RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la délégation du Sénat pour l'Union européenne (1),

sur

les activités de la délégation : suivi de la Conférence intergouvernementale, questions économiques, examen des propositions d'actes communautaires (novembre-décembre 1996)

Par M. Jacques GENTON,

Sénateur.

(1) Cette délégation est composée de : MM. Jacques Genton, président ; James Bordas, Claude Estier, Pierre Fauchon, Philippe François, vice-Présidents ; Nicolas About, Michel Caldaguès, Jacques Habert, Emmanuel Hamel, Paul Loridant, secrétaires ; Robert Badinter, Denis Badré, Gérard Delfau, Mme Michelle Demessine, M. Charles Descours, Mme  Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Ambroise Dupont, Jean-Paul Emorine, Jean François-Poncet, Yves Guéna, Pierre Lagourgue, Christian de La Malène, Lucien Lanier, Paul Masson, Daniel Millaud, Georges Othily, Jacques Oudin, Mme Danièle Pourtaud, MM. Alain Richard, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Jacques Rocca Serra, André Rouvière, René Trégouët, Marcel Vidal, Robert-Paul Vigouroux, Xavier de Villepin.

Union européenne - Conférence intergouvernementale CE - Système monétaire européen - Contrôle parlementaire - Rapports d'information.

INTRODUCTION

Au cours des mois de novembre et décembre 1996, la délégation du Sénat pour l'Union européenne a continué à suivre les travaux de la Conférence intergouvernementale. Elle s'est également penchée sur le mode d'élection des députés européens.

Elle a par ailleurs abordé des questions économiques et financières : mise en place de l'euro, avenir des chemins de fer en Europe.

Enfin, elle a poursuivi son examen systématique des propositions d'actes communautaires soumises au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution.

I. LA PREPARATION DE LA CONFERENCE INTERGOUVERNEMENTALE

A. PREMIERE AUDITION DE M. MICHEL BARNIER

Le mercredi 20 novembre 1996, la délégation a entendu M. Michel Barnier, ministre délégué chargé des affaires européennes, sur les travaux de la Conférence intergouvernementale.

M. Michel Barnier rappelle tout d'abord que le Conseil européen, réuni à Dublin en octobre, a, d'une part, confirmé que la conclusion de la Conférence intergouvernementale devait intervenir en juin 1997 à l'occasion du Conseil européen d'Amsterdam, et d'autre part, été l'occasion pour de nombreux Etats membres, dont la France, de réaffirmer leur volonté de parvenir à un résultat à la hauteur de leurs ambitions. Le Conseil européen de décembre, dit " Dublin II ", permettra aux chefs d'Etat et de Gouvernement d'examiner un projet de traité assez précis, comportant, pour un certain nombre de sujets importants, plusieurs options. Avant la réunion du Conseil européen, la France et l'Allemagne présenteront une contribution commune, comme elles l'avaient fait il y a un an à Baden-Baden. Le Conseil européen " Dublin II " devra permettre de dégager des tendances et de réduire le nombre d'options sur chaque sujet.

Le ministre dresse ensuite l'état des négociations sur les différents sujets. A propos des institutions, il souligne que l'Allemagne et la France s'attachent à démontrer la nécessité d'une réforme en profondeur, compte tenu de la perspective de l'élargissement de l'Union européenne. Certaines propositions françaises, comme la modification de la pondération des votes au sein du Conseil, sont désormais mieux comprises ; la proposition de réduction du nombre de commissaires européens continue, en revanche, à susciter des réticences importantes. La proposition franco-allemande sur les coopérations renforcées, quant à elle, a donné lieu à un important effort d'explication. Il s'agit de faire en sorte que ces coopérations qui existent déjà - dans le traité, à côté du traité ou en dehors du traité - se déroulent à l'avenir, dans toute la mesure du possible, dans le cadre de l'Union européenne. Aucun Etat ne sera a priori exclu de ces coopérations sur lesquelles la Commission européenne sera appelée à se prononcer. Elles ne remettront pas en cause l'acquis communautaire et se dérouleront dans un cadre institutionnel unique.

Le ministre estime ensuite que la proposition française d'association plus étroite des Parlements nationaux au processus de décision dans l'Union européenne a beaucoup progressé. La présidence a proposé d'inscrire dans un protocole annexé au traité un délai minimal de quatre semaines entre la transmission au Conseil d'une proposition d'acte par la Commission européenne et la décision du Conseil sur cette proposition afin que les Parlements puissent être saisis et se prononcer. Quant à la COSAC, deux options sont envisagées : le maintien du statu quo ou l'inscription d'une COSAC rénovée dans un protocole annexé au traité. La COSAC pourrait alors être consultée sur un certain nombre de textes, en particulier dans les matières relevant du troisième pilier, très en amont du processus décisionnel. En revanche, la consultation éventuelle de la COSAC sur la subsidiarité suscite pour l'instant de fortes réserves.

