D. LA COHÉRENCE DU DISPOSITIF AVEC LES RÉGLEMENTATIONS EN VIGUEUR

Il convient, en effet, de s'interroger sur la cohérence de ce nouveau dispositif tant au regard de la réglementation européenne existante que de la législation française en matière d'espaces protégés. Si au niveau européen l'articulation des dispositifs réglementaires ne pose pas de difficultés majeures, on peut s'interroger sur les risques inhérents à la superposition de mécanismes de protection pour un même site, même si la directive 92/43/CEE/Habitats naturels ne constitue pas en soi un outil réglementaire supplémentaire.

1. L'intégration des sites classés au titre de la directive 79/409/CEE/Oiseaux sauvages dans le réseau Natura 2000

La directive 92/43/CEE/Habitats naturels précise, dans son article 3, que, dès sa mise en place, le réseau Natura 2000 intégrera aussi les Zones de protection spéciale (ZPS) désignées au titre de la directive 79/409/CEE/Oiseaux sauvages.

De plus, il convient de noter qu'à compter de l'entrée en application de la directive 92/43/CEE/Habitats naturels le 5 juin 1994, l'article 7 prévoit que les obligations découlant de l'article 6 paragraphes 2, 3 et 4 se substitueront à celles de l'article 4, paragraphe 4 de la directive 79/409/CEE/Oiseaux sauvages et s'appliqueront tant aux ZPS désignées à cette date qu'aux ZPS créés ultérieurement.

2. L'articulation de la directive 92/43/CEE/Habitats naturels avec les mesures réglementaires nationales de protection de l'espace

A priori, l'objectif de la directive n'est pas de créer un nouveau statut " d'espace protégé " -au sens réglementaire du terme- pour les sites qui seront intégrés au réseau Natura 2000.

La valeur ajoutée par rapport aux classements nationaux existants réside dans le fait que les habitats et espèces à préserver sont identifiés au niveau de grandes régions biogéographiques et que les sites protégés ne sont plus des espaces isolés résultant de la seule volonté individuelle des États membres.

A priori donc, le réseau Natura 2000 peut englober les sites bénéficiant déjà d'une protection nationale lorsqu'ils répondent aux critères de la directive, mais ce réseau ne peut être réduit à la simple addition de ces sites ; car les choix opérés au titre des protections nationales ne suivent pas forcément les critères scientifiques établis par la directive et qu'à contrario, certains habitats ou espèce retenus par la directive ne font encore l'objet d'aucune protection. Il s'agit donc d'assurer la juxtaposition des deux réglementations communautaires et nationales.

Or, si on en juge par la diversité des protections existantes, on peut considérer que l'espace français figure parmi les mieux protégés au niveau européen.

En effet, conscients de la richesse de la biodiversité en France, et de sa valeur à titre culturel, touristique ou social le législateur et le pouvoir réglementaire ont mis en place un véritable arsenal juridique qui concerne de plus en plus de collectivités territoriales et est parfois ressenti par les acteurs économiques comme un frein au développement et à l'aménagement du territoire.

Les tableaux suivants rappellent les principaux types de protection de l'espace existant en France.

ESPACES PROTÉGÉS RÉGLEMENTAIRES

NOM

CRÉÉ PAR

NOMBRE

SURFACE
(en hectares)

Parc national

Décret en Conseil d'État

6

387.000

Réserve naturelle

Décret

131

322.277

Réserve nationale de chasse et de faune sauvage

Arrêté ministériel

8

30.000

Arrêté de biotope

Arrêté préfectoral

426

10.500

Forêt de protection

Décret en Conseil d'État

70

75.000

Site classé

Arrêté ministériel ou décret

210

350.000*

Réserve de pêche

Arrêté préfectoral

1.315

569**
+ 338***

Réserve biologique domaniale

Arrêté ministériel

128

14.100

* ordre de grandeur

** kilomètres

*** hectares

ESPACES BÉNÉFICIANT D'UN LABEL DE QUALITÉ OU
D'UNE PROTECTION CONTRACTUELLE

NOM

NOMBRE

SURFACE
(en hectares)

Parc naturel régional

30

4,85 M

Site Ramsar (zones humides)

9

0,65 M

Réserves de biosphère

7

0,5 M

 
 
 

ZPS (Zones de protection spéciale)

102

0,8 M

M : millions

PROPRIÉTÉS DE L'ÉTAT À VOCATION NATURELLE

NOM

SURFACE (en hectares)

Forêts domaniales (ONF)

1.8 M en métropole

Conservatoire du littoral et des rivages lacustres

45.700

(soit 640 km de rivage)

NB : Les réglementations pouvant se supersposer sur un même site, l'addition des surfaces n'est pas pertinente.

Les premiers résultats du travail d'inventaire mené par la directive 92/43/CEE/Habitats naturels ont confirmé la richesse de notre patrimoine, qui relève de quatre des six régions biographiques identifiées en Europe (alpine, atlantique, continentale et méditerranéenne).

Ainsi sur les 222 types d'habitats naturels retenus par l'annexe I de la directive, la France en possède 172 (dont 43 habitats prioritaires sur 66).

Parmi ces derniers, peuvent être signalés, par exemple, les habitats naturels suivants : herbiers de posidonies, lagunes, pré-salés continentaux, mares temporaires méditerranéennes, landes sèches littorales, sites d'orchidées remarquables sur formations herbeuses sèches semi naturelles sur calcaires, tourbières hautes actives, éboulis médio-européens calcaires, forêts alluviales résiduelles, forêts méditerranéennes endémiques.

Sur les 632 espèces à protéger au titre de l'annexe II, la France est concernée par 83 espèces animales et 57 espèces végétales (dont respectivement 8 sur 23 et 10 sur 165 des espèces prioritaires).

Parmi les habitats d'espèces prioritaires intéressant le territoire, on peut signaler : l'ours brun, le phoque moine, l'esturgeon, la tortue caouanne (côtes de Corse, Pyrénées-Atlantiques et Bretagne), la Rosalie alpine (coléoptère), l'Omphalodes littoralis (plante endémique atlantique), la Viola hispida (plante endémique du bassin parisien).

La notion d'habitat ou d'espèce " prioritaire " veut dire que la Communauté porte une responsabilité particulière en raison de l'importance de la part de leur aire de répartition naturelle dans la CEE.

Il faut bien avoir à l'esprit la difficulté fondamentale qui subsiste entre un texte communautaire imprégné du souci de préserver des habitats naturels et semi-naturels mis en péril par les besoins de l'urbanisation et de l'industrialisation, l'intensification des pratiques agricoles et sylvicoles, voire le développement des loisirs, à l'image de ce qui s'est produit dans les pays du Nord de l'Europe où la nature n'existe plus qu'à titre résiduel, et sa mise en oeuvre en France, territoire encore riche d'une diversité naturelle a priori encore conservée ou respectée -sauf exceptions- par le développement économique.

A cela se sont ajoutées des conditions de mise en oeuvre défectueuses à tous points de vue qui ont abouti au gel de la procédure décidée par le Premier ministre en juillet 1996.

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