2. Les aspects politiques : le rapport de PUIG

Il revenait à M de PUIG (Espagne, socialiste) de présenter le rapport (doc 1509 et amendements) sur les aspects politiques du thème "Organiser la sécurité en Europe" Exposant le projet de recommandation soumis au vote de l'Assemblée, le rapporteur manifeste d'abord clairement "la volonté de l'Assemblée de l'UEO de contribuer à la formation d'une identité européenne de défense autour de l'UEO, ce qui implique d'accepter le projet selon lequel l'UEO doit définir la politique de défense commune et, à terme, la défense commune".

M de PUIG poursuit en ces termes : "J'ai tenu également à exprimer la conviction que l'UEO ne pourra progresser sans être dotée de compétences dans le domaine de la politique étrangère et de sécurité commune. J'ai voulu montrer notre volonté d'oeuvrer toujours et à tout instant afin de garantir et de renforcer la sécurité et la défense européennes ; notre ferme et constante volonté de rendre le rôle que joue l'OTAN en Europe compatible avec toute autre forme d'organisation de la sécurité européenne ; notre conviction que le Traité de Bruxelles modifié et ses institutions sont actuellement et seront au cours des prochaines années un élément essentiel de la construction de la défense européenne ; notre préoccupation au sujet de l'irresponsabilité de ceux qui proposent des changements radicaux dans le cadre de la défense européenne, sans penser que ceux-ci peuvent l'affaiblir au lieu de la renforcer ; notre crainte de nous prononcer - ou de voir la Conférence intergouvernementale se prononcer -sur les aspects institutionnels sans avoir précédemment clairement défini un projet de défense global ; notre préoccupation face au risque d'accentuer les différences de composition entre les institutions."

Le projet de recommandation, présenté par M de PUIG est favorable :

- au maintien, ne serait-ce qu'à moyen terme, du Traité de Bruxelles modifié et de ses institutions ;

- au rapprochement aussi poussé que possible entre l'UEO et l'Union européenne à travers la PESC ;

- à une organisation de la PESC démontrant que l'Union européenne est capable de la mettre en oeuvre.

- à la poursuite du développement opérationnel de l'UEO, d'une action concertée de l'UEO avec l'Union européenne et avec l'Alliance atlantique, du développement du rôle de l'UEO en tant que pilier européen de l'Alliance atlantique, d'un processus de convergence, de rapprochement de l'UEO et de l'Union européenne.

En revanche, le rapporteur confirme son opposition à une fusion immédiate des institutions de l'UEO et de l'Union européenne.

Dans la discussion commune sur ces deux rapports, MM. Jean VALLEIX, député (RPR) Président de la délégation française et Nicolas ABOUT, sénateur (RI) sont intervenus.

M. VALLEIX a notamment souligné la nécessité de poursuivre les efforts entrepris dans le contexte des difficultés que traversent les budgets militaires. "C'est seulement si l'UEO sait se doter des capacités opérationnelles indispensables qu'un rapprochement opérationnel avec l'OTAN pourra prendre son sens." a-t-il affirmé. La création du centre satellitaire de Torrejon est un grand pas, de même que le projet Hélios II.

S'agissant des capacités opérationnelles de l'UEO et de la politique des armements, M. VALLEIX a interrogé M. John MAJOR, Premier ministre britannique, à l'occasion de son intervention devant l'Assemblée de l'UEO le 23 février 1996. La Commission européenne ayant fait des propositions en vue de la création d'un marché commun des armements, M. VALLEIX a demandé si elle était la mieux placée pour faire de telles propositions et a souhaité savoir si le Royaume-Uni était prêt à y participer, en particulier à respecter la préférence communautaire face à la concentration des industries américaines d'armement.

M. John MAJOR a répondu en ces termes : "S'agissant de l'armement européen, l'industrie de défense britannique en est bien entendu un des principaux acteurs, l'un des plus importants en Europe. Nous sommes donc déjà très habitués aux avantages de la collaboration avec nos partenaires européens et nous voyons un intérêt évident à l'accroissement de cette coopération par le biais de l'Agence européenne de l'armement.

Nous serions certainement favorables à la poursuite des travaux au sein du Groupe Armement de l'Europe occidentale en vue de cet objectif.

Mais nous ne concevons naturellement pas l'Agence européenne de l'armement comme un organisme ayant pour simple but d'empêcher des achats d'armements au dehors. Il existe des cas où une arme donnée est particulièrement adaptée à un besoin précis, si elle vient des États-Unis, nous l'achèterons aux États-Unis, si elle vient d'Europe, nous l'achèterons en Europe.

Les avantages de la coopération et de la coordination en ce qui concerne les munitions utilisées par nos armes sont indubitables - il est ridicule que certaines armes produites en Europe occidentale puissent tirer avec différents types de balles, que nos mortiers soient différents, que le calibre du canon de nos armes lourdes diffère, et ainsi de suite. Il y a donc largement place pour une coordination qui peut et doit avoir lieu. Nous y sommes très favorables et nous trouvons grand intérêt à l'Agence européenne de l'armement, mais pas en tant qu'organisation protectionniste. "

M. Nicolas ABOUT, pour sa part, a appelé l'attention de l'Assemblée sur "la situation alarmante de l'industrie de défense en Europe" S'agissant de la nécessaire restructuration de ces industries, M ABOUT observe que la situation n'a guère évolué en dehors de quelques regroupements comme le rapprochement entre Aérospatiale et DASA ou entre British space et MATRA, qui ne répondent d'ailleurs à aucune coordination européenne, mais plutôt à des logiques concurrentielles

M. ABOUT a jugé impératif la mise en place de l'Agence européenne de l'armement, élément indispensable à la mise sur pied d'une armée européenne. L'Europe ne pourra conserver une industrie de défense autonome si elle ne coordonne pas ses politiques de défense. Comment concevoir un pilier européen de défense qui ne disposerait pas de sa propre industrie d'armement ? a demandé M. ABOUT, qui a ensuite évoqué la CIG.

