Audition de M. Philippe Levaux,
Président de la Fédération nationale des travaux publics (19 février 1997)

M. Jean François-Poncet, président .- Nous accueillons le Président Philippe Levaux, Président directeur général de l'entreprise Levaux, mais aussi Président de la Fédération nationale des travaux publics et du syndicat professionnel des entrepreneurs de travaux publics de France et d'Outre-Mer et qui a, en dehors du fait qu'il est membre du Conseil économique et social, une autre qualité qui à l'égard de certains de nos amis, membres de la commission, l'emporte sur toutes les autres : il est maire de Lumigny, commune située en Seine-et-Marne dont le Président de l'Association des maires n'est autre que notre collègue Philippe François.

Je tenais à souligner ce fait. Etre Président de la Fédération des travaux publics n'est pas rien, mais être maire en Seine-et-Marne, c'est ce dont chacun d'entre nous rêve, sans avoir l'ombre d'une possibilité d'y parvenir !!...

Par conséquent, à toutes sortes d'égards vous êtes un personnage attendu. Nous vous écoutons parler de ce grand secteur des investissements routiers, de ce que vous en pensez. Dans quel sens va-t-on ? Est-ce que les choses se passent bien ? Ce n'est pas parce que le Directeur des routes est là que vous devez retenir vos vérités. Ayant siégé avec vous il y a peu de temps, j'ai eu le sentiment que vous avez une grande liberté de parole, et même d'écriture. Apportez-nous en une nouvelle fois la démonstration.

M. Philippe Levaux .- Messieurs les Présidents, Messieurs les Sénateurs, Mesdames et Messieurs, c'est un grand honneur de passer quelques minutes parmi vous pour vous parler de mon secteur. C'est également un honneur que le Président ait rappelé que je suis maire d'une commune qui subit la tutelle amicale et agréable de notre collègue Philippe François.

En même temps, j'ai appris ce qu'étaient des communes fusionnées, puisque j'ai fusionné ma commune de Lumigny avec deux autres communes en 1972, à la suite des propositions de M. Marcellin. Nous n'avons pas divorcé depuis et nous savons ce qu'est l'intercommunalité.

M. Philippe François .- Je me permets d'ajouter qu'au-delà de la particularité de notre ami Philippe Levaux d'être maire, il fait partie des meilleurs parmi les 514 maires de Seine-et-Marne.

M. Philippe Levaux .- Notre collègue Philippe François est arrivé le premier lorsque nous avons voté pour le renouvellement. Il a fait des jaloux parmi ses collègues.

Je rappelle que notre profession des travaux publics concernant le secteur en France comporte 5800 entreprises, puisque je ne parlerai que du marché intérieur, et que nous avons 230.000 collaborateurs qui travaillent en France. Nous avons réalisé en 1996 130 milliards de francs de chiffre d'affaires dont environ 40 % sont directement liés aux travaux routiers et voiries. Dans les consultations que vous lancez, messieurs les Sénateurs, dans nos départements, on ne fait pas toujours la liaison entre les canalisateurs et les routiers.

Prenons tout le secteur voirie et à ce moment-là c'est 50 % du chiffre d'affaires du marché intérieur. Ceci pour vous indiquer quel poids peut avoir ce secteur en ce qui concerne la branche travaux publics.

Nous projetterons l'activité TP sur le marché intérieur et vous pourrez constater qu'après des années d'embellie, nous sommes depuis quelques années en réduction progressive d'activité au niveau des travaux publics, dans lesquels entrent les travaux routiers.

Pour cette année 1995 c'est 139 milliards de francs et pour 1996 nous sommes encore en réduction de l'ordre de 7 %. Les travaux routiers sont en réduction de 10 %.

Comment se répartit notre clientèle de travaux routiers en 1995 ? A tout seigneur tout honneur : les maires sont nos premiers clients. Ensuite nous passons au secteur privé, puis nous glissons vers les Départements. Enfin cela se répartit entre les SEM autoroutières (4 %) et l'Etat (8 %). Il y a quand même lieu de souligner que dans le cadre des cofinancements Etat - Régions - collectivités locales, lorsque l'Etat se replie il y a un effet de levier extrêmement important.

Enfin, je reviens à la raison principale de mon audition : l'évolution du volume des travaux routiers. Vous constaterez qu'un peu comme l'ensemble du secteur des travaux publics, en 1991, nous avons atteint une pointe et que nous sommes en très forte réduction du volume des travaux routiers. Voilà pour le constat sur l'ensemble des activités du secteur travaux publics sur le marché intérieur.

Je vais décomposer cela en trois volets. Je ne parlerai pas des autoroutes, mais de l'Etat, des départements et des communes, car des personnes plus compétentes que moi ont dû parler du secteur autoroutier.

En ce qui concerne l'Etat, nous constatons que depuis trois ans les ressources du budget général ont diminué de plus de 9 %, alors que les crédits routiers en provenance du fonds pour l'aménagement de la Région Ile-de-France, la fameuse taxe sur les bureaux, et du fonds d'investissement pour les transports terrestres et les voies navigables (le fameux FITTVN) progressaient de 72 %.

Il est extrêmement important de constater qu'en effet il y a un désengagement de l'Etat. En 1985, pour les travaux routiers, 56 % étaient financés par l'Etat, tandis qu'en 1997 nous constatons au travers du réseau routier national qu'il n'y a plus que 48 %.

S'agissant des ressources extrabudgétaires en provenance de comptes d'affectation spéciale qui complètent les crédits de l'État, je ne ferai pas l'historique, avec le fameux fonds spécial de grands travaux car cela nous mènerait trop loin, mais j'indiquerai que dans la période 1990-1994 où seul le fonds pour l'aménagement de la région Ile-de-France existait, on a démarré avec des crédits routiers de l'ordre de 150 à 200 millions de francs par an. Depuis 1995, année de création du FITTVN, l'ensemble des crédits routiers extrabudgétaires (FARIF + FITTVN) progresse régulièrement. Ces crédits étaient de 1,2 milliards en 1995 et devraient s'établir à 2,1 milliards en 1997.

Quant aux fonds de concours en provenance des collectivités locales et de Bruxelles, ils ont progressé régulièrement jusqu'en 1991. Ils ont atteint 6,8 milliards de francs avant d'amorcer une baisse régulière pour atteindre à l'heure actuelle 5,8 milliards de francs.

Les moyens d'engagement pour 1997 devraient se décomposer en 5,3 milliards de francs pour l'investissement routier travaux neufs et 3 milliards de francs pour l'entretien. Mais ces crédits sont en baisse, respectivement de 8,6 % pour les travaux neufs et de 5,7 % pour les travaux d'entretien.

Avec les 3 milliards consacrés actuellement à la politique d'entretien et de sécurité, nous sommes très loin des montants investis dans les années 1985 à 1988, puisqu'à cette époque ils atteignaient environ 4 milliards de francs.

Je tiens à souligner dans ce domaine qu'il est très préoccupant de savoir que pour notre patrimoine, des efforts nettement moins importants sont réalisés pour les travaux d'entretien. Nous avons eu peu d'hivers douloureux, quoique au début du mois de janvier nous en ayons subi un. De ce côté-là, en ce qui concerne la voirie nationale, nous pourrions avoir de mauvaises surprises.

Enfin, tant au niveau de la sécurité qu'au niveau de l'emploi, les travaux d'entretien routiers sont bien plus riches en emplois que les travaux neufs.

En ce qui concerne les départements, je suis très méfiant. Vous connaissez tous mieux que moi les problèmes départementaux. Les quelques chiffres que je vais vous donner sont tirés des comptes administratifs.

Il y a lieu de constater que depuis la décentralisation, il y a eu un transfert de fiscalité indirecte. Tout cela a eu pour effet, entre les vignettes et les droits de mutation pour les départements, les cartes grises pour les Régions, de modifier la donne en ce qui concerne les crédits budgétaires.

On constate que les ressources n'ont pas suivi les dépenses liées au transfert de compétences et qu'au niveau des départements, des conseils généraux, cela a eu une relation directe avec la baisse de leurs investissements.

En ce qui concerne l'évolution des montants consacrés à la voirie par les départements, de 1990 à 1996, les travaux d'entretien sont là aussi -et c'est tout à fait regrettable- en diminution, et les investissements qui étaient au plus bas dans les années 1993-1994 remontent légèrement en ce qui concerne les départements.

L'année 1996 a été marquée par une hausse des dépenses sociales dans nos départements liée aux problèmes du chômage que nous connaissons dans les divers lieux où nous intervenons. Cela a eu pour conséquence des dérapages de dépenses au niveau social et dans les départements, soit un maintien du budget d'investissement, notamment le budget d'investissement consacré à la voirie, soit une baisse.

Il y a un phénomène pour lequel nous sommes en train d'effectuer, avant d'avoir les comptes administratifs, une étude à travers toutes nos fédérations départementales et régionales : en ce qui concerne les dotations faites aux communes pour les travaux de voirie, il semblerait que les communes n'aient pas demandé les versements de ces subventions. De ce fait, cela a fortement réduit les travaux d'investissements consacrés à la voirie par les communes. Celles-ci en général obtiennent pratiquement toutes de leur Conseil général une participation plus ou moins importante selon les départements aux travaux qu'elles engagent.

Les chiffres sont les suivants : depuis 1991, dans le cadre de l'investissement consacré à la voirie, nous notons une chute très progressive. Si nous prenons 1991 comme année de référence, en 1992 nous obtenons - 0,4 %, en 1993 - 4,9 %, en 1994 un effort avait été fait et la santé économique du pays était peut-être moins mauvaise qu'à l'heure actuelle avec - 0,1 %, en 1995 nous notons une chute de 8,7 %. En 1996 c'est la descente aux enfers, puisque nous sommes à - 11,8 %. En ce qui concerne les investissements consacrés par les communes pour les travaux de voirie, ce sont des chiffres nationaux.

Certains départements sont exemplaires et n'ont pas les mêmes ratios.

Voici Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs, les quelques informations que j'ai pu vous donner très brièvement. Je suis prêt à répondre aux questions des membres de votre commission et de vous-mêmes.

M. le Président .- Vous avez laissé de côté les autoroutes. Vous avez eu raison de dire que nous en avons plus qu'abondamment parlé avant que vous n'arriviez. Je comprends qu'une société comme la vôtre ne participe pas à la construction des autoroutes.

