5. Des incohérences

Comme votre rapporteur a pu le constater, entre les décisions stratégiques du CAEF et leur mise en oeuvre sur le terrain, un certain hiatus peut exister. A l'ancienne spécialisation géographique (CFI Afrique et Asie, TV5 Europe et Amérique Latine), devrait se substituer une spécialisation fonctionnelle.

CFI qui demeurera une banque d'images devrait également devenir une véritable chaîne, au centre du dispositif télévisuel extérieur, diffusant des programmes destinés aux publics les plus larges. Elle doit devenir la chaîne de l'image de la France , y compris dans d'autres langues que la nôtre, TV5 restant le véhicule privilégié de la francophonie destiné aux réseaux câblés du monde entier et à la réception satellitaire directe.

Pour les opérateurs étrangers, le subtil distinguo entre CFI et TV5, entre la chaîne française et la chaîne francophone, entre la banque d'images et la diffusion directe, est parfois difficile à comprendre.

En outre, sur le terrain, cette logique TV5-diffusion directe / CFI-diffusion numérique n'est pas rigoureusement respectée : CFI diffuse en analogique et son signal est piraté par de nombreux câblo-opérateurs, notamment à Taïwan ou aux Philippines, alors que TV5 est diffusée en numérique et nécessite, outre une parabole très importante qui empêche la réception directe par la majorité des particuliers (une antenne de 1,8 - 2 mètres est en effet nécessaire), un décodeur-décompresseur d'une valeur de 10 000 francs. Ces conditions techniques restreignent ipso facto la diffusion de TV5 aux réseaux câblés, aux hôtels et au réseau culturel français (Instituts culturels, Alliances françaises...).

En Asie du sud-est, la large couverture du satellite Palapa et le coût relativement faible d'un équipement de réception satellitaire amis de facto CFI dans une situation d'opérateur de diffusion directe. On s'oriente dans les faits, vers une nouvelle - et peu claire - distinction, CFI fournissant en " blocs de programmes " ou en " flux continus " des programmes français auprès des télévisions étrangères, tandis que TV5 doit alimenter les réseaux câblés, les autres institutionnels et les hôtels.

Sans être hostile au pragmatisme indispensable pour s'implanter dans cette région, votre rapporteur s'interroge sur la stratégie menée par les deux opérateurs qui risque de déconcerter les partenaires étrangers et le public francophile qui aura au moins, à cette occasion, un premier aperçu du cartésianisme français ...

CFI et TV5, à la recherche de l'harmonisation

Une télévision souhaite accéder à la " banque de programmes " CFI mais n'est pas couverte par l'empreinte satellitaire adéquate, TV5 transporte alors les programmes pour CFI.

Un câblo-opérateur reprenant les programmes de CFI de longue date et ne souhaite pas modifier son équipement de réception, CFI joue le rôle logiquement attribué à TV5 afin de ne pas priver le public d'émissions françaises (cela pourrait être le cas à Taïwan).

Un câblo-opérateur entend reprendre TV5 et CFI, ce cas de figure renforce le concept de " bouquet français " et la cohérence de l'offre française à l'étranger. CFI, avec une grille complémentaire à celle de TV5, s'installe lui aussi sur ce réseau câblé (ce cas est à envisager en Indonésie, aux Philippines, à Taïwan et en Thaïlande).

Source : CFI

En outre, proposer gratuitement TV5 aux réseaux câblés revient à persister dans la politique de l'offre, qui a été dénoncée avec pertinence par le rapport Balle, et que votre rapporteur a toujours critiquée. TV5 devrait demander aux câblo-opérateurs une rémunération au moins symbolique - un dollar - en contrepartie de la traduction des programmes en langue locale, l'édition et le marketing étant à leur charge.

Les obstacles à la pénétration des programmes audiovisuels au Japon

analysés par l'Ambassade de France

La diffusion brute de programmes étrangers se heurte souvent à la réticence des annonceurs et différents sponsors qui achètent les temps d'antenne. La rentabilisation immédiate d'un programme diffusé est la règle de financement de la télévision commerciale japonaise. Aucun programme produit ne peut être diffusé, s'il n'est pas parrainé. Naturellement des programmes locaux susceptibles d'attirer le plus grand nombre seront privilégiés.

Le principe du suspense entre chaque coupure publicitaire est systématique, quel que soit le genre de programme diffusé. Il va de soi qu'un programme étranger permet plus difficilement de répondre à ce principe.

La régionalisation de la diffusion accentue le phénomène : sauf quelques films hollywoodiens, les programmes étrangers sont exclus du " prime time " commun aux différentes chaînes d'un même réseau, qui suppose de forts taux d'audience sur l'ensemble du territoire. En même temps, chaque station aura tendance à privilégier des émissions de proximité pour sa propre programmation. La recherche de l'audience s'appuie ainsi sur une identité culturelle forte.

· Une identité culturelle forte

La télévision est plus qu'ailleurs un reflet de la société japonaise qui aime s'identifier à ses héros (présentateurs, acteurs, mais aussi et surtout l'homme de la rue qui occupe très majoritairement les écrans, sollicité pour faire part à la collectivité de ses expériences). L'identité culturelle japonaise est la première source d'intérêt pour une audience majoritairement composée de femmes au foyer et de retraités.

· Une autre façon de faire de la télévision

La réalisation des programmes de télévision au Japon diffère par bien des aspects des formats occidentaux.

