2. INFORMATIONS PRÉLIMINAIRES

De nombreuses collectivités locales ou des institutions ont recours aux réseaux, essentiellement Internet et les babillards. Le Sénat, l'Assemblée nationale, les ministères, très récemment les services du Premier ministre, ont ouvert des sites Web.

Aux États-Unis, plus de 250 Sénateurs ou Représentants disposent de sites Internet, sans compter les sites collectifs des partis politiques et institutions publiques. Certes, 6 % des Américains seulement se sont connectés à un site politique au cours de la campagne pour les élections présidentielles de 1996. Moins de 1 % des électeurs considère le réseau comme leur principale source d'information à cette occasion (56 % citent la télévision). Internet apparaît comme un nouveau support de communication et de dialogue entre élus et citoyens : tous les sites comprennent un espace interactif, avec la possibilité d'adresser des messages à l'élu et parfois de dialoguer en direct.

En France, certains parmi les élus observent ces réalisations avec amusement, croyant déceler dans ces initiatives des simples projets médiatiques « branchés ».

Une petite navigation sur ces sites tend à prouver le contraire : le serveur du Sénat, par exemple, offre depuis peu l'accès à des informations jusqu'alors difficilement disponibles. Quarante-huit heures après publication au Journal Officiel , les internautes peuvent trouver les débats intégraux du Sénat ainsi que des rapports parlementaires. La visite « virtuelle » du Sénat -entendez par l'intermédiaire de photographies mises en réseau- est peut-être de l'ordre du gadget ; ce n'est certainement pas le cas d'une information démocratique gratuite, et consultable en tous points du territoire par quiconque est connecté. Plus de 100 000 consultations ont lieu chaque mois. Le site de l'Assemblée nationale offre également un ensemble d'informations ainsi que plusieurs illustrations des riches heures de la vie de l'Assemblée : visite virtuelle, présentation de l'Assemblée, des députés et des organes de décision, activités internationales de l'Assemblée, comptes rendus des séances.

Début juin 1997, le 27e festival de l'audiovisuel et de la communication multimédia de Biarritz a récompensé le cédérom du Sénat en lui attribuant le Dauphin d'or de la catégorie Information de la compétition multimédia « off-line ». Le jury a salué la grande qualité graphique, l'incomparable richesse des documents iconographiques et l'extrême facilité de navigation.

L'objectif de ce cédérom est de présenter l'institution sénatoriale, ses élus, son travail législatif, son mode d'élection, ainsi que tous les aspects de la vie parlementaire du Palais du Luxembourg. Il propose également un voyage à travers l'histoire du Sénat et offre une vision inédite du Palais, notamment grâce à sa reconstitution en 3 dimensions à différentes époques.

Cet outil pédagogique sera diffusé largement, notamment en milieu scolaire, afin de faire découvrir aux enfants, de façon vivante et en utilisant les nouvelles technologies, l'histoire et le fonctionnement de la Haute Assemblée.

M. Lionel JOSPIN, Premier ministre, dans son discours de politique générale prononcé le jeudi 19 juin 1997, a placé son action sous le signe d'une quadruple exigence : exigence de respect, d'efficacité, de compréhension et de changement : « notre attitude à l'égard des Françaises et des Français doit être celle du dialogue continu, de l'attention scrupuleuse, de la disponibilité constante » (exigence de compréhension) ; « le respect du droit est fondamental pour la République et la démocratie ».

« Les nouvelles technologies rendent nécessaires aujourd'hui une adaptation de l'État et un vaste effort de rénovation du service public ».

Il faut envisager l'utilisation des NTIC à l'aune de cette double exigence -démocratie rénovée et État réformé-.

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Dans un ouvrage collectif paru en 1990 106 ( * ) , l'entrée dans la société de l'intelligence artificielle est présentée comme l'une des caractéristiques du « temps contracté ». Dès le début de l'informatique, de nombreuses tentatives ont été menées pour dépasser le seul calcul numérique et tenter d'automatiser d'autres fonctions humaines : raisonner, parler, écrire, lire des textes, traduire, mémoriser...