M. Philippe Levaux .- Je n'ai pas l'habitude, dans des problèmes concernant ma profession, de parler de ma propre entreprise, mais puisque vous me posez la question je peux indiquer que je suis implanté depuis 40 ans. Je n'étais donc pas encore aux affaires en Provence Côte d'Azur. J'ai des chantiers très régulièrement avec la Société d'autoroute de l'Esterel qui continue à investir pour remodeler son réseau, faire une troisième voie, restaurer certaines gares de péages, etc...

L'activité qui est donnée par les Sociétés d'économie mixte est très importante et dans les déclarations que j'ai pu faire, en tant que Président de la Fédération des travaux publics, j'ai toujours dit que sur le marché intérieur, le seul secteur qui n'enregistre pas de chute d'activité est celui des travaux liés aux travaux autoroutiers, puisque grâce à l'action du ministre concerné, de monsieur le Directeur des routes, et de beaucoup de personnalités, le FDES n'a jamais autorisé les sociétés d'autoroutes à consentir des emprunts aussi importants que ce qu'ils doivent avoir.

Nous devons en être à l'heure actuelle près de 22 milliards de francs. Je me souviens du temps de M. Michel Delebarre ou de celui de Bernard Bosson où nous étions en dessous des 20 milliards de francs.

Mme Anne Heinis .- Toutes ces courbes montrent une progression assez lente, mais régulière jusque vers 1991 et tout s'effondre à partir de là. Je suppose qu'il y a plusieurs explications. Quelles sont les vôtres ? Il est très inquiétant de voir en 1997 que depuis six ans, la chute est générale et a tendance à s'accélérer dans tous les domaines.

Je n'ai pas très bien compris si l'on observait le même phénomène pour les autoroutes ou pas, ou si au contraire les autoroutes semblent avoir progressé considérablement. Y a-t-il un lien entre les deux ou pas ?

M. Philippe Levaux .- Les ressources ne sont pas du tout les mêmes. Pour ce qui concerne les autoroutes -je ne parle pas des autoroutes financées à 100 % par l'Etat sur quelques dizaines de kilomètres, je parle des sociétés d'économie mixte du temps où M. Bérégovoy ou Mme Cresson était Premier ministre, on a réalisé de l'ordre de 100 à 150 km d 'autoroute par an. Il se trouve que dans le cadre de l'aménagement du territoire, et également du développement économique lié à cet aménagement, le fameux schéma autoroutier établi par M. Méhaignerie en 1987 prévoyait de réaliser 300 km d'autoroutes par an.

Après 1988, les gouvernements de l'époque ont décidé que ce serait fait sur 15 ans, ce qui a eu pour effet de ralentir à 110 ou 130 kilomètres le lancement des projets autoroutiers.

M. Bérégovoy d'une part et M. Balladur ensuite, et maintenant notre Premier ministre actuel ont poussé de façon à garder le rythme qui avait été à nouveau mis en place, de réaliser l'ensemble du schéma autoroutier, c'est-à-dire à peu près 300 km par an pour faire les 3000 km du schéma directeur en 10 ans.

Voilà où nous en sommes. C'est ce qui vous explique pourquoi Bercy a été obligé, sous la pression des politiques, d'accorder des autorisations pour que le FDES puisse s'ouvrir. Voilà les raisons pour lesquelles il y a une accélération du programme autoroutier.

Pour l'autre volet, je crois qu'au niveau des départements, mais surtout au niveau de l'Etat, les charges de fonctionnement ont été telles qu'il a fallu prélever sur des ressources que l'on aurait pu mettre sur l'investissement. Ces prélèvements ont servi à financer le fonctionnement et il est plus facile de réduire l'investissement que de réduire le fonctionnement. Ce sont nos entreprises et les habitants de ce pays qui voient moins de réalisations d'équipement, dans l'ensemble, plutôt qu'une réduction des effectifs ou une réduction des prestations sociales.

Quand on allonge les contrats de plan de 5 à 7 ans, cela " tousse " un peu, et puis finalement cela passe.

M. Philippe François .- Le Président Levaux a fait allusion à un point qui me paraît très important à propos des voiries communales. Il nous a dit qu'une grande partie des subventions accordées par l'Etat, les départements et les régions n'étaient pas appelées par les communes. Nous avons eu l'occasion de constater en Seine-et-Marne, département que nous connaissons bien tous les deux, qu'une somme gigantesque n'a jamais été appelée par les communes.

Il serait intéressant de dresser un inventaire de cette contre disposition pour inviter nos élus locaux -et ici au Sénat nous sommes mieux placés que quiconque pour ce type de démarche- à au moins utiliser ce qu'on leur accorde, plutôt que de se plaindre de ce qu'ils ne prennent pas.

M. le Président .- Je ne me souviens pas, si cela existe en Seine-et-Marne, mais ailleurs...

M. Fernand Tardy .- Je ne comprends pas très bien la question posée par notre collègue François. Cela dépend des systèmes. Les conseils généraux ne fonctionnent pas tous de la même façon. Chez moi, cela se fait par canton. Le conseiller général dispose d'une somme suivant son canton et je vous assure que cette somme est investie totalement. Les maires trouvent bien entendu que c'est insuffisant. Alors vous m'étonnez beaucoup quand vous dites que les maires n'appellent pas ces sommes. C'est peut-être un manque d'information.

M. Philippe François .- Il y a une carence quelque part.

M. Fernand Tardy .- J'aimerais que nos collègues des autres départements disent comment cela se passe chez eux. Chez nous il n'y a aucun problème.

M. le Président .- La Seine-et-Marne étant un département très riche, toutes les routes sont en parfait état.

M. François Gerbaud .- Les conseillers généraux ont fait dans les départements ruraux ou à vocation rurale très évidente, des efforts considérables et à la mesure de leurs faibles moyens.

Nous avons été pénalisés par deux choses.

La première a été la loi Marcellin qui nous a confié l'option d'achat des routes départementales dites secondaires. Effectivement, les financements d'accompagnement n'ont duré que l'instant d'un printemps.

Deuxième point : les dépenses d'aide sociale sont dans les départements d'une telle lourdeur qu'elles nous amènent à diminuer nos investissements routiers.

Je voudrais insister sur un point : pour les entreprises en général, il semble qu'à l'heure actuelle il y ait un certain gitanisme dans les offres de marché et je voudrais connaître votre sentiment sur l'approche qui se fait en matière d'adjudication routière du code des marchés publics. Comment envisagez-vous de répondre à une mobilisation plus importante des flux d'argent qui vont résulter des contrats de plan futurs, dans un schéma dont M. le Directeur des routes a bien voulu évoquer à la fois la flexibilité et l'ambition ?

M. Philippe Levaux .- Qu'entendez-vous par gitanisme adapté à la dévolution des marchés ?

M. François Gerbaud .- Nous allons assister à l'irruption sur le marché national, par le jeu des adjudications européennes, de concurrences qui ne sont pas nécessairement compatibles avec nos possibilités nationales. Non pas que je veuille faire un particularisme exacerbé, mais vos entreprises, et en particulier celle que vous dirigez, sont des éléments essentiels dans l'économie.

M. Philippe Levaux .- Il n'y a obligation de faire la publicité européenne qu'au-dessus de 6 millions d'écus, ce qui grosso modo représente 135 MF. La majorité de nos petites et moyennes entreprises (sur les 5800 entreprises, environ 5000 sont des petites et moyennes traitant des travaux en-dessous de 36 MF) ne seront pas visées dans cette affaire, pour peu que les maîtres de l'ouvrage, bien qu'étant européens, aient un esprit aussi chauvin que nos collègues espagnols, italiens, belges ou allemands qui font en sorte que, sauf pour quelques entreprises frontalières (je pense notamment à des Alsaciens et à des Lorrains) on ne puisse jamais aller travailler de l'autre côté quand il s'agit de travaux en-dessous du plancher européen.

J'encourage donc tous les politiques à avoir la même façon de concevoir le problème, sauf quand il s'agit naturellement de travaux avec des techniques de pointe pour lesquels on a besoin de faire appel à un spécialiste qui soit aussi bien d'un côté ou de l'autre des frontières. Voilà comment au niveau du gitanisme on peut faire en sorte de préserver le tissu économique local des moyennes et des petites entreprises.

Il n'y a pas que le département de Seine-et-Marne qui constate qu'il n'a pas mandaté au 31 décembre le montant de ce qui était dans son budget prévisionnel pour les communes. J'en veux pour preuve le département de l'Hérault qui pour plus d'un tiers n'a pas mandaté ce qui avait été prévu.

Si, au niveau de certains cantons, des conseillers généraux sont extrêmement dynamiques, par contre dans d'autres cantons, au niveau d'autres départements, il y a beaucoup de systèmes de blocage, de recours, de gens qui posent problème aux élus de façon très variée.

Le Président a dit que j'avais un discours très direct. Je constate que même si vous voulez réaliser vos projets, systématiquement on vous empoisonne la vie et vous prenez des mois de retard. Si jamais vous décidez de passer outre, à ce moment-là, il y a un refus au niveau du contrôle de légalité. Jamais à ce niveau les gens n'ont été aussi tatillons, compte tenu malheureusement des affaires pour lesquelles quelques hauts fonctionnaires sont passés devant la justice. Maintenant, on se heurte à une grève du zèle systématique.

S'il y a des départements où tout se passe bien, pour d'autres cela n'avance pas. C'est un phénomène qui existe et qui fait que les travaux ne s'exécutent pas.

M. François Gerbaud .- Dans la perspective de vos ingénieurs, quelle est la possibilité de baisser les coûts de rénovation des routes par des procédés nouveaux, ce qui permettrait autant d'investissements supplémentaires ? Je pense à des routes départementales, à des grattages, à des réutilisations de voiries....

M. Philippe Levaux .- Juste après moi doit intervenir le Président de la Colas qui est la première entreprise mondiale, à la pointe de la technique. Il pourra mieux répondre à cette question. Je ne suis pas " routier ", je suis plutôt " bétonnier ".

M. le Président .- A propos, de ce que vous avez dit des difficultés que l'on rencontre sur les travaux routiers, nous avons naturellement tous beaucoup d'exemples à l'esprit, mais je les vois rarement au niveau des communes.

Il y a peut-être des communes urbaines au niveau desquelles on peut les trouver, mais sinon la plupart de nos communes rurales ne créent plus de routes ; elles entretiennent plus ou moins bien un patrimoine existant.

Par conséquent, le problème que vous posez n'explique pas à mon avis la non-consommation au niveau des communes. Celles-ci se plaignent toutes parce qu'elles n'ont pas assez de subventions.

