2. La nécessité de nouvelles évolutions

La reconnaissance du service universel semble aujourd'hui acquise. Elle doit cependant s'accompagner, pour les opérateurs qui en sont chargés, de moyens suffisants pour y faire face. Dans ce domaine, des progrès doivent encore être accomplis. La Délégation pour l'Union européenne du Sénat a déjà récemment constaté que le financement du service universel était le problème le plus important dans la perspective de la libéralisation des télécommunications ( ( * )8).

Il en va de même en matière postale et c'est tout l'enjeu de la libéralisation éventuelle de services comme le publipostage ou le courrier transfrontalier entrant. L'ouverture de ces services risque de priver les opérateurs chargés du service universel des moyens nécessaires pour assurer les missions qui leur sont confiées.

Par ailleurs, l'interprétation des règles de concurrence du Traité demeure, dans bien des cas, trop rigide, ignorant un certain nombre de réalités. C'est ce que montre l'affaire qui a opposé devant la Commission européenne les entreprises d'assurance et La Poste, même si en l'occurrence la Commission a donné raison à La Poste.

LA DIFFICULTÉ D'APPRÉHENDER LES CONTOURS DU SERVICE PUBLIC

En 1990, certaines entreprises d'assurance ont attiré l'attention de la Commission sur les conditions dans lesquelles La Poste offrait ses services financiers. Les plaignants estimaient en effet que les avantages accordés à La Poste par l'État portaient atteinte à la concurrence et constituaient des aides d'État interdites par le Traité de Rome.

La Commission européenne a alors calculé les charges assumées par La Poste du fait des contraintes de desserte de l'ensemble du territoire national et de participation à l'aménagement dû territoire afin de déterminer si les avantages accordés par l'État à La Poste étaient justifiés par ces missions. Cependant, pour calculer le coût de ces missions, la Commission a considéré qu'il ne fallait prendre en compte que les activités non concurrentielles de La Poste, en estimant que l'avantage accordé par l'État ne devait pas profiter aux activités concurrentielles.

La Commission européenne a évalué, sur la base d'estimations de La Poste et d'un consultant, le coût de la desserte de l'ensemble du territoire à 2,782 milliards de francs, l'avantage fiscal accordé par l'État étant pour sa part estimé à 1,196 milliard. Mais la Commission a ôté du montant de 2,782 milliards un pourcentage de 34,7 % correspondant à l'ensemble des activités en concurrence de La Poste. Ainsi, le coût de la desserte de l'ensemble du territoire s'est trouvé ramené à 1,82 milliard. Ce montant restant supérieur à l'avantage fiscal accordé par l'État, ce dernier n'a pas été considéré comme une aide d'État incompatible avec le Traité.

Cependant, le raisonnement suivi apparaît assez rigide. En effet, les activités financières de La Poste sont exercées en concurrence, mais dans bien des zones, La Poste est la seule à offrir ces services ; elle est également la seule à accueillir les catégories de la population les plus défavorisées. Une part des activités financières de La Poste relève donc à l'évidence du service public.

Des progrès doivent donc encore être accomplis dans la prise en compte des missions d'intérêt général. La Conférence intergouvernementale qui s'ouvrira dans quelques mois offre l'opportunité d'aborder ce problème de manière approfondie. Lors d'une récente intervention, le Premier ministre s'est prononcé pour l'inscription des services publics dans le préambule de la Constitution de 1958. Il a de même souhaité que les services publics soient pris en compte dans le traité communautaire lors de sa prochaine révision. Ne laissons donc pas passer l'occasion de la Conférence intergouvernementale, lui risque de ne pas se représenter avant longtemps.

Il ne s'agit naturellement pas d'imposer le modèle français aux autres pays de l'Union européenne, mais de permettre, conformément au principe de subsidiarité, le maintien, dans des conditions économiquement satisfaisantes, de missions auxquelles la France est très attachée.

* (8) Rapport de M. René Trégouët. Préparer la libéralisation des télécommunications en Europe : 23 novembre 1995, n° 90

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