« Depuis vingt ans à peine et surtout depuis le début des années 1980, l'informatique flirte avec la psychologie, la sociologie, la neurologie pour former les sciences cognitives... Mais les chercheurs, échaudés par les échecs de l'intelligence artificielle, font preuve d'une grande prudence en matière de prospective 107 ( * ) » [...] ; il y a loin de l'imagination d'un usage ou d'une application à sa mise en oeuvre : en 1879, Jules VERNE, dans Les Cinq cents millions de la Begum , imagine la téléconférence, trois ans seulement après l'invention du téléphone ; le système a vu le jour très récemment, le téléphone étant accaparé par une élite qui en définit l'usage. « Ses débuts [du téléphone] ne sont pas sans évoquer ceux du Minitel, un siècle plus tard : il a aux yeux des notables, qui freinent alors son développement, la réputation d'être un outil de libertinage, de débauche favorisant les conversations amoureuses. » 108 ( * )

La numérisation met désormais le libertinage à la portée de tous. Il met aussi mille services de toute nature fort utiles à la vie quotidienne normale, professionnelle, culturelle. Il est devenu courant de transmettre le son, l'écrit et l'image. Ainsi numérisée, l'information peut être transmise rapidement et traitée par des systèmes informatiques.

Peu à peu un système non centralisé se met en place : la télévision transmettait des images depuis un site unique, sans aucune réponse possible ; les nouveaux réseaux, et notamment Internet, facilitent le dialogue. Chacun communique avec tout le monde... mais personne ne voit personne. Au sein de l'entreprise, la mise en place d'Intranets révolutionne peu à peu les hiérarchies établies, elle entraîne une diffusion beaucoup plus large (et plus rapide) de l'information.

L'accroissement des capacités de traitement de l'information passe également par le développement de nouveaux produits. Le cédérom, par la masse de données informatiques qu'il permet de stocker, offre à chacun de nouvelles possibilités d'accès à l'information.

L'autre révolution concerne le temps d'accès à l'information. Celui-ci est tombé de quelques minutes à quelques secondes. D'où un empilement d'informations à trier, classer, ordonner. La « navigation » dans les données devient une tâche essentielle, quel que soit le support : cédérom, disquette, logiciel installé sur ordinateur, Internet. Internet repose sur un concept novateur particulièrement facile d'utilisation, la mise en réseaux et en navigation par hyperliens ; il est porteur d'un développement d'une extrême variété de possibilités où l'utilité l'emporte sur l'inquiétude.

« Savoir naviguer dans ces concentrés d'informations devient, dès les années 2020, un enseignement obligatoire à l'école primaire. Car, ce dont a besoin l'usager, au-delà de l'information elle-même, c'est d'économiser du temps dans son voyage à travers l'exhaustivité, la fraîcheur et la mise en forme de l'information. Et celui qui ne sait pas le faire est immédiatement mis sur la touche, pour cause d'illettrisme. » 109 ( * ) Ce diagnostic vrai est trop pessimiste, l'éducation au multimédia va devenir obligatoire dès aujourd'hui . Elle permettra une utilisation citoyenne d'Internet.

Dernière évolution, l'émergence de « communautés virtuelles ». Internet met en relation des personnes qui se découvrent des centres d'intérêt communs. Le courrier électronique permet désormais la transmission instantanée d'informations. Au-delà, il offre la possibilité à des individus partageant les mêmes centres d'intérêt de dialoguer, en temps réel s'ils le veulent. Preuve de cette émergence d'un nouveau moyen de communication : sans se connaître physiquement ni même se rencontrer en un même lieu, des hommes et des femmes, répartis dans le monde, peuvent constituer des communautés de convictions ou de projets. En un moment, chacun peut intervenir, dans son domaine d'initiative, sur des décisions politiques à l'intérieur des frontières nationales, surtout si les membres de ces communautés sont soudés par une origine ethnique ou une adhésion à une idéologie ou un dogme.

La première contribution au forum Apprentic lancé sur le site du Sénat est venue de Lifou, une des îles Loyauté en Nouvelle-Calédonie. Ce qui était jusque là impossible, en l'occurrence la discussion avec 12 heures de décalage horaire, devient tout à coup instantané et facile. Aucun apprentissage préalable de la dactylographie ou de la programmation n'est requis.