Encore faut-il savoir quelle est l'importance de la subvention. Elle est relativement minime pour la voirie communale, parce que le Conseil Général utilise l'essentiel de son argent sur la voirie départementale. Sur celle-ci, on peut trouver des problèmes, encore que là aussi je ne connais pas beaucoup de départements qui créent des routes nouvelles. Il y a des déviations, mais pour le reste nous avons déjà du mal à entretenir la voirie existante. J'entendais ce matin qu'il fallait consacrer 1 % des crédits à l'entretien. La plupart des départements y consacrent davantage et n'y parviennent pas.

Dans mon département on a fait faire par le CETE de Bordeaux une étude. On est arrivé à la conclusion qu'il fallait y repasser tous les trente ans pour maintenir à peu près dans l'état la voirie, et que si on ne le faisait pas il y avait une dégradation qui entretenait des effets boule de neige.

M. Philippe François .- Justement, il faut essayer de mettre l'accent sur le fait que la part de subvention de l'Etat, de la Région et du Département diminuant, la charge pour la commune devient insupportable et par conséquent elle ne fait pas suffisamment appel aux crédits qui lui sont accordés. C'est extrêmement important car l'effet est à contre-pied et exponentiel. Un peu de diminution de la part des pouvoirs publics fait une diminution très importante de la part d'investissement.

On va très mal comme cela. Il faut augmenter le taux ou le maintenir.

M. Bernard Hugo .- J'ai entendu avec intérêt qu'un certain nombre de départements n'avaient pas réussi à dépenser dans une année les crédits qu'ils avaient réservés pour la voirie communale. Cela prouve qu'ils avaient de l'argent pour cela, à tort ou à raison.

Deuxième remarque : c'est que dans une commune la population en général distingue mal la voirie communale de la voirie départementale, au point que j'ai été obligé de faire inscrire au-dessous des plaques portant le nom des rues la mention de la qualité de cette voirie : nationale, communale ou départementale.

Ne pourrait-on -c'est une idée un peu en l'air- dans certains cas ne pas transférer tout simplement quelques voies communales au département, lequel pourrait dépenser convenablement l'argent dont il disposerait, ce qui rendrait service à tout le monde ? D'autant plus si l'on sait que c'est grâce au conseiller général du canton que cette voie a été remise en état, bien que devenue départementale, ce dont les habitants ne se préoccupent pas... on a bien fait l'opération en sens inverse, en transférant de la voirie nationale à la voirie départementale dans des conditions pas très convenables.

Je crois me souvenir que les Hauts-de-Seine ont été l'un des derniers départements de France à accepter ce transfert.

De temps en temps, est-ce qu'un département ne pourrait pas prendre dans telle ou telle une commune une voirie appropriée ? Si l'on n'est pas juriste, on ne peut distinguer dans certains cas une voie départementale d'une voie communale. N'y a-t-il pas là une espèce de piste qui permettrait au département de dépenser cet argent ?

M. Philippe François .- C'est une question pertinente.

M. le Président .- Saint-Jean Bouche d'Or n'aurait pas mieux parlé que vous. Nous savons bien comment les départements réagissent. A partir du moment où vous mettez sur une plaque " voirie départementale " et où cette voirie n'est pas en bon état, vous savez bien qui on va " flinguer ".

Cela arrive dans certains cas rarissimes, quand vraiment une voirie communale permet de rejoindre deux voiries départementales.

M. Bernard Hugo .- Il y a le cas inverse. J'ai repris une rue qui était, pour des raisons absolument inconnues, départementale et j'en ai fait une voie communale. Ce qui peut être fait dans un sens peut être fait dans l'autre.

M. le Président .- Nous pourrions peut-être proposer à M. Leyrit de reprendre quelques voiries nationales qu'il a repassées au département. J'en ai plusieurs à lui proposer.

M. Jean Peyrafitte .- En Haute-Garonne on appelle cela le pool routier et il y a eu des transferts de voies communales en départementales. Dans la plupart des cas, cela a été réglé.

Par ailleurs, vous avez évoqué un rapport que vous aviez fait à Bordeaux concernant les 30 ans. Je ne suis pas du tout d'accord avec vous. Cela dépend des situations géographiques. Par exemple, dans les montagnes ce n'est pas 30 ans. Dix ans c'est bien beau.

M. le Président .- Je vous parlais de moyens. Bien entendu il y a le gel et les terrains qui s'affaissent. Mais c'est autre chose.

M. Philippe Levaux .- En conclusion, je voudrais souligner que pour nos entreprises sur le terrain, nous avons eu quelquefois des problèmes avec le parc des Ponts et chaussées. Je me permets de dire aux élus qu'il faut veiller de très près à ce qu'il y ait une concurrence saine entre les entreprises installées localement et le parc des Ponts et chaussées.

Par ailleurs, sans peut-être atteindre le libéralisme de nos voisins britanniques, je pense que les entreprises privées sont susceptibles de faire nombre de tâches qui sont réalisées par les Ponts et chaussées avec des moyens peut-être un peu plus modernes, puisque les entreprises, en d'autres périodes, peuvent effectuer certains travaux.

Je me permets donc d'attirer votre attention car il y a eu certains cas qui, grâce à la sagesse des uns et des autres, n'ont pas eu à être réglés devant le tribunal puisque ce n'est pas la façon de procéder.

S'agissant d'un message global, j'ai dit au Premier ministre, lorsqu'il a clôturé nos Assises de l'équipement public à la Maison de la Chimie au mois d'octobre 1996, que c'était une erreur de faire passer le message suivant, notamment à l'association des maires, que partout l'Etat doit être exemplaire et réduire les dépenses publiques ; à tort, les communes ont repris ce discours et de fait tous les maires -et 40 % d'entre eux ont changé au cours de l'été 1995- ont reçu ce message nouveau : " Messieurs, réduisez la dépense publique, il n'y a que comme cela que vous serez exemplaire ".

Finalement, un certain nombre de maires, avec leur équipe municipale, qui contrairement à ce que l'on peut dire pour les communes de moins de 10.000 habitants sont peu endettés par habitant, ont décidé que pour être un bon gestionnaire il ne fallait surtout plus dépenser.

C'est ainsi que vous constatez, Messieurs les élus, en 1995 et 1996, une chute d'activité de l'ordre de 9 % et 12 % pour les communes et que le message n'a pas été bien passé. M. Juppé lui-même a dit qu'il allait redresser la barre, mais j'attends toujours qu'il encourage les maires des communes de moins de 10.000 habitants à investir.

Je rappelle que 1 MF de travaux ce sont trois emplois installés au niveau local. Quand il s'agit de petites affaires de 1 ou 2 MF, tout cela se traite avec des structures implantées localement. Pour les grands chantiers, de temps en temps des équipes se déplacent.

Mon message sera donc le suivant : nos communes en-dessous de 10.000 habitants sont peu endettées en général et sont susceptibles de lancer des petits programmes. Cela peut correspondre à des emplois. Pour ma part, je préfère voir des emplois actifs avec des fonds publics plutôt que de voir ces gens indemnisés dans les structures au niveau du département.

Enfin, au niveau des banquiers, je me permets de dire qu'il a été proposé d'utiliser une partie des CODEVI, en accord avec le Premier ministre, pour faire des prêts aux communes, mais les banquiers ne jouent pas le jeu. Pour les prêts à 15 ans à taux fixe, systématiquement, au niveau des communes de moins de 10.000 habitants, les taux sont voisins de 6 % et c'est tout à fait scandaleux. On pourrait avoir des taux voisins de 5 % à partir du moment où on limite les frais et que l'on prend des communes qui n'ont pas de risque.

Cela dit, si on disait aux Maires de profiter de taux à 5 % pour investir, on pourrait peut-être faire repartir la machine au cours de l'année 1997 ou de l'année 1998. C'est le dernier appel que je fais auprès de vous, Messieurs, qui êtes pour la plupart Maires. Les communes génèrent entre 25 et 30 % de l'activité Travaux publics et cela peut même atteindre 50 % dans certaines régions comme en Auvergne alors même que notre patrimoine en France a besoin d'être entretenu, surtout au niveau de la voierie communale.

Audition de M. Alain Dupont
Président de l'Union routière internationale (19 février 1997)

M. Jean François-Poncet, président .- M. Alain Dupont est Président de l'entreprise Colas dont on vient de nous dire qu'elle était la plus grande entreprise de construction d'infrastructures routières du monde. Il est également administrateur de la Fédération nationale des travaux publics et Président de l'International Route Federation.

M. Alain Dupont .- Je parle aujourd'hui en tant que Président de l'IRF qui a eu pour Président le Sénateur Jean Clouet bien avant moi, pendant de longues années. Le rôle de l'IRF est de tracer des routes où s'en aillent les gens de toutes races.

N'est-il pas vrai que sans la route, l'humanité n'aurait probablement fait que piétiner ?

Je voudrais vous parler du réseau européen, qui est important et diversifié, et vous donner un certain nombre de tendances mondiales en ce qui concerne les évolutions de la route.

D'une façon générale, on peut constater un peu partout dans le monde la montée rapide de la demande des usagers, et c'est un fait massif et irréversible. En longue période, la croissance de la demande de transports routiers a constamment dépassé celle du réseau routier, surtout pour les voies autoroutières et voies rapides dont vous a certainement parlé le Directeur des routes.

Si nous partons de l'année 1970, la demande totale, tous modes confondus, de transports terrestres sur toute l'Europe aura doublé d'ici à l'an 2000, passant de 900 milliards de tonnes/km à près de 1800 milliards de tonnes/km pour les marchandises et de 2100 à 4800 milliards de voyageurs au km pour les passagers.

En l'an 2000, la route assurera environ 80 % du transport des marchandises, 90 % en ce qui concerne les passagers.

Nos pronostics sont que de 1990 à l'an 2000 la seule croissance de cette demande routière, qui sera d'environ 35 %, aura représenté plus de deux fois la capacité du réseau ferroviaire européen.

Tous les discours tenus sur le multimodal -et Dieu sait s'il est nécessaire qu'ils soient tenus- et tout l'argent qui sera investi dans le transport combiné ne pourront rien y faire.

Tous les dirigeants des Compagnies de chemin de fer européens le savent pertinemment et le démontreront, s'ils le souhaitent, mieux que moi.

