Rapport d'information n° 322 (1995-1996) de M. Jean CLUZEL , fait au nom de la commission des finances, déposé le 23 avril 1996

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SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996


Annexe au procès-verbal de la séance du 23 avril 1996.

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation(1), sur l' audiovisuel en Europe centrale et orientale ,

Par M Jean CLUZEL,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de MM Christian Poncelet, président ; Jean Cluzel, Henri Collard, Roland du Luart, Jean-Pierre Masseret, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Philippe Marini, vice-présidents ; Emmanuel Hamel, René Régnault, Alain Richard, François Trucy, secrétaires : Alain Lambert, rapporteur général : Philippe Adnot, Denis Badré, René Ballayer, Bernard Barbier, Jacques Baudot, Claude Belot, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Guy Cabanel, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Yvon Collin, Jacques Delong, Yann Gaillard, Hubert Haenel, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, Marc Massion, Michel Mercier, Gérard Miquel, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, Jacques Oudin, Maurice Schumann, Michel Sergent, Henri Torre René Trégouët.

Audiovisuel. Pays d'Europe centrale et orientale - Rapports d'information.

INTRODUCTION

Adversaires hier, partenaires demain, les pays d'Europe centrale et orientale ont emprunté la voie difficile de la démocratisation et de l'économie de marché.

La perspective d'une adhésion des pays associés d'Europe centrale et orientale a été tracée par le Conseil européen qui s'est tenu à Copenhague en juin 1993. L'impact macroéconomique de cette adhésion vient de faire l'objet d'un récent rapport d'information de la délégation sénatoriale pour l'Union européenne, présenté par notre collègue, M. Denis Badré 1 ( * ) .

Mais l'Union européenne ne peut pas se contenter de proposer à ces pays l'ouverture de son marché. Elle doit aussi les inviter a partager à nouveau ses valeurs et sa culture.

Dans l'immédiat l'Europe centrale et orientale a surtout soif d'images nouvelles.

Ici, comme ailleurs, la télévision est le miroir de la société de consommation. Les nouvelles classes moyennes s'abonnent en masse aux programmes payants du câble et du satellite. Il arrive même que les premières chaînes privées nationales connaissent un succès foudroyant, notamment en République Tchèque. Les investissements publicitaires se réorientent massivement vers la télévision.

Hélas, la France est trop discrète à l'Est, sur le plan économique comme sur le plan culturel et politique. Un engagement insuffisant dans cette région ne ferait qu'élargir la brèche dans laquelle s'engouffre déjà l'influence prépondérante d'autres États, comme l'Allemagne et les États-Unis.

Et pourtant, une politique active pourrait être menée par la France en Europe centrale et orientale, grâce à la forte tradition francophile de ces pays.

Dans quel domaine ?

La culture, et particulièrement l'audiovisuel, pourraient constituer le vecteur et le support de l'influence française à l'Est.

La coopération culturelle représente en effet le supplément d'âme dont la construction européenne a besoin.

L'audiovisuel pourrait être le support privilégié de cette politique de coopération active.

Les chaînes publiques d'Europe centrale et orientale partagent les mêmes aspirations que celles de notre secteur public. Elles pourraient, si nous les y aidions, faire contrepoids au libéralisme anglo-saxon. La contribution des télévisions publiques à la culture, à l'information et au soutien des productions audiovisuelles et cinématographiques d'Europe ne saurait donc être ignorée par la France.

Ces orientations m'ont conduit - dans le cadre de mon rapport spécial sur la communication audiovisuelle - à étudier la situation de l'audiovisuel en Europe centrale et orientale et à présenter quelques suggestions.

*

* *

De façons arbitraires, seules les paysages audiovisuels de quelques États sont étudiés dans le présent rapport d'information, Pologne, République Tchèque, Hongrie, Roumanie et Bulgarie. Ils constituent néanmoins un échantillon représentatif de cette vaste région de l'Europe.

L'Autriche a été ajoutée à cette étude en raison de son passé et du particularisme de l'audiovisuel autrichien. Ce pays entretient avec ses voisins des liens particuliers, issus d'une longue histoire qui fut souvent commune Membre de l'Union européenne depuis le 1 er janvier 1995, l'Autriche présente par ailleurs la particularité d'avoir conservé son monopole juridique de l'audiovisuel public, il est vrai quelque peu malmené en raison de l'existence de réseaux câblés et de chaînes satellitaires qui contribuent à garantir un réel pluralisme.

Ce rapport d'information résulte, notamment, d'une mission faite du 23 août au 6 septembre 1995 et qui, depuis lors, fut suivie de longs et multiples échanges.

Cette mission n'aurait pu se réaliser sans l'accueil compréhensif et chaleureux des Ambassadeurs et de leurs collaborateurs au sein des quatre pays où j'ai pu me rendre :

S.E. M. André LEWIN, Ambassadeur de France en Autriche,

S.E. M. François NICOULLAUD, Ambassadeur de France en Hongrie,

S.E. M. Daniel CONTENAY, Ambassadeur de France en Pologne.

S.E. M. Benoît d'ABOVILLE, Ambassadeur de France en République Tchèque ;

et sans l'aide efficace et compétente des attachés audiovisuels ou des conseillers culturels de ces pays :

Madame Françoise ALLAIRE. Conseiller culturel, scientifique et de coopération, Ambassade de France en Hongrie,

Monsieur Olivier WOTLING, attaché audiovisuel, Ambassade de France en Hongrie,

Monsieur Daniel OLLIVIER, conseiller culturel, scientifique et de coopération en Pologne,

Monsieur Didier TALPAIN, attaché audiovisuel, Ambassade de France en Pologne,

Madame BARILLOT, Conseiller culturel. Ambassade de France en Autriche,

Monsieur Jean BACOT, Conseiller culturel. Ambassade de France en Roumanie,

Monsieur Serge MORAND, attaché audiovisuel, Ambassade de France en Roumanie,

Monsieur Fernand TEXIER, Conseiller culturel, Ambassade de France en Bulgarie ;

Monsieur Frédéric JUGEAU, attaché audiovisuel, Ambassade de France en Bulgarie,

Madame Sylvie DARGNIES, attaché audiovisuel, Ambassade de France en République Tchèque

que je tiens à remercier.

PREMIÈRE PARTIE : DE « L'EUROPE DE L'EST » À « L'EUROPE CENTRALE ET ORIENTALE »

I. LES NOUVELLES DÉMOCRATIES D'EUROPE CENTRALE ET ORIENTALE

A. LE CHEMIN DIFFICILE DE LA DÉMOCRATIE

1. Des atouts inégaux

Les pays d'Europe centrale et orientale disposent d'atouts inégaux Pour surmonter avec succès le triple défi que représentent la démocratisation, l'instauration de l'économie de marché et la mutation sociale, nécessaires à leur intégration au sein de l'Union européenne.

La Pologne, la Hongrie et la République tchèque bénéficient, malgré leurs difficultés, d'un incontestable avantage de départ pour la réussite de leur mutation post-communiste. Leurs sociétés civiles, relativement autonomes et qui furent toujours très actives, ont su résister pendant la période communiste, grâce à l'enracinement profond des valeurs humanistes. Elles s'adaptent rapidement aux perspectives de développement ouvertes par l'entrée dans l'économie de marché, telle que celle-ci se présente à la fin du XX e siècle. Leur classe politique, issue de la dissidence anti-communiste, est constituée d'intellectuels de haut niveau n'ayant jamais complètement rompu leurs liens avec la culture européenne. Ces pays se distinguent en conséquence par le degré d'avancement des changements politiques et institutionnels et par un rapprochement rapide avec l'Union européenne.

La situation est différente dans les pays de l'Europe orientale, ou balkanique, comme la Roumanie et la Bulgarie. Ces pays portent encore les marques profondes des régimes communistes qui ont exercé une emprise beaucoup plus forte sur une société civile rapidement atomisée après-guerre. Cette emprise fut du reste facilitée par une tradition multiséculaire de soumission. La modernisation politique en est freinée et la consolidation des pratiques démocratiques, ralentie. Sur le plan économique, ces pays souffrent d'un retard de développement dont les origines sont antérieures à l'instauration du communisme.

2. Une évolution politique en « dents de scie »

L'évolution de la politique intérieure des pays d'Europe centrale et orientale suit une évolution qui est loin d'être linéaire.

En effet, six ans après la chute du mur de Berlin, les anciens communistes sont partout associés au pouvoir, à l'exception notable de la République Tchèque. Il est vrai que, comme a coutume de le rappeler le journaliste polonais Adam Michnik : « toute révolution engendre sa restauration ».

Il est nécessaire d'en rappeler les grandes lignes pour comprendre pourquoi la libéralisation des média et l'adoption d'un cadre juridique établissant clairement les relations entre l'audiovisuel public et l'État marquent encore le pas, et semblent parfois être remises en question.

a) La stabilité tchèque

Nonobstant la partition entre la République Tchèque et la Slovaquie, entrée en vigueur le 1 er janvier 1993, la coalition de centre-droit au pouvoir à Prague de M. Vaclav Klaus dispose d'une marge de manoeuvre relativement large. Cette situation tient tant à la personnalité du premier ministre qu'à la faiblesse de l'opposition, divisée.

b) Les retournements polonais et hongrois

Dans ces deux pays, les ex-communistes sont revenus au pouvoir.

Les élections d'octobre 1991 en Pologne ayant amené au Parlement 29 formations, le Gouvernement de coalition de Waldemar Pawlak (PSL, Parti paysan polonais) n'a duré que huit mois.

Lui ont succédé le ministère de M. Jan Olszewski (5 juin - 11 juillet 1992 ) puis le Cabinet de Mme Hanna Suchocka. Ce dernier ne put faire voter la loi générale de privatisation qu'avec le concours des députés de l'Alliance de la gauche démocratique (SLD), ex-communiste. Il succomba finalement à une motion de censure émanant de Solidarité, le 27 mai 1993. Le Président Walesa décida alors la dissolution de l'Assemblée. L'instauration d'un seuil de 5 % pour les partis présentant des listes individuelles et de 8 % pour des regroupements de partis aux élections du 19 septembre 1993 a réduit fortement le nombre des partis représentés à la Diète tout en donnant une confortable majorité aux ex-communistes du SLD alliés au Parti paysan polonais. Le Gouvernement de Waldemar Pawlack a toutefois réuni des libéraux et des partisans d'un interventionnisme étatique plus fort.

L'élection à la présidence de la République de M. Alexandre Kwasniewski le 19 novembre 1995, chef de la gauche post-communiste, qui a battu Lech Walesa, a constitué une nouvelle étape dans la reconquête du pouvoir par les ex-communistes. Le Gouvernement de coalition du nouveau premier ministre post-communiste M. Cimoszewicz, porté au pouvoir en février 1996, semble avoir mis fin à la période de transition.

En Hongrie, le Gouvernement de coalition de centre-droit - le Forum démocratique hongrois (MDF) - de Josef Antall, formé en mai 1990 a perdu les élections législatives des 8 et 29 mai 1994. Celles-ci ont vu la victoire du Parti socialiste hongrois (PSH), ex-communiste, qui a réuni 54 % des suffrages.

Le premier ministre actuel, M. Gyula Horn, avait été ministre des Affaires étrangères en 1989 et a été le principal auteur de la décision d'ouvrir la frontière hungaro-autrichienne aux réfugiés est-allemands. Bien que disposant de la majorité absolue, le PSH a conclu, le 24 juin 1994, un « compromis historique » avec les anciens dissidents des Démocrates libres (SzDsz), dont trois de ses représentants sont devenus ministres.

c) Les ambiguïtés roumaines et bulgares

Parmi les pays balkaniques anciennement communistes, la Bulgarie semblait, de loin, offrir la transition démocratique la plus prometteuse.

Entamée dès le 10 novembre 1989 avec la chute de Todor Jikov, au pouvoir pendant presque quarante ans, le processus démocratique s'est accéléré en juin 1990 avec les premières élections libres. Celles-ci furent toutefois remportées par le parti socialiste, ancien parti communiste bulgare. L'aggravation de la crise économique le contraignit cependant à organiser des élections législatives anticipées dès octobre 1991, qui furent gagnées par l'opposition démocratique regroupée autour de l'Union des forces démocratiques, l'UFD. Ces élections permirent également au Mouvement pour les droits et les libertés, le MDL, représentant les minorités turque et pomaque, de peser, avec 7,5 % des voix, pour la première fois, sur la vie politique nationale. Le 8 novembre 1991, la Bulgarie se dota du premier Gouvernement non-communiste depuis l'après-guerre, composé de responsables de l'UFD, avec le soutien, indispensable, du MDL, et présidé par M. Filip Dimpitrov.

Toutefois, l'UFD voulant administrer une thérapie de choc à l'économie bulgare - qui entraîna une chute de la production industrielle de 23 % et une aggravation du chômage, dont le taux était monté à 14 % -, ce fut la minorité turque, implantée dans les régions les moins développées qui fut la principale victime. Outre un exode massif, pour des raisons économiques, cette politique eut pour conséquence, dès l'automne 1992, la rupture entre l'UFD et le MDL. De plus, le Gouvernement se heurta à l'hostilité des syndicats et du chef de l'État. M. Jeliou Jelev, élu en janvier 1992 grâce au soutien de l'UFD mais hostile à des réformes trop radicalement libérales. Mis en minorité le 28 octobre 1992, le Gouvernement ne fut remplacé que le 30 décembre 1992 par un cabinet composé de technocrates, dirigé par un professeur d'économie sans affiliation politique. M. Lyuben Berov, soutenu par le MDL, le Parti socialiste et par la Nouvelle union pour la démocratie, issue d'une scission de l'UFD. Cette formation politique ne s'était pas privée de critiquer la « recommunisation rampante » du Gouvernement, l'inefficacité de la politique économique, telle qu'elle était conduite, en réclamant des élections législatives anticipées.

De fait, trois mois après leur retour au pouvoir, après la victoire sans partage des ex-communistes, qui ont obtenu 43,5 % des voix et 125 des 240 sièges du Parlement aux élections du 18 décembre 1994, le Gouvernement de M. Jean Videnov semblait, à de nombreux observateurs, faire marche arrière sur le plan économique, voire politique. La nouvelle politique économique, censée réduire le coût social de l'éprouvante transition vers l'économie de marché s'est traduite par une limitation des investissements étrangers. Un an après ce changement de cap, le pouvoir a tenté de reprendre en main les média.

En Roumanie en revanche, la transition politique fut plus difficile, tandis que des réformes économiques audacieuses étaient lancées.

Après la chute des époux Ceaucescu, les premières élections présidentielles et législatives de mars 1990 virent le triomphe de M. Ion Iliescu et de son parti, le Front de salut national. L'opposition, divisée entre libéraux et monarchistes, a souffert d'une hostilité marquée du Gouvernement, qui devait, du reste, chuter en septembre 1991 à la suite de manifestations antigouvernementales violentes. Il fut remplacé par un économiste, M. Theodor Stolojan. L'influence du président Iliescu paraissait augmenter à nouveau, jusqu'aux élections locales de février 1992, qui furent néanmoins perdues par le Front de salut national en raison de la scission en mars 1992 entre fidèles du président Iliescu et partisans de M. Roman. Malgré la réélection de M. Iliescu en octobre 1992, le Front démocratique de salut national, nouvelle appellation du FSN, ne parvint pas à gagner les élections de septembre 1992. Un Gouvernement minoritaire, dirigé par M. Nicolae Vacaroiu, fut formé. Son existence dépendant de l'extrême-droite (12 % des voix), de l'ancien parti communiste (3,2 % des voix) et du parti de la minorité hongroise (7,5 % des voix), il se trouve depuis lors en situation délicate.

Sur le plan économique, la Roumanie s'est engagée très tôt sur la voie des réformes économiques : libération progressive des prix dès octobre 1990, convertibilité de la monnaie en novembre 1991.

Comme l'a noté le rapport de notre collègue, M. Hubert Durand Chastel, consacré à l'examen de l'accord franco-roumain sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements 2 ( * ) , la Roumanie hésite entre le repli sur soi et l'ouverture vers l'Europe ; c'est pourquoi les réformes de structure marquent le pas. Les difficultés pratiques rencontrées, comme la lenteur du processus de privatisation, entravent le développement des investissements, notamment français.

B. LA QUESTION DES NATIONALITÉS N'A TOUJOURS PAS ÉTÉ RÉSOLUE

La non-coïncidence des frontières étatiques et ethnico-linguistiques a pour conséquence l'existence de fortes minorités, dans chacun des pays de la région.

1. Une mosaïque culturelle

L'Europe centrale et orientale est un ensemble d'environ 200 millions d'habitants que se partagent dix-huit États, compte tenu de l'éclatement de la Yougoslavie, et où se côtoient dix-neuf peuples, si l'on fait de la langue le seul critère de différenciation.

La tragédie yougoslave nous enseigne en effet que la religion et - Surtout - l'histoire peuvent se charger de séparer Serbes, Croates et Bosniaques musulmans.

Les États de la région peuvent donc être tous considérés comme des État s multinationaux, ou plus précisément d'États de minorités nationales formés d'une nation dominante et d'une ou plusieurs nations existant en tant que communautés différentes, chacune ayant conscience de sa spécificité et manifestant le désir ardent de la conserver.

La notion de nationalité est aujourd'hui fréquemment définie par la langue maternelle, qui constituait également le critère administratif de la nationalité dans l'empire habsbourgeois. Il faut se souvenir qu'il avait privilégié la religion, - le catholicisme -, sur la langue, - l'allemand -, comme instrument d'homogénéisation de l'empire. Sans omettre toutefois la politique d'établissement de Roumains, d'Allemands et de Serbes en Hongrie pour affaiblir l'unité ethnico-linguistique de ce pays dont la langue officielle était le latin.

La minorité hongroise de Roumanie est sans nul doute la plus importante de celle des pays d'Europe centrale et orientale. Elle compte en effet deux millions de personnes sur 22 millions. La question des droits de cette minorité rend toujours difficiles les relations entre les deux pays. La Hongrie demande la reconnaissance, dans le cadre d'un traité bilatéral, des droits de la minorité hongroise mais refuse de reconnaître l'intangibilité de la frontière roumano-hongroise. Or, sans cette reconnaissance, la Roumanie n'est pas disposée à garantir les droits de cette minorité et l'extrême-droite roumaine s'y oppose farouchement.

En Bulgarie, les minorités ethniques représentent 12 % de la population. Il s'agit de Turcs (près d'un million de personnes) et de la communauté tsigane (600 000 personnes). La communauté pomaque, forte de 250 à 300 000 membres, ne constitue pas une minorité nationale : il s'agit de Bulgares convertis à l'Islam entre le XVII e et le XIX e siècle. Pendant les années quatre-vingt, la communauté turque fit l'objet d'une politique de slavisation forcée de la part du régime communiste. Les villages au nom turc créés par les Ottomans furent débaptisés et les personnes au nom à consonance turque, invités à y substituer des patronymes à consonance slave.

La Hongrie connaît une situation à fronts renversés. Les minorités vivant sur son territoire sont peu nombreuses. On estime toutefois le nombre de Hongrois d'origine allemande à 200 000. C'est une conséquence du Traité de Trianon de 1920 qui amputa son territoire des deux tiers et d'un tiers 1a population magyarophone, le nombre de Hongrois habitant en Slovaquie, en Roumanie ou en Voïvodine étant évalué à trois millions. Ces minorités soutenues par Budapest, revendiquent un enseignement et des inscriptions publiques bilingues.

La République Tchèque abrite deux minorités d'inégale importance : les Hongrois, au sud, et les Allemands des Sudètes.

L'Autriche compte également une petite population hongroise à l'Est, et une importante minorité s lovène au Sud.

La Pologne, enfin, - depuis les bouleversements de l'immédiat après-guerre - ne comprend pas de minorité à proprement parler, hormis quelques Allemands dans l'ancienne Silésie.

Les minorités ethniques d'aujourd'hui ont parfois constitué les majorités d'hier. L'histoire heurtée de cette région d'Europe a toujours été caractérisée par une instabilité des frontières. Ce passé explique aujourd'hui le multilinguisme d'un nombre important d'habitants des pays d'Europe centrale et orientale. Selon un récent atlas d'histoire politique 3 ( * ) :

« L'appartenance d'un individu, au cours de sa vie, à plusieurs États distincts est l'une des causes des multiculturalismes régionaux, directement perceptibles au niveau linguistique. L'aptitude à pouvoir s exprimer en trois ou quatre langues est, en Europe médiane, un phénomène courant. À la maîtrise de la langue maternelle s'ajoute celle d'une ou de deux langues d'usage, parfois distinctes de la langue officielle. Si cette «exception culturelle» est moins vivace chez les jeunes que chez leurs aînés, elle reste, dans certains États, particulièrement entretenue par des enseignements bilingues. La Roumanie, par exemple, annonce huit langues principales d'enseignement, ainsi distinguées des neuf autres langues maternelles encore pratiquées sur son territoire ».

2. Le statut des minorités

Les constitutions des pays d'Europe centrale et orientale reconnaissent, en règle générale, l'existence des minorités nationales et ethniques.

Le statut des minorités est un élément important pour l'équilibre politique interne de ces pays autant que pour garantir la sécurité de la région. Il s'agit également d'une question qui doit être prise en compte prioritairement dans toute politique de la communication.

Les constitutions des pays d'Europe centrale et orientale consacrent le principe de non discrimination. Elles reconnaissent par ailleurs aux minorités nationales et ethniques un degré d'autonomie variable selon chaque pays.

En raison de l'homogénéité culturelle et « ethnique » de la population de la Pologne - ce qui n'a pas toujours été historiquement le cas -, la constitution polonaise ignore les minorités ethniques.

Les autres constitutions reconnaissent en revanche le droit de conserver, de développer et d'exprimer l'identité culturelle, linguistique et religieuse des minorités.

La Roumanie préfère cependant l'accorder aux personnes appartenant à des minorités nationales plutôt qu'à ces minorités nationales elles-mêmes. Dans ce pays, où la minorité hongroise est importante, la constitution fait de l'unité du peuple roumain le fondement de l'État (article 4).

La constitution bulgare consacre son article 36 à l'utilisation des autres langues que le bulgare. Mais son article 2-1 fait de la Bulgarie un État unitaire et interdit les formations territoriales autonomes, même si elle reconnaît autoadministration locale.

Le droit à l'instruction dans la langue, son utilisation dans les rapports avec l'administration, à la création d'associations nationales, est reconnu par la constitution tchèque (article 25).

Enfin, la Hongrie est toujours marquée par les conséquences du traité de 1920 ; c'est-à-dire par le tracé de ses frontières ! Ses minorités sont numériquement peu importantes, mais elle demeure sensible au statut des Hongrois en Roumanie, en Slovaquie et en Serbie, et reconnaît aux minorités nationales et ethniques le droit de créer des organes d'autogestion locaux et nationaux, ainsi que le droit à l'utilisation de leur langue maternelle (article 68).

La loi du 7 juillet 1993 sur les droits des minorités nationales et ethniques, dont l'objet affiché est de doter les minorités allogènes de Hongrie d'un statut d'autonomie étendu -, se propose notamment de faciliter l'accès des minorités aux programmes de radio et de télévision en provenance de la mère-patrie. Ce statut constitue, selon un spécialiste de la question des minorités « une incitation, pour les Hongrois de l'étranger à revendiquer sur ces bases un véritable irrédentisme culturel, un droit à la culture nationale d'origine » 4 ( * ) .

Aucun État de la région n'est en effet insensible au statut des minorités avec lesquelles il aspire à entretenir des liens au moins culturels.

Les frontières entre ces États sont sans doute plus « poreuses » et perméables que partout ailleurs. Toujours selon l'atlas de l'Europe centrale et balkanique :

« L'histoire des peuples de l'Europe centrale et balkanique est caractérisée par un rapport particulier aux frontières. Celui-ci découle des souverainetés que les tous premiers royaumes de la région, aux relations souvent antagonistes, ont successivement exercées sur les mêmes populations, de l'intégration de ces dernières dans des empires multinationaux et de leur constitution tardive en États-nations aux limites sitôt contestées puis bouleversées par des guerres. La spécificité de cette histoire politique, source d'un décalage entre de lointaines frontières historiques devenues mythiques et les frontières actuelles, a suscité un scepticisme quant aux notions de pérennité des frontières et une interrogation sur des possibilités, pour l'individu, de s'enraciner dans un ensemble national.

« Une illustration de cette attitude, parfois énigmatique pour un esprit occidental, est fournie par l'exemple des populations de l'actuelle Ukraine subcarpatique. Nées au début du siècle, dans l'empire des Habsbourg, elles devinrent tchécoslovaques en 1919, hongroises en 1939 avant d'être intégrées, en 1945, à l'Union soviétique, puis, en 1991, à l'Ukraine indépendante. Ces destins à citoyennetés successives, courants en Europe centrale, le sont aussi dans les Balkans. On peut évoquer, le cas des habitants de la Slovénie méridionale, qui, pendant ce siècle ont, tour à tour, été autrichiens, italiens, yougoslaves et Slovènes ».

Cela explique pourquoi les États de la région ne peuvent être indifférents, dès lors qu'il s'agit du respect des droits linguistiques des minorités.

En quelque sorte, il existerait entre ces pays un droit de regard mutuel sur le traitement dont bénéficient leurs minorités, notamment sur le plan culturel et, plus particulièrement, audiovisuel.

Pour un spécialiste du droit des minorités 5 ( * ) dans cette région :

« Les manifestations constitutionnelles du droit de regard de la mère patrie sur l'ensemble de la nation partagée ne sont pas le fruit du hasard ou une simple clause de style. Elles correspondent à une situation bien réelle depuis 1918, où aucun État centre-européen ne peut prétendre établir son imperium sur une population nationalement homogène. Il en résulte un véritable cercle vicieux où, pour mieux affermir son autorité et promouvoir l'unité de sa base sociale, l'État s'efforcera de circonscrire le droit à la différence, avivant l'inquiétude du voisin, qui fera alors du sort de ses minorités nationales d'outre-frontière une préoccupation légitime, parce qu'instituée par sa Constitution.

« Car il s agit bien là d'une innovation du droit constitutionnel, où l'État dont la nation se prolonge au-delà de la frontière, tout en acceptant comme un fait objectif que les individus minoritaires participent d'une autre citoyenneté étatique, entend aussi signifier qu'ils appartiennent à une communauté nationale différente : les Hongrois de Roumanie sont bien citoyens roumains, mais d'appartenance nationale hongroise. Ainsi se profile l'idée d'une dissociation de la nationalité et de la citoyenneté au profit d'une identité minoritaire dédoublée. Si cette idée présente l'immense avantage de respecter la souveraineté territoriale exclusive de l'État limitrophe, elle suppose aussi que ce dernier puisse consentir à ce que l'individu minoritaire lui oppose son propre droit à l'appartenance nationale. Précisément, de nombreux États refusent de s'engager sur la voie d'un tel rapprochement transfrontière, craignant alors d'encourager l'irrédentisme. Il reste que ce droit de regard, qui peut s'apparenter à une sorte de protection diplomatique à l'usage exclusif des minorités nationales, n'a d'autre objet que de démontrer que l'État n est plus tout à fait maître du destin de ses propres citoyens appartenant à une minorité de nation partagée. Une telle considération peut ouvrir d'intéressantes perspectives, mais elle peut aussi provoquer, de la part de I État où s exerce le droit de regard, une violente réaction de rejet ».

L'instrument de ce « droit de regard » n'est-il pas - à notre époque - l'audiovisuel ?

C'est sur ce fondement qu'a été créé Duna TV, chaîne destinée aux minorités hongroises des États périphériques de la Hongrie.

3. Vers des télévisions transnationales ?

La connaissance des cultures, le rapprochement entre les nations empruntent aujourd'hui les voies de la communication audiovisuelle.

Se fondant sur ce présupposé, des projets de chaînes multinationales diffusées par voie satellitaire ont été lancés.

Ainsi, la Fondation pour la coopération en Europe centrale et orientale, présidée par M. Fernc Köhalmi, par ailleurs fondateur de la télévision hongroise diffusée par satellite Duna TV, a-t-elle lancé, à Budapest, les 20 et 21 juin 1995, une initiative originale. La fondation a pour but de préparer le lancement d'une chaîne satellite culturelle et d'information multilingue Alpha TV, qui regrouperait les programmes de 23 pays de la région. La chaîne diffuserait des images communes, mais présentées dans les langues de chaque pays participant, ainsi qu'en anglais, en allemand et en français. Les moyens technologiques mis en oeuvre devraient permettre le sous-titrage sur télétexte des programmes. Le satellite israélo-hongrois Magyarsat, qui devrait être lancé en 1997, pourrait diffuser cette chaîne.

Cette initiative est très intéressante, car elle oppose a la fragmentation des espaces audiovisuels nationaux une fenêtre commune sur des cultures nationales qui partagent le même héritage.

Mais la viabilité financière de ce projet reste à démontrer.

En outre, les voisins de la Hongrie n'accueillent pas les projets de chaînes transnationales avec un enthousiasme débordant : le Conseil national de l'audiovisuel roumain a par exemple suspendu, le 8 novembre 1995, l'autorisation de la chaîne publique hongroise Duna TV de diffuser ses programmes par câble depuis Budapest à l'intention des Hongrois de l'étranger, dont 1,7 million vivent en Roumanie, le Conseil ayant estimé que ces émissions avaient « des accents alimentant la suspicion ethnique »...

C. DES PROBLÈMES ÉCONOMIQUES PERSISTANTS

Depuis 1989, les réformes économiques semblent avoir imprimé au processus de transition un caractère d'irréversibilité. Les alternances politiques survenues dans certains de ces pays - quand bien même elles ont abouti à un retour au pouvoir des anciennes équipes dirigeantes - n'ont pu infirmer cette évolution.

En dépit de la spécificité des expériences nationales, les modalités de la transition ont été, dans tous les pays, quasiment similaires. Les politiques de stabilisation macro-économiques se sont traduites par de brutales libérations des prix, par la diminution drastique des subventions budgétaires, par de coûteux efforts d'assainissement des balances des paiements, et l'irruption brutale du chômage. Il s'en est suivi une contraction impressionnante de l'activité économique et une chute sensible du pouvoir d'achat, même dans les pays qui ont préféré la graduation à la « thérapie de choc ».

L'économie de l'audiovisuel s'en est trouvée profondément affectée.

La part des ressources budgétaires des chaînes publiques a fortement diminué, avec l'effondrement des subventions d'État, même lorsque l'une des chaînes n'était pas privatisée. Cette diminution a rarement été compensée par une augmentation de la redevance, lorsque celle-ci n'était pas stabilisée, pour des raisons sociales ou politiques.

Dans le camp adverse (les chaînes commerciales), la transition vers l'économie de marché a provoqué un « appel d'air » au bénéfice de la publicité et du parrainage. Toutefois, l'irruption des nouveaux média, et surtout des chaînes privées, - leur agressivité commerciale, leur culture « entrepreunariale » --, ont pénalisé les chaînes publiques, qui ne recueillent qu'une faible part des ressources publicitaires, en forte expansion, bien qu'encore limitées.

Sur le plan économique, on retiendra deux caractéristiques de la situation de ces pays : un niveau de vie encore faible - ce qui limite le développement des télévisions à péage comme l'alignement de la redevance audiovisuelle sur des niveaux comparables à ceux connus en Europe de l'ouest -, des échanges commerciaux peu développés avec la France.

1. Un niveau de vie très en deçà de la moyenne communautaire

Malgré les efforts accomplis au cours des dernières années, le fossé entre les membres de l'Union européenne et les pays d'Europe centrale et orientale demeure important.

Le niveau de vie du pays le plus riche d'entre eux, la Hongrie, atteint à peine la moitié du niveau de vie du pays de l'Union européenne le plus pauvre, comme l'indique le tableau ci-dessous.

PNB par habitant an 1993 (an dollars)

Source : Banque Mondiale Document Sénat

2. Des échanges peu développés avec la France

L'Europe centrale et orientale n'est pas encore pleinement intégrée aux grands flux de l'économie mondiale.

Elle ne représentait en 1994 que moins de 1 % des investissements mondiaux, au premier rang desquels se placent les États-Unis (un quart du total), suivis de l'Allemagne, puis- mais beaucoup plus loin- l'Autriche, la France, l'Italie et la Grande-Bretagne.

En matière d'échanges commerciaux, l'Allemagne était le principal partenaire des pays d'Europe centrale et orientale, avec 5O % des parts de marché des pays de l'Union européenne, représentant un quart du total des échanges extérieurs de ces pays.

La France occupe une place remarquablement homogène, sauf en Roumanie, où elle atteint presque 13 %. Elle se fait néanmoins dépasser par l'Italie, presque deux fois plus présente dans ces pays.

Part de marché à l'exportation

Source : EUROSTAT. Document Sénat.
Moyenne des pays d'Europe centrale et orientale cités, y compris la Slovaquie.

Pour la France, ces pays (et ceux de l'ex-URSS) ne représentaient que 2,2 % des exportations totales en 1994 et 2,7 % des importations, soit une balance commerciale déficitaire de 5,5 milliards de francs et un taux de couverture de 84 %.

Cette faible présence de l'économie française est toutefois compensée par de bonnes relations culturelles.

II. DES PAYS EN QUÊTE DE LEUR IDENTITÉ CULTURELLE.

A. DES PAYS À LA RECHERCHE DE LEURS RACINES

1. « L'Occident kidnappé »

Après cinquante ans de communisme, l'Europe centrale et orientale est à la recherche de ses racines.

Dès 1983, Milan Kundera affirmait que « L'Europe centrale n'est pas un État, mais une culture ou un destin. Ses frontières sont imaginaires et doivent être tracées et retracées à partir de chaque situation historique nouvelle », et surtout que « Par son système politique, l'Europe centrale est la l'Est ; par son histoire culturelle, elle est en Occident ». Il est donc aisé de conclure que, s'étant rapprochée politiquement et économiquement de l'Europe occidentale, l'Europe centrale et orientale ne pourra que s'en rapprocher culturellement.

Si cette proximité ne semble désormais plus faire de doute, en revanche l'homogénéité culturelle de cette Europe médiane est plus incertaine. Pour l'écrivain hongrois Gyorgy Konrad en effet « L'Europe centrale est une vision du monde, un royaume de l'esprit (...) une antithèse politico-culturelle, comparée à la réalité géopolitique de l'Europe de l'Ouest et de l'Europe de l'Est ».

2. L'unité et la diversité des cultures centre-européennes

Aux yeux de l'Europe occidentale, les peuples de l'Europe centrale et orientale semblent liés par une profonde identité de culture et de destin.

On peut étayer ce sentiment sur plusieurs références.

L'important substrat ethnique slave dans tous les pays de la région constitue le premier facteur. Il est renforcé par l'attestation, jusqu'à l'établissement des Hongrois au X e siècle, d'une communauté de langue parlée, prolongée d'un siècle encore par l'usage d'une même langue écrite, le vieux slave. Le caractère spécifique de la christianisation va également dans le même sens. Produit des influences croisées et concurrentes de Rome et de Byzance, son originalité demeura longtemps perceptible.

Sur le plan politique, encerclés par de puissants États, germanique, russe et ottoman, les peuples d'Europe centrale et orientale développèrent une culture commune de résistance, concrétisée au Moyen-Âge par des unions librement consenties entre royaumes : Hongrie et Croatie, Pologne et Lituanie. Les Tchèques, les Polonais et les Hongrois se choisirent à la fin du XV e siècle une dynastie commune, les Jagellon. Cette dynamique profita également aux Habsbourg, hérauts de la résistance chrétienne aux Turcs, lorsqu'ils construisirent leur empire danubien supranational et multiculturel.

Cependant, ni l'empire habsbourgois ni l'empire ottoman ne surent résoudre le problème des nationalités, dont ils reconnaissaient l'existence culturelle mais auxquelles ils ne purent ou ne voulurent donner une traduction politique satisfaisante. Lorsque disparurent ces empires, après la première guerre mondiale, de nouveaux États, pluriethniques mais fondés sur une parenté linguistique immédiate se constituèrent : ce furent la Tchécoslovaquie et la Yougoslavie. Mais l'idéologie de l'internationalisme prolétarien, appelée à se substituer aux cultures nationales, considérées comme rétrogrades, ne put résorber les antagonismes séculaires. Ces derniers ont resurgi dès l'effondrement des régimes communistes.

La langue, si elle constitue une composante fondamentale du sentiment identitaire, n'est cependant pas suffisante pour fonder une identité nationale, comme la tragédie yougoslave l'a enseigné. On doit y ajouter la religion. Au schisme de 1054 entre Rome et Byzance se sont superposées, à la faveur de la conquête ottomane, l'installation dans les Balkans de populations musulmanes venues d'Anatolie et la conversion à l'Islam de nombreuses populations antérieurement orthodoxes. La Réforme a entraîné une fracture supplémentaire. Obligés de se convertir au catholicisme après la Contre-Réforme, les Tchèques et les Hongrois continuèrent d'associer la lutte nationale au protestantisme. Aux confins des mondes latin et orthodoxe. Galicie, Biélorussie. Ruthénie et Transylvanie, les Uniates, qui reconnaissent l'autorité papale tout en conservant les rites et la liturgie orthodoxe, se veulent les dépositaires d'une certaine harmonie entre l'occidentalité et l'héritage oriental.

Définis au plan culturel par leur appartenance aux groupes religieux majoritaires, - l'orthodoxie et le catholicisme -, les peuples d'Europe centrale et orientale se différencient également par les alphabets qu'ils utilisent : l'alphabet latin dans la zone d'influence spirituelle occidentale et l'alphabet cyrillique dans la zone de tradition slavo-byzantine. Prolongement des langues liturgiques, les alphabets sont l'une des manifestations les plus importantes des sensibilités des peuples qui les utilisent et leur évolution se confond avec les grands moments des consciences nationales. Ainsi le vieux-slave fut-il supplanté, après le X e siècle, soit par le cyrillique, soit par le latin, lequel fut à son tour remplacé lors de la réforme de Jan Hus. Souhaitant la traduction de la Bible en langue vernaculaire, celui-ci réforma l'alphabet et sa codification de langue écrite, posant ainsi les bases de la littérature tchèque 6 ( * ) . Seules 1a Bulgarie et la Serbie continuent à utiliser l'alphabet cyrillique. La Roumanie s'est enfin convertie en 1860 à l'alphabet latin. Coïncidant avec l'accession à l'indépendance, cette démarche correspondit à une double volonté de retour aux sources de la culture latine mais aussi pour se démarquer des voisins slaves. Ces mêmes considérations ont inspiré la Moldavie, qui - depuis 1989 - utilise également l'alphabet latin.

Les antagonismes en Europe centrale et orientale reposent sur des fractures d'ordre linguistique et religieux, qui se prolongent dans les alphabets, les traditions d'enseignement, les modes de vie.

Il continue cependant de se dégager, au-delà des différences immédiates, une sorte de parenté culturelle et de lien indicible.

B. DES PAYS DEMANDEURS D'UNE COOPÉRATION ACCRUE AVEC L'UNION EUROPÉENNE

Si le volet économique et le volet politique de la coopération entre les pays d'Europe centrale et orientale, d'un côté, et l'Union européenne, de l'autre, paraissent suffisamment développés, en revanche, la coopération culturelle devrait être rapidement renforcée.

1. La coopération économique

a) Les accords européens

Des textes entre l'Union européenne et les trois pays d'Europe centrale - Pologne. Hongrie. Tchécoslovaquie - ont été signés le 16 décembre 1991, sous la dénomination « d'Accords européens ». Ont également signé la Roumanie, le 1 er février 1993, la Bulgarie, le 8 mars 1993, et les Républiques Tchèque et Slovaque, dorénavant séparées, le 4 octobre 1994.

Combinant l'instauration d'une zone de libre échange entre l'Union européenne et ces États, une coopération financière très large et un dialogue politique, le but de ces accords est de préparer l'adhésion à l'Union européenne.

Au titre du chapitre « Information et communication », ces accords d'association permettent à la Pologne et à la Hongrie de recevoir une aide à la distribution nationale, pour les frais d'édition des films.

Les premiers accords européens ont été signés avec la Hongrie, la Pologne et la Tchécoslovaquie avant l'éclatement du conflit yougoslave. Celui-ci, et les négociations en vue de la conclusion d'un accord avec la Roumanie, ont conduit l'Union européenne à prévoir une clause suspensive relative au respect des principes démocratiques et des droits de l'homme.

Ces principes n'avaient été évoqués qu'en préambule des accords signés avec les trois premiers pays. Les accords passés avec la Roumanie, la Bulgarie, la République Tchèque et la République Slovaque comportent désormais une telle clause.

Nul doute qu'une remise en cause de la liberté d'expression ou de la liberté de communication, comme, par exemple, la saisie de journaux de l'opposition, constituerait une atteinte au respect de ces principes, établis par l'acte final d'Helsinki et la Charte de Paris.

Du reste, un rapport d'information de la Délégation pour l'Union européenne de l'Assemblée nationale s'interrogeait à propos de la Roumanie : « quelle signification (pouvait) ainsi revêtir la liberté de la presse si l'unique chaîne de télévision reste sous le contrôle du Gouvernement » 7 ( * ) .

Depuis lors - c'était en novembre 1993 - les télévisions locales privées se sont toutefois un peu partout multipliées.

b) La perspective d'une adhésion à Union européenne

L'adhésion à l'espace économique européen est désormais une question de temps. Son principe a été posé lors du Conseil européen de Copenhague réuni les 21 et 22 juin 1993. Selon la déclaration finale, les pays d'Europe centrale et orientale « pourront devenir membres de l'Union européenne s'ils le désirent » et s'ils remplissent les conditions requises, à savoir, notamment, la capacité d'appliquer l'acquis communautaire, le respect de la démocratie et des droits de l'homme, l'instauration et le bon fonctionnement d'une économie de marché.

Au Conseil européen d'Essen des 9-10 décembre 1994, le principe de l'adhésion a été réaffirmé et un processus de rapprochement a été décrit. Si aucune décision concernant le calendrier et les étapes de l'adhésion des pays d'Europe centrale et orientale à l'Union n'a été arrêtée, une stratégie fut néanmoins définie pour les préparer à cette adhésion.

Le point X du communiqué officiel du Conseil européen d'Essen relatif à la culture, l'éducation et la formation rappelle que l'élargissement de l'Union européenne a également une dimension culturelle et audiovisuelle :

« L'objectif consiste à ne pas limiter la relation avec les pays associés aux seuls domaines économique et politique mais d'intensifier la coopération dans des domaines tels que la conservation des patrimoines culturel, architectural, cinématographique et audiovisuel ; les programmes de formation communautaire Léonardo, Socrate et Tempus ; la formation en affaires européennes et sciences politiques ; la radiodiffusion et la presse écrite ».

Ce processus de préparation des pays d'Europe centrale et orientale à la future adhésion à l'Union européenne s'accompagne d'une coopération économique régionale qui rassemble les pays les plus développés sur le plan économique.

c) La coopération économique régionale

Une initiative de coopération économique régionale a été amorcée entre les pays du groupe de Visegard - Pologne, République Tchèque, Hongrie -avec la création le 1 er mars 1993 de l'Accord de libre-échange centre-européen (CEFTA).

Cet accord prévoit la réduction progressive des tarifs douaniers et des barrières non tarifaires jusqu'à leur élimination totale en 2001, à l'exception des produits agricoles, entre la Pologne, la République Tchèque, la République Slovaque et la Hongrie.

Les produits et services audiovisuels pourraient bénéficier de la création de cette zone de libre-échange.

2. La coopération politique

a)L'adhésion au Conseil de l'Europe...

Tous les États de la région ont adhéré au Conseil de l'Europe : l'Autriche dès 1956, et les anciens pays de l'Europe de l'Est, entre 1990 et 1993 : la Hongrie, le 6 novembre 1990, la Pologne, le 26 novembre 1991, la Bulgarie, le 7 mai 1992, la République Tchèque, le 30 juin 1993, la Roumanie, le 7 octobre 1993.

Cette adhésion au Conseil de l'Europe traduit une acceptation par le pays impétrant du fonds commun démocratique de l'Europe occidentale et notamment de la liberté d'expression et de pluralité des média, consacrées par l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'Homme de 1950.

Le paragraphe premier de cet article énonce :

« Toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence des autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent article n empêche pas les États de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d'autorisations ».

Le paragraphe 2 du même article dispose que les restrictions à cette liberté doivent être prévues par la loi et nécessaires, dans une société démocratique, à la protection de certaines valeurs qu'il énonce : sécurité nationale, sûreté publique, défense de l'ordre et prévention du crime.

Cette adhésion au Conseil de l'Europe s'accompagne souvent de la ratification des principales conventions internationales élaborées sous l'égide du Conseil de l'Europe ou de l'Organisation des Nations-Unies, relatives notamment à l'accès aux média des minorités ethniques ou linguistiques.

L'accès des minorités aux média
en droit international et européen.

Adapté par 1'Assemblée générale des Nations-Unies le 16 décembre 1966, le Pacte international relatifs aux droits civils et politiques dispose, dans son article 27 que « dans les États où existent des minorités ethniques, religieuses ou linguistiques, les personnes appartenant à ces minorités ne peuvent être privées du droit d'avoir, en commun avec les autres membres du groupe, leur propre vie culturelle (...) ou d'employer leur propre langue ».

L'Assemblée générale a également adopté le 18 décembre 1992 la Déclaration sur les droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses ou linguistiques, dont l'article premier impose aux États un devoir général de protection des identités nationales minoritaires.

