RÉPONSE DE M. GÉRARD LARCHER,
SÉNATEUR DES YVELINES,
RAPPORTEUR DE LA LOI D'ORIENTATION AU SÉNAT

M. Gérard Larcher .- Depuis ce matin, j'ai l'impression que la campagne envie la ville et que depuis ce matin l'ensemble des mesures additionnelles annoncées en régime " light " semblent plutôt être destinées à l'espace rural tandis que la ville se serait taillée depuis quelques mois une part importante des moyens budgétaires limités mis à la disposition de la politique d'aménagement du territoire.

Je voudrais rappeler dans quel état d'esprit nous avons abordé ce texte dans le cadre de la mission que le président Francois-Poncet a engagée au niveau du Sénat. Tout d'abord ne pas faire de l'opposition Ile-de-France/province le basic de nos réflexions. Deuxièmement, ne pas faire de l'opposition ville/campagne l'exégèse de notre pensée. Et à partir de cela, nous avons essayé de conduire, à partir d'une observation.

J'étais jeudi dernier dans le département des Hautes Alpes. Et que vois-je à la mairie de Saint-Chaffret ? Enquête Le Point : "Le département où on vit le mieux en France, ce sont les Hautes Alpes". C'est une enquête réalisée et c'est écrit. Et je n'ai pas vu que la Seine-Saint-Denis soit parmi ces premiers départements.

Il faut se rendre compte d'une chose : nous avons souhaité conduire parallèlement la réflexion sur les zones fragiles, mais en même temps prendre en compte un certain retard qui a été pris dans le domaine de la politique de la ville. Ce rééquilibrage-là doit être conduit en direction de l'espace rural dans les temps qui viennent, d'où l'importance du texte qui va être préparé, conduit et déposé et discuté par le Parlement.

Ce parallélisme-là nous a conduits, avec le gouvernement, à proposer un certain nombre de mesures qui ont un parallélisme des formes dans leur réalité. Ce sont des mesures d'abord à caractère fiscal et à caractère de coût social du travail. Ce sont des mesures en direction de l'implantation d'entreprises. Des mesures en direction du service public. Des mesures en direction de l'éducation, qui s'appellent ZEP ici, ou une idée qui a du mal à faire son chemin qui s'appelle : l'implantation d'université thématique de troisième cycle sur le territoire. Voilà ce que nous avons proposé.

Bien sûr, il y a des différences entre ces territoires dans le domaine de la sécurité où, quand nous aborderons le texte de lutte contre l'exclusion, le problème d'urbanisme, des logements vacants dans le territoire rural, des logements squattés dans la ville.

Les problèmes de désenclavement existent dans les deux territoires : désenclavement dans l'espace rural, mais enclavement de certains quartiers qui ne sont desservis que par des rocades de nationales ou de départementales qu'on a greffées par hasard, sans plan urbain global et sans schéma de cheminement qui conduit au coeur de la ville.

C'est vrai, avec 5 milliards supplémentaires, il y a l'engagement d'une politique de la ville. La ville est nécessaire parce qu'elle est une tête de réseau des services publics mais la ville a une responsabilité vis-à-vis de son arrière-pays, et ce matin on a parlé de métropole et un ange est passé puisque finalement nous n'avons qu'une seule métropole de niveau international, qui est Paris et sa petite couronne. Et quand M. Gaudin évoquait la possibilité de cinq petites bananes bleues, la formule n'est pas de lui mais de Gerbeau, j'ai pensé que c'étaient des bananes figues à la dimension de l'Europe, et qu'il ne fallait pas nous faire des frayeurs de cette nature parce qu'il y avait la nécessité de pôles de développement qui prennent leur responsabilité beaucoup plus qu'elles ne l'ont prise au cours des vingt dernières années.

Enfin, et ce sera sans doute une des réflexions de la commission que j'ai l'honneur de présider : la ville, c'est autre chose que la politique de la ville et il est temps de recoudre la ville ensemble, pour que derrière le mot ville on ne voie que le mot difficulté. La ville dans notre histoire, mais aussi aujourd'hui, est une chance pour l'ensemble du territoire.

Je disais tête de réseau du service public, mais aussi centre de rencontres, de développement culturel et intellectuel. Centre de responsabilités vis-à-vis de l'armature des bourgs ou des petites villes qui l'entourent.

Aujourd'hui la politique de la ville me conduit monsieur le Ministre à vous poser trois questions par rapport au pacte de relance :

- Tout d'abord, on a senti à un moment dans une partie des réflexions qui conduisaient au rapport du délégué, qu'une partie des problèmes de la ville en difficulté devait être traitée par autre chose que les élus, c'est-à-dire qu'il fallait une dimension législative d'exception et qu'elle devait ressembler quelque part à la politique qui avait été conduite dans le cadre des villes nouvelles. Peut-on imaginer une politique de la ville qui clairement soit d'abord une politique assumée pleinement avec les élus locaux et territoriaux ?

- Dans le pacte de relance, et c'est très intéressant pour l'espace rural, qu'entendez-vous par les plates-formes de service public ? Dans les quartiers en difficulté, le service public a des maillons indispensables, il est parfois en régression, parfois en difficulté.

- Enfin, vous avez annoncé sur quatre années cent mille emplois de ville. Vous offrez deux options, mais je vais prendre la plus simple. 45 % du financement de ces emplois sont assurés par la collectivité locale. Or la plupart du temps, pour les collectivités locales qui ont ces quartiers en difficulté, toutes n'auront pas les moyens de financer ces 45 % d'emplois de ville. Et là encore on appelle au financement des collectivités qui elles-mêmes sont en difficulté.

