examen et de leur adoption par la Conférence des Parties, en ce qui concerne :

a) La méthode permettant de savoir si les seuils pour la réalisation d'un contrôle préliminaire ou d'une évaluation d'impact sur l'environnement fixés à l'article 30 sont atteints ou dépassés pour les activités envisagées, y compris sur la base de la liste non exhaustive des facteurs énoncés au paragraphe 2 dudit article ;

b) L'évaluation des impacts cumulés dans les zones ne relevant pas de la juridiction nationale et la manière dont il convient d'en tenir compte dans la procédure relative aux évaluations d'impact sur l'environnement ;

c) L'évaluation des impacts qu'ont, dans les zones relevant de la juridiction nationale, les activités qu'il est envisagé de mener dans les zones ne relevant pas de la juridiction nationale et la manière dont il convient d'en tenir compte dans la procédure relative aux évaluations d'impact sur l'environnement ;

d) La procédure de notification et de consultation publiques prévue à l'article 32, y compris la détermination de ce qui constitue des informations confidentielles ou exclusives ;

e) Ce que doivent contenir les rapports d'évaluation d'impact sur l'environnement et en quoi doivent consister les informations publiées utilisées lors du contrôle préliminaire en application de l'article 33, y compris les meilleures pratiques ;

f) La surveillance des impacts des activités autorisées et les rapports sur la question, tels que prévus aux articles 35 et 36, y compris le recensement des meilleures pratiques ;

g) La réalisation d'évaluations environnementales stratégiques.

2. L'Organe scientifique et technique peut également élaborer des normes et des lignes directrices en vue de leur examen et de leur adoption par la Conférence des Parties, notamment en ce qui concerne :

a) Une liste indicative non exhaustive des activités qui requièrent ou ne requièrent pas une évaluation d'impact sur l'environnement, ainsi que tout critère relatif à ces activités, à mettre à jour périodiquement ;

b) La réalisation d'évaluation d'impact sur l'environnement par les Parties au présent Accord dans des zones dont il a été déterminé qu'elles devaient être protégées ou requéraient une attention particulière.

3. Toute norme fait l'objet d'une annexe au présent Accord, conformément à l'article 74.

Article 39
Évaluations environnementales stratégiques

1. Les Parties, agissant seules ou en coopération avec d'autres, envisagent de réaliser des évaluations environnementales stratégiques pour les plans et programmes relatifs à des activités relevant de leur juridiction ou de leur contrôle devant être menées dans les zones ne relevant pas de la juridiction nationale, afin d'évaluer les effets potentiels sur le milieu marin de ces plans ou programmes, ou des alternatives envisagées.

2. La Conférence des Parties peut réaliser une évaluation environnementale stratégique dans une zone ou une région en vue de compiler et de synthétiser les meilleures informations disponibles sur cette zone ou région, d'évaluer les impacts existants et les futurs impacts potentiels et de recenser les lacunes en matière de données et les priorités de recherche.

3. Lorsqu'elles procèdent à des évaluations d'impact sur l'environnement en application de la présente partie, les Parties tiennent compte des résultats des évaluations environnementales stratégiques pertinentes effectuées au titre des paragraphes 1 et 2 ci-dessus, s'ils sont disponibles.

4. La Conférence des Parties élabore des orientations pour la réalisation de chaque catégorie d'évaluation environnementale stratégique décrite dans le présent article.

PARTIE V
RENFORCEMENT DES CAPACITÉS ET TRANSFERT DE TECHNOLOGIES MARINES

Article 40
Objectifs

Les objectifs de la présente partie sont les suivants :

a) Aider les Parties, en particulier les États Parties en développement, à mettre en oeuvre les dispositions du présent Accord en vue de réaliser les objectifs de celui-ci ;

b) Permettre une coopération et une participation inclusives, équitables et effectives aux activités menées dans le cadre du présent Accord ;

c) Développer les capacités scientifiques et technologiques marines des Parties, en particulier celles des États Parties en développement, y compris en matière de recherche, en ce qui concerne la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale, notamment par l'accès des États Parties en développement aux technologies marines et par le transfert de ces technologies à ces États ;

d) Accroître, diffuser et partager les connaissances sur la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale ;

e) Plus spécifiquement, soutenir les États Parties en développement, en particulier les pays les moins développés, les pays en développement sans littoral, les États géographiquement désavantagés, les petits États insulaires en développement, les États côtiers d'Afrique, les États archipels et les pays en développement à revenu intermédiaire, par le renforcement des capacités et le développement et le transfert de technologies marines prévus dans le présent Accord, à atteindre les objectifs relatifs à ce qui suit :

i) Les ressources génétiques marines, y compris le partage des avantages visé à l'article 9 ;

ii) Les mesures telles que les outils de gestion par zone, y compris les aires marines protégées, visés à l'article 17 ;

iii) Les évaluations d'impact sur l'environnement visées à l'article 27.

Article 41
Coopération dans le domaine du renforcement des capacités et du transfert de technologies marines

1. Les Parties coopèrent, directement ou par l'intermédiaire des instruments et cadres juridiques pertinents et des organes mondiaux, régionaux, sous-régionaux et sectoriels pertinents, en vue d'aider les Parties, en particulier les États Parties en développement, à atteindre les objectifs du présent Accord par le renforcement des capacités et le développement et le transfert des sciences de la mer et technologies marines.

2. Lorsqu'elles oeuvrent au renforcement des capacités et au transfert de technologies marines au titre du présent Accord, les Parties coopèrent à tous les niveaux et sous toutes les formes, y compris en impliquant toutes les parties prenantes pertinentes, telles que, selon les cas, le secteur privé, la société civile, les peuples autochtones et les communautés locales en leur qualité de détenteurs de connaissances traditionnelles, et en établissant des partenariats avec elles, ainsi qu'en renforçant la coopération et la coordination entre les instruments et cadres juridiques pertinents et les organes mondiaux, régionaux, sous-régionaux et sectoriels pertinents.

3. Lorsqu'elles donnent effet à la présente partie, les Parties reconnaissent pleinement les besoins particuliers des États Parties en développement, en particulier des pays les moins avancés, des pays en développement sans littoral, des États géographiquement désavantagés, des petits États insulaires en développement, des États côtiers d'Afrique, des États archipels et des pays en développement à revenu intermédiaire. Les Parties veillent à ce que le renforcement des capacités et le transfert de technologies marines ne soient pas soumis à de lourdes exigences en matière d'établissement de rapports.

Article 42
Modalités de renforcement des capacités et de transfert de technologies marines

1. Les Parties, dans la mesure de leurs moyens, veillent au renforcement des capacités des États Parties en développement et coopèrent pour assurer le transfert de technologies marines, en particulier aux États Parties en développement qui en ont besoin et qui le demandent, en tenant compte de la situation particulière des petits États insulaires en développement et des pays les moins avancés, conformément aux dispositions du présent Accord.

2. Les Parties, dans la mesure de leurs moyens, fournissent des ressources pour appuyer ce renforcement des capacités et le développement et le transfert de technologies marines et pour faciliter l'accès à d'autres sources d'appui, en tenant compte de leurs politiques, priorités, plans et programmes nationaux.

3. Le renforcement des capacités et le transfert de technologies marines devraient être un processus piloté par les pays, transparent, efficace, itératif, participatif, transversal et tenant compte du genre. Ce processus s'appuie, le cas échéant, sur les programmes existants, avec lesquels il ne fait pas double emploi, et s'inspire des enseignements tirés de l'expérience, notamment des activités de renforcement des capacités et de transfert de technologies marines menées dans le cadre des instruments et cadres juridiques pertinents et des organes mondiaux, régionaux, sous-régionaux et sectoriels pertinents. Dans la mesure du possible, il est tenu compte de ces activités pour optimiser l'efficacité et les résultats.

4. Le renforcement des capacités et le transfert de technologies marines se basent sur les besoins et les priorités des États Parties en développement, auxquels ils répondent, compte tenu de la situation particulière des petits États insulaires en développement et des pays les moins avancés, et qui sont définis à l'issue d'évaluations des besoins effectuées au cas par cas ou sur une base sous-régionale ou régionale. Ces besoins et priorités peuvent faire l'objet d'une auto-évaluation ou être facilités par le comité de renforcement des capacités et de transfert de technologies marines et par le Centre d'échange.