L'approche de la Conférence sur la Sécurité et la Coopération en Europe après 1989 a permis aux minorités de bénéficier de la protection institutionnalisée des droits de l'homme mise en oeuvre après la Conférence de Copenhague sur la dimension humaine de la CSCE, tenue en juin 1990. Pour les minorités, la promotion des droits de l'homme signifie en effet un renforcement de la protection et des garanties liées à la préservation de leur identité collective. Selon l'article 30 du Document établi à l'issue de cette conférence, le droit à l'identité minoritaire ne deviendra un authentique droit de l'homme que s'il se trouve garanti par des mesures particulières. Allant dans le même sens, dans la Charte de Paris pour une nouvelle Europe du 21 novembre 1990, les États participants s'affirment résolus à encourager la « contribution précieuse des minorités nationales à la vie de nos sociétés ». Lors d'une réunion à Helsinki en juillet 1992 la création d'un Haut-Commissariat pour les minorités nationales f ut décidée.

Rédigée au sein du Conseil de l'Europe, la Convention européenne des droits de l'homme du 4 novembre 1950, complétée depuis par de nombreux protocoles additionnels, comporte un article 10 qui garantit à toute personne la liberté d'expression et la liberté de recevoir ou communiquer des informations ou des idées sans ingérence aucune des pouvoirs publics et sans considération de frontière. La Commission européenne pour la démocratie par le droit, créée au sein du Conseil de l'Europe en 1991, a rédigé un projet de convention affirmant, notamment, le droit des identités nationales au « respect, à la préservation et au développement de leur identité ethnique, religieuse ou linguistique ». Mais ce projet a été concurrencé par un texte élaboré par l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, adopté le 1 er février 1993 C'est pourquoi le Comité des ministres décida d'établir une Convention-cadre pour la protection des minorités nationales, le 10 novembre 1994 ; mais celle ci devra être ratifiée par au moins douze États pour entrer en vigueur. Un autre texte, portant Charte des langues régionales ou minoritaires, a été ouvert à la signature des États membres du Conseil de l'Europe le 5 novembre 1992. En ratifiant ce texte, les États s'engagent à respecter l'emploi des langues minoritaires et à favoriser leur utilisation au sein des média. Cette charte a été ratifiée par la Hongrie, et signée par la Roumanie.

b)...rend applicable aux États adhérents la jurisprudence de la Cour relative au monopole public de radiodiffusion

Sans procéder à une analyse détaillée de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme relative à l'audiovisuel, on rappellera cependant que celle-ci conduit à condamner les monopoles publics de radiodiffusion. Cette position concerne tout particulièrement la Roumanie et la Bulgarie, mais également l'Autriche, qui n'ont toujours pas abrogé le monopole audiovisuel public, même si, dans les faits, la diversification des sources de réception, avec le câble et le satellite notamment, relativise cette position juridique.

Après avoir indiqué, dans un premier temps (X... c/ Suède, 7 février 1968), que l'expression « autorisation » figurant dans la Convention « ne saurait en aucune façon exclure un monopole d'État sur la télévision », la Cour européenne des droits de l'Homme s'est rapidement montrée hostile au monopole public, l'assouplissement de sa jurisprudence suivant le démantèlement des monopoles de radiodiffusion. De même, saisie dès 1976 à propos du monopole italien, la Commission notait que « nonobstant ce précédent [de 1968], la Commission ne serait pas disposée aujourd'hui à maintenir purement et simplement ce point de vue sans nouvel examen » (Giuseppe Sacchi c/ Italie, 12 mars 1976).

La Cour a ensuite vérifié que la mise en oeuvre d'un régime d'autorisation respectait bien les exigences d'une société démocratique - à savoir le pluralisme, la tolérance et l'esprit d'ouverture - (Verein Radio Dreyeckland Basel c/ Suisse, 16 octobre 1986). Elle a ensuite restreint la portée de ce régime d'autorisation du fait de son obsolescence face à des données nouvelles, comme l'apparition de la diffusion par câble ou satellite et la libéralisation de l'audiovisuel dans de nombreux pays (Groppera Radio AG, 28 mars 1990).

L'important arrêt Informationsverein Lentia c/ Autriche du 24 novembre 1993 condamne tout régime strict de monopole public n'accordant aucune place à l'initiative privée et rend désormais juridiquement impossible un retour au monopole public.

Cette jurisprudence est d'autant plus importante qu'elle contraste avec la timidité des solutions du droit communautaire en la matière. L'article 37 du Traité de Rome a yant été déclaré inapplicable à une activité de prestation de services (CJCE, Sacchi, 30 avril 1974), seul l'article 90 s'applique à l'activité de radiodiffusion.

3. Quelle coopération en matière de communication ?

a) La coopération dans le domaine de la communication, parent pauvre de la politique à l'égard des pays d'Europe centrale et orientale
(1) Dans le cadre du Conseil de l'Europe

- L'adhésion au Conseil de l'Europe ouvre aux États-membres le droit de bénéficier des programmes de coopération et d'assistance.

Les programmes à destination des pays d'Europe centrale et orientale se réfèrent de manière spécifique à leurs besoins dans le domaine des média. Ils se donnent pour objectif prioritaire de « permettre aux législateurs, décideurs politiques, instances de régulation et professionnels des pays couverts par ces programmes de bénéficier de l'expérience acquise par les pays d'Europe de l'Ouest en ce qui concerne la création et le fonctionnement de systèmes de média indépendants et pluralistes répondant aux exigences d'un État fondé sur la prééminence du droit et le respect des droits de l'homme ».

Cette aide peut prendre différentes formes : fourniture d'une assistance et de conseils pour le développement d'une nouvelle législation sur les média respectant les exigences d'une démocratie pluraliste, formation des professionnels des média, y compris les porte-parole gouvernementaux, traduction de textes de base dans les langues d'Europe centrale et orientale octroi de financements pour permettre aux décideurs politiques et à ceux qui s'occupent de la régulation des média d'effectuer des visites d'étude dans les pays d'Europe de l'Ouest, etc.

La troisième conférence ministérielle européenne sur la politique des communications de masse (Chypre, octobre 1991) a décidé la mise en place d'un Programme à moyen terme de formation des professionnels des média de ces pays, financé partiellement par des contributions volontaires des États-membres.

Les moyens financiers dégagés pour ce programme particulier ont permis au Conseil de l'Europe de répondre, en partie, aux besoins de formation des professionnels des secteurs de la radiodiffusion et de la presse écrite à travers l'organisation - en collaboration avec des organismes clés tels que l'Union européenne de Radio-Télévision (UER), la Fédération Internationale des Éditeurs de Journaux (FIEJ), la Fédération Internationale des Journalistes (FIJ), etc. - de séminaires, d'ateliers, de consultations ad hoc etc.

La formation dispensée est essentiellement de nature pratique. Elle vise à améliorer les savoir-faire des professionnels des média en matière de gestion, afin de permettre à ces média de fonctionner correctement dans leur nouvel environnement économique et politique dans lequel ils se trouvent. Cette formation a été orientée de façon à permettre à ces professionnels de se familiariser avec des questions clés, telles que l'éthique du journalisme, le droit d'auteur, la diffamation et tout un éventail d'autres domaines juridiques qui ont une importance décisive pour leur vie professionnelle.

La consécration de l'évolution démocratique du régime juridique audiovisuel de ces pays s'est manifestée par l'organisation de la quatrième conférence ministérielle européenne à Prague, les 7 et 8 décembre 1994.

Cette conférence a adopté plusieurs résolutions relatives à « l'avenir du secteur public de la radiodiffusion » , aux « libertés journalistiques et aux droits de l'homme » et une « déclaration sur les média dans une société démocratique ».

- par ailleurs le programme DÉMOSTHÈNE, porte sur l'institution d'une société démocratique et sur les réformes constitutionnelles, législatives et administratives qui en procèdent. Dans le cadre de ce programme, des missions de coopération juridique concernent les média, comme l'indique le tableau ci-après :

Programme DÉMOSTHÈNE du Conseil de l'Europe de coopération et d'assistances dans le domaine des média a destination des pays d'Europe centrale et orientale
(extraits)


Bulgarie

- Atelier régional de formation sur la législation sur la presse (Blagoevgrad, 25-27 juin 1993),

- Mission d'expertise sur le projet de loi sur la radio et la télévision (Sofia, 4-6 octobre 1993),

- Atelier de formation sur l'efficacité des programmes, à la demande de la Radio bulgare (fin 1993),

- Séminaire sur les principes de base pour la création de média libres et démocratiques (Sofia, 27-28 octobre 1994).


République Tchèque

- Mission d'expertise sur le projet de loi sur les média (Prague, novembre 1990),

- Mission d'expertise sur le projet de loi sur les média (Prague, 12-13 décembre 1991).

- « consultation volante » auprès de la Radio Tchèque (Prague, 26-28 novembre 1991).

- Atelier sur la réglementation de la radiodiffusion à l'intention des décideurs politiques (Prague, 18-20 décembre 1992)


Hongrie

- Mission d'expertise sur le projet de loi relative aux média (Budapest, 8-10 août et 25 septembre 1990),

- Séminaire sur les média à l'intention des décideurs politiques (Budapest, 26-28 septembre 1990),

- Atelier de formation sur l'éthique du journalisme à l'intention de la Télévision hongroise (Budapest, 13 décembre 1993),

- Mission d'expertise sur le projet de loi relative à la radiodiffusion (Budapest, 17-18 août 1994).


Pologne

- Séminaire de formation sur des questions juridiques en matière de radiodiffusion (Varsovie, 23-24 janvier 1992),

- Atelier de formation sur le cadre juridique de la radiodiffusion (Popova, 8-9 mai 1992),

- Atelier de formation sur la radio locale et régionale en Pologne (Varsovie, l4-17 février I993),

- Atelier de formation sur la gestion de la presse (Varsovie, 24-26 septembre 1993),

- Séminaire sur le fonctionnement des autorités de régulation dans le secteur de la radiodiffusion (Varsovie, I8-I9 novembre 1994).


Roumanie

- « Consultation volante » auprès de la Radio Roumaine (février I993).

- Missions d'expertise sur le projet de loi relative au statut et au fonctionnement de Radio Roumanie et de la Société Roumaine de Télévision (Bucarest, 16-19 mars 1993 et 7-9 avril 1994).

- Stage de perfectionnement au journalisme et à la production radiophonique (Iasi, 2 novembre 1993),

Séminaire sur le rôle des média dans une société multiculturelle (Bucarest, 28-30 septembre 1994).

- Atelier sur le droit des média à l'intention des juges, juristes praticiens et autres conseillers juridiques (Bucarest, 21 novembre 1994)

Source : Conseil de I Europe

Ces missions ont contribué à mettre en place, dans ces pays, le cadre juridique de l'audiovisuel et de la presse écrite.

Un « groupe d'experts du Conseil de l'Europe sur les média dans une perspective paneuropéenne », qui s'est réuni pour la première fois à Strasbourg, les 11-12 et 13 avril 1995, a permis de dresser le bilan des différentes actions de coopération engagées.

- le fonds EURIMAGES, créé le 1 er janvier 1989, se définit comme un « fonds paneuropéen de soutien » à l'industrie cinématographique audiovisuelle européenne. Regroupant, en avril 1995. 24 membres - dont l'Autriche, la Bulgarie, la République Tchèque, la Hongrie, la Pologne -, il vise à encourager le développement des coproductions multilatérales, associant des producteurs venant d'au moins trois États membres du fonds et leur distribution en Europe à travers l'octroi d'un soutien financier. Il est doté de 160 millions de francs.

- enfin, la Pologne est le seul État de la région à avoir adhéré à la C onvention européenne sur la télévision transfrontière, élaborée par le Conseil de l'Europe et entrée en vigueur le 1 er mai 1993.

Cette convention a pour objet d'établir un cadre pour la circulation transfrontière de programmes de télévision, quel que soit leur mode de diffusion. La convention oblige les radiodiffuseurs à réserver, chaque fois que cela est réalisable et par des moyens appropriés, une proportion majoritaire de leur temps de diffusion de programmes transfrontières à des oeuvres européennes.

Il s'agit donc, en quelque sorte, d'une extension de la directive Télévision sans frontières de 1989 aux pays membres du Conseil de l'Europe.

(2) Dans le cadre de l'Union européenne

La coopération dans le domaine des média, entre l'Union européenne et les pays d'Europe centrale et orientale fut pratiquement inexistante jusqu'en 1995.

L'audiovisuel n'a pas été jugé assez prioritaire pour que des crédits consacrés à des programmes d'assistance technique soient attribués à des entreprises du secteur audiovisuel.

- L'audiovisuel n'est pas directement concerné par les programmes communautaires PHARE et TEMPUS à destination de l'Europe centrale et orientale. Le programme PHARE, initialement destiné à la Pologne et à la Hongrie, progressivement élargi à l'ensemble des pays de la région à partir de 1989, prévoit cependant une formation à la gestion des droits d'auteur. De même, le programme TEMPUS, adopté en mai 1990, concerne la promotion de la coopération et la mobilité dans l'enseignement supérieur.

- Le programme MEDIA d'aide à la production audiovisuelle ne concerne pas davantage les pays d'Europe centrale et orientale puisque seuls les États membres de l'Union européenne en bénéficient. Son renouvellement sous la forme d'un programme MEDIA 2 pour la période 1996-2000 n'a pas non plus donné l'occasion de son extension aux pays d'Europe centrale et orientale, à l'exception de la Hongrie qui est entrée dans le plan MEDIA 1, en 1994, en apportant toutefois une contribution de 500 000 Écus.

On ne peut que regretter une telle situation, alors même que les marchés d'Europe centrale et orientale devraient constituer une priorité pour l'industrie européenne de l'audiovisuel.

Les pays d'Europe centrale et orientale craignent par ailleurs, dans la perspective de l'adhésion à l'Union européenne, de ne pouvoir respecter la totalité de l'acquis communautaire en matière audiovisuelle et notamment la directive Télévision Sans Frontières de 1989. En effet, celle-ci impose un quota minimum de diffusion d' oe uvres nationales et européennes que ces États sont incapables de remplir compte tenu de la faiblesse ou de la quasi-inexistence d'une industrie nationale de programmes audiovisuels. Il n'est cependant pas sans intérêt de relever que la Pologne est le seul État d'Europe centrale et orientale à avoir ratifié la Convention européenne sur la télévision transfrontière.

De plus, ni la Banque européenne de reconstruction et de développement ni la Banque européenne d'investissement n'interviennent dans la rénovation des infrastructures des industries de programme, qui constituent cependant un élément essentiel pour faciliter la circulation des oeuvres européennes.

b) un renforcement nécessaire de la coopération culturelle

Il s'agit tout d'abord d'une question de principe.

Après la première guerre mondiale, la culture était ressentie en Europe centrale et orientale comme ayant permis aux différents peuples soumis aux tutelles russe, germanique ou turque de préserver leur identité nationale.

Ce rôle primordial de la culture s'est, du reste, renforcé pendant les quarante-cinq années d'immersion de « l'Europe de l'Est » dans le bloc communiste.

Le sentiment d'appartenance à un ensemble lié par une communauté de destin historique et culturel a toujours alimenté les réflexions et les revendications des dissidents et des exilés. Cette conception d'un destin culturel commun est maintenant parfois rejetée, car elle ne semble pas offrir de réponse aux défis actuels auxquels ces pays sont confrontés dans le domaine économique, social et politique.

Pourtant, c'est de leur ancrage à l'espace culturel ouest-européen - qu'ils considèrent comme un complément naturel, même s'ils en sous-estiment les valeurs marchandes - que les peuples de l'Europe médiane attendent une modification de leurs conditions d'existence. Une évolution économique favorable et l'intégration à une vaste zone culturelle constitueront à moyen terme les meilleurs moyens de surmonter les tentations nationalistes.

De leur côté, les Occidentaux pourraient redécouvrir chez leurs voisins immédiats les plus ardents défenseurs des valeurs de culture et de solidarité dont auraient bien besoin leurs sociétés d'abondance.

Il s'agit par ailleurs de répondre à une demande.

Dès la Conférence européenne audiovisuelle du 1 er juillet 1994, les perspectives paneuropéennes ont été abordées.

Un premier échange de vue entre les ministres de la Culture et de la Communication des pays de l'Union européenne et des pays d'Europe centrale et orientale eut lieu les 13 et 14 février 1995 à Bordeaux. À cette occasion fut affirmée « l'ambition commune de bâtir une politique audiovisuelle européenne plus dynamique et mieux structurée à l'échelle des vingt et un pays ».

Lors de la réunion des ministres des Affaires audiovisuelles et culturelles de l'Union européenne et des six pays associés d'Europe centrale et orientale qui s'est tenue le 4 avril 1995, à Luxembourg, les ministres de ces pays ont exprimé le souhait de participer aux programmes communautaires dans le domaine audiovisuel, compte tenu des difficultés que le passage à l'économie de marché provoque pour des activités culturelles - et notamment audiovisuelles -, qui étaient auparavant totalement soutenues par l'État.

Il ne serait pas logique, - et pratiquement impossible -, d'imposer à ces futurs États de l'Union européenne le respect d'obligations communautaires relatives à la diffusion d'oeuvres nationales ou européennes si ces États ne sont pas dotés d'une industrie audiovisuelle.

c) la coopération décentralisée

Il s'agit d'une dimension importante de la coopération dans le domaine audiovisuel.

On peut citer à titre d'exemple, le programme « École Francophone de Droit », qui a démarré en 1993, réalisation conjointe de la Faculté de Droit de 1'Université de Poitiers et du Centre National d'Enseignement à Distance (C.N.E.D.).

Qu'il s'agisse d'expertise, d'information, d'encadrement de la recherche ou de formation initiale et professionnelle, la demande de coopération juridique présentée par les pays d'Europe Centrale et Orientale, est importante. L'économie, mais aussi le droit, sont à reconstruire. Dans ce but, les juristes recherchent des exemples dont ils pourraient s'inspirer pour élaborer des réformes économiques, sociales, politiques, rédiger des codes, réorganiser les études juridiques et la justice. Le projet d'École francophone de droit pourrait permettre aux juristes francophones de relever un défi majeur car l'enjeu, c'est la vitalité du modèle juridique francophone, et au-delà, de la place de la langue française dans le domaine du Droit.

Attentif aux demandes formulées et respectueux de leurs particularismes, ce programme - de niveau troisième cycle - repose sur une structure de réseau. Il a pour objectif principal d'assurer de façon périodique et sous forme de vidéotransmission interactives (émissions d'une heure et demie télédiffusées par satellite à partir du service audiovisuel du Centre national d'Enseignement à distance implanté sur le Futuroscope de Poitiers), un soutien aux formations juridiques localement dispensées.

Ce programme vise également à :

- fédérer à l'intérieur d'un programme de conception et de réalisation française les meilleurs spécialistes des sujets traités,

- instaurer un dialogue en direct (ou « interactif ») avec les destinataires de l'émission : étudiants, enseignants et chercheurs mais aussi avec toute personne déjà dans la vie professionnelle (une telle émission concilie donc les besoins en formation initiale et permanente).

- répondre aux besoins en formation des pays bénéficiaires des émissions dans des secteurs intéressant prioritairement leur développement et leur intégration à l'espace communautaire européen.

Le recours aux méthodes de la formation à distance et à des supports innovants permet, d'une part, de renforcer et de démultiplier les habituelles relations (invitations et missions sur le terrain), et d'autre part, d'établir une action de coopération suivie et continue. À cet égard, les vidéotransmissions interactives constituent un moyen motivant et efficace pour établir un contact permanent, pour faire pénétrer en direct les milieux professionnels dans les universités partenaires, répondre aux questions posées d'avance, éclaircir certains points de programmes, susciter l'intérêt des publics ciblés par une participation active grâce à des interventions en direct pendant les liaisons (téléphone, télécopie, courrier électronique).

Les vidéotransmissions interactives sont semblables à des séminaires de troisième cycle avec intégration de supports pédagogiques pour favoriser la clarté et la compréhension des sujets traités (schémas, diagrammes, tableaux, modules vidéo...).

Des documents pédagogiques accompagnent ces émissions comprenant notamment une synthèse et une bibliographie exhaustive ainsi que des lexiques multilingues.

En complément du programme annuel de vidéotransmissions interactives, une formation sanctionnée par un diplôme a été organisée, en I99S, sous la forme d'une université d'été entre Poitiers et Varsovie.

L'intérêt de l'extension du programme « École francophone de droit » serait de créer des cursus associant l'enseignement à distance aux enseignements locaux, ainsi relayés et renforcés, qui constitueraient des éléments intégrateurs à l'Europe.

L'extension d'un tel programme contribuerait aussi à un rayonnement de la présence culturelle et scientifique de la France en Europe centrale où la recherche française bénéficie notamment dans le domaine juridique, d'un indéniable crédit. De plus, les sites de réception pourraient être employés pour d'autres programmes, dans d'autres disciplines et pour d'autres publics (universitaires, spécialistes, mais aussi extra-universitaires).

Après une première phase expérimentale, certains pays ont manifesté leur intérêt pour un tel projet. Il leur faudrait toutefois se doter des infrastructures techniques et matérielles nécessaires avant de créer de véritables sites de réception autonomes et responsables de leurs formations.

Il s'agit de :

- la Pologne : Universités de Varsovie, Cracovie, et Wroclaw,

- la Bulgarie : Université de Sofia,

- la Roumanie : Université de Bucarest,

- la République Tchèque : Université de Prague.

L'Estonie, la Lettonie et la Slovaquie sont également intéressées.

Actuellement, les vidéotransmissions interactives sont diffusées en bande TELECOM, et par EUTELSAT 2 FI (13°E) 8 ( * ) .

Le vif intérêt suscité par ce programme s'explique par la francophilie de ces pays.

4. Des pays francophiles

Les pays d'Europe centrale et orientale sont, en général, des pays francophones et francophiles.

La Bulgarie et la Roumanie ont, du reste, reçu, lors du sommet de l'Île Maurice, en octobre 1993, le statut de membres de plein droit du Conseil permanent de la francophonie, dont ils étaient membres associés.

a) Les francophones en Europe centrale et orientale

Le nombre de francophones dans cette région n'est pas connu avec précision. On estimait, en 1992, et en incluant l'URSS, à un million, le nombre de personnes parfaitement francophones et à quatre millions, le nombre de personnes comprenant le français.

Une connaissance précise des locuteurs francophones, ou, au moins, du nombre de personnes comprenant notre langue, est pourtant le préalable indispensable à toute action audiovisuelle de la France dans cette région.

Il semble toutefois que la demande d'enseignement en français progresse en Europe centrale et orientale et qu'elle pourrait donc être utilement relayée par la présence de nos média dans ces pays.

b) L'enseignement du français en Europe centrale et orientale
(I) Un potentiel important

L'étude de 1994 consacrée à « l'enseignement du français dans le monde » publiée dans le rapport annuel du Haut Conseil de la Francophonie permet d'apprécier la croissance de l'enseignement de notre langue dans les pays d'Europe centrale et orientale et, par conséquent, la réceptivité potentielle de ces pays aux programmes audiovisuels ou à la presse écrite francophones.

Entre 1985 et 1994, le nombre « d'enseignés de français » 9 ( * ) a fortement progressé dans les pays d'Europe centrale et orientale 10 ( * ) . Il est passé de 3,3 millions de personnes (soit 5,7 % du total « d'enseignés de français » dans le monde) à plus de 5 millions de personnes (soit 8,8 %). La demande en langues étrangères et la chute de l'enseignement du russe ailleurs qu'en Russie ont, depuis 1989, bénéficié au français comme aux autres langues.

Mais la situation entre les pays d'Europe centrale et orientale reste très inégale, comme en témoigne le tableau ci-après :

De ce tableau se détachent nettement deux pays, la Roumanie et la Bulgarie, qui disposent du plus fort potentiel de francophones de la région, au regard du nombre d'élèves apprenant le français.

(2) Un renouveau des établissements culturels, relais de l'audiovisuel

Dans la mesure où les programmes audiovisuels pédagogiques sont largement utilisés et où les émissions de radio ou de télévision, les journaux et magazines français sont disponibles dans les établissement culturels français en Europe centrale et orientale, leur multiplication constitue un indice de l'intérêt croissant suscité par la culture française, exprimée au travers de audiovisuel, qui en est le principal vecteur.

En Pologne, l'Institut français de Varsovie a connu un développement rapide. En avril 1992, il a organisé un « mois de la France » dans toute la Pologne. La même année, ce pays comptait douze Alliances françaises dont trois créées récemment au sud.

L'Institut français de Budapest, qui a fusionné avec l'Alliance française, a été inauguré en mai 1992. Il possède notamment une vidéothèque de 15 000 bandes.

L'Institut culturel français de Sofia a réouvert en décembre 1990 et le réseau des Alliances françaises se reconstitue.

En République Tchèque et en République Slovaque, le réseau des Alliances françaises, sans égaler celui de la Tchécoslovaquie d'avant 1939, qui atteignait 70 centres, est en cours de reconstitution, avec 13 établissements ouverts à partir de 1992.

(3) Des efforts à poursuivre

Dans les pays d'Europe centrale et orientale, le rapport « d'enseignés de français » sur le total des élèves scolarisés, qui dépasse 75 millions de jeunes, est de 6,7 % (contre 20,9 % en Europe occidentale). Le taux de scolarisation en français 11 ( * ) demeure cependant faible (1,4 %, contre 3,8 % en Europe occidentale).

La francophonie a donc encore des progrès à faire.

L'étude du Haut Conseil révèle en effet que l'existence d'émissions de français comme langue étrangère à la radio et/ou la télévision est inégalement assurée dans les pays d'Europe centrale et orientale : seules la Roumanie, la Bulgarie, la République Tchèque diffusent de telles émissions sur les deux média. En revanche, la Pologne n'utilise que la télévision et l'Autriche, uniquement la radio. Aucune émission pédagogique de français n'est diffusée en Hongrie.

Le Haut Conseil est donc amené à constater que l'enseignement du français « reste relativement peu développé dans un monde où les média sont pourtant de plus en plus présents ». Toutefois, TV5 diffuse plusieurs programmes d'enseignement dont Bienvenue en France ou Victor, tandis que le ministère des Affaires étrangères et la Délégation générale à la langue française proposent à tous les bureaux de coopération linguistique et éducative le magazine France TV Magazine.

À ces rappels plutôt positifs s'ajoutent cependant des éléments plutôt négatifs. L'étude du Haut Conseil souligne en effet « qu'en matière de méthodes télévisées, l'offre française souffre d'un double handicap Tout d'abord elle est relativement faible (aucune méthode mise en place depuis B ienvenue en France) ; ensuite, elle est peu diversifiée et donc souvent inadaptée », car elle vise un public universel ce qui, pour le Haut Conseil, est « évidemment illusoire et l'amène à ne pas tenir compte des particularités culturelles fortes des téléspectateurs ».

Pour ce qui est des pays d'Europe centrale et orientale, le Haut Conseil note que si, du fait de la quasi inexistence de programmes de français dans ces pays avant 1989, la situation s'est améliorée, elle devrait l'être davantage encore. La francophonie audiovisuelle souffre en effet « de manque d'équipements et de formations d'enseignants pour pouvoir optimaliser cette offre nouvelle ».

Il est donc évident qu'il serait inutile de renforcer l'offre audiovisuelle de programmes pédagogiques en français si l'accompagnement pédagogique ne suivait pas...

III. DES MEDIA À CONSTRUIRE

A. L'AUDIOVISUEL DANS « L'EUROPE DE L'EST » AVANT 1989

1. Un instrument de propagande au service des partis communistes

En raison du contrôle qu'ils exerçaient sur l'ensemble du système, les services centraux des partis communistes définissaient ce qui devait être rendu public et ce qui ne le devait pas.

La presse et l'audiovisuel étaient au service du parti en étant conçus comme un outil de propagande de l'idéologie officielle du régime.

2. Des éléments sporadiques de liberté

Les courtes périodes de libéralisation politique, en 1956 à Budapest, en 1968 à Prague, notamment, furent caractérisées par un brusque, mais fragile renouveau de la liberté d'expression.

On se souvient, avec émotion, des appels lancés à la radio hongroise par le cardinal Mindszenty, le 3 novembre 1956, et par Imre Nagy, dans la nuit du 4 au 5 novembre, avant l'entrée des troupes soviétiques.

Jusqu'en 1989, les tentatives d'émancipation des pays d'Europe de l'Est se sont manifestées par une brusque libéralisation de la liberté d'expression, aussitôt brutalement réprimée.

La liberté de communication et la liberté d'expression étaient plus formelles que réelles. Dans les faits, elles n'existaient pas, même si la presse clandestine pouvait fleurir, à l'occasion de mouvements sociaux, comme en Pologne, dans les années soixante-dix.

B. L'ÉCLOSION DE LA LIBERTÉ D'EXPRESSION (1989-1994)

1. La liberté de communication dans les constitutions des pays d'Europe centrale et orientale

La fin des régimes communistes s'est traduite par la co nstitutionnalisation de la liberté d'expression.

? En Bulgarie, l'article 39 de la Constitution du 12 juillet 1991, l'un des trente-six articles du chapitre II relatif aux Droits et obligations fondamentaux des citoyens, proclame la liberté de communication en ces termes :

« 1. Chacun a le droit d'exprimer librement ses opinions et de les diffuser par le langage - parlé ou écrit -, par le son, par l'image ou par d'autres moyens.

« 2. Ce droit ne peut être invoqué pour porter atteinte aux droits et à la réputation d'autrui, pour exhorter à modifier de force l'ordre constitutionnel établi, pour commettre des crimes, pour inciter à la haine ou à la violence contre la personne humaine ».

L'article 18 affirme que l'État bulgare :

« exerce des droits souverains sur le spectre des radio-fréquences et les positions sur l'orbite géostationnaire, fixés pour la République de Bulgarie en vertu d'accords internationaux »,

En même temps, ce texte proclame le monopole de l'État sur les réseaux nationaux des télécommunications.

? En Hongrie, la Constitution du 20 août 1949, révisée à plusieurs reprises, notamment entre 1989 et 1994, consacre, dans un chapitre XII intitulé Les droits et obligations fondamentaux, un article 61 à la liberté d'expression.

Celui-ci prévoit une règle de procédure pour l'adoption, au Parlement, des textes relatifs à l'audiovisuel et à la presse sous forme d'une majorité qualifiée.

« I. Dans la République de Hongrie, toute personne a droit à la liberté d'expression et à recevoir et à diffuser les informations d'intérêt public.

« 2. La République de Hongrie reconnaît et protège la liberté de la presse.

« 3. L'adoption de la loi sur la publicité des informations d'intérêt public et de celle sur la liberté de la presse requiert la majorité des deux tiers des voix des députés présents.

« 4. L'adoption de la loi sur la surveillance de la radio, de la télévision et de l'agence de presse ayant un statut de service public, sur la nomination de leur dirigeants, de celle sur l'octroi de licences pour la radio et la télévision commerciales, et sur la suppression des monopoles d'information requiert la majorité des deux tiers des voix des députés présents ».

La révision de la constitution hongroise du 23 octobre 1989 est le premier texte d'un État de l'ancienne Europe communiste à avoir proclamé 1a liberté d'expression, au sens où l'entend l'Europe de l'ouest.

? Parmi les dispositions de la Constitution de la République de Pologne du 22 juillet 1952 maintenues en vigueur en vertu de la loi constitutionnelle du 17 octobre 1992, l'article 83, du chapitre VIII intitulé Les droits et obligations fondamentaux des citoyens, proclame que :

« La République de Pologne garantit aux citoyens la liberté d'expression, de publication, de réunion et de meeting, des défilés et des manifestations ».

De même, un Conseil national de la radiodiffusion et de la télévision est consacré par l'article 36b de la Constitution du 22 juillet 1952 :

« 1. Le Conseil national de la radiodiffusion et de la télévision est le garant de la liberté d'expression, de la réalisation du droit des citoyens à l'information ainsi que de l'intérêt public dans le domaine de la radiodiffusion et de la télévision.

« 2. Les membres du Conseil national de la radiodiffusion et de la télévision sont nommés par la Diète, le Sénat et le Président de la République.

« 3. Sur la base de la loi et en vertu de son exécution, le Conseil national de la radiodiffusion et de la télévision adopte des règlements et des résolutions.

« 4. Les règles de nomination des membres du Conseil national de la radiodiffusion et de la télévision ainsi que l'organisation et le mode de fonctionnement de ce Conseil sont fixés par la loi »

? En Roumanie, l'article 31 du chapitre II, intitulé Les droits fondamentaux et libertés fondamentales, de la Constitution du 8 décembre 1991 dispose que :

« 1. Le droit de la personne d'avoir accès à toute information d'intérêt public ne peut être limité.

« 2. Les autorités publiques, conformément aux compétences qui leur incombent, sont tenues d'assurer l'information correcte des citoyens au sujet des affaires publiques et des affaires d'intérêt personnel.

« 3. Le droit à l'information ne doit pas porter préjudice aux mesures de protection des jeunes gens ou à la sécurité nationale.

« 4. Les mass média, publics et privés, sont tenus d'assurer l'information correcte de l'opinion publique.

« 5. Les services publics de la radio ou de la télévision sont autonomes. Ils doivent garantir aux groupes sociaux et politiques importants l'exercice du droit à l'antenne. L'organisation desdits services et le contrôle parlementaire de leur activité sont réglementés par une loi organique » .

? Si la Constitution de la République Tchèque du 16 décembre 1992 ne contient pas de dispositions spécifiques à la liberté de communication, en revanche, la Charte des droits fondamentaux et libertés fondamentales du même jour lui consacre un article 17 ainsi rédigé :

« 1. La liberté d'expression et le droit d'être informé sont garantis.

« 2. Toute personne a le droit d'exprimer ses opinions sous une forme orale, écrite, imprimée, par image ou par tout autre moyen de son choix et de rechercher et de diffuser librement des idées et des informations de toute espèce, sans considération des frontières.

« 3. La censure est prohibée.

« 4. La liberté d'expression et le droit à rechercher et à diffuser l'information ne peuvent faire l'objet que des seules restrictions imposées par la loi et qui sont nécessaires dans une société démocratique pour protéger les droits et les libertés d'autrui, la sécurité nationale, la sûreté publique ou la santé et la moralité publiques ».

2. La fin des monopoles d'État de radiodiffusion

L'avènement de régimes démocratiques et la proclamation, constitutionnelle, de la liberté d'expression ont été rapidement suivis du démantèlement, de jure ou de facto, des monopoles publics.

La période transitoire, pendant laquelle le maintien de lois établissant le monopole de radiodiffusion a coexisté avec un développement plus ou moins anarchique d'opérateurs audiovisuels privés, a duré plus ou moins longtemps. La Hongrie se distingue par un débat long d'environ six ans (automne 1989 - décembre 1995), tandis que la Bulgarie se singularise par le maintien de dispositions transitoires qui n'ont pas empêché l'autorité de régulation provisoire d'octroyer des autorisations à des radiodiffuseurs privés.

Chaque État s'est doté d'un système de régulation de la communication audiovisuelle, alors que des opérateurs nationaux ou internationaux privés apparaissaient sur leurs marchés. Les paysages audiovisuels d'Europe centrale et orientale sont très divers. Chaque pays a suivi une voie propre, compte tenu de ses spécificités économique, politiques, culturelles et sociales. Cette diversité, ce pluralisme, tranchent singulièrement avec le monolithisme et l'uniformité de l'audiovisuel dans la défunte Europe de l'Est.

DEUXIÈME PARTIE : DES SYSTÈMES AUDIOVISUELS EN GESTATION

I. LE PAYSAGE AUDIOVISUEL. EN EUROPE CENTRALE ET ORIENTALE : DES SITUATIONS CONTRASTÉES

L'audiovisuel dans les pays d'Europe centrale et orientale est confronté à un triple défi :

- un défi politique, avec la rénovation du cadre juridique permettant de rompre avec le pouvoir d'État et d'introduire le pluralisme,

- un défi économique, à travers l'irruption de l'économie de marché au sein de la « sphère communicationnelle »,

- un défi social, avec la mutation profonde du rôle de la télévision et le Passage brutal de la télévision d'État, ayant une vocation politique, civique et pédagogique à la télévision de distraction, reflet de la société de consommation.

À ces défis, les média se sont adaptés par une mutation sans précédent, dans son ampleur comme dans sa rapidité.

En moins de 5 ans, on est passé d'une télévision d'État, diffusant peu, des programmes austères, privilégiant « l'éducation des masses », généralement sans publicité, à un paysage audiovisuel se rapprochant de celui de l'Europe de l'ouest : fin des monopoles et privatisations, diversification des programmes, axée sur le divertissement, introduction de la publicité et de la concurrence.


• Le nouveau cadre juridique de la législation sur l'audiovisuel et la presse écrite poursuit un triple objet :

- affirmer l'indépendance de l'audiovisuel public ou de la presse écrite à l'égard de l'État ;

- instituer une autorité régulatrice indépendante :

- affirmer le principe de la liberté de publication - pour la presse -, d'émission ou de création - pour l'audiovisuel - d'une chaîne de télévision privée ou d'une radio, et, éventuellement, privatiser une ou plusieurs chaînes publiques.


• Sur le plan économique, la faiblesse du pouvoir d'achat limite le niveau de la redevance destinée au financement des chaînes publiques. Celles-ci doivent donc disputer aux nouvelles chaînes privées une partie des ressources publicitaires.


• Enfin, sur le plan social et culturel, le passage de la télévision concourant à l'instruction du peuple, diffusant une culture nationale - ou internationaliste - à la télévision de divertissement, ouvrant une fenêtre sur l'Occident et ses valeurs marchandes s'est effectué très brutalement.

A. L'AUTONOMIE DE L'AUDIOVISUEL PAR RAPPORT AU POUVOIR EST INÉGALEMENT ASSURÉE

L'organisation du secteur audiovisuel, - et pour ce qui concerne plus particulièrement les traits communs des instances de régulation de l'audiovisuel dans ces pays -, est marquée par des liens étroits avec le Parlement et des relations difficiles avec le pouvoir.

1. Une forte implication du Parlement dans le secteur audiovisuel

En général, le lien entre l'autorité de régulation de l'audiovisuel et le Parlement est beaucoup plus fort dans les pays d'Europe centrale et orientale qu'en France.

Tout ou partie des membres de cette instance peut être nommée ou élue par le Parlement : 6 membres sur 12 en Pologne, l'ensemble des 9 membres en République Tchèque, tous les membres, à égalité entre majorité et opposition, en vertu de la nouvelle loi sur l'audiovisuel en Hongrie, 6 membres sur 11 en Roumanie.

Cette instance est toujours responsable devant le Parlement. C'est notamment le cas en République Tchèque - lorsque le rapport d'activité de l'autorité de régulation est rejeté -, en Hongrie et en Roumanie. En Pologne cette responsabilité collective devant le Parlement se double d'une responsabilité personnelle, du Président de l'autorité de régulation, devant le chef de l'État.

2. Les pouvoirs des autorités de l'audiovisuel sont étendus

La nomination des présidents de chaînes publiques est en général effectuée par l'autorité de régulation.

En République Tchèque, deux autres conseils, distincts de l'autorité de régulation proprement dite, peuvent révoquer les directeurs généraux de la télévision et de la radio publiques.

La gestion des fréquences et l'octroi d'autorisation d'émission sont de la responsabilité exclusive de cette autorité en Pologne et en République Tchèque. En revanche, deux instances administratives interviennent en Hongrie où jusqu'à la promulgation de la loi sur l'audiovisuel, il existait une commission d'attribution des fréquences du ministère de la culture et un institut de gestion des fréquences dépendant du ministère des télécommunications et en Roumanie, où une autorisation technique, délivrée par le ministre des télécommunications, précède l'octroi d'une licence par l'autorité de régulation de l'audiovisuel.

Cette dernière dispose de pouvoirs de sanction étendus. En Pologne, ces pouvoirs sont attribués au président de l'instance. En République Tchèque, en Hongrie et en Roumanie, les pouvoirs de sanction comprennent l'amende et le retrait de la licence. En Roumanie, un pouvoir de sanction est également reconnu au ministre des télécommunications en cas de non respect des prescriptions techniques.

3. Les relations avec les pouvoirs publics sont en général assez difficiles

En Pologne, le chef de l'État a révoqué quatre présidents successifs de l'instance de régulation. En République Tchèque, c'est le Parlement qui a rejeté, en 1994, le rapport d'activité de l'instance de régulation, conduisant à la démission de celle-ci. En Hongrie, deux présidents de la télévision publique ont été révoqués par le Gouvernement. En Roumanie, l'autorité de régulation éprouve de sérieuses difficultés pour imposer son autorité.

B. DES PAYSAGES AUDIOVISUELS EN MUTATION

1. Des paysages audiovisuels en développement pour satisfaire une demande croissante

a) L'offre audiovisuelle : une durée de diffusion relativement élevée

La première chaîne de télévision publique diffuse environ 18 heures par jour en Autriche, République Tchèque, Pologne et Roumanie, 15 heures quotidiennement en Hongrie, mais seulement 9 heures 30 en Bulgarie.

Durée hebdomadaire de diffusion en 1993

Source : UER (Revue technique et base PERSKY) /OBS Document Sénat
Nota en France, le maximum de diffusion hebdomadaire (168 heures) est atteint par TF1.

b) La demande audiovisuelle : davantage de foyers TV qu en France

Le nombre de foyers recevant la télévision était, en 1993, dans les pays d'Europe centrale et orientale considérés, d'environ 27 750 000. À titre de comparaison, il était, à la même époque, de 22 millions en France.

Nombre de foyers ayant la télévision en 1993

Source : OBS. Document Sénat

La Pologne représente à elle seule plus de 40 % des foyers télévision de la région, avec 11,6 millions de téléviseurs installés.

Les autres pays ont sensiblement le même nombre de foyers de téléspectateurs - entre 3 et 4 millions -La Roumanie représente 14 % des foyers télévision de la région, la Bulgarie 13 %, la République Tchèque 12,75 %, la Hongrie, 12,3 % et enfin l'Autriche 10,6 %.

Répartition des foyers TV en Europe centrale et orientale en 1993

Source : OBS. Document Sénat

Le taux de pénétration des récepteurs de télévision est supérieur à 90 % dans tous les pays d'Europe centrale et orientale étudiés, excepté la Roumanie (61,7 %). Il varie de 90,65 % pour la Pologne à 97 % pour la Bulgarie et même 99,09 % pour l'Autriche. Ce taux est, en France, de 96,3 %.

Le nombre de foyers équipés de deux téléviseurs ou plus n'est connu qu'en Europe centrale. Les chiffres sont relativement proches de ceux de la France (34 %) :

Autriche 42,0 %

(en % du nombre total de foyers)

République Tchèque (Prague) 26,3 %

Hongrie 22,0 %

Pologne 1,0 %

2. Des paysages audiovisuels en voie de diversification

Les pays d'Europe centrale et orientale sont engagés dans la voie du pluralisme de l'offre audiovisuelle, bien que de manière plus ou moins ordonnée selon les modes de diffusion.

Quant à la presse écrite et à la radio, elles assurent un véritable pluralisme.

a) Une concurrence récente entre système public et système privé pour les réseaux hertziens

Paradoxalement, l'Autriche demeure le seul pays de la région à disposer d'un monopole juridique au profit de l'audiovisuel public, même si des projets de libéralisation et de privatisation sont à l'étude.

En Pologne, deux chaînes publiques nationales affrontent la concurrence d'une chaîne privée.

Le succès de la chaîne privée tchèque a mis les deux chaînes publiques restantes - sur trois à l'origine - dans une situation financière difficile.

En Hongrie, un moratoire sur la privatisation réduit la seule chaîne privée existante à n'émettre que deux heures par jour, le matin, sur la fréquence de l'une des deux chaînes publiques. Mais la privatisation de la deuxième chaîne du secteur public devrait renforcer la concurrence avec le secteur privé.

En Roumanie et en Bulgarie, il n'existe pas de télévision privée nationale pouvant concurrencer les deux chaînes publiques. Les télévisions privées sont uniquement locales.

Exceptée l'Autriche, tous ces pays possèdent également des télévisions locales privées.

S'agissant de la privatisation d'une chaîne publique et/ou de la création d'une chaîne privée, la relative incertitude du cadre juridique, la concurrence importante du câble et du satellite, l'étroitesse des marchés nationaux et la faiblesse du pouvoir d'achat des téléspectateurs n'encouragent pas les groupes de communication de l'Europe de l'Ouest à investir. Ils se montrent relativement prudents, voire réservés. Parmi les groupes les plus dynamiques, on peut cependant citer Rupert Murdoch en Hongrie (NAP TV). Berlusconi en Pologne (Polonia 1), Canal + en Pologne également (Canal Polska).

On est cependant frappé par la diversité des investisseurs, disposant d'une expérience plus ou moins grande en matière de communication, et qui ont participé à la création de chaînes privées ou à la privatisation de chaînes publiques. D'anciens journalistes de l'audiovisuel public ont parfois tenté leur chance avec succès en créant une chaîne privée : c'est le cas pour la Pologne avec la chaîne privée (Polsat) et une chaîne locale (NTP Plus, créée également par un Français, ancien correspondant de TF1 à Moscou), de la Roumanie, pour l'une des chaînes privées locales (TL7 ABC). Des hommes publics ont également investi dans ce secteur : un ancien Ambassadeur des États-Unis en Hongrie détient la majorité des capitaux de la chaîne privée tchèque (Nova TV) ; il en est de même pour l'ancien joueur de tennis Ion Tiriac, en Roumanie.

