II. UNE MISE EN OEUVRE QUI TOURNE AU PSYCHODRAME

A. LA PERMANENCE D'UN CLIMAT ANTI-EUROPÉEN EN RAISON DE L'ADOPTION ET DE LA MISE EN OEUVRE DIFFICILE DE LA DIRECTIVE 79/409/CEE/OISEAUX SAUVAGES

Comme il a été rappelé ci-dessus, la mise en oeuvre de la directive 79/409/CEE/Oiseaux sauvages a rencontré l'hostilité notamment des milieux cynégétiques et a suscité de nombreux contentieux. Les acteurs du monde rural, qui regroupent sur le terrain tant les agriculteurs, propriétaires fonciers et sylviculteurs que les adeptes de la chasse et de la pêche, avaient donc suffisamment en mémoire cet exemple récent pour se montrer méfiants lors de la mise en oeuvre de la directive 92/43/CEE/Habitats naturels, alors même qu'ils avaient fait preuve de vigilance au stade de son élaboration.

Les trois contentieux développés ci-dessous permettent d'illustrer les difficultés et les oppositions rencontrées.

1. La protection du cormoran par la directive 79/409/CEE/Oiseaux sauvages : l'illustration d'un désordre écologique !

Le cormoran figure dans l'annexe 1 de la directive qui recense les espèces devant faire l'objet de mesures de conservation spéciale, parce qu'il s'agit d'espèces menacées de disparition, vulnérables à certaines modifications de leurs habitats ou considérées comme rares.

Or ces critères ne semblent pas concerner le cormoran dont le nombre double tous les cinq ans et dont la population estimée en France à 4.000 hivernants en 1972, 66.000 en 1991-1992 a atteint 132.750 individus au cours de l'hiver 1996-1997.

Les effets dévastateurs de ces oiseaux sont bien connus : il suffit de rappeler qu'au cours de l'hiver 1997, la population hivernant durant cinq mois sur le sol français va consommer entre 8.500 tonnes et 10.000 tonnes de poissons, soit plus de 100 % de la production de la pisciculture en étang.

Au niveau européen, la population estimée est passée de 30.000 unités en 1979 à 680.000 en 1995-1996, ce qui laisse prévoir en l'an 2000 une population de 2 millions de cormorans.

Ce point de non retour biologique résulte directement des effets du classement en annexe I de la directive, ce qui a mis fin aux pratiques de régulation de cette espèce sans prédateur, notamment la régulation par destruction des oeufs dans les nids, pratiquée de manière ancestrale dans des pays d'Europe du Nord comme le Hollande où les cormorans viennent se reproduire.

En France, se fondant sur l'article 9 de la directive qui autorise des dérogations aux obligations de protection pour prévenir les dommages importants, notamment aux pêcheries, les autorités administratives délivrent, des autorisations de tirs ; ces autorisations initialement réservées en 1992 aux seuls propriétaires ou exploitants de pisciculture ont été étendues en 1996 à vingt trois sites situés en eaux libres et les taux de prélèvements autorisés ont été progressivement augmentés.

Mais pour remédier à ce dysfonctionnement écologique et compte tenu de la croissance de la population, ces mesures sont désormais dépassées et il convient d'obtenir le retrait du cormoran de l'annexe I de la directive 79/409/CEE/Oiseaux sauvages.

Le ministre de l'Environnement, en réponse à une question d'actualité posée le 4 février 1997 par M. Patrice Martin-Lalande, député, a indiqué que cette question était à l'ordre du jour du prochain comité d'adaptation de la directive, mais selon l'article 17 de la directive ; le comité se prononce à la majorité qualifiée et rien n'indique qu'il sera favorable à un tel retrait. Si ce comité se prononce négativement, la Commission européenne peut néanmoins saisir le Conseil des ministres d'une proposition sur les mesures à prendre. Le Conseil devra alors statuer à la majorité qualifiée.

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