Article 43
Modalités supplémentaires de transfert de technologies marines

1. Les Parties partagent une vision durable de l'importance que revêt la pleine réalisation du développement et du transfert de technologies pour une coopération et une participation inclusives, équitables et efficaces dans les activités entreprises au titre du présent Accord et pour que les objectifs de celui-ci puissent être pleinement atteints.

2. Le transfert de technologies marines entrepris en application du présent Accord s'effectue à des conditions justes et les plus favorables, y compris à des conditions de faveur et préférentielles, et conformément à des modalités arrêtées d'un commun accord ainsi qu'aux objectifs du présent Accord.

3. Les Parties favorisent et encouragent l'instauration de conditions économiques et juridiques propices au transfert de technologies marines aux États Parties en développement, en tenant compte de la situation particulière des petits États insulaires en développement et des pays les moins avancés, y compris, éventuellement, en offrant des incitations aux entreprises et aux institutions.

4. Le transfert de technologies marines s'effectue compte tenu de tous les droits qui s'exercent sur celles-ci et en tenant dûment compte de tous les intérêts légitimes, y compris, entre autres, les droits et obligations des détenteurs, des fournisseurs et des bénéficiaires de telles technologies et compte tenu, particulièrement, des intérêts et besoins des États en développement en ce qui concerne la réalisation des objectifs du présent Accord.

5. Les technologies marines transférées au titre de la présente partie sont appropriées, pertinentes et, dans la mesure du possible, fiables, d'un coût abordable, modernes, respectueuses de l'environnement et disponibles sous une forme accessible aux États Parties en développement, compte tenu de la situation particulière des petits États insulaires en développement et des pays les moins avancés.

Article 44
Formes du renforcement des capacités et du transfert de technologies marines

1. Aux fins des objectifs énoncés à l'article 40, le renforcement des capacités et le transfert de technologies marines peuvent prendre plusieurs formes, y compris, sans s'y limiter, un appui à la constitution ou au renforcement des capacités des Parties en matière de ressources humaines, de moyens de gestion financière et de moyens scientifiques, technologiques, administratifs, institutionnels et autres, tels que :

a) Le partage et l'utilisation de données, d'informations, de connaissances et de résultats de recherches pertinents ;

b) La diffusion d'informations et la sensibilisation, notamment, en ce qui concerne les connaissances traditionnelles pertinentes des peuples autochtones et des communautés locales, dans le respect du principe du consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, de ces peuples et, selon le cas, de ces communautés ;

c) Le développement et le renforcement des infrastructures pertinentes, y compris du matériel et des compétences nécessaires à leur utilisation et à leur entretien ;

d) Le développement et le renforcement des capacités institutionnelles et des cadres ou mécanismes nationaux de réglementation ;

e) Le développement et le renforcement des capacités en matière de ressources humaines et de moyens de gestion financière et de l'expertise technique, par des échanges, la collaboration en matière de recherche, l'appui technique, l'éducation et la formation, et par le transfert de technologies marines ;

2. L'élaboration et le partage de manuels, de lignes directrices et de normes ;

a) L'élaboration de programmes techniques, scientifiques et de recherche et développement ;

b) Le développement et le renforcement des capacités et des outils technologiques nécessaires au suivi, au contrôle et à la surveillance efficaces des activités relevant du champ du présent Accord.

3. Les formes que peuvent prendre le renforcement des capacités et le transfert de technologies marines énumérées dans le présent article sont indiquées plus en détail à l'annexe II.

4. La Conférence des Parties, prenant en considération les recommandations formulées par le comité de renforcement des capacités et de transfert de technologies marines, examine, évalue, développe périodiquement, selon que de besoin, la liste indicative et non exhaustive des formes que peuvent prendre le renforcement des capacités et le transfert de technologies marines présentées à l'annexe II et à fournir des orientations à cet égard, en vue de tenir compte des progrès et innovations technologiques et de répondre et de s'adapter à l'évolution des besoins des États, sous-régions et régions.

Article 45
Suivi et examen

1. Le renforcement des capacités et le transfert de technologies marines effectués conformément aux dispositions de la présente partie font l'objet d'un suivi et d'un examen périodiques.

2. Le suivi et l'examen visés au paragraphe 1 ci-dessus sont assurés par le comité de renforcement des capacités et de transfert de technologies marines, sous l'autorité de la Conférence des Parties, et ont les objectifs suivants :

a) Évaluer et examiner les besoins et les priorités des États Parties en développement en matière de renforcement des capacités et de transfert de technologies marines, en accordant une attention particulière aux besoins spécifiques des États Parties en développement et à la situation particulière des petits États insulaires en développement et des pays les moins avancés, conformément au paragraphe 4 de l'article 42 ;

b) Examiner l'appui requis, fourni et mobilisé, ainsi que les lacunes dans la satisfaction des besoins évalués des États Parties en développement en relation avec le présent Accord ;

c) Trouver et mobiliser des fonds au titre du mécanisme de financement créé par l'article 52, en vue de développer et de mettre en oeuvre le renforcement des capacités et le transfert de technologies marines, y compris aux fins de la réalisation des évaluations des besoins ;

d) Mesurer la performance au moyen d'indicateurs agréés et examiner les analyses axées sur les résultats, y compris sur les produits, les réalisations, les progrès et l'efficacité des activités de renforcement des capacités et de transfert de technologies marines entreprises au titre du présent Accord, ainsi que sur les réussites et les difficultés rencontrées ;

e) Formuler des recommandations sur des activités de suivi, y compris sur la manière dont le renforcement des capacités et le transfert de technologies marines pourraient être encore améliorés pour permettre aux États Parties en développement, en tenant compte de la situation particulière des petits États insulaires en développement et des pays les moins avancés, de renforcer leur mise en oeuvre de l'Accord afin de réaliser ses objectifs.

3. Pour faciliter le suivi et l'examen des activités de renforcement des capacités et de transfert de technologies marines, les Parties soumettent des rapports au comité de renforcement des capacités et de transfert de technologies marines. Ces rapports devraient être présentés dans un format et à une périodicité à déterminer par la Conférence des Parties, en tenant compte de la recommandation du comité de renforcement des capacités et de transfert de technologies marines. Lorsqu'elles soumettent leurs rapports, les Parties tiennent compte, le cas échéant, des contributions des organes régionaux et sous-régionaux chargés du renforcement des capacités et du transfert de technologies marines. Les rapports soumis par les Par ties, ainsi que toute contribution des organes régionaux et sous-régionaux susmentionnés, devraient être rendus publics. La Conférence des Parties veille à ce que les exigences en matière de rapports soient simplifiées et non excessives, en particulier pour les États parties en développement, y compris en matière de coût et de délai.

Article 46
Comité de renforcement des capacités et de transfert de technologies marines

1. Il est créé un comité de renforcement des capacités et de transfert de technologies marines.

2. Le comité est composé de membres possédant les qualifications et l'expertise appropriées, qui siègent en toute objectivité et au mieux des intérêts de l'Accord et qui sont désignés par les Parties et élus par la Conférence des Parties, en tenant compte de l'équilibre des genres et d'une répartition géographique équitable, et en garantissant la représentation au sein du comité des pays les moins avancés, des petits États insulaires en développement et des pays en développement sans littoral. Le mandat et les modalités de fonctionnement du comité sont définis par la Conférence des Parties à sa première réunion.

3. Le comité soumet des rapports et des recommandations que la Conférence des Parties examine et auxquels elle donne suite selon qu'il convient.

PARTIE VI
DISPOSITIF INSTITUTIONNEL

Article 47
Conférence des Parties

1. Il est créé une Conférence des Parties.

2. La première réunion de la Conférence des Parties est convoquée par le ou la Secrétaire général(e) de l'Organisation des Nations Unies un an au plus tard après la date d'entrée en vigueur du présent Accord. Par la suite, la Conférence des Parties tient des réunions ordinaires à des intervalles réguliers qu'elle détermine. Elle peut tenir des réunions extraordinaires à d'autres moments, conformément à son règlement intérieur.