Chacun doit avoir l'usage familier des « machines » de plus en plus présentes dans l'existence personnelle et publique de demain. Les bornes interactives dans les gares ou les billetteries dans les banques ou à la Poste obligent à des apprentissages de moins en moins faciles au fur et à mesure de l'avancée en âge. On est citoyen à responsabilité civique de dix-huit ans jusqu'à cent ans et plus !

Ceux qui n'ont eu aucune obligation ou raison d'interroger et d'obéir à ces machines mues par une logique inventée par l'homme sont crispés, hésitant, jusqu'à en refuser l'apprentissage. Ils seront vite dans la situation où se trouvaient -et se trouvent encore- ceux qui, par malchance, ne savent ni lire ni écrire.

Il faut prendre les dispositions nécessaires : tout citoyen doit acquérir des connaissances de base pour accéder à tous les réseaux. Beaucoup sont préparés par l'usage limité du Minitel qui ne possède pas l'interactivité des réseaux.

Les gestes à accomplir sont simples et le débutant est aidé par des menus, la souris et le cliquage qu'elle permet, par les icônes et mille et un signes conviviaux qu'il suffit de connaître.

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Pour mettre en route sa voiture, tout un protocole simple mais impératif est à observer. Avec l'ordinateur, c'est la même chose. Il faut apprendre à allumer l'appareil, démarrer le programme. Le logiciel peut être installé sur le disque dur ; dans ce cas, cliquer sur l'icône suffit. S'il est sur cédéroms il faut introduire le disque dans le lecteur puis cliquer. Le mode d'accès aux données sur disquette est le même.

Ensuite, les menus déroulants permettent de lire les programmes, de modifier les données, de jouer, de dessiner, d'écrire...

Grâce au modem, toutes les fonctions de télécommunications sont possibles : téléphone, télécopie et, surtout, accès à Internet. Cliquer sur l'icône du fournisseur d'accès présent à l'écran permet de naviguer sur l'ensemble des sites disponibles sur le Web, de participer aux forums ou aux newsgroupes, d'envoyer (et de recevoir) du courrier électronique.

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Ce parcours suppose une familiarisation avec la machine ; la difficulté pour l'acquérir décroît au fur et à mesure de l'apparition de nouveaux modèles.

La sortie de nouveaux modèles, tel l'Infinia de Toshiba, fait franchir un pas de plus sur la voie du rapprochement entre la chaîne hi-fi, le téléviseur, le magnétoscope, le bureau, la bibliothèque, le téléphone, le répondeur, la télécopie, la radio... À l'avenir, l'ordinateur permettra de gérer la maison, et d'exécuter les tâches ménagères. Dès aujourd'hui, il met à la disposition du consommateur culturel le savoir de l'humanité.

Les liens forgés par Microsoft dans le monde de la télévision par câble, d'une part, par CNN et Oracle, d'autre part, sont une illustration supplémentaire du rapprochement entre ces deux domaines de la vie des hommes.

Le Network computer (NC) constitue un développement annoncé. Longtemps tenu à l'écart par les fournisseurs de matériels avant tout préoccupés par la course à la puissance, le NC fait son chemin ; Intel et Microsoft ont annoncé en juin 1997 leur entrée sur ce marché. Le NC est un terminal qui enregistre toutes les informations sur des ordinateurs centraux dénommés serveurs.

La Net Box, commercialisée par la société française NET GEM offre l'avantage de s'affranchir de l'ordinateur. Internet est désormais disponible pour tous les possesseurs de téléviseurs. Le réseau devient une nouvelle chaîne à laquelle on accède avec une télécommande. La Net Box offre à la fois l'accès au Web, un album pour répertorier les menus, la recherche d'informations sur un thème et un service de messagerie électronique, y compris vocale. La présence d'un lecteur de carte à puce permet également les achats en ligne par carte.