Evoquant ensuite la Politique étrangère et de sécurité commune (PESC), M. Michel Barnier fait valoir que des progrès ont été accomplis au cours du dernier mois et que la personnalisation de la politique étrangère, à travers un " Monsieur PESC ", est désormais assez généralement admise. Le débat porte maintenant sur le lien entre ce " Monsieur PESC " et le Conseil européen ; la France plaide pour que cette personnalité bénéficie de la confiance des chefs d'Etat et de Gouvernement. Naturellement, le Conseil européen devrait intervenir pour définir les actions majeures et non pas les actions qui sont en fait des applications de décisions précédentes. En matière de sécurité et de défense, certains pays s'opposent vigoureusement à tout rapprochement entre l'UEO (l'Union de l'Europe Occidentale) et l'Union européenne. En revanche, un accord semble se dessiner pour une inclusion dans le traité des missions de Petersberg, qu'il s'agisse de l'action humanitaire ou du maintien de la paix.

A propos du troisième pilier, le ministre rappelle que la France avait souhaité que les négociations portent d'abord sur les objectifs à atteindre et non sur les instruments et les procédures et qu'elle avait proposé qu'une réflexion soit entreprise sur six domaines : l'immigration, les visas, l'asile, la drogue, le grand banditisme et le blanchiment de l'argent, enfin le terrorisme. L'objectif serait de pouvoir fixer un cadre minimal européen dans ces domaines, chaque pays demeurant libre d'aller plus loin. La France est prête à des avancées, y compris par des procédures de type communautaire, si l'efficacité des actions en est améliorée. Les négociations devront également conduire à un accord sur le champ de compétence de la Cour de justice des Communautés européennes et sur le champ d'application du vote à la majorité qualifiée au sein du Conseil. En matière de drogue, par exemple, le vote à l'unanimité condamnerait l'Union européenne à l'inaction.

M. Michel Barnier souhaite enfin évoquer plus brièvement quatre autres thèmes sur lesquels il apporte les précisions suivantes :

- dans le domaine de la subsidiarité, les négociations pourraient conduire à l'inscription de la déclaration d'Edimbourg dans un protocole annexé au traité ;

- la France a déposé une proposition visant à consolider la place des départements d'Outre-mer dans le traité tout en permettant certaines dérogations pour ces régions ultra-périphériques, notamment pour préserver le système de l'octroi de mer ; une proposition sur les territoires d'Outre-mer est actuellement en préparation ;

- le Gouvernement britannique a formulé des propositions intéressantes sur le rôle de la Cour de justice des Communautés européennes, suggérant, d'une part, de donner à la Cour le pouvoir de limiter la rétroactivité de ses jugements, d'autre part, d'accorder au Conseil une possibilité de préciser l'interprétation d'un texte qu'il a adopté lorsqu'il estime que la Cour en a fait une interprétation erronée ;

- enfin, la France demeure très attachée à une meilleure prise en compte des services publics dans le traité. Sa proposition de modification de l'article 90 a pour l'instant été accueillie avec une grande prudence par la présidence irlandaise, mais la France continuera à défendre cette idée.

M. Jacques Genton , revenant sur l'idée d'une association plus étroite des Parlements nationaux, rappelle que la COSAC de Dublin a permis de constater les progrès de cette idée. Il souhaite que celle-ci soit bien comprise : il s'agit d'impliquer les Parlements nationaux et, par là, les opinions publiques, dans les débats européens, et non pas d'introduire des facteurs de blocage du processus de décision. Puis il interroge le ministre sur l'extension éventuelle de la codécision et sur l'amélioration de la représentativité du Parlement européen.

M. Michel Barnier indique que la France est favorable au maintien du statu quo sur le champ de la codécision, un assouplissement éventuel de cette position étant lié en tout état de cause à l'assurance d'une solution satisfaisante pour l'association des Parlements nationaux. Il précise que le mode d'élection des députés européens n'entre pas dans le champ de la Conférence intergouvernementale. S'exprimant à tire personnel, il regrette l'insuffisance des liens entre les parlementaires européens et l'électorat, et estime qu'un découpage de la France en huit grandes circonscriptions électorales permettrait de rapprocher les élus européens des électeurs tout en permettant aux petites formations d'avoir des élus.