D'autres investisseurs sont intervenus dans l'audiovisuel de ces pays mais sans avoir une réelle expérience : le groupe italien Marcucci, en République Tchèque, une société chypriote de commerce international, en Roumanie.

On peut relever le maintien d'une nette domination du secteur public en Pologne et en Hongrie et, inversement, la percée de la télévision privée en République Tchèque, avec Nova TV, laquelle a acquis une position pratiquement monopolistique en moins de neuf mois.

Cette situation est certainement précaire compte tenu de la diversification de l'offre télévisuelle mondiale grâce au satellite et au câble.

b) Une diffusion satellitaire en rapide développement

La consommation audiovisuelle au moyen des satellites reste mal connue, mais le nombre croissant de paraboles vendues reflète la rapide progression de ce mode de diffusion.

En 1993, le taux de foyers recevant des chaînes satellitaires était estimé à 16,4 % en Autriche, 8,2 % en République Tchèque et 4,5 % en Hongrie, soit nettement plus qu'en France (1.7 %), mais seulement 0,4 % en Bulgarie et 1.2 % en Roumanie.

c) Un développement du câble anarchique, dynamique et local

En 1993, là où le taux de raccordement était connu, il dépassait les 50 % : Autriche (52,36 %, soit 1,6 millions de foyers), République Tchèque (54,5 %, soit 2 millions de foyers), et Roumanie (53,3 %, soit 1.5 million de foyers), soit un taux deux fois supérieur a celui de la France (25 % environ).

Le taux d'abonnement variait de 5.2 % des foyers possédant la télévision en Pologne à 12,3 % en République Tchèque, 20 % en Roumanie. 21,1 % en Hongrie et 29,8 % en Autriche, contre moins de 7 % en France.

3. Une économie de l'audiovisuel encore faible mais dynamique

a) La redevance : de faibles ressource pour les chaînes publiques

La redevance est généralement très faible, lorsqu'elle existe, ce qui n'est pas le cas en Bulgarie. Cette situation s'explique par la faiblesse du pouvoir d'achat des ménages. Elle a pour conséquence d'assurer un niveau relativement faible de ressources pour les chaînes publiques ; celles-ci voient, par conséquent, dans le développement de la publicité une « manne » qui pourrait permettre d'assurer leur croissance.

On notera cependant le montant très élevé de la redevance en Autriche, qui est plus du double qu'en France (et qui s'élève à 203 Écus, dès lors qu'un ménage possède également un récepteur radio).

Montant annuel de la redevance télévision en 1994 (en Écus)

Source : UER OBS. Document Sénat.
Nota Pour la Pologne, la redevance inclut également la radio.

L'origine du financement des organismes de télévision du secteur public est diverse. Si la redevance domine nettement en Hongrie et en

Roumanie, si elle occupe une place importante en Autriche et en République Tchèque, la télévision publique bulgare se finance quasi-exclusivement par la publicité et la télévision publique polonaise par des ressources diverses.

Sources du financement des télévisions publiques en 1992-1993

Source : UER/OBS. Document Sénat

b) La publicité : un marche dynamique

Jusqu'en 1989, aucune entreprise occidentale n'avait eu le souci de construire une stratégie pour vendre ses produits en Europe centrale et orientale puisque l'unique interlocuteur était la centrale de commerce extérieur.

En incluant la Russie, cette région représente plus de 400 millions de consommateurs. Les annonceurs ne pouvaient donc s'en désintéresser. Si les pays d'Europe centrale et orientale sont encore des marchés où la presse joue un rôle majeur, l'écart entre les parts de marchés de l'audiovisuel et de l'écrit tend à diminuer et, en Pologne, s'est même retourné en faveur de la télévision.

Pour les investisseurs publicitaires, ces marchés offrent des attraits non contestables. Le niveau d'équipement des foyers en postes de télévision est presque partout supérieur à 90 %. Les taux de couverture des chaînes nationales sont proches de 100 %. En revanche, l'équipement en postes de télévision couleur dépend du degré de développement économique du pays.

La croissance des investissements publicitaires dans les télévisions permet le financement de la diversification de l'offre télévisuelle.

La publicité télévisée, pratiquement inexistante dans les pays de l'Europe de l'Est avant 1989, sauf en Hongrie, occupe désormais une part importante des investissements publicitaires totaux.

Cette part atteint, en 1995, 53 % en Pologne mais n'est que de 43 % en Hongrie et en République Tchèque où la presse représente respectivement 47 % et 44 % des investissements publicitaires.

Les marchés publicitaires connaissent dans ces pays une croissance à deux chiffres, taux de progression qui a disparu d'Europe occidentale depuis 1992.

Répartition des investissements publicitaires en 1995

Source : IP. Document Sénat.

Cette croissance a été particulièrement forte en Hongrie et en République Tchèque, seuls pays pour lesquels on dispose de statistiques fiables.

Pour la seule République Tchèque, le marché publicitaire global, après une croissance exceptionnelle en 1993 (+43.7 %), a connu une bonne année 1994 (+16,3 %). Elle devait augmenter de 15 % en 1995. Pour la télévision, les bouleversements induits

par le succès de Nova TV conduisent cependant les observateurs 12 ( * ) à douter de la capacité du marché publicitaire à absorber une croissance de l'offre télévisuelle. Les investissements publicitaires, après avoir crû très fortement en 1994 (+42 %), en raison de l'arrivée sur le marché de Nova TV, doivent retrouver en 1995 un taux plus normal de progression (+14,6 %). Sur le marché de la radio, si le nombre de nouvelles stations augmente, l'audience globale de ce média baisse. La progression de l'audience des radios privées ne compense pas la chute de l'audience des radios publiques. Les investissements publicitaires dans ce média devraient toutefois progresser de 46 % en 1995. Enfin, les investissements dans la presse écrite ont marqué une pause (+2,7 % en 1994, contre 34 % en 1993), malgré le lancement de plusieurs titres de presse magazine en raison d'un manque d'agressivité des politiques commerciales. L'année 1995 devrait cependant connaître une progression de 12,6 %.

Investissements publicitaires dans la télévision
(en millions de dollars)

Source : OBS. Document Sénat

4. Quel équilibre pour l'audiovisuel ?

L'équilibre idéal semble être constitué par une chaîne privée pour deux chaînes publiques.

Les marchés nationaux dans ces pays sont trop étroits pour garantir la pérennité de deux chaînes commerciales privées qui seraient rapidement conduites à se disputer une ressource publicitaire encore faible et limitée. De même, l'existence de deux chaînes publiques permet le partage des obligations de service public qui autrement pèseraient lourdement sur une seule chaîne.

Le droit d'expression des minorités pourrait en effet constituer à l'avenir une obligation de service public incombant aux seules télévisions publiques. De surcroît, il n'est pas garanti que ce type de programmes connaisse beaucoup d'audience.

II. L'AUTRICHE SEUIL DE LA PRIVATISATION

Membre de l'Union européenne depuis le 1 er janvier 1995, l'Autriche ne fait pas partie, à proprement parler, de « l'Europe centrale et orientale ».

État neutre, à la charnière de l'Ouest et de l'Est pendant plus de quarante ans, elle se trouve aujourd'hui directement en contact avec les nouvelles démocraties d'Europe centrale et orientale, dont elle partage un passé historique et culturel.

A. UN AUDIOVISUEL PRÉ-CONCURRENTIEL

L'Autriche est aujourd'hui le seul pays de l'Union européenne disposant d'un paysage audiovisuel monopolistique.

Toutefois, la forte pénétration du câble et du satellite assure un pluralisme incontestable au paysage audiovisuel autrichien.

1. Le système de régulation

L'Autriche n'a traditionnellement pas de ministre chargé de l'information. L'information, de même que le statut de l'ORF - l'établissement public de radiodiffusion - est uniquement régie par des lois constitutionnelles et des textes législatifs ordinaires.

Ainsi, la loi constitutionnelle du 10 juillet 1974 garantit l'indépendance de la radiodiffusion, cependant qu'une loi du 28 septembre 1984, révisée en 1985, 1986 et 1987, régit l'organisation, le fonctionnement et le contrôle de la radio et de la télévision. De simples directives internes de l'ORF précisent la grille horaire, les tarifs de publicité, les conditions de travail des journalistes, les orientations des émissions...

L'Intendant Général est nommé pour une période de quatre ans (renouvelable sans limitation) par le « Kuratorium ».

L'Intendant Général de l'ORF est, depuis 1995. M. Gerhard Zeiler, ancien directeur de la brillante chaîne privée de télévision RT L. 2. Âgé de quarante ans, il est considéré comme proche des socialistes (il a été le secrétaire personnel des chanceliers Sinowatz et Vranitzky). C'est à lui que devrait incomber la transformation de l'ORF la fin du monopole, et l'avènement de la privatisation. Il a procédé à un rajeunissement des cadres, à des économies budgétaires, à une simplification des méthodes et de la gestion, et à la modernisation des programmes, qui ont été la clé de sa réussite en Allemagne. Mais il devra compter avec les structures politico-administratives de l'ORF, qui assurent l'indépendance éditoriale des deux chaînes, ce qui crée aussi un lien très fort avec toutes les forces qui comptent en Autriche. Et l'on ne sait pas encore si ces structures seront ou non transformées avec la fin du monopole.

Son prédécesseur, M. Gerd Bacher, journaliste, un moment conseiller du Chancelier allemand Helmut Kohl, aura occupé ses fonctions vingt-cinq ans, de 1967 à 1974, puis, sans interruption depuis 1978. Très indépendant, sans appartenance politique affirmée, assez volontiers dirigiste, très personnel, excellent professionnel, discuté mais respecté par tous, il a fortement imprimé sa marque et imposé ses conceptions à la télévision autrichienne.

Le Kuratorium est une sorte de conseil d'administration de 35 membres où le Gouvernement et les partis politiques jouent un rôle primordial.

La composition du Kuratorium est la suivante : 9 personnes sont désignées par le Gouvernement, 6 par les partis politiques représentés au Parlement, 9 par les länder, 5 par le personnel de l'ORF et 6 sont désignées par les Églises, les syndicats, les différents usagers de l'office.

Cette instance est assistée d'une commission de 36 membres assurant la représentation des auditeurs et téléspectateurs.

Une « commission de vérification du statut de la radiodiffusion », créée en 1974, est chargée de veiller à la stricte observance, par les chaînes publiques de leur statut. Elle veille, en particulier, au respect de l'objectivité de l'information. Ses décisions sont susceptibles d'être déférées devant la Cour constitutionnelle autrichienne.

Une « commission de contrôle » de 3 membres supervise la gestion financière de l'ORF.

Enfin, le « conseil autrichien de la presse », créé en 1961, peut - malgré sa dénomination officielle - être également saisi des affaires relatives à la déontologie à la télévision.

2. Deux chaînes publiques et un monopole juridique anachronique

La première société de radiodiffusion autrichienne a été fondée en 1924 sous le nom de RAVAG (Radio-Verkehrs-AG). En 1938, après l'Anschluss, elle fut incorporée à la radio allemande.

Dès la fin du second conflit mondial, en 1945, l'ORF ( Oesterreichischer Rund-Funk) a été créé sous la forme d'un monopole étatique (partagé entre le Gouvernement fédéral et les Länder).

Les premières émissions régulières de télévision ont lieu dès 1957.

(1) Un monopole menacé

À la suite d'un référendum qui s'est déroulé en 1967, l'ORF fut doté d'un statut lui conférant une plus grande indépendance politique et une autonomie financière accrue. Cette dernière fut de nouveau augmentée lors d'une réforme décidée en 1974. Le statut actuel résulte de la loi du 28 septembre 1984. Il maintient le monopole pour la télévision publique hertzienne.

Le monopole est cependant condamné à brève échéance.

L'Autriche, en tant que membre de l'Union européenne, doit se plier aux règles de la concurrence en matière audiovisuelle comme en tout autre. Les groupes de communication allemands exercent une pression croissante, dans le sens du démantèlement du monopole, en raison de leur poids toujours plus important sur le marché de la publicité et de la presse écrite autrichiennes. Par ailleurs, la taille réduite et la forme allongée du pays facilitent la réception des transmissions en provenance de nombreux satellites qui diffusent sur l'Europe centrale. Enfin, le monopole a été condamné par la Cour européenne des droits de l'Homme en 1993 13 ( * ) .

Les partis politiques sont cependant assez partagés sur cette question. Le SPOE (socialiste), parti dominant de la coalition au pouvoir, cherche en effet à préserver au maximum un secteur public qu'il perçoit comme « garant de l'intérêt général et de la culture spécifique de l'Autriche ».

L'emprise du pouvoir sur la télévision publique s'est cependant accrue récemment. La quasi-totalité des postes de sous-directeurs sont occupés par des sociaux-démocrates, bien que le Gouvernement soit issu d'une coalition. De plus, en décembre 1994 et en juin 1995, la participation de journalistes (de la presse) à une émission politique a été annulée en raison de l'attitude critique de ces professionnels à l'égard du Gouvernement. Cette évolution n'est pas encourageante au regard des perspectives de sortie du monopole. Paradoxalement l'opposition, comme les conservateurs, alliés aux socio-démocrates, s'accommodent de cette situation.

Les émissions des deux chaînes de l'ORF couvrent la totalité du territoire autrichien (sauf « décrochages » régionaux de la deuxième chaîne) mais ses émissions télévisées peuvent également être captées dans tous les pays alentours, même avant 1989, ce qui augmente sensiblement son influence : Hongrie, Slovaquie, République tchèque, Slovénie, Croatie, Nord de l'Italie (et notamment Trentin-Adige, soit le Tyrol du Sud), Est de la Suisse, Sud de l'Allemagne.

(2) Les projets de réforme du secteur public autrichien

La réforme de l'ORF serait double. Il s'agirait d'une part d'assurer sa réelle indépendance politique et d'autre part de mettre fin à son monopole d'émission, afin d'ouvrir la voie à la privatisation.


• Sur le premier point, une libéralisation de l'ORF ne pourra voir le jour sans une réforme structurelle préalable du Kuratorium, dont le poids politique dans le processus de décision de l'ORF devra diminuer. Les prérogatives de l'Intendant général pourraient également être renforcées.

L'évolution du statut de la télévision, qui sera précédée par celle de la radio, ne semble cependant pas constituer une priorité pour la coalition au pouvoir. Il est vrai qu'elle paraît difficile. La privatisation d'une des deux chaînes publiques est radicalement exclue. Les pouvoirs publics craignent qu'une télévision commerciale n'absorbe une trop grande part des ressources publicitaires. Le lancement d'une télévision privée représente un pari périlleux : elle devra lutter à la fois contre la télévision publique et contre les chaînes commerciales allemandes. De surcroît, ces dernières - RTL Plus notamment - pourraient diffuser des « fenêtres autrichiennes » sur leurs programmes, afin d'attirer la publicité des entreprises autrichiennes, en proposant des tarifs plus avantageux que sur les média autrichiens puisqu'exemptés d'imposition locale.


• Sur le second point, deux préalables devront être levés avant de lancer le processus de privatisation. Tout d'abord, il faudra décider si la presse écrite pourra participer au capital de la chaîne privée, alors qu'elle peut posséder jusqu'à 26 % du capital des radios publiques. La prise de participation dans la télévision par un journal possédant également des intérêts dans la radio fait craindre la constitution d'un groupe multimédia trop puissant. En réalité, un seul quotidien aurait la surface financière nécessaire pour investir dans la télévision privée. Il s'agit du Kronen Zeitung, le plus fort tirage de la presse quotidienne autrichienne.

Ensuite, il faudra définir les critères d'attribution des fréquences. Pour des raisons économiques, une seule fréquence est disponible en Autriche. Elle desservirait Vienne et la plaine danubienne. En effet, la couverture hertzienne de l'ensemble du territoire représenterait un coût trop élevé.

La stabilité de la coalition gouvernementale entre sociaux-démocrates et conservateurs, reconduite après deux mois de négociations consécutives aux élections législatives du 17 décembre 1995, qui ont vu le renforcement du Parti social-démocrate, n'est pas - loin s'en faut - un facteur d'accélération du démantèlement du monopole ; mais, en fonction des engagements européens de l'Autriche, il apparaît inéluctable.

3. Le secteur privé

Il est le fait des programmes diffusés sur le câble ou par le satellite.

a) Des réseaux câblés importants

Nonobstant le monopole de diffusion hertzien, l'Autriche se caractérise par une forte densité de réseaux câblés.

La Cour constitutionnelle autrichienne a, en effet, admis en septembre 1992 que la diffusion par câble d'un programme émis de l'étranger ne violait pas le monopole de l'ORF, même si les émissions étaient exclusivement destinées au public autrichien.

La progression du câble autrichien va de pair avec celle de la réception directe par satellites (470.000 antennes). Ces deux modes de réception se partagent logiquement le marché puisque l'Autriche est un pays au relief tourmenté avec une forte proportion de population rurale : 54 % seulement des foyers autrichiens pourront être raccordés au câble, les 46 % restants devront être équipés d'une antenne parabolique. Le marché de la réception directe sera d'autant plus fort que 20 chaînes de langue allemande sont diffusées sur les satellites Astra.

En conséquence, il existe en Autriche 260 réseaux câblés, qui touchent actuellement 30 % des foyers. Chaque ville importante compte au moins un réseau câblé. Vienne en compte 6 ; d'autres au moins deux (comme Linz). On estime le nombre total d'abonnés collectifs (hôtels) ou individuels reliés aux réseaux câblés à plus de 874.000 en 1992, plus de 900.000 en 1993, et la progression pourrait atteindre au moins 100.000 par an.

Wiener Telekabel compte 313.000 abonnés, mais dessert en plus Graz et Klagenfurt. Liwest (Linz) a 55.000 abonnés, Innsbrück-Wörgl en a 45.000, Burgenland Kabel 30.000, Telesystem Tyrol 25.000. C'est sur le câble de Vienne, qui dispose de 22 canaux (et même 30 pour les téléviseurs les plus récents), que sont notamment diffusées TV5 Europe (depuis décembre 1991) et, depuis 1993, la chaîne culturelle européenne à base franco-allemande ARTE. Le réseau câblé de Vienne appartient à la Wiener Holding dans laquelle la Ville de Vienne avait naguère des intérêt majoritaires, mais qui ont été cédés à la Bank Austria. C'est également sur certains réseaux câblés que sont diffusées des émissions en croate, en slovène, et en hongrois. La législation sur le câble devra également évoluer. À l'heure actuelle, la production de programmes propres par les chaînes câblées est interdite. Les câblo-opérateurs se sont pourvus devant la Cour constitutionnelle autrichienne contre cette interdiction.

b) Le satellite

Les paraboles installées (650.000 actuellement) desservent 20 % des foyers autrichiens. Les programmes français peuvent également être captés par satellite, ainsi que la chaîne culturelle ARTE. Les satellites Astra 1B et Copernicus diffusent essentiellement des programmes en langue allemande, éventuellement en anglais, en italien, en suédois, en hollandais, en japonais, en danois et en norvégien. Les stations les plus populaires et les plus suivies sont RTL. PRO 7, puis les deux chaînes autrichiennes, RTL2, ZDF et ARD.

L'ORF participe depuis 1984, conjointement avec la ZDF allemande et la télévision suisse alémanique, au programme satellite en langue allemande 3 SAT.

La participation de l'ORF est d'un tiers tant pour le budget (plus de 25 millions de schillings annuellement) que pour la fourniture de programmes. Toutefois, sa part dans les programmes proprement culturels, qui représentent 23 % des émissions de 3 SAT, atteint 45 % du financement. Le coût budgétaire de sa participation à 3 SAT est régulièrement invoqué par les responsables autrichiens pour refuser d'envisager une association avec ARTE., qui paraît pourtant s'imposer pour un pays de langue allemande où la culture joue un grand rôle. De nombreuses productions (opéras et musique notamment) sont cependant déjà réalisées en liaison avec ARTE et ses autres partenaires.

À défaut d'une évolution du paysage audiovisuel autrichien privilégiant une solution nationale, l'intérêt des chaînes étrangères et notamment allemandes pour ce marché pourrait s'accroître.

4. L'économie de l'audiovisuel

a) L'audience : une domination du secteur public

Les Autrichiens sont très fiers de leur télévision, qu'à l'instar de la plupart des citoyens de beaucoup de pays, ils considèrent comme « la meilleure du monde ».

Les statistiques montrent qu'ils lui sont fidèles : les deux chaînes de l'ORF mobilisent 72 % de parts de marché sur le réseau hertzien.

Cette proportion tend à diminuer lorsque la concurrence est plus forte et plus tentante ; elle atteint 40 à 50 % seulement sur les réseaux câblés, où plus de vingt autres programmes, - la plupart en langue allemande -, offrent une grande diversité d'émissions et des heures d'écoute plus larges.

Audience de 18 à 23 heures
Adultes (plus de 12 ans)

Source : ORF-Teletest / lPA-pIus /Janvier-Décembre 1994

b) Le marché publicitaire

Actuellement, seul l'ORF peut percevoir à la fois une redevance et des recettes publicitaires, celles-ci représentant la plus importante source de financement du budget. La publicité représente environ 20 minutes par jour pour la télévision et 120 minutes pour la radio.

Depuis 1995, le temps légal de publicité est passé de 20 à 25 minutes. Cinq minutes supplémentaires seront ensuite accordées en 1997 puis de nouveau en 1999 pour finalement atteindre un total de 42 minutes de publicité quotidienne, soit 5 % du temps global d'émission. Pour la radio, les règles demeurent inchangées jusqu'en l'an 2001. Les 120 minutes de publicité autorisées passeront alors à 172 minutes. Toutefois, l'Autriche devra probablement, le moment venu, adopter les temps autorisés par les directives européennes.

Les stations privées réclament la possibilité de percevoir jusqu'à 3 % des recettes publicitaires totales et une part de la redevance, ce que refuse l'ORF.

La baisse des ressources publicitaires du secteur public est inévitable en raison de la concurrence des chaînes privées allemandes. Ainsi, RTL envisage-t-elle d'émettre des programmes à destination de l'Autriche, retransmis par satellite, financés grâce aux apports publicitaires d'entreprises allemandes, certes, mais également autrichiennes.

Le débat actuel le plus sensible concerne l'impôt régional sur la publicité.

Prélevé par les collectivités locales sur le territoire desquels sont situées les différentes structures d'une entreprise recourant à la publicité, il conduit à des doubles, voire multiples impositions. De plus, son taux est le plus élevé d'Europe, avec la Grèce. Il a rapporté en 1993 1,6 milliard de schillings, dont 69 % à la ville de Vienne. Les inconvénients de cet impôt pourrait inciter les opérateurs économiques à diffuser leurs messages publicitaires sur les média non autrichiens mais reçus dans ce pays. Les principaux journaux autrichiens et l'ORF se sont associés le 3 juillet 1995 afin de réclamer du Gouvernement une loi fédérale unifiant le taux de cet impôt, étendant son assiette à la publicité directe jusque là exemptée et le rendant national, à charge pour le Gouvernement de répartir ensuite son produit entre les différentes collectivités territoriales. Une telle évolution semble inévitable, compte-tenu de la législation européenne qui proscrit l'imposition multiple sur le chiffre d'affaires.

c) Le budget de la télévision publique

Outre l'évolution du paysage juridique et l'entrée dans l'ère de la concurrence, la télévision publique autrichienne doit affronter de sérieuses difficultés financières.

Le budget annuel de l'ORF s'élève à 9,5 milliards de schillings 14 ( * ) pour 3 500 employés. L'argumentation du temps de diffusion de la publicité sur les radios privées pourrait lui faire perdre 350 millions de recettes publicitaires engrangées par la télévision publique, et la création d'une chaîne commerciale entre 500 millions et un milliard de schillings de recettes.

Dans l'hypothèse d'un statu quo, le déficit de l'ORF sera de 7 milliards en l'an 2000, compte tenu de la baisse des ressources publicitaires et de la progression des charges sociales. En moyenne, un employé de l'ORF coûte deux fois plus cher que dans l'industrie en raison d'un accord d'entreprise octroyant au personnel des avantages sociaux très avantageux, notamment en matière de retraites.

Un « plan d'austérité budgétaire », adopté le 16 juin 1995, prévoit des réductions de dépenses de 5,4 milliards de schillings, afin de résorber le déficit d'ici l'an 2000. Ce plan prévoit de geler le coût des programmes pour la radio et la télévision sans remplacer intégralement les départs à la retraite, ce qui entraînerait la réduction de 600 postes. Une augmentation de la redevance et un élargissement des plages horaires publicitaires sont également envisagés.

d) Les programmes

La télévision publique diffuse deux programmes différents, mais complémentaires, et dont certaines émissions (informations générales) sont communes. ORF 1 assure une couverture nationale globale, alors qu'ORF 2 a plusieurs heures hebdomadaires de décrochages régionaux dont les émissions (la plupart du temps des reportages ou des informations locales, mais aussi certains programmes culturels) sont assurées par les stations régionales situées dans les neuf Länder fédérés du pays. En semaine, les programmes d'ORF 1 ne commencent qu'à 9 heures pour se terminer vers 2 heures du matin ; ceux d'ORF 2 commencent à 12 heures 50 et se terminent vers 2 heures du matin. Le dimanche, les plages horaires sont plus étendues.

La programmation de la télévision autrichienne est marquée par son caractère « sérieux ».

Si les fictions (surtout films et séries), divertissements et variétés représentent 37 %, la part des émissions éducatives et culturelles est élevée (plus d e 22 %), celle des informations et magazines ne l'est guère moins (21 %). Les émissions religieuses, humanitaires ou pour la jeunesse se partagent le reste du temps (deux heures quotidiennes d'émissions sont réservées aux jeunes, trois le samedi et le dimanche).

Plus de la moitié des programmes sont d'origine autrichienne, une part importante des autres programmes sont allemands ou américains (les films sont doublés, les Autrichiens, comme les Français, apprécient peu le sous-titrage). De nombreux sujets traitent de la France. Beaucoup sont le fait d'équipes autrichiennes et les programmes français sont essentiellement des films doublés, d'ailleurs fort populaires. Mais pour des raisons de coût, l'ORF participe de plus en plus à des coproductions. Parmi les plus importantes coproductions multinationales de ces dernières années, on peut citer « La Dynastie des Strauss » ou « La Marche de Radetzky », ORF étant chef de file, la France étant présente.

Le nouvel Intendant général met l'accent sur la nécessité, pour la télévision publique, d'avoir de l'audience. « seule mesure du succès ». Une grille, mise en place en mars 1995, privilégie l'information et « l'interactivité ». De nombreux talkshows sont animés par des stars médiatiques. Une soixantaine d'organisations culturelles ont cependant critiqué un « effacement de la culture » à l'ORF, en raison de la suppression de certaines émissions culturelles.

B. LA LIBÉRALISATIONS DE PAYSAGE RADIOPHONIQUE

1. La fin du monopole

En raison de la condamnation de l'Autriche par la Cour Européenne des Droits de l'Homme (double monopole sur la télévision et sur la radio)-la loi du 22 juin 1993 a mis fin au monopole sur la radio.

Cette loi autorise les quotidiens ou les hebdomadaires de la presse écrite à posséder 26 % au maximum du capital d'une première radio et 10 % du capital dans deux autres radios. Il n'y a pas de limitation de détention de capital pour les autres types de sociétés (banques, industriels, individus...).

La responsabilité de l'attribution des fréquences incombe au Ministère des Transports et de l'Économie Publique. Cependant, une « Commission des fréquences » composée de représentants du Parlement, des Gouverneurs des Länder et des partenaires sociaux, a été créée. Chaque Land dispose d'une fréquence destinée à une radio privée régionale. À Vienne deux fréquences seront attribuées. Au total, il y aura donc dix licences accordées pour l'ensemble du pays. Ultérieurement, des licences pourront être attribuées à des radios locales. La différence entre radio régionale et radio locale n'est pas clairement apparue.

Le nombre peu élevé de fréquences attribuables a été contesté. La justification technique de ce malthusianisme - le relief et la proximité d'autres pays -, ne paraît pas fondée. La radio publique occupe ainsi de nombreux canaux sans réelle justification. L'existence d'une seule fréquence disponible par Land, et de deux à Vienne ne peut, selon les responsables autrichiens eux-mêmes, assurer le pluralisme radiophonique. En revanche, la crainte que la multiplication des radios n'entraîne un fort prélèvement sur les ressources publicitaires de la presse écrite - alors que de nombreux quotidiens connaissent une situation difficile - et de la télévision publique, explique certainement cette situation.

2. Une sortie difficile du monopole

La situation actuelle de l'Autriche rappelle celle de la France avant la libéralisation des radios en 1982.

Un nombre limité de fréquences a déjà été accordé, au cours des années passées, à des stations privées commerciales ; mais il existe encore environ une quarantaine de « radios libres » ou « radios pirates » dans plusieurs villes, dont une trentaine se sont groupées en association. Jusqu'ici, toutes ces stations sont commerciales ou « marginales » (associations de jeunes, d'écologistes, etc.), et aucune ne relève d'une église ou d'un parti politique, bien que la communauté juive de Vienne ait envisagé de patronner une station mais le projet n'a pas eu de suite. Cette situation frise l'anarchie à

Vienne, où 18 stations privées se partagent une seule fréquence.

Le monopole de la radio est par ailleurs menacé par des stations qui utilisent parfois des émetteurs situés à l'étranger : Allemagne, Italie, République tchèque ou République slovaque.

Ce processus a toutefois été remis en question. La Cour constitutionnelle autrichienne a en effet suspendu la loi du 22 juin 1993 par une décision du 21 juin 1995.

La loi, sur la base de laquelle des licences et des fréquences ont été attribuées, n'autorise en effet que la diffusion d'émissions d'informations locales, de reportages ou d'autres productions propres et l'achat de productions de l'ORF. Cette disposition étant, selon la Cour, incompatible avec la Convention européenne des droits de l'homme, la législation a été déclarée inconstitutionnelle.

Cette décision aura paradoxalement pour effet de retarder d'autant le processus de privatisation de la radio, qui ne pourrait pas avoir lieu avant 1998. La situation est rendue plus complexe en Styrie, Land dans lequel une radio privée régionale a finalement obtenu une licence d'émission, les concurrents de la société qui a emporté la licence s'étant joints à celle-ci.

Les opérateurs étrangers qui ont créé des stations privées, dont les licences ont été retirées, se trouvent en situation délicate.

Radio CD : une radio slovaque très écoutée en Autriche

Radio CD a repris ses émissions depuis la mi-juillet 1994. Le Gouvernement slovaque avait en effet révoqué fin 1993 les droits qu'il accordait à la station, la fréquence ayant été privatisée à la date du 1 er janvier 1994. La société est finalement parvenue à conclure un nouvel accord avec la radio publique slovaque.

Radio-CD, très écoutée à Vienne, avait été fondée en 1989 par un transfuge de l'ORF. Ses stations et émetteurs sont installés à Bratislava, à 60 kilomètres de la capitale autrichienne. Elle avait acquis des droits de la radio slovaque, en émettant depuis le 31 mars 1990 à partir de la tour de télévision de Bratislava sur 101,8 Mhz, en direction de Vienne et de la Basse-Autriche. Avec 24 heures d'émissions quotidiennes, elle affirme avoir fidélisé 15 % des auditeurs de la région. Ses tarifs publicitaires sont d'environ un tiers le ceux de l'ORF. Radio-CD possède également des parts dans Rock-FM (Slovaquie), Radio Marburg (Slovénie), et une station en République tchèque (à Budweis), situation qui lui permet d'émettre également pour les zones de Graz et de Linz.

3. La bonne résistance de l'ORF

En 1993, la radio publique retenait encore 84 % de l'audience cumulée.

L'ORF diffuse. 24 heures sur 24, trois programmes différents en allemand (Ol culturel, O2 musique, O3 variétés et informations), et 19 heures par jour un programme en allemand, anglais et français (« Blue Danube Radio ») en F.M, en Autriche. L'Autriche est ainsi le seul pays au monde dans lequel une radio publique finance une station émettant en langue étrangère à destination de son territoire. De plus, l'ORF émet aussi sur ondes courtes vers le monde entier grâce à « Radio Autriche International » (programmes semblables à ceux de BDR), pendant 78 heures par jour. À ces programmes s'ajoutent les émissions spécifiques des neufs stations des Länder retransmises par O2, ce qui représente au total 13 programmes différents pour l'ORF.

La radio O2, qui diffuse de la musique, a maintenant un statut de radio commerciale (détenue cependant à 100 % par l'ORF). Ainsi, appelée « RadioWien », à Vienne (mais « Radio Burgenland », dans le Burgenland...), elle se veut une radio « moderne », présentant une programmation de variétés, prenant rigoureusement en compte les demandes instantanées des auditeurs (consultés en permanence par téléphone ou par des mécanismes de type audimat), avec une publicité dynamique.

Depuis septembre 1994, la radio Ol (qui diffuse de la musique classique), a changé d'image afin de rendre ses programmes plus « actuels » et de mieux se défendre lors de l'arrivée des radios privées. Cependant cette radio nationale, de prestige, coûte cher, car elle fonctionne sans publicité.

Les programmes en français de Radio Autriche International sont réalisés sous la responsabilité d'un ancien correspondant de l'AFP à Prague, expulsé de Tchécoslovaquie en 1968, qui possède, malgré sa nationalité française, le statut de fonctionnaire de l'ORF.

L'ORF utilise actuellement, sur le plan technique. 56 fréquences dans la région viennoise qu'il affirme nécessaire en raison de la superficie du Land et du relief. Selon les tenants des radios privées, l'ORF empêche par là même tout développement des stations commerciales, sur le territoire national. L'ORF est doté de plus de 1 060 émetteurs répartis sur toute l'Autriche. Cela lui permet de couvrir la totalité du pays, mais aussi d'être écouté hors de ses frontières : Sud de l'Allemagne, Nord de l'Italie. Est de la Suisse et surtout les anciens pays de l'Est, où, bien qu'ayant perdu de leur importance depuis 1989, les radios autrichiennes restent très suivies.

La radio publique autrichienne dispose toujours de solides atouts. Elle propose tout d'abord une offre qui semble plus adaptée pour le public autrichien que celle des radios commerciales.

Les principaux programmes que proposent les futures radios privées tournées vers les 15/25 ans imitent le format musical de NRJ en France : par tranche horaire, on trouve 85 % de musique et 15 % d'informations et de présence du présentateur à l'antenne. Or, la radio est, en Autriche, un média du matin : elle est principalement écoutée entre 6 heures et 8 heures 30. En conséquence, les radios tournées vers les jeunes visent plutôt la tranche comprise entre 18 heures et 22 heures où le pourcentage d'écoute de la radio publique est beaucoup plus faible, en raison de la concurrence de la télévision, et où, par conséquent, le prix des spots publicitaires est moindre.

Par ailleurs l'ORF, disposant du seul réseau d'émetteurs balayant l'Autriche, ne peut refuser de louer ses émetteurs aux radios privées autorisées. Elle invoque toutefois, pour conserver son monopole, des raisons techniques car la présence de nombreuses ondes différentes l'obligerait à modifier ses émetteurs. De plus, pour mettre son réseau à la disposition des radios qui le désirent, elle demande une rémunération pouvant atteindre 2,8 millions de schillings par an et par société.

Enfin, au niveau stratégique, l'ORF, selon un communiqué de novembre 1993, « n'envisage pas de pouvoir lutter juridiquement ou techniquement contre la création de radios privées ou commerciales. Il Peut conserver le quasi-monopole des émissions culturelles, artistiques, documentaires, mais devra compter sur sa seule qualité pour se maintenir face à la concurrence dans le secteur de l'information, de la variété, des sports et des films. À cette fin, l'ORF utilisera de plus en plus de technologies nouvelles comme la radio digitale et fidélisera ses auditeurs avec une programmation fondée sur leurs demandes ».

La fin du monopole obligera cependant l'ORF à faire preuve de créativité et de dynamisme, face à des radios « commerciales », dont le fonctionnement est bien connu de l'Intendant Général de l'ORF, puisqu'il a été directeur de RTL. 2.

C. UNE PRESSE SOUS INFLUENCE ALLEMANDE

L'évolution du paysage audiovisuel autrichien ne peut s'appréhender sans une référence à la situation de la presse écrite, qui est en grande partie sous influence allemande.

Il existe une forte tradition de lecture des quotidiens en Autriche, notamment dans les cafés. La qualité de la presse autrichienne était encore supérieure avant 1938, avant l'exil de nombreux journalistes. Si le taux de lecture reste élevé, la presse quotidienne de qualité se résume à deux titres qui diffusent à 120 000 exemplaires.

Le plus fort tirage de la presse quotidienne autrichienne est le « Neue Kronen Zeitung », qui tire à près de 1 250 000 millions d'exemplaires, ce qui, pour une population de huit millions d'habitants est considérable. Ce quotidien d'informations générales, populaire et indépendant, est possédé par un particulier. M. Hans Dichand, avec cependant une forte présence de capitaux allemands. Il est très influent. On raconte volontiers à Vienne qu'une élection peut se faire sans le « Kronen », mais pas contre lui. Le journal a ainsi réussi à mobiliser 750.000 signatures, pendant l'été 1995, pour protester contre les essais nucléaires français.

La liberté de la presse est garantie, en Autriche, par la Constitution. La loi du 12 juin 1981 régit les relations de travail des journalistes et les délits de presse. L'indépendance des journaux repose également sur des sociétés de rédacteurs propres à chaque entreprise.

La presse écrite est aidée par l'État depuis le milieu des années 80 afin de garantir la diversité des informations ; elle se trouve cependant sous influence allemande croissante.

Depuis 1985, la presse - quotidienne ou hebdomadaire - peut recevoir une aide financière de l'État, proportionnelle au nombre de lecteurs (mais avec une forte dégressivité) ; les Länder et les communes peuvent également aider la presse régionale ou locale. L'objectif de ces diverses aides est de garantir une réelle diversité de l'information. En 1994, l'aide fédérale accordée aux quotidiens s'élevait à 240 millions de schillings. Cette somme considérable se divise en « aide fédérale globale » et en « fonds spéciaux » alloués en fonction de critères assez mal définis et largement contestés par les spécialistes.

Depuis 1988, Les entreprises possédant les journaux autrichiens sont tombées, pour beaucoup d'entre elles, sous la dépendance des capitaux étrangers, en particulier allemands.

Ce phénomène a commencé au milieu des années 80 par la prise de participation à 45 % du trust « Westdeusche Allgemeine Zeitung » dans le quotidien du soir « Neue Kronen Zeitung ». Par la suite, la WAZ a également pris 45 % du capital du quotidien autrichien « Kurier » (le reste du capital appartient à la banque Raiffeisen).

Cette intrusion de la puissance financière allemande (également sensible dans le domaine des maisons d'édition) a contribué à affaiblir, voire à faire disparaître, la presse traditionnelle d'opinion, notamment la presse des partis. Ainsi, l'ancien « Arbeiter Zeitung », organe du parti socialiste, a disparu en novembre 1991.

D'autres organes proches des milieux politiques conservateurs seraient également menacés.

Les principaux groupes de presse à capitaux essentiellement autrichiens sont le groupe Falk et le groupe Radda et Dessler.

*

* *

En conclusion, l'Autriche ne semble pas pressée à relever le triple défi que constituent la transformation du statut de l'ORF, l'abolition du monopole et l'avènement de la privatisation, d'autant plus que ces questions ne constituent pas un enjeu politique, notamment pour l'opposition.

La libéralisation du paysage audiovisuel autrichien est néanmoins inscrite dans la logique de son intégration européenne.

Dans cette perspective, le Gouvernement autrichien devra choisir entre trois options de libéralisation :


• maintenir l'ORF dans son statut d'entreprise publique en lui laissant la responsabilité de ses deux chaînes actuelles, en acceptant la création d'une troisième chaîne totalement privée ;


• garder l'ORF avec une seule chaîne publique et privatiser sa seconde chaîne ;


• trouver une solution « à l'autrichienne » en mélangeant les responsabilités et les capitaux publics et privés, panachant les programmes de diverses provenances. L'étroitesse relative du marché autrichien en public et en ressources publicitaires, ainsi que la concurrence déjà très vive des chaînes allemandes, captables par tous, conduisent cependant les spécialistes à s'interroger sur la viabilité de trois chaînes.

III. LA POLOGNE : À LA RECHERCHE DE L'ÉQUILIBRE

A. UN AUDIOVISUEL EN RECOMPOSITION

1. Un système de régulation qui a du mal à s'imposer

a) Une autorité indépendante

La transformation de la télévision d'État en établissement public a entraîné la disparition du Comité d'État pour la radio et la télévision, dissous officiellement le 1 er mars 1993.

Le Conseil national de la radio et de la télévision (CNRT), créé par la loi du 29 décembre 1992, comprend neuf membres :

- 4 membres nommés par la Diète,

- 2 membres nommés par le Sénat,

- 3 membres nommés par le Président de la République qui désigne, parmi ceux-ci, le Président.

Les membres sont choisis parmi des personnalités ayant des connaissances dans le domaine des média et leur mandat, non renouvelable, est d'une durée de six ans.

Leurs fonctions, rémunérées, sont incompatibles avec des responsabilités politiques, syndicales ou confessionnelles, et avec toute activité en rapport direct ou indirect dans le secteur audiovisuel.

Les décisions sont prises à la majorité absolue des membres.

Le Conseil national est, en vertu de la loi, assisté d'un bureau du Conseil qui compte entre 60 et 80 personnes, divisé en départements (technique, programmes, publicité, relations internationales, juridique).

De plus, un bureau des experts, comprenant six personnes, a été créé afin de permettre au CNRT de mieux remplir son rôle.

Le Président de l'instance dirige les travaux, représente le CNRT à l'extérieur et dispose d'un pouvoir individualisé de sanction.

b) Des pouvoirs étendus

Le CNRT veille à la liberté de parole, à l'indépendance des diffuseurs et garantit le pluralisme.

Il prépare, en concertation avec le Gouvernement, les projets de réforme et dispose d'un pouvoir consultatif (avis) sur les projets portant sur l'audiovisuel.

Il fixe par arrêté le montant de la redevance télévision et radio et les catégories de personnes bénéficiant de réduction ou d'exemption.

Il dispose d'un véritable pouvoir réglementaire et définit par arrêté les quotas de production, les règles relatives à la publicité et au parrainage, notamment celles qui portent sur la protection de l'enfance.

Il contrôle l'activité des diffuseurs et coopère avec les étrangers. Il vérifie que les émissions de radio et de télévision respectent « les sentiments religieux des auditeurs » et les « valeurs chrétiennes ». Cette mission lui a été conférée par un amendement au projet initial, adopté par la Diète après de vifs débats, certains accusant ses auteurs de vouloir rétablir une sorte de « censure religieuse ». Le Conseil a fait application de cette disposition à propos d'une émission satirique de la télévision publique tournant en dérision, au moment des fêtes de Pâques, un passage de l'Évangile.

Le CNRT accorde les fréquences nécessaires aux établissements publics, en concertation avec le Ministre de la Communication. Il doit être consulté pour accord en cas de modification de statuts des sociétés publiques. Il fixe la part minimale de production propre émanant des stations locales et la part de redevance qu'elles perçoivent. Il définit les droits d'intervention des partis politiques et des syndicats.

Il dispose du pouvoir d'attribution des concessions aux diffuseurs privés pour la diffusion hertzienne, par satellite et par câble. La procédure conduisant à la délivrance d'une concession est définie par la loi

Le Conseil procède aussi à l'enregistrement par déclaration du titulaire d'une concession de câblodistribution. Il a le pouvoir de refuser cet enregistrement et d'imposer un ordre de diffusion prioritaire de certains programmes.

Le Président du CNRT dispose, aux termes de la loi, de pouvoirs de sanction importants :

- Il peut demander des « explications » au diffuseur et le « sommer de faire cesser » les activités contraires à la loi, aux règles du CNRT ou de la concession ;

- Il peut prononcer une peine d'amende égale à 5 % du montant de la taxe acquittée par le diffuseur en cas de non-respect des dispositions relatives :

- aux quotas de production ;

- aux règles en matière de publicité et de parrainage ;

- aux règles définies par le CNRT en matière de protection de l'enfance.

- Il peut imposer la cessation de l'activité du diffuseur lorsque celui-ci refuse de faire droit aux sommations qui lui ont été adressées, ou en cas d'abus de position dominante, de prête-nom, de non-respect des conditions définies par la convention, ou encore lorsque la sécurité, la culture et les « normes morales » sont menacées.

c) Des difficultés pour assurer son indépendance

Le CNRT est doublement responsable, devant le Président de la République et devant le Parlement. Incontestablement, il a rencontré des difficultés pour assurer son indépendance à l'égard du Président de la République. Du reste, M. Markiewicz, premier Président du CNRT, avait été, le 1 er mars 1994, révoqué par Lech Walesa.

« Le Président de la République, pour justifier sa décision, avait invoqué la position dominante que les membres du CNRT était en train de mettre en place dans paysage audiovisuel au seul profit de Polsat », en raison de la nomination à la tête de la télévision publique de l'ancien directeur d'une chaîne privée. Le Tribunal constitutionnel de Varsovie avait néanmoins jugé, le 11 mai 1994, que cette révocation n'était pas conforme à la loi.

En mai 1995, pour la quatrième fois en l'espace de quatorze mois, le chef de l'État changeait le président de l'autorité de régulation.

La possibilité de révocation collective par le Parlement existe également : le rejet du rapport annuel d'activité du CNRT par une résolution conjointe de la Diète et du Sénat peut entraîner l'expiration collective du mandat des membres du CNRT.