3. La Conférence des Parties tient ses réunions ordinaires au siège du secrétariat ou au Siège de l'Organisation des Nations Unies.

4. La Conférence des Parties adopte par consensus, à sa première réunion, son règlement intérieur et celui de ses organes subsidiaires, les règles de gestion financière régissant son financement et celui du secrétariat et de tout organe subsidiaire, ainsi que, par la suite, le règlement intérieur et les règles de gestion financière de tout autre organe subsidiaire qu'elle pourrait créer. En attendant son adoption, le règlement intérieur qui s'applique est celui de la conférence intergouvernementale chargée d'élaborer un instrument international juridiquement contraignant se rapportant à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer et portant sur la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale.

5. La Conférence des Parties n'épargne aucun effort pour adopter ses décisions et ses recommandations par consensus. Sauf disposition contraire du présent Accord, si tous les moyens de parvenir à un consensus ont été épuisés, les décisions et les recommandations de la Conférence des Parties sur les questions de fond sont adoptées à la majorité des deux tiers des Parties présentes et votantes, et les décisions sur les questions de procédure à la majorité des Parties présentes et votantes.

6. La Conférence des Parties examine et évalue régulièrement la mise en oeuvre du présent Accord et, à cette fin :

a) Adopte des décisions et formule des recommandations relatives à la mise en oeuvre du présent Accord ;

b) Examine et facilite l'échange entre les Parties d'informations relatives à la mise en oeuvre du présent Accord ;

c) Favorise, notamment en établissant les procédures appropriées, la coopération et la coordination avec et entre les instruments et cadres juridiques pertinents et les organes mondiaux, régionaux, sous-régionaux et sectoriels pertinents, afin de promouvoir la cohérence des efforts déployés en vue de la conservation et de l'utilisation durable de la diversité biologique marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale ;

d) Crée les organes subsidiaires jugés nécessaires pour appuyer la mise en oeuvre du présent Accord ;

e) Adopte le budget à la majorité des trois quarts des Parties présentes et votantes si tous les moyens de parvenir à un consensus ont été épuisés, à la fréquence et pour l'exercice financier qu'elle aura déterminé ;

f) Exerce d'autres fonctions définies dans le présent Accord ou pouvant être nécessaires à la mise en oeuvre de celui-ci.

7. La Conférence des Parties peut décider de demander au Tribunal international du droit de la mer un avis consultatif sur toute question juridique relative à la conformité au présent Accord d'une proposition dont elle est saisie concernant tout sujet relevant de sa compétence. Elle ne sollicite pas d'avis consultatif sur des questions relevant de la compétence d'autres organes mondiaux, régionaux, sous- régionaux ou sectoriels ou sur des questions impliquant nécessairement l'examen simultané d'un différend relatif à la souveraineté ou à d'autres droits sur un territoire continental ou insulaire ou des revendications y relatives ou au régime juridique d'une zone relevant de la juridiction nationale. La demande indique la question juridique précise sur laquelle l'avis consultatif est sollicité. La Conférence des Parties peut demander que l'avis soit rendu dans les plus brefs délais.

8. La Conférence des Parties évalue et examine, dans les cinq ans suivant l'entrée en vigueur du présent Accord et, par la suite, à des intervalles qu'elle détermine, la pertinence et l'efficacité des dispositions du présent Accord et propose, si nécessaire, des moyens de renforcer la mise en oeuvre de ces dispositions afin de mieux assurer la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale.

Article 48
Transparence

1. La Conférence des Parties favorise la transparence des procédures de prise de décision et des autres activités menées au titre du présent Accord.

2. Toutes les réunions de la Conférence des Parties et de ses organes subsidiaires sont ouvertes aux observateurs admis à y participer conformément au règlement intérieur sauf décision contraire de la Conférence des Parties. Celle-ci publie et tient à jour un registre public de ses décisions.

3. La Conférence des Parties favorise la transparence dans la mise en oeuvre du présent Accord, notamment par la diffusion publique d'informations et en facilitant la participation et la consultation des organes mondiaux, régionaux, sous-régionaux et sectoriels pertinents, des peuples autochtones et des communautés locales détenant des connaissances traditionnelles pertinentes, de la communauté scientifique, de la société civile et d'autres parties prenantes concernées, selon qu'il convient et conformément aux dispositions du présent Accord.

4. Les représentants d'États non parties au présent Accord, d'organes mondiaux, régionaux, sous-régionaux et sectoriels pertinents, de peuples autochtones et de communautés locales détenant des connaissances traditionnelles pertinentes, de la communauté scientifique, de la société civile et d'autres parties prenantes intéressées par des questions concernant la Conférence des Parties peuvent demander à participer en qualité d'observateurs aux réunions de celle-ci et de ses organes subsidiaires. Les modalités de cette participation sont fixées dans le règlement intérieur de la Conférence des Parties, qui ne doit pas être indûment restrictif à cet égard. Le règlement intérieur dispose également que ces représentants ont accès en temps utile à toutes les informations pertinentes.

Article 49
Organe scientifique et technique

1. Il est créé un organe scientifique et technique.

2. L'Organe scientifique et technique est composé de membres siégeant en qualité d'experts et au mieux des intérêts de l'Accord, désignés par les Parties et élus par la Conférence des Parties, possédant les qualifications appropriées, en tenant compte de la nécessité de disposer d'une expertise multidisciplinaire, y compris une expertise scientifique et technique pertinente et une expertise en matière de connaissances traditionnelles pertinentes des peuples autochtones et des communautés locales, ainsi que de l'équilibre des genres et d'une répartition géographique équitable. Le mandat et les modalités de fonctionnement de l'Organe scientifique et technique, y compris sa procédure de sélection et la durée du mandat de ses membres, sont définis par la Conférence des Parties à sa première réunion.

3. L'Organe scientifique et technique peut s'appuyer sur les avis appropriés émanant des instruments et cadres juridiques pertinents et des organes mondiaux, régionaux, sous-régionaux et sectoriels pertinents, ainsi que d'autres scientifiques et experts, autant que de besoin.

4. Sous l'autorité et la direction de la Conférence des Parties, et en tenant compte de l'expertise multidisciplinaire visée au paragraphe 2 ci-dessus, l'Organe scientifique et technique donne des avis scientifiques et techniques à la Conférence des Parties, s'acquitte des fonctions qui lui sont assignées au titre du présent Accord et de toutes autres fonctions qui peuvent être définies par la Conférence et soumet des rapports sur ces travaux à la Conférence des Parties.

Article 50
Secrétariat

1. Il est créé un secrétariat. À sa première réunion, la Conférence des Parties prend les dispositions nécessaires pour assurer son fonctionnement et décide notamment de son siège.

2. En attendant que le secrétariat entre en fonction, le ou la Secrétaire général(e) de l'Organisation des Nations Unies, par l'intermédiaire de la Division des affaires maritimes et du droit de la mer du Bureau des affaires juridiques du Secrétariat de cette organisation, assume les fonctions de secrétariat au titre du présent Accord.

3. Le secrétariat et l'État hôte peuvent conclure un accord de siège. Le secrétariat jouit de la capacité juridique sur le territoire de l'État hôte, qui lui accorde les privilèges et immunités nécessaires à l'exercice de ses fonctions.

4. Le secrétariat :

a) Fournit un appui administratif et logistique à la Conférence des Parties et à ses organes subsidiaires aux fins de la mise en oeuvre du présent Accord ;

b) Organise les réunions de la Conférence des Parties et de tout autre organe créé au titre du présent Accord ou par la Conférence des Parties, et en assure le service ;

c) Diffuse en temps utile les informations relatives à la mise en oeuvre du présent Accord, notamment en rendant publiques les décisions de la Conférence des Parties et en les communiquant à toutes les Parties, ainsi qu'aux instruments et cadres juridiques pertinents et aux organes mondiaux, régionaux, sous-régionaux et sectoriels pertinents ;

d) Facilite la coopération et la coordination, selon qu'il convient, avec les secrétariats des autres organes internationaux pertinents et, en particulier, conclut les arrangements administratifs et contractuels qui pourraient lui être nécessaires à cette fin et pour s'acquitter efficacement de ses fonctions, sous réserve de l'approbation de la Conférence des Parties ;

e) Élabore des rapports sur l'exercice des fonctions qui lui sont assignées en vertu du présent Accord et les soumet à la Conférence des Parties ;

f) Aide à mettre en oeuvre le présent Accord et s'acquitte de toutes autres fonctions que la Conférence des Parties peut décider de lui assigner ou qui lui sont confiées au titre du présent Accord.

