ALLOCUTION DE M. JEAN FRANÇOIS-PONCET, PRÉSIDENT DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES DU SÉNAT

M. Jean François-Poncet .- Quelques mots de remerciements et d'explications sur les raisons de ce colloque et les espérances que nous plaçons en lui.

Evidemment, je remercie le président du Sénat d'être ici aujourd'hui, de bien vouloir nous accueillir à déjeuner tout à l'heure. Sur un sujet qu'il connaît mieux que personne, auquel il a, dans la région qui est la sienne, contribué d'une façon exemplaire, sa présence allait de soi, mais elle est pour nous très importante.

Je remercie aussi Jean-Claude Gaudin. Comment aurait-il pu échapper à notre invitation ? Nous l'entendrons avec tout le plaisir avec lequel nous écoutons toujours les ministres de l'Aménagement du territoire. Quand ils sont, en plus, issus du Sénat, c'est avec une sympathie spéciale.

Par anticipation, je remercie tous les ministres qui vont venir. Vous comprenez pourquoi. L'aménagement du territoire est un sujet partagé entre tous les départements ministériels. Il faut rendre chaque ministre attentif -si c'est nécessaire- à la partie de la loi qui le concerne, en tout cas faire le point de la mise en oeuvre de ses dispositions.

Je remercie aussi Charles Pasqua qui viendra cet après-midi -comment n'aurait-il pas été invité ?- et le Premier ministre clôturera, par son intervention, nos débats.

Je veux aussi remercier François-Michel Gonnot et Patrick Ollier.

Cette préoccupation ne peut pas être celle du Sénat seul. Pour l'élaboration de la loi, nous avons travaillé en étroite concertation avec l'Assemblée nationale, plus qu'à aucun autre moment pour aucun autre texte.

Je n'aurais pas imaginé une seconde qu'on puisse tenir un colloque de ce type sans avoir une participation active de l'Assemblée nationale et cet après-midi, la session sera présidée par mon collègue président de la Commission de la production et des échanges.

Je remercie le grand rapporteur du texte à l'Assemblée nationale, Patrick Ollier.

Deux séries de commentaires : pourquoi ce colloque ? Qu'en attend le Parlement ?

Pourquoi ce colloque ? Parce que le Sénat ne pouvait pas, étant donné le rôle qu'il a joué et l'intérêt que tous les sénateurs portent au sujet de l'aménagement du territoire, ne pas se préoccuper de la mise en oeuvre de cet instrument qu'est la loi du 4 février dernier.

Je n'ai pas besoin de rappeler -le président vient de le faire- le rôle que nous avons joué dans la résurrection de ce sujet qui, dans les années 80, était passé tout à fait à la marge des préoccupations nationales.

Les trois rapports que nous avons établis sur l'espace rural, sur les banlieues, sur l'aménagement du territoire, les deux conventions nationales que nous avons organisées à Bordeaux et au Futuroscope à Poitiers ont joué un rôle significatif dans le fait que le sujet de l'aménagement du territoire est redevenu un grand sujet national et, bien entendu, avec l'Assemblée nationale, nous avons beaucoup contribué à l'élaboration du texte quand il est venu devant le Sénat. C'était donc une première raison majeure pour qu'il prenne cette initiative.

Ensuite -et c'est la deuxième raison- le caractère et l'importance de cette loi. C'est une loi-cadre. Par conséquent, elle ne vaudra que par ce que l'on mettra dans ce cadre. La loi ne sera pleinement applicable et appliquée que quand les cinq lois d'application prévues, les dix schémas, les treize décrets en Conseil d'Etat et les dix rapports d'application auront été confectionnés et seront parus au Journal Officiel ou auront été communiqués aux assemblées. Je vais vous rendre attentifs à cela. Il y a là un travail de vigilance qui découle de la nature même de cette loi.

Ensuite, c'est une loi qui innove, elle se heurte à des obstacles : psychologiques, politiques, administratifs.

Laissez-moi vous rappeler les quatres innovations principales.

La loi dit : "Il n'y aura pas d'aménagement du territoire sans un réseau de grandes infrastructures". Elle prévoit que celles-ci doivent, dans les dix-huit mois, figurer dans des schémas sectoriels et dans un schéma national d'aménagement du territoire en cours d'élaboration.

Deuxième grand principe : pas d'aménagement du territoire sans péréquation des ressources entre collectivités riches et collectivités pauvres -c'est plus facile à dire qu'à faire, nous le savons tous- mais c'est fondamental. Nous avons, dans la loi, posé un principe nouveau -en France, pas à l'étranger- qui prévoit entre les grands espaces régionaux une fourchette au-delà de laquelle des versements de compensations doivent s'opérer. Ce texte, ô combien difficile à concevoir, est à mettre en oeuvre. Mais la loi le prévoit.

Troisième principe : pas de développement local sans privilèges fiscaux dérogatoires. Nous nous posions la question de savoir si le Conseil constitutionnel entérinerait ce principe. Il l'a fait et la loi prévoit toute une série de dispositions qui le mettent en oeuvre.

Quatrième principe : pas de différence ou plutôt une parité de traitement entre l'espace urbain et l'espace rural. C'est un principe tout à fait fondamental et nouveau.