A tout cela s'ajoute un phénomène politique, culturel et social de première importance qui est la mobilité individuelle, tant privée que professionnelle, découverte par toute l'Europe de l'Est. La chute de l'empire soviétique et la privatisation rapide des économies ont entraîné une ruée générale sur l'automobile, une multiplication très forte des entreprises de camionnage et une croissance que je souhaite de plus en plus grande dans notre pays des échanges Est-Ouest ou Ouest-Est, en contrepoint d'un déclin important du transport collectif.

On peut le regretter ou s'en réjouir, mais les faits sont là.

Je donnerai simplement deux exemples : en 1994 le ministre tchèque des transports, pourtant très favorable au chemin de fer, signalait que le nombre de camions qui traversaient la frontière tchéco-allemande avait été multiplié par 5 depuis 1988. Et plus généralement, les experts allemands de toutes tendances ont annoncé une multiplication par 8 à 10 du transport routier entre l'Allemagne et la Pologne. Les files interminables de poids-lourds et de voitures aux frontières orientales en témoignent.

Il y a donc un problème européen, massif et urgent, d'adaptation du réseau routier. Nos amis allemands ont axé toutes leurs orientations d'investissement sur tout l'axe Europe centrale et URSS.

Je crois réellement que si nous n'arrivons pas à recréer ce couloir à l'Ouest de la France, de façon à pouvoir prendre une bonne partie du trafic qui vient depuis le Nord du Bénélux, d'une façon imagée si nous n'arrivons pas à faire la route des cap -du cap Nord jusqu'au cap de Bonne espérance- en passant par tout l'Ouest de la France, une quantité de flux continuera de passer par le sillon rhodanien. Je ne vous apprends rien, vous connaissez cette tendance.

Voilà pourquoi l'IRF a créé ce que l'on appelle un schéma directeur que nous avons proposé à toute l'Europe, qui consiste à reprendre et à recréer tout un réseau autoroutier. Celui-ci est maintenant parfaitement accepté par la totalité des décideurs de l'Europe. Il ne restera donc plus qu'à mettre en oeuvre les financements.

C'est là où la France ainsi que l'Europe ont leur mot à dire.

L'IRF prône la mise en place rapide de cela.

Une autre tendance à souligner, qui est actuellement très importante, et que l'on remarque sur l'ensemble des pays, est une évolution majeure : en Amérique du Nord, en Angleterre, en Irlande, mais aussi en république Tchèque et en Pologne, de plus en plus de compagnies obtiennent des contrats d'entretien de routes pour une durée de cinq à dix ans. C'est ainsi que les sociétés que ma compagnie achète actuellement, aussi bien en Pologne qu'en République Tchèque, sont d'anciens parcs de l'Equipement privatisés.

De la même façon, en Alberta nous venons d'obtenir 2000 km d'entretien de routes, avec création d'une joint-venture sur laquelle vient l'ensemble du personnel qui avait auparavant la charge de cet entretien.

On voit donc que la privatisation des entretiens de route est commencée dans de nombreux pays. Il est vrai que mettre aux " intempéries " les ouvriers des compagnies privées, laisser dormir les matériels dans les dépôts, alors que les agents de la voirie travaillent et que le matériel des entreprises privées ne travaille pas ne semble pas être économiquement la chose la plus rentable.

En ce qui concerne ce fameux lobby routier dont on parle de façon permanente comme s'il était absolument extraordinaire, je constate simplement que le lobby routier de l'IRF qui défend les routes à travers le monde est composé de 25 personnes : 24 permanents et moi-même. A la Direction de la communication de la SNCF, ils ne sont pas loin de 70. Tout cela pour dire que je ne sais pas très bien où est le lobby routier.

J'ai déposé un rapport plus complet qui parle des externalités générées par le réseau autoroutier.

M. le Président .- Je vous remercie. Je propose de passer aux questions.

M. François Gerbaud .- Ne soyez pas offensé du mot lobby qui est intervenu dans certaines discussions s'agissant des chemins de fer. Dans l'énorme besoin que vous venez d'exprimer, vous semblez dresser une sorte de conflit entre le rail et la route. Comment, dans l'intérêt de tous, peut-on arriver à cette complémentarité nécessaire, dans la mesure où les besoins routiers sont si considérables et les financements si compliqués ?

Ma deuxième question a trait à une technique : nous avons préalablement, avec M. Levaux, évoqué sur les graphiques qui nous furent projetés la diminution des investissements en matière de route et en particulier les faiblesses d'investissements des collectivités locales, ce qui a ouvert un débat.

Il y a deux solutions : soit on fait avec ce que l'on a et il faut que ce soit moins cher... Quelles sont les technologies modernes auxquelles votre société a recours qui permettent d'abaisser singulièrement les coûts de rénovation des routes sur ce fameux réseau départemental que chacun des départements a acceptés à la suite de la loi de M. Marcellin et qui constituent, dans les difficultés financières des départements, un poids considérable ?

Par ailleurs, je vous rejoins pleinement sur les grands axes qui vont nous reconnecter avec l'Allemagne. Il y a un point sur lequel je me permets de vous dire que je ne suis pas complètement en harmonie avec vous, quelque amitié qui nous lie l'un à l'autre. Quand vous dites que les Allemands ont privilégié la route, l'exemple précis de la révolution qu'il viennent de faire dans la Deutsch bahn semble indiquer qu'ils ont un certain sens de la complémentarité.

M. Alain Dupont .- Loin de moi l'idée d'opposer, mais actuellement beaucoup plus d'argent est investi sur le rail que sur la route. C'est tout ce que je fais ressortir. Je ne vais pas contester le transport sur eau. Il a existé avant que le rail ne vienne. Puis le rail est venu, puis la route est venue. Nous sommes dans une évolution tout à fait logique et il faut harmoniser ces trois modes de transports.

Mais 80 % du transport se fera toujours par route pour plusieurs raisons dont certaines économiques. De toutes les façons, la production n'a pas intérêt à être stockée, ni sur une péniche ni sur un wagon de chemin de fer. Quand elle est stockée sur la route, elle ne coûte rien. Quand elle est stockée dans un wagon ou dans une péniche, elle coûte.

D'autre part toutes les recherches en cours actuellement se rapportent à des gains de productivité. Ceux-ci passent par des stocks qui sont complètement réduits. Nous voulons absolument travailler à flux tendu. Plus nous travaillerons à flux tendu, moins nous pourrons être amenés à accepter des ruptures de charge.

Ceci ne veut pas du tout dire que tout ce qui est pondéreux, à faible valeur ajoutée, ne passera pas soit par le rail, soit par la voie d'eau ou par le transport maritime. Je crois aussi que vous pourrez mettre un stockage sur route nettement supérieur à celui que vous pourrez mettre sur une ligne de chemin de fer.

M. Philippe François .- En réalité, on se rend bien compte qu'il y a une difficulté majeure intégrée au problème de l'aménagement du territoire. Lorsque l'on fait une autoroute avec une prévision de rentabilité négative, on tarde dans le temps. Peut-il exister des moyens de financement indirects ? Vous avez dit à propos des pays de l'Est une chose très importante à notre sens : la reprise des réseaux d'état d'entretien.

N'y a-t-il pas des moyens de donner aux collectivités locales de quelque nature que ce soit, à travers ce que vous représentez, la possibilité d'aider à l'investissement par des relais bancaires, faisant ainsi en sorte que les banques qui ne jouent pas complètement le jeu pourraient le jouer par votre intermédiaire ?

M. Alain Dupont .- A travers les METP, il y a quelques exemples. D'ailleurs le Président du Sénat a défendu un METP. Il a simplement sollicité le Crédit Agricole pour que celui-ci intervienne et fasse en sorte que les taux ne soient pas trop élevés.

Nous sommes tout à fait à même de proposer toutes sortes de solutions de ce type. Mais il ne faut pas oublier que l'on se superpose chaque fois aux services de l'Etat et que vous aurez toujours cette dualité entre ce que proposent les services de l'Etat, ce que proposent les parcs départementaux qui disposent d'hommes, de matériel, que finalement vous êtes obligés de faire travailler, ne serait-ce que pour avoir une plus grande rentabilité. Comme vous les faites travailler, il y aura moins d'investissements pour nous-mêmes. Vous même avez la possibilité de réguler cela, et je ne l'ai pas.

M. le Président .- Je serai tenté de faire une observation sur le rapport entre les parcs et le secteur privé ; c'est un problème qu'à ma connaissance tout Conseil général se pose. Pourquoi les parcs n'ont-ils pas complètement disparu ? Non parce qu'on les juge efficaces, mais parce qu'on a le sentiment, peut-être à tort, qu'il pourrait y avoir entre les entreprises privées des accords que l'existence même d'un parc rend plus hasardeux.

A partir du moment où l'on ne dispose d'aucun moyen d'agir par soi-même, on est entre les mains d'un éventuel cartel entre entreprises. Je sais que cela n'existe pas, mais cela existe dans la tête d'un certain nombre d'élus.

M. Alain Dupont .- Vous avez raison de souligner ce problème. La Société, d'une façon générale, n'a jamais su fonctionner sans accords, à quelque niveau que ce soit.

Je n'ai pas le sentiment qu'il y ait énormément de groupes de travaux publics qui aient gagné beaucoup d'argent. Il y a peut-être eu, au niveau de la promotion immobilière, plus de gains, mais actuellement, si nous arrivons à avoir des profits raisonnables, c'est en grande partie par nos travaux internationaux, et certainement pas par la baisse d'activité en France.

Actuellement, les parcs ne subissent pas de diminution d'effectifs comme nous en subissons. Or si l'industrie routière a perdu l'année dernière 10 % d'activité, nous avons fait partir 10 % de personnels, alors que les parcs sont toujours à peu près les mêmes. Actuellement, en France, près de 70.000 personnes travaillent pour l'industrie routière et près de 8.000 personnes travaillent pour les parcs. Ceux-ci ont des usines d'émulsion, ils sont concurrentiels, ils achètent du bitume. Dans tout l'Ouest de la France, près de 8 usines appartiennent aux parcs.

M. le Président.- Les parcs existent, en grande partie, pour les raisons que je viens d'indiquer. Je le sais d'expérience.

M. Alain Dupont .- Avant, il n'y avait personne pour entretenir les routes. Il est vrai qu'il y a quelques décades, il n'y avait pas d'entreprises capables de faire le curage des fossés et d'entretenir les accotements. Il me semble maintenant que c'est possible.

Je ne pense pas non plus que le fait de mettre nos ouvriers aux intempéries et de faire travailler les gens des parcs durant le même temps soient d'une bonne efficacité économique.

