C. LA PARALYSIE DES COMMUNES

Les communes de la Polynésie française sont au nombre de quarante-huit. Quarante-quatre d'entre elles ont été créées par la loi du 24 décembre 1971, les quatre autres sont antérieures (à Tahiti : Papeete en 1890, Pirae et Faa'a en 1965 ; à Raiatea : Uturoa, en 1945).

Elles se répartissent entre les archipels de la façon suivante : 13 aux Iles du Vent, 8 aux Iles Sous-le-Vent, 5 aux Iles Australes, 17 aux Iles Tuamotu et Gambier, 6 aux Iles Marquises.

Les communes polynésiennes sont toujours régies par le code des communes dans sa rédaction antérieure à 1982 car la décentralisation ne leur a pas été étendue contrairement aux communes de Nouvelle-Calédonie. Un avant-projet de loi visant à leur appliquer les lois de décentralisation avait été élaboré mais une large concertation engagée en 1992 avec les élus dans chaque subdivision administrative a révélé que la plupart des communes préféraient conserver un régime de contrôle a priori de l'Etat.

Un projet de loi portant diverses dispositions relatives aux territoires d'outre-mer, déposé au mois de novembre 1994 sur le bureau de l'Assemblée nationale, est cependant actuellement en cours de discussion au Parlement et tend à moderniser le régime communal applicable en Polynésie française (amélioration du fonctionnement des organes municipaux, renforcement de la démocratie locale, taxe de séjour...).

Les nombreuses rencontres avec les autorités municipales organisées dans les îles de différents archipels ainsi que la réunion de travail avec des représentants du Syndicat pour la promotion des communes de Polynésie française ont permis de mesurer à quel point les communes, confrontées à un accroissement de leurs charges, étaient dépourvues de moyens.

1. Des moyens insuffisants

Dans un rapport intitulé « Quel avenir pour le territoire après l'arrêt des essais » de décembre 1995, le Conseil économique, social et culturel de Polynésie française fait valoir la spécificité des communes polynésiennes en l'indiquant qu'elles avaient été calquées sur les anciennes chefferies, le maire ayant remplacé l'ancien chef de district, lui-même successeur de l'arii local. Le rapport indique que « beaucoup de maires s'investissent totalement dans leur mission et mettent en oeuvre des micro-projets aptes à donner du travail à leurs administrés » . La mission sénatoriale a en effet pu constater l'importance de la fonction de maire dans les îles éloignées et des réalisations entreprises. Ainsi, à Ua Huka, aux Marquises, un arboretum a été constitué à l'initiative du maire, rassemblant 4 000 spécimens appartenant à 140 variétés d'agrumes dont la culture pourrait, à terme, permettre de subvenir aux besoins des habitants de cet archipel.

Malgré le dynamisme des autorités municipales, les communes doivent faire face à des charges croissantes résultant en grande partie de la poussée démographique. Les besoins en matière d'équipements scolaires et sanitaires sont ainsi en rapide augmentation. L'élimination et le traitement des déchets constituent par ailleurs un problème lancinant susceptible de compromettre le développement d'un secteur essentiel pour le territoire, à savoir le tourisme. Plusieurs obstacles freinent la recherche d'une solution : le coût des équipements nécessaires au traitement des déchets, la difficulté d'acquérir un terrain résultant de la situation foncière et enfin un problème de répartition des compétences entre le territoire (traitement des ordures, protection de l'environnement) et les communes (ramassage des déchets).

Or, face à l'accroissement de ces charges, les communes manquent de moyens .

Comme l'illustre le problème de l'élimination des déchets, la répartition des compétences entre le territoire et les communes, parfois peu claire, est souvent source de blocage. La création des routes en particulier dépend du territoire ; or, les communes des îles éloignées des centres de décisions territoriaux éprouvent des difficultés à faire valoir leurs besoins alors même que ces infrastructures de communication sont cruciales pour leur développement.

Par ailleurs, les communes polynésiennes traversent depuis plusieurs années une situation délicate sur le plan financier, qui se traduit par une multiplication des cas de gestion budgétaire déficitaire entraînant la mise en oeuvre des procédures de contrôle renforcé par le représentant de l'Etat. Elles manquent en effet cruellement de ressources propres car il n'existe pas de fiscalité communale en Polynésie.

Leurs ressources sont pour l'essentiel des recettes de transfert : la dotation globale de fonctionnement (DGF : 243,9 millions FF en 1995) et la dotation globale d'équipement (13,151 millions FF en 1995) en provenance de l'Etat, une participation directe de l'Etat en application de l'article 12 de la loi d'orientation du 5 février 1994 (37,46 millions FF en 1995), le fonds intercommunal de péréquation (FIP) alimenté par une quote-part (15 %) des recettes fiscales du territoire (467,5 millions FF en 1995).

Les communes sont confrontées à une stagnation de leurs ressources depuis une dizaine d'année dont elles ne maîtrisent pas l'évolution. Face à la baisse des sommes qui leur sont allouées au titre du FIP et à l'accroissement de leurs charges, les élus locaux en sont réduits, comme le souligne le rapport précité du Conseil économique, social et culturel, à céder aux pratiques du clientélisme politique afin d'obtenir du territoire les subsides nécessaires à la réalisation des projets d'investissements.

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