III. LA CLASSE MOYENNE : QUEL PÉRIMÈTRE ?

La classe moyenne constitue l'élément le plus dynamique de la société indienne et est appelée à jouer un rôle important dans le succès de la réforme économique.

Se pose toutefois la question de l'importance numérique exacte de la « classe moyenne ».

Les évaluations ont varié considérablement selon les interlocuteurs de la délégation sénatoriale, allant de 250 millions d'habitants à 20 millions d'habitants, sans que des critères précis de calcul aient pu être fournis.

À la vérité, il est difficile de définir la « classe moyenne » par un critère strict de revenus, en raison des nombreux avantages non salariaux en vigueur en Inde et de l'existence de la « joint family », société civile familiale qui permet à ses membres de réaliser de substantielles économies d'échelles, notamment en matière de loyers...

De plus, les données chiffrées varient très fortement selon les rares études disponibles. D'après une étude du Conseil national pour la recherche économique appliquée (National Council for applied economic research), citée par The Economist 3 ( * ) , 23 % des ménages indiens auraient disposé, en 1994, d'un revenu annuel supérieur à 78.000 roupies (soit 2.500 dollars).

Se référant à une étude récente, J.L. Martin 4 ( * ) fait état, pour sa part, de 18 millions de ménages -soit environ 100 millions de personnes 5 ( * ) - dont les revenus annuels seraient supérieurs à 2.500 dollars, ce qui en parité de pouvoir d'achat, représenterait 6.700 dollars.

Plus près des sources, le rapport « Estimates of the number of very rich in India », présenté en septembre 1995 par le National Concil of Applied Economic Research, est moins optimiste. Il estime que seulement 15 % des ménages de l'échantillon étudié disposaient, en 1993-1994, d'un revenu annuel supérieur à 50.000 roupies, soit environ 1.600 dollars, en faisant des acheteurs potentiels. 2,6 % seulement des ménages avaient un revenu excédant 86.000 roupies. Les ménages aisés se trouvaient, en majorité, dans les zones urbaines, à l'exception notable des plus hauts revenus (plus d'un million de roupies par an) relevés plutôt en zone rurale.

*Le taux d'équipement en biens de consommation donne une idée plus concrète du pouvoir d'achat de la classe moyenne.

En 1991, on dénombrait 750.000 frigidaires en Inde, contre 4 millions en Chine, 1,1 million de télévisions couleurs (19,6 millions en Chine), 5 millions de radio-transistors (17 millions en Chine), mais environ 5 millions d'automobiles individuelles.

Depuis lors cependant, la consommation a beaucoup progressé en Inde : pour la seule année 1994, auraient été achetés 6 millions de téléviseurs, 2 millions de réfrigérateurs, 320.000 machines à laver et 1,8 million de climatiseurs.

Les besoins varient selon les marchés.

À titre d'exemple, les représentants de « Kellogg's » et de « L'Oréal » ont indiqué avoir retenu, pour leurs propres produits, une évaluation de l'ordre de 30 millions de personnes (en incluant les familles) comme marché potentiel.

D'après « The Economic Times Bombay » du 5 mai 1995, les revenus ont connu, depuis 1992, une progression de 18 à 22 % par an. À ce rythme, 7,8 millions de foyers pourraient avoir un revenu annuel dépassant les 78.000 roupies (soit 2.S00 dollars) en 1997-1998, ce qui accroîtra la demande d'autant.

L'Inde produit désormais, elle-même, des objets réservés jusque-là à une clientèle restreinte qui devait auparavant les importer : mixeurs, télécopieurs... La bourgeoisie fortunée des villes affiche ses signes extérieurs de richesse et ses goûts cosmopolites, à Bombay en particulier. Les magasins de luxe, les restaurants à la mode sont en plein essor. La haute couture a fait son apparition voici deux ans. La demande de médias électroniques explose et la publicité est en pleine expansion.

Sans que la classe moyenne ait, sans doute aujourd'hui, l'importance numérique que certain lui attribuent, il est indéniable qu'elle existe et qu'elle a vocation à augmenter, tout comme son pouvoir d'achat. Dans les grandes villes, telles Bombay, elle détermine des habitudes de consommation qui font sortir peu à peu la sociétés indienne de ses modes de vie traditionnels.

Composée de la partie la mieux formée et la plus dynamique de la population citadine, mais également des agriculteurs et de la population rurale aisée. « la classe moyenne » devrait tirer la croissance vers le haut grâce à une augmentation continue de son pouvoir d'achat.

Elle devrait aussi, en s'étendant progressivement aux catégories plus pauvres, aider à se concrétiser les potentialités du grand marché indien, susceptibles d'attirer les investisseurs étrangers.

Ce phénomène ne peut qu'être amplifié par la diffusion d'une vingtaine de chaînes de télévision étrangères, rendue possible par le passage de 330.000 foyers desservis en 1991, à 12 millions de foyers, fin 1994.

* 3 The Economisa 21 janvier 1995.

* 4 In « L'Economie indienne en 1995 ». op. cit., page 13.

* 5 Un ménage indien compte, en moyenne, entre 5 et 6 personnes, contre 4 en Chine.

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