2. Un secteur public autonome et concurrencé

La loi du 29 décembre 1992 prévoit que les établissements de radio et télévision sont organisés sous la forme de sociétés par actions appartenant à 100 % au Trésor Public. Elles dépendent du seul Conseil national de la radio et de la télévision et sont autonomes.

Les deux chaînes nationales hertziennes offrent une programmation complémentaire l'une de l'autre :

- TVP1, créée en 1952, émet en moyenne 18 heures par jour. C'est la chaîne populaire, grand public.

- TVP2, créée en 1970, plus culturelle, émet deux heures de moins en moyenne que la première chaîne.

La télévision polonaise possède également onze centres régionaux dont neuf implantés dans les grandes villes, qui émettent de 12 à 24 heures par jour. Ils produisent le plus souvent des émissions régionales et constituent des antennes locales quasi autonomes. Cette politique de régionalisation a commencé dès les années 1959 et s'est poursuivie jusqu'à la période actuelle (TV Rzeszow a été créée en juillet 1993).

Elle emploie 6.600 personnes - y compris le personnel des chaînes régionales -, et compte plus de 12.000 collaborateurs occasionnels.

La redevance, qui représente 34 % des revenus de la télévision publique, s'élève à 7 zlotys en 1996, contre 5,8 en 1995. Elle est partagée entre les sociétés de télévision, qui reçoivent 60 % du total, et dix-neuf sociétés de radio, qui en perçoivent 40 %. Son montant, et la clé de répartition, sont décidés par le CNRT.

TVP Polonia est une chaîne satellitaire lancée en mars 1993 par la télévision publique polonaise. Sa diffusion a commencé en octobre 1993 et la qualité de la programmation en est l'objectif principal, dans un pays où la concurrence avec le secteur privé s'intensifie.

Celle-ci reste pourtant, selon les responsables de TVP « insuffisante », même s'ils sont conscients que la perte d'une partie de l'audience est inévitable compte tenu de la concurrence des chaînes privées, notamment en matière de fiction. Cette sérénité s'explique sans doute par le fait que le téléspectateur polonais demeure, pour le moment, assez conservateur dans le choix de ses programmes.

Le Président de la télévision publique, M. Wieslaw Walendziak a présenté sa démission le 29 février 1996. Journaliste proche des milieux conservateurs, il s'est vu reprocher, de la part de la majorité ex-communiste, d'avoir privilégié la droite catholique dans les émissions de la télévision publique dont il avait pris la direction en novembre 1993.

3. Un secteur privé pluraliste

Le dynamisme de l'audiovisuel est très fort en Pologne puisque ce pays est désormais le troisième marché en Europe pour le câble et la réception directe par satellite.

a) Un réseau hertzien dynamique mais instable

Avec deux chaînes privées nationales, dont l'une cryptée, et plusieurs chaînes régionales, la saturation des fréquences est atteinte. L'Armée devrait toutefois libérer ses fréquences dans un proche avenir.


Polsat, créée en décembre 1992, s'est vu accorder une licence pour émettre par satellite, puis, en mars 1994 l'unique licence nationale qui lui a conféré le droit d'émettre en hertzien à l'échelon national, pour une durée de dix ans ; cette licence était convoitée par plusieurs géants internationaux comme Bertelsmann, Time-Warner, CNN, Reuters et CLT.

Polsat devrait normalement couvrir 80 % du territoire polonais mais se limite pour l'instant de 55 % (selon les chiffres officiels) à 65 % (selon la chaîné) du pays. Afin d'améliorer son taux de couverture, elle construit des émetteurs hertziens et en loue d'autres à la société publique de télécommunications TP S.A.

Elle émet seize heures par jour environ et dix-huit le week-end. Son audience est de 29 % et ses parts de marché de 13 %. Mais ces chiffres, résultant d'études réalisées par un organisme dépendant de la télévision publique, sont contestés par la chaîne. Un organisme indépendant de mesure de l'audience devrait voir bientôt le jour.

Seules les émissions de plateau et le journal télévisé sont produits par la chaîne, qui dispose d'une station entièrement numérique et digitale.

La chaîne emploie 130 personnes, dont une trentaine de journalistes.

Elle occupe - ce qui constitue un symbole - les locaux de l'ancienne société d'État chargée de la propagande internationale du régime communiste.

Les capitaux de Polsat appartiennent à un homme d'affaires polonais, Zygmunt Solorz, déjà propriétaire du quotidien populaire Kurier Polski.

Le point d'équilibre devrait être atteint entre trois ans et demi et quatre ans à compter du début de l'émission, le 1 er octobre 1994.

Le choix du CNRT, conditionné notamment par l'absence de partenaires étrangers et par le fait que la chaîne avait déjà été autorisée à émettre ses programmes en octobre 1993 par voie satellitaire, a été contesté par ceux qui, doutant de sa solidité financière, ont saisi le juge administratif, qui a néanmoins confirmé la licence de Polsat.

Selon son directeur général. M. Piotr Nurowski, « l'ambition de Polsat et d'atteindre l'audience de la seconde chaîne publique. TVP2, c'est à dire 57 %. Mais la concurrence est difficile car la télévision publique est implantée et conserve la faveur du public. Elle a en effet beaucoup changé, s'est commercialisée. Contrairement à la télévision publique tchèque, elle n'a pas raté le virage de l'arrivée des télévisions privées » .

Cette chaîne nationale est complétée par des chaînes locales.

Une nouvelle politique d'organisation des fréquences est actuellement lancée dans un climat de pénurie auquel le CNRT et le Gouvernement tentent de remédier. Des travaux sont notamment en cours pour permettre techniquement l'existence de nouveaux réseaux de télévision et de radio, notamment en utilisant des fréquences restituées par l'armée.


Canal + Polsjka a, le même jour, reçu l'autorisation d'exploiter des fréquences dans plus d'une dizaine de villes ; c'était en novembre 1994, après quelques mois d'incertitude en raison de la présence de Canal + au capital de la chaîne. En effet, la participation des capitaux étrangers est limitée par la loi à 33 %. La chaîne a lancé ses premières émissions expérimentales en décembre 1994 dans treize grandes villes polonaises. Sa couverture, via 14 émetteurs et le satellite, atteint, à la fin de l'année 1995, 3 millions de foyers et a été étendue en février 1996. La promesse d'obtention de fréquences sur un réseau hertzien multivilles avait été faite par le CNRT à Canal +, dès janvier 1994, au moment de l'attribution d'un réseau national à Polsat.

La chaîne est cryptée et payante (60 FF environ par mois 15 ( * ) ). Elle diffuse 19 heures par jour de programmes comportant, selon la formule classique de Canal +, des films (40 % de films polonais) et du sport.

Canal + Polska espère obtenir 500.000 abonnés dans les cinq années à venir, son point d'équilibre se situant aux environs de 350.000 abonnés. Après six mois d'émission, elle avait reçu 25.000 adhésions. Le taux de pénétration progresse au même rythme que celui de Canal + en Espagne. Elle est associée à des investisseurs polonais réunis au sein de la PKT (Polska Korporacja Telewizyna) qui regroupe notamment les groupes Kodak et L'Oréal Pologne. Le capital s'est ouvert à un magazine, un producteur de film indépendant et aux télécoms polonaises.

Elle compte environ 200 employés.

Canal + Polska a signé, en septembre 1995, un accord avec les câblodistributeurs permettant son entrée sur environ 240 réseaux câbles, représentant 1 200 000 foyers.

Aux termes de l'accord, chaque opérateur du câble pourra décoder les émissions de Canal + en tête du réseau, puis les recoder avec un autre système, installant ses propres décodeurs chez les abonnés, notamment des « filtres positifs ». Le prix payé par les clients sera le même que celui demandé aux abonnés directs de Canal +. Mais ils ne devront pas verser de caution pour les locations du décodeur, les filtres étant très bon marché. Les opérateurs géreront leurs abonnés. La direction de Canal + Polska et la fédération n'ont pas décidé du partage des bénéfices.

Grâce à cet accord, environ 10 % des foyers pourraient s'abonner à Canal + Polska en un an.

Par ailleurs, la chaîne sportive de télévision Eurosport a lancé en mars 1996 des programmes en polonais, produits en coopération avec la Canal + Polska, branche polonaise de la chaîne cryptée.

Canal + Polska, qui dispose déjà d'une équipe de journalistes sportifs pour ses propres besoins, devra la renforcer pour fournir la version sonore en langue polonaise qui accompagnera le tronc commun paneuropéen d'images d'Eurosport. Eurosport, qui compte investir en Pologne entre 500 000 et 600 000 dollars par an (achat de droits de transmission non compris), voudrait toucher avant la fin de l'année 1 500 000 foyers.

Eurosport est présent dans 37 pays et diffuse ses programmes en huit langues.

Ce genre de coopération avec Canal + (dont la société mère est actionnaire à 33 % de la chaîne sportive) n'existe qu'en France.

450 000 foyers polonais reçoivent actuellement la version d'Eurosport en anglais. Mais la version en polonais sera moins chère pour les câblo-opérateurs. La bande sonore sera cryptée au départ (donc inaccessible aux propriétaires des antennes satellitaires) et décryptée en tête de réseau par les opérateurs.

Outre sa contribution à la production, Canal + aidera également Eurosport dans ses relations avec les câblo-opérateurs polonais.


La société NTP Plus a été autorisée à émettre dans les régions du Centre et du Nord. Quatre chaînes régionales vont être créées, la première commençant à émettre à Varsovie.

L'ancien dissident Miroslaw Chojecki et le journaliste français Gabriel Meretik (ancien correspondant de TF1 à Moscou) sont les animateurs de C e projet. La Sofirad et le groupe américain CEDC sont également entrés dans le capital.

Deux autres sociétés polonaises émettront dans les régions du Sud et de l'ouest.


• Le CNRT a délivré, le 29 avril 1994, des autorisations d'émettre à quatre sociétés de télévision à l'échelon régional. Deux licences régionales avaient en outre été accordées, respectivement à la chaîne cryptée française Canal + (dans 13 villes de Pologne) et à la société polonaise TV-Wisla (dans le sud du pays), ainsi que 11 licences locales. Enfin, la première télévision locale catholique, Telewizja Niepokalanow, présente depuis janvier 1996 un programme de trois heures d'émissions quotidiennes. Cette télévision, éditée par des pères franciscains, comprendra 30 % d'émissions à caractère religieux. Le rayonnement de la chaîne pourrait s'élargir, 19 fréquences ayant été demandées au Conseil national de radiodiffusion et de télévision.

L'implantation des chaînes régionales se heurte cependant à la concurrence de deux télévisions pirates qui diffusent sans licence du CNRT des programmes en polonais à partir de satellites : Polonia 1 du groupe multimédia STEI, qui est la propriété de M. Nicola GRAUSO, de nationalité italienne, et FILMNET.


Polonia 1 fournit des programmes d'une durée de six heures quotidiennes achetées en partie au réseau Reteitalia (Berlusconi) à destination d'une douzaine de stations locales dont une seule bénéficie d'une autorisation provisoire (TV Echo). Publitalia (Berlusconi) est l'agent exclusif de STEI pour la publicité.

Le sort du réseau Polonia pourrait subir des modifications importantes. En effet, dix des douze stations du réseau ont dû (en août et en septembre 1994) démonter leurs antennes, au motif principal qu'elles n'étaient pas autorisées à émettre et que la plupart d'entre elles occupaient des fréquences normalement utilisées par l'Armée. Cependant, Polonia1 a signé, en septembre 1994, un contrat lui permettant de monter sur le satellite Eutelsat à partir d'un signal émis depuis Rome, sur un répéteur appartenant à la Belgique.

De plus, le groupe commercial polonais PKH est opportunément entré dans le capital de Polonia 1, limitant ainsi les parts de Nicola Grauso à 33 % (afin de respecter le quota légal de participation étrangère pour les télévisions autorisées). Ce dernier a fini par céder la chaîne, pour 12 millions de dollars à FINMEDIA LUXEMBOURG, un groupe d'investisseurs européens.

Nonobstant ces conditions particulières d'émission, le Président Walesa a été interviewé en juillet 1994 sur ce réseau privé non autorisé


• La Pologne compte également une chaîne pirate, FILMNET, qui émettait à partir de la Suède jusqu'à l'entrée de ce pays dans l'Union européenne ; elle diffuse désormais à partir de la Norvège son signal qui est repris par certains câblo-opérateurs.

Bien que chaîne pirate (FILMNET profite d'un vide juridique, émet par satellite des films sous-titrés ou doublés en polonais, et pratique une politique commerciale agressive), ses programmes sont annoncés dans les pages « télévision » des quotidiens. Le Conseil de l'Europe, saisi par la Pologne de cette situation, s'est déclaré incompétent.

Cette diffusion pourrait nuire gravement à Canal + Polska, qui se trouve ainsi concurrencée de manière déloyale. Elle ne constitue malheureusement que le prototype du paysage audiovisuel européen de demain s'il reste fragmenté en espaces audiovisuels nationaux et si un espace audiovisuel européen n'est pas rapidement constitué.

Le Conseil national pour la radiodiffusion et la télévision pourrait prendre prochainement une décision interdisant la présence de FILMNET sur les réseaux câblés, faute d'obtenir une concession.


Vers de nouvelles télévisions privées ?

D'autres télévisions privées non autorisées se sont installées, telle Top Canal à Varsovie (avec le concours du groupe suédois Kennevik) qui a cependant cessé d'émettre en septembre 1993.

La fermeture des stations pirates semble marquer la volonté conjointe du CRNT et des autorités de l'État (notamment judiciaires) de lutter contre les illégalités dans le domaine de la télévision.

Une nouvelle course aux télévisions et radios privées est néanmoins ouverte, une seconde tranche de fréquences récemment cédée par l'armée devant être attribuée par le Conseil national de radiodiffusion et télévision CNRT).

Le principal enjeu concerne deux réseaux régionaux de télévision touchant un public potentiel de 7 à 10 millions de personnes, dans le centre et le nord du pays. Une trentaine de candidats sont en lice, dont le consortium suédois Kinnevik (TV3) et le groupe multinational CME. Ils doivent toutefois être associés à des partenaires polonais car la loi polonaise sur l'audiovisuel limite à 33 % la part du capital étranger. Une vingtaine de sociétés briguent en outre des fréquences locales. Aucun réseau national de télévision n'est plus disponible.

Une radio catholique. Radio Maryja, qui émet sur tout le territoire depuis Torun (nord), est candidate à l'un des deux grands réseaux régionaux de télévision. Des pères franciscains, candidats malheureux à la télévision nationale lors du précédent concours, seraient par ailleurs prêts à hypothéquer leur couvent pour réunir les fonds nécessaires. L'un des favoris du précédent concours, le groupe ITI (distributeur en Pologne de films de Paramount. Columbia et Universal), associé à l'époque à CLT et à Reuters souhaiterait, pour sa part, obtenir 22 émetteurs entre Varsovie et Gdansk (nord). Il est en concurrence avec Antena 1, une société animée par l'ancien DG de la télévision publique Marina Terlecki. Top Canal, une ancienne télévision pirate de Varsovie fermée en 1994, est aussi sur les rangs. En revanche, l'entrepreneur sarde

Nicola Grauso, qui édite le journal « L'unione Sarda », ancien propriétaire du réseau pirate Polonia 1 également fermé par le Parquet, a abandonné la course, mais ses anciens propriétaires polonais sont en lice. Polonia 1 continue à émettre sur la Pologne par satellite.

b) L'anarchie du câble

À l'origine, l'atomisation des micro-réseaux artisanaux et le recours systématique au piratage prédestinaient le câble polonais à une concurrence sauvage en même temps qu'à un désordre chronique.

Aujourd'hui, plus de 2,5 millions de prises raccordées, réparties sur l'ensemble du territoire, ont fait accéder la Pologne au rang de marché référentiel. Si l'on ajoute à ce chiffre, les deux millions d'antennes paraboliques, le marché est devenu, potentiellement, le plus fort de la région. Si les Américains sont d'ores et déjà parties prenantes de quelques uns des plus grands réseaux, comme PTK ou Aster City, la plupart leur échappe encore. L'association des câblo-opérateurs polonais demeure un puissant rempart contre les ambitions étrangères.

Le réseau câblé s'est développé à partir de 1991. Le taux de pénétration atteignait, en octobre 1994, 35 % des foyers à Varsovie, mais 5 % des foyers seulement paieraient un abonnement au plus important réseau câblé de Varsovie.

En Pologne, troisième marché européen du câble et de la réception satellitaire directe, aucun système juridique n'a encore pu être mis en place.

Diffusées au début sans autorisation, les chaînes câblées locales se sont développées dans toutes les villes de moyenne importance. Les programmes diffusés par satellite sont le plus souvent repris sans autorisation. Une loi sur les droits d'auteur devrait cependant normaliser cette situation.

Le marché du câble polonais intéresse fortement les câblo-opérateurs américains.

La plus importante télévision payante des États-Unis et du monde, Home Boxe Office (HBO), a l'intention de diffuser ses programmes sur les réseaux câblés polonais en 1996, selon son directeur commercial à Varsovie, Thomas Powers.

HBO Polska, qui cherche encore un partenaire polonais suffisamment solide (il doit apporter 66 % du capital), viendrait concurrencer ainsi Canal + Pologne, qui a investi plusieurs millions de dollars dans une structure locale qui emploie une centaine de Polonais et lancé d'ambitieux projets de coproduction.

La télévision américaine, déjà présente en Hongrie et en République Tchèque, compte offrir au public polonais des programmes d'une qualité comparable à celle de Canal +, mais pour un prix de 5 ou 6 dollars par mois, soit deux fois moins cher.

HB Polska compte, en effet, démarrer avec la technique de diffusion la moins coûteuse, en distribuant des cassettes préenregistrées aux opérateurs du câble. Si le marché répond bien, la chaîne américaine pourrait songer alors à la diffusion par satellite.

La société compte également lancer en 1996 sa première coproduction avec des partenaires polonais.

c) Le développement du satellite

Outre la chaîne publique TVP Polonia, Polsat diffuse ses programmes via les Pays-Bas sur Eutelsat depuis 1993, ainsi que - comme on l'a vu - Polonia 1, en vertu d'un contrat signé en septembre 1994.

En juillet 1994, la société distributrice FILMNET a annoncé son projet de diffusion à partir du satellite Astra de programmes propres et au moins 300 films par an. Le CNRT s'est cependant opposé, à la fin du mois d'octobre 1994, à la reprise de ses programmes sur le câble. Elle émet actuellement 12 heures par jour environ depuis le mois de novembre 1994, mais doit se contenter de la seule réception directe par satellite.

Le satellite suscite un réel engouement en Pologne avec un million d'antennes individuelles en 1993 et 4,5 millions en 1995, sur 19 millions de foyers polonais.

4. L'économie de l'audiovisuel

a) L'audience : une domination écrasante du secteur public

En 1995, la télévision publique totalisait 88 % de l'audience cumulée, contre 91 % en 1993.

Audience de 17 heures à 23 heures
Adultes (plus de 15 ans)

Source : GKF/OBOP/Janvier 1995

b) Une explosion de la publicité

En 1994, la progression des investissements publicitaires a été de 75 %. La presse a le plus profité de cette croissance en raison de la diversification de l'offre, notamment pour les magazines. Elle occupe cependant l'une des parts de marché les plus faibles des secteurs publicitaires européens, en progression constante toutefois.

Le taux de croissance pour 1995 ne sera que de 30 % environ, en raison du ralentissement des investissements publicitaires dans la télévision

Les deux chaînes publiques sont en effet très contingentées en publicité. Elles n'ont pas le droit d'interrompre leurs émissions par des écrans publicitaires.

Or, elles rassemblent une très forte audience. Par ailleurs, l'interdiction d'émission de Polonia 1 pèse beaucoup dans ce tassement des investissements publicitaires. En revanche, et grâce à l'obtention de licences par de nouveaux réseaux nationaux, les ressources publicitaires de la radio devraient connaître un fort taux de croissance.

c) Les programmes

La télévision publique diffuse 30 % de programmes d'information. Elle diffuse par ailleurs 70 % d'émissions polonaises, dont 14 % fournis par des producteurs indépendants. De nombreux programmes sont rediffusés. TVP 2 diffuse davantage de programmes culturels que TVP 1.

La loi fixe un quota d'émissions polonaises qui ne peut être inférieur à 30 % de la diffusion. Les informations, retransmissions sportives, publicité, jeux télévisés et télétexte n'entrent pas dans ce quota. Le CNRT peut définir par arrêté un pourcentage supérieur pour les diffuseurs autorisés.

La loi fixe à 10 % le quota des émissions produites par des producteurs indépendants. Cette part minimale peut être plus élevée dans le cahier des charges élaboré par le CNRT.

La loi prévoit que le CNRT peut imposer un quota minimal « d'émissions élaborées par des producteurs européens ».

De nombreuses émissions, tant sur la télévision publique que sur la télévision pirate Polonia 1 - mais de façon plus importante sur cette dernière -, sont doublées selon une technique encore appréciée en Europe centrale : la bande son originale subsiste, atténuée, tandis qu'une même personne lit les dialogues pour tous les acteurs.

B. LA RADIO EN POLOGNE

1. Un secteur public diversifié

La Radio publique polonaise comprend cinq programmes de radio :

- Programme I : diffusé en ondes longues, 24 heures sur 24, généraliste.

- Programme II : diffusé en FM stéréo, culturel et musical.

- Programme III : diffusé en FM (informations, débats et programmes destinés à un public jeune).

- Programme IV : diffusé en ondes moyennes, éducatif et familial.

- Programme V : service international en 11 langues.

La radio publique dispose de 17 stations régionales en FM.

2. Un secteur privé pluraliste

De nombreuses radios locales privées non autorisées diffusent des programmes sur le territoire polonais.

Parmi celles-ci, trois stations privées indépendantes ont reçu, dès 1990, une autorisation temporaire d'émettre, leur conférant, ainsi, un statut semi-légal.

Par ailleurs, une quarantaine de stations appartenant à l'Église ont pu émettre légalement, conformément à l'accord de 1989 sur les relations entre l'Église et l'État, habilitant la première à être diffuseur de programmes.

Dans le cadre de la loi de décembre 1992, et afin d'assainir une situation anarchique, tous les candidats (y compris l'Église) doivent cependant faire acte de candidature pour obtenir une autorisation d'émettre.

Le 17 février 1994, le CNRT a accordé des licences nationales à trois sociétés privées :


RMFFM (Radio Muzyka FakkuFM), anciennement Radio Malopolska Fun à Cracovie, fondée en 1990 par un ancien militant de Solidarité allié à Fun Radio. Il s'agit d'une société dont le capital est à 100 % polonais (une grande banque de Cracovie et une fondation de la Communication sociale). Elle est aussi la première radio satellitaire de Pologne.


ZetRadio : première radio privée FM à Varsovie, créée en 1991 par un correspondant du journal Libération. Elle émettait irrégulièrement à Poznan et Plock jusqu'à la fin 1992. Station « musique et infos », elle a reçu l'autorisation de s'associer à Europe 1. Sa ressemblance avec le format d'Europe 1 est d'ailleurs frappante. Elle est liée (12 % du capital) à « Gazeta Wyborca », premier quotidien polonais.


Radio Maryja est une radio privée catholique appartenant à l'épiscopat.

*

* *

Dynamique et attractif en raison de l'importance de la demande potentielle, le marché audiovisuel polonais demeure à la recherche de son équilibre.

Sur le plan politique, la victoire d'Alexandre Kwasniewski risque d'amener des changements à la tête des deux chaînes de télévision publiques. De surcroît, il n'est pas sûr que l'autorité de régulation profite de l'alternance pour renforcer son indépendance à l'égard du pouvoir.

Sur le plan économique, la Pologne apparaît comme l'un des marchés audiovisuels les plus prometteurs, ce qu'a su comprendre Canal +.

Il reste toutefois pas assez encadré, comme la diffusion des chaînes satellitaires pirates FILMNET et Polonia 1 le montre, ce qui porte préjudice aux chaînes régulièrement autorisées.

IV. LA RÉPUBLIQUE. TCHÈQUE : DES TURBULENCES

Lors de la Révolution de velours, en 1989, la disparition du monopole de la télévision publique, formée de trois chaînes, dont l'une fédérale, constitua une priorité pour les nouvelles autorités.

Une concession fut accordée à Premiera TV.

En 1993, lors de la partition de la Tchécoslovaquie, qui entraîna la disparition de la chaîne publique fédérale OK.3, la fréquence et les émetteurs de cette dernière furent attribués à une seconde chaîne privée, Nova TV. Cette décision entraîna la mise en cause de l'autorité de régulation par le Parlement et la démission de ses membres. Le succès fulgurant de cette chaîne s'est accompagné d'un profond bouleversement du paysage audiovisuel tchèque dont les conséquences n'ont pas fini de se développer.

L'expérience tchèque révèle ainsi les contradictions et les ambiguïtés de l'ultra-libéralisme confronté à la défense de l'identité nationale.

A. UN AUDIOVISUEL BOULEVERSÉ

1. Un système de régulation sous l'étroite dépendance Parlement

L'essentiel du dispositif juridique relatif à l'audiovisuel résulte de quatre lois adoptées entre octobre 1991 et février 1992 et donc antérieures à la partition de la Tchécoslovaquie. Celle-ci n'a cependant pas altéré les lignes fondamentales de cet édifice législatif.

a) Un système tripolaire

Le Conseil pour les émissions de radio et de télévision a été crée par la loi du 21 février 1992.

Un Conseil de la télévision et un Conseil de la radio ont été créés par, la loi du 7 novembre 1991, en même temps que celle-ci a consacré l'autonomie de la télévision et de la radio publiques. Ce sont des organes internes de contrôle dont le rôle s'apparente à celui d'un conseil d'administration d'entreprise publique. Toutefois, leurs attributions définies par la loi de 1991 confèrent à ces structures certains pouvoirs qui, en Europe de l'Ouest, appartiennent le plus souvent aux organes de régulation de l'Europe de l'Ouest.

b) Des conseils responsables devant le Parlement

Le Conseil pour les émissions de radio et de télévision est composé de 9 membres élus par le Parlement pour une période de 6 ans renouvelable pour deux mandats. Leur élection doit refléter les différents courants politiques.

Ce n'est toutefois pas le cas actuellement, l'opposition sociale-démocrate n'étant pas représentée.

Il est responsable devant le Parlement, lorsque son rapport d'activité n'est pas approuvé.

Ce cas de figure est arrivé. Après une première alerte en 1993 - son rapport d'activité ayant été approuvé par le Parlement avec une seule voix de majorité -, le rapport pour 1993 a été rejeté le 30 janvier 1994. Le Conseil, mis en place le 1 er avril 1992,a dû démissionner et un nouveau conseil a été nommé en juillet 1994, comprenant trois membres de l'ancien conseil - afin d'assurer une certaine continuité - et six nouveaux membres. Au total, 4 présidents se sont succédé depuis sa création en 1992.

Le rejet du rapport, en 1994, fut le moyen pour la Chambre des députés, d'exprimer son désaccord sur la manière dont le conseil avait attribué des fréquences de télévision et de radio. La loi de 1991 ne définissant pas de manière assez précise les critères d'attribution des fréquences, un sentiment d'arbitraire a pu planer sur les décisions du conseil. Il donnait par ailleurs l'impression aux parlementaires d'avoir une approche trop planificatrice de la régulation audiovisuelle, et pas assez libérale, par exemple en voulant limiter le nombre de diffuseurs régionaux et en prétendant influer sur le contenu des programmes locaux. Selon l'opinion de certains parlementaires tchèques, c'est en réalité la loi de 1991 elle-même qui est relativement dirigiste et ne met pas suffisamment l'accent sur l'autorégulation et le rôle du marché.

La censure du Parlement s'est expliquée par une raison de forme et une raison de fond. Sur la forme, le conseil a accordé la licence à Nova alors que seuls 6 membres sur 9 étaient présents. Sur ce point, le conseil a invoqué la nécessité de mettre en oeuvre un système de télévision privée nationale dans les meilleurs délais. Sur le fond, la composition du capital de la chaîne commerciale a été critiquée. Par ailleurs, la décision de privatiser la fréquence publique émettant sur ondes moyennes au bénéfice de la radio Echo ne fut également pas appréciée du Parlement.

Les rapports avec ce dernier se sont considérablement améliorés à partir du second semestre 1994 et le rapport annuel pour cette année a été approuvé à l'unanimité.

L'élection d'un Sénat, prévu par la Constitution, mais dont l'absence de consensus sur le mode d'élection retarde la mise en place, devrait modifier les rapports du Conseil avec le Parlement, puisqu'il est question que le président du conseil soit élu par les deux chambres, et non plus par ses pairs. La nécessité d'obtenir un vote concordant des deux chambres pour rejeter le rapport du conseil rendra ce cas de figure moins réalisable. Au total, c'est l'indépendance du conseil qui devrait en être renforcée.

Le Conseil de la télévision et le Conseil de la radio sont composés, chacun, de 9 membres qui doivent représenter tous les courants régionaux, politiques, sociaux, culturels et d'opinion. Élus pour 5 ans renouvelables une fois, ils peuvent être révoqués par le Parlement.

À la Chambre des députés de la République Tchèque existe en effet un comité parlementaire pour les média, dont peut être membre tout député 16 ( * ). Le comité est composé, à la proportionnelle, de quinze parlementaires désignés par leurs groupes. Il a pour fonction de débattre des questions législatives et budgétaires relatives aux média, de surveiller l'activité des trois conseils, d'examiner - ainsi que la commission parlementaire compétente - le rapport du Conseil pour les émissions de radio et de télévision, dont la responsabilité ne peut cependant être mise en cause que par la chambre entière.

c) Un partage de compétences délicat


Le Conseil pour les émissions de radio et de télévision :

- attribue les licences nationales et régionales pour la radio - pour 6 ans - et la télévision - pour 12 ans - aux diffuseurs privés : la loi n'ayant prévu aucune limite de participation des étrangers au capital d'une chaîne de télévision ou d'une radio privée, un opérateur étranger peut détenir jusqu'à 100 % du capital ;

- contrôle les obligations légales à l'égard du secteur public et du secteur privé (particulièrement les règles en matière de publicité et de parrainage) ;

- veille au respect du pluralisme des opinions ;

- contrôle l'application des conditions spécifiques d'attribution des licences par leurs détenteurs ;

- participe à l'élaboration des principes et des lois du Parlement qui touchent à l'audiovisuel (le Conseil a ainsi préconisé la privatisation de deux des trois chaînes publiques tchèques) ;

L'activité essentielle du conseil - qui occupe 90 % de son temps - est l'attribution des licences. Il supervise en définitive très peu la télévision publique, laquelle dispose de ses propres organes de contrôle.


• Le Conseil de la télévision
et le Conseil de la radio, dans le cadre de leurs compétences respectives :

- nomme pour 6 ans et révoque (à la majorité des deux tiers au moins) des directeurs généraux de la télévision et de la radio publiques (en mars 1993, M. Mejstrik, directeur général de la radio, a démissionné après un an seulement d'activité) ;

- approuve les statuts de la télévision et de la radio proposés par les directeurs généraux ;

- approuve les budgets et les comptes de fin d'année ;

- crée ou supprime les studios télévisés autonomes (à l'exception de ceux de Prague, Brno et Ostrava).

d) Le pouvoir de sanction

Le Conseil dispose d'un pouvoir de sanction à l'encontre des diffuseurs privés et publics qui ne respectent pas leurs engagements légaux ni les dispositions spécifiques des licences accordées aux diffuseurs privés.

La possibilité d'infliger une amende de 2.000 à 400.000 FF est prévue dans le cas où les émissions sont « pirates » ou bien excèdent la portée de diffusion de l'émetteur. Son montant doit tenir compte « de la gravité de l'infraction..., de l'étendue et de la portée de la diffusion, ainsi que de l'importance de l'enrichissement illicite ». Des amendes peuvent également être infligées pour non-respect des obligations légales et conventionnelles.

Le retrait de la licence des diffuseurs privés est également prévu en cas de « violation grave » des obligations ou encore lorsque le détenteur d'une licence n'émet pas dans un délai de 360 jours après sa délivrance.

Le pouvoir de sanction de l'organe de régulation a connu quelques applications. Au mois de novembre 1994, le Conseil avait prononcé trois retraits de licences contre des radios locales, deux amendes contre Nova TV et Premiera TV pour des publicités interdites.

Le Conseil de la télévision et le Conseil de la radio ne disposent pas de pouvoir de sanction spécifique pour les diffuseurs publics, mais le pouvoir de révocation des directeurs généraux constitue une prérogative dissuasive.

2. Un secteur public réduit de trois à deux chaînes

La loi du 30 octobre 1991 a abrogé le monopole d'État sur la radio et la télévision et prévu l'existence de diffuseurs publics indépendants du budget de l'État, dont l'essentiel des ressources provient de la redevance.

Il existait jusqu'au début de l'année 1994, trois chaînes publiques. Elles ne sont plus qu'au nombre de deux :


• CT1 (anciennement Ceska Télévise, chaîne de télévision tchèque) de format grand public, couvre 98 % du territoire et diffuse 20 heures de programmes par jour, comportant des écrans publicitaires (dans la limite de 2 %).


• CT2 (anciennement OK3, créée pour occuper le réseau destiné à la première chaîne soviétique) a une programmation plus culturelle que CT1, sans publicité et comportant également des programmes locaux. Elle est reçue aujourd'hui par 80 % de la population.

Avant le vote de la loi du 22 décembre 1992, CT2 devait être privatisée en priorité et un appel à candidatures avait même été lancé à l'automne 1992 pour permettre l'attribution du réseau. Ce projet - qui aurait dû aboutir en 1995 - soulève aujourd'hui de vives polémiques.

3. Le secteur privé

a) Deux chaînes hertziennes


• Une licence d'exploitation a été attribuée en février 1993 à Nova TV par le Conseil pour les émissions de radio et de télévision à la société CET21 (Central European Télévision for the 21 st Century). 26 candidats étaient en compétition, dont la SOFIRAD, Canal +, la CLT et CNN.

CET21, devenue Nova TV, est détenue à 66 % par une société américano-canadienne (Central European Development Corporation) dont le siège social est à Berlin. La CEDC est dirigée par Marc Palmer, ancien

Ambassadeur des États-Unis en Hongrie. Les actionnaires américains n'exercent toutefois aucune influence sur la ligne éditoriale de la chaîne. La Caisse d'épargne tchèque est également présente, pour une large part, dans le capital de la chaîne.

La chaîne est devenue opérationnelle le 4 février 1994. Elle émet de 5 h à 0 h 30 et touche 96,2 % de la population.

Nova TV s'est par ailleurs vu attribuer le 1 er juillet 1994 une licence de diffusion satellitaire.

Nova TV, dirigée par Vladimir Zelezny, comprend dans son équipe plusieurs personnalités politiques de l'ancien Forum civique, principal mouvement de la « Révolution de velours » de 1989. Cette origine, et d'avantage encore, la manière dont la licence fut attribuée à Nova, a d'ailleurs entraîné de nombreuses critiques de la part de l'opposition. La chaîne commerciale s'est en effet vu confier 27 émetteurs et 650 réémetteurs qui lui assurent un taux de couverture du territoire de 98 %, alors que l'autre chaîne privée ne couvrait que 54 % du territoire et 78 % de la population.


Premiera TV, première télévision privée de l'ancienne Tchécoslovaquie, s'est d'abord vu attribuer en février 1993 une licence régionale, lui permettant de couvrir Prague et la région de Bohème orientale, soit un bassin de population de 3 millions de personnes environ.

Le 1 er juillet 1994, le Conseil a accordé à Premiera TV une licence de diffusion satellitaire. Le signal est relayé par des stations hertziennes terrestres, ce qui permet à la chaîne de couvrir l'ensemble du pays.

Investivni Banka est désormais l'actionnaire unique de Premiera TV (la famille italienne Marcucci détenait 45 % du capital). À la fin de l'année 1994, elle a proposé d'associer un autre partenaire au capital de la chaîne dans une proportion de 45 %. La décision définitive n'est pas encore prise. La législation limitant à 10 % la part du capital qu'une banque peut détenir dans les média, la cession de 40 % du capital est envisagée. Des négociations sont en cours. Elles semblent difficiles.

Lorsque Nova TV se vit remettre le réseau d'émetteur de l'ancienne chaîne fédérale OK3, et face au succès de ce concurrent, Premiera vit ses recettes publicitaires s'effondrer.

Le 1 er juillet 1994, le Conseil a accordé à Premiera TV une licence de diffusion satellitaire. Le signal, retransmis par Kopernikus, est relayé par des stations hertziennes terrestres, ce qui permettrait à la chaîne de couvrir l'ensemble du pays.

Cependant, la question des droits très élevés exigés par les sociétés américaines empêche toute réception directe pour le moment. Premiera a envisagé de monter sur le satellite Astra, les neuf dixièmes des paraboles du pays étant orientées vers ce satellite. Celui-ci étant complet, elle négocie actuellement avec Eutelsat.

L'existence de la chaîne commerciale est aujourd'hui en question. Selon son directeur général, M. Jiri Mejstrik, « Premiera a le choix entre deux stratégies opposées : soit limiter le temps de ses émissions à cinq heures par jour, soit étendre sa diffusion à tout le territoire ». Elle ne couvre en effet encore que 40 % du territoire de la République Tchèque. Cette situation explique selon M. Mejstrik que les chiffres de l'audience doivent être interprétés avec précaution. Il revendique une part de marché de 2,7 % et des pointes d'audience dans la cible 14 ans et plus de 9 %, soit 20 % en audience initialisée.

Dans une contre-offensive préparée pour l'automne 1995, Premiera a souhaité jouer la carte de la qualité et donner la préférence aux programmes tchèques et européens, afin de se démarquer de Nova. Cependant, comme le constate le directeur général de la chaîne, « le plus cher des programmes américains est trois fois moins cher que le programme tchèque le moins onéreux, et l'audience est, dans le premier cas, assurée ». Il est possible que soient tentés des décrochages régionaux, prévus par la licence qui a été accordée à la chaîne, mais qui n'ont pas encore été réalisés.

L'avenir de Premiers, même si ses difficultés sont considérable, semble toutefois assuré, pour trois raisons. Il est douteux que les actionnaires qui ont investi dans la chaîne - et les banques qui lui ont consenti 500 millions de couronnes de crédits depuis son lancement - n'essayent pas de sauver leur mise. La survie d'une seconde chaîne privée est par ailleurs une nécessité économique et politique. Économique, afin de permettre aux entreprises tchèques d'accéder au marché publicitaire, les prix des spots sur Nova étant devenus pour beaucoup d'entre elles inaccessibles 17 ( * ) . Politique ensuite, dans la perspective des élections du printemps 1996. Il serait en effet difficilement admissible, pour des raisons de pluralisme, qu'une chaîne de télévision soit en position de monopole et rafle les trois quarts de l'audience.

Les difficultés de la chaîne ont permis au groupe américain Stratton Investments, dirigé par Michael D. Dingman, de racheter, en décembre 1995, à la banque tchèque Investicni a Postovni le tiers des parts qu'elle possédait (15 % sur 45 %). La banque continue toutefois de contrôler le groupe financier qui détient la majorité des actions de cette chaîne. Il s'agit pour le groupe américain d'une simple diversification de ses investissements dans les média : il a, en effet, déjà investi 140 millions de dollars dans six entreprises industrielles tchèques.


• La CLT envisagerait de lancer une chaîne privée.


• Quelques chaînes locales diffusent depuis septembre 1994 trois heures de programmes par jour.

b) Le câble : un développement dynamique

Dans le câble, la République Tchèque bénéficie de la meilleure infrastructure technique et de la plus forte croissance des pays de la région.

En effet, ce pays a immédiatement su drainer les capitaux occidentaux et plus particulièrement américains. Avec moins de 30 % des foyers connectés à un réseau téléphonique, le marché tchèque est un véritable laboratoire d'essais pour le câble. Les enjeux technologiques et financiers sont énormes. L'affrontement entre les opérateurs privés et le monopole public des télécommunications est déjà engagé.

L'actualité du câble fait constamment état de cette confrontation. Ainsi la compagnie américaine de téléphone, US West, est devenue actionnaire du géant Kabel Plus.

Le marché tchèque a, dans le même temps et à l'initiative américaine, développé l'utilisation du MMDS 18 ( * ) . Dans un même quartier, voire dans une même rue, câble et MMDS se combinent pour maximiser le taux de pénétration des grands opérateurs.

Le développement des chaînes du câble a été favorisé par le vote de la loi du 30 octobre 1991. Les sociétés exploitantes et les sociétés d'édition de programmes se sont multipliées durant les deux dernières années et font preuve d'un réel dynamisme.

Trente-sept câblo-opérateurs desservent 500 000 abonnés. Les plus petits opérateurs ont 5 000, voire 1 500 abonnés. Le coût de l'abonnement varie de 60 à 160 couronnes 19 ( * ) par mois, pour 12 à 32 chaînes. Seule Eurosport doublée en tchèque, mais il est question que les chaînes de fiction le soient également. L'éparpillement des opérateurs constitue désormais un frein à leur développement. Le secrétaire général de l'association des câblo-opérateurs estime à cet égard qu'il existe une réelle opportunité pour les entreprises françaises, de nombreux opérateurs tchèques ayant besoin d'une assistance technique et financière.

Kabel Plus est le principal opérateur du câble en République tchèque et en Slovaquie.

Codis est opérateur à Prague et dans le nord de la Bohème et de la Moravie.

La chaîne sportive européenne, Eurosport, a signé en décembre 1994 un accord qui prévoit la distribution d'une version tchèque. Ce sera la première version d'Eurosport dans une langue d'Europe centrale.

Enfin, 17 chaînes - dont 13 internationales, en majorité de langue allemande - peuvent être reçues à Prague, dont TV5 depuis janvier 1993.

e) Une large couverture satellitaire

En raison de sa situation géographique, la République tchèque est couverte par de nombreux satellites. Cette situation privilégiée explique un fort taux d'équipement d'antennes paraboliques, estimé à 20 % à Prague.

Nova TV, Premiera TV - qui diffusent également sur le réseau hertzien - et Art Production TV bénéficient de licences de diffusion satellitaire.

4. La percée de Nova TV : un exemple à méditer pour les chaînes publiques

Le succès de Nova TV a été fulgurant et écrasant. Personne ne s'attendait à un tel succès. Trois ans avant le lancement de la chaîne, la télévision publique lui accordait une part de marché de 6 %. Elle rafle aujourd'hui près de 70 % de l'audience.

La chaîne - qui a débuté ses émissions le 4 février 1994 - totalisait en effet 69,5 % de parts d'audience, à fin 1994, contre 28 % pour le secteur public.

Le graphique suivant (de l'audience adulte) permet de mesurer cette progression qui s'est effectuée au détriment de toutes les autres chaînes :

Audience de 3 heures à 3 heures
Adultes (plus de 14 ans)

Source SKMO-GFK-AISA Media Projekt 1994 (I-IV quarter)

Le « format américain » de la chaîne explique une grande part de ce succès. Nova participe en quelque sorte du « rêve américain » qui anime une grande partie de la population tchèque. Elle offre une image de modernité, de réussite, de dynamisme. Par contraste avec la télévision publique, elle peut se définir comme une chaîne tchèque « à l'occidentale ».

Bien que lourdement endettée - Nova a emprunté 1,35 milliard de couronnes, mais le remboursement des prêts bancaires a débuté onze mois après le lancement de la chaîne -, la chaîne commerciale bénéficie d'une souplesse de fonctionnement qui se traduit par un personnel dix fois moins nombreux qu'à la télévision publique (363 personnes contre 3 650, pour deux chaînes et une activité importante de production). Il faut cependant savoir que la chaîne privée a débauché du personnel particulièrement dynamique de la chaîne publique.

Celle-ci a particulièrement tardé à réagir lors du démarrage de Nova. Pendant les dix-huit premiers mois de l'apparition de la nouvelle chaîne, la grille de programmes de la télévision publique est demeurée inchangée. Elle souhaite désormais contre-attaquer en diffusant davantage de documentaires et de reportages sur CT1 - qui s'affirmerait ainsi comme la chaîne tchèque, par rapport à Nova, perçue comme chaîne « américanisée » -, tandis que CT2 resterait une chaîne plus culturelle.

Comment expliquer ce succès ? Il s'explique d'abord par le caractère peu attractif de la ligne éditoriale de la télévision publique. CT1 est une chaîne grand public et CT2 consacre une partie de ses programmes aux documentaires mais aussi aux « talk show ». En 1992, les deux chaînes publiques proposaient 63 % de programmes nationaux. Les séries américaines y sont en nombre limité (deux par semaine environ) : Nord-Sud, Racines. Dallas.

Nova TV propose en revanche des programmes populaires et de divertissement. Elle produit notamment deux émissions de variétés par semaine. Les séries américaines occupent également une place importante. Elle propose régulièrement des programmes français : Hélène et les Garçons, Tintin, le Gendarme de Saint-Tropez (qui a totalisé un fort taux d'audience).

Ce succès pourrait avoir trois conséquences : sur l'équilibre du marché publicitaire, sur les ressources du secteur public, et sur la production audiovisuelle nationale.

5. Une économie de l'audiovisuel profondément affectée

a) Un marché publicitaire incertain

L'arrivée sur le marché de Premiera TV et surtout de Nova TV ont provoqué une très forte croissance du marché publicitaire de la télévision (+81 % en 1993. +42 % en 1994). Cette progression s'essouffle cependant en 1995 (+ 15 %), le marché ayant absorbé cette nouvelle offre télévisuelle. Si Premiera TV devient une chaîne nationale, il n'est pas assuré que le marché puisse continuer à absorber une telle augmentation de l'offre d'espace publicitaire.