Article 51
Centre d'échange

1. Il est créé un centre d'échange.

2. Le Centre d'échange consiste principalement en une plateforme en libre accès. Les modalités précises de fonctionnement du Centre d'échange sont fixées par la Conférence des Parties.

3. Le Centre d'échange :

a) Sert de plateforme centralisée permettant aux Parties d'obtenir, de fournir et de diffuser des informations relatives aux activités se déroulant en application des dispositions du présent Accord, notamment des informations concernant :

i) Les ressources génétiques marines des zones ne relevant pas de la juridiction nationale, au sens de la partie II du présent Accord ;

ii) La création et la mise en oeuvre d'outils de gestion par zone, y compris d'aires marines protégées ;

iii) Les évaluations d'impact sur l'environnement ;

iv) Les demandes de renforcement des capacités et de transfert de technologies marines ainsi que les possibilités en la matière, y compris les possibilités de collaboration dans le domaine de la recherche et les possibilités de formation, les informations sur les sources et la disponibilité des données et informations technologiques pour le transfert de technologies marines, les possibilités d'accès facilité aux technologies, et les possibilités de financement ;

b) Facilite l'adéquation entre les besoins de renforcement des capacités et l'offre d'appui disponible ainsi que la mise en relation avec les fournisseurs de technologies marines, y compris les entités gouvernementales, non gouvernementales ou privées désireuses de participer comme donatrices au transfert de telles technologies, et facilite l'accès au savoir-faire et à l'expertise correspondants ;

c) Établit des liens avec les centres d'échange mondiaux, régionaux, sous- régionaux, nationaux et sectoriels pertinents et avec les autres banques de gènes, référentiels de données et bases de données, y compris ceux qui concernent les connaissances traditionnelles pertinentes des peuples autochtones et des communautés locales, et favorise les liens, dans la mesure du possible, avec les plateformes d'échange d'informations privées et non gouvernementales accessibles au public ;

d) S'appuie sur les institutions d'échange mondiales, régionales et sous- régionales, le cas échéant, lors de la mise en place de mécanismes régionaux et sous - régionaux dans le cadre du mécanisme mondial ;

e) Favorise le renforcement de la transparence, notamment en facilitant l'échange entre les Parties et les autres parties prenantes pertinentes de données et d'informations environnementales de référence relatives à la conservation et à l'utilisation durable de la diversité biologique marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale ;

f) Facilite la coopération et la collaboration internationales, y compris la coopération et la collaboration scientifiques et techniques ;

g) S'acquitte de toute autre fonction que la Conférence des Parties peut décider de lui assigner ou qui lui sont assignées au titre du présent Accord.

4. Le Centre d'échange est administré par le secrétariat, sans préjudice d'une éventuelle coopération avec d'autres instruments et cadres juridiques pertinents et organes mondiaux, régionaux, sous-régionaux et sectoriels pertinents désignés par la Conférence des Parties, y compris la Commission océanographique intergouvernementale de l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture, l'Autorité internationale des fonds marins, l'Organisation maritime internationale et l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture.

5. Dans l'administration du Centre d'échange, il est pleinement tenu compte des besoins spécifiques des États Parties en développement, ainsi que de la situation particulière des petits États Parties insulaires en développement, dont l'accès au Centre est facilité pour leur permettre de l'utiliser sans entraves ni contraintes administratives indues. Des informations sont présentées sur les activités visant à favoriser le partage de l'information, la sensibilisation et la diffusion d'informations dans et avec ces États, ainsi qu'à offrir des programmes spécifiques pour ces États.

6. La confidentialité des informations fournies au titre du présent Accord et les droits y afférents sont respectés. Rien dans le présent Accord ne doit être interprété comme exigeant le partage d'informations dont le droit interne d'une Partie ou tout autre droit applicable interdit la divulgation.

PARTIE VII
RESSOURCES FINANCIÈRES ET MÉCANISME DE FINANCEMENT

Article 52
Financement

1. Chaque Partie fournit des ressources pour les activités visant à atteindre la réalisation des objectifs du présent Accord, dans la mesure de ses capacités et en tenant compte de ses politiques, priorités, plans et programmes nationaux.

2. Les institutions créées en application du présent Accord sont financées par les contributions des Parties.

3. Il est créé un mécanisme permettant de fournir des ressources financières adéquates, accessibles, nouvelles et supplémentaires et prévisibles dans le cadre du présent Accord. Ce mécanisme aide les États Parties en développement à mettre en oeuvre le présent Accord, y compris par un financement à l'appui du renforcement des capacités et du transfert de technologies marines, et exécute les autres fonctions prévues dans le présent article aux fins de la conservation et de l'utilisation durable de la diversité biologique marine.

4. Le mécanisme comporte :

a) Un fonds de contributions volontaires créé par la Conférence des Parties afin de faciliter la participation de représentants des États Parties en développement, en particulier les pays les moins avancés, les pays en développement sans littoral et les petits États insulaires en développement, aux réunions des organes créés par le présent Accord ;

b) Un fonds spécial alimenté par les sources suivantes :

i) Les contributions annuelles visées au paragraphe 6 de l'article 14 ;

ii) Les fonds versés conformément au paragraphe 7 de l'article 14 ;

iii) Les contributions supplémentaires des Parties et des entités privées désireuses de contribuer financièrement à la conservation et à l'utilisation durable de la diversité biologique marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale ;

c) La Caisse du Fonds pour l'environnement mondial.

5. La Conférence des Parties peut envisager de créer, dans le cadre du mécanisme de financement, des fonds supplémentaires en faveur de la conservation et de l'utilisation durable de diversité biologique marine dans les zones ne relevant pas de la juridiction nationale, afin de financer la réhabilitation et la restauration écologique de la diversité biologique marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale.

6. Le fonds spécial et la Caisse du Fonds pour l'environnement mondial sont utilisés pour :

a) Financer des projets de renforcement des capacités tels que prévus dans le présent Accord, notamment des projets efficaces dans le domaine de la conservation et de l'utilisation durable de la diversité biologique marine ainsi que des activités et programmes efficaces, notamment des formations liées au transfert de technologies marines ;

b) Aider les États Parties en développement à mettre en oeuvre le présent Accord ;

c) Soutenir les programmes de conservation et d'utilisation durable mis en oeuvre par les peuples autochtones et les communautés locales en leur qualité de détenteurs de connaissances traditionnelles ;

d) Soutenir les consultations publiques aux niveaux national, sous-régional et régional ;

e) Financer la réalisation de toute autre activité décidée par la Conférence des Parties.

7. Au sein du mécanisme de financement, tout devrait être fait pour éviter les doubles emplois et favoriser la complémentarité et la cohérence dans l'utilisation des fonds.

8. Les ressources financières mobilisées à l'appui de la mise en oeuvre du présent Accord peuvent inclure le financement assuré par des sources publiques et privées, tant nationales qu'internationales, y compris mais sans s'y limiter par des contributions versées par des États, des institutions financières internationales, des mécanismes de financement existant au titre d'instruments mondiaux et régionaux, des organismes donateurs, des organisations intergouvernementales, des organisations non gouvernementales ainsi que des personnes physiques ou morales, et par des partenariats public-privé.

9. Aux fins du présent Accord, le mécanisme fonctionne sous l'autorité, selon qu'il convient, et sous la direction de la Conférence des Parties, envers laquelle il est comptable. La Conférence des Parties donne des orientations sur les stratégies, politiques et priorités de programme globales, ainsi que sur les conditions d'octroi et d'utilisation des ressources financières.

10. La Conférence des Parties et le Fonds pour l'environnement mondial conviennent des dispositions à prendre pour donner effet aux paragraphes ci-dessus à la première réunion de la Conférence des Parties.