Quel que soit le genre d'émission, les coûts de production sont réduits au minimum pour une rentabilisation immédiate. Puisque au Japon la masse salariale est protégée, la compression des coûts a des conséquences directes sur la qualité du tournage et du montage (souvent sommaire et peu esthétique notamment pour les nombreuses émissions de plateau en faux direct). L'usage à outrance du zoom des caméras ou des incrustations de titres dans l'écran tentent de dissimuler ces faiblesses en donnant l'illusion du rythme. Le téléspectateur japonais est aussi habitué à des séries d'animation faiblement animées... ou à des fictions systématiquement tournées en vidéo. Dès lors, la diffusion d'un programme européen ou même américain peut paraître incohérente dans le cadre du format général d'une grille.

· Une industrie nationale puissante

La production domestique japonaise repose sur une industrie développée et intégrée. Un programme étranger concurrence directement plusieurs sociétés de production qui tentent de faire admettre leurs projets par les programmateurs.

· Un système de programmation contraignant

Le formatage nécessaire des programmes étrangers doit aussi répondre à une contrainte spécifique. La modification des grilles a lieu deux fois par an (avril et octobre). La diffusion d'une série (fiction ou documentaire) suppose que le programmateur et les sponsors soient assurés de son succès, ce qui constitue un facteur supplémentaire de réticence aux programmes étrangers qu'il faut adapter en conséquence. Par ailleurs, une chaîne choisira une série dont le nombre d'épisodes correspond exactement au nombre de semaines séparant deux changements de grille (26 semaines).

· Une méconnaissance des catalogues des programmes étrangers

L'activité d'acquisition internationale restait jusqu'ici peu développée. Les départements internationaux des chaînes se consacrant naturellement à la vente. De plus, seules les chaînes de Tokyo avaient une activité internationale. Enfin, hormis l'anglais, les Japonais chargés des acquisitions ne parlent pas le français, à quelques exceptions près.

Source : Les marchés de l'audiovisuel au Japon, janvier 1997,
Attaché audiovisuel français à Tokyo

Les 14 conseils pour vendre

la production audiovisuelle française au Japon

1. Bien se faire connaître des Japonais, en investissant à long terme. Plusieurs voyages au Japon entre les marchés permettront un suivi des relations avec vos partenaires. En général, la signature de contrats n'interviendra qu'après plusieurs rencontres, voire plusieurs années. Plusieurs professionnels français sont étonnés de voir combien les Japonais sont sensibles à un déplacement au Japon. Plus qu'ailleurs, les relations d'affaires reposent sur la confiance. Les relations humaines sont essentielles pour rassurer vos partenaires.

2. Ne jamais donner l'impression de forcer la vente. Les premières rencontres doivent être l'occasion de faire découvrir un catalogue de la façon la plus précise possible et de montrer un intérêt à la demande japonaise, voire à son offre.

3. Donner l'impression d'être dans une relation d'échange. Ne pas hésiter à informer le client de la situation de la télévision en France. Vos informations seront considérées comme des cadeaux et une marque de confiance.

4. Ne jamais donner l'impression de mettre le client en concurrence sur une vente.

5. S'exprimer en anglais et ne communiquer que des éléments en anglais ou en japonais. Des résumés en japonais sont très appréciés.

6. Envoyer des cassettes en NTSC et en version internationale. Les éléments en français ne sont ni regardés, ni lus, sauf s'il s'agit d'une demande particulière.

7. Seul un programme qui correspondra aux attentes potentielles du public et des annonceurs suscitera l'intérêt. Ne pas hésiter à adresser une information importante (présentation de plusieurs épisodes, description précise des contenus, ...) qui facilitera l'étude de faisabilité.

8. Cette correspondance nécessite souvent une adaptation du programme aux critères de diffusion japonais. Être souple dans l'utilisation du programme vendu. La vente de rushes est une pratique possible.

9. Répondre systématiquement aux demandes de votre client. Les nombreuses sollicitations par fax ou par téléphone avant un achat éventuel démontrent un intérêt potentiel fort de votre client. Avec le décalage horaire, celui-ci n'hésitera pas à vous " harceler " à toute heure. Cette pratique courante, qui peut heurter, doit être supportée, afin de ne pas décevoir. Ce harcèlement se poursuivra après la vente. Dans ce cas, l'attention particulière que vous porterez à ces demandes (promptitude dans les réponses ...) contribuera à d'autres contrats.

10. Envoyer très régulièrement des informations (au moins une fois par mois) par fax après la première rencontre.

11. Ne jamais donner l'impression d'oublier votre client. La carte de voeux envoyée avant le 1er janvier est fortement conseillée. Même si aucune affaire n'est en cours, ne pas hésiter à inviter votre partenaire pour un dîner ou un déjeuner lors des marchés.

12. Prendre vos rendez-vous très longtemps à l'avance.

13. Être toujours ponctuel aux rendez-vous. Lors d'un séjour au Japon, prévoir au minimum 45 minutes entre les rendez-vous. Se faire faxer les plans d'accès aux rendez-vous pour les présenter au chauffeur de taxi.

14. Ne jamais se présenter à un Japonais pour la première fois sans carte de visite. Prévoir une version anglaise et (si possible japonaise) de votre carte de visite. Ces adaptations sont aisément réalisables depuis Paris. Lors de l'échange, tendre sa carte tout en se présentant oralement. Prendre la carte de son interlocuteur, en la lisant devant lui, et, en cas de négociations, la conserver devant soi sans la ranger.

Source : Les marchés de l'audiovisuel au Japon, janvier 1997,
Attaché audiovisuel français à Tokyo

Malgré ces obstacles, qu'il ne faut ni ignorer, ni sous-estimer, ni surestimer, le développement de la présence audiovisuelle française doit saisir les opportunités que lui offrent les progrès du numérique.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page