On peut relever la bonne résistance de la presse écrite qui maintient sa position dominante dans le marché publicitaire malgré une érosion régulière.

Parts du marché publicitaire des média tchèques

Source : Conjoncture 95-IP. Document Sénat.

Alors que l'audience globale de la radio diminue, de nouvelles licences sont régulièrement accordées à des radios locales ou régionales. La radio publique aurait perdu 45 % de ses auditeurs au profit des nouvelles radios privées. Le marché publicitaire sur ce média, après une croissance vertigineuse en 1993 (+80 %) et une pause en 1994 (+24,4 %), redémarre en l995 (+46,3 %).

Au total, le marché publicitaire - tous média confondus - tend à s'assagir (+43,7 % en 1993, +16,3 % en 1994, +15 % en 1995).

b) Le budget de la télévision publique

Le budget des chaînes publiques s'élevait en 1993 à 460 millions de francs, dont 360 millions de francs en provenance de la redevance et 100 millions de francs de ressources publicitaires. Il se pourrait que ces dernières diminuent fortement en raison de la baisse de l'audience.

Le montant de la redevance est inscrit dans la loi de 1991. De 25 couronnes par mois depuis 1969, elle est passée à 50 couronnes à cette date. Le taux de fraude à la redevance a considérablement diminué en raison de l'instauration de sanctions importantes en cas de non paiement ; 3 à 400 000 foyers qui ne la payaient pas l'acquittent désormais. La redevance est de 25 couronnes pour la radio.

La Poste tchèque, qui assure la perception de la redevance, opère un prélèvement pour frais de perception de 2,6 couronnes par mois, ce qui entraîne un coût annuel de 110 millions de couronnes pour la télévision publique et 90 millions pour la radio publique. Une perception trimestrielle ou annuelle pourrait diminuer ce prélèvement, mais cette réforme n'est pas envisagée pour l'instant.

Le Parlement ne souhaite pas modifier la loi pour augmenter la redevance qui a déjà doublé en 1991. En outre, la télévision publique apparaît comme une société riche. Aucun parti politique n'éprouve de la sympathie pour elle. Elle souffre également de l'hostilité des télévisions privées.

L'autre source de financement de la télévision publique, la publicité, est limitée dans son volume à 1 % du temps d'émission - 24 minutes par jour pour 44 heures de diffusion de CT1 et CT2, cette dernière ne diffusant pas de publicité, c'est CT1 qui bénéficie de la totalité du quota ouvert -Il ne peut y avoir plus de six minutes de publicité par heure. Les films ne peuvent être interrompus par la publicité. La télévision commerciale peut en revanche diffuser jusqu'à 12 minutes de publicité par heure et interrompre les films.

Le parrainage et le sponsoring sont autorisés, mais la télévision publique ne bénéficie d'aucune subvention d'État, même pour compenser les exonérations de redevance.

Dans ce contexte, les difficultés financières de CT apparaissent inévitables.

c) Les programmes

Pour ce qui concerne la production, la législation tchèque sur l'audiovisuel n'a pas prévu de quotas.

Les candidats à l'attribution de fréquences doivent, en application de la loi du 30 octobre 1991, « produire ou faire produire une importante partie des émissions diffusées de façon à sauvegarder et développer l'identité culturelle... et à soutenir la promotion de la création audiovisuelle nationale et européenne ».

De plus, la loi prévoit que les sociétés avec participations étrangères (100 % de capitaux étrangers éventuellement) peuvent se voir attribuer des licences à la condition de participer au « développement de la création locale ou régionale ».

C'est donc l'instance de régulation qui définit les quotas, dans des conditions imposées lors de la délivrance des licences.

Ainsi, Nova TV doit assurer la production de 25 % de programmes nationaux jusqu'en 1997, date à laquelle ce chiffre sera porté à 40 % (60 % des programmes doivent être européens).

La production propre de la télévision publique est de 69 %, dont 6 % seulement est issue de producteurs indépendants, ce qui montre la faiblesse de ce secteur. La production extérieure - 31 % - se répartit de façon équilibrée entre les États-Unis (37 %), la France (16 %) et les autres pays européens. Malgré des efforts importants de productivité de la chaîne publique (-35 % d'employés, pour un volume de production ayant augmenté de 35 %), les productions tchèques restent 25 à 30 fois plus coûteuses qu'un programme américain. Peu de productions nationales trouvent preneur sur le marché international.

La République Tchèque se déclare prête à adhérer à la Convention sur la télévision transfrontière du Conseil de l'Europe. Elle se déclare toutefois hostile aux quotas, qu'elle considère comme un instrument inefficace.

Au regard de la coopération avec l'Union européenne, la République Tchèque est intéressée par le programme Média 2, alors qu'elle ne l'était pas par Média 1, seules 5 actions sur 19 de ce programme lui auraient été utiles. Elle est déjà membre des programmes Eurêka et Eurimages.

Un fonds de soutien au cinéma, alimenté par un prélèvement d'une couronne par place de cinéma et par les droits d'auteur des films d'État réalisés entre 1965 et 1990, dispose d'un budget annuel de 60 millions de couronnes pour couvrir jusqu'à 50 % des dépenses d'un film. Il finance entre 15 et 20 longs métrages par an. Le cinéma tchèque manque encore d'auteurs. Les salles de cinéma doivent être rénovées. Les distributeurs américains acquièrent à bon marché d'anciennes salles. Les distributeurs français sont malheureusement absents de ce secteur.

d) Quel pourrait être l`équilibre de l'audiovisuel tchèque ?

Comme le propose le directeur général de Nova, M. Zelezny, les chaînes publiques pourraient se voir interdire l'accès aux ressources publicitaires, à tout le moins en prime time, afin que Premiera puisse survivre. Cette position apparemment désintéressée s'explique en réalité par la conscience qu'il a que Nova a besoin d'une concurrence privée, afin de ne pas être accusée de monopole. En réalité, les ressources publicitaires du marché tchèque ne permettent sans doute pas la survie de deux chaînes commerciales.

Avec une part de marché d'environ 70 % pour une chaîne commerciale, un concurrent infiniment plus faible, une télévision publique qui ne détient plus que 25 % de parts de marché, c'est tout le secteur audiovisuel qui est déséquilibré. Nova « assèche » progressivement le marché publicitaire en privant notamment la télévision publique de ressources commerciales, alors que, dans le même temps, la rigidité de la législation induisait une baisse tendancielle des ressources de la redevance.

Même si Nova se défend d'être une chaîne américaine, sa contribution à la production audiovisuelle nationale ou à la diffusion d'oeuvres européennes n'est pas évidente. Selon la chaîne, elle diffuse 42 % de « programmes autonomes » - émissions de plateaux -, 7 % de films tchèques, 34 % de films américaines et 17 % de films du reste du monde. Elle achète des films français anciens, assurés de succès, mais a renoncé à l'achat de documentaires, ceux acquis auprès de la BBC n'ayant pas une forte écoute. Les documentaires tchèques réunissent cependant une audience égale à trois fois et demie celle des autres programmes.

Alors que le divertissement et la fiction ont été, dans un premier temps, le point fort de la chaîne commerciale, les programmes d'information de Nova sont devenus les plus suivis. Selon son directeur général, « No va façonne l'opinion publique. Cela pourrait constituer un problème dans la perspective des élections législatives du printemps 1996 ». Aucune disposition spécifique n'est en effet prévue en matière de propagande électorale sur les chaînes privées. Nova ne semble pas disposée à prêter gratuitement son temps d'antenne aux formations politiques et aucune disposition législative ne garantit l'égalité d'accès des candidats à la télévision.

La configuration actuelle du paysage audiovisuel tchèque rend aléatoire tout projet de télévision payante. Le prix de l'abonnement serait trop élevé et le public, privé d'images de l'occident pendant 35 ans, ne peut pas encore faire la différence entre une production ancienne et une production récente, ce qui est la clé du succès d'une chaîne payante.

Avec six programmes en langue tchèque - quatre diffusés par voie hertzienne et deux diffusés sur le câble -, la diversité des programmes semble assurée et un point d'équilibre est sans doute atteint.

B. LA RADIO EN RÉPUBLIQUE TCHÈQUE

La République Tchèque comptait, au 31 janvier 1995, 103 radios autorisées, dont quatre stations régionales. Ce dernier chiffre est susceptible d'évoluer, le Conseil pour la radio et la télévision procédant au renouvellement des licences depuis le 1 er janvier 1996.

La radio publique cherche un nouvel essor tout en devant faire face, à Prague comme dans le reste du pays, à la concurrence féroce des radios privées dont la floraison et le dynamisme rappellent les années 80 en France. Les émissions à caractère culturel (littéraires notamment) gardent une importance certaine, aussi bien sur les stations régionales que nationales. À Prague, les équipes de production sont constituées selon les genres de programmes et interviennent indifféremment sur les trois radios nationales.

1. Un secteur public diversifié

On recense cinq stations publiques de radio :

Radio Zurnal : information (FM et OM)

Praha : généraliste (OM)

Regina : généraliste et régionale (FM)

VItava : culture et musique classique (FM)

Radio Prague internationale : programmes en langues tchèque et étrangères.

2. De nombreuses radios privées

Elles se sont multipliées après 1989.

Plus de 50 stations locales privées émettent actuellement sur le territoire tchèque. La notion de réseau n'existe pas légalement mais une radio locale peut reprendre pour partie le programme d'une autre radio et fonctionner ainsi selon un système d'abonnement.

Prague compte 16 radios sur la bande FM dont deux ont réalisé une percée remarquable, comparable en ampleur à celle de Nova pour la télévision, mais moins rapidement.


Radio Régie Music (RRM)

Ce réseau, construit autour d'Europe 2, l'une des deux stations d'Europe Développement, est le seul à correspondre au concept de réseau : il propose un tronc commun de programmes. Dans la majorité des cas, les stations signataires s'engagent à reprendre 19 heures d'émissions d'Europa 2 ; il leur reste environ 5 heures de programmes propres constitué notamment d'informations locales. Fin 1995, le réseau était constitué de 5 stations affiliées et couvrait les deux tiers de la Bohème. Radio Régie Music comprend aussi la régie publicitaire de Fréquence 1 et de Radio Golem (radio présente dans le capital de Fréquence 1).

En 1995, RRM représentait 20 % de l'audience radio en République Tchèque.


Le réseau SUN

Ce réseau est géré par Multimédia Praha qui appartient en totalité à IP Praha (Information et Publicité), proche de la CLT, qui assure par ailleurs la régie publicitaire de la télévision publique.

Il se contente d'offrir la régie publicitaire à ses 16 stations adhérentes et d'élaborer un embryon de programme commun au réseau.

En outre, deux filiales d'Europe 1, dirigées par un francophone, animateur de France-Culture de 1981 à 1990, rencontrent un succès important :


• Europa 2
(filiale à 95 % du groupe Europe 1) est une radio musicale qui propose environ 10 % de variétés françaises, 15 % de variétés tchèques et 75 % de musique anglo-saxonne. Elle a développé un réseau de radios abonnées en province (Radio Plzen, Radio Most, etc.) et couvre ainsi toute la Bohème et la majorité de la Moravie. La station occupe la première place des radios musicales depuis cinq ans.


• Fréquence 1,
dont le capital est partagé entre la société privée Radio Golem, une compagnie d'assurances, Europe 1 et sa filiale Europe 2, est une radio généraliste comportant 60 % de programmes musicaux et des bulletins d'informations. En deux ans, elle a réussi à égaler, en audience, les radios du secteur public (16,3 % d'audience pour ces dernières, contre 16,2 % pour Fréquence 1 au premier semestre 1995 ; c'est la radio la plus écoutée de la tranche d'âge 20-50 ans). Alors qu'elle se voulait radio de divertissement, elle est devenue, un peu malgré elle, la station de référence pour l'information. Elle emploie 44 personnes, contre 1150 dans les radios publiques.


• Sur les grandes ondes, le seul concurrent sérieux d'Europa 2 - Fréquence 1 est Radio Alfa qui dispose de l'ancienne fréquence de RFI. L'instance de régulation a refusé en novembre 1994 une participation étrangère à son capital.


• Émettent également sur la bande FM en République tchèque Radio Fun Europe, RFI - depuis août 1993 -, BBC World Service et Voice of America.


• Enfin, Echo a été autorisée à émettre en ondes moyennes. Il s'agit d'une radio généraliste nationale financée à 100 % par Investicni Banka.

*

* *

À l'approche des élections législatives de juin 1996, l'opposition relève que le Premier ministre est très présent dans les média alors qu'elle ne dispose pas d'un droit d'accès équivalent, notamment sous la forme d'un droit de réponse : bénéficiant déjà de deux chroniques hebdomadaires dans des journaux, M. Vaclav Klaus participe également depuis l'automne 1995 à une émission télévisée hebdomadaire de cinq minutes sur la chaîne privée Nova.

En cas de cohabitation politique, l'autorité de régulation de l'audiovisuel, responsable devant le Parlement, pourrait se trouver en situation critique.

La prédominance de Nova TV au sein du paysage audiovisuel tchèque pourrait-elle être remise en cause à l'issue de ces élections législatives ? La réponse à cette question dépendra sans doute du comportement de cette chaîne, qui reste avant tout commerciale, pendant la campagne.

En tout état de cause le succès de Nova TV est riche d'enseignement. Sans conteste, le format américain de cette chaîne exerce un puissant attrait sur le public d'Europe centrale et orientale.

Cet exemple est à méditer pour les opérateurs audiovisuel désirant investir sur le marché tchèque, mais également sur les marchés des pays voisins...

V. LA HONGRIE : UNE LIBÉRALISATION DIFFICILE.

A. UN AUDIOVISUEL DOTÉ ENFIN D'UN STATUT

Après plusieurs projets de loi rédigés depuis 1989, le Parlement hongrois a voté, le 21 décembre 1995, une loi sur l'audiovisuel. Cette loi met fin au monopole d'État des média nationaux, ainsi qu'au moratoire sur 1es fréquences, instauré en 1989. Elle fixe les cadres juridiques et économiques du développement du secteur privé audiovisuel, en réglant les rapports de concurrence avec les média de service public, dans le cadre d'un système dualiste d'inspiration très libérale .

1. Une loi très libérale

a) Le système provisoire (1989-1995)

La commission d'attribution des fréquences du ministère de la Culture, composée d'un représentant des ministères de la Culture, de l'Intérieur, des Télécommunications, de la Justice, et de la Défense, a joué un rôle important dans l'attribution des autorisations données antérieurement.

L'Institut de gestion des fréquences, dépendant du ministère des Télécommunications, préparait techniquement les décisions.

En l'absence d'une loi audiovisuelle, ces procédures n'avaient pas été suffisamment précises pour que ces organes jouent un véritable rôle de régulation. Le partage des rôles entre les deux institutions manquait de clarté. D'autant plus qu'il existe pour la télévision et la radio publiques des comités d'éthique. Ce sont des organes d'autorégulation, composés notamment de salariés de l'entreprise. Puis, à l'automne 1993, des comités de surveillance composés de six personnalités extérieures à la télévision et à la radio, choisies par le président de la République, ont été créés. Ce sont des organes consultatifs sans statut légal.

Les différents projets de loi discutés par le Parlement sans être jamais adoptés prévoyaient la création d'une instance de régulation dénommée Conseil de la radio et de la télévision, dotée d'un pouvoir de contrôle sur les chaînes privées. En cas « d'irrégularité grave », le président ou les membres de la direction pouvaient être révoqués. Dans le projet d'octobre 1991, cet organe avait également pour mission l'attribution des fréquences aux télévisions et radios privées, le contrôle des obligations légales et disposait d'un pouvoir de sanction administrative. Les conditions de désignation des membres du conseil de la radio et de la télévision ont fait l'objet de plusieurs versions :

- nomination par le Premier ministre après audition par la commission culturelle du Parlement ;

- élection à la majorité des deux tiers par le Parlement sur proposition du Premier ministre.

Tout cela fit l'objet de multiples débats.

b) Les objectifs de la législation de I995 sur l'audiovisuel

Le premier objectif de la loi sur l'audiovisuel a été de mettre en conformité la législation hongroise avec la législation européenne, et notamment la directive « Télévision sans frontières » de 1989, dans la perspective de l'adhésion de la Hongrie à l'Union européenne. À cet effet, le commissaire européen compétent, M. Oreja, a été consulté en juillet 1995 par les responsables hongrois.

Le deuxième objectif de la loi est rétablissement d'un paysage audiovisuel dualiste, public et privé. Il s'agit de l'enjeu majeur du texte, qui a cependant profondément divisé la coalition au pouvoir. La privatisation de la seconde chaîne hertzienne du secteur public - qui compte en outre une chaîne satellitaire -, MTV2, est désormais un fait acquis. Le secteur public sera constitué de deux chaînes, l'une hertzienne, MTV1, l'autre satellitaire, Duna TV, qui seront transformées en sociétés anonymes.

Le troisième objectif du texte est la création d'une autorité de régulation indépendante du Gouvernement, du Parlement et des partis, « sur le modèle britannique ou français ».

On peut expliquer la lenteur de l'élaboration d'un cadre législatif rénové par le fait que la télévision a contribué, pendant les années 1989-1991, à l'émergence d'une bonne partie de la nouvelle classe politique hongroise.

Mais celle-ci craint l'influence politique de la télévision, surtout si elle est privée. Par ailleurs, si la coalition gouvernementale dispose de 74 % des sièges, soit davantage que la majorité requise des deux tiers, elle est loin de s'être accordée sur les grandes lignes du futur paysage audiovisuel hongrois. Le Parti socialiste hongrois est lui-même divisé sur la question.

On peut par ailleurs craindre que ce texte, qui ne comporte aucune disposition relative aux nouvelles technologies, ne soit rapidement obsolète.

c) La loi du 21 décembre 1995

Requérant une majorité des deux tiers, nécessaire, selon la Constitution hongroise, pour adopter toute loi relative aux libertés publiques, la loi sur l'audiovisuel a été adoptée, après six ans de discussions et deux projets étudiés par le Parlement depuis 1990.

La loi sur l'audiovisuel, votée à une très large majorité (264 voix pour, 31 contre et 2 abstentions) le 21 décembre 1995, met fin au monopole d'État sur les média nouveaux, et définit les cadres juridiques et économiques d'un système fondé sur la concurrence entre média publics et privés.

La loi confirme les grandes orientations des projets précédents (création d'une instance supérieure de l'audiovisuel, privatisation de la deuxième chaîne de la télévision nationale, et attribution de fréquences nationales en radio et télévision), avec toutefois une inflexion beaucoup plus libérale. Le secteur public estime n avoir obtenu gain de cause sur aucune de ses revendications (financement, répartition des obligations de service public, quotas de diffusion pour les télévisions commerciales privées), ce qui pourrait entraîner une concurrence déséquilibrée avec le futur secteur privé. Si la viabilité économique de la loi est critiquée par les milieux professionnels, celle-ci recueille un large consensus sur toutes les mesures qui visent à garantir la neutralité politique des média publics (nomination des présidents des média publics, attributions et organisation de la haute instance audiovisuelle), ce qui avait constitué le point-clé de la « guerre des média », et du gel des fréquences qui l'avait accompagnée depuis 1989.

Ce vote constitue d'abord une victoire politique pour la coalition, qui s'est efforcée de définir un texte consensuel et de recueillir le soutien des partis d'opposition. Ce fut l'objet d'un accord signé, fin octobre, entre les six partis représentés au Parlement, qui portait essentiellement sur l'organisation des organes de direction des média publics et de l'ORTT, conseil supérieur de l'audiovisuel créé par la loi, de façon à en garantir l'indépendance et la neutralité politique.

Dans les derniers jours du débat au Parlement le projet, qui a fait l'objet de 420 amendements, a évolué vers une réduction des obligations des futures chaînes privées, en partie sans doute, sous l'influence des investisseurs intéressés par la privatisation, et dans la perspective de l'adhésion de la Hongrie à l'OCDE. Pour satisfaire, en effet, aux conditions d'admission à l'OCDE, les députés ont dû revoir à la baisse les quotas de diffusion de programmes nationaux et européens sur les futures télévisions privées, qui étaient à l'origine alignés sur ceux recommandés par la directive européenne « Télévision sans Frontières ».

La loi fixe un calendrier précis pour la restructuration du service public et la création des média privés.

L'année 1996 est donc une année de transition, le premier semestre étant consacré à la restructuration des organes de direction des média publics, le deuxième semestre à la sélection des candidats aux premières radios et télévisions nationales privées.

Le paysage audiovisuel hongrois n'a donc pas encore atteint sa phase de maturité.

2. La nouvelle régulation du paysage audiovisuel hongrois

La loi du 21 décembre 1995 a créé une instance de régulation de l'audiovisuel, l'ORTT.

Dans un délai de 45 jours à compter de l'entrée en vigueur de la loi, le Parlement a élu les 6 membres et le président de l'ORTT. Chaque membre a été choisi par un parti. Le poids des voix est réparti, par la loi, de façon à assurer l'égalité entre les membres de la majorité et ceux de l'opposition. Ainsi les deux membres de l'actuelle majorité (Parti socialiste et Parti libéral démocrate) ont 50 % des voix, soit 25 chacun. Les quatre membres de l'opposition totalisent 50 % des voix, soit 12,5 aucun. Aucune décision ne peut donc être prise sans au moins la voix d'un membre de l'opposition. Ce système suppose donc aussi la révision de la composition du comité à chaque changement de majorité au Parlement.

Le comité a pour tâche de lancer et de juger les appels d'offre pour les attributions de fréquences, de veiller au respect des dispositions prévues par la loi et, le cas échéant, de pénaliser les infractions. Il doit constituer et faire fonctionner un comité de réclamation ainsi qu'un service d'audimat. Chaque année, il doit remettre au Parlement un rapport sur le respect de l'objectivité et de la pluralité de l'information, sur le respect des règles antimonopolistiques, la situation économique et financière des média. Les frais de fonctionnement de l'ORTT sont financés par prélèvement de 2 % des recettes de la redevance.

3. Un secteur public amputé

Dans la loi du 21 décembre 1995, le secteur public hongrois est fortement amputé avec la privatisation de la deuxième chaîne publique et de la radio régionale Danubius, la mise en concession d'une troisième fréquence hertzienne nationale télévision, et d'une fréquence nationale radio, ainsi que le renforcement de la télévision satellite « Duna TV ».

a) La télévision publique hongroise au seuil de la privatisation

L'organisme de radiodiffusion d'État a été créé en 1928. Jusqu'en 1974, il existait une structure unique dénommée « Radio-Télévision hongroise ». Aujourd'hui, Magyar Télévision (MTV) est une entité distincte de Magyar Radio.

Dès 1987, la Hongrie mettait fin au monopole de MTV en autorisant la diffusion de chaînes étrangères par satellite (Sky Channel a été l'une des premières chaîne ainsi diffusées).

La présidence de MTV est confiée à une personnalité nommée par le président de la République sur proposition du Premier ministre, après audition par le Parlement.

La présidence de MTV a été marquée par l'instabilité.

En décembre 1992, le président de MTV, Elmer Hankiss, a été suspendu de ses fonctions. Il n'y a pas eu d'accord entre les deux autorités de l'État pour lui désigner un successeur. La direction a alors été assurée par le vice-président, Gabor Nahlik, proche de la coalition au pouvoir. Le 7 juillet 1994, il a lui-même été démis de ses fonctions par le président de la République.

Le 20 juillet 1994, un nouveau président a été nommé après une investiture parlementaire obtenue sur la base d'un consensus entre les six partis représentés. Adam Horvath, réalisateur de télévision, présida la télévision publique jusqu'à sa démission à la mi-décembre 1995. Le projet de loi ne garantissait pas, selon lui, les intérêts du secteur public : MTV perd la deuxième fréquence sans que les conditions de diffusion de l'actuel deuxième programme (troisième réseau hertzien, ou satellite) soient clairement arrêtées ; elle perd également une partie de ses ressources financières (limitation du temps d'antenne publicitaire, répartition des recettes de la redevance), et se voit attribuer une charge de programmes de service public, trop lourde dans le cadre de la future concurrence. Le président a donc démissionné, estimant n'avoir eu gain de cause sur aucune des conditions essentielles à ses yeux, et refusant dès lors d'assumer « la faillite de la télévision nationale ».

MTV comprend deux chaînes publiques nationales :

- MTV1 est une chaîne grand public ;

- MTV2 propose des programmes plus thématiques (culture, informations, émissions politiques) et offre une place spécifique aux programmes régionaux (depuis février 1993). Elle ne couvre que 60 % du territoire, mais 90 % de la population.

Les deux chaînes cèdent des plages importantes aux grandes télévisions occidentales (ZDF, BBC, France 2, RAI).

Le secteur public hongrois subit une profonde crise. MTV emploie un personnel très important - plus de 4.000 personnes -, dans des locaux inadaptés. Le siège est en effet situé dans le bâtiment de l'ancienne bourse - qui existait avant 1945 -, et MTV occupe une quarantaine de sites différents.

b) De nouvelles perspectives

La décision de privatisation de la seconde chaîne, MTV2, assombrit l'horizon de la télévision publique hongroise dont le personnel est inquiet pour son avenir. À travers le sort du secteur public, c'est celui de l'identité hongroise qui est en jeu.

Le Vice-président du Parti socialiste hongrois, M. Sandor Csintalan, estirne que la télévision hongroise de demain devra « préserver le caractère hongrois, faire appel à des opérateurs qui ne soient ni américains, ni allemands, et à des équipes de créateurs et de producteurs qui satisferont le public ».

Dans cette perspective, l'intérêt de TF1 pour le marché hongrois est bien perçu. La chaîne permettrait d'accroître la qualité de la compétition entre les différents opérateurs. Elle agirait d'autre part comme un contrepoids à l'influence américaine ou allemande, qui semble être fortement redoutée. Selon le responsable de ce dossier au sein du parti dominant de la coalition gouvernementale, « même en Europe de l'ouest, il est difficile de lutter contre les monopoles audiovisuels et d'équilibrer le marché de l'audiovisuel. C'est a posteriori encore plus difficile pour une jeune démocratie comme la Hongrie ». La présence des programmes américains est, selon lui, « déjà forte à MTV. Mais si les valeurs et la production nationales sont mises à l'honneur, les Hongrois choisiront des programmes hongrois ».

À cet effet, MTV2 serait soumise à un régime de concession, pendant 10 ans, et de fortes contraintes lui seraient imposées : diffuser 70 % de programmes européens et 51 % de programmes hongrois et assurer 25 % de son temps d'émission en programmes de service public (informations, renseignements généraux...). Les responsables hongrois sont de ce fait très intéressés par l'expérience française pour la définition de quotas.

Par ailleurs, le capital serait constitué de telle manière qu'aucun opérateur privé ne pourra obtenir plus de 49 % des actions, les sociétés candidates étant invitées à former un consortium et à répondre ensemble à l'appel d'offres.

Outre TF1, deux groupes de communication sont sur les rangs : celui de M. Palmer, ancien Ambassadeur des États-Unis en Hongrie de 1985 à 1990, est déjà présent dans le capital de la chaîne tchèque Nova TV, dans lequel Estée Lauder - d'origine hongroise - dispose d'une participation, ainsi que le groupe allemand de M. Léo Kirch.

À la fin du premier semestre 1996, après l'évaluation de leur capital respectif, Magyar Televizio, Magyar Radio et Duna TV, deviendront des fondations publiques.

À cette date, les employés des média publics perdront leur statut de fonctionnaires. À coté du président, chaque fondation aura un organe administratif, une curatelle de 21 à 23 membres, représentant les intérêts sociaux et professionnels (syndicats, communautés religieuses et ethniques...), et 8 membres nommés par le Parlement qui constitueront la présidence de chaque curatelle. L'élection des présidents des trois média publics est de la compétence des curatelles concernées.

La télévision nationale conserve deux chaînes, mais la fréquence de l'actuelle deuxième chaîne sera privatisée, sans que le futur mode de diffusion de celle-ci soit arrêté. La radio nationale conserve ses trois stations (Kossuith, Petofi et Bartok), qui devront passer sur la bande FM CCIR dans un délai de 3 ans. Radio Danubius, station qui couvre la moitié du territoire, et appartient à la radio nationale, sera privatisée. Cette station, qui est la plus écoutée en Hongrie, se finançait uniquement sur les recettes publicitaires, et constituait une source de revenus importante pour la radio nationale.

4. La diversification du paysage audiovisuel hongrois

a) L'absence de télévision hertzienne privée nationale

En raison de la prise de contrôle très rapide des grands quotidiens nationaux de la presse hongroise par les investisseurs étrangers, un moratoire sur la libéralisation des ondes (télévision et radio) fut décrété le 3 juillet 1989 par le dernier Gouvernement communiste. Il a été maintenu, jusqu'à la loi du 21 décembre 1995, malgré l'opposition de la commission de la presse et des média audiovisuels, qui l'avait déclaré illégal, en raison de l'absence de consultation préalable du Parlement.

Les projets de loi successifs ont tous prévu la création d'un secteur privé national, et de nombreux projets ont été élaborés.

Dès octobre 1991, 74 projets de télévision ont été déposés. La Fininvest, Maxwell, Axel Springer et la CLT étaient candidats.

En mars 1994, un projet de création d'une troisième chaîne était annoncé. Cette chaîne aurait été constituée par une société mixte intégrant MTV et des actionnaires étrangers pouvant entrer jusqu'à une hauteur de 90 % du capital. Le temps d'antenne aurait été partagé avec MTV2. Le budget et la nomination du président de la chaîne auraient été contrôlés par le Gouvernement. Ce projet n'a cependant pas abouti.

Ce moratoire n'a cependant pas remis en cause la diffusion de NAP-TV, ni la profusion de télévisions locales.


• NAP-TV,
détenue à 50 % par Rupert Murdoch, a vu le jour en mai 1989. Elle fut la première chaîne privée émettant dans un pays d'Europe centrale. Elle occupe actuellement, de 7 h à 9 h, le canal de MTV1. C'est une télévision du matin assez populaire à diffusion nationale. Un groupe d'investisseurs japonais participe au capital de la chaîne à hauteur de 15 %.

La chaîne avait également obtenu, en mai 1994, une fréquence micro-ondes AM pour Budapest, en partage avec d'autres candidats. Elle s'est désengagée de ce projet. Deux de ses partenaires ont créé sur cette même fréquence micro-ondes (reprise par satellite et par câble) une télévision locale dénommée A3 TV.

Une autre fréquence hertzienne, autrefois utilisée par l'Armée soviétique et qui couvre 40 % du territoire, pourrait être également privatisée.


• Par ailleurs, il existe en Hongrie environ 80 télévisions locales, financées par des entreprises, des hommes politiques ou des collectivités locales. La plupart sont dans une situation financière difficile. Elles bénéficient de la politique de MTV qui, pour concurrencer la société nationale de production MAFilm, avait créé une vingtaine de studios décentralisés et bien équipés, qu'elles utilisent aujourd'hui.

b) Un fort développement du câble

Le câble a pleinement profité de ce moratoire. On estime à 800.000 et 1 million le nombre des foyers abonnés.

En Hongrie, l'industrie du câble a été très précoce, puisque les anciennes PTT de l'État communiste avaient déjà installé un système de télévision à destination des hôtels internationaux de Budapest, au moyen du MMDS. Tout juste après la disparition de l'URSS, la Hongrie était donc le seul pays du Comecon à disposer de véritables réseaux câblés. Il est vrai qu il est celui où toutes les expériences sont possibles, puisqu'une compagnie privée de télécommunications diffuserait des images de télévision dans ses réseaux téléphoniques.

Cette spécificité n'a pas manqué d'attirer les investisseurs et les opérateurs américains, qui, à l'image de Kabelkom, propriété de Time Warner, ont procédé à de multiples fusions de réseaux et lancé la distribution de chaînes américaines internationales.

Une mosaïque de petits et moyens câblodistributeurs privés exploitent des réseaux de faible importance (un arrondissement de Budapest en moyenne). Il n'existe pas de loi, ni de réglementation précise. Le câble s'est ainsi développé en dépit de l'existence du moratoire.

Les bouquets de programmes sont composés en majorité de chaînes allemandes, mais aussi anglaises et américaines. La plupart d'entre elles n'émettent que quelques heures par jour.

À Budapest, il existe une quarantaine de sociétés de câblo-distribution ; ce sont, le plus souvent, des sociétés municipales pour partie financées par la ville. La plus ancienne - Global TV - a été créée en 1987 à Budapest. Le réseau Kablekom (détenu à parts égales par Time Warner et United Communication International) est l'un des plus structurés et compte 215.000 abonnés auxquels est offert un bouquet de programmes de 20 chaînes.

c) L'engouement pour le satellite

Le moratoire a profité également au satellite puisque 600.000 foyers sont équipés de paraboles, le Gouvernement ayant autorisé dès 1987 la diffusion des chaînes étrangères.

Duna TV a été créée au début de l'année 1993 pour être diffusée par satellite (Eutelsat 2F3) et reprise sur les réseaux câblés. Cette chaîne est subventionnée par l'État et par la fondation pour la cinématographie hongroise. Elle diffuse de nombreux films du riche patrimoine cinématographique hongrois. Elle était destinée notamment aux minorités hongroises des pays limitrophes. Son avenir ne paraît pas devoir être remis en cause car son audience est assez importante.

Grâce aux recettes de la privatisation de MTV2, le Gouvernement voudrait financer une nouvelle chaîne satellitaire publique, qui serait diffusée sur Magyarsat, un projet de satellite israelo-hongrois.

5. De nouvelles télévisions privées hertziennes

L'ORTT procédera à l'appel d'offre pour la mise en concession des deuxième (aujourd'hui canal de la deuxième chaîne publique) et troisième canaux (réseau ne couvrant aujourd'hui que 50 % du territoire, ancien canal de la chaîne soviétique, aujourd'hui inexploité) pour dix ans. La CLT a, fin février 1996, annoncé sa candidature, jugant le marché hongrois très attractif. La loi du 21 décembre 1995 prévoit cependant des règles anti-concentration. Un même propriétaire ne peut détenir plus de 49 % du capita1. En outre, le propriétaire d'un quotidien national ne peut prendre de participation au capital d'un média privé national.

Le temps moyen d'antenne consacré à la publicité est limité à 12 minutes par heure. La publicité pour les boissons à faible teneur en alcool est autorisée sur les média privés uniquement, même aux heures de grande écoute. Les fictions et séries dépassant 45 minutes peuvent être coupées par des écrans publicitaires (uniquement pour les média privés).

Des obligations en matière de diffusion de programmes ont été fixées. Vingt pour cent du temps annuel doit être consacré à des programmes « de service public » (10 % pour le troisième réseau). Cette notion est définie largement, et comprend les informations, les émissions culturelles tels que les programmes scientifiques ou les émissions pour la jeunesse. Les quotas de diffusion ont été très assouplis, comme on l'a vu. Le projet de loi prévoyait un quota de 10 % de productions hongroises sur le temps d'émission consacré à la diffusion de productions européennes.

Enfin, les télévisions privées doivent consacrer 6 % de leurs recettes publicitaires à la création de films, dont la moitié doivent être des fictions, films d'animation ou documentaires, et dont 30 % doivent être produits par des sociétés indépendantes.

6. L'économie de l'audiovisuel hongrois

a) Une nette domination de la télévision publique

Les parts de marché entre les chaînes hongroises s'établissaient ainsi, en septembre 1994 :

Audience de 2 heures à 2 heures
Adultes (plus de 13 ans)

Source : AGB Hongrie/Avril-Décembre 1994.

La télévision publique rassemble encore 75 % de l'audience cumulée.

b) Le budget de la télévision publique

Le budget de MTV s'élevait en 1995 à 29,5 milliards de florins, soit plus de 1 milliard de francs, composé pour 50 % de revenus publicitaires, de 40 % de revenus provenant de la redevance auxquels s'ajoutent les subventions de l'État à hauteur de 10 %, qui transitent par un « fonds de financement de l'audiovisuel ». L'augmentation de la redevance a été bloquée par le Gouvernement jusqu'en 1997 et elle rentre mal.

MTV emploie environ 4.000 personnes. Les salaires ont été gelés depuis 1994. La société rencontre des difficultés pour régler les cotisations sociales. Elle ne peut réduire ses effectifs, comme le Gouvernement lui en a donné l'instruction, car elle ne pourrait faire face aux indemnités de licenciement. La baisse des effectifs est néanmoins inévitable et la réduction, drastique, pourraient les porter à 1 800 personnes.

Le budget de Magyar Radio était de 350 millions de francs.

À compter de 1996, le financement des média publics est assuré de la façon suivante :

- la redevance (soit 10 milliards de forints 20 ( * ) en 1995) sera partagée ; 50 % à Magyar Televizio, 28 % à Magyar radio. 14 % à Duna Televizio, 2 % à l'ORTT, 6 % à un fonds de programmes de service public. Ce sont, aujourd'hui, 70 % des redevances qui reviennent à la télévision publique. Il est à noter qu'auparavant Duna TV ne profitait pas de la redevance.

- les subventions budgétaires sont réduites de moitié, de 4,5 à 2 milliards de forints.

- les recettes publicitaires des chaînes publiques devraient fortement s'accroître : le temps moyen d'antenne publicitaire, sur les média publics, est limité à 4 minutes par heure au lieu de 12 actuellement, qui constituera le temps autorisé pour les média privés. Le temps d'antenne publicitaire maximal par heure est de 6 minutes.

Sur les 24 milliards de forints de budget de la télévision publique en 1995, 12 milliards provenaient de la publicité, 7,5 milliards de la redevance et 4,5 milliards de subventions. Chacune de ces recettes serait amenée à baisser soit directement, soit par le jeu de la concurrence avec les média privés : les analyses s'accordant toutes à montrer que le marché publicitaire est déjà arrivé à maturité, et n'augmentera plus de façon importante. La télévision publique connaîtra, sans doute, non seulement une baisse du volume, mais aussi des tarifs de la publicité.

c) Une progression régulière de la publicité

Le marché publicitaire hongrois est très dynamique en raison, d'une part, de la présence nombreuse d'entreprises d'Europe de l'ouest et, d'autre part, de la nécessité pour les entreprises hongroises nouvellement privatisées de faire exister leurs marques sur le marché intérieur face aux marques internationales qui ont pris fortement position sur ce marché.

La croissance, régulière, était de 33 % en 1993, 34 % en 1994 et 25 % en 1995.

Le média le plus dynamique à cet égard est la radio, dont la part de marché progresse de deux points en deux ans, grâce au plus fort taux de croissance du marché (+93 % en 1993, +51 % en 1994, +41 % en 1995). La radio publique domine nettement, les radios privées n'occupant que 15 % du marché publicitaire.

En termes de parts du marché publicitaire, on relève un équilibre global entre presse écrite et télévision, comme l'indique le graphique ci-après.

Parts du marché publicitaire des média hongrois

Source : Conjoncture 95-IP. Document Sénat.

La forte croissance des tarifs de vente d'espace est plutôt décidée en fonction des besoins propres en financement de ces média.

Les télévisions locales et câblées rencontrent toutefois des difficultés pour commercialiser leurs espaces publicitaires en raison du manque d'information sur leurs audiences réelles.

d) Les stratégies des investisseurs étrangers

La nouvelle loi implique d'ores et déjà certains changements dans les stratégies d'investissement des média privés étrangers.

Si elle met fin à la désorganisation du paysage audiovisuel, elle induit, en revanche, des risques économiques importants.

La présence de 5 chaînes nationales, ayant toutes accès au marché publicitaire, peut entraîner un sous-financement et du service public et du secteur privé. Les changements intervenus dans les derniers jours du vote de la loi (réduction des obligations en matière de diffusion pour les média privés) lui donnent une orientation très libérale. Cette orientation avaient été mise en avant, lors d'entretiens avec les responsables hongrois, par les candidats potentiels déclarés, français, allemands et américains, qui en faisaient une condition de leur engagement sur le marché hongrois.

Au début de 1996, trois voies s'offraient aux sociétés étrangères voulant acquérir une couverture nationale :

- assurer une diffusion par satellite, comme l'envisageaient certaines télévisions locales, prêtes à se regrouper (Top TV, TVA et A3TV),

- attendre le vote de la loi pour se porter candidat à une fréquence nationale,

- constituer un réseau national à partir de fréquences locales déjà attribuées.

C'est sur cette dernière voie, entre autres, que travaillait le groupe CETC, possédant Nova TV en République tchèque ainsi qu'un réseau en Pologne, et présidé par Mark Palmer, ancien Ambassadeur des États-Unis en Hongrie Ces négociations auprès des diffuseurs locaux , entamées par la société du groupe en Hongrie, 2002 Kft, ne semblaient d'ailleurs pas donner de résultats. Désormais, la constitution d'un réseau par connexion de fréquences locales est interdite par la loi, jusqu'à la création des deuxième et troisième chaînes nationales.

L'obligation d'une participation hongroise au capital à hauteur de 26 % ainsi que les dispositions antitrust, qui peuvent gêner certains groupes allemands, tel Bertelsmann, déjà très présents dans la presse écrite, vont pousser les investisseurs étrangers à rechercher l'alliance des rares sociétés hongroises de taille suffisante (MTM, NovoFilm, Nap TV, TV3...), qui sont conscientes de l'atout qu'elles peuvent ainsi faire valoir.

En tout état de cause, les candidats possibles français ont déjà réagi. TF1 paraît continuer à être intéressée par la privatisation de la deuxième fréquence. Canal + semble, au contraire, avoir suspendu son projet d'une chaîne hertzienne cryptée en Hongrie.

e) Les programmes

La Hongrie bénéficie d'une ancienne tradition de production cinématographique, qui remonte à l'entre-deux-guerres.

D'après le cahier des charges de MTV datant de février 1993, 51 % des programmes doivent être d'origine hongroise et 20 % des programmes doivent être d'origine européenne. La dernière version de la loi de décembre 1995 prévoit un quota de 51 % minimum de programmation d'origine nationale et de 70 % minimum de production européenne pour les chaînes publiques.

Sur MTV1, chaîne généraliste, Dallas, Magnum et la Roue de la Fortune figurent dans les grilles de programmes et réalisent une forte audience. La chaîne propose également une série hongroise intitulée « Les voisins », qui obtient quasiment le même succès que Dallas.

Un studio pour l'Europe centrale et les minorités est chargé d'élaborer un programme pour les minorités ethniques. Il devrait être repris sur satellite à destination des minorités hongroises des pays limitrophes. »Ce programme est destiné à montrer l'ouverture de la Hongrie aux pays voisins alors que ces derniers se ferment sur eux-mêmes et ne s'ouvrent qu'aux programmes américains », selon le responsable de ce studio.

MTV diffusait dès 1980, avant même la fin du régime communiste, de nombreux programmes d'origine européenne ou nord-américaine. Aujourd'hui, 50 % des programmes des deux chaînes proviennent de l'étranger (chaînes allemandes, russes, ukrainiennes). La place des programmes américains reste très importante (accords avec Columbia Tristar, Walt Disney). Le projet de loi prévoit pourtant que 20 % du temps d'antenne de la télévision publique doit être consacré à des programmes non produits par elle-même.

ARTE diffuse environ 12 heures par mois de programmes sur MTV1. Géopolis (France 2) est par ailleurs diffusée chaque semaine sur MTV2.

Les producteurs de cinéma et d'audiovisuel sont réunis au sein d'une « Fondation du cinéma », créée en 1991, et chargée d'autogérer la branche professionnelle. Les relations entre celle-ci et la télévision publique se sont détériorées en raison de la forte diminution des coproductions. MTV s était engagée à coproduire en 1995 pour un montant inférieur à 1 % de son budget, soit 210 millions de forints, mais cet engagement n'a pas été respecté.

Compte tenu des difficultés budgétaires de MTV, on a assisté à un effondrement de la production audiovisuelle hongroise, le secteur privé n'étant pas assez puissant pour relayer un secteur public défaillant.

Avant 1989, la production privée était réalisée quasi-exclusivement par une entreprise à capitaux mixtes. MAFilm, que MTV a concurrencée dans les années 1970-1980 en produisant elle-même des fictions, ce qui a acculé MAFilm à une quasi-faillite.

Si des producteurs indépendants, issus de la télévision publique, commencent à apparaître sur le marché, cette nouvelle concurrence sera mal perçue par MTV. En effet elle bousculera le corporatisme de la chaîne d'État, au sein de laquelle les nombreuses « baronnies » qui se sont constituées ne vont pas sans rappeler la situation de l'ORTF avant 1974.

Pourtant, l'une des seules chances de redressement de MTV semble être l'externalisation de la production qui devrait être confiée au secteur privé pour faire jouer la concurrence et baisser les coûts.

Les obligations, pour ce qui concerne les quotas de diffusion de programmes, prévoient qu'à partir du 1 er janvier 1997, la télévision publique devra consacrer 51 % du temps de diffusion annuel - sans inclure les informations, la publicité, les retransmissions sportives ni les jeux - à des programmes de réalisation hongroise, et 70 % à des programmes de réalisations européennes. Tandis que 20 % du temps annuel de diffusion de films devra être consacré à des films de production hongroise, dont 20 % seront des créations, parmi lesquels 30 % seront produites par des sociétés extérieures à la télévision publique. Ces quotas sont applicables aux émissions pour la jeunesse, 10 % du temps de programme annuel, et 15 % à partir du 1 er janvier 1999, - sans compter la publicité ni les retransmissions sportives - devra être consacré à la diffusion de programmes produits par des sociétés extérieures. Enfin ces quotas seront respectés notamment lors des heures de grande écoute (18 h 50 à 21 h 30).