M. le Président .- La plupart des départements que je connais ne sont pas satisfaits de leur parc. S'ils les gardent, c'est parce qu'ils pensent qu'un minimum d'indépendance facilite la négociation avec les entreprises privées.

Encore une fois, j'estime qu'ils ont tort. Je me suis simplement permis de vous donner l'explication. J'aimerais bien que vous répondiez à l'intéressante question de M. François Gerbaud sur la productivité du travail routier.

Depuis 20 ans on a incontestablement assisté à de très grands progrès, parfois saisissants pour celui qui connaît mal la profession, mais pensez-vous que ces progrès ont atteint un plafond ? Peut-on espérer des croissances encore dans l'avenir ? De quel ordre est le taux de croissance annuel de la productivité dans ce secteur, en moyenne ?

M. Fernand Tardy .- L'ordre de baisse des prix aussi ?

M. Alain Dupont .- En matière autoroutière, nous sommes quasiment arrivés au maximum de la productivité. D'ailleurs, il n'y a plus personne sur ces chantiers. Si vous voulez créer de l'emploi, il ne faut pas faire d'autoroute, puisque sur un kilomètre d'autoroute il n'y a que des machines : c'est entièrement automatisé.

Donc l'emploi est réellement maintenu grâce à l'entretien. Sur ce point, nous avons fait des progrès considérables au niveau de l'entretien superficiel et des réparations. C'est ce que l'on appelle les points à temps automatique qui se travaillent à travers la France et qui font de tous petits carrés. Il est bien évident que nous avons obtenu des gains de productivité.

Après, il n'y a pas de mystère : c'est en ayant des programmes d'auscultation des chaussées et des programmes d'entretien réguliers et permanents que vous arriverez à diminuer.

En plus de cela, il y a aussi le gel. Jusqu'à présent, nous avons été protégés par des conditions climatiques exceptionnelles. Il n'y a pas eu de gel depuis 15 ans. Il n'y a pas très longtemps, cette année, dans l'Est, il y avait des barrières de dégel, ce qui, sur le plan économique montre que les chaussées n'ont pas tout à fait la qualité nécessaire.

M. le Président .- Je vous remercie de votre prestation. Nous espérons que notre intérêt pour les routes nous permettra de vous retrouver.

Audition de M. Bernard Pons, Ministre de l'Equipement, du Logement, des Transports et du Tourisme (19 février 1997)

M. le Président .- Merci monsieur le Ministre d'être à nouveau devant nous. Nous vous voyons souvent et avec notre collègue Gerbaud plus particulièrement dans une circonstance -le texte de loi sur la SNCF- qui s'est bien déroulée. Je pense que vous êtes satisfait de la manière dont les choses se sont passées.

Nous vous accueillons, monsieur le Ministre, pour que vous nous parliez du nouveau schéma directeur routier. Comment va-t-il apparaître dans le schéma national d'aménagement du territoire ? Quels sont vos projets dans le domaine routier ? Existe-t-il des limites aux problèmes financiers que rencontrent les entreprises concessionnaires d'autoroutes ? Pouvez-vous, en somme, nous présenter un secteur, qui pour nous tous est un des plus fondamentaux ?

M. Bernard Pons .- Merci monsieur le Président, mesdames et messieurs les Sénateurs. Effectivement, c'est un sujet important qui s'inscrit dans une politique beaucoup plus globale de développement économique et d'aménagement du territoire, tout en essayant de respecter les principes d'un développement durable particulièrement soucieux de l'environnement.

Pour l'avenir, l'élaboration d'un schéma national d'aménagement et de développement du territoire prévu par la loi de février 1995 doit fixer les orientations fondamentales dans ces domaines. Dans ce cadre, le travail de la Commission réseau et territoire que vous présidez, monsieur le Président, contribue fortement à mettre en exergue les quatre priorités géographiques de notre réseau routier national.

Aujourd'hui, je ne m'attarderai pas sur les efforts considérables que nous faisons en matière de protection de l'environnement, de valorisation des paysages, auxquels nous attachons tous une grande importance. Je voudrais centrer mon intervention sur la politique routière au regard du développement économique et de l'aménagement du territoire.

Avant d'en développer les éléments pour l'avenir, il m'apparaît nécessaire de faire le point sur la situation actuelle, sans revenir sur les précisions qu'a pu vous apporter monsieur le Directeur des routes.

Où en sommes-nous ? L'action de l'Etat pour l'aménagement du réseau routier national s'appuie à la fois sur le réseau autoroutier concédé et sur le réseau non concédé dont le développement est en général cofinancé par les régions et les autres collectivités.

Sur le réseau concédé, le montant des investissements atteindra en 1997 un chiffre record sans précédent : 21,9 milliards. C'est ainsi qu'en 1997 nous allons engager 412 km d'autoroutes nouvelles. Ceci est tout à fait conforme aux engagements qui avaient été pris en 1993 et 1994 d'accélérer la réalisation d'un programme d'autoroutes concédées, en engageant, d'ici 2003, 2600 km d'autoroutes, ce qui correspond à un investissement de 140 milliards de francs.

Sur le réseau non concédé, l'Etat finance à 100 % depuis 1988 trois grands axes du Massif central, l'A20 entre Vierzon et Brive-la-Gaillarde, projet cher à mon coeur depuis longtemps, l'A76 entre Clermont-Ferrand et Béziers, ainsi que la route nationale 7 dans la Nièvre, l'Allier et la Loire.

Les moyens qui y sont consacrés sont de l'ordre de 1,400 milliard à 1,600 milliard de francs par an avec le concours du FITTVN institué par la loi que vous connaissez bien.

Ces trois programmes - A20, A76 et route nationale 7- se développent parfaitement normalement. L'A20 sera achevée fin 1998 début 1999 et nous tablons sur 2001 pour l'A76.

En 1994, l'Etat a également contractualisé de très importants programmes d'investissements routiers avec les Régions et les autres collectivités. L'engagement s'élève à plus de 64 milliards de francs, dont près de 45 % à la charge de l'Etat. Il est bien vrai que compte tenu de l'objectif du Gouvernement de réduire les déficits publics, il a été décidé d'étaler, sur un an ou plus, la durée des contrats de plan Etat Région qui s'étendront donc jusqu'en 1999. Mais cela ne remet nullement en cause les engagements de l'Etat : les réalisations seront simplement étalées.

Fin 1997, le taux d'exécution des contrats de plan Etat Régions sera de l'ordre de 60 % en moyenne. Cette année, les paiements devraient s'élever à plus de 12 milliards de francs pour les investissements non concédés, y compris les fonds spéciaux du Trésor. Ces prévisions comprennent également environ 800 MF que les collectivités locales souhaitent avancer à l'Etat. Cet accord est intervenu après l'arbitrage du Premier ministre.

Cette procédure a été acceptée par le Premier ministre -elle est exceptionnelle- pour soutenir le secteur des travaux publics.

Ainsi ces paiements seront globalement au même niveau qu'en 1996, sensiblement plus élevés qu'en 1994 et 1995. En 1997 enfin, j'ai souhaité que l'entretien du réseau routier national, qui représente plus de 700 milliards, soit sauvegardé, notamment parce que l'état de la route est un facteur déterminant pour la sécurité routière.

Ainsi, l'ensemble des moyens consacrés au réseau national, concédé et non concédé, atteindra en 1997 le niveau de 42 milliards de francs. Je signale, monsieur le Président, que c'est le niveau le plus élevé jamais atteint. Il faut rappeler qu'entre 1988 et 1993 ces moyens étaient compris entre 25 et 30 milliards de francs.

Parlons maintenant de l'évolution du réseau concédé. Bien sûr, le réseau concédé est une pièce maîtresse de notre dispositif. Mais sa situation financière doit être regardée avec attention et son évolution fait l'objet d'un suivi régulier. En effet, si les résultats d'exploitation sont globalement satisfaisants, la structure financière des neuf sociétés concessionnaires est très fortement marquée par le volume des investissements à réaliser et par les transferts financiers vers l'Etat. Il faut que vous sachiez que ceci représente, pour les trois dernières années, l'équivalent du chiffre d'affaires réalisé par l'ensemble du secteur en 1996. C'est dire toute leur importance.

La taxe d'aménagement du territoire instaurée en 1995 autour de 2 centimes par kilomètre parcouru, puis de 4 centimes en 1996, pèse très lourdement sur la situation financière des sociétés, en dépit de l'allongement des concessions, et nous ne pourrons pas aller plus loin dans l'allongement des concessions. Ainsi en 1996, les impôts, taxes et prélèvement ont représenté 17 % des recettes de péage et 29 % si l'on inclut la TVA non récupérable payée sur les investissements.

Compte tenu de la compensation tarifaire liée à la taxe sur l'aménagement du territoire, les hausses de tarif de péage sont depuis deux ans sensiblement supérieures à l'inflation - 3,1 % en 1997- et elles commencent à avoir une répercussion sur leur fréquentation. Nous devons donc être très vigilants sur ce point, d'autant que la sécurité sur les autoroutes est quatre fois supérieure à celle des voies normales.

J'ajoute que les transporteurs routiers commencent à s'inquiéter. Nous sortons d'un conflit grave, difficile, et j'ai dû demander aux entreprises de transport des efforts considérables que nous compensons par une diminution des charges sociales qui pèsent sur ces entreprises. Mais il est bien évident que l'augmentation des péages, en particulier pour les poids lourds, devient l'extrême limite et que nous ne pourrons pas aller au-delà.

Regardons l'avenir. Au-delà de la réalisation du schéma directeur routier national actuel, les décisions déjà prises depuis 1993, c'est-à-dire les engagements Balladur sur de nouvelles liaisons, portant sur 1.000 km d'autoroutes concédées supplémentaires, pour un montant supérieur à 60 milliards de francs, à raison de 300 km en moyenne par an, l'achèvement de toutes les liaisons qui sont déjà prévues, avec le programme que nous avons, nous amènent en 2010. C'était 2003 avant les décisions Balladur, c'est maintenant 2010 et un peu plus si l'on ajoute la liaison Langres - Belfort qui est un arbitrage du premier ministre Alain Juppé il n'y a pas très longtemps.

Pour l'avenir, compte tenu des contraintes budgétaires, diverses questions se posent : faut-il encore développer notre réseau autoroutier ? Des doutes et des oppositions s'expriment sur cette question. Ils portent sur les besoins encore à satisfaire qui pour certains seraient moins importants, moins urgents qu'autrefois, mais surtout sur la place à donner à chaque mode de transport.