11. Compte tenu de l'urgence qu'il y a à oeuvrer pour la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale, la Conférence des Parties fixe un objectif initial de mobilisation des ressources pour le fonds spécial jusqu'en 2030, toutes sources confondues, en tenant compte, entre autres, des modalités institutionnelles du fonds et des informations fournies par le comité de renforcement des capacités et de transfert de technologies marines.

12. L'accès au financement au titre du présent Accord est ouvert aux États Parties en développement en fonction des besoins. Le financement au titre du fonds spécial est réparti selon des critères de partage équitable, compte tenu des besoins d'assistance des Parties ayant des besoins spécifiques, en particulier les pays les moins avancés, les pays en développement sans littoral, les États géographiquement désavantagés, les petits États insulaires en développement et les États côtiers d'Afrique, les États archipels et les pays en développement à revenu intermédiaire, compte tenu également de la situation particulière des petits États insulaires en développement et des pays les moins avancés. Le fonds spécial vise à garantir le bon accès au financement grâce à des procédures simplifiées de demande et d'approbation et en offrant un plus grand appui aux États parties en développement.

13. Compte tenu des contraintes de capacité, les Parties encouragent les organisations internationales à accorder un traitement préférentiel aux États Parties en développement, en particulier les pays les moins avancés, les pays en développement sans littoral et les petits États insulaires en développement, et à tenir compte de leurs besoins spécifiques et de leurs demandes particulières, ainsi que de la situation particulière des petits États insulaires en développement et des pays les moins avancés, lorsqu'elles allouent les fonds et les moyens d'assistance technique nécessaires et utilisent leurs services spécialisés aux fins de la conservation et de l'utilisation durable de la diversité biologique marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale.

14. La Conférence des Parties crée un comité des finances chargé des ressources financières. Il est composé de membres possédant les qualifications et les compétences appropriées, en tenant compte de l'équilibre des genres et d'une répartition géographique équitable. Son mandat et les modalités de son fonctionnement sont définis par la Conférence des Parties. Périodiquement, le comité présente des rapports et formule des recommandations sur les sources de fonds et leur mobilisation dans le cadre du mécanisme. Il recueille également des informations et présente un rapport sur le financement au titre d'autres mécanismes et instruments contribuant directement ou indirectement à la réalisation des objectifs du présent Accord. Outre les éléments indiqués dans le présent article, le comité examine, entre autres, ce qui suit :

a) L'évaluation des besoins des Parties, en particulier des États Parties en développement ;

b) La disponibilité des fonds et leur décaissement en temps opportun ;

c) La transparence des procédures de prise de décision et de gestion concernant la levée et l'attribution des fonds ;

d) La manière dont les États Parties en développement bénéficiaires rendent compte de l'utilisation convenue des fonds.

15. La Conférence des Parties examine les rapports et recommandations du comité des finances et prend les mesures appropriées.

16. La Conférence des Parties procède en outre à un examen périodique du mécanisme de financement afin d'évaluer le caractère adéquat, efficace et accessible des ressources financières, y compris aux fins du renforcement des capacités et du transfert de technologies marines, en particulier au bénéfice des États Parties en développement.

PARTIE VIII
MISE EN OEUVRE ET RESPECT DES DISPOSITIONS

Article 53
Mise en oeuvre

Les Parties prennent les mesures législatives, administratives ou de politique générale, selon qu'il convient, qui sont nécessaires pour assurer la mise en oeuvre du présent Accord.

Article 54
Suivi de la mise en oeuvre

Chaque Partie veille au respect des obligations qui sont les siennes en vertu du présent Accord et rend compte à la Conférence des Parties, sous une forme et à des intervalles que celle-ci détermine, des mesures qu'elle a prises pour mettre en oeuvre le présent Accord.

Article 55
Comité de mise en oeuvre et de contrôle du respect des dispositions

1. Il est créé un comité chargé de faciliter et d'examiner la mise en oeuvre du présent Accord et de favoriser le respect de ses dispositions. Le Comité de mise en oeuvre et de contrôle du respect des dispositions est axé sur la facilitation et fonctionne d'une manière transparente, non accusatoire et non punitive.

2. Le Comité de mise en oeuvre et de contrôle du respect des dispositions est composé de membres possédant les qualifications et l'expérience appropriées désignés par les Parties et élus par la Conférence des Parties, en tenant dûment compte de l'équilibre des genres et d'une répartition géographique équitable.

3. Le Comité de mise en oeuvre et de contrôle du respect des dispositions exerce ses activités selon les modalités et le règlement intérieur adoptés par la Conférence des Parties à sa première réunion. Il examine les questions ayant trait à la mise en oeuvre et au respect des dispositions aux niveaux individuel et systémique, entre autres, et rend compte périodiquement à la Conférence des Parties, à laquelle il fait des recommandations, selon qu'il convient, en tenant compte de chaque situation nationale.

4. Au cours de ses travaux, le Comité de mise en oeuvre et de contrôle du respect des dispositions peut mettre à profit les informations appropriées émanant des organes créés en application du présent Accord, ainsi que des instruments et cadres juridiques pertinents et des organes mondiaux, régionaux, sous-régionaux et sectoriels pertinents, autant que de besoin.

PARTIE IX
RÈGLEMENT DES DIFFÉRENDS

Article 56
Prévention des différends

Les Parties coopèrent afin de prévenir les différends.

Article 57
Obligation de régler les différends par des moyens pacifiques

Les Parties ont l'obligation de régler leurs différends relatifs à l'interprétation ou à l'application du présent Accord par voie de négociation, d'enquête, de médiation, de conciliation, d'arbitrage, de règlement judiciaire, de recours aux organismes ou accords régionaux, ou par d'autres moyens pacifiques de leur choix.

Article 58
Règlement des différends par tout moyen pacifique choisi par les Parties

Aucune disposition de la présente partie n'affecte le droit des Parties au présent Accord de convenir à tout moment de régler un différend survenu entre elles et relatif à l'interprétation ou à l'application du présent Accord par tout moyen pacifique de leur choix.

Article 59
Différends touchant une question technique

En cas de différend touchant une question technique, les Parties concernées peuvent saisir un groupe d'experts ad hoc créé par elles. Le groupe d'experts s'entretient avec les Parties concernées et s'efforce de régler rapidement le différend sans recourir aux procédures obligatoires de règlement des différends visées à l'article 60 du présent Accord.

Article 60
Procédures de règlement des différends

1. Les différends relatifs à l'interprétation ou à l'application du présent Accord sont réglés conformément aux dispositions relatives au règlement des différends prévues à la partie XV de la Convention.

2. Les dispositions de la partie XV et des annexes V, VI, VII et VIII de la Convention sont réputées reproduites aux fins du règlement des différends impliquant toute Partie au présent Accord qui n'est pas partie à la Convention.

3. Toute procédure acceptée par une Partie au présent Accord qui est également partie à la Convention en application de l'article 287 de celle-ci s'applique au règlement des différends au titre de la présente partie, à moins que cette Partie, lorsqu'elle a signé, ratifié, approuvé ou accepté le présent Accord ou y a adhéré, ou à n'importe quel moment par la suite, n'ait accepté, pour le règlement des différends au titre de la présente partie, une autre procédure prévue à l'article 287 de la Convention.

4. Toute déclaration faite par une Partie au présent Accord qui est également partie à la Convention en application de l'article 298 de celle-ci s'applique au règlement des différends au titre de la présente partie, à moins que cette Partie, lorsqu'elle a signé, ratifié, approuvé ou accepté le présent Accord ou y a adhéré, ou à n'importe quel moment par la suite, n'ait fait, pour le règlement des différends au titre de la présente partie, une autre déclaration prévue à l'article 298 de la Convention.

5. En application du paragraphe 2 ci-dessus, toute Partie au présent Accord qui n'est pas partie à la Convention, lorsqu'elle signe, ratifie, approuve ou accepte le présent Accord ou y adhère, ou à n'importe quel moment par la suite, est libre de choisir, par voie de déclaration écrite soumise au dépositaire, un ou plusieurs des moyens suivants pour le règlement des différends relatifs à l'interprétation ou à l'application du présent Accord :

a) Le Tribunal international du droit de la mer ;

b) La Cour internationale de Justice ;

c) Un tribunal arbitral constitué conformément à l'annexe VII de la Convention ;

d) Un tribunal arbitral spécial constitué conformément à l'annexe VIII de la Convention, pour une ou plusieurs des catégories de différends spécifiées dans ladite annexe.