Pour la radio publique, de plus. 30 % du temps de programmation musicale sera consacré à des productions hongroises, c'est-à-dire comprenant au moins des interprètes hongrois.

B. LA RADIO EN HONGRIE

1. Le secteur public

Magyar Radio (MR) créée en 1928 regroupe trois grandes chaînes nationales :

- Kossuth qui propose de nombreuses émissions politiques :

- Petöfi, sur laquelle le divertissement et les loisirs occupent une part importante de la grille des programmes :

- Bartok, diffusée seulement en FM. Ses programmes sont musicaux et culturels. Elle ne comporte pratiquement pas de publicité.

Seule Kossuth est reçue dans de bonnes conditions sur tout le territoire. Chacune de ces chaînes dispose d'une direction spécifique.

Par ailleurs, Magyar Radio possède sept studios régionaux qui diffusent des émissions en direction des minorités ethniques du pays, sur les fréquences de Kossuth.

Il existe deux radios publiques exclusivement financées par la publicité, filiales de MR :

- Radio Danubius ;

- Radio Calypso.

2. Le secteur privé

Avant le moratoire de juillet 1989, deux radios privées ont été autorisées :

- Radio Juventus Balaton, depuis avril 1989 ;

- Radio Bridge, qui initialement reprenait les programmes de Voice of America.

La libéralisation des fréquences décrétée en juillet 1993 a permis l'implantation de nouvelles radios locales privées. Plusieurs fréquences ont été attribuées en mai 1994.

*

* *

Le nouveau cadre juridique et la perspective de la privatisation de la deuxième chaîne publique, la mise en concession d'une troisième fréquence hertzienne nationale pourraient susciter l'intérêt des groupes de communication européens. Le marché hongrois de l'audiovisuel est, en effet, sans doute l'un des plus prometteurs de la région pour les investisseurs.

Le paysage hongrois est donc appelé à connaître de nouveaux bouleversements dans un proche avenir.

VI. LA ROUMANIE : UN LOURD HÉRITAGE

A. UN AUDIOVISUEL ANÉMIÉ MAIS EN VOIE DE RÉNOVATION

1. Un système de régulation moderne mais difficile à appliquer

Le Conseil national de l'audiovisuel (CNA) a été créé par la loi du 21 mai 1992.

Il comprend onze membres nommés par :

- le président de la République (deux membres) ;

- le Sénat (trois membres ) ;

- la Chambre des députés (trois membres) ;

- le Gouvernement (trois membres qui doivent être respectivement professionnels des télécommunications, de la radio et de la télévision).

La durée du mandat est de quatre ans sans précision légale sur la reconduction. La révocation par l'autorité de nomination est possible en cas de non respect de la loi audiovisuelle ou de condamnation pénale. Le président est élu par ses pairs pour un mandat non renouvelable.

Le CNA exerce ses attributions sous le contrôle du seul Parlement auquel il présente un rapport annuel d'activité.

a) Des compétences étendues

Il est le garant de la liberté d'expression et d'opinion et doit veiller à éviter le retour de la censure.

Il dispose d'un pouvoir consultatif à l'égard des autorités publiques, sans bénéficier de l'initiative législative.

Il exerce une activité réglementaire en établissant des normes dans des domaines précis, énumérés par la loi :

- la publicité et le parrainage ;

- le droit de réplique ;

- l'expression des minorités ;

- le pluralisme et l'objectivité de l'information, notamment en matière de campagnes électorales,

- la promotion de la culture nationale et le respect des obligations de production (40 % de diffusion de programmes roumains sont exigés des diffuseurs) ;

- la déontologie et la protection de l'enfance et de l'adolescence.

Le CNA délivre les licences d'émission aux diffuseurs, après qu'une autorisation technique préalable a été donnée par le ministère des Télécommunications.

Les critères d'attribution sont légalement énumérés : diversité des opinions, égalité de traitement, diversité des programmes, protection de la culture et de la production nationale, impartialité et liberté d'expression.

Ont été adoptées par le CNA des conditions de participation strictes assurant l'existence d'un véritable concours entre les candidats et une procédure permettant la transparence des débats.

Le CNA établit et publie chaque année les bilans des sociétés de télévision publiques et privées ainsi que des radios publiques.

b) Des pouvoirs de sanction

Pour mener à bien sa mission de régulation et pour faire appliquer la loi sur l'audiovisuel, les normes qu'il fixe ainsi que les obligations contenues dans les licences d'émissions, le CNA peut :

- adresser des sommations aux radios et télévisions privées :

- adresser des observations au conseil d'administration de la société concernée, en désignant en qualité de rapporteur un membre du CNA qui fixe, avec les organes compétents de la société, les mesures nécessaires pour faire cesser le non respect des obligations légales ou conventionnelles, ces mesures sont rendues publiques ;

- décider d'infliger une sanction administrative, soit pour non-respect des obligations, soit pour non-conformité aux mesures préconisées dans la sommation publique

Les mesures ainsi décidées peuvent être :

- une amende comprise entre 2 % et 5 % du chiffre d'affaires ;

- la suspension provisoire de la licence pour une période de un à trois mois ;

- la réduction de la durée de la licence pour une période qui ne peut dépasser la moitié de la durée totale de la licence ;

- le retrait de l'autorisation.

Ces sanctions sont susceptibles de recours devant les tribunaux administratifs.

Le CNA dispose d'un pouvoir de saisine des instances pénales, avec la possibilité d'ordonner provisoirement la suspension de la licence en cas d'émissions pirates ou diffusées pendant une période de suspension ou en méconnaissance des contraintes techniques, telles que la puissance de l'émetteur.

Une dizaine d'avertissements ont été adressés aux chaînes depuis la création de l'instance jusqu'au printemps 1994.

La loi du 21 mai 1992 précise que le ministère des Télécommunications dispose des mêmes pouvoirs de sanction que le CNA à l'égard des diffuseurs, en cas de non-respect des obligations techniques prescrites dans l'autorisation technique délivrée obligatoirement à tout détenteur de licence.

Le CNA a cependant beaucoup de difficultés à asseoir son autorité dans un pays privé quasiment d'images pendant de nombreuses années et qui tolère mal toute incursion d'une autorité de nature administrative dans un domaine qui relève directement de la liberté expression.

Par ailleurs, et paradoxalement, le poids des dirigeants tout comme la tradition politique d'une télévision étatique, étroitement contrôlée par le Gouvernement, constituent des réalités qui pèsent sur cette institution, pourtant protégée légalement par une loi détaillée, précise et moderne dans sa conception.

2. Un secteur public handicapé par un lourd héritage

Si la télévision roumaine émet depuis le 31 décembre 1956, son développement fut considérablement entravé par la dictature Ceaucescu. La deuxième chaîne de télévision ne couvrait que Bucarest et les environs ; finalement elle fut supprimée en 1985 alors que le volume d'émissions de la première chaîne diminuait. Les programmes étaient consacrés pour l'essentiel au Conducator, à sa famille, et à ses réalisations.

En 1989, la TVR ne diffusait plus qu'un programme hebdomadaire de 27 heures, soit 2 à 5 heures d'émissions quotidiennes.

Symbole du régime en faillite, les émetteurs de la TVR furent les premiers bâtiments officiels contrôlés par les révolutionnaires en 1989.

Aujourd'hui, la nouvelle télévision publique roumaine, handicapée par cet héritage, tente de se développer et de se moderniser. Réorganisée sous forme de service public autonome, elle connaît cependant toutes les difficultés inhérentes à la création d'une véritable télévision publique dans un pays pauvre qui doit faire face à de graves problèmes, particulièrement dans le domaine de la formation de ses cadres.

La menace d'un contrôle par le Gouvernement ainsi que par le président de la République, Ion Iliescu - au pouvoir jusqu'en septembre 1996, est régulièrement au coeur des débats qui animent les intellectuels et une grande partie de la classe politique. Le pluralisme de l'information et la suppression de tout contrôle étatique demeurent encore des questions essentielles pour la télévision roumaine.

La société d'exploitation des deux chaînes de télévision publiques est Televiziunea Romana (TVR), Société Roumaine de Télévision, régie par la loi du 18 juin 1992.

TVR1 et TVR2 proposent 187 heures de programmes par semaine.

TVR1 est la plus ancienne. Sa zone de couverture est nationale. Elle émet de 7 h à 1 h. Il s'agit d'une chaîne généraliste.

TVR2 couvre actuellement 40 % du territoire national. La chaîne émet de 7 h à 1 h. Elle est à vocation plus culturelle et sociale, retransmet des concerts, puise dans les archives nationales pour diffuser des films et des pièces de théâtre roumains. Sept pour cent du temps d'antenne est consacré aux programmes produits par les studios régionaux de Cluj et Iasi. Elle retransmet également les programmes de la République de Moldavie et des programmes étrangers reçus par satellite ; au total 30 % de son temps d'antenne est constitué de programmes étrangers.

Il existe par ailleurs deux studios régionaux de la TVR : TV Iasi et TV Cluj. Les émissions qu'ils produisent sont diffusées dans une proportion de 8 % du programme national de TVR1 et de 7 % de TVR2.

3. De petits opérateurs privés

La télévision publique domine encore largement le paysage audiovisuel roumain, comme l'indique le graphique ci-après :

Audience de 9 heures à 1 heure
Adultes (plus de 11 ans)

Source : CSOP GALLUP October 1994 IP Arbo

Toutefois, des données plus récentes - fin 1995 - font état d'une perte d'audience importante du secteur public qui ferait désormais jeu égal avec les télévisions privées à Bucarest. L 'audience de la télévision publique dominant encore largement les zones rurales, avec près de 85 % de parts de marché.

Il n'existe pas de chaîne privée nationale en Roumanie, une tentative de privatisation de la deuxième chaîne TVR2 au profit du groupe britannique Atlantis TV Ltd ayant échoué en avril 1992. La loi du 21 mai 1992 n'interdit pas cette éventualité mais elle exclut formellement la première chaîne de toute forme de privatisation.

Les progrès du câble et du satellite limitent les perspectives de développement d'une chaîne privée hertzienne nationale.

a) Des chaînes privées uniquement locales

Les télévisions privées demeurent, en Roumanie, des télévisions locales. Beaucoup d'entre elles n'émettent pas plus de douze heures par jour. Elles recueillent un taux d'audience global de 8 %. Les programmes qu'elles offrent constituent une alternative importante à ceux de la télévision nationale. Elles représentent enfin un champ d'investissement important pour la publicité locale.

Au total, le CNA a accordé 68 licences, même si beaucoup de télévisions autorisées n'ont pas dépassé le stade des projets.


TV Soti, un studio indépendant (équipé par les États-Unis), organisé sous la forme d'une association à but non lucratif, émet depuis 1990 , dans un premier temps à partir de 23 heures, puis tous les samedis et dimanches matin sur le canal de TVR2. Elle n'émet plus aujourd'hui que sur le canal qu'elle partage avec Antenna 1. Elle a dû, à la demande du CNA,abandonner, en août 1994, sa diffusion sur TVR2.


Antenna 1 qui a obtenu en 1993 une licence lui permettant d'être diffusée à Bucarest et jusqu'à Brastov.

La chaîne cherche à constituer un réseau régional.

Le capital d'Antenna 1 est détenu à hauteur de 90 % par une société chypriote de commerce international. Les 10 % restant appartiennent à la société roumaine Crescent dont les activités ne sont pas clairement établies. Le président est un ancien employé de la télévision d'État.

Sa programmation est commerciale et propose un format qu'elle voudrait en harmonie avec les dispositions de la directive européenne « Télévision sans frontières ». Elle diffuse cependant des films érotiques après minuit. Elle pourrait constituer une concurrente sérieuse pour le service public.


TL7 ABC, qui a commencé à émettre en septembre 1994, est une télévision généraliste locale. Elle envisage de diffuser ses programmes par voie satellitaire.

La chaîne a été créée par le propriétaire du plus grand quotidien roumain Evenimentul Zilei. M. Mihail Circoig, ainsi que du magazine Infractor, et par une société luxembourgeoise composée d'expatriés roumains vivant aux États-Unis.

Elle retransmet les programmes de la Deutsche Welle.


• TV Sigma, créée en 1991 à l'Université polytechnique de Bucarest, est une chaîne biculturelle franco-roumaine. Elle propose 22 heures de reprise quotidienne des programmes de TV5 Europe et de deux heures de programmes propres en langue roumaine.


Tele America retransmet, dix heures par jour, des programmes roumains et américains.


Europa Nova fédère des télévisions locales indépendantes.


RTI (à Bucarest) et Mediapro (en province), du groupe Central European Media Enterprises de M. Ronald Lauder, par ailleurs propriétaire de la télévision privée tchèque Nova TV, demeurent au stade de projets.

Ces deux chaînes ont obtenu des licences pour diffuser des programmes composés essentiellement d'information. Actuellement, RTI reprend les programmes de CNN et d'Eurosport avec un habillage local pour certaines émissions. Elle devrait produire quatre heures de programmes dans un proche avenir.

b) Les réseaux câblés

Ils se sont considérablement développés depuis 1992 et toucheraient un foyer sur quatre, et même un foyer sur deux à Bucarest.

On compte aujourd'hui 350 opérateurs du câble en Roumanie, pour 525 licences délivrées par le CNA. Le nombre des abonnés avoisinerait 1,5 à 2 millions dans tout le pays - 70 % du territoire national étant couvert -, et 360.000 abonnés pour la seule ville de Bucarest où la pénétration des foyers est évaluée à 36,3 % (juin 1994).

Toutefois, l'augmentation prochaine de l'abonnement au câble pourrait infléchir cette tendance. Le prix moyen de l'abonnement est actuellement de 2000 lei par mois (soit 8 FF). L'absence d'une législation sur les droits d'auteurs permet aux câblo-opérateurs de pratiquer ces tarifs d'abonnement très bas et donc adaptés aux possibilités du marché. M ais la discussion en cours devant le Parlement roumain d'un projet de loi sur les droits d'auteur, inspiré de la réglementation européenne, pourrait signifier, s'il était adopté, un bouleversement considérable du marché du câble. L'adoption de cette loi favoriserait les opérateurs les plus sérieux. Le projet de loi se heurte toutefois à une résistance importante.

Les bouquets proposés dans les abonnements au câble oscillent entre 12 et 24 chaînes.

c) Le satellite

Enfin, les chaînes diffusées par satellite sont reçues par 200.000 foyers équipés d'antennes paraboliques ; 12 % des foyers de Bucarest en seraient équipés (juin 1994).

La montée simultanée sur le satellite EUTELSAT de la télévision publique roumaine, trois heures et demie par jour, d'Antenna 1 et de pro TV devrait induire une nouvelle phase d'évolution de l'audience des trois principaux média roumains.

Jusqu'à présent, en effet, seules les deux chaînes publiques bénéficiaient d'une couverture nationale satisfaisante. Ce nouveau mode de diffusion devrait bouleverser à moyen terme le paysage télévisuel roumain, notamment en province où le secteur public continue de régner sans partage.

4. L'économie de l'audiovisuel

L'évolution des ressources de la télévision publique reste soumise à de forts aléas. La redevance, qui représente 40 % des recettes des chaînes publiques, pourrait être portée de 11 francs à 16 francs par an. Les subventions budgétaires représentent 11 % des ressources, la publicité. 30 % et enfin le parrainage 10 %.

Le marché de la publicité est, en revanche, en pleine expansion. Les dépenses dans ce secteur, qui constituent une source non négligeable de revenus pour les média privés, sont estimées à 26 millions de dollars en 1994, dont 10 millions pour la télévision. 8 pour la presse et 4 pour la radio, et à environ 50 millions de dollars pour 1995, soit le double.

5. Les programmes

Sur TVR1, les émissions de divertissement et les jeux représentent environ 19 % de la programmation, les informations politiques et sociales 13 %, les fictions (films, séries, dessins animés) 25 %

Les minorités nationales, notamment hongroise et allemande, ont un accès à TVR1 (dans une proportion de 3 % environ du programme) et à TVR2 (5 % environ).

Sur les chaînes publiques, 70 % des programmes sont roumains contre 30 % de programmes étrangers Cinq pour cent seulement du budget des chaînes publiques sont consacrés à l'achat de programmes. L'origine des oeuvres achetées est relativement équilibrée avec 52 % pour l'Amérique du Nord, 48 % pour l'Europe de l'Ouest. Cependant, les séries américaines connaissent des records d'audience : Dallas comptabiliserait 80 % d'audience. Quelques séries et films français trouvent leur place dans les grilles, comme Le Château des Oliviers.

Il n'existe pas de quotas sur un plan légal, mais la loi du 11 mai 1992 a érigé en critère une notion qui devrait permettre l'attribution de licence : « la promotion de la culture nationale et l'encouragement de la création et de la p roduction audiovisuelle nationales ».

Le CNA demande pour sa part aux diffuseurs de respecter un pourcentage de 40 % de diffusion de programmes roumains.

De grandes difficultés subsistent cependant pour créer une production nationale moderne. Toutefois, les studios régionaux de la télévision (Iasi et Cluj) produisent 14 heures environ de programmes par semaine, retransmises sur les deux chaînes publiques.

Alors que les téléspectateurs roumains sont plus souvent francophones qu'anglophones, les Français figurent loin derrière les Britanniques sur la liste des opérateurs audiovisuels qui ont profité de la libéralisation des ondes depuis 1990.

B. LA RADIO EN ROUMANIE

Il existe trois chaînes de radios publiques nationales dépendant de Radio Romania.

- Romania Actualitati (en FM), créée en 1949, se consacre à l'information. En juin 1994, elle arrivait en tête des indices d'audience à Bucarest avec 52,4 % ;

- Romania Cultural (en FM) propose des émissions culturelles. Médiamétrie indique un taux d'audience cumulé de 3,8 % en juin 1994 pour Bucarest ;

- Romania Tineret (en FM stéréo), créée en 1949, offre essentiellement des émissions pour la jeunesse. L'indice d'audience cumulée à Bucarest en juin 1994 est de 2 % (Médiamétrie).

De nombreuses stations privées locales ont également vu le jour.

Les plus connues de ces stations sont Radio Contact (jumelée avec IP, du groupe Havas, 20 % d'audience), Radio Pro FM (du groupe Médiapro, 16 à 20 % d'audience), Uniplus Radio, Fun Radio, société musicale créée par une société mixte franco-roumaine dont l'audience est estimée à Bucarest à 5 % - en juin 1994 - Antenna 1 Radio, Radio Total qui diffuse en roumain et en anglais, Radio 1 Ténérama qui émet en allemand et roumain.

Enfin, le Studio-école de l'Université de Bucarest, Radio Delta est un projet conçu par Radio France Internationale à l'image de ce qui s'est fait entre TV5 Europe et l'Université polytechnique de Bucarest pour TV Sigma. Implantée à Bucarest, Radio Delta diffuse de la musique pour les jeunes générations, des émissions culturelles, ainsi qu'un journal chaque heure.

*

* *

L'Europe balkanique ne connaît pas encore un pluralisme réel de l'offre audiovisuelle hertzienne. Les télévisions privées roumaines essentiellement locales, sont faibles, sauf dans les grandes villes où elles disposent d'une audience relativement importante.

Mais le développement du câble et du satellite montre, si besoin est, l'attrait croissant du public dans cette région pour des programmes plus diversifiés et sans doute plus divertissants.

VII. LA BULGARIE : DES INQUIÉTUDES

L'évolution de la politique audiovisuelle en Bulgarie suscite quelques inquiétudes.

Le retour au pouvoir des ex-communistes, en décembre 1994, s'est en effet traduit, en mai 1995, par la nomination de nouveaux directeurs à la radio, à la télévision, à l'agence de presse nationale et par une mise à l'index de l'opposition anticommuniste dans les média officiels, avant les élections municipales d'octobre 1995. Une pétition dénonçant le retour de la censure fut adressée au Gouvernement, le 22 novembre 1995, par trente-quatre signataires. Le 18 décembre 1995, les sept journalistes de la radio nationale bulgare signataires de cette pétition étaient licenciés.

Ils ont cependant été reçus par le Président de la République M. Jeliou Jelev. Ancien dissident, victime lui aussi d'un certain ostracisme de la part des média publics. Ce dernier, qui a réclamé à son tour la démission du directeur de la radio nationale, a estimé que « Le Parti socialiste bulgare n entend pas seulement censurer mais usurper les moyens d'information nationaux » et qu'il était difficile « d'imaginer que la candidature de la Bulgarie à l'Union européenne ou à l'OTAN soit sérieusement envisagée alors que des journalistes réputés de média nationaux sont mis à la porte d'une manière aussi brutale ».

Cette situation politique explique le caractère peu développé du paysage audiovisuel bulgare, en attente d'un statut.

A. UNE RÉGLEMENTATION ATTENDUE

Des projets de loi sur l'audiovisuel sont en discussion au Parlement bulgare. Aucun d'entre eux n'a encore été adopté. Ces projets prévoient une présence prédominante d'oeuvres européennes et une promotion de la production nationale de films de télévision. Ils prennent en compte les principes de protection de la production audiovisuelle européenne inhérents à la Directive « Télévision sans Frontières » et à la Convention sur la télévision transfrontalière. D'ores et déjà, la télévision nationale bulgare s'efforce, dans la mesure de ses possibilités financières, de diffuser des oeuvres européennes, ainsi que des oeuvres nationales.

L'instance compétente pour la diffusion télévisée - voies hertziennes et câbles - est le Comité des Postes et Télécommunications, qui a rang de ministère et dont le Président est M. Lubonir Kolarov. Selon cette institution « la liberté de réception, de transmission et de retransmission est assurée conformément il l'article 10 de la Convention européenne sur les droits et les libertés fondamentales de l'homme, convention dont la Bulgarie est signataire depuis I991. Le droit fondamental ainsi que la liberté d'opinion et de diffuser des informations, sont sanctionnés par la Constitution (articles 39, 40 et 41) » .

Le Comité a attribué 51 licences de diffusion radiophonique, 17 licences de diffusion télévisée par voie hertzienne et 94 licences à des opérateurs du câble.

Les conditions d'attribution d'une licence prévoient notamment que la société candidate soit une personne physique ou une personne morale enregistrée selon le code commercial bulgare ; le dossier de demande doit comprendre en particulier une grille de programmes, préciser la langue de diffusion, comporter une déclaration concernant le respect des droits d'auteur, et l'engagement de ne pas diffuser des programmes à caractère d'intolérance nationale ou religieuse, pornographique, violent, ou portant atteinte aux droits de l'homme. La durée maximale des licences est de 5 ans pour la radio et de 10 ans pour la télévision.

La principale instance régulatrice des décisions du Comité des Postes et télécommunications est la Commission parlementaire pour l'audiovisuel

Il semblerait qu'il y ait un consensus entre les différents projets législatifs pour mettre en place une institution qui s'inspirerait du Conseil supérieur de l'audiovisuel existant en France.

B. UN AUDIOVISUEL PEU DÉVELOPPÉ

Un décret du 18 juin 1992 a décidé la cessation du monopole d'État dans le secteur audiovisuel. Il a permis la création de chaînes de radio et de télévision privées. En revanche, aucun projet de privatisation des chaînes nationales n'est en vue.

Le budget d'État de la télévision nationale s'élève à 3.7 millions de dollars pour 1995. Ses recettes publicitaires s'élevaient à 4 millions de dollars en 1994, soit un budget total d'environ 40 millions de francs.

La redevance est purement symbolique : 12 léva (soit à peine 1 franc) par an et par poste.

Pour la radio nationale le budget d'État (non communiqué) est supérieur aux recettes publicitaires.

Nova TV , unique chaîne de télévision privée, serait financée par l'entreprise Multimex qui serait liée à la société Multigroup, une des premières puissances financières du pays (pétrole, transports, électricité, matières premières, etc.). Elle n'enregistre pas de recettes publicitaires conséquentes (80 000 dollars en 1994).

On estime à 350 000 le nombre de foyers câblés en Bulgarie, dont environ 100 000 à Sofia, mais seulement 33 000 foyers sont reliés à des réseaux légaux. Par conséquent, plus de 90 pour cent du réseau actuel est illégal. Le Comité des PTT souhaiterait légaliser les câblodistributeurs « pirates » afin de pouvoir exercer un véritable contrôle sur l'ensemble du secteur. L'adoption d'une loi sur l'audiovisuel devrait pouvoir modifier les pratiques actuelles.

En termes d'audience et d'impact, la télévision nationale jouit d'une place prédominante. New Télévision est la première chaîne privée à se tailler une place non négligeable dans le paysage audiovisuel. Seven days (privée) vient de commencer à émettre sur une partie de la région de Sofia.

De même la radio nationale est dominante en termes d'audience et d'impact. Les principales stations privées sont Radio FM +. Signal + et Viva.

C. LES DIFFICULTÉS DES MÉDIA FRANÇAISE EN BULGARIE

La Bulgarie est un État francophone et francophile : le français est parlé par 300 000 personnes - sur huit millions d'habitants - et un Bulgare sur trois comprend le français. Toutefois, le développement des média français n'en est pas rendu plus aisé.

1. Les difficultés de TV5

Dans le domaine audiovisuel, les autorités bulgares déclarent volontiers vouloir appliquer les orientations et directives européennes et respecter le principe de la liberté de réception des émissions de télévision en provenance d'États européens tiers. Dans la pratique, il est possible de déceler dans les décisions du Comité des Postes et Télécommunications la volonté de réserver le réseau hertzien aux opérateurs nationaux publics et privés.

Le contenu de la future loi sur l'audiovisuel, ainsi que l'aptitude de la Bulgarie à saisir les opportunités offertes par Média 2, permettront de mesurer la capacité de ce pays à intégrer l'Union européenne.

Dans cette perspective, il serait bon que la Bulgarie favorise effectivement la diffusion d'une chaîne européenne comme TV5 Europe plutôt que CNN, ce qui n'est pas le cas actuellement.

Depuis 1991, la présence de TV5 et CFI a placé la France en bonne position sur les écrans de télévision bulgares.

Depuis 1991, à la demande de la municipalité, les programmes de TV5 sont diffusés sur Sofia, par voie hertzienne. La convention qui autorisait cette diffusion prévoyait huit heures d'émission quotidienne (de 17 heures à 1 heure). Des conventions analogues ont été signées dès 1991 avec des municipalités de Plovdiv (deuxième ville du pays) et de Bourgas.

Les conditions d'attribution des fréquences pour les stations radiophoniques et les chaînes de télévision ont été réglementées en juin 1992. Conformément à ces règles. TV5 a constitué en 1994, une SARL de droit bulgare. TV Penta.

Fn juillet 1994, la Commission provisoire d'attribution des fréquences du Comité des Postes et Télécommunications a toutefois décidé de réduire le temps de diffusion de TV5 de 2 h 30 (17 heures-22 h 30) et d'attribuer, sur le canal 41, la tranche horaire restante (22h30-17 h) à CNN.

Depuis lors, le maintien de TV5 à Sofia sur le réseau hertzien est incertain, malgré l'intervention de M. Jacques Toubon, alors Ministre de la Culture et de la Francophonie, lors de sa visite à Sofia (22-24 mars 1995) suivie de celle de M. Patrick Imhaus. Président de TV5, en mai de la même année. Fa licence autorisant TV5 à diffuser de 17 h à 22 h 30, qui expirait le 31 août, n'a été reconduite que jusqu'au 31 décembre 1995, avec, il est vrai, une prolongation de la diffusion jusqu'à 23 h.

Dans ces conditions, en l'absence de garanties suffisantes, les investissements proposés par TV5 avec l'aide du ministère des Affaires étrangères (environ 1,6 million de francs), pour améliorer la qualité de l'image et produire une heure par jour de programmes sous-titrés en bulgare n'ont pas été effectués.

Le Président du Comité persiste dans son intention d'attribuer le canal 41 à une (ou plusieurs) chaîne(s) nationale(s) privée(s), obligeant ainsi TV5 à être diffusée uniquement par le câble. Or, si 100 000 foyers sont câblés à Sofia, seulement dix pour cent le sont légalement l'idée du Comité des Postes serait de légaliser les câblodistributeurs « pirates » et de leur imposer la reprise de TV5 dans leurs bouquets de programmes. C'est le langage qu'il a continué de tenir lors de contacts ultérieurs.

À part Sofia, TV5 est diffusée dans la plupart des grandes villes de Bulgarie, à l'exception de Varna.

Cette couverture satisfaisante de la province ne semble pas être remise en cause sauf si la future loi sur l'audiovisuel prévoyait l'interdiction de toute diffusion hertzienne de chaînes étrangères.

CFI reste la principale source de programmes français de la télévision nationale qui reprend en moyenne une trentaine d'heures par mois. La réforme annoncée par CFI suscite des interrogations, tant du côté de la télévision nationale, seul partenaire actuel, que des télévisions privées, qui pourraient être concernées à l'avenir.

MCM est diffusé à Bourgas en hertzien de 2 à 4 heures par jour.

M6 est présente sur différents réseaux câblés. Il faut noter le net succès d'Eurosport et de MCM sur le câble faisant suite au cryptage de MTV

Ostankino 1 est diffusé de 5 à 15 heures par jour selon les villes, en réseau hertzien et CNN, sur le même canal que TV5 (canal 41 ) de 23 h 00 à 17 h 00. Deutsche Welle est présent sur le câble et la télévision nationale reprend chaque semaine quelques heures d'Euronews .

2. Les difficultés de RFI

Présente à Sofia en modulation de fréquence depuis 1991. RFI a obtenu une licence d'exploitation jusqu'en 1999. Un studio de production de programmes locaux, installé à l'Institut français de Sofia, permet, depuis le 16 octobre 1995, de diffuser quotidiennement en bulgare - condition posée pour le renouvellement de l'autorisation d'émission - une demi-heure d'information le matin et une heure de programmes musicaux et culturels l'après-midi. Selon le directeur de l'Information de RFI : « en français comme en bulgare, il s'agit d'expliquer le monde au monde, la France au monde, d'offrir une valeur ajoutée, celle de l'Europe et de l'économie ». Attentif au moindre dérapage, la radio a exclu la politique intérieure bulgare de ses bulletins d'informations, pour se consacrer à un aperçu des faits économiques, politiques et culturels émanant de l'étranger.

Le Comité des Postes a cependant refusé, sans préciser les motifs, toute les demandes d'émission de RFI effectuées par les villes de province. Cette décision a été évoquée par M Barnier. Ministre délégué aux affaires européennes, lors de sa visite officielle à Sofia les 17 et 18 décembre 1995.

RFI se trouve, en effet, confrontée à une réelle concurrence.

BBC est diffusée 24 heures sur 24 avec des points d'information diffusés de Londres en bulgare toutes les deux heures, auxquelles s'ajoutent 3 fois 1/2 heure d'émissions d'information et culturelle.

VOA Europe est diffusée de Washington de 22 heures à 6 heures 30 dont 1/2 heure en bulgare.

Deutsche Welle est diffusée 24 heures sur 24 dont 3 fois 1/2 heure en bulgare.

Plusieurs radios privées FM de province diffusent les émissions en bulgare de la BBC et de VOA Europe.

Certaines radios diffusent les programmes musicaux de VOA Europ e pendant la nuit.

Europe libre a son propre réseau en province qu'elle partage avec la radio libre FM Classique.

*

* *

Davantage encore que la Roumanie, le pluralisme de l'offre audiovisuel a du mal à s'imposer en Bulgarie autant dans les faits qu'en principe.

Faute d'un statut moderne et d'une économie dynamique de l'audiovisuel, le paysage audiovisuel bulgare demeure anémié.

Malgré la francophilie affichée, les média français rencontrent des difficultés à s'implanter. L'ouverture de la Bulgarie aux média étrangers, et notamment européens, doit se poursuivre.

TROISIÈME PARTIE : L'ACTION AUDIOVISUELLE DE LA FRANCE DANS « L'AUTRE EUROPE »

Partie intégrante de l'Europe, tous ces pays de l'ex-bloc soviétique rejoindront, à terme, à des échéances plus ou moins longues avec des niveaux de développement plus ou moins élevés et avec des conditions certainement diverses, les pays qui ont créé l'Union européenne.

Cette zone est donc propice aux investissements d'autant plus qu'elle est encore accessible aux capacités de financement de l'audiovisuel français, ce qui ne sera plus forcément le cas dans une dizaine d'années.

Le marché local de la publicité est suffisamment porteur, en particulier pour les investissements radio. Selon les pays et les législations, il peut l'être pour la télévision, à condition qu'il s'agisse de l'une des deux ou trois premières chaînes en terme d'audience.

Les obstacles législatifs et politiques ne doivent pas être sous-estimés. Ils sont les plus nombreux et les plus difficiles à vaincre. Dans la plupart de ces pays, le risque commercial n'est pas très éloigné de celui des pays d'Europe occidentale, même si des différences existent d'un État à 1'autre.

Dès 1990, la France a su être très présente dans cette zone grâce aux programmes de TV5, CFI, ARTE, MCM, France 2, Europe 2, Nostalgie, Fun, Skyrock, RFI, mis à disposition gratuitement.

En revanche, le passage depuis 1991/1992 d'une politique de l'offre, généreuse, à celle de la mise en place d'investissements capitalistiques dans des relations commerciales étroites s'avère beaucoup plus difficile.

L'absence des opérateurs privés français, excepté Canal +, est également regrettable. De trop rares prises de participation, des parts de marché à l'exportation - en matière de programmes audiovisuels -trop étriquées caractérisent le manque d'audace et sans doute de lucidité des opérateurs audiovisuels français. Il n'est pas trop tard, même s'il est déjà bien tard d'investir des marchés audiovisuels encore accessibles et en pleine expansion.

L'industrie américaine de la télévision Ta bien compris et elle est très présente.

De la production à la diffusion, de la distribution à la commercialisation, plusieurs sociétés américaines maîtrisent parfaitement toutes ces étapes, et par là même l'épineux problème des droits liés aux programmes. La proximité entre les studios de production et les réseaux de distribution leur permet de multiplier l'offre indéfiniment. Par exemple, Home Box Office (HBO) propose une chaîne de cinéma, en tchèque, sur le réseau américano-tchèque Kabel Plus.

Les « majors » américains raisonnent déjà de façon continentale : ils incluent complètement l'Europe centrale et orientale, dans le volet européen de leur stratégie mondiale. Les opérateurs français - publics ou privés - sont, hélas, encore loin d'un tel raisonnement.

I. L'ACTION DES OPÉRATEURS PUBLICS

A. LES MOYENS ET MISSIONS DU SECTEUR AUDIOVISUEL PUBLIC EN EUROPE CENTRALE ET ORIENTALE

1. Quelle politique audiovisuelle de la France dans ces pays ?

La chute du mur de Berlin en 1989 a provoqué un immense appel de programmes audiovisuels. Le besoin d'images de pays privés de contacts avec le marché international de l'audiovisuel était considérable. La France a entendu cet appel. A-t-elle su y répondre autant que les Américains ou les Allemands ?

Dès 1990, le Conseil Audiovisuel Extérieur de la France considérait comme un objectif prioritaire la présence des programmes français en Europe centrale et orientale.

L'équipement de tous les établissements culturels de la région d'un grand nombre d'universités, fut tout d'abord décide.

De nombreux opérateurs ont ensuite permis d'accompagner l'évolution des paysages audiovisuels de ces pays, du « tout État » aux conditions du marché.

On a toutefois pu s'interroger sur l'efficacité de la diversité de ces intervenants, au début des années quatre-vingt dix. L'effort de rationalisation, entamé depuis - et seulement depuis - 1994, doit donc être vigoureusement encouragé par le Parlement.

C'est pourquoi la stratégie audiovisuelle de la France dans cette région devrait connaître une mutation profonde.

Dans un premier temps, la politique poursuivie par la France a été celle d'une politique de l'offre. Il s'agissait alors d'occuper le terrain, de présenter des images françaises. On peut considérer que cette stratégie a réussi. Les images du putsch de Moscou n'ont-elles pas été suivies, en Europe centrale et orientale, sur TV5 ? Avec la diversification des paysages audiovisuels, largement commentée au chapitre II , notre stratégie doit désormais adapter l'offre de programmes audiovisuels aux demandes nationales, mais également à l'entrée de l'audiovisuel centre-européen dans la sphère marchande.

La France doit tout d'abord proposer des programmes attractifs, dans les langues nationales. Elle doit ensuite constituer des « bouquets de programmes » diversifiés sur les satellites les mieux à même d'être reçus en Europe centrale et orientale. Il faut enfin considérer que la période de la distribution gratuite est achevée, sous peine de voir les diffuseurs refuser de consentir que leurs programmes soient retransmis dans ces pays.

Encore trop souvent, la politique audiovisuelle extérieure de la France demeure inadaptée aux réalités économiques de l'audiovisuel, qui est désormais davantage un marché qu'un art.

En général, lorsqu'il y a pénurie de programme des chaînes publiques de télévision, notamment en Europe centrale et orientale, les apports de la France sont les bienvenus pour compléter la programmation, améliorer la qualité et la diversité, entrebâiller une fenêtre sur une télévision d'Europe occidentale.

En revanche, lorsque les marchés se développent et lorsqu'une véritable concurrence s'instaure, les phénomènes d'éviction, au détriment des programmes français, commencent.

Le rapport BALLE 21 ( * ) partage cette analyse : « Cette politique est sans doute assez efficace pour ouvrir ces marchés aux programmes nationaux, elle ne peut cependant être pérennisée surtout lorsqu'il s'agit de programmes sous-titrés ou doublés, mis à disposition gratuitement. Ces pays constituent en effet des débouchés potentiels pour les programmes français exportables et il serait paradoxal qu'une politique de distribution culturelle menée sans concertation suffisante avec la profession aboutisse à réduire ces débouchés potentiels et à permettre aux opérateurs locaux de bénéficier de ressourcés supplémentaires pour acquérir sur le marché international des programmes... américains ».

Le meilleur exemple en est fourni par la SEPT-ARTE dont la collaboration avec les chaînes de télévision de ces pays est particulièrement déséquilibrée.

Comme l'indique la société française, « ces télévisions ayant de plus en plus de difficultés à soutenir le rythme de leurs propres productions, elles trouvent en la SEPT-ARTE une compensation à un type de programme qui leur fait défaut ». En revanche, on doit constater que la diffusion des programmes de ces pays sur la chaîne franco-allemande, à vocation culturelle et européenne, brille par sa faiblesse. De même, la reprise des programmes dans les pays d'Europe centrale et orientale est sans doute inférieure, dans la réalité, aux résultats annoncés à Paris.

2. Quel vecteur ?

Les relations audiovisuelles avec les pays d'Europe centrale orientale n'échappent pas à la question récurrente du vecteur le plus approprié pour cette action culturelle.

On compte en effet quatre opérateurs publics dans le domaine audiovisuel : France-Télévision, de manière limitée, et, de façon plus importante, la SEPT-ARTE, CFI et TV5.

La SEPT-ARTE, CFI et TV5 présentent des différences non seulement dans les types de programmes qu'ils diffusent, s'adressant à des publics différents, mais aussi dans le mode de diffusion adopte.

Les émissions de la SEPT-ARTE sont celles d'une chaîne avant tout culturelle, dont l'objectif est de répondre au goût et à la tradition des pays d'Europe centrale et orientale pour la culture. Elles sont reprises et intégrées dans les grilles de programmes des télévisions nationales de chaque pays. CFI, pour sa part, propose un catalogue de programmes pour tous publics. Inclus dans les grilles des télévisions nationales, ces programmes font l'objet d'un service « à la carte » pour les chaînes qui les choisissent.

Depuis septembre 1991, la SEPT, puis la SEPT-ARTE a mis à disposition de CFI plus d'une centaine d'heures d'émissions qui ont été diffusées par CFI dans les pays bénéficiant de la clause culturelle, hors Europe centrale et orientale (Afrique, Asie, Proche et Moyen Orient).

Les programmes francophones de TV5, composés d'émissions françaises mais aussi belges, suisses, luxembourgeoises et canadiennes, touchent un grand public qui apprécie les qualités d'une chaîne généraliste. TV5 est diffusée principalement sur les réseaux câblés et dans son intégralité. Un bon nombre de coproductions de la SEPT-ARTE avec France Télévision, ou les autres partenaires de TV5 ont été diffusés gratuitement par TV5.

Plus d'une centaine d'heures de programmes a été coproduite par la SEPT-ARTE et le ministère des Affaires étrangères. Ces programmes sont diffusés dans les pays d'Europe centrale et orientale et dans le cadre de 1'assistance culturelle, soit par la SEPT-ARTE, soit par CFI.

L'objet de ce rapport n'est pas de trancher entre ces différents opérateurs, dont l'action apparaît néanmoins complémentaire, à défaut d'être toujours rationnelle. On ne peut que regretter, encore une fois, que l'audit du secteur audiovisuel public décidé, au premier semestre 1996, par les pouvoirs publics ait exclu l'action audiovisuelle extérieure dont l'efficacité aurait sans doute gagné à davantage de cohérence.

3. Avec quels moyens ?

a) Les moyens budgétaires du ministère des Affaires étrangères

Les moyens du Quai d'Orsay pour les pays d'Europe centrale et orientale ont connu des variations d'une exceptionnelle amplitude, notamment pendant la période 1989-1992. La forte augmentation des crédits budgétaires affectés à cette zone en 1990 s'expliqua surtout par l'ouverture de nouvelles ambassades dans les Républiques d'Asie centrale.

Les crédits de fonctionnement du ministère des Affaires étrangères pour les pays d'Europe centrale et orientale connurent une forte progression en 1990 (628 millions de francs) par rapport à 1989 (250 millions), avant de retomber à 488 millions de francs en 1991 et 466 millions en 1992.

Les évolutions erratiques des moyens budgétaires de la diplomatie française, notamment culturelle, avaient été déjà constatées et critiquées dans le rapport du Conseil économique et social consacré aux « Relations culturelles entre la France et l'Europe centrale et orientale », du 9 décembre 1992. Ce rapport déplorait de telles évolutions, qui signifiaient que « des projets seront annulés, que des politiques à long terme se trouveront compromises et que, une fois de plus, la réputation d'inconstance qui est faite à la France se trouvera vérifiée ».

Il n'est malheureusement pas possible de connaître avec précision le montant des crédits budgétaires affectés, au sein de l'action audiovisuelle extérieure, aux opérations menées dans les pays d'Europe centrale et orientale.

Aux crédits de la direction de l'action audiovisuelle extérieure du ministère des Affaires étrangères s'ajoutent en effet les dépenses des opérateurs, et principalement des diffuseurs. Ces sommes ne sont pas, en général, géographisées et il est difficile d'isoler les dépenses spécifiquement consacrées à telle ou telle région.

Ainsi, à titre d'exemple, peut-on relever que les crédits budgétaires mis à la disposition de la direction de l'action audiovisuelle extérieure du ministère des Affaires étrangères pour l'exercice 1995 sont essentiellement des crédits non géographisés (840,8 millions de francs), les crédits géographisés ne représentant que 6,5 % du total (58,8 millions de francs). Sur cette somme, les crédits affectés à l'Europe centrale et orientale - incluant la Russie - s'élèvent à 11,4 millions de francs, ce qui représente le deuxième budget après la zone Asie-Pacifique (14,4 millions de francs), et près de 20 % des crédits géographisés.

Une telle absence de lisibilité de la politique audiovisuelle extérieure de l'État est profondément regrettable. Et il serait souhaitable que le Quai assure une présentation plus apparente de ses moyens 22 ( * ) .

Quant aux opérateurs publics, il est établi qu'ils disposent d'un budget global nettement inférieur à nos principaux partenaires.

En radio, le budget de RFI s'élevait, en 1995, à 654 millions de francs, soit 30 % du budget de Voice of America (2 150 millions de francs), 37 % du service mondial de la BBC (I 758 millions de francs) et 46 % de celui de la Deutsche Welle (1410 millions de francs).

En télévision, le budget de CFI et de TV5 cumulé était, en 1995, d'environ 500 millions de francs (dont 365 de contribution française), contre 615 millions de francs de crédits pour le service télévision de la Deutsche Welle.

b) La présence des média français en Europe centrale et orientale

Cette présence correspond à une bonne démarche française, et traduit l'existence d'une véritable diplomatie culturelle.

Le développement de cette présence dans les média, audiovisuels et presse écrite, s'est articulé autour de quatre axes :

- contribuer à la restauration de l'État de droit grâce à la coopération dans le domaine de la presse écrite et audiovisuelle en privilégiant les actions de formation et de perfectionnement des journalistes, débouchant ainsi sur une conception nouvelle du traitement et de la circulation de l'information,

- accompagner l'évolution des paysages et de l'économie de l'audiovisuel en participant à la réflexion et à la mise en place de législations et de réglementations adaptées à un système libéral et concurrentiel, dans lequel les entreprises audiovisuelles doivent être rentables,

- assurer la pénétration et la diffusion des programmes français par la signature d'accords avec des télévisions nationales et des dons d'installations de réceptions satellitaires et d'équipements de sous-titrage, facilitant l'ouverture,

- participer à la création de réseaux de professionnels.

Pour développer de telles actions et assurer sur place les relais indispensables, des postes d'attachés audiovisuels ont été créés dans l'ensemble des pays d'Europe centrale et orientale, constituant le maillage le plus serré du réseau.