Voilà les trois questions que j'avais envie de vous poser à la suite de votre intervention, mais en même temps les réflexions qui sont les miennes, parce qu'il ne faudrait pas aujourd'hui, dans le cadre de la mise en place progressive, parce que la loi d'orientation sur l'aménagement et le développement du territoire n'est qu'une loi d'orientation, il ne faudrait pas que soient traités à des vitesses par trop différentes l'espace de la ville et l'espace rural. Si tel était le cas, je crois que nous aurions raté ce que nous avons réussi entre l'Assemblée Nationale et le Sénat en décembre 94, c'est-à-dire éviter qu'on revienne sur des schémas dépassés, l'opposition Paris/province ou l'opposition ville/espace rural.

Voilà trois questions et quelques-unes des préoccupations que nous avons dans le domaine de la ville, même si je sens que le domaine est envié au moins à titre transitoire depuis ce matin, dans la dimension financière en tout cas du traitement.

M. Eric Raoult .- Première question. Un rapport de préfets, MM. Idrac et Duport, deux experts tout au fait remarquables ; l'un est délégué interministériel à la ville, il connaît aussi bien que le Ministre les problèmes des quartiers. Un préfet de la Seine Saint-Denis, ancien délégué à l'aménagement du territoire. Ils sont libres tous les deux pendant les vacances, ils travaillent, ils font un rapport tout à fait remarqué dont un certain nombre de bonnes pages retirées de leur contexte sont publiées par un grand quotidien du soir et dès lors on hurle à la recentralisation.

Le pacte de relance pour la ville, tel que présenté par le Premier Ministre, a montré que pour nous le couple qui est au coeur de toute intervention en matière de ville c'est l'Etat et le maire. Que parfois le président d'association puisse être utile comme poil à gratter et comme possibilité de contre-pouvoir, mais il est clair que les lignes qui ont été définies à l'intérieur de ce pacte de relance pour la ville ne prévoient en aucun cas une recentralisation parce que le maire connaît mieux que le préfet ou que le délégué interministériel à la ville le nombre de jeunes qui posent des difficultés en bas des cages d'escalier de la cité des Meurisiers à Trappes ou du Val-Fourré à Mantes-la-Jolie.

Les plates-formes de services publics : dans beaucoup de quartiers il y a une très forte demande de services publics par une population précarisée qui ne connaît pas toujours l'ensemble des adresses pour trouver les allocations familiales, l'ANPE, la Poste et France Télécom, et bien souvent mettre dans un même lieu l'ensemble de ces services publics, sous la forme d'une plate-forme, d'un pôle ou d'un centre, peut être une réponse appropriée au désenclavement social d'un bon nombre de ces publics.

Enfin, nous avons tenu compte avec Jean Claude Gaudin de toutes les demandes qui nous étaient faites par les maires et les présidents d'association. Nous avons une cible que nous ne savons pas traiter, ce sont les 18/25 ans, trop jeunes pour percevoir le RMI et trop vieux pour rester dans le système scolaire. Notre proposition, ce sont des emplois de ville qui doivent être des pieds à l'étrier, des mises en activité. L'Etat prendra en charge 55 %, et les 45 % peuvent être divisés entre la municipalité et d'autres collectivités territoriales (nous avons été contactés par plusieurs départements et plusieurs régions) et peuvent être aussi partagés avec des délégataires de service public et des présidents d'association. C'est ainsi que même une grande entreprise comme EDF GDF est tout à fait prête à étudier dans un certain nombre de sites une coparticipation au financement de ces emplois de ville.

Gérard connaît les réussites des emplois consolidés dans un certain nombre de villes, et des deux dispositifs que Pierre Cardot a montés avec le Conseil général des Yvelines, et dans un autre site que Jean-Louis Borloo a monté.

M. François-Michel Gonnot .- Merci de ce témoignage, de cette conviction et de cette foi dans une politique de la ville qui, à l'évidence, reste nécessaire si nous voulons équilibrer le territoire et lui permettre de se développer. Il est évident que, outre les zones fragiles, nous avons parlé des zones rurales et de la ville, ce qui contribue à l'aménagement du territoire et ce qui est indispensable à son développement, ce sont les grands équipements, les équipements publics. Là, je crois qu'il faut remercier François Bayrou, ministre de l'Education Nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, et M. Douste-Blazy, ministre de la Culture, d'être venus nous dire très précisément de quelle façon, un an après, ils apprécient, dans le domaine de compétence qui est le leur, la meilleure façon d'équilibrer le territoire et lui permettre, grâce à loi d'orientation mais aussi dans la gestion quotidienne, de se développer.

Monsieur Bayrou, merci d'être là et, pouvez-vous peut-être de nous dire comment le ministre responsable de l'enseignement, de l'enseignement supérieur et de la recherche, c'est-à-dire celui qui peut utilement à travers l'implantation des universités, leur décentralisation, peut-être avec de nouveaux schémas de responsabilisation au sein des universités en province, à travers les pôles de recherche qui sont autour, comment peut-il contribuer, à travers cet aménagement du territoire qui est attendu, et qui doit contribuer à un meilleur équilibre entre Paris qui a monopolisé dans le passé un peu trop le savoir, et cette province qui aspire légitimement à voir se rééquilibrer ce pouvoir, cette recherche et ce savoir que représente l'université ?

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page