INTRODUCTION PAR M. JEAN FRANÇOIS-PONCET,
PRÉSIDENT DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES

La mondialisation apparaît, aujourd'hui, à la plupart des observateurs, comme le principal défi auquel vont se trouver confrontés les grands pays industriels à l'horizon du XXI ème siècle.

Avec pour objectif d'assurer une information de qualité au Parlement sur ce sujet, la Commission des Affaires économiques a pris l'initiative d'organiser, à l'intention des membres du Sénat, une série d'auditions sur la globalisation de l'économie mondiale, les 4 et 5 février dernier.

Sous la présidence de M. René Monory, Président du Sénat, la commission a fait appel, pour en débattre, aux deux principales personnalités qui assument, au niveau mondial, la responsabilité d'orchestrer l'évolution de ce processus : pour le volet commercial de ce dossier, M. Renato Ruggiero, directeur général de l'Organisation Mondiale du Commerce, et pour son volet financier, M. Michel Camdessus, directeur général du Fonds monétaire international ; du côté français, elle a souhaité recueillir les points de vue d'un économiste, M. Jean-Paul Fitoussi, Président de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), ainsi que du président d'un grand groupe français, M. Jean-Marie Messier, président de la Compagnie Générale des Eaux.

Le débat ouvert par ces auditions s'inscrit dans le fil des préoccupations du Sénat et témoigne de l'attention de ses membres à la nouvelle donne de la concurrence mondiale. Pour la Commission des Affaires économiques, cette initiative fait suite aux travaux qu'elle a conduits, tout au long de l'Uruguay Round, les négociations du GATT ayant donné lieu, alors, à deux rapports d'information qu'elle a présentés successivement en 1992 et en 1994. L'attention de la commission à ce sujet s'est également traduite par un suivi attentif de la réglementation communautaire et par l'adoption de résolutions concernant notamment " les instruments de défense commerciale ", la contrefaçon et le devenir des marchés publics.

Les auditions consacrées à la mondialisation ont ainsi eu l'ambition de s'inscrire dans le double contexte de l'actualité internationale et de préoccupations sénatoriales plus pérennes.

Sur le plan international, un large débat auquel participent aussi bien les économistes, que les hommes politiques et les représentants du monde des affaires, s'est ouvert, ces derniers temps, sur ce thème. Le Forum annuel de Davos a récemment confirmé que celui-ci était au coeur de la réflexion des grands décideurs mondiaux.

La mondialisation n'est pourtant pas un phénomène nouveau. Elle correspond à un mouvement continu depuis l'origine de l'humanité. De plus en plus, en plus, les civilisations qui étaient enfermées dans leurs frontières se sont ouvertes. A partir du XVe siècle, les grandes découvertes, puis la formation des empires coloniaux ont conduit à des échanges toujours accrus.

Dans la période récente, l'intensification du processus, liée en particulier à la révolution des transports et au développement des nouvelles technologies de communication, a conduit à une prise de conscience à l'échelle planétaire, suscitant ici et là phobies et craintes irrationnelles.

Les civilisations repliées sur elles-mêmes ont fait place à l'interpénétration des cultures. Les obstacles géographiques et les barrières douanières se sont effacés avec l'ouverture progressive des économies.

Tandis que les uns voient dans cette libéralisation le moteur de la croissance mondiale et dans le développement des échanges et des investissements un facteur de progrès susceptible de faire reculer la pauvreté -en particulier dans les pays industrialisés- les autres font de la mondialisation l'une des principales causes du chômage, de la délocalisation des investissements et de l'accroissement des inégalités.

Il ne servirait à rien de savoir si le phénomène est bon ou mauvais en soi.

Il existe. Et rien ne l'arrêtera.

Il importe surtout de combler le déficit d'information et de compréhension dont il souffre dans notre pays et de déterminer par quelles mesures on peut s'y adapter, limiter les dangers qu'il recèle et mettre à profit les aspects positifs dont il est porteur.

Les personnalités entendues lors des auditions de la Commission des Affaires économiques ont permis de relativiser les craintes que suscite la mondialisation et ont conduit à deux grandes constatations.

Première constatation : la France dispose d'importants atouts dans le concert mondial.

Ainsi que l'a souligné le Directeur de l'OMC, la France, qui est une des toutes premières puissances exportatrices dans le monde et qui est dotée, entre autre, d'une économie agricole performante, a beaucoup à gagner d'une libéralisation des échanges.

Dans le domaine des investissements, notre pays doit poursuivre son effort. Ainsi que l'a fait ressortir une étude récente de la DATAR, les investissements étrangers en France ont permis de créer ou de sauver 22.800 emplois en 1996. Quant aux investissements de la France à l'étranger, ils sont les garants des échanges commerciaux de demain. Or, ils restent trop faibles et ne correspondent pas au poids économique réel de notre pays, parmi les grandes puissances industrielles.

D'une façon plus générale, il revient à la France d'avoir un comportement plus offensif que défensif, tout en veillant à ne pas laisser se développer une concurrence sauvage.

M. Ruggiero a fait observer qu'il n'y avait pas lieu de redouter, autant qu'on le fait, les importations en provenance des pays les moins développés, sachant par exemple que les exportations des 48 pays les plus pauvres ne représentent que 0,4 % des exportations mondiales.

Il convient aussi, a-t-il ajouté, d'avoir à l'esprit que la balance commerciale de l'Europe avec l'Asie est excédentaire, qu'elle talonne les Etats-Unis et devance le Japon.

Deuxième constatation : les intervenants ont tous souligné que l'Europe disposait, avec la monnaie unique, d'un atout important. L'Euro devrait nous aider à faire face aux menaces que la globalisation comporte, notamment dans le domaine financier.

A cet égard, les disciplines qu'impose le Fonds monétaire international à la sphère financière sont de nature à rassurer.

Ces éléments positifs ne signifient pas pour autant que nous devions baisser la garde face aux dangers d'une libéralisation sans contrôle et sans frein et que nous puissions négliger les conséquences que peuvent avoir nos fragilités, si nous n'y portons pas remède.

Il importe, en particulier, de prendre au sérieux le retard technologique que l'Europe est en train d'accumuler et qu'elle ne se cantonne pas dans les technologies moyennes, laissant le monopole des technologies de pointe aux Etats-Unis qui ont déjà pris une grande avance en la matière.

Pour gagner le pari de la mondialisation, il faudra faire preuve de lucidité, d'imagination et de volonté. A cet égard, les années à venir auront une importance stratégique.

Puissent les auditions, dont le présent rapport réunit les actes, aider à lever certaines inquiétudes, à éclairer la réflexion et à guider la décision.

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