L'intérêt des opérateurs français, publics et privés, pour cette région s'est manifesté tant dans la radio que dans l'audiovisuel.


• La disparition des radios d'État et l'ouverture de bandes FM ont ouvert un marché important sur lequel se sont immédiatement positionnés les opérateurs radiophoniques français tant publics - RFI. Radio et SOFIRAD - que privés - Europa plus et Europe 2, Fun et Sky Rock -.

Les succès d'Europe 2 à Prague et de Radio Delta, première radio bilingue et biculturelle, à Bucarest, sont réels et témoignent de la complémentarité entre radios publiques et privées.

La montée de RFI sur le satellite EUTELSAT II depuis octobre 1993 lui permet d'offrir le service mondial en français 24 heures sur 24 heures. Il est repris en FM à Bucarest par Radio Delta, à Prague, et à Sofia. Parallèlement, des accords de partenariat permettent à RFI de faire reprendre certains de ses programmes en langues étrangères en Pologne (15 stations), en Roumanie (4 stations).

? Les reprises par les télévisions publiques nationales des programmes de CFI, satisfaisantes jusqu'en 1994, s'inscrivent désormais dans un contexte plus difficile.

D'une situation quasi monopolistique dans certains pays au moment de l'ouverture des télévisions, les reprises de programmes sont désormais limitées par les exigences des ayants-droit bénéficiant par ailleurs de l'émergence de marchés créés par la privatisation des chaînes comme en Pologne et en République Tchèque et prochainement en Hongrie.

Le bilan est donc contrasté. C'est en Bulgarie et en Roumanie, qui comptent de nombreux francophones, et en République Tchèque où la privatisation a accentué la concurrence et renforcé le besoin de programmes de la télévision nationale que CFI continue de bénéficier des plus importantes reprises.

TV5 a fait une bonne percée en Europe centrale et orientale grâce au démarrage du câble dans certains pays : Pologne, Hongrie, et République tchèque, qui devrait être accentuée par sa « montée » sur le satellite d'EUTELSAT, HOT BIRD 1, à la position 13° Est, depuis mars 1995.

En Roumanie et en Bulgarie, pays davantage francophones, TV5 est diffusé sur un réseau hertzien terrestre dans l'attente du développement du câble. Cette diffusion se heurte à de nombreuses difficultés dans la mesure où les instances de régulation réclament l'incorporation dans la grille de TV5 d'une proportion de programmes nationaux en liaison avec un partenaire de droit local. Cette demande pose à la fois un problème d'image pour la chaîne francophone et de pérennité de la présence sur l'hertzien terrestre. Il est donc tout à fait clair que ces deux exceptions ne doivent persister que dans l'attente de la mise en place de réseaux câblés à Bucarest et à Sofia.

La reprise des programmes de la SEPT s'avère en revanche plus décevante. Les accords passés par cette société avec les télévisions de ces pays sont cependant positifs puisqu'ils ont permis de mettre en place une politique efficace d'échanges de programmes ainsi que des coproductions.

c) La constitution d'un bouquet francophone sur EUTELSAT

On sait que se sont constitués sur EUTELSAT des bouquets de chaînes francophones publiques et privées : celui de TF1 et de France Télévision, la CLT, M6 et la Lyonnaise des eaux et sans doute une ou plusieurs de ses chaînes thématiques du secteur public, ARTE et La Cinquième 23 ( * ) , celui des chaînes du groupe AB Production. Ces bouquets de programmes émettent à la position unique de 13° est.

Il s'agit d'une évolution très importante.

Tant que les chaînes françaises n'étaient pas installées sur EUTELSAT, la diffusion des chaînes francophones est restée marginale, compte tenu de la présence des satellites ASTRA. Les paraboles - bon marché - permettant de recevoir les chaînes diffusées sur le satellite luxembourgeois sont pratiquement les seules à équiper en Autriche comme dans le reste de l'Europe centrale et orientale, les foyers domestiques.

La très grande majorité des téléspectateurs hésitent à se doter de plusieurs paraboles. Celles qui permettent de recevoir les chaînes françaises diffusées sur TELECOM sont nettement plus coûteuses en Europe centrale et orientale, car elles doivent être de plus forte puissance, les satellites TELECOM 2A et 2B étant centrés sur une position orbitale décalée par rapport à cette région. Dans l'obligation de choisir, les foyers centre-européens s'équipent prioritairement en paraboles permettant de recevoir ASTRA.

Le « recentrage » décidé par les techniciens des satellites TELECOM 2A et 2B n'avait, en effet, pas constitué une décision heureuse. Déstiné à améliorer la réception des foyers eu Europe de l'Ouest, il a dans le même temps supprimé les « débordements » de diffusion en Europe centrale. Les pays situés à la frange de la zone de réception des satellites, qui le recevaient dans de mauvaises conditions, mais qui les recevaient quand même, se sont vus privés d'images. Cette décision fut mal ressentie.

Cependant l'évolution récente de la stratégie satellitaire de la France est heureuse et tombe à point nommé.

Le renforcement de la présence de la France dans une région ou ASTRA occupe la place dominante, a permis de mettre en évidence la nécessité de constituer des bouquets de programmes regroupant l'offre française de façon cohérente et attractive, à destination soit de la réception professionnelle (reprise sur les réseaux câblées et les chaînes hertziennes), soit de la réception directe.

En outre, le lancement du bouquet numérique de CanalSatellite devrait contribuer à améliorer la présence audiovisuelle française à l'est.

Cette combinaison des initiatives publiques et privées a été encouragée par le rapport de M. Vanderchmitt consacré à « la télévision par satellite » (décembre 1995). Ce rapport a définitivement établi que l'efficacité d'un système satellitaire se mesurait par rapport à l'objectif que l'on voulait atteindre en termes de public. Cette attitude pragmatique doit inciter à « rechercher les partenariats avec les acteurs privés ».

L'audiovisuel francophone n'est pas suffisamment en position de force pour que l'on se permette le luxe de la rivalité entre public et prive. Les deux secteurs doivent s'épauler dans la conquête des publics étrangers, notamment en Europe centrale et orientale.

d) La coopération à la formation des journalistes

Le savoir-faire français, la réputation de nos écoles de journalisme et le système économique de la presse française ont suscité un fort intérêt de la part de Gouvernements dont l'objectif prioritaire était de restaurer la démocratie.


• La Roumanie
est le pays avec lequel la coopération journalistique a pris le plus d'ampleur. L'élément central de cette coopération a été l'informatisation de l'agence roumaine de presse ROM PRESS, et l'aide à la restructuration de l'enseignement de la faculté de journalisme de Bucarest. La présence française prend dorénavant la forme d'envois d'intervenants pour participer à des ateliers de formation.


En République Tchèque, à Prague, un jumelage entre l'Université d'une part, le CFPJ et l'IFP d'autre part, a permis d'effectuer des échanges d'étudiants et de professeurs.


• En Pologne,
a été créée depuis 1994 une filière franco-polonaise, en liaison avec l'École Supérieure de Journalisme de Lille.


• En Bulgarie,
des actions de formation et de perfectionnement sont menées.

La coopération journalistique, permet des opérations associant des professionnels français et étrangers, comme les programmes de stages montés avec l'Association. « Presse et solidarité » regroupant les principaux syndicats de la presse française qui facilitent la venue en France, pour des séjours de courte durée, de professionnels étrangers.

B. L'ACTION DES DIFFÉRENTS OPÉRATEURS PUBLICS

1. Les chaînes du secteur public en Europe centrale et orientale

a) France-Télévision

L'action audiovisuelle extérieure de France Télévision en Europe centrale et orientale n'est pas très développée. Ce n'est pas, en effet, la vocation de l'entreprise publique d'intervenir comme opérateur. Même si elle le voulait et en admettant que le Conseil de l'action audiovisuelle extérieure lui en donne le mandat, elle n'en aurait pas les moyens financiers. Néanmoins, i1 lui est possible de procéder à des échanges de programmes.

Afin de renforcer la coopération avec les télévisions publiques, France Télévision participe du reste aux différentes actions menées par l'UER pour aider à la modernisation des télévisions publiques des pays d'Europe centrale et orientale.

Il s'agit essentiellement d'actions de formation de cadres, de techniciens et de personnels administratifs afin de mieux associer ces télévisions publiques aux mécanismes d'échange des images d'actualité et d'achats de droits des événements sportifs.

(1) En matière de diffusion de programmes

Les programmes de France-Télévision sont essentiellement transmis, par satellite, dans les pays d'Europe centrale et orientale via TV5 et Canal France International. En Roumanie et en Bulgarie en revanche, la diffusion s'effectue uniquement par voie hertzienne terrestre.

France-Télévision a l'intention de développer des actions bilatérales avec les télévisions des pays les plus francophones (essentiellement la Roumanie et la Bulgarie). Elle estime toutefois qu'il s'agit d'une « t âche difficile pour le moment mais qui ne doit pas être perdue de vue ».


• Au titre de cette politique bilatérale, on peut mentionner l'accord de coopération conclu, en octobre 1995, entre France 3 et la télévision publique hongroise Magyar Televizio.

Les deux chaînes ont décidé de procéder à des échanges de programmes et d'actualités, de réaliser des coproductions, notamment dans le domaine des documentaires et de la fiction, de se prêter un concours mutuel pour les reportages d'actualité, les retransmissions sportives et autres événements importants. Enfin, elles harmoniseront leurs positions dans le cadre de l'UER. Les stations régionales de France 3 joueront un rôle opérationnel dans ce dispositif. Il est en effet prévu des jumelages directs avec les stations régionales de la télévision hongroise, dans la perspective d'échanges et d'expertises dans le domaine de la production et de l'information.


• On peut également citer l'accord signé le 11 janvier 1996 entre France 2, France 3 et la télévision publique polonaise TVP.

Cet accord porte sur la coopération concernant les programmes et d'informations, les relations entre les stations régionales de la TVP et celles de France 3 et la concertation sur les questions européennes et internationales, notamment au sein de l'UER. Un accord particulier concerne également France Espace, qui apportera son concours technique à la régie publicitaire de la TVP

La coopération bilatérale avec les chaînes publiques a le mérite d'exister, mais son efficacité demeure limitée, en raison du manque de ressources de France Télévision pour engager une politique ambitieuse de coopération audiovisuelle.

Il apparaît toutefois important pour France Télévision de constituer avec les télévisions publiques d'Europe centrale et orientale un « front commun » des secteurs audiovisuels publics, qui pourrait faire valoir au sein de l'Union européenne de radiodiffusion les spécificités des chaînes publiques.

(2) En matière de production audiovisuelle

Le secteur public français utilise également les pays d'Europe centrale et orientale pour délocaliser sa production audiovisuelle.

En 1994, sur les 270 téléfilms produits en 1994, 73 ont été tournés en tout ou partie à l'étranger, dont 36 en Europe de l'Est (16 en République tchèque, 5 en Russie, 2 en Hongrie, 2 en Pologne, 1 en Roumanie) et 6 en Afrique du Sud.

À titre anecdotique, on relèvera qu'une fiction de France 2 « Marion du Fouet z », qui relate l'histoire d'une aventurière bretonne ayant vécu au XVIII e siècle, a été tournée en Pologne, en février-mai 1996. Une coproduction avait pourtant été envisagée avec la SFP Production. Les acteurs polonais, nombreux, qui s'exprimeront en leur langue, seront doublés en Belgique...

Ces délocalisations ont, à l'époque, été vivement contestées par la SFP.

Le tournage de productions audiovisuelles hors de l'hexagone, parfois sous couvert de coproductions douteuses, permettant de bénéficier des fonds d'aide à la production français et/ou européens, augmente le sous-emploi dans les métiers du cinéma et de la télévision. Cette concurrence déloyale (main d'oeuvre non taxée, absence de protection sociale, monnaies parfois non convertibles, etc.) risque d'aboutir à l'extinction de métiers rares dans les secteurs du tournage, de la décoration et de la post-production. Cette situation résulte du coût élevé de la production audiovisuelle en France.

b) TV5-CFI

La présence audiovisuelle française en Europe centrale et orientale est essentiellement assurée par TV5.

(1) Une présence nécessaire

Dans un univers de plus en plus concurrentiel, où l'inflation de nouvelles chaînes conduit à l'uniformité des programmes, TV5 doit apparaître comme une contribution à la nécessaire diversité des programmes et des langues afin de représenter, selon la chaîne, « une couleur supplémentaire dans l'arc-en-ciel culturel de l'offre du câble européen ».

TV5 constitue également un instrument essentiel au sein des pays d'Europe centrale et orientale pour permettre de contrebalancer l'irrémédiable croissance de l'influence américaine.

Inventeurs du câble et du MMDS, les protagonistes américains (TCI, ITl, etc.) tentent d'exporter des systèmes éprouvés. De la construction au marketing, leurs réseaux sont remarquablement performants et ménagent, dès aujourd'hui, une place pour les services de l'avenir (pay per view, video on demand, téléphone, etc.).

TV5, dans ces conditions, a privilégié la constitution d'un réseau de correspondants dont la mission serait de défendre les intérêts de la chaîne. Mais trouver sur place des professionnels de la télévision, avertis du satellite et du câble, qui plus est francophones, s'est avéré difficile, voire, en certains cas, impossible.

La chaîne francophone a donc eu un rôle pédagogique. Selon la chaîne, il s'agit d'« une tâche longue et difficile, ponctuée d'échecs, mais qui porte aujourd'hui ses fruits. Ce devoir de formation, nous avons même fini par l'appliquer, à leur demande, à des opérateurs d'Europe centrale et orientale, en éclairant les priorités de leurs activités et en les incitant à résoudre l'essentiel de leurs problèmes dans la concertation. TV5 a ainsi apporté une contribution pédagogique française à 1'éducation au câble ».

C'est en effet par ce mode de diffusion que la chaîne s'est imposée.

(2) Une stratégie spécifique

La présence de TV5 en Europe centrale et orientale obéit à une stratégie spécifique car la langue française n'est pas perçue comme « immédiatement nécessaire » par l'ensemble des téléspectateurs de ces pays.

Cette stratégie passe par une présence sur le câble. À cet effet, TV5 prospecte, identifie et fédère les câblodistributeurs disposant de 10 à 15 canaux et donc d'un plan de services fournissant 10 à 15 chaînes de télévision.

Cette présence dans le service de base de ces réseaux câblés et l'implantation « pionnière » de la chaîne francophone internationale en Europe centrale et orientale, constituent les moyens privilégiés d'une pénétration efficace, à court terme, et surtout, les garanties de la pérennité de TV5 dans l'offre de programmes de ces opérateurs.

(3) Une présence inégale

? TV5 est devenue l'une des chaînes de référence du marché tchèque, en tant que chaîne européenne destinée prioritairement au câble. La chaîne francophone internationale bénéficie d'une excellente notoriété.

Cependant, l'obligation imposée aux opérateurs d'une diffusion simultanée et continue des programmes ferme encore l'accès de TV5 à des réseaux majeurs. La faiblesse de la francophonie conjuguée à l'austérité et la méticulosité de la réglementation tchèque, qui cherche à copier les modèles les plus compliqués, ralentissent la progression de la chaîne.

Présente dans une grande partie des réseaux tchèques, TV5 est un outil privilégié pour les câblodistributeurs, et notamment pour ceux qui la distribuent sans avoir signé la convention. Assainir cette situation est 1'une des priorités de TV5.

? C'est en Pologne que le succès de TV5 est le plus spectaculaire. Ayant déjà largement dépassé le million d'abonnés. TV5 poursuit sa progression sur le câble.

TV5 est distribuée par plus de 200 réseaux câblés répartis sur l'ensemble du territoire polonais. Les plus grands opérateurs polonais, PTK (Gdansk et Varsovie), Porion (Varsovie), DAMI (Radom), font partie des nombreux signataires de la convention TV5. La croissance continue de la pénétration est étayée par l'action des deux correspondants de TV5 Varsovie et Lodz.

? En Hongrie, et malgré la forte présence américaine et la douloureuse constatation d'une francophonie déclinante, TV5 s'est efforcée de conquérir, un à un, les nombreux réseaux opérationnels. Avec plus de 500.000 abonnés. TV5 est aujourd'hui solidement implantée. Néanmoins, la chaîne dépend fortement d'opérateurs américains en matière de marketing.

Dans ce pays, où le câble est très développé. TV5 est distribuée par près de 90 % des réseaux opérationnels et « légaux », dont ceux de Time Warner, la situation actuelle est encore floue. Elle devrait toutefois se régler rapidement, avec l'application des textes législatifs et plus particulièrement, le paiement des droits d'auteurs. En Hongrie. TV5 intéresse plus d'un million d'abonnés.

? En Bulgarie. TV5 était distribuée depuis 1991, de façon partielle, sur le troisième réseau hertzien de l'agglomération de Sofia et dans une vingtaine d'autres villes. En 1995. TV5 a pu acquérir un nouvel émetteur et disposer ainsi d'un nouveau réseau hertzien. Le développement des réseaux câblés s'effectue, à l'image de tous les pays de la région, à partir des antennes collectives. Cependant, certains opérateurs ont obtenu des licences d'exploitation et démarrent, aujourd'hui, la construction de grands réseaux câblés modernes. TV5 compte plus de 30.000 abonnés en Bulgarie répartis sur plusieurs réseaux différents (Provadia, Sevlievo, Rousse et Pomorie).

? En Roumanie. TV5 est diffusée, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, à partir d'un émetteur hertzien installé à Bucarest. Pour ce qui est du câble, la progression de TV5 est importante. Avec une dizaine d'importants opérateurs et de nombreux petits réseaux. TV5 est maintenant distribuée dans la plupart des grandes villes roumaines.

? Depuis 1985. TV5 est distribuée sur un grand nombre de petits réseaux câblés disséminés sur tout le territoire autrichien. Depuis 1991, TV5 est également reprise par le plus grand opérateur national. Telekabel. TV5 continue aujourd'hui sa pénétration au rythme de celle du câble.

La réception de TV5 Europe dans les pays d'Europe centrale et orientale représentait au total, au 1 er janvier 1995, un peu moins de 4 millions des foyers abonnés - soit par le câble soit par un système d'antennes collectives - sur un total de 31,6 millions de foyers abonnés en Europe, soit un taux de 12,65 %.

La répartition par pays est la suivante :

Audience de TVS en Europe centrale et orientale

Source : TV5. Document Sénat.

CFI pour sa part, a développé un projet de bouquet de programmes vendus à la carte, selon les besoins des télévisions nationales, en réception professionnelle, numérique et cryptée. Il s'agit d'une évolution saine de l'opérateur, confronté à une maturation du marché.

Ce projet, d'un montant de 3,5 millions de francs pour l'investissement technique et de 15 à 20 millions de francs en acquisition de programmes pour une année pleine, aurait démarré le 1 er mai 1996, mais le gel budgétaire qui a été envisagé au mois de février 1996, a considérablement ralenti ce projet.

c) La SEPT-ARTE
(1) Une coopération limitée au pôle français

La SEPT-ARTE a été la première télévision, dès avril 1990, à passer des accords avec les télévisions d'Europe centrale pour y être diffusée.

Tous les accords ont été renouvelés entre la SEPT-ARTE et ses partenaires, Ex-Tchécoslovaquie, Pologne, Hongrie, Ex-Yougoslavie, Roumanie. Deux nouveaux contrats ont été signés ; fin 1993, avec la télévision de Bosnie-Herzégovine et, début 1994, avec la télévision Slovène. D'autres pays (Bulgarie, Croatie, Slovaquie, Ukraine, Arménie, Biélorussie, Pays-Baltes) ont demandé à passer des accords semblables de coopération avec la SEPT-ARTE Conformément aux directives données par le Gouvernement, le Président de la SEPT-ARTE et d'ARTE a proposé aux membres du GEIE ARTE de reprendre les accords passés en 1990 par la SEPT.

Au cours de l'Assemblée générale du 23 septembre 1992, et après une instruction longue et détaillée, l'ARD n'a pas souhaité, pour des raisons juridiques, répondre favorablement à cette proposition. C'est la raison pour laquelle, en accord avec les partenaires allemands, la SEPT-ARTE poursuit seule la coopération engagée avec l'aide du ministère des Affaires étrangères (subvention de 4 millions de francs), laquelle conditionne la poursuite de l'opération.

Source : SEPT-.4RTE.

Les télévisions partenaires ont toutes demandé de poursuivre leur collaboration avec la chaîne française pour plusieurs années et ont toutes demandé le renouvellement des accords au 1 er janvier 1994.

L'audience de la SEPT-ARTE, en Europe centrale et orientale représente 14 millions de téléspectateurs.

Source : SEPT-ARTE

Jusqu'à l'automne 1992, la situation de crise et de désorganisation au sein de la télévision hongroise a cependant affecté la bonne diffusion des programmes de la SEPT-ARTE malgré de nouvelles nominations favorables à la coopération.

Par ailleurs, et depuis 1992, un système rigide de « cases » culture et de cycles programmés très longtemps à l'avance, nécessitant la constitution d'un stock important, a été mis en place sur la télévision publique roumaine. La reprise des programmes de la SEPT-ARTE est soumise à cette contrainte du long terme qui écoule le stock de programmes très lentement.

(2) La diffusion des émissions de la SEPT-ARTE

Les émissions de la SEPT-ARTE, insérées dans les grilles de programmes des télévisions nationales d'Europe centrale et orientale, bénéficient d'horaires souvent favorables et sont diffusées régulièrement.

La diffusion moyenne de programmes sur les chaînes nationales est d'environ 10 heures. L'année 1995 a été une année atypique, avec le passage de la diffusion des programmes par satellite de TDF1 à EUTELSAT, qui a perturbé la reprise de programmes au premier semestre de l'année. Les programmes ont en effet été fournis sur bandes, et non diffusés via satellite, pendant cette période, ce qui a entraîné de moindres reprises.

Ainsi en République Tchèque, le volume de programmes repris par CT n'était plus que de 5 heures 40 environ au premier semestre, mais de 8 heures au second semestre 1995. Aux raisons ci-dessus indiquées s'ajoute, pour ce pays, la disparition de la chaîne culturelle OK.3, qui a diffusé jusqu'à 40 heures de programmes de la SEPT-ARTE en 1993. Si la télévision publique CT a diffusé 20 heures de programmes en 1994, elle a réduit ses demandes de flux, disposant d'un important stock d'émissions, notamment culturelles, provenant d'OK3.

Pour optimiser la diffusion des émissions de la SEPT-ARTE par les télévisions d'Europe centrale et orientale, des catalogues promotionnels d'information sur le contenu et les droits sont constitués et régulièrement adressés aux télévisions. Ces catalogues favorisent l'information sur les programmes et leur intégration dans les grilles de programmation de chaque télévision.

LA REPARTION PAR TYPE DE PROGRAMME

Source : SEPT-ARTE.

Les stations d'Europe centrale et orientale reprennent les émissions de la SEPT-ARTE au fur et à mesure de leur programmation et de leur diffusion par ARTE. Chacune des télévisions recrée, au sein de sa grille, sa propre chaîne culturelle idéale composée d'une majorité de spectacles, de documentaires et de fictions.

(3) Un très bon accueil

De manière générale, la diffusion de la SEPT-ARTE est, selon la chaîne, « perçue comme une représentation de la culture européenne de Ouest dans ce qu elle a de plus inventif, une culture de création, dont les pays d'Europe centrale et orientale sont restés à l'écart pendant ces dernières années, et qu'ils veulent découvrir ». Elle représente également une « image de marque au service de la culture française ». Perçue comme une chaîne française, elle bénéficie d'un capital de sympathie très important.

La SEPT-ARTE a pu relever l'intérêt de la télévision tchécoslovaque pour ses programmes, notamment certaines séries innovatrices, et l'éclectisme de la demande polonaise pour les nouveautés dont les rediffusions sont sollicitées systématiquement : les émissions sur les compositeurs et les écrivains du monde moderne...

La télévision roumaine, si proche par la langue, entendant bien garder ses liens privilégiés avec la France, et reprend sans les traduire, certains films et documentaires.

La chaîne est appréciée à travers ses émissions relatant la vie culturelle française, le choix se portant le plus souvent sur ce qui est typiquement français, et sur plus de 3/4 de programmes francophones.

(4) L'échange de programmes.

Les accords passés avec les télévisions des pays d'Europe centrale et orientale prévoient, depuis 1992, un échange de programmes, ce qui constitue une originalité exceptionnelle dans le monde audiovisuel.

Cet échange offre plusieurs avantages :

- stratégique. Le mode de relation choisi par la SEPT-ARTE, fondé sur la confiance, et non sur de simples rapports commerciaux, permet une approche plus intéressante. Il ne s'agit pas seulement de choisir des titres sur un catalogue préparé pour l'exportation, mais bien d'avoir le privilège de rechercher dans les fonds d'archives autant de curiosités précieuses pour la SEPT-ARTE et d'accéder à des programmes inédits, jamais diffusés à l'étranger.

D'autre part, de même que ses partenaires diffusent les programmes de la SEPT-ARTE en exclusivité, la SEPT-ARTE bénéficie en retour d'une exclusivité de droits pour 2 ans sur les territoires de diffusion d'ARTE : France, Allemagne, Belgique, Suisse.

- financier. Cet apport de programmes étrangers constitue un retour non négligeable de droits de diffusion gratuits. Elle permet de récupérer en partie les investissements consentis.

- politique. La SEPT-ARTE montre ainsi sa volonté réelle de coopérer avec d'autres partenaires européens et de les associer à la chaîne ARTE.

En 1994, l'échange est concrétisé avec la télévision hongroise, la télévision polonaise et la télévision tchèque, la SEPT-ARTE a obtenu les droits de diffusion d'une centaine d'heures de la part de ces télévisions et bénéficie d'une exclusivité de droits gratuits de diffusion, pour une période de deux ans à compter de l'acceptation technique par la chaîne de la copie fournie.

Les programmes fournis par les télévisions d'Europe centrale et orientale pour la SEPT-ARTE en 1993-1994 sont les suivants :

? La télévision hongroise MTV a fourni 10 heures de programmes. Cependant, seul le concert d'archives « Stravinski dirige sa Symphonie de Psaumes » a été diffusé (sous la forme de Musicarchives). De surcroît, les droits de ces programmes hongrois sont arrivés à terme entre fin 1994 et début 1995.

? La quasi totalité des programmes (18 heures) de la télévision polonaise PTV est arrivée en mauvais état technique. En outre, un certain nombre de titres les plus prestigieux parmi ces programmes ont été retenus par le service commercial de la SEPT-ARTE pour une vente vidéo. En conséquence, aucun programme n'a été diffusé.

? Les premiers programmes fournis par la télévision tchèque CTV sont en général de bonne qualité technique. La SEPT-ARTE souhaite faire venir les programmes une fois que des perspectives de diffusion se dessineront. Pour le moment, une dizaine de programmes (archives musicales, documents historiques, fictions) est stockée. Deux diffusions seulement eurent lieu : la fiction « Mala strana », en octobre 1993, et un documentaire d'archives « Portrait de Karel Ancerl », sous forme de Musicarchives.

La SEPT-ARTE souhaite que la coopération ne s'arrête pas à la diffusion et au troc de programmes. Par delà et grâce à l'exportation de ses émissions, grâce aux différents contacts établis à l'occasion de missions, la chaîne désire produire avec les nombreux créateurs de ces télévisions. Outre les aspects financiers avantageux (partage des frais de production), elle cherche à devenir ainsi de manière plus évidente l'un des partenaires « naturels » des télévisions et des réalisateurs d'Europe centrale et orientale.

Depuis 1990, une cinquantaine de coproductions ont été réalisées (spectacle, fiction, cinéma, documentaire, magazine). Des projets avec la télévision polonaise sont à l'étude.

2. Les radios du secteur public en Europe centrale et orientale

a) Radio France

Comme le reste de l'Europe et le pourtour méditerranéen, cette zone est desservie par les trois programmes nationaux de Radio France diffusés par le satellite EUTELSAT 2F1 et bientôt Hotbird : France Info. France Inter et France Culture Europe. La communauté française résidant dans les cinq pays visés est régulièrement informée de cette possibilité d'écoute, notamment par les associations de Français à l'étranger. De plus. Radio France informe les institutions françaises, en particulier celles consacrées à l'enseignement, par l'intermédiaire des postes diplomatiques.

La coopération traditionnelle, cantonnée dans le passé à quelques échanges musicaux, a pris un nouvel essor en s'étendant à d'autres secteurs. Aujourd'hui, les échanges de concerts sont nombreux et la participation importante à Euroradio 24 ( * ) ou aux échanges de musique traditionnelle (voir bilan 1994 en annexe).

Depuis le début de l'année 1995, Radio France fait parvenir une fois par semaine à ses partenaires un enregistrement d'« En avant la zizique », émission quotidienne de France Inter consacrée à la chanson française.

Par ailleurs, la société propose chaque année des stages spécifiques dans ses radios locales, destinés aux journalistes.

Elle accueille aussi des représentants de ses partenaires venus s'informer du contenu des programmes et des méthodes de gestion.

Au sein de l'UER, Radio France participe activement à un programme de formation pluriannuel des radiodiffuseurs publics d'Europe Centrale et Orientale. À titre d'exemple, on note que, dans ce cadre, un séminaire s'est tenu en novembre 1994 à Bratislava. Y assistaient quarante responsables envoyés par les radiodiffuseurs et trois intervenants de Radio France.

D'une manière générale, la coopération entre radiodiffuseurs publics de l'Europe de l'Ouest et de l'Est devrait être renforcée par l'arrivée de la directrice générale adjointe de la Radio Bulgare dans le nouveau comité radio de l'UER, instance élue par ses membres.

La présence de Radio France dans les cinq pays cités continuera à être assurée par le biais de la promotion faite en faveur des programmes sur satellite, par le développement des échanges d'émissions, par la formation, enfin grâce au travail fait en commun au sein de l'UER.

Les dispositions du cahier des missions et des charges de Radio France ne permettent cependant pas, dans ce domaine, de développer d'autres formes de coopération.

b) RFI

Interrogé sur les investissement réalisés ou projetés en Europe centrale et orientale. RFI a répondu que « le terme investissement s'entendait au sens figuré, c'est-à-dire non commercial ».

Conformément à sa mission de service public, il s'agit donc, pour RFI, de mettre des moyens techniques à la disposition de partenaires étrangers, ou de louer sur place des émetteurs afin de permettre la diffusion des émissions de RFI en français et/ou dans l'une des autres langues de RFI (polonais, roumain, russe), sans attendre de contreparties commerciales.

La conjonction de la chute du Mur de Berlin et des possibilités techniques offertes par la transmission des programmes radio sur satellites a ouvert la voie au développement de RFI en Europe centrale et orientale.

À l'exemple de BBC World Service, RFI met en place, comme - à titre expérimental - à Sofia, en Bulgarie, des rédactions décentralisées. Cette nouvelle orientation ne peut qu'être approuvée. En effet, elle dégage des économies - les salaires étant largement moins élevés dans les pays d'Europe centrale et orientale qu'en France, le coût d'installation d'un bureau est très inférieur à l'entretien d'une section langue à Paris (570 000 francs par an) -, et elle est plus efficace. Jusqu'à présent, toutes les rédactions étrangères étaient installées à Paris. La filialisation des antennes permet l'immersion de l'équipe rédactionnelle dans son environnement, ce dont la qualité de l'information ne peut que bénéficier.

RFI a donc réalisé des implantations en République tchèque. Pologne, Roumanie, et Bulgarie, sous la forme de relais 24 heures sur 24 de son Service Mondial en Français, ou de reprises de certaines de ses émissions en français ou dans la langue du pays d'accueil. Les relais ou reprises concernent la modulation de fréquence, dont les bandes étaient et sont encore peu encombrées dans cette partie de l'Europe. Le succès de cette décentralisation est cependant mitigé, avec les échecs, en Pologne, de l'association avec Radio-Zet et par le vote d'une loi restreignant le développement des agences de presse en République Tchèque, contraignant RFI à mettre fin à Radio Plus, une station lancée en octobre 1991 avec l'agence nationale de presse CTK. L'implantation en Bulgarie correspond à un nouveau départ de cette politique.

Les actions de RFI en Europe centrale et orientale correspondent à une stratégie essentiellement pragmatique, qui s'appuie sur l'adaptation aux conditions économiques et à la réglementation de chaque pays.


• La Roumanie apparaît d'emblée comme un cas à part : premier type d'implantation de RFI dans la région, la radio bilingue et bi-culturelle créée à Bucarest dès 1991. Radio Delta partage le temps d'antenne avec une équipe roumaine. Celle-ci produit ses propres émissions et assure le relais des programmes de RFI, en français et en roumain, aux heures convenues.

Ce type d'implantation s'est avéré coûteux par l'importance des investissements en matériel et en formation et n'a donc pas été poursuivi.

Par la suite, les actions de RFI en Roumanie se sont orientées vers la reprise d'émissions en français et surtout en roumain par des stations FM dans certaines villes de la province roumaine. Sur ce terrain RFI subit une très forte concurrence de la BBC et de la Deutsche Welle qui disposent de moyens importants pour la prospection et l'accueil de leurs émissions en roumain.

Un accord conclu avec la radio nationale roumaine permet de diffuser sur tout le territoire une revue de la presse française produite par la rédaction roumaine de RFI. Cet accord prévoit également la participation de cette rédaction à des émissions en multiplex, organisées par la radio nationale roumaine.


• En Bulgarie, RFI a créé un relais en 1992, pour la diffusion de ses émissions à Sofia 24 heures sur 24. Elle s'est vue récemment demander d'insérer des émissions en bulgare dans sa programmation, à l'instar de la politique menée par les autres radios internationales. L'implantation d'un studio à Sofia a donc été décidée afin de permettre la diffusion d'1 h 30 d'émissions quotidiennes en bulgare. Cette création a impliqué la constitution d'une société de droit bulgare et le recrutement de journalistes bulgares. L'installation du studio a été réalisée dans les premiers jours du mois de juin 1995, et la première émission a eu lieu le 16 octobre 1995.


• En République tchèque, RFI a créé en 1991 un relais diffusant ses émissions en français 24 heures sur 24 à Prague, en association avec l'agence de presse CTK. Cette association a pris fin à la suite d'une modification de la réglementation tchèque visant à interdire à une agence de presse d'exercer une activité radiophonique, dans une optique de défense de l'égalité d'accès de toutes les radios aux services des agences de presse. Depuis 1993, la diffusion des émissions de RFI se poursuit à Prague. 24 heures sur 24.


• En Pologne, après le changement de régime, RFI a fait partie des toutes premières radios à mener une politique d'implantation en modulation de fréquence. Le partenariat envisagé en 1990 avec Radio Gazeta, aujourd'hui Radio Zet, n'a cependant pas permis à RFI de concrétiser son objectif de radio FM bilingue, car cela n'était pas compatible avec les objectifs commerciaux de cette jeune radio.

En revanche, la foire internationale qui s'est tenue à Poznan, en 1991, a fourni à RFI l'occasion d'obtenir la diffusion d'une heure quotidienne en polonais sur la radio publique régionale de cette ville, radio Merkury.

Depuis lors, l'autonomie des stations publiques régionales a permis à RFI d'étendre la diffusion de son émission en polonais, en intégralité ou en extraits, à dix autres stations régionales.

En outre, depuis juillet 1992, les bulletins d'information en polonais de RFI sont diffusés quotidiennement sur tout le territoire par la chaîne II de la Radio nationale.

Le point noir reste l'absence de diffusion FM en langue française.

RFI a été candidate à l'attribution d'une fréquence FM à Varsovie, mais, la loi polonaise prévoyant qu'une fréquence ne peut être attribuée qu'à une société majoritairement polonaise, il en résulte pour RFI la nécessité de s'associer à un partenaire polonais qui accepterait de partager sa fréquence.

Les contacts pris jusqu'à présent par l'intermédiaire de l'organe de régulation polonais ou de l'ambassade de France à Varsovie n'ont pas permis de trouver ce partenaire.


En Hongrie : la langue hongroise n'existant pas sur RFI, c'est avec son Service Mondial en français que RFI cherche à s'implanter à Budapest. RFI s'est donc portée candidate à l'attribution d'une fréquence FM dans la capitale lors des appels d'offres lancés en 1993 et 1994, mais dans les conditions extrêmement contraignantes et dissuasives d'un cahier des charges interdisant de fait la présence de radios commerciales ou étrangères.

RFI a entrepris de compléter ses implantations dans les capitales des pays d'Europe centrale et orientale par des reprises à l'antenne de stations régionales. Elles sont déjà nombreuses en Roumanie et la prospection en vue de nouvelles reprises dans ce pays se poursuit. En Bulgarie, l'ouverture d'un studio diffusant des émissions en bulgare à Sofia a facilité sans doute l'accès d'émissions de RFI en français sur l'antenne de stations de villes de province, comme le bon niveau de francophonie de ce pays le laisse espérer. En République tchèque, le fait que RFI ne s'exprime pas en langue tchèque et le niveau limité de la francophonie laissent moins d'espoir à des ambitions d'implantation dans des villes autres que Prague.

En résumé, RFI jouit d'indéniables atouts dans son développement en Europe centrale et orientale : ce sont essentiellement l'attrait de la langue et de la culture française, l'absence d'un contentieux historique comparable à celui que les souvenirs de la Deuxième guerre mondiale font peser dans de nombreux pays voisins.

Un autre atout est l'intérêt rencontré pour les émissions en langues locales venues de l'Europe occidentale. Les émissions en polonais, en roumain et bientôt en bulgare à Sofia, constituent un élément moteur des implantations de RFI, tandis que l'absence d'émissions en tchèque et en hongrois handicape son développement dans les pays correspondants. C'est sur ce terrain que s'exerce la concurrence entre radios internationales occidentales.

Si RFI pâtit quelque peu de cette concurrence, elle bénéficie en revanche de l'attrait qu'exerce la variété française, et de l'alternative qu'elle offre à l'omniprésence anglo-saxonne. Une demande de variété française a été constatée dans tous les pays, souvent exprimée spontanément. RFI y répond par l'envoi de disques compacts produits par ses soins, regroupant les nouveautés de qualité de la production discographique française, mais cela ne comble pas entièrement le vide laissé par la faiblesse des exportations de disques français. La demande reste importante.

RFI poursuit donc son développement en Europe centrale et orientale avec l'espoir de disposer le plus rapidement possible des moyens nécessaires pour compléter son offre de programmes par la diffusion sur satellite d'un « fil musical » consacré à la variété française d'hier et d'aujourd'hui.

c) La SOFIRAD

La SOFIRAD joue un rôle particulier dans le domaine de l'action audiovisuelle extérieure en Europe centrale, avec EURINVEST, créé en 1992 en partenariat avec Radio Nostalgie.

(1) Une présence insuffisante

En décembre 1990, la SOFIRAD a reçu du Conseil pour l'action audiovisuelle extérieure un mandat d'intervention en Europe centrale et orientale en lui confiant mission « d'information, d'investigation et de constitution de partenariats audiovisuels »

Outre ses filiales de télévision (CFI, MCM, TV 5) qui ont une politique de développement en Europe centrale et orientale, la SOFIRAD a participé depuis 1991 à des appels d'offres en association avec des partenaires locaux, afin d'exploiter des fréquences FM en radio, et des fréquences hertziennes aériennes en télévision grâce à des sociétés mixtes communes.

Même si de nouvelles fréquences radios ont été obtenues en 1994, en particulier en Hongrie et en Roumanie, la SOFIRAD a tardé à mettre celles-ci en exploitation au risque de perdre ses partenaires locaux et sa crédibilité.

Cette position de repli semble motivée par un manque de capacité d'autofinancement de la société et par le peu d'intérêt que les tutelles de la SOFIRAD manifestent désormais pour son action dans cette partie du monde. En effet l'État - via le ministère des Affaires étrangères - a alloué à la SOFIRAD des moyens modestes pour atteindre cet objectif, avec un investissement cumulé de 7 millions de francs au 31 décembre 1994.

(2) La radio

En 1992, la SOFIRAD a créé sa filiale EURINVEST (66 % SOFIRAD, 34 % Radio Nostalgie) destinée à la création en Europe centrale et oriental de sociétés mixtes de radio exploitant le savoir-faire, le format, et le programme de Radio Nostalgie.

Les résultats sont cependant modestes.

Pour un capital total de 5 millions de francs, EURINVEST détenait, fin 1994 :

- 35 % d'EURINVEST Budapest (3 fréquences à exploiter).

- 40 % d'Elfinvest Roumanie (1 fréquence à exploiter).

ainsi que des participations dans Radio Russie Nostalgie et Elfinvest Moldavie.


En Roumanie

Les refus en 1992-1993 du Conseil National de l'Audiovisuel roumain d'attribuer une fréquence FM à Bucarest à Nostalgie n'ont pas empêché le partenaire local d'obtenir, pour son compte, une fréquence FM qu'il a mise à la disposition d'EURINVEST.


En Hongrie

Grâce à la société mixte qu'elle avait créée en 1993 à Budapest. EURINVEST a pu participer à un appel d'offres et obtenir ainsi en décembre 1994 une fréquence FM à Budapest en temps partagé et avoir à sa disposition deux fréquences en province.

Ce bilan mitigé s'explique sans doute par le fait que le conseil d'administration d'EURINVEST ne s'est pas réuni pendant deux ans, de janvier 1994 à février 1996 (délai pendant lequel la SOFIRAD a connu trois présidents...), et n'a donc pu procéder aux choix d'investissements, alors que la situation évoluait rapidement dans ses pays. En outre, l'administrateur délégué ne disposant pas des pouvoirs bancaires, il n'a pu libérer les moyens financiers nécessaires aux projets de développement.

Les projets roumains et moldaves n'ont pu, dans ces conditions, être développés, les projets bulgares et kazakhs ont été abandonnés, les participations hongroises ont été liquidées et la prospection en Pologne, proposée par Radio Nostalgie, a été refusée.

Alors qu'EURINVEST bénéficiait d'une dynamique de développement pendant les années 1993-1994, son fonctionnement bridé a gâché les chances de l'opérateur public dans cette région.

Ces résultats peu brillants tranchent avec la réussite de l'implantation de Radio Nostalgie, partenaire privé de cette opération à l'origine commune, et qui a manifestement mieux su tirer son épingle du jeu.

(3) La télévision

Dans ce média également, la SOFIRAD ne brille pas par sa présence.

En 1991 et 1993, en liaison avec les sociétés publiques françaises (FR3. TDF, la Sofratev) SOFIRAD a participé aux études de faisabilité et appels d'offres concernant des projets en Pologne (Poznan), Slovaquie (Kosice, Bratislava) et République Tchèque (Prague).

La SOFIRAD détient aujourd'hui 5 % d'une société candidate à une fréquence nationale en Pologne.

(4) Quel bilan ?

La SOFIRAD est confrontée depuis plusieurs années à de réelles difficultés financières qui l'empêchent de jouer un rôle moteur dans la politique audiovisuelle extérieure. La stagnation, voire la diminution, de ses ressources limitent sa capacité d'investissement dans de nouveaux projets L'essentiel de sa mission semble désormais d'assurer un appui financier à des filiales, qui n'ont pas pu ou su développer leurs propres ressources, ou de les maintenir sous perfusion.

La privatisation de RMC constitue, sans doute, et paradoxalement, la dernière chance pour la SOFIRAD de jouer un rôle véritable dans l'action audiovisuelle extérieure.

Ce rôle ne pourra être rempli que si la société bénéficie de l'essentiel, voire de la totalité des ressources tirées de la privatisation lorsque celle-ci sera effectuée. Ces ressources pourraient permettre à l'entreprise de se constituer un « trésor de guerre » pour agir efficacement dans des opérations ponctuelles, bien ciblées, contribuant à l'effort public en matière d'audiovisuel extérieur.

Cette société constitue un atout unique au monde. Elle permet en effet à l'État français d'intervenir, par le biais d'une société anonyme, auprès de média de pays étrangers.

Outre la prise de participation dans Europa Plus et la création d'EURINVEST, dont les résultats contrastés ont été examinés ci-dessus, la SOFIRAD a, par exemple, participe en Pologne avec NTP à un appel d'offre pour une télévision nationale privée. En République Tchèque, elle a participé également à un appel d'offre qui s'est révélé infructueux

Cinq ans après le Conseil audiovisuel extérieur invitant la SOFIRAD à opérer dans cette région, on ne peut que déplorer le bilan décevant, tant sur le plan radiophonique que télévisuel, de l'action de la société publique en Europe centrale et orientale.

Le développement des paysages audiovisuels nationaux dans cette région de l'Europe fait que la France a, une nouvelle fois, « raté le coche ». En effet, l'enveloppe financière nécessaire pour investir dans les média de ces pays est devenue substantiellement plus importante, à la mesure de la valorisation des sociétés locales. La SOFIRAD n'a sans doute plus les moyens de sa politique dans cette région.

3. Les autres opérateurs publics

a) TDF

Comme les autres opérateurs audiovisuels. TDF doit tenir compte de l'existence de trois blocs de pays, pour déterminer sa stratégie d'investissements.

La Hongrie, la République Tchèque et la Pologne constituent les pays dans lesquels le développement d'une activité plus importante de la société est envisagé à court ou moyen terme.

En effet, ces pays, estime TDF, « comptent parmi les plus avancés de l' Europe centrale et orientale, à la fois sur le plan économique et sur le plan de libéralisation des paysages de l'audiovisuel et des télécommunications. Ils présentent ainsi pour TDF un intérêt particulier pour le développement de son activité de base, par la prise de participation au sein des entreprises homologues de télédiffusion ou par la création - en partenariat avec des investisseurs locaux ou en accompagnement de clients français - de sociétés de prestation de services de diffusion, et également pour la mise en oeuvre de sa politique de diversification, notamment dans le secteur des radiocommunications ».