Voilà les raisons pour lesquelles le Sénat, à cause de ce texte, de son caractère, de son importance, se devait de s'interroger sur sa mise en oeuvre.

Qu'attendons-nous de ce colloque ? Je suis heureux que le ministre et délégué à l'Aménagement du Territoire nous rejoigne. Nous en attendons une information. Où en sont les textes d'application, les crédits ? Ceux de cette année, nous les connaissons, mais après les vaches maigres, pouvons-nous dire que nous aurons les vaches grasses et que nous échapperons aux vaches folles ? Je me permets de poser la question. Où en est le schéma national d'aménagement du territoire ? Pouvons-nous espérer que le gouvernement l'envisage avec suffisamment de précision ? Car un schéma national pourrait se contenter de pieuses généralités, étant donné qu'il est soumis au Parlement, renvoyant tout ce qui est concret et précis à des schémas sectoriels arrêtés par décret. Il y a là une préoccupation que vous trouverez sûrement sur les bancs du Sénat.

Deuxièmement, nous en attendons la confirmation que la priorité de l'aménagement du territoire reste au premier rang des préoccupations du gouvernement. Nous n'avons pas de doutes, mais nous si en avions eu, vous les auriez, cher Jean-Claude, depuis longtemps dissipés, cependant, nous vivons des temps difficiles.

Nous approuvons les efforts que le gouvernement accomplit pour rétablir la santé de nos finances publiques. Par conséquent, dans ces périodes de temps difficiles où les urgences s'accumulent, nous pouvons évidemment être préoccupés et penser qu'une priorité à long terme comme l'aménagement du territoire passe après celles à court terme qui sollicitent l'attention quotidienne du gouvernement.

Enfin, monsieur le ministre de l'Aménagement du Territoire, je mentirais si je ne vous disais pas que nous avons certaines inquiétudes. Je les mentionne rapidement. J'ai déjà parlé des crédits, ceux du budget de 1996, ceux du budget de 1997 que nous ne connaissons pas. Le gel des crédits est différent. Nous entendons des rumeurs sur un gel de l'ordre de 25 % du fonds national d'aménagement du territoire, de la prime d'aménagement du territoire. Il ne suffit pas d'avoir connaissance des décisions prises au moment de la loi de finances, il faut aussi connaître la façon dont elles s'appliquent. Il y a là de très sérieuses interrogations.

Nous sommes à la fois heureux, monsieur le ministre, et un peu préoccupés de la loi sur les villes que vous avez fait passer. Elle est excellente, mais il nous semble qu'elle pourrait porter atteinte au principe de la parité entre l'espace rural et l'espace urbain.

Y aura-t-il, pour l'espace rural, l'équivalent de ces 5 milliards de crédits annuels prévus pour les villes ? Y aura-t-il des zones franches dans l'espace rural où elles sont tout aussi utiles et indispensables que dans l'espace urbain ? C'est une question que j'ai déjà posée à la réunion du Conseil national de l'aménagement du territoire, mais nous serons sûrement amenés à la reposer.

Un mot d'explication. Quand on parle de l'espace rural, on commet souvent un contresens. On a dans l'esprit les critères de l'INSEE, c'est-à-dire qu'on voit les communes de moins de 2.000 habitants. En réalité, dans l'espace national, il y a trois grandes catégories de territoires : l'agglomération parisienne dans toute sa largeur, qui regroupe plusieurs régions administratives ; il y a les métropoles régionales et il y a le reste de la France. Quand je parle de l'espace rural, je pense à ce dernier, c'est-à-dire aux villes moyennes, aux petites, aux agglomérations qui maillent cet espace rural et on ne peut pas imaginer qu'il se développe sans que son réseau de villes se développe avec lui. Donc, il y a là une deuxième interrogation.

Une troisième a été suscitée très largement par le troisième aéroport de la région parisienne, non pas qu'il ne soit pas utile et je ne me permettrai pas de le critiquer en tant que tel, mais nous avons dans l'esprit le sentiment qu'une des grandes priorités nationales est de développer des plates-formes internationales dans un ou deux grands aéroports de province. Je pense à Lyon et volontiers à Marseille ou Toulouse. La France est le seul pays européen où il n'y a qu'une plate-forme. Il y a donc là une priorité qui nous aurait semblé devoir passer avant le troisième aéroport.

Nous entendons aussi beaucoup parler de déconcentration et de réforme de l'Etat. Qui ne les approuverait ? Nous entendons moins parler de décentralisation. Or, nous pensons qu'elle n'est pas achevée, qu'elle doit aller de pair avec la déconcentration.

J'avais ces interrogations dans l'esprit, il me revenait, monsieur le ministre, de vous les poser, car nous voulons être informés et vous faire part des préoccupations des élus. Ce que j'ai dit n'est animé par aucun esprit de critique, mais par une certaine dose de vigilance qu'il est normal de trouver dans notre assemblée.

Monsieur le ministre, vous avez tiré, me semble-t-il, une conclusion : le Sénat est votre allié. Vous pouvez vous appuyer sur lui pour la mise en oeuvre de vos objectifs de ministre de l'Aménagement du Territoire, vous le trouverez à vos côtés. N'oubliez pas que l'aménagement du territoire est un combat, très long ; en réalité, il ne s'arrête jamais.

(Applaudissements).

Monsieur le ministre, vous avez la parole.

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