INTERVENTION DE M. BERNARD PONS,
MINISTRE DE L'ÉQUIPEMENT, DU LOGEMENT,
DES TRANSPORTS ET DU TOURISME

M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme .- Effectivement, si, pour François Fillon, la loi un schéma, pour moi, elle en prévoit cinq : un schéma directeur routier national, un schéma directeur des voies navigables, un schéma ferroviaire, un schéma des ports maritimes et enfin un schéma des infrastructures aéroportuaires.

Le ministère dont j'ai la responsabilité bénéficie déjà d'une certaine expérience en la matière, puisqu'il a élaboré trois schémas au cours des dernières années et, à la lumière de cette pratique, on peut voir l'intérêt, mais aussi la limite de ces instruments.

Tel qu'il est défini par la loi, l'objectif des schémas directeurs est d'assurer la cohérence à long terme des réseaux définis par les différents modes de transport. Cet objectif ne peut que rencontrer l'adhésion de tout le monde.

Mais ces documents, pour être opérationnels, doivent obligatoirement demeurer sélectifs, tout en restant transparents dans les choix publics. L'exemple du schéma directeur national du réseau ferroviaire à grande vitesse illustre les risques d'une planification trop optimiste, dans un contexte très évolutif.

C'est pourquoi j'ai demandé une mission de réflexion sur la mise en oeuvre de ce schéma. Ses conclusions seront disponibles avant l'été et nous éclaireront très utilement dans l'élaboration du futur schéma directeur...

S'agissant de transparence, j'ai demandé à la direction des routes de lancer des études sur l'intérêt économique et social d'éventuelles nouvelles liaisons pour compléter l'ensemble de notre armature autoroutière à l'horizon de 2015. Des débats publics seront engagés sur la base de ces études, au deuxième semestre de l'année 1996.

Ces débats, qui porteront sur les enjeux et fonctions, et non sur le détail des tracés, seront, en amont des décisions, un des éléments fondamentaux d'éclairage des choix du Gouvernement.

De manière générale, je veillerai à ce que les prochains schémas directeurs recherchent un juste équilibre entre un volontarisme utile -à condition de ne pas devenir incantatoire- et un réalisme indispensable, sans pour autant vouloir engager ce qu'on pourrait appeler une programmation prématurée.

J'en viens à ce qui constitue à mes yeux l'apport le plus novateur sur ce point de la loi : il s'agit de la nécessité d'inscrire chaque schéma dans une approche intermodale. Pour moi, l'intermodalité est à la fois l'expression d'une volonté politique, d'un choix économique et d'une exigence financière.

La volonté politique consiste à répondre aux attentes de l'usager, car ce qui compte pour l'usager, c'est en effet la chaîne de transport complète, porte à porte : la prise en charge, l'information, la correspondance, doivent désormais être conçues et organisées dès l'origine dans une véritable optique intermodale.

Le choix économique, c'est de raisonner en termes de service. On n'aménage pas les transports pour le plaisir, ni pour le plaisir de créer des infrastructures, mais pour améliorer l'efficacité économique et sociale du pays dans son ensemble. Il faut donc rechercher le meilleur service au meilleur coût. Pour cela, il convient de comparer les solutions alternatives, par exemple une ligne ferroviaire à grande vitesse et une ligne aérienne à forte fréquence, l'autoroute et la voie fluviale, l'autocar ou le service régional ferroviaire.

Je veillerai à ce que cette démarche, par niveau de services, soit respectée dans l'élaboration des cinq schémas directeurs.

Enfin, l'exigence financière naît de la rareté des financements. Pour ma part, je ne connais que deux sources de financement : l'usager et le contribuable. On a longtemps laissé croire que l'emprunt constituait une troisième source de financement, mais chacun sait que l'emprunt doit être remboursé, et lorsque les trafics ou les tarifs sont inférieurs aux prévisions, ce n'est plus l'usager qui rembourse, mais le contribuable !

La contrainte budgétaire de l'Etat et de l'ensemble des collectivités territoriales sera durable, compte tenu de la dette accumulée, de la limitation des prélèvements obligatoires et, surtout, du poids croissant des dépenses publiques d'éducation et de santé.

De leur côté, les ressources commerciales des grands opérateurs de transport ne permettent plus de répondre aux besoins de financements des investissements nouveaux, dont une part important est aujourd'hui financée par surendettement. Les schémas directeurs devront donc être très sélectifs, ce qui renforce encore l'intérêt d'une approche intermodale.

Priorité à l'usager, approche en termes de services, sélectivité des choix liés à la contrainte globale des financements publics, tels sont les trois piliers de l'approche intermodale des schémas directeurs que j'entends promouvoir.

Ces schémas devront également s'inscrire dans le cadre d'un enjeu national et européen et conforter la position de la France dans la concurrence européenne, en renforçant par des liaisons de bonne qualité les potentialités de nos territoires et la compétitivité de nos régions. Il ne s'agit pas pour la France d'être un pays de transit, mais plutôt de favoriser, par le biais de la qualité de nos infrastructures, l'implantation d'activités économiques sur notre propre territoire.

L'enjeu régional et interrégional devrait par ailleurs permettre le développement de liaisons interurbaines pour assurer le désenclavement des bassins d'activités, favoriser un développement économique et social plus équilibré et permettre l'accès de tous aux services de niveau supérieur.

Enfin, l'enjeu de préservation de l'environnement et de développement durable implique des infrastructures plus respectueuses de l'environnement, une tarification des transports prenant en compte les coûts de pollution, d'insécurité et de congestion et le développement des modes de transports alternatifs à la route, comme le transport combiné- là où ils peuvent apporter une réponse économique en termes de qualité de service, d'efficacité et de respect de l'environnement.

C'est dans cet esprit que j'ai demandé à mes services de préparer la mise en place de ces schémas... Les premiers projets pourront je pense être soumis à l'automne aux procédures de concertation avec le Conseil national d'aménagement et de développement du territoire et avec les régions. Je m'emploierai à organiser un débat ouvert, sans préjugés ni tabous, mais aussi lucide et responsable que possible, dès lors que la situation financière de notre pays, comme les enjeux de l'aménagement du territoire et de développement durable, nous contraignent à des choix difficiles.

(Applaudissements).

M. François-Michel Gonnot, président .- La parole est à Jean-Paul Delevoye, sénateur du Pas-de-Calais et également président de l'Association des maires de France...

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