Une enquête récente du CREDOC montre cependant que la route reste pour nos compatriotes un moyen tout à fait essentiel. Je veux bien que l'on me dise qu'il faut changer les modes de transports, mais ceux-là qui me le disent se rendent aux réunions au volant de leur propre véhicule et n'ont jamais utilisé les transports en commun.

Il faut savoir qu'aujourd'hui, nous sommes dans une société où le véhicule automobile est le prolongement du domicile. C'est une réalité. On peut rêver, mais la réalité est là et le CREDOC la confirme.

Près de 80 % des personnes interrogées considèrent que les autoroutes favorisent le développement économique régional et sont satisfaites. Seules 15 % jugent le développement trop rapide.

Une autre enquête menée auprès des chefs d'entreprise a montré que 8 chefs d'entreprise sur 10 estimaient la qualité de la desserte autoroutière comme le premier critère d'appréciation pour l'implantation et le développement de leurs activités. Vous pouvez leur raconter ce que vous voulez, mais si vous n'avez pas d'autoroute, vous ne les maintiendrez pas chez vous.

Au-delà de cette opinion si largement répandue, la question du développement autoroutier ne peut s'apprécier que sur le long terme. Ceci ne peut être fait que dans une approche qui vise à utiliser au mieux la ressource financière, toujours limitée, pour développer au mieux nos différents réseaux de transport, afin de rendre les meilleurs services. Cette approche ne peut qu'être intermodale.

Je vais vous citer un exemple : celui de la région Provence Alpes Côtes d'Azur, avec le projet qui était celui de l'A8 bis et qu'on appelle maintenant l'A 58.

On m'a expliqué que les forces économiques du département des Alpes-Maritimes la voulaient. J'ai donc décidé de faire un projet d'intérêt général. Moyennant quoi on développe l'enquête autour de ce projet d'intérêt général : tout ceux qui sont contre s'expriment et tous ceux qui sont pour ne disent plus rien.

Je vais réunir l'ensemble des élus nationaux, les maires, et s'ils n'en veulent pas, je le remettrai ailleurs. Ce n'est pas l'Etat qui est demandeur pour réaliser des autoroutes dans tel ou tel secteur et dans telle ou telle région. J'ai en portefeuille suffisamment de demandes pour mettre la priorité sur tel axe plutôt que sur tel autre. Qu'il soit bien clair que nous ne sommes absolument pas demandeurs.

Diverses études prospectives sur les besoins de transport à l'horizon 2015 ont donc été conduites. Il en ressort que la croissance des trafics de voyageurs devrait se ralentir en termes relatifs, mais qu'elle ne serait cependant pas inférieure à celle de notre économie. Ainsi, pour une croissance moyenne de 2,4 % du produit intérieur brut, proche de celle enregistrée ces 20 dernières années, le trafic intérieur de voyageurs, tous modes de transports confondus, croîtrait également de 2,4 % pour le seul domaine routier. L'accroissement des déplacements devrait être encore très important, mais à mon avis inférieur à celui des 20 dernières années.

Quant au transport intérieur de marchandises, il devrait croître de 2,1 %, taux très proche de celui qui a été enregistré ces 20 dernières années, et de celui enregistré pour la production industrielle qui se situe aux environs de 2,2 %. L'essentiel sera le fait des transports internationaux.

Pour conclure sur ce point, il faut encore s'attendre à une augmentation importante du volume de la circulation routière, notamment sur les grands axes interrégionaux et internationaux, et nous devons nous y préparer.

A défaut d'accompagner cette croissance par une augmentation des capacités du réseau, la qualité de service se dégraderait et il s'ensuivrait une augmentation des coûts de transport qui directement pénaliserait notre économie.

L'attractivité de notre pays au plan aussi bien touristique qu'à celui des nouvelles implantations d'activités en dépend aussi considérablement. J'ajoute qu'une telle situation d'encombrement n'irait pas non plus dans le sens de la qualité de la vie, de la sécurité et de la maîtrise des routes.

Comment développer notre réseau ? Tout d'abord il faut que nous nous efforcions de combler les lacunes du schéma actuel au plan fonctionnel et au plan géographique. Si les programmes actuellement en cours permettront à moyen terme de réduire la plus grande partie de notre déficit de liaisons transversales, notamment Est-Ouest, notre effort devra être poursuivi pour mieux relier entre elles les capitales régionales voisines et améliorer les raccordements au réseau autoroutier européen.

Une attention particulière doit être portée à l'ouverture de notre économie vers l'Europe et le monde. Outre de nouvelles liaisons routières et ferroviaires, ceci requiert aussi une meilleure desserte terrestre de nos ports, de nos aéroports qui sont autant de portes d'entrée dans notre pays et de vecteurs de nos échanges extérieurs.

Je suis frappé de voir que dans les précédents schémas, on a implanté nos ports sans réaliser que s'ils étaient en relation avec la mer, il fallait qu'ils soient aussi en relation avec les grands axes autoroutiers et ferroviaires. Il y a là une lacune importante.

Les situations d'enclavement résiduels doivent être réduites, à condition bien sûr que les moyens nécessaires ne soient pas disproportionnés au regard des enjeux.

La prospective en la matière doit s'appuyer sur un diagnostic de la situation prévisible en termes d'évolution du trafic, et respecter des priorités aussi bien fonctionnelles que géographiques.

* Au plan fonctionnel, à mon avis doivent être privilégiés les itinéraires alternatifs qui permettent de délester les axes en voie de congestion, tout en desservant de nouvelles régions et en complétant le maillage du réseau. Le problème du doublement de l'A1 se pose dans ces termes. C'est un exemple parlant.

* Quant aux grandes priorités géographiques, elles déclineront dans les orientations du schéma national d'aménagement et de développement du territoire. Dans le domaine routier, il s'agira notamment de maintenir la fluidité des grands axes européens que sont l'axe nord-sud Lille-Marseille et l'axe méditerranéen, grâce à des itinéraires alternatifs qui permettront en outre d'irriguer de nouvelles régions. Monsieur Leyrit a dû vous en parler, il est très attentif à ce problème.

Les régions de l'Ouest sont déjà remarquablement bien reliées entre elles -l'Ouest de la France est dans une situation privilégiée grâce à deux axes autoroutiers nord-sud- et seront également mieux arrimées à l'Europe avec le prolongement des liaisons Est-Ouest déjà prévues. Des contournements du bassin parisien doivent être réalisés et une attention particulière portée à la fluidité des trafics, au droit de nos grandes régions urbaines.

Sur la région parisienne, nous avons pris des décisions importantes. Nous avons décidé de boucler l'A 86. Ce dossier était enterré depuis longtemps. Nous avons mis en service l'A14 dans des conditions parfaites, avec le co-voiturage pour la première fois, qui est un exemple remarquable, et avec une fréquentation qui augmente de jour en jour. Nos prévisions sont dépassées très largement, malgré tous les avis négatifs que nous entendions. Et puis nous avons décidé du tracé, après les fuseaux décidés par mes prédécesseurs, de l'A 104.

Dans la région parisienne, nous avons pratiquement terminé. Il restera l'A 16, mais c'est un dossier très sensible. L'une de vos collègues est très attentive aux décisions que nous serons amenés à prendre.

Voilà les principaux axes, mesdames et messieurs les Sénateurs, d'une politique routière pour notre pays.

On peut en conclure que notre pays est bien parti pour réaliser un programme autoroutier à la hauteur de ses besoins de développement économique et permettant de valoriser sa position européenne.

Rappellons-nous un instant que dans les années 1960 le réseau autoroutier ne comportait que 60 km. Ce que nous avons su faire dans le passé, il faut que nous le poursuivions dans l'avenir. Le développement de notre économie et de nos échanges, au-delà de l'horizon de l'actuel schéma directeur, le souci d'équilibrer les chances des régions, qui est votre préoccupation essentielle monsieur le Président, et de répartir harmonieusement les activités sur le territoire, les délais très importants de mise au point des projets d'infrastructures rendent obligatoirement nécessaire de prévoir dès maintenant le réseau autoroutier à l'horizon 2015.

Contrairement à ce que pensent certains, la France n'est pas suréquipée et aucune région ne doit être à l'écart des grands courants porteurs de développement économique.

Les nouveaux projets doivent être conçus dans le cadre d'une vision d'ensemble des différents systèmes de transport qui sont complémentaires. Il nous faut aussi conserver au schéma directeur routier le réalisme qui lui a jusqu'ici donné sa pleine efficacité, tenant compte de la limitation inévitable des ressources financières.

Cette nécessaire sélectivité ne doit pas être un obstacle à l'indispensable transparence des choix publics. C'est pourquoi, pour les nouvelles liaisons correspondant aux grandes orientations que je viens de présenter, je soumettrai aux débats publics les résultats des travaux préparatoires dès que ceux-ci seront achevés. Ces débats seront suivis par les consultations prévues par la loi pour l'approbation du schéma directeur routier.

L'ensemble des dispositions que je viens d'évoquer devant vous s'inscrivent dans la volonté du Gouvernement de renforcer la position de notre pays en Europe. Je souhaite que notre politique volontariste d'investissement, malgré le contexte budgétaire difficile, puisse se poursuivre afin de développer en harmonie avec la nécessaire protection de l'environnement le réseau routier et autoroutier de la France de demain.

Un dernier mot sur l'équilibre entre cette politique autoroutière et l'environnement. Depuis 18 mois que je suis arrivé au ministère, j'ai une vision tout à fait différente du travail de la Direction des routes et ce n'est pas parce que M. Leyrit est là que je ne le dirai pas, au risque de le faire rougir, mais je suis impressionné par le travail de nos ingénieurs, sous l'autorité de M. Leyrit, pour intégrer notre réseau autoroutier dans l'environnement, dans le paysage, et même pour faire que l'autoroute mette en valeur les paysages.

Je dois dire qu'un effort et un bouleversement des politiques ces dernières années ont complètement changé les données.

J'ai parlé du tracé de l'A104. Le travail conduit par M. Leyrit est tout à fait remarquable et il nous arrive d'avoir à passer dans des sites urbains sans créer de nuisances importantes et en apportant des améliorations considérables au système actuel.

M. Philippe François .- C'est vrai pour l'A 20 aussi. L'effort a été considérable par rapport au paysage.

M. le Président .- Je vous remercie, monsieur le Ministre, pour ces précisions. Vos propos rencontrent certainement l'adhésion de la très grande majorité des membres de notre commission. Comme vous, nous considérons que, quels que soient les efforts à fournir pour le transport combiné et pour la remise sur pied de notre chemin de fer -auquel nous sommes tous très attachés-, l'infrastructure routière est la clé du développement économique. Vous l'avez dit et on ne peut le dire avec davantage de force.