6. Toute Partie au présent Accord qui n'est pas partie à la Convention et qui n'a pas fait de déclaration est réputée avoir accepté le moyen visé à l'alinéa c) du paragraphe 5 ci-dessus. Si les parties en litige ont accepté la même procédure pour le règlement du différend, celui-ci ne peut être soumis qu'à cette procédure, à moins que les Parties n'en conviennent autrement. Si les parties en litige n'ont pas accepté la même procédure pour le règlement du différend, celui-ci ne peut être soumis qu'à la procédure d'arbitrage prévue à l'annexe VII de la Convention, à moins que les Parties n'en conviennent autrement. Les paragraphes 6 à 8 de l'article 287 de la Convention s'appliquent aux déclarations faites au titre du paragraphe 5 ci-dessus.

7. Toute Partie au présent Accord qui n'est pas partie à la Convention peut, lorsqu'elle signe, ratifie, approuve ou accepte le présent Accord ou y adhère, ou à n'importe quel moment par la suite, sans préjudice des obligations découlant de la présente partie, déclarer par écrit qu'elle n'accepte pas une ou plusieurs des procédures prévues à la section 2 de la partie XV de la Convention en ce qui concerne une ou plusieurs des catégories de différends spécifiées à l'article 298 de la Convention pour le règlement des différends au titre de la présente partie. L'article 298 de la Convention s'applique à cette déclaration.

8. Les dispositions du présent article sont sans préjudice des procédures de règlement des différends dont les Parties sont convenues en tant que participants à un instrument ou cadre juridique pertinent, ou en tant que membres d'un organe mondial, régional, sous-régional ou sectoriel pertinent, en ce qui concerne l'interprétation ou l'application de ces instruments et cadres.

9. Aucune disposition du présent Accord n'est interprétée comme conférant à une cour ou à un tribunal la compétence pour connaître d'un différend concernant ou impliquant nécessairement l'examen simultané du régime juridique d'une zone comme relevant de la juridiction nationale ou de tout différend relatif à la souveraineté ou à d'autres droits sur un territoire continental ou insulaire ou à une revendication y relative d'une Partie au présent Accord, sous réserve que rien dans le présent paragraphe ne soit interprété comme limitant la compétence d'une cour ou d'un tribunal prévue à la section 2 de la partie XV de la Convention.

10. Il est entendu qu'aucune disposition du présent Accord ne peut être invoquée pour faire valoir ou rejeter des revendications de souveraineté, de droits souverains ou de juridiction sur des zones terrestres ou maritimes, y compris en ce qui concerne tout différend en la matière.

Article 61
Arrangements provisoires

En attendant le règlement d'un différend conformément à la présente partie, les parties en litige font tout leur possible pour conclure des arrangements provisoires de caractère pratique.

PARTIE X
NON-PARTIES AU PRÉSENT ACCORD

Article 62
Non-parties au présent Accord

Les Parties encouragent les non-parties au présent Accord à y devenir parties et à adopter des lois et règlements conformes à ses dispositions.

PARTIE XI
BONNE FOI ET ABUS DE DROIT

Article 63
Bonne foi et abus de droit

Les Parties s'acquittent de bonne foi des obligations qui leur incombent au titre du présent Accord et exercent les droits qui y sont reconnus d'une manière qui ne constitue pas un abus de droit.

PARTIE XII
DISPOSITIONS FINALES

Article 64
Droit de vote

1. Chaque Partie au présent Accord dispose d'une voix, sous réserve des dispositions du paragraphe 2 ci-dessous.

2. Les organisations régionales d'intégration économique qui sont parties au présent Accord disposent, pour exercer leur droit de vote dans les domaines qui relèvent de leur compétence, d'un nombre de voix égal au nombre de leurs États membres qui sont parties au présent Accord. Elles n'exercent pas leur droit de vote si l'un quelconque de leurs États membres exerce le sien, et inversement.

Article 65
Signature

Le présent Accord est ouvert à la signature de tous les États et des organisations régionales d'intégration économique à compter du 20 septembre 2023 et reste ouvert à la signature au Siège de l'Organisation des Nations Unies, à New York, jusqu'au 20 septembre 2025.

Article 66
Ratification, approbation, acceptation et adhésion

Le présent Accord est soumis à la ratification, à l'approbation ou à l'acceptation des États et des organisations régionales d'intégration économique. Il est ouvert à l'adhésion des États et des organisations régionales d'intégration économique dès le lendemain du jour où il cesse d'être ouvert à la signature. Les instruments de ratification, d'approbation, d'acceptation et d'adhésion sont déposés auprès du ou de la Secrétaire général(e) de l'Organisation des Nations Unies.

Article 67
Répartition des compétences des organisations régionales d'intégration économique et de leurs États membres en ce qui concerne les questions régies par le présent Accord

1. Toute organisation régionale d'intégration économique qui devient partie au présent Accord sans qu'aucun de ses États membres n'y soit partie est liée par toutes les obligations découlant du présent Accord. Lorsqu'un ou plusieurs États membres d'une de ces organisations sont parties au présent Accord, l'organisation et ses États membres conviennent de leurs responsabilités respectives en ce qui concerne l'exécution des obligations découlant du présent Accord. En pareil cas, l'organisation et ses États membres ne peuvent exercer concurremment les droits qu'ils tiennent du présent Accord.

2. Dans leurs instruments de ratification, d'approbation, d'acceptation ou d'adhésion, les organisations régionales d'intégration économique déclarent l'étendue de leur compétence dans les domaines régis par le présent Accord. Elles informent également le dépositaire, qui en informe à son tour les Parties, de toute modification pertinente de l'étendue de leur compétence.

Article 68
Entrée en vigueur

1. Le présent Accord entre en vigueur 120 jours après la date de dépôt du soixantième instrument de ratification, d'approbation, d'acceptation ou d'adhésion.

2. Pour chaque État ou organisation régionale d'intégration économique qui ratifie, approuve ou accepte le présent Accord ou y adhère après le dépôt du soixantième instrument de ratification, d'approbation, d'acceptation ou d'adhésion, le présent Accord entre en vigueur le trentième jour suivant le dépôt de son instrument de ratification, d'approbation, d'acceptation ou d'adhésion, sous réserve du paragraphe 1 ci-dessus.

3. Aux fins des paragraphes 1 et 2 ci-dessus, l'instrument déposé par une organisation régionale d'intégration économique n'est pas considéré comme venant s'ajouter aux instruments déjà déposés par les États membres de ladite organisation.

Article 69
Application à titre provisoire

1. Le présent Accord peut être appliqué à titre provisoire par tout État ou toute organisation régionale d'intégration économique qui consent à son application provisoire en adressant une notification écrite au dépositaire au moment de la signature ou du dépôt de l'instrument de ratification, d'approbation, d'acceptation ou d'adhésion. Cette application provisoire prend effet à compter de la date de réception de la notification par le dépositaire.

2. L'application provisoire par un État ou une organisation régionale d'intégration économique prend fin à la date de l'entrée en vigueur du présent Accord à l'égard de cet État ou de cette organisation régionale d'intégration économique ou lorsque ledit État ou ladite organisation notifie par écrit au dépositaire son intention de mettre fin à l'application provisoire.

Article 70
Réserves et exceptions

Le présent Accord n'admet ni réserves ni exceptions autres que celles qu'il autorise expressément dans d'autres articles.

Article 71
Déclarations

L'article 70 n'interdit pas à un État ou à une organisation régionale d'intégration économique, au moment de la signature, de la ratification, de l'approbation ou de l'acceptation du présent Accord ou de l'adhésion à celui-ci, de faire des déclarations, quels qu'en soient le libellé ou la dénomination, notamment en vue d'harmoniser ses lois et règlements avec le présent Accord, à condition que ces déclarations ne visent pas à exclure ou à modifier l'effet juridique des dispositions du présent Accord dans leur application à cet État ou à cette organisation régionale d'intégration économique.

