EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 5 février 1997 sous la présidence de M. Christian PONCELET , Président , la commission des finances a tout d'abord entendu une communication de M. Jean CLUZEL, rapporteur spécial des crédits de l'audiovisuel, sur la mission qu'il a effectuée dans certains pays d'Asie , du 9 au 23 septembre 1996, pour y étudier le développement de l'audiovisuel français .

M. Jean Cluzel, rapporteur spécial, a tout d'abord rappelé le poids démographique de la Chine, du Japon, de Hong Kong et de Taïwan et la faiblesse, d'une part, du nombre des expatriés français et, d'autre part, de la population francophone dans ces pays. Il s'est interrogé, dans ces conditions, sur la nécessité de la présence d'opérateurs audiovisuels français sur ces marchés, et a relevé l'insuffisance de leur audience. Il a toutefois précisé que les chaînes locales avaient besoin de programmes audiovisuels, compte tenu de l'explosion de la demande de programmes prévisible en raison de l'utilisation de satellites diffusant des chaînes en mode numérique, qui en diminue le coût.

M. Jean Cluzel, rapporteur spécial , a ensuite analysé les obstacles qui freinent le développement de la présence audiovisuelle française en Asie.

Outre la concurrence très efficace des opérateurs anglo-saxons, il a mentionné l'obstacle de la langue, la difficulté de conclure des accords bilatéraux et enfin, le contexte politique qui n'est pas toujours favorable à la diffusion directe de programmes.

Le rapporteur spécial a ensuite fait part de ses suggestions pour développer la présence audiovisuelle française en Asie. Il a souligné que les télévisions locales recherchaient un troisième fournisseur, en plus des Etats-Unis et du Japon et que la France devait saisir cette opportunité. Il a jugé indispensable que les chaînes françaises ou francophones soient présentes sur les bouquets numériques qui se constituent. Il a estimé nécessaire d'améliorer le contenu des programmes audiovisuels autant que de se préoccuper des "tuyaux" qui les diffuseront. A cet égard, il a suggéré d'utiliser trois vecteurs linguistiques selon la nature de l'émission, le français, l'anglais et la langue locale. Il a souhaité un renforcement de la cohérence de notre stratégie audiovisuelle, les opérateurs publics envoyant des représentants en Asie sans se concerter et ignorant la stratégie des autres acteurs publics.

M. Jean Cluzel, rapporteur spécial , a suggéré que l'offre audiovisuelle française soit mieux adaptée au marché international. Il a rappelé les handicaps des programmes audiovisuels et a proposé la création d'un module de journaux télévisés internationaux qui serait multidiffusé sur la chaîne francophone TV5 et la banque de programmes Canal France International (CFI ), en utilisant notamment les images réalisées par Euronews. En conclusion, il a estimé que les pouvoirs publics devaient accorder la plus grande attention au développement du secteur audiovisuel en Asie et que la France ne pouvant, sur le plan audiovisuel, être partout présente dans le monde, devait faire des choix et affirmer des priorités entre les différents marchés asiatiques.

Déclarant partager l'analyse du rapporteur sur l'insuffisance de la présence française en Asie, M. Christian Poncelet, président , a estimé que la tenue du sommet de la francophonie à Hanoï, en novembre 1997, pourrait donner à la France l'occasion de "rebondir"' dans cette région du monde qui connaît une forte croissance économique. Il a de même jugé qu'il était nécessaire de diffuser davantage de programmes en français mais a toutefois souligné la part de responsabilité des français lorsqu'ils utilisent l'anglais comme langue de travail à l'étranger.

M. Maurice Schumann a rappelé que le dernier rapport du Haut Conseil de la Francophonie avait relevé des progrès considérables de l'enseignement du français en Asie. Déclarant que la francophonie était inséparable du multilinguisme, il a considéré que l'avenir du français se jouerait sur les nouveaux vecteurs de diffusion et notamment dans l'espace interstellaire. A cet égard, il a rappelé que M. Gérard Théry, constatant que les langues européennes n'avaient pas leur place sur Internet, avait proposé de lancer un concurrent de ce réseau mondial, utilisant la technologie ATM et utilisant les langues européennes. Il a suggéré l'audition de M. Gérard Théry devant la commission.

M. Alain Lambert, rapporteur général , s'est interrogé sur l'articulation entre la stratégie audiovisuelle de l'Etat et celle des chaînes.

M. Jean Cluzel, rapporteur spécial , a rappelé que le rôle d'harmonisation de l'action des opérateurs audiovisuels TV5, CFI et Radio France Internationale, était dévolu au Conseil pour l'Audiovisuel Extérieur de la France. Il a estimé qu'il appartenait à l'Etat de hiérarchiser les priorités, de choisir des marchés et d'annoncer une stratégie claire. Il s'est félicité à cet égard de la création d'un holding regroupant TV5, CFI et RFI, dénommé Télé France International. Il a jugé que, dans le respect des priorités fixées par l'Etat, il appartenait aux chaînes chargées de l'action audiovisuelle extérieure de faire diffuser les programmes audiovisuels des chaînes publiques et privées françaises sur les chaînes hertziennes, les réseaux câblés et les bouquets numériques étrangers. Il a souhaité que cette mission soit complétée, à l'avenir, par la vente ou l'échange de programmes audiovisuels issus de la production indépendante, rappelant toutefois qu'il existait une différence de prix importante entre le marché français et le marché international.

Invité par M. Christian Poncelet, président , à donner des précisions sur ce point, M. Jean Cluzel, rapporteur spécial , a rappelé que la France produisait pour son seul marché national, alors que les programmes audiovisuels en provenance des Etats-Unis étaient déjà amortis sur le marché intérieur, et étaient financés par la publicité. Le prix de vente des programmes audiovisuels américains ne prend donc en compte que leurs frais de commercialisation. De surcroît, les chaînes locales asiatiques achètent des séries déjà largement diffusées sur le marché international à très bas prix, compte tenu de leurs faibles ressources, notamment en Chine.

M. Maurice Blin s'est interrogé sur les obstacles culturels aux exportations de programmes audiovisuels ou cinématographiques non américains. Rappelant que le cinéma était une invention technique française, il a noté que les Etats-Unis s'étaient appropriés culturellement la production cinématographique. Il s'est demandé pourquoi le cinéma à vocation universelle était quasi exclusivement d'origine américaine, alors qu'il s'agit d'un peuple au passé encore récent. Il a attribué cet état à la faculté pour les Etats-Unis d'assimiler les mythes étrangers, notamment européens, citant comme exemple le roman de Victor Hugo "Notre Dame de Paris", dont les studios Disney ont fait un dessin animé, et la maîtrise de la technique du mouvement par les producteurs américains.

La commission a alors décidé de faire publier cette communication sous la forme d'un rapport d'information.

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