« Difficile de trouver le défaut de la cuirasse de la Net Box. Elle ne prétend pas concurrencer l'ordinateur. Ses capacités multimédia sont limitées par l'impossibilité d'enregistrer un document ou un fichier, faute de disque dur. Les messages électroniques eux-mêmes restent stockés sur le serveur du fournisseur d'accès. La seconde génération, prévue pour octobre sera équipée d'une sortie infrarouge pour imprimante ou pour appareil photo numérique. Mais, dès maintenant, le rapport service/prix de la Net Box semble imbattable » 110 ( * ) .

Internet se libérera également de l'ordinateur en envahissant la vie quotidienne. Afin de faciliter l'accès au réseau, c'est-à-dire à la fois de le rendre moins coûteux, plus léger et plus simple à utiliser, en particulier pour des informations précises et brèves (numéros de téléphone, horaire, état d'une route...), d'aucuns évoquent une nouvelle bataille industrielle. À l'instar du téléphone, Internet deviendrait disponible à tout moment, quitte à s'intégrer au mobilier urbain et domestique existant. Déjà consultable à partir d'un téléphone portable relativement lourd mis au point par Nokia, le réseau le serait également à partir des appareils les plus divers de la vie quotidienne : outre la télévision, la pompe à essence, la montre et l'agenda électronique sont évoqués parmi les moyens d'arriver au réseau. Cette dissémination, si elle devait se réaliser, et même si elle était, dans chaque cas, limitée à la consultation de quelques sites, permettrait une multiplication des accès au réseau et sa banalisation.

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Des chausse-trapes : les hypertextes dont les liens mènent où ils veulent

Les dérives possibles d'Internet ont été décrites et dénoncées. Le réseau, grâce à la diffusion rapide d'informations, permettrait de donner une nouvelle dimension aux activités criminelles et frauduleuses en tous genres. Il ne faut pas oublier ni négliger bien d'autres conséquences, positives, voire heureuses.

Selon un sondage Louis Harris, si 5 % des utilisateurs du net affirment avoir été victimes de violation de leur vie privée, plus de 50 % expriment leur crainte de voir leur courrier électronique lu et leurs recherches sur Internet enregistrées. Même s'il est difficile de faire la part des choses, de telles craintes sont intéressantes à la fois par leurs conséquences -freiner le développement du commerce électronique- et par ce qu'elles révèlent du fonctionnement même du réseau.

Contrairement à une bibliothèque où vous pouvez très bien porter votre choix sur un ouvrage situé dans un rayonnage éloigné de la porte d'entrée, la navigation par hypertexte contraint. La plupart du temps, il s'agit d'un formidable outil de recherche, facilitant toutes les démarches. Par exemple, sauf à connaître exactement les coordonnées de la bibliothèque du Congrès, il est beaucoup plus aisé de passer, depuis le Sénat, au Congrès américain et, de là, à sa bibliothèque.

Pour le Larousse 1996, en son édition multimédia, l'hypertexte est une « technique ou système qui permettent, lors de la consultation d'une base documentaire de textes, de sauter d'un document à un autre selon des chemins préétablis ou élaborés à cette occasion. »

Par extension, on parle d'hypermédia lorsqu'il s'agit d'objets au sens le plus général, par exemple des images à deux en trois dimensions, des séquences d'images animées, des séquences sonores et, bien sûr, des textes.

Le lien est choisi par le créateur du texte initial. Ce lien conduit ensuite à un développement choisi aussi par l'auteur initial. À la logique cartésienne succède une logique du hasard ou du bon plaisir d'un auteur de textes.

La relation (le lien) établie entre deux documents fait que l'utilisateur est tributaire, voire prisonnier, de la vision du monde ou de l'usage qu'a entendu lui donner celui qui a créé ce lien.

Que ce soit sur Internet ou sur tout autre support (cédérom), l'hypertexte constitue donc, plus qu'une contrainte, une nouvelle forme de communication. Le libre arbitre de l'utilisateur est limité, annihilé.

* 106 « 2100 récit du prochain siècle », sous la direction de M. Thierry Gaudin, Payot.

* 107 Ibid.

* 108 Ibid.

* 109 Ibid.

* 110 Michel Alberganti, Le Monde, 14 juin 1997.

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