Article 72
Amendement

1. Toute Partie peut proposer, par voie de communication écrite adressée au secrétariat, des amendements au présent Accord. Le secrétariat transmet cette communication à toutes les Parties. Si, dans les six mois qui suivent la date de la transmission de la communication, la moitié au moins des Parties répondent favorablement à la demande, l'amendement proposé est examiné à la réunion suivante de la Conférence des Parties.

2. Les amendements au présent Accord adoptés conformément à l'article 47 sont soumis par le dépositaire à toutes les Parties aux fins de ratification, d'approbation ou d'acceptation.

3. Les amendements au présent Accord entrent en vigueur à l'égard des Parties qui les ratifient, les approuvent ou les acceptent le trentième jour qui suit la date du dépôt des instruments de ratification, d'approbation ou d'acceptation des deux tiers des Parties au présent Accord au moment de l'adoption de l'amendement. Par la suite, lorsqu'une Partie dépose son instrument de ratification, d'approbation ou d'acceptation d'un amendement après la date de dépôt du nombre requis de tels instruments, cet amendement entre en vigueur à son égard le trentième jour qui suit la date de dépôt de son instrument de ratification, d'approbation ou d'acceptation.

4. Un amendement peut prévoir, au moment de son adoption, que son entrée en vigueur requiert un nombre de ratifications, d'approbations ou d'acceptations moins élevé ou plus élevé que celui exigé par le présent article.

5. Aux fins des paragraphes 3 et 4 ci-dessus, l'instrument déposé par une organisation régionale d'intégration économique n'est pas considéré comme venant s'ajouter aux instruments déposés par les États membres de cette organisation.

6. Tout État ou toute organisation régionale d'intégration économique qui devient partie au présent Accord après l'entrée en vigueur d'un amendement conformément au paragraphe 3 ci-dessus est, faute d'avoir exprimé une intention différente, considéré comme étant :

a) Partie au présent Accord tel qu'il a été amendé ;

b) Partie à l'Accord non amendé à l'égard de toute Partie qui n'est pas liée par cet amendement.

Article 73
Dénonciation

1. Une Partie peut dénoncer le présent Accord, par voie de notification écrite adressée au ou à la Secrétaire général(e) de l'Organisation des Nations Unies, et indiquer les motifs de la dénonciation. Le fait de ne pas indiquer de motifs n'affecte pas la validité de la dénonciation. Celle-ci prend effet un an après la date de réception de la notification, à moins que celle-ci ne prévoie une date ultérieure.

2. La dénonciation n'affecte en rien le devoir de toute Partie de remplir toute obligation énoncée dans le présent Accord à laquelle elle serait soumise en vertu du droit international indépendamment du présent Accord.

Article 74
Annexes

1. Les annexes font partie intégrante du présent Accord et, sauf disposition contraire expresse, une référence au présent Accord ou à une de ses parties renvoie également aux annexes qui s'y rapportent.

2. Les dispositions de l'article 72, relatif aux amendements apportés au présent Accord, s'appliquent également à la proposition, à l'adoption et à l'entrée en vigueur d'une nouvelle annexe à l'Accord.

3. Toute Partie peut proposer un amendement à toute annexe du présent Accord pour examen à la réunion suivante de la Conférence des Parties. Les annexes peuvent être amendées par la Conférence des Parties. Nonobstant les dispositions de l'article 72, les dispositions ci-après s'appliquent en ce qui concerne les amendements aux annexes du présent Accord :

a) Le texte de la proposition d'amendement est communiqué au secrétariat 150 jours au moins avant la réunion. Ce dernier, dès réception du texte de la proposition d'amendement, le communique aux Parties. Le secrétariat consulte les organes subsidiaires concernés selon que de besoin et communique toute réponse à toutes les Parties au plus tard 30 jours avant la réunion ;

b) Les amendements adoptés à une réunion de la Conférence entrent en vigueur 180 jours après la clôture de ladite réunion pour toutes les Parties, à l'exception de celles qui formulent une objection conformément aux dispositions du paragraphe 4 ci-dessous.

4. Durant le délai de 180 jours prévu à l'alinéa b) du paragraphe 3 ci-dessus, toute Partie peut, par notification écrite au dépositaire, faire une objection au sujet de l'amendement. Elle peut la retirer à tout moment par notification écrite au dépositaire ; l'amendement à l'annexe entre alors en vigueur pour la Partie le trentième jour suivant la date à laquelle elle aura retiré son objection.

Article 75
Dépositaire

Le ou la Secrétaire général(e) de l'Organisation des Nations Unies est le dépositaire du présent Accord et des amendements ou révisions qui s'y rapportent.

Article 76
Textes faisant foi

Les textes anglais, arabe, chinois, espagnol, français et russe du présent Accord font également foi.

ANNEXE I
CRITÈRES INDICATIFS POUR LA DÉTERMINATION DES AIRES À PROTÉGER

a) Caractère unique ;

b) Rareté ;

c) Importance particulière pour les stades du cycle de vie des espèces ;

d) Importance particulière des espèces présentes dans l'aire ;

e) Importance pour les espèces ou les habitats menacés, en danger ou en déclin ;

f) Vulnérabilité, y compris face aux changements climatiques et à l'acidification de l'océan ;

g) Fragilité ;

h) Sensibilité ;

i) Diversité biologique et productivité ;

j) Représentativité ;

k) Dépendance ;

l) Caractère naturel ;

m) Connectivité écologique ;

n) Processus écologiques importants à l'oeuvre dans l'aire ;

o) Facteurs économiques et sociaux ;

p) Facteurs culturels ;

q) Impacts cumulés et transfrontières ;

r) Faible capacité de récupération et de résilience ;

s) Pertinence et viabilité ;

t) Réplication ;

u) Durabilité de la reproduction ;

v) Existence de mesures de conservation et de gestion.

ANNEXE II
FORMES DU RENFORCEMENT DES CAPACITÉS ET DU TRANSFERT DE TECHNOLOGIES MARINES

Au titre du présent Accord, les initiatives de renforcement des capacités et de transfert de technologies marines peuvent inclure, sans s'y limiter :

a) Le partage de données, d'informations, de connaissances et de recherches pertinentes, dans des formats faciles d'utilisation, notamment :

i) Le partage des connaissances scientifiques et technologiques marines ;

ii) L'échange d'informations sur la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale ;

iii) L'échange des résultats de travaux de recherche et développement ;

b) La diffusion d'informations et la sensibilisation, notamment en ce qui concerne :

i) La recherche scientifique marine, les sciences de la mer ainsi que les opérations et services marins connexes ;

ii) Les informations environnementales et biologiques recueillies dans le cadre des recherches menées dans les zones ne relevant pas de la juridiction nationale ;

iii) Les connaissances traditionnelles pertinentes, avec le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, de leurs détenteurs ;

iv) Les facteurs de stress sur l'océan qui influent sur la diversité biologique marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale, y compris les effets néfastes des changements climatiques comme le réchauffement et la désoxygénation de l'océan, ainsi que son acidification ;

v) Les mesures telles que les outils de gestion par zone, y compris les aires marines protégées ;

vi) Les évaluations d'impact sur l'environnement ;

c) Le développement et le renforcement des infrastructures pertinentes, y compris le matériel, tels que :

i) Le développement et la mise en place des infrastructures nécessaires ;

ii) La fourniture de technologies, y compris de matériel d'échantillonnage et de méthodologie (pour l'eau, par exemple, échantillons géologiques, biologiques et chimiques) ;

iii) L'acquisition du matériel nécessaire pour appuyer et développer les capacités de recherche et développement, y compris en gestion des données, dans le contexte des activités relatives aux ressources génétiques marines de zones ne relevant pas de la juridiction nationale et aux informations de séquençage numérique sur ces ressources génétiques marines, des mesures telles que les outils de gestion par zone, y compris les aires marines protégées, et la réalisation des évaluations d'impact sur l'environnement ;

d) Le développement et le renforcement des capacités institutionnelles et des cadres ou mécanismes réglementaires nationaux, notamment :

i) Les cadres et mécanismes politiques, juridiques et de gouvernance ;

ii) L'aide à l'élaboration, à la mise en oeuvre et à l'exécution de mesures législatives, administratives ou de politique nationales, y compris les exigences réglementaires, scientifiques et techniques associées aux niveaux national, sous- régional ou régional ;