M. Christian de La Malène perçoit un certain décalage entre l'optimisme volontariste du ministre et la présentation qu'il donne, thème par thème, des travaux de la CIG. Il fait état d'une déclaration attribuée par la presse à la présidence irlandaise, selon laquelle ni les coopérations renforcées, ni la réduction du nombre des commissaires, ni la nouvelle pondération des voix ne seraient évoquées dans le projet de traité ; il se demande si, dans ces conditions, le Conseil européen de Dublin pourra être réellement utile. Abordant la question de la subsidiarité, il indique que le Président de la République a souligné l'importance de ce thème pour la France, et estime que l'inscription de la déclaration d'Edimbourg dans le Traité ne constituerait nullement un progrès, cette déclaration ne prévoyant aucune forme de contrôle du respect du principe de subsidiarité. Enfin, il rappelle que le conflit entre le Conseil et le Parlement européen sur la comitologie s'est conclu par un modus vivendi renvoyant la décision à la CIG, et interroge le ministre sur la solution que celle-ci envisage.

M. Xavier de Villepin se demande si le calendrier de la CIG pourra être respecté compte tenu de la date probable des élections au Royaume-Uni. Puis il interroge le ministre sur le profil de " M. ou Mme PESC " : s'agira-t-il d'un fonctionnaire ou d'un homme politique ?

M. Jacques Oudin , après s'être étonné de la persistance des réserves allemandes concernant l'association des Parlements nationaux, souligne à son tour la nécessité d'un véritable contrôle de l'application du principe de subsidiarité. Puis, faisant état des débats de la commission des finances du Sénat, il s'interroge sur la gestion par la Commission européenne de l'aide des Quinze à l'Afrique, en souhaitant que le contrôle du Conseil soit renforcé.

M. Michel Caldaguès exprime son sentiment d'un certain piétinement de la CIG, se demandant si certains Etats n'accumulent pas aujourd'hui les difficultés pour pouvoir plus facilement effectuer des marchandages au moment décisif, c'est-à-dire après les élections britanniques. Puis il s'étonne de l'insistance française en faveur de la réduction du nombre des membres de la Commission européenne, exprimant la crainte que cette demande ne nuise à un objectif plus important, l'amélioration de la pondération des voix, en liaison avec l'extension de la majorité qualifiée. Il observe que bien des gouvernements comptent trente membres ou plus sans être pour autant réduits à l'impuissance.

M. Lucien Lanier interroge le ministre sur l'attitude de la CIG vis-à-vis des accords de Schengen, dans le cadre de ses travaux sur le troisième pilier.

En réponse, M. Michel Barnier explique qu'il refuse pour sa part toute forme de " diplomatie désabusée ", soulignant qu'il s'est attaché à visiter tous les partenaires européens de la France et qu'il a observé que, sur certains sujets, la France, qui était isolée au début de la Conférence, ne l'était plus aujourd'hui.

Puis, il apporte les précisions suivantes :

- le texte soumis au Conseil européen de Dublin, qui comportera de nombreux " crochets ", devrait aborder toutes les questions soumises à la CIG ;

- un accord unanime s'est dégagé pour garantir un délai minimum pour l'examen des propositions d'actes communautaires par les Parlements nationaux ;

- le protocole sur la subsidiarité qui sera annexé au traité devrait, sans apporter d'éléments nouveaux, favoriser par sa seule existence une meilleure application de ce principe ; la France souhaite également un retour à la conception originelle de la directive, afin de rendre une marge de manoeuvre aux Parlements nationaux ;

- la France reste opposée à la volonté du Parlement européen de s'introduire dans les questions de comitologie ;

- l'objectif des chefs d'Etat et de Gouvernement reste de conclure les négociations en juin 1997 à Amsterdam ;

- " M. ou Mme PESC " doit être, selon la France, une personnalité politique, quelle que soit par ailleurs la dénomination qui sera retenue pour sa fonction ;

- l'aide à l'Afrique accordée dans le cadre du Fonds européen de développement (FED) demeure dans un cadre intergouvernemental ; la Commission européenne exécute les décisions du Conseil dans ce domaine sous le contrôle d'un comité de gestion ;

- une Commission de trente ou trente-cinq membres, dans une Europe élargie, serait inefficace, car une certaine confusion des responsabilités se manifeste déjà aujourd'hui avec une Commission de vingt membres. Or, l'actuelle Conférence intergouvernementale est la dernière occasion pour résoudre le problème. Couper les liens entre les commissaires et les Etats renforcera l'indépendance de la Commission et garantira le maintien de l'esprit communautaire ;

- l'intégration des accords de Schengen dans le Traité n'est pas une question prioritaire dans les négociations en cours car ces accords ne concernent pas tous les Etats membres.

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