SECTION III : LES INTERVENTIONS DES AUTRES REPRÉSENTANTS DES ÉTATS MEMBRES DE L'UEO

I. LA FRANCE ET LA POLITIQUE EUROPÉENNE DE SÉCURITÉ ET DE DÉFENSE

La politique française à l'égard de la sécurité européenne et de l'UEO a été exposée à l'occasion des discours prononcés devant l'assemblée de l'UEO par M Charles MILLON, ministre de la Défense (le 20 juin 1995) et par M. Michel BARNIER, ministre délégué aux Affaires européennes (le 6 décembre 1995).

a) Le discours de M Charles MILLON était fortement marqué par l'actualité, puisqu'il se situait peu de temps après la décision, à l'initiative de la France, de créer une force de réaction rapide en Bosnie et que par ailleurs, il était prononcé alors que se développait la polémique sur la reprise des essais nucléaires français dans le Pacifique. Le ministre de la Défense a exposé devant l'assemblée de l'UEO les objectifs et les missions de la force de réaction rapide. Après avoir rappelé les paroles du Président CHIRAC "notre présence militaire en Bosnie est fondée sur une idée simple et forte : la sécurité en Europe se joue aujourd'hui dans cette région. Nous n'accepterons pas le retour de la haine ethnique et de la barbarie sur le continent."

M Charles MILLON a notamment déclaré : "Sous l'impulsion du Président de la République, le gouvernement français, ainsi que les gouvernements européens et alliés, ont adopté de façon solidaire une attitude de fermeté.

Notre premier objectif était militaire : réduire la vulnérabilité des Casques bleus, renforcer les moyens de la FORPRONU, mettre un terme à l'humiliation de nos soldats en donnant en particulier aux commandants, sur le terrain les moyens souvent réclamés de réagir et de se faire respecter.

Cet objectif militaire était indissociable d'un objectif diplomatique qui justifie l'action de nos hommes en Bosnie et en Croatie relancer la recherche d'une solution politique, soutenue par les puissances du Groupe de contact, les pays de l'Union européenne et de l'Alliance atlantique

Cette double démarche s'est concrétisée, le 3 juin, lors de la réunion, à mon invitation, des ministres de la défense des pays de l'Union européenne et de l'Alliance qui contribuent à l'action des forces des Nations Unies en Bosnie Le Secrétaire général de l'UEO, représenté à cette Conférence, a d'ailleurs participé à l'ensemble des travaux Nous avons réaffirmé qu'il n'existe pas de solution militaire au conflit de l'ex-Yougoslavie ; nous avons défini des objectifs précis pour la FORPRONU en Bosnie Enfin, nous avons proposé la création d'une force de réaction rapide, constituée de deux brigades, l'une britannique, l'autre multinationale, sous commandement français

La création de cette force, destinée à agir dans le cadre des Nations Unies pour faciliter l'application du mandat de la FORPRONU, a été autorisée par le Conseil de sécurité dans sa Résolution 998 adoptée le 16 juin dernier

Cette force poursuit trois missions essentielles Première mission, assurer la protection des éléments de la FORPRONU isolés ou menacés ; deuxième mission, faciliter les regroupements ou redéploiements des Casques bleus , troisième mission, favoriser la liberté de mouvement de la FORPRONU dans l'exercice de son mandat Cette force est composée d'unités mobiles, aptes au combat, qui conservent en conséquence leur uniforme nationale, tout en arborant le drapeau et une marque distinctive des Nations Unies Je tiens à souligner que l'initiative de création de cette force, comme la composition de ses unités, sont entièrement ou quasi exclusivement européennes

La brigade multinationale sous commandement français sera un exemple supplémentaire de la coopération militaire européenne que nous nous efforçons de développer afin de répondre aux défis de la sécurité commune sur notre continent.

L'entente entre Français, Britanniques et Néerlandais, mais aussi avec les Espagnols, les Allemands, peut-être dans l'avenir les Tchèques, sera, je l'espère exemplaire en Bosnie

Bien que l'UEO ne soit pas en tant que telle associée à la constitution de la capacité de réaction rapide, notre entreprise commune vient compléter ses efforts spécifiques dans l'ex-Yougoslavie, dont je rappelle les trois principaux volets participation de l'UEO au contrôle sur trois, alors qu'auparavant, seuls le Danemark et l'Irlande étaient membres observateurs à l'UEO. Si je vous rappelle cette situation, que vous connaissez mieux que mois, c'est qu'elle est beaucoup apparue dans les travaux du groupe Westendorp. Chaque fois que nous parlions de défense commune, la position des pays neutres n'a pas été négligeable dans ces travaux."