Cela étant dit, laissez-moi formuler deux ou trois observations.

Vous avez, dans votre propos, mis l'accent sur la nécessité de relier entre elles les capitales régionales. Personne ne vous contredira sur ce point. Simplement, l'ensemble des efforts qui ont été effectivement fournis en ce sens depuis plusieurs années ont souvent laissé de côté les villes moyennes qui n'ont pas la chance d'être sur un axe qui relie deux capitales régionales.

Quand une ville moyenne est sur un axe régional, la Direction des routes ne peut pas faire autrement que de la desservir. Quand tel n'est pas le cas, la situation devient beaucoup plus problématique. Or les villes moyennes qui rencontrent beaucoup de difficultés et sans lesquelles l'espace rural restera à l'abandon n'ont-elles pas besoin de développement ?

L'espace rural ne vit qu'à travers un maillage de villes et certaines agglomérations qui ont entre 50 et 100.000 habitants, sans liaison autoroutière suffisante, sont extraordinairement difficiles à développer.

Cela me conduit naturellement à faire les observations suivantes souvent reprises d'ailleurs avant que vous n'arriviez. Nous en sommes encore globalement à fixer les itinéraires en fonction des comptages du trafic. C'est la loi et les prophètes. Quand les comptages sont insuffisants, on disparaît dans une trappe. On plaide mais on n'est pas entendu, et c'est assez logique. Il y a le coût et la façon dont il peut être utilisé dans telle localisation ou dans telle autre.

Cela nous conduit, monsieur le ministre, à revenir sur une idée à laquelle je crois que vous souscrivez. Il s'agirait de prévoir pour ces axes, moins rentables que d'autres, des investissements autoroutiers allégés. N'excluez pas les villes moyennes, mais adaptez les spécifications. Il ne s'agit pas de fabriquer des autoroutes au rabais, -si on faisait cela, ce serait mauvais- mais serait-il choquant qu'il y ait des autoroutes A et des autoroutes B aux spécifications adoptées aux trafics.

Il convient de faire un effort majeur et je souhaiterais beaucoup qu'il puisse être achevé avant la sortie du schéma directeur afin que cela ne soit pas reporté aux calendes grecques. Il faudra en passer sans doute par un certain nombre de modifications réglementaires, mais je suis convaincu que vous auriez le soutien d'un grand nombre de parlementaires si vous faisiez cette proposition.

Ma seconde observation concerne ce que vous avez dit des grands axes. Nous souscrivons totalement à vos propos. Aller d'Ouest en Est est absolument fondamental. Si l'on veut sauver l'Ouest, je pense en effet qu'il faut favoriser les possibilités d'aller rejoindre le coeur de l'Europe.

Il y a une destination que nous avons cependant beaucoup de mal à faire entrer dans les réflexions et dans les discussions : c'est la péninsule ibérique. L'Espagne existe et je crois que l'on se trompe en pensant que la République tchèque, la Pologne ou la Hongrie se développeront plus vite que l'Espagne et le Portugal dans les cinquante années à venir. Il ne faut pas oublier la " polarisation " sur le soleil.

Un grand rattrapage vers l'Est est indispensable et je crois bien engagé. C'est en Europe de l'Est que les taux de croissance sont les plus élevés, mais après la période de difficultés que l'Espagne a connu, après une période de très forte croissance, j'ai le sentiment que la Péninsule ibérique va connaître elle aussi un important développement.

Par conséquent, il ne suffit pas de la relier par la côte méditerranéenne et atlantique, il convient aussi d'envisager des passages centraux, en dépit des difficultés de construction des tunnels. Ceci est, selon moi, tout à fait essentiel.

Dernière observation : vous avez parlé de la consultation. Vous nous annoncez l'envoi de propositions dans les différentes régions qui vont en débattre. Tout le monde en France va-t-il donc en débattre, à l'exclusion du Parlement ? Est-il provoquant de considérer qu'il n'est pas suffisant pour un schéma directeur routier, de faire débattre les seules régions ? Plusieurs régions étant d'ailleurs concernées par un même itinéraire, je ne vois pas comment, en dehors du Parlement, on pourra rassembler les différentes régions qui sont intéressées par un axe vertical ou horizontal.

Par conséquent, quand et comment le Parlement sera-t-il consulté ?

M. Bernard Pons .- Je réponds très rapidement à vos interrogations. S'agissant des capitales régionales, cela va de soi, je ne les ai citées que pour mémoire. Il est bien évident qu'il existe un problème de développement des villes moyennes, et vous avez tout à fait raison, mais ce développement des villes moyennes est déjà pris en considération dans le schéma qui existe aujourd'hui, c'est-à-dire dans le premier schéma qui se terminait à l'horizon 2003, ou dans le schéma revu avec 1000 kilomètres qui se termine à l'horizon 2010. Il peut y avoir telle ou telle ville moyenne, ici ou là, qui n'a pas été intégrée et qui peut se sentir oubliée. Nous le regardons de très près.

Prévoir des normes autoroutières adaptées et différentes est une idée à laquelle je souscris tout de suite, puisque je l'ai déjà mise en application. En effet, pour l'Autoroute A51 qui doit passer à l'Est de Gap, nous avons décidé, en raison des coûts très importants, de prévoir dans certains passages une structure d'autoroute de montagne qui ne sera pas la structure traditionnelle et habituelle.

Nous irons peut-être moins vite à ces endroits-là, mais il y aura des indications et tous les moyens nécessaires. Nous pouvons très bien envisager une mesure simplement réglementaire. La Direction des routes travaille à cela depuis longtemps. Il ne faut pas croire que nous sommes en France les plus chers sur les autoroutes. Quand on considère le prix au kilomètre dans les pays voisins, on s'aperçoit que l'idée largement répandue selon laquelle nous ferions du somptuaire, du complètement développé et affiné n'est pas tout à fait exacte. Nous arrivons à tirer des prix intéressants, mais nous devons pouvoir mieux faire, et la Direction des routes y travaille. Nous en tenons donc compte.

Vous avez dit, monsieur le Président, que pour préparer nos schémas nous nous basions sur les comptages. A partir du moment où l'on envisage la réalisation dans le cadre du réseau concédé, il faut bien que l'on envisage la rentabilité de l'investissement. Pour les sociétés qui seraient candidates, l'élément du comptage joue beaucoup.

Mais le comptage n'est pas le seul à être pris en compte, car nous savons très bien que l'organe crée la fonction et que là où il n'y a pas de structure autoroutière, si l'on en crée une, quelles que soient les prévisions de comptage et même si on a mis un correctif, très souvent, il y a un appel d'air et l'utilisation de l'autoroute est beaucoup plus importante. Donc nous l'intégrons dans notre réflexion.

S'agissant des grands axes, je suis parfaitement d'accord avec vous et lorsque j'ai parlé des axes Ouest-Est, c'était bien sûr dans une perspective européenne, et dans celle-ci je n'exclus pas du tout la péninsule ibérique. Comme vous, je suis un grand défenseur de la politique qui doit nous lier à l'Espagne et à l'Italie, d'ailleurs dans le grand arc méditerranéen. C'est notre chance dans l'Europe et je le dis aussi bien sur le plan ferroviaire que sur le plan autoroutier.

Sur ce dernier plan, les liaisons avec l'Espagne ne sont pas négligeables, mais nous devons les améliorer. Elle ne le sont pas obligatoirement. Il est bien vrai que l'Espagne et le Portugal sont des pays qui vont se développer beaucoup plus vite qu'un grand nombre des pays de l'Est.

Je souscris donc tout à fait à votre analyse, et nous l'intégrons parfaitement dans nos schémas.

Enfin, en réponse à votre troisième question, les régions vont en débattre, c'est normal, mais on ne peut pas envisager de parler du schéma national sans que le Parlement puisse en connaître, en débattre et en décider.

M. le Président .- Je vous remercie. C'est un point qui devra être tranché par le Gouvernement.

M. Bernard Pons .- En fonction de l'avis donné par le Parlement.

M. le Président .- Je n'en doute pas. Tout le problème est de savoir si ce débat pourra avoir lieu avant l'adoption du schéma national qui est supposé encadrer le schéma directeur routier.

M. Bernard Pons .- Ma réponse est non. On nous parle à l'heure actuelle d'un schéma national qui est en quelque sorte le cadre, dont vous avez dit d'ailleurs vous-même il y a peu de temps qu'il ne signifiait pas grand chose si ce n'est un certain nombre d'intentions.

M. le Président .- J'ai dit que je regrettais qu'il en soit ainsi. Mais ce n'est pas ce que je souhaite. Je ne suis pas sûr que cela convienne.

M. Bernard Pons .- Vous auriez préféré que l'on fasse des schémas sectoriels avant, bien sûr.

M. le Président .- Si on ne les fait pas avant, il faut en tout cas être suffisamment éclairés sur leur contenu.

M. Bernard Pons .- Mon collègue ministre de l'aménagement du territoire et de la ville, qui travaille beaucoup sur un dossier difficile, parce que la loi de février 1995 n'est pas simple, a pris depuis qu'il est au Gouvernement -je parle de Jean-Claude Gaudin, vous l'avez tous reconnu- une trentaine de décrets. Tous les jours il travaille sur des décrets nouveaux. Il y a dans cette salle quelqu'un qui connaît bien cette loi, qui en a été le porteur au titre du Gouvernement et avec le Président de la commission. Donc vous y avez tous participé et il est bien évident que c'était une grande chose.

J'entends dire, ici ou là, que le gouvernement actuel et le Premier ministre ne s'intéressent pas assez à cette notion d'aménagement du territoire. C'est totalement faux. Il ne peut pas tout faire en même temps. Il a dû mettre en place toute une série de décrets. Il faut qu'il passe à la vitesse supérieure, mais je ne crois pas que le schéma routier puisse se faire ainsi du jour au lendemain. En tous les cas, personnellement, je ne le lancerai pas sans la consultation dont je vous ai parlé au niveau des régions et du Parlement.

M. le Président .- Sur le plan du financement, pourquoi ne pas s'inspirer de ce que l'on a fait pour le transport aérien : sur des trajets réputés non rentables, il existerait une aide de l'Etat bénéficiant aux sociétés concédées, au même titre que celle du fonds de péréquation auprès des compagnies aériennes qui ne prennent en charge une ligne que parce qu'elles savent qu'elles vont bénéficier de l'aide de l'Etat ?