En revanche, « la Roumanie et la Bulgarie constituent des zones d'observation, faute d'opportunités clairement appréciables à l'heure actuelle ».

Enfin, « La décision d'approche du marché autrichien demeure fonction des résultats d'une prospection en cours ».

En ce qui concerne la taille du marché local et le potentiel de recettes publicitaires (pour TDF, il s'agit d'un bénéfice indirect lié au développement de clients, à savoir principalement les sociétés de programmes de radio et de télévision), la Pologne demeure vraisemblablement le pays le plus propice à une poursuite des investissements. La République Tchèque et la Hongrie (cette dernière étant à ce jour moins largement ouverte à l'implantation de chaînes privées), malgré leur taille inférieure, peuvent encore fournir quelques opportunités intéressantes, comme la privatisation des télédiffuseurs.

Les législations de ces trois pays autorisent les investissements d'entreprises étrangères dans leur paysage audiovisuel, parfois de manière majoritaire, comme l'a montré la privatisation d'Antenna Hungaria. Pour TDF, « la création d'organismes indépendants de régulation de l'audiovisuel (inspirés du CSA) a permis la clarification des situations locales et tend à minimiser les obstacles politiques ».

Enfin, TDF estime que « la bonne perception des entreprises françaises de l'audiovisuel constatée dans ces pays constitue un argument favorable dans les négociations ».

L'action de TDF, en Europe centrale et orientale était, en juillet 1995, la suivante :


En Hongrie. TDF a créé, en 1991, une société commune avec le diffuseur national Antenna Hungaria (ex-MMV) pour l'exploitation et la commercialisation d'un service national de radiomessagerie. TDF détient 49 % de cette société, dénommée Operator Hungaria, participation portée actuellement par sa filiale, le holding TDF International (TDFI).

Il existe un projet - avancé - de réponse à l'appel d'offres lancé par le Gouvernement hongrois pour la privatisation du télédiffuseur Antenna Hungaria, en vue d'une prise de participation majoritaire ; cette opération est planifiée pour le second semestre 1995.


• En République Tchèque,
TDF a créé, en 1991 également, une société commune avec les diffuseurs de l'ancienne république fédérale tchécoslovaque SR-Praha et SR-Bratislava, pour l'exploitation d'un service national de radiomessagerie en norme RDS, maintenue après la partition, avec les partenaires tchèque et slovaque ; TDF détient 58 % de cette société, dénommée Radiokontakt Operator, participation portée par TDFI.


• En Pologne,
TDF a créé, en 1994, une société en partenariat avec des investisseurs locaux, pour la réalisation de prestations d'ingénierie et de services de diffusion hertzienne terrestre. TDF détient 33 % de cette société dénommée P.S.E. (Polskie Sieci Emisyjne), qui réalise, en 1995, la mise en place et le déploiement du réseau « multivilles » de télévision de Canal + Polska (filiale du groupe français) et du réseau radio FM de radio ZET (membre du groupe Europe 1 Communication).


En Roumanie , l'entreprise a pris des contacts, courant 1994, avec le télédiffuseur national R.A. Radiocommunication, d'une part, pour un projet d'extension du réseau radio FM, d'autre part, dans la perspective d'une ouverture du capital aux investisseurs étrangers.


En Bulgarie , elle a également eu des contacts - en 1992 - avec des investisseurs locaux pour l'étude d'un réseau de radiomessagerie en norme RDS.


En Autriche , l'entreprise n'a aucune activité, mais des prospections sont en cours depuis 1994.

b) L'AFP

L'AFP n'a pas d'investissements ou de prises de participation, mais seulement des clients média gérés respectivement par ses bureaux dans les pays concernés.

Son client le plus important dans cette région est l'agence autrichienne APA (ventes de services d'information et de technologie numérique photo). Il existe également une collaboration technique importante avec l'agence roumaine Rompress (vente d'un système rédactionnel financé par la France) et l'agence tchèque CTK (photo numérique).

L'AFP souhaite développer sa présence dans ces pays afin d'y augmenter sa clientèle média et hors média, en dépit d'une conjoncture difficile et de la concurrence acharnée des autres agences internationales.

L'agence estime toutefois que « les média écrits et audiovisuels dans ces différents pays ne sont toujours pas encore très florissants et la pénétration envisagée ne peut donc être que progressive ».

II. L'ACTION DES OPÉRATEURS PRIVÉS

Pour les opérateurs privés, les pays d'Europe centrale et orientale représentent des marchés potentiels inégaux.

L'objectif des télévisions privées françaises est en effet d'investir, et non de défendre une certaine conception du service public ou la francophonie. Elles souhaitent donc participer au capital d'opérateurs nationaux, éventuellement de concert avec d'autres groupes de communication européens, qui distribueront un programme en langue nationale. Cette participation à la création de chaînes commerciales privées, auxquelles les chaînes commerciales françaises pourront apporter leur savoir-faire, n'exclut cependant pas la diffusion de programmes français doublés en anglais.

Il s'agit cependant de marchés potentiels. Compte tenu de l'ampleur des investissements nécessaires et des impératifs de rentabilité économique qui s'imposent aux opérateurs privés, ces derniers sont très prudents. Le cadre législatif n'est pas encore définitivement fixé, et les règles du jeu sont susceptibles d'évoluer encore profondément. Les économies nationales sont encore relativement faibles, et les marchés publicitaires, étroits.

Ces considérations expliquent la relative discrétion des chaînes privées françaises en Europe centrale et orientale.

A. LA PRUDENCE DE TF1

Pour le moment, TF1 s'intéresse seulement à la Hongrie où elle envisage de créer une filiale. TF1-Hongrie. Elle serait investisseur et non l'opérateur principal d'une chaîne de télévision généraliste et hertzienne, ce qui correspond au « métier » de TF1. Elle estime en effet qu'un opérateur de télévision commerciale doit se consacrer en priorité à son marché national.

Pour TF1, une télévision commerciale est nécessaire dans ces pays afin de soutenir le processus de transition économique et l'instauration d'une économie de marché. Une chaîne commerciale financée par des écrans publicitaires permet en effet de montrer les produits au consommateur ; elle constitue un soutien direct et indirect à la consommation. Par ailleurs, l'espace publicitaire proposé par les autres média (presse, radio, affichage...) est aujourd'hui insuffisant pour absorber une demande en forte progression.

TF1 estime cependant que l'arrivée des chaînes privées en Europe centrale et orientale ne doit pas s'effectuer de manière trop brutale, afin de préserver le secteur public. La compétition doit être saine et non mortelle entre le secteur privé et le secteur public.


• En Pologne. TF1 s'intéresse à TV Visla, chaîne régionale qui émet à partir de Katowice, laquelle pourrait constituer l'embryon d'une fédération de chaînes régionales concurrentes de Polsat.


• La chaîne française est également attentive à l'évolution de l'audiovisuel en République Tchèque. Pour le moment cependant, le succès de Nova TV et la déstabilisation du secteur public et, partant, du paysage audiovisuel tout entier, l'empêchent d'aller plus avant.


• Enfin, TF1 considère les marchés de la Bulgarie et de la Roumanie trop étroits pour investir.

Au total, TF1 préfère se consacrer en priorité à son marché national, au sein duquel elle a pour objectif de conserver sa place de chaîne leader. En matière de développement extérieur, ses préoccupations vont davantage au marché de l'Europe communautaire et à son positionnement dans le futur marché de la télévision numérique.

B. M6 : DES REPRISES PONCTUELLES SUR LES RÉSEAUX CÂBLES

Du fait de l'extension des réseaux de câblodistribution dans les pays d'Europe de l'Est ou d'Europe centrale, M6 est régulièrement sollicitée pour la reprise de son programme par câble dans certains de ces États. Cela concerne notamment la Pologne, la Bulgarie, la Lettonie, la Lituanie et la Roumanie.

Ces autorisations sont délivrées à titre gratuit, et sous réserve de l'obtention par les réseaux de distribution par câble de l'ensemble des autres autorisations de droit public et de droit privé. Cependant, des négociations ont lieu dans certains pays, comme en Pologne, en vue d'établir, à l'instar du système existant en Belgique, des contrats collectifs réunissant l'ensemble des câblodistributeurs et l'ensemble des titulaires de droits, et fixant une rémunération pour cette retransmission.

Hormis ces échanges, auxquels M6 n'est qu'indirectement associée, la chaîne commercialise également certains de ses programmes auprès des télédiffuseurs tchèques, roumains, polonais, bulgares, russes...

M6 ne projette cependant pas d'investissements directs dans un ou plusieurs de ces pays.

C. CANAL + : DES INVESTISSEMENTS MESURÉS

I. Un intérêt relatif

D'une manière générale, Canal + considère que le modèle de chaîne cryptée est « exportable et facilement adaptable aux réalités, sensibilités et cultures nationales ».

Depuis 1990, Canal + suit avec une attention particulière l'évolution des média en Europe centrale et orientale. La chaîne a fait réaliser deux études sur l'évolution du cadre législatif (des lois sur la démonopolisation aux lois sur les média), l'évolution du cadre économique.

La première a permis de vérifier le contexte dans lequel une télévision à péage, s'inspirant du modèle Canal +, peut développer une stratégie nationale :

- conditions générales d'obtention des licences,

- pourcentage de participation étrangère,

- définition des règles spécifiques.

La seconde doit permettre de vérifier si un projet de télévision à péage est économiquement viable. Au-delà des études approfondies de la macro-économie du pays, il s'agit de vérifier le comportement et la disponibilité du public, au travers d'une étude de marché, face au développement d'une télévision à péage.

En effet et compte tenu de l'importance des investissements à réaliser, le groupe Canal + estime vital d'évaluer au mieux les conditions de son développement. C'est la raison pour laquelle chaque pays est étudié de manière approfondie, ce qui permet d'identifier les pays dans lesquels les conditions seraient réunies pour une implantation de la chaîne. Les principaux paramètres intervenant sont le bassin potentiel d'abonnés et la capacité de ceux-ci à payer pour la réception d'une nouvelle chaîne, dont l'avenir est directement placé sous l'influence de l'évolution du pouvoir d'achat, mais aussi de l'offre en matière de loisirs : cinéma, voyages, théâtre...

La disponibilité et/ou l'intérêt est par conséquent fonction de l'ensemble de ces variables.

La plupart des pays cités, à l'exception de la Roumanie, disposent d'un bassin potentiel d'abonnés limité, ce qui rend tout projet de télévision à péage plus difficilement viable. Cependant, si des conditions générales se révélaient plus favorables. Canal + pourrait être en mesure d'appliquer son modèle, conscient de la nécessité d'accroître l'offre télévisuelle aussi dans ces pays.

Pour son développement international, la chaîne cryptée dispose d'un atout considérable car elle peut se permettre de ne pas prendre en compte l'évolution des marchés publicitaires, puisque ceux-ci n'ont qu'une importance marginale pour elle. C'est l'une des raisons pour laquelle la chaîne est souvent amenée à préciser dans ces pays, où le marché publicitaire est encore en pleine effervescence, qu'elle n'intervient pas en concurrente des télévisions publiques ou commerciales existantes, mais bien plus en complément de l'offre pour le public.

Si le cadre législatif peut imposer certaines contraintes ou difficultés indirectes, il n'a jusqu'à présent jamais représenté un obstacle majeur. Cependant, il peut se révéler nécessaire à Canal + de rappeler les conditions de vie d'une télévision à péage aux législateurs, cette forme de télévision et son mode de fonctionnement étant souvent mal connus.

D'autre part, la philosophie du développement de Canal + fait que la chaîne s'oblige à ne pas prendre part aux débats politiques nationaux locaux, souvent animés en matière de média. Il s'agit pour un opérateur étranger, d'une base essentielle de sa stratégie, même si, comme tout autre initiative audiovisuelle, elle fait l'objet « d'enjeux qui peuvent parfois accélérer ou freiner son développement ».

2. Un développement limité à la Pologne

En dépit de cette approche prudente. Canal + a créé une chaîne à péage en Pologne, elle est présente en Autriche par le biais de la rediffusion de la chaîne allemande à péage Première, dont Canal + détient 37,5 % du capital et, enfin, elle étudie les possibilités de développement en Hongrie, République Tchèque, Roumanie et Bulgarie.


• En Pologne.
Canal + Polska a obtenu une promesse de licence en janvier 1994, et la licence définitive en novembre 1994. Les premiers tests ont eu lieu le 1 er décembre 1994 et l'inauguration de la programmation complète, le 1 er avril 1995.

L'autorisation de diffusion est une licence multivilles (14) laquelle, suite à un nouvel appel d'offres lancé au printemps 1994, pourrait être complétée par d'autres villes.

Canal + Polska, tout en s'inspirant de la philosophie de Canal + (exclusivité sport et cinéma), a su développer sa propre identité dans un paysage audiovisuel encore en pleine effervescence, en s'imposant comme une « Télévision Polonaise » :

- par la langue de diffusion, le polonais (le détail n'est pas superflu dans un pays où la forte pénétration du satellite et du câble offre de nombreux programmes en langues étrangères).

- par le style de la programmation : choix des films, spécificités des sports retransmis, productions.

Conformément à la loi, Canal + Polska est détenu à 33 % par Canal + France et à 67 % par des investisseurs japonais. Il faut à ce propos être conscient que si une telle limite à la participation étrangère se justifie pleinement en principe, dans les faits elle peut se révéler fort contraignante en tenant compte de l'importance des investissements à réaliser et de la difficulté à repérer dans ces pays des partenaires à même de débloquer des capitaux sur un investissement dont la perspective est à moyen terme (4 ans).

Enfin, Canal + Polska a pris unilatéralement de sérieux engagements pour soutenir la production cinématographique polonaise.

Dès juin 1995, la chaîne comptait 18 000 abonnés. Compte tenu de la couverture progressive des villes « licenciées », réalisée par une société polonaise directement liée à TDF, la chaîne disposait, début 1996, de 60 000 abonnés.


• En Hongrie
, Canal + s'attend à ce que la loi sur l'audiovisuel « donne lieu à un appel d'offres visant à la privatisation de la seconde chaîne et à la création d'un troisième réseau (pour ce dernier, de lourds investissements sont requis pour la réalisation de la couverture technique du territoire) ». La société accorde donc une attention particulière à ce pays.


• En revanche, la République tchèque, estime Canal +, bien que pionnier en matière d'audiovisuel, comme dans de nombreux autres domaines « semble devoir laisser peu de place à la création d'une télévision à péage style Canal +. En effet, la naissance d'une première chaîne commerciale forte : Nova, bénéficiant du «syndrome TF1» (privatisation de la première chaîne publique) et l'existence de deux chaînes publiques un peu écrasées par la première, ne semblent pas devoir pousser la quatrième chaîne Premiera (régionale devenue nationale) à opter pour la voie «Pay TV» ».

Cette dernière, détenue par une banque tchèque, semble devoir opter pour une concurrence frontale avec Nova, en ouvrant son capital à un partenaire étranger en mesure de la renforcer pour sa programmation et sa politique commerciale. Tout ceci en dépit des efforts déployés pour démontrer l'opportunité d'une télévision payante en collaboration avec Canal + dans un pays où toutes les conditions semblent être réunies.


En Roumanie, malgré une législation moderne et un important bassin potentiel, ce pays ne semble pas, à Canal +, réunir à ce jour toutes les conditions pour la création d'une chaîne à péage. Cependant des études approfondies sont menées afin d'envisager une candidature une fois l'appel d'offres officialisé par le Conseil de l'Audiovisuel.


• En revanche, le bassin potentiel de la Bulgarie semble trop faible pour pouvoir dans les conditions actuelles envisager le développement d'une chaîne cryptée.

CONCLUSION

Le contexte politique, juridique et économique dans lequel s'inscrivent les paysages audiovisuels nationaux en Europe centrale et orientale a profondément évolué.

Le pluralisme est globalement assuré.

Depuis 1989, le système de régulation de l'audiovisuel s'est, dans les pays d'Europe centrale et orientale, progressivement aligné sur celui des pays de l'Union européenne, en privilégiant le modèle français.

Les lois qui ont été votées, plus ou moins rapidement, ont eu un triple objet :

- affirmer le principe de la liberté d'expression et de l'indépendance de la télévision publique par rapport à l'État ;

- instituer une autorité régulatrice indépendante,

- procéder éventuellement à la privatisation d'au moins une chaîne publique.

Les autorités de régulation, nommées par le Parlement en tout ou partie, ont, par rapport à la France, des rapports en général plus étroit avec le pouvoir législatif. Elles disposent, comme en France, de pouvoirs de sanctions étendus ; elles accordent des licences ou autorisations d'émission. On peut donc affirmer qu'il se constitue peu à peu un modèle européen de régulation de l'audiovisuel qui se distingue du modèle américain en ce qu'il exclut les télécommunications de son champ de compétence.

Même s'il paraît prématuré de porter un jugement définitif sur le mode d'exercice de ce pouvoir de régulation, il semble que les systèmes juridiques d'Europe centrale et orientale privilégient, comme la France, un mode d'intervention réglementaire étatique, et non, comme les pays d'Europe anglo-saxons, l'autorégulation des professionnels, il est vrai, encore faibles du point de vue financier.

Le secteur audiovisuel en Europe centrale et orientale est encore constitué d'opérateurs publics puissants, mais en perte de vitesse. La privatisation d'une ou plusieurs chaînes de télévision publique a en effet été réalisée par tous les pays, ou elle est en voie de l'être. Les nouvelles télévisions privées ont parfois réalisé une percée étonnante, comme en République Tchèque. Les marchés audiovisuels sont toutefois étroits. La faiblesse du pouvoir d'achat n'encourage pas les investisseurs privés : seule la Pologne dispose d'une chaîne cryptée payante ; l'étroitesse du marché publicitaire, malgré son dynamisme, ne permet qu'à une seule chaîne privée, au mieux, de subsister.

En outre, les télévisions hertziennes sont fortement concurrencées par le câble et le satellite.

Les risques d'investissement demeurent donc importants. Ceci explique sans doute pourquoi les investisseurs étrangers dans les média d'Europe centrale ou orientale sont soit des groupes de communication de dimension internationale, notamment américains, qui peuvent supporter des pertes parfois importantes les premières années de diffusion de chaînes privées, soit des « aventuriers », dont l'origine des capitaux est peu transparente.

Les paysages audiovisuels nationaux sont en effet loin d'être stabilisés ; de plus, le cadre juridique est inachevé, notamment en ce qui concerne la protection des droits d'auteur ou de la propriété des réseaux câblés. Le câble semble néanmoins constituer le secteur d'investissement privilégié des groupes de communication, notamment américains. Ce mode de diffusion semble plus rémunérateur à court terme, requiert moins d'investissement. De plus, il a une plus grande souplesse de gestion qu'une chaîne hertzienne. Il est souvent le support de télévisions locales, ou de programmes américains.

La réception par satellite, qui privilégie ASTRA, se développe rapidement. Les chaînes publiques nationales sont toutes présentes sur les satellites EUTELSAT. Mais les foyers télévisés en Europe centrale et orientale sont avant tout de forts consommateurs d'images anglo-saxonnes et allemandes.

Encore puissantes il y a peu, les télévisions publiques hertziennes des pays d'Europe centrale et orientale sont en perte de vitesse.

L'Autriche fait cependant figure de pôle de stabilité, avec un paysage audiovisuel encore monopolistique en droit mais pluraliste en fait.

Dans ce contexte, quelle doit et quelle peut être la stratégie de la France ?

Faut-il soutenir ces chaînes publiques, avec lesquelles les opérateurs publics français ont pris l'habitude de travailler et partagent les mêmes conceptions ? Faut-il au contraire soutenir des projets concurrents d'opérateurs privés ?

Il apparaît en fait que les chaînes publiques, du fait de leur manque de fonds propres, ne disposent pas des moyens de participer durablement et efficacement au soutien du développement des chaînes publiques des pays d'Europe centrale et orientale.

Les opérateurs privés, TF1 et M6, se montrent d'une prudence extrême. Le développement de Canal + se limite à la Pologne.

Tout au plus les chaînes publiques peuvent-elles espérer développer les partenariats avec les chaînes publiques ou privées de ces pays. Elles pourraient surtout trouver de nouveaux marchés et vendre leurs programmes.

Or, cette politique se heurte à la mise à disposition gratuite d'images et elle est limitée par la diffusion de programmes par satellite. Il est vrai, sur ce point, que le support choisi, EUTELSAT, est moins bien reçu dans cette région que les chaînes diffusant à partir d'ASTRA.

Ce préalable levé, nos exportations de programmes audiovisuels sont handicapées par leur prix élevé et surtout par une inadéquation à la demande locale. Ces pays, qui traversent de très profonds bouleversements économiques et sociaux, trouvent dans le mythe américain le support de leur dynamisme et la frontière de leur espoir. Il n'est donc pas étonnant de constater que la demande de programmes audiovisuels américains soit forte.

Néanmoins, la francophilie avérée de ces pays ne doit pas être déçue. Il existe une véritable attente, une profonde attente de la France.

Il appartient aux pouvoirs publics français de ne pas la décevoir une fois de plus.

Une analyse du rapport du Conseil économique et social consacré aux « relations culturelles entre la France et l'Europe centrale et orientale » datant du 9 décembre 1992 devrait être, à cet égard, méditée.

« Malgré les efforts des ministères concernés et des diplomates l'image de la France, généralement positive, continue d'être assombrie par les logiques médiatiques et par 1'attitude d'une certaine intelligentsia. Parce que les logiques médiatiques privilégient le spectaculaire, parce que quelques intellectuels aiment se donner en spectacle, la France a souvent la réputation d'être un pays léger, charmeur, mais inconstant. On redoute, par conséquent une politique de coups de coeur, suivie d'abandons. On regrette la superficialité médiatique, les longues périodes d'oubli qui succèdent à la surexcitation de quelques journées. Plus grave encore : on risque d'être agacé, à la longue, par l'arrogance de quelques commentaires, voire par leurs impolitesses. L'Europe centrale et orientale n'a pas besoin de donneurs de leçons politiques ou industrielles : elle a trop de tragédies en elle pour servir d'exutoire au parisianisme « engagé », et connaît trop de misères pour supporter, en outre, d'être considérée comme une zone intellectuellement sous-développée.

« Ce sentiment d'humiliation est aggravé par l'utilisation répétée de slogans grossiers et par le recours à des analyses à l'emporte-pièce. Ces slogans (fabriqués par des sociétés de communication ?), et ces prétendues analyses qui font la gloire de quelques vedettes des colloques parisiens, sont reçus comme autant d'insultes en Europe centrale et orientale. Comme souvent, on oublie celles et ceux qui, à l'étranger, lisent les journaux français, écoutent nos radios, regardent nos émissions - et les jugent ».

Il serait souhaitable que cette vue lucide d'une attitude trop souvent répandue ne soit plus qu'un mauvais souvenir de l'attitude parfois légère de ceux qui prétendent s'intéresser à ces pays mais qui en réalité ne semblent que s'adonner à une foucade passagère, ou, au mieux, à une mode.

L'audiovisuel dans les pays d'Europe centrale et orientale mérite davantage.

ANNEXE - PERSONNALITÉS RENCONTRÉES

PARIS

Mme Françoise Tomé, responsable du service des relations extérieures du Conseil supérieur de l'audiovisuel

M. Colas Overkoot, TF1, chargé de mission au développement international

M. Didier Sapaut, directeur du développement, France Télévision

M. Serge Schick, France Télévision, chargé de mission pour le développement

M. Philippe Baudillon, président-directeur général de Canal France International

M. Patrick Imhaus, président de TV5 Europe

M. Jean-Luc Crosnel, SOFIRAD

Mme Nathalie Duley, IP Média

Mme Nicole Gaudez, direction de l'action audiovisuelle extérieure, DGRCST, ministère des affaires étrangères

Mme Fabyène Mansencal, idem.

RÉPUBLIQUE TCHÈQUE

(24 et 25 août 1995)

M. Mejstrik, directeur général de PREMIERA TV

M. Koronthaly ; M. Seifer, députés, membres de la Commission permanente des médias du Parlement Tchèque

M. Moos, Association des câblo-opérateurs

M. Prokop, secrétaire général du ministère de la culture

M. Hanus, président du Conseil pour la radio et la télévision

M. Michel Fleishmann, directeur général d 'EUROPA 2 et de Fréquence Plus

M. Zelezny, directeur général de NOVA TV

M. Ivo Mathé, directeur général de CESKA TELEVIZE

Mme Dastakian, Agence France Presse

AUTRICHE

(28-29 août 1996)

M. Del Picchia, responsable des programmes en français à Radio Autriche International

M. Trettenbrein, responsable des médias et des aides à la presse à la Chancellerie

M. Krammer, porte-parole du Chancelier fédéral

Mme Barily, journaliste à l'AFP, correspondante du « Monde »

M. Fauqueux, Directeur de l'AFP

M. Frey, journaliste au quotidien « DER STANDARD »,

M. Mautner Markhof. Président de la Commission des Affaires étrangères du Bundesrat (Sénat)

Mme Zuk-Mayerhofer, chargée de la presse à la Chancellerie fédérale

M. Miyet, ancien Ambassadeur itinérant pour les questions audiovisuelles dans le cadre du GATT

M. Rudas, Secrétaire général de l' ORF, télévision publique autrichienne

M. Ostenhof, rédacteur en chef de politique étrangère à l'hebdomadaire PROFIL

M. Molterer, ministre, chargé des médias au Parti Populiste

M. Ziegler, directeur du service de presse au Ministère des Affaires étrangères

POLOGNE

(30 août - 1 er septembre 1995)

M. Olivier, directeur général de CANAL +

M. Fuksiewicz, directeur du studio Film+

M. Boguslaw

M. Szwajkowski, directeur général, Agence de production des films

M. Bocian, Agence de production des films

M. Dworak, Président de l'Association des producteurs de films et de fictions télévisées indépendants

M. Jablonski, directeur général, APPLE FILM PRODUCTION LTD

M. Borkowski, directeur financier Télévision polonaise

M. Wojcik, directeur juridique id

M. Zdrojewski, directeur des affaires économiques id

Mme Celinska-Bejgier, directeur des programmes id

Mme Sucholdolska id

M. Nurowski, président-directeur général de POLSAT

M. Myszka, directeur général de POLSAT

M. Jurek, président du Conseil national de radiodiffusion et de télévision

M. Jedrezejewski, vice-président de la Radio polonaise publique

M. Krause, correspondant du Monde

M. Latxague, chargé de mission de l'ESJ de Lille

M. Hynowski, directeur général de 1' Agence polonaise de presse

M. Czarnecki, vice-président de la rédaction nationale de l'Agence polonaise de presse

M. Fikus, président-directeur général du RZECZPOSPOLITA, quotidien

M. Skalski, vice-président de GAZETA WYBORCZA, quotidien

HONGRIE

(4-6 septembre 1995)

M. Révész, Conseiller du Premier ministre pour les questions audiovisuelles

M. Korsos, Conseiller du Premier ministre pour les affaires étrangères

M. Köhalmi, secrétaire général de la Fondation pour l'art cinématographique hongrois et président d'ALPHA TV

M. Vitanyi, Président de la commission pour la presse et la culture au Parlement hongrois

M. Csintalan, député. Parti Socialiste Hongrois

M. Balint, député. Alliance des Démocrates Libéraux

M. Zsigmond, député, Forum Démocratique Hongrois

M. Varsanyi, responsable de la rubrique média au Nepszabadsag, quotidien

M. Horvat, président de l'Association des télévisions privées

M. Kézdi-Kovacs. Union du film hongrois

M. Martinak, directeur des relations internationales de MTV, télévision publique hongroise

M. Heltai, responsable des programmes pour les minorités nationales Mme Borbas, département des relations internationales, MTV

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 17 avril 1996 sous la présidence de M. Christian PONCELET, Président, la commission des finances a procédé à l'examen du rapport d'information de M. Jean CLUZEL relatif à l'audiovisuel en Europe centrale et orientale.

M. Jean Cluzel, rapporteur spécial, a rappelé qu'il s'était rendu en Pologne, en République Tchèque, en Hongrie et en Autriche et qu'il avait eu des contacts avec nos attachés culturels en Roumanie et en Bulgarie.

Il a ensuite souligné qu'adversaires hier, et partenaires demain, les pays d'Europe centrale et orientale avaient emprunté la voie difficile de 1a démocratisation et de l'économie de marché et que la perspective d'une adhésion des pays associés d'Europe centrale et orientale avait été tracée par le Conseil européen de Copenhague de juin 1993.

Il a toutefois considéré que l'Union européenne ne pouvait pas se contenter de proposer à ces pays l'ouverture de son marché, mais qu'elle devait également les inviter à partager, à nouveau, ses valeurs et sa culture.

Il a précisé que sa mission avait pour double objectif, d'une part, d'analyser les perspectives de développement de la coopération avec ces pays dans le domaine audiovisuel, et, d'autre part, d'évaluer l'action de nos opérateurs nationaux chargés de l'audiovisuel extérieur, et notamment TV5, Canal France International (CFI) et Radio France International (RFI).

Il a ensuite souligné que le paysage audiovisuel en Europe centrale et orientale présentait des visages contrastés. En moins de 5 ans, on est passé d'une télévision d'État, diffusant peu, et des programmes austères, privilégiant « l'éducation des masses », généralement sans publicité, à un paysage audiovisuel se rapprochant de celui de l'Europe de l'ouest : fin des monopoles et privatisations, diversification des programmes axés sur le divertissement, introduction de la publicité et de la concurrence.

M. Jean Cluzel, rapporteur spécial, a souligné que l'audiovisuel jouissait d'un nouveau cadre juridique, qui poursuivait un triple objectif : affirmer l'indépendance de l'audiovisuel public et de la presse écrite à l'égard de l'État, instituer une autorité régulatrice indépendante et assurer le pluralisme.

Le rapporteur spécial a jugé que l'autonomie de l'audiovisuel par rapport au pouvoir était inégalement assurée. En général, le lien entre l'autorité de régulation de l'audiovisuel et le Parlement est beaucoup plus fort dans les pays d'Europe centrale et orientale qu'en France. La nomination des présidents de chaînes publiques est en général effectuée par l'autorité de régulation, mais dans certains pays elle demeure l'apanage de l'exécutif. L'autorité de régulation gère les fréquences et les autorisations d'émission ; elle possède des pouvoirs de sanction étendus.

Il a précisé que les relations avec les pouvoirs publics étaient parfois difficiles. En Pologne, le chef de l'État avait révoqué quatre présidents. En République Tchèque, c'est le Parlement qui, en 1994, avait rejeté le rapport d'activité de l'instance compétente, conduisant à la démission de l'ensemble du collège. En Roumanie, l'autorité de régulation éprouvait de sérieuses difficultés pour s'imposer.

M. Jean Cluzel, rapporteur spécial, a ensuite indiqué que les diffuseurs essayaient de satisfaire une demande croissante de programmes axés essentiellement sur le divertissement.

Puis le rapporteur spécial a rappelé quelques données techniques caractéristiques du marché audiovisuel de cette région. La durée de diffusion est relativement élevée, sauf en Bulgarie. On compte davantage de « foyers TV » qu'en France : environ 27,7 millions contre 22 millions en France, la Pologne représentant à elle seule plus de 40 % des foyers de télévision des pays étudiés. Le taux de pénétration des récepteurs de télévision était supérieur à 90 %, excepté en Roumanie.

Il a estimé que les diffuseurs de ces pays s'étaient engagés dans la voie du pluralisme de l'offre audiovisuelle. La transition entre une télévision concourant à l'instruction du peuple, diffusant une culture nationale - ou internationaliste - et une télévision de divertissement, ouvrant une fenêtre sur l'Occident et ses valeurs marchandes, s'était effectuée très brutalement. Une concurrence entre système public et système privé avait été instaurée au sein des réseaux hertziens.

Il a souligné que, paradoxalement, l'Autriche demeurait le seul pays membre de l'Union européenne à maintenir un monopole au profit de l'audiovisuel public, même si des projets de libéralisation et de privatisation étaient à l'étude sous la pression des autorités européennes. En Pologne, deux chaînes publiques nationales affrontaient la concurrence d'une chaîne privée. Le succès de la chaîne privée tchèque NOVA TV avait mis les deux chaînes publiques restantes - sur trois à l'origine - dans une situation financière difficile. En Hongrie, un moratoire sur la privatisation réduisait la seule chaîne privée existante à n'émettre que deux heures par jour, le matin, sur la fréquence de l'une des deux chaînes publiques. La privatisation de la deuxième chaîne du secteur public devrait instaurer la concurrence avec le secteur privé. En Roumanie et en Bulgarie, il n'existait pas encore de télévision privée nationale pouvant concurrencer les deux chaînes publiques.

Le rapporteur spécial a par ailleurs estimé que des opportunités d'investissement existaient, certains pays envisageant de privatiser une chaîne publique et/ou créer une chaîne privée. Il a toutefois souligné que la relative incertitude du cadre juridique, la concurrence importante du câble et du satellite, l'étroitesse des marchés nationaux et la faiblesse du pouvoir d'achat des téléspectateurs n'encourageaient pas les groupes de communication de l'Europe de l'Ouest à investir massivement. Parmi les groupes les plus dynamiques, il a cependant cité Rupert Murdoch en Hongrie (NAP TV), Berlusconi en Pologne (Polonia 1) et C'anal+ en Pologne également (Canal Polska).

M. Jean Cluzel, rapporteur spécial, a cependant considéré comme précaire la domination de la télévision hertzienne, compte tenu de la diversification de l'offre télévisuelle mondiale grâce au satellite et au câble. La réception par satellite restait mal connue, mais le nombre croissant de paraboles vendues reflétait la rapide progression de ce mode de diffusion. Le câble se développait de manière anarchique. En 1993, là où le taux de raccordement était connu, il atteignait un taux deux fois supérieur à celui de la France.

Le rapporteur spécial a précisé que, pour financer ces nouvelles chaînes, l'économie de l'audiovisuel était encore faible mais qu'elle était dynamique. La redevance était généralement très faible, lorsqu'elle existait, ce qui n'était pas le cas en Bulgarie. En Autriche, en revanche, elle était plus du double qu'en France. Cette situation s'expliquait par la médiocrité du pouvoir d'achat des ménages. Elle avait pour conséquence d'assurer un niveau relativement bas de ressources pour les chaînes publiques ; celles-ci voyaient donc dans le développement de la publicité une « manne » qui pourrait permettre d'assurer leur croissance. L'origine du financement des organismes de télévision du secteur public était diverse. Si la redevance dominait nettement en Hongrie et en Roumanie, si elle occupait une place importante en Autriche et en République Tchèque, la télévision publique bulgare se finançait quasi-exclusivement par la publicité et la télévision publique polonaise par des ressources diverses.

La publicité télévisée, pratiquement inexistante dans les pays de l'Europe de l'Est avant 1989, sauf en Hongrie, occupait désormais une part importante des investissements publicitaires totaux. Ceux-ci connaissaient dans ces pays une croissance à deux chiffres, un tel niveau de progression ayant disparu d'Europe occidentale depuis 1992. Compte tenu de la faiblesse des ressources escomptées de la redevance, les chaînes publiques devront donc disputer aux nouvelles chaînes privées une partie des ressources publicitaires.

M. Jean Cluzel, rapporteur spécial, a jugé que ces pays avaient soif d'images nouvelles. Il a considéré que la France était trop discrète à l'Est de l'Europe, sur le plan économique comme sur le plan culturel et politique et qu'une telle discrétion élargissait la brèche dans laquelle s'engouffrait l'influence prépondérante d'autres États, comme l'Allemagne et les États-Unis.

Il a estimé qu'une politique active pouvait être menée par la France, en Europe centrale et orientale, dans le domaine culturel, grâce à la forte tradition francophile de ces pays, l'audiovisuel pouvant constituer le vecteur et le support de l'influence française à l'Est, la coopération culturelle représentant le supplément d'âme dont la construction européenne avait besoin.

M. Jean Cluzel, rapporteur spécial, a jugé que nos opérateurs nationaux n'étaient pas assez présents dans cette région.

Il a rappelé que, partie intégrante de l'Europe, tous ces pays rejoindraient, à terme, à des échéances plus ou moins lointaines, les pays qui avaient créé l'Union européenne.

Il a donc jugé cette zone propice aux investissements d'autant plus qu'elle était encore accessible aux capacités de financement de l'audiovisuel français, ce qui ne serait plus forcément le cas dans une dizaine d'années.

Il a rappelé que dès 1990, la France avait su être très présente dans cette région grâce aux programmes de TV5. CFI. ARTE. MCM. France 2. Europe 2, Nostalgie. Fun, Skyrock. RFI, mis à disposition gratuitement, mais qu'en revanche, le passage depuis 1991/1992 de la politique d'aide à la mise en place d'investissements capitalistiques s'avérait pour elle beaucoup plus difficile.

Il a par ailleurs regretté l'absence des opérateurs privés français, excepté Canal +, qui se traduisait par de trop rares prises de participation et des parts de marché à l'exportation en matière de programmes audiovisuels trop étriquées, caractéristiques, selon lui, du manque d'audace et, sans doute, de lucidité des opérateurs audiovisuels français. Il a toutefois considéré qu'il n ' était pas trop tard pour procéder à des investissements dans des marchés audiovisuels encore accessibles et en pleine expansion.

M. Jean Cluzel, rapporteur spécial, a noté que l'industrie américaine de la télévision l'avait bien compris et était très présente, de la production à la diffusion, de la distribution à la commercialisation. Les « majors » américains raisonnaient déjà de façon continentale : ils incluaient l'Europe centrale et orientale dans le volet européen de leur stratégie mondiale. Il a estimé que les opérateurs français - publics ou privés - étaient encore loin d'un tel raisonnement.

Il s'est ensuite interrogé sur la stratégie à mener : soutenir les chaînes publiques des pays d'Europe centrale et orientale, avec lesquelles les opérateurs publics français ont pris l'habitude de travailler et qui partagent les mêmes conceptions ou soutenir des projets concurrents d'opérateurs privés, en participant, le cas échéant, à la privatisation de diffuseurs publics.

Il a considère que, sur ce point, l'action audiovisuelle extérieure souffrait d'un triple handicap :

- les opérateurs disposent de moyens financiers inférieurs à ceux de nos concurrents, allemand, anglais et, bien sûr, américain ;

- de surcroît, l'action audiovisuelle extérieure est constamment soumise à la régulation budgétaire et ne dispose pas, en conséquence, de crédits stables pour promouvoir une action de longue durée. À cet égard, M. Jean Cluzel a alors déclaré partager les conclusions du rapport de M. Francis Balle préconisant une loi de programmation, une ligne budgétaire unique, et un document budgétaire spécifique :

- enfin, les chaînes publiques, du fait de leur manque de fonds propres, ne disposent pas des moyens de participer durablement et efficacement au développement des chaînes publiques des pays d'Europe centrale et orientale, d'autant qu'elles devront investir dans les projets de « bouquets » satellitaires numériques.

M. Jean Cluzel, rapporteur spécial, a estimé prioritaire de ne pas décevoir la francophilie avérée de ces pays dans lesquels existait une véritable et profonde attente.

Il a estimé que les chaînes publiques pourraient développer les partenariats avec les chaînes publiques ou privées de ces pays, trouver de nouveaux marchés et vendre leurs programmes, en dépit de ce que l'exportation n'était toujours pas considérée, en France, comme une composante de la politique audiovisuelle extérieure, à l'inverse des États-Unis.

M. Jean Cluzel, rapporteur spécial, a estimé que, pour faire fructifier les atouts dont notre pays disposait en Europe centrale et orientale, une véritable refondation des objectifs de la politique audiovisuelle extérieur, une augmentation de ses moyens budgétaires par des redéploiements internes au budget de la direction générale des relations scientifiques, culturelles et techniques du ministère des affaires étrangères, une remise en ordre de bataille des opérateurs, préconisée par le rapport Balle, avec, notamment, la création d'une chaîne de télévision française spécialement conçue pour l'international, étaient nécessaires.

Rappelant une analyse d'un rapport de 1992 du Conseil économique et social consacré aux relations culturelles entre la France et l'Europe centrale et orientale selon laquelle la France avait souvent la réputation d'être un pays charmeur mais léger et inconstant, il a considéré que l'Europe centrale et orientale n'avait pas besoin de donneurs de leçons mais qu'elle pouvait être considérée comme une zone sous-développée sur le plan culturel.

Il a estimé souhaitable qu'il soit mis fin à l'attitude parfois légère de ceux qui prétendaient s'intéresser à ces pays mais qui en réalité ne faisaient que s'adonner à une « foucade » passagère, ou au mieux, à une mode, considérant que l'audiovisuel dans les pays d'Europe centrale et orientale méritait davantage.

Après avoir remercié et félicité l'orateur pour la qualité de son rapport, M. Christian Poncelet, président, a déclaré partager son analyse sur l'impatience des pays d'Europe centrale et orientale de voir la France davantage présente sur les plans économique et culturel. Rappelant la francophilie de ces pays, en partie fondée sur d'anciennes relations historiques, il a, prenant l'exemple de la Pologne, craint que ces pays ne se lassent si la France tardait à répondre à leurs attentes.

M. René Ballayer a souhaité connaître l'appréciation, par le rapporteur, de l'impact pour l'influence française dans cette région de l'alliance conclue par Canal + au niveau européen dans la télévision numérique.

M. Joël Bourdin s'est demandé si la constitution de bouquets satellitaires numériques n'allait pas accroître l'influence française dans cette région.

M. Michel Sergent a relevé l'influence grandissante des États-Unis en Hongrie et a confirmé que la Pologne regrettait la faiblesse de la présence française. Il a par ailleurs souhaité savoir pour quelles raisons les appels répétés du rapporteur à un renforcement de l'action audiovisuelle extérieure n'avaient pas été entendus par les pouvoirs publics.

M. Christian Poncelet, président, a confirmé la présence insuffisante de la France en Hongrie, notamment dans le domaine de la défense.

* 1 Rapport d'information sur les conséquences économiques et budgétaires de l'élargissement de l'Union européenne aux pays associés d'Europe centrale et orientale, n°228, du 15 février 1996.

* 2 Sénat, session ordinaire de 1995-1996.n°125

* 3 « L'Europe centrale et balkanique », publié sous la direction de M. Philippe Lemarchand 1995.

* 4 M. Stéphane Pierré-Caps. » La multination ; l'avenir des minorité d'Europe centrale et orientale » . 1995.

* 5 M . Stéphane Pierré-Caps, ouvrage précité.

* 6 Dans sa tentative de transcrire dans l'alphabet latin, chaque son d'une langue son slave par un seul caractère. Hus recourut abondamment aux signes diacritiques, signes typographiques placés en tchèque au-dessus des lettres et qui en modifient le son. Ce système fut ensuite adopté par d'autres langues slaves, notamment te polonais et le croate.

* 7 Rapport d'information sur les relations de la Communauté avec les pays d'Europe centrale et orientale, n°696, de M. Jean de Lipkowski. 10.11.1993.

* 8 Le budget global pour l'équipement d'un site de réception de vidéotransmissions interactives, comprenant l'installation et le matériel, est évalué à 22 5 000 francs (en 1996).

* 9 Nombre total d'élèves de français tous niveaux confondus en additionnant les élèves qui ont le français pour langue d'enseignement et ceux qui l'ont comme première, seconde ou troisième langue étrangère. Le nombre de francophones inclut également les habitants d'un pays qui, hors du système éducatif ont appris le français en autodidactes. Le nombre des francophones est donc toujours sensiblement supérieur à celui des « enseignés de français » .

* 10 Le champ de I étude inclut tous les États de la région, y compris l'Albanie et la Slovénie, mais également la Russie, l'Ukraine, les Républiques Baltes, l'Arménie, l'Azerbaïdjan et l'Ouzbékistan.

* 11 Rapport entre le nombre « d'enseignés de français » tous niveaux confondus et la population totale d'un pays.

* 12 Note de conjoncture du Comité Marketing International du groupe Information et Publicité mars 1995.

* 13 Voir supra.

* 14 schilling 0.48 franc.

* 15 Pour un salaire moyen mensuel de 1400 francs.

* 16 Ce comité permet de contourner la règle, posée par la règlement intérieur de la Chambre des députés, selon laquelle tout député ne peut être membre que d'une seule commission permanente.

* 17 Le prix d'un spot de 30 secondes en prime lime serait de 360 000 couronnes, soit environ 76 00 francs, tarif que seules les entreprises américaines, allemandes ou françaises peuvent acquitter.

* 18 Le MMDS est une technique de diffusion combinant le transport de signaux sur des fréquences hertziennes, dans des bandes de fréquence élevées, et leur distribution finale par câble, d'une antenne collective à chaque appartement.

* 19 2 100 couronnes = 18,5 francs environ.

* 20 Un franc français = 27 forints.

* 21 Rapport sur « la politique audiovisuelle extérieure de la France » à M. Hervé de Charrette, Ministre des Affaires étrangères, par M Francis Balle, professeur à l'Université de Paris 2, avec la collaboration de MM Jean Rouilly et Jean-Marc Virieux décembre 1995, page 52.

* 22 À cet effet, le rapport BALLE précité propose une loi de programmation, une ligne budgétaire unique et un document budgétaire spécifique.

* 23 Diffusent sur cette position, en mode analogique TV5, CFI et MCM, ARTE ainsi que la Cinquième.

* 24 système de distribution de concert par satellite géré par l'UER.

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