"Ma deuxième observation, c'est que les progrès de l'Europe de la défense ne passent pas forcément que par des modifications juridiques ou institutionnelles. Compte tenu de la diversité croissante des statuts des pays qui composent l'UEO, une certaine flexibilité devra être mise en oeuvre pour préserver l'utilisation la plus efficace de l'outil de défense européen. Cela signifie que la règle de prise de décision à l'unanimité à laquelle nous sommes attachés, risque de se révéler particulièrement contraignante et que nous ne devons pas exclure la recherche d'une certaine flexibilité si nous voulons conserver au système son efficacité et préserver ou retrouver une capacité d'initiative Cela rend, me semble-t-il, encore plus nécessaire un resserrement des liens concrets entre l'Union européenne et l'UEO. C'est dans cet esprit que nous avons été quelques-uns à imaginer qu'à terme -à court terme- la fonction d'euro-représentant ou de secrétaire général pour la politique étrangère et de sécurité commune -c'est une proposition française dans le cadre de la CIG- soit fusionnée avec la fonction de Secrétaire général de l'UEO "

Le ministre délégué a ensuite rappelé que, quelles que soient les options qui seront retenues à l'issue de la CIG, deux points d'accord s'étaient dégagés : la nécessité de resserrer les liens institutionnels entre l'UEO et l'Union européenne et la nécessité de développer les capacités opérationnelles de l'UEO

M Michel BARNIER a poursuivi : "S'agissant des relations futures entre l'Union européenne et l'UEO, quelles sont les options en présence ? Le choix de la France est celui du pragmatisme Notre préférence va clairement à l'option intermédiaire, l'option numéro deux, entre celle qui consiste à ne rien changer ou à ne modifier qu'à la marge et celle qui envisage de fusionner immédiatement Nous avons fait le choix intermédiaire d'un rapprochement pragmatique et progressif entre l'Union européenne et l'UEO Nous souscrivons notamment à l'idée d'un resserrement des liens entre l'Union européenne et l'UEO au moyen d'orientations générales que le Conseil européen adresserait à l'UEO dans le domaine de la défense

L'UEO ne doit pas rester suspendue aux décisions qui seront prises dans le cadre de la Conférence intergouvernementale. Pour avancer, il n'est pas obligatoire -je le répète car j'en suis convaincu- de procéder à des changements institutionnels ou juridiques. Une tâche immédiate s'impose, qui consiste à construire l'outil de défense européen. L'UEO a toute sa place dans l'architecture européenne de la sécurité de demain, à condition que les États qui la composent s'engagent avec plus de détermination qu'ils ne l'ont fait jusqu'à présent dans la constitution d'un outil européen de défense crédible. Je note la franchise de certains rapports de votre Assemblée, qui n'hésitent pas à relever que les objectifs assignés ces dernières années à l'UEO n'ont pas été atteints II faut donc en tirer les conséquences Deux années nous séparent de l'échéance de 1998, date à laquelle nous aurons à dénoncer ou renégocier le Traité de Bruxelles "

Le ministre délégué a souligné que le développement des capacités opérationnelles de l'UEO implique la poursuite des efforts engagés dans les domaines de la coopération spatiale et de l'armement, afin de disposer d'une véritable politique moderne de renseignement. Par ailleurs, il est nécessaire de réfléchir "assez rapidement à la mise en cohérence des différentes forces multinationales, peut-être à travers la création d'un État-major commun" a indiqué M BARNIER, qui a également estimé que "nous devons tout faire -nous en ressentons le besoin en France- pour réconcilier les citoyens avec la construction de l'Union européenne" La Conférence intergouvernementale ne donnera pas toutes les solutions a observé M. BARNIER : "En d'autres termes, ce n'est pas une modification du Traité ou une conférence qui dotera l'Union d'une politique étrangère de sécurité et de défense commune La volonté politique des chefs d'État et de gouvernement est avant tout nécessaire, à supposer qu'elle existe et moi je crois qu'elle existe, en tout cas de la part du Président de la République française. Cette conférence devra nous permettre de créer l'instrument et le cadre dans lequel sera mise en oeuvre et s'appliqueront cette politique de sécurité et cette politique étrangère et de défense communes C'est pourquoi la France attache une grande importance à l'idée -qui n'est pas une idée miracle mais une idée pratique- de créer un poste nouveau de secrétaire général ou de haut représentant pour la PESC"

Les pays d'Europe centrale et orientale "n'attendent pas seulement d'adhérer à un marché, à un espace économique régi par des règles communes, mais en adhérant à l'Union européenne et à l'UEO, d'adhérer aussi à une union politique Le gouvernement français ne séparera pas cet aspect politique du marché et de l'économie" a conclu M BARNIER.

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