iii) L'appui technique à la mise en oeuvre des dispositions du présent Accord, y compris en matière de surveillance et de rapport ;

iv) Les capacités de traduire les informations et les données en politiques efficaces et efficientes, y compris en facilitant l'accès aux connaissances nécessaires pour éclairer les décideurs des États Parties en développement ainsi que l'acquisition de ces connaissances ;

v) La mise en place ou le renforcement des capacités institutionnelles des organisations et institutions nationales et régionales compétentes ;

vi) La création de centres scientifiques nationaux et régionaux, y compris sous forme de référentiels de données ;

vii) La mise en place de centres d'excellence régionaux ;

viii) La mise en place de centres régionaux de développement des compétences ;

ix) Le renforcement des liens de coopération entre les institutions régionales, par exemple, la collaboration Nord-Sud et Sud-Sud, ainsi que la collaboration entre organisations de mers régionales et entre organisations régionales de gestion des pêches ;

e) Le développement et le renforcement des capacités en matière de ressources humaines et de moyens de gestion financière et de l'expertise technique, par des échanges, la collaboration en matière de recherche, l'appui technique, l'éducation et la formation, et par le transfert de technologies marines, tels que :

i) La collaboration et la coopération dans le domaine des sciences de la mer, y compris par la collecte de données, les échanges techniques, les projets et programmes de recherche scientifique et l'élaboration de projets de recherche scientifique conjoints en coopération avec les institutions d'États en développement ;

ii) L'éducation et la formation dans les domaines suivants :

a. Les sciences naturelles et les sciences sociales, tant fondamentales qu'appliquées, en vue de renforcer les capacités scientifiques et de recherche ;

b. Les technologies, et l'application des sciences de la mer et des technologies marines, en vue de renforcer les capacités scientifiques et de recherche ;

c. Les politiques et la gouvernance ;

d. La pertinence et l'application des connaissances traditionnelles ;

iii) L'échange d'experts, y compris de spécialistes des connaissances traditionnelles ;

iv) La mise à disposition de fonds pour le développement des ressources humaines et de l'expertise technique, y compris par :

a. L'octroi de bourses d'études ou d'autres subventions aux représentants des petits États Parties insulaires en développement dans le cadre d'ateliers, de programmes de formation ou d'autres programmes pertinents en vue de développer leurs capacités propres ;

b. L'apport de compétences et de ressources financières et techniques, en particulier pour les petits États insulaires en développement, pour les évaluations d'impact sur l'environnement ;

v) La création d'un mécanisme de mise en réseau des ressources humaines formées ;

f) L'élaboration et le partage de manuels, de lignes directrices et de normes, y compris :

i) De critères et de documents de référence ;

ii) De normes et règles en matière de technologie ;

iii) Un répertoire de manuels dans lequel trouver des informations pertinentes pour partager les connaissances et les capacités sur la réalisation d'évaluations d'impact sur l'environnement, les enseignements tirés de l'expérience et les meilleures pratiques ;

g) La mise en place de programmes techniques et scientifiques ainsi que de programmes de recherche et développement, y compris d'activités de recherche biotechnologique.

II. DOCUMENTS PROJETÉS PAR LES INTERVENANTS LORS DE L'AUDITION PUBLIQUE DU 29 FÉVRIER 2024

Les présentations des participants à l'audition publique du 29 février 2024 sont disponibles à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/rap/r23-511/r23-511-annexe.pdf


* 1 Soit 370 kilomètres.

* 2 Qui vivent très longtemps.

* 3 Les nodules polymétalliques, les minéralisations hydrothermales à sulfures polymétalliques et les encroûtements cobaltifères.

* 4 28 permis d'exploration ont été accordés dans les océans Pacifique, Indien et Atlantique, pour une superficie de fonds marins supérieure à 1,3 million de km2.

* 5 En 2021, le Nauru a activé la « règle des deux ans » afin que l'AIFM autorise l'exploitation minière en eaux profondes avant juillet 2023. Cette demande a été faite en vertu du paragraphe 15 de la section 1 de l'annexe de l'Accord relatif à l'application de la partie XI de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, qui stipule que si un pays membre notifie à l'AIFM qu'il souhaite commencer l'exploitation minière en eaux profondes, l'organisation dispose de deux ans pour adopter une réglementation complète. Si celle-ci n'est pas établie, l'AIFM devra examiner une demande d'exploitation minière. Lors de l'Assemblée générale de l'AIFM qui s'est tenue du 10 au 29 juillet 2023, et alors que le délai pour élaborer le code minier était expiré, les États sont parvenus à se mettre d'accord sur le fait de ne pas délivrer de permis d'exploitation tant que le code minier n'a pas été finalisé. Il a été ordonné, à cet effet, d'établir une feuille de route afin qu'il soit adopté d'ici à 2025.

* 6 L'Allemagne, les États-Unis, le Japon, Israël, la Grande-Bretagne, la Norvège, la France, le Danemark, le Canada et les Pays-Bas.

* 7 Ces régimes sont définis dans la convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982.

* 8 Oslo and Paris Convention for the Protection of the Marine Environment of the North-East-Atlantic.

* 9 Convention on the Conservation of Antarctic Marine Living Resources.

* 10 Programme des Nations Unies pour l'environnement.

* 11 Actuellement, seulement 1 % des espaces internationaux serait réellement protégé par le biais des aires marines protégées.

* 12 L'obligation de réaliser des études d'impact environnemental a été affirmée par la cour internationale de justice, qui dans l'affaire des usines de pâte à papier de 2010 (Argentine/Uruguay) a consacré son caractère coutumier pour toutes les activités susceptibles de causer un dommage significatif à l'environnement. L'obligation est aussi consacrée dans la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (article 206) ou encore la Convention sur la diversité biologique (article 15).

* 13 Il s'agit des États côtiers adjacents ou tout autre État adjacent à l'activité.

* 14 Cf. article 206 de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer qui dispose : « Lorsque des États ont de sérieuses raisons de penser que des activités envisagées relevant de leur juridiction ou de leur contrôle risquent d'entraîner une pollution importante ou des modifications considérables et nuisibles du milieu marin, ils évaluent, dans la mesure du possible, les effets potentiels de ces activités sur ce milieu et rendent compte des résultats de ces évaluations de la manière prévue à l'article 205. »

* 15 Cf. article 11 du BBNJ.

* 16 L'article 12 énumère les informations à notifier :

- avant la collecte : la nature de la collecte et les objectifs aux fins desquelles elle est effectuée, l'objet des travaux de recherche, les zones géographiques où la collecte sera effectuée, un résumé de la méthode et des moyens utilisés pour la collecte, les dates prévues de la première arrivée et du dernier départ des navires de recherche, le nom des institutions patronnant le projet de recherche, un plan de gestion des données ;

- pendant ou après la collecte : le référentiel de données ou la base de données où les informations de séquençage numérique sur les ressources génétiques marines seront déposées, le lieu où toutes les ressources génétiques marines collectées in situ seront conservées, un rapport précisant la zone géographique dans laquelle les ressources génétiques marines ont été collectées, etc.

L'article 12 prévoit également les informations à fournir lorsque les ressources génétiques marines et les informations de séquençage numérique font l'objet d'une utilisation, y compris d'une commercialisation.

* 17 Cf Article 23 du BBNJ.

* 18 Tels que l'OMI, la FAO, les organisations régionales de gestion des pêches, etc.

* 19 Les dispositifs de concentration de poissons sont des objets flottants dérivant autour desquels les poissons se rassemblent. La pêche sur DCP consiste à déployer la senne autour des DCP.

* 20 Zone de fracture géologique sous-marine de l'océan Pacifique.

* 21 Selon les informations obtenues, 50 millions d'euros ont été débloqués à la date de l'audition.

* 22 11 millions de km2 de zone économique exclusive, dont 97 % autour de ses outre-mer.

* 23 Le rahui consiste à bannir temporairement l'accès à un espace, ou interdire le prélèvement d'une ressource naturelle, afin de favoriser leur régénération pour le bénéfice de toute une communauté. Il joue un rôle clé dans la gestion durable des ressources naturelles.

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