A partir de ce moment-là, un mixage de crédits permet à des liaisons routières aussi importantes que les liaisons aériennes de s'organiser.

M. Bernard Pons .- Sur le principe, je n'ai pas d'observation à formuler, mais peut-être sur la mise en pratique.

M. le Président .- On pourrait imaginer dans le schéma national d'aménagement du territoire la création d'un fonds de ce type, les modalités de son financement étant à déterminer.

M. Bernard Pons .- Il y a déjà une certaine péréquation. Des liaisons sont déjà amorties et payent pour les autres.

M. Fernand Tardy .- Il y a aussi des autoroutes qui ne sont pas payantes.

M. Bernard Pons .- Déclarer celles-ci payantes aujourd'hui poserait un certain nombre de problèmes sur le plan politique. En tous les cas, je ne serai pas le ministre qui prendra cette décision.

M. Félix Leyzour .- Je me suis souvent interrogé sur la situation de la France du point de vue circulation par rapport à d'autres pays comme l'Espagne, l'Italie, l'Angleterre. Nous avons quand même notre propre trafic et en même temps tout le trafic de transit qui va du nord au sud. Cela nous pose des problèmes tout à fait particuliers par rapport à d'autres pays. Je ne sais pas si cette réflexion est fondée.

M. Bernard Pons .- Cette réflexion est fondée. C'est valable pour la Suisse, l'Autriche et d'autres pays.

M. Félix Leyzour .- Sur le problème des liaisons entre les villes moyennes soulevé par le Président, je suis tout à fait d'accord avec cette idée qu'il faut trouver des liaisons qui ne soient pas forcément du type autoroutier classique. Nous en avons fait l'expérience en Bretagne et 4 voies n'ont pas tout à fait le caractère d'autoroute. Leur réalisation coûte moins cher et cela permet de les réaliser dans de bonnes conditions et d'avoir un bon maillage à partir des axes de caractère autoroutier.

Je ne connais pas la différence de coût entre une 4 voies et l'autoroute de type classique.

M. Bernard Pons .- Je ne peux pas répondre sur la différence de coût. Le vrai problème est celui de la sécurité. L'infrastructure autoroutière est 4 fois plus sûre que l'infrastructure normale. A l'heure actuelle, nous travaillons sur des structures autoroutières qui seraient moins coûteuses et qui respecteraient les normes de sécurité indispensables. Dans le plan routier breton, qui remonte à de nombreuses années, qui fait que vous êtes une des régions les plus privilégiées de France...

M. Félix Leyzour .- Et les plus péninsulaires...

M. Bernard Pons .- ... même si vous ne le reconnaissez pas toujours, la Bretagne est toujours bien servie, alors qu'elle a une avance considérable. Mais tant mieux pour elle.

M. Félix Leyzour .- Elle a elle-même fait un effort considérable.

M. Bernard Pons .- Tout à fait. A l'époque où nous avons fait ces deux fois deux voies, les normes de sécurité n'étaient pas tout à fait ce qu'elles sont aujourd'hui. Je rendais compte ce matin au Conseil des ministres du bilan de la sécurité routière pour 1996. Nous avons obtenu en 1996 le bilan le meilleur depuis 25 ans. Nous avons beaucoup moins d'accidents, beaucoup moins de blessés, beaucoup moins de tués. Nous avons épargné 323 vies, mais nous sommes encore au-dessus de 8.000 morts.

On s'aperçoit que si les accidents diminuent sur les autoroutes, s'ils diminuent en ville, ils augmentent en rase campagne et en particulier sur les routes départementales la nuit : ce sont les véhicules seuls et les deux causes principales sont l'alcool bien sûr et la vitesse excessive.

Pour en revenir au problème que vous posez, sur les grands axes autoroutiers, à l'heure actuelle notre priorité est d'essayer de faire des choses à moindre coût, mais en respectant les problèmes de sécurité.

M. Félix Leyzour .- Je suis tout à fait d'accord, mais parfois des 4 voies bien aménagées, en mettant l'accent sur la sécurité, permettent de mieux irriguer les territoires. Il ne suffit pas de passer dans une région.....

M. Bernard Pons .- C'est comme la circulation sanguine...

M. le Président .- Le seul problème c'est qu'elle doit être aussi à péage. Sinon, compte tenu des problèmes budgétaires, vous risquez de ne pas les voir avant longtemps, et le problème consiste à mettre au point un système d'autoroutes concédées allégées, de façon à relier ces villes moyennes que sinon, nous aurons beaucoup de mal à faire entrer dans le schéma.

M. Bernard Hugo .- Vous avez dit, monsieur le Ministre, qu'il fallait combler la lacune du schéma actuel. J'ai bien entendu aussi que les enclavements résiduels devaient être réduits. Ces deux phrases ont fait tilt.

Vous connaissez la vallée du Rhône et la saturation du trafic, saturation qui va atteindre un nombre de jours de plus en plus grands. Il y a une alternative que vous connaissez, qui va de la région Lyonnaise à Narbonne, reliant l'Espagne à la Suisse et le Sud de l'Allemagne, et qui passe à travers le département de l'Ardèche. C'est l'A 79, puisqu'elle relie l'A 7 et l'A 9. Nous y sommes très attachés.

J'ai retenu dans votre exposé que toutes les consultations vont se faire relativement lentement. Je croyais que cela irait un peu plus vite. Pouvez-vous donner des précisions sur le fait que cette autoroute pourrait être aussi dans vos cartons ?

M. Bernard Pons .- Elle l'est.

M. Christian Leyrit .- Effectivement, comme je l'indiquais ce matin c'est l'un des sujets très important. Actuellement, dans le cadre du schéma actuel, il y a deux grands itinéraires nord-sud en cours de réalisation. Clermont-Béziers est financé à 100 % par l'Etat et sera terminé vers 2001 et Grenoble-Sisteron sera terminé beaucoup plus tard.

Nos études intermodales montrent qu'effectivement à l'horizon 2010-2015 ces deux itinéraires ne seront pas suffisants et qu'il sera probablement nécessaire de réaliser une infrastructure de ce type. Ceci doit être vu dans la continuité, même si les problèmes sont totalement distincts du problème de l'agglomération lyonnaise où le ministre a décidé un contournement Ouest de Lyon. Actuellement est en cours d'étude un grand itinéraire qui passe à l'ouest de Lyon, desservant l'Ardèche, Alès, pour aller vers Narbonne.

Les études socio-économiques sont bien avancées et le dossier qui pourrait permettre de soutenir un débat sur les avantages et inconvénients de cette solution sera prêt vers le mois de juin de cette année. Ensuite, la question se posera de savoir à quel moment ce débat pourra être lancé. Mais les études progressent bien.

M. François Gerbaud .- J'ai été votre prédécesseur à l'endroit où vous êtes. Vous indiquez les orientations européennes sur notre territoire. J'ai notamment donné le chiffre du dépassement de ce qui était prévu en matière de circulation de marchandises. On a parlé de 900 milliards de tonnes l'an passé et de 1800 milliards pour les passagers.

A l'évidence, et quels que soient les efforts considérables que vous venez de souligner, sans aucune comparaison avec le passé, nous n'allons pas dans l'immédiat courir après la satisfaction d'un besoin qui pourra priver les besoins connexes de rabattement que l'on pourrait appeler, ceux qui vont se trouver dans le réseau routier et non pas autoroutier de ce que l'on peut appeler la bretelle, c'est-à-dire cette partie de la France qui se trouve entre la " Banane bleue " comme disent les aménageurs du territoire et l'arc atlantique.

Il y a une zone qui risque, parce qu'elle n'est pas encore suffisamment irriguée, de rester à côté des besoins qui s'expriment et de leur priorité. N'y a-t-il pas un risque à terme à ce que la satisfaction des urgences contredise quelque peu, quel que soit le volume des efforts, la politique d'aménagement du territoire ?

M. Bernard Pons .- Je n'ai pas très bien compris.

M. François Gerbaud .- En matière de fret, comme en matière de transports de personnes, les besoins vont être considérables. Vous avez mis les moyens en place pour répondre à ces besoins, mais ils vont aller plus vite en croissance que nos possibilités d'y répondre. De ce fait vont subsister des priorités sur les parties déjà équipées par rapport aux parties qui ne le sont pas.

Comment dans cette affaire, et dans la perspective d'une mobilité du schéma directeur autoroutier, pouvoir intégrer les zones qui peuvent être effectivement laissées pour compte par rapport à la réalité des besoins à satisfaire ?

M. Bernard Pons .- Dans les travaux qui se sont déjà déroulés dans le passé, la préoccupation qui vous anime a été prise en compte. Le maillage qui va exister sera suffisamment dense et poursuivi obligatoirement. C'est la loi. Elle prévoit qu'aucune partie du territoire ne doit se trouver à plus de 50 km d'un axe autoroutier.

M. Jean Bernard .- Je trouve anormal que l'on paie les frais de surveillance et de gendarmerie. Si nous prenons les voies banalisées, nous sommes rappelés à l'ordre par les gendarmes, mais quand nous prenons l'autoroute il y a une surtaxe au bénéfice de la gendarmerie.

M. Bernard Pons .- Vous venez d'obtenir satisfaction. Le Conseil d'Etat vient de casser la décision.

M. Christian Leyrit .- Le Conseil d'Etat a annulé le mode de perception. La dépenses ou la recette correspondante pour la gendarmerie est de l'ordre de 600 MF. Le Gouvernement réfléchit au moyen de la rétablir sous une forme un peu différente, mais juridiquement plus correcte.

M. Bernard Pons .- Cette affaire nous donne satisfaction. Jusqu'à nouvel ordre, c'est nous qui payions. Nous payions 600 MF et nous n'avions aucun moyen -nous ministère de l'Equipement, et donc la collectivité- pour donner des instructions pour que les forces de gendarmerie soient plus présentes ici ou là. Cela nous échappait totalement.

Dans ce cas, autant que cela nous échappe financièrement.

M. le Président .- Il ne vous reste plus qu'à satisfaire la majorité. Monsieur le ministre, merci. Vous avez fait passer un souffle. Nous avions eu l'impression que votre coeur était dans un wagon. En vous écoutant, nous avons le sentiment que votre coeur est aussi dans un camion. Ce qui nous a rassurés.

Mesdames et messieurs, je saisis cette occasion pour remercier Monsieur le Directeur des routes qui a été avec nous toute la journée. Nous avons eu le sentiment que la Direction des routes avait la situation bien en main.

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