"Dans le cadre de la Conférence intergouvernementale, a t-il rappelé, il s'agit également de mettre en place une réforme qui inclurait, dans le champ communautaire l'achat d'armements afin d'introduire une discipline en instituant certaines protections et la préférence européenne pour l'acquisition de matériels militaires par les États membres. Il ne s'agit en aucune manière de nuire à la souveraineté nationale, mais simplement de rappeler qu'en adhérant à l'UEO, les États ont implicitement accepté les contraintes de ce que l'on peut appeler la solidarité européenne. Ils ont également souscrit aux obligations du Traité de Maastricht, notamment en matière de politique étrangère et de sécurité commune."

"La préférence communautaire constituerait une excellent condition à la mise en oeuvre efficace de la PESC. Les discours sur le développement du pilier européen de défense et sur le renforcement de l'UEO n'auront un jour un sens que si l'Europe installe les structures et les mécanismes qui doteront les Européens des moyens industriels et opérationnels dignes d'une politique de défense commune."

La session extraordinaire de Londres a été conclue par l'adoption de deux recommandations (n° 589 sur les aspects politiques et n° 590 sur les aspects défense) qui déterminent la position de l'Assemblée de l'UEO à l'égard de la Conférence intergouvernementale de l'Union européenne. Le texte de ces recommandations figure en annexe au présent rapport.

L'Assemblée de l'UEO, répondant notamment au voeu exprimé par M. Jacques BAUMEL dans son intervention afin qu'un "message fort" soit adressé aux Gouvernements, n'a pas voulu se séparer sans avoir adopté une déclaration solennelle. Ce texte adopté le 23 février 1996 à l'issue de la session extraordinaire a pris la forme d'une Décision (n° 14) ainsi libellée :

DÉCISION N° 14

sur les questions de défense dans la perspective
de la Conférence intergouvernementale

A l'issue de la session extraordinaire qu'elle a tenue à Londres les 22 et 23 février 1996, l'Assemblée

DÉCIDE :

De communiquer la déclaration suivante aux chefs de gouvernement des pays de l'Union européenne :

"A la veille de l'ouverture de la Conférence intergouvernementale, l'Assemblée de l'UEO tient à affirmer solennellement sa conviction que tout progrès vers la réalisation d'une Union européenne exige l'affirmation par les Européens de leur volonté d'exercer ensemble es responsabilités qui leur reviennent dans le domaine de la défense comme dans celui de l'organisation d'un système de sécurité collectif couvrant l'ensemble de l'Europe. Faute d'une telle volonté, l'UEO n'est pas actuellement en mesure de mettre en place les éléments d'une politique européenne de défense.

L'Assemblée constate que l'OTAN est, à ce jour, le seul instrument opérationnel pour la défense de l'Europe. Il s'agit également que l'Europe se dote des moyens opérationnels de commandement, contrôle, communication, renseignement et logistique qui soient mis à la disposition de l'UEO, de façon que les Européens disposent des capacités d'intervention suffisantes pour pouvoir agir par eux-mêmes dans le cas de crises où les États-Unis décideraient de ne pas intervenir.

Pour réaliser cet objectif, il faut que l'UEO conserve des structures qui permettent aux gouvernements des pays membres de prendre et de mettre eu oeuvre leurs décisions en échappant aux effets de toute opposition de pays, neutres ou non, observateurs ou associés à l'Organisation, et qu'elle étende son activité en vue d'obtenir une convergence de plus en plus grande des politiques de défense des pays membres. Elle devra, à cette fin reprendre et élargir les travaux conduisant à l'adoption d'un Livre blanc précisant les intérêts de ces pays en matière de sécurité et de défense, les moyens dont ils disposent pour les faire valoir, les stratégies qu'ils entendent mettre en oeuvre, y compris la dissuasion et le rôle des armes nucléaires, les efforts qu'ils sont prêts à réaliser dans les domaines des armements et de l'utilisation de l'espace L'association de l'UEO à la PESC doit être réalisée progressivement, en utilisant pleinement la capacité dont dispose le Conseil de l'UEO d'agir pour le compte de l'UEO, comme de prendre toute décision relevant de l'application du Traité de Bruxelles modifié.

Constituée de délégations des parlements des pays membres, l'Assemblée de l'UEO demeure, d'autre part, le principal interlocuteur parlementaire européen des gouvernements dès lors qu'il s'agit d'une politique européenne de défense."

Ont participé aux travaux de la session de Londres : MM. Jean VALLEIX, député (RPR), Président de la délégation française, Pierre JEAMBRUN, sénateur (RDSE) Jean SEITLINGER, député (UDF) vice-présidents, Jacques BAUMEL, député (RPR) Président de la commission de défense de l'Assemblée de l'UEO, Xavier DENIAU (RPR), Georges COLOMBIER (UDF), Christian DANIEL (RPR), Denis JACQUAT (UDF), Jean-Louis MASSON (RPR), Jean-Claude MIGNON (RPR), René COUVEINHES (RPR) députés ; Nicolas ABOUT (RI), Michel ALLONCLE (RPR), Jean-François LE GRAND (RPR), Serge VINCON (RPR), sénateurs

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