4. Intervention de M. Deepak Banker, président de la Federation of indian chambers of Commerce and Industry

M. Deepak Banker . - Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, malheureusement je ne peux pas continuer en Français, mais j'ai promis à mon ambassadeur, M. Philippe Petit, que dès que je ne serai plus Président de la Fédération, à partir du 1er janvier 1997, je vais me mettre à apprendre le Français. C'est important car je suis le consul de France à Madras.

J'étais très heureux d'écouter les propos de M. Riboud. Je vais y faire référence tout à l'heure, mais je crois qu'il a formulé ses observations afin de s'assurer que ses concurrents ne viennent pas en Inde, tout simplement.

Monsieur Riboud, méfiez-vous, vous êtes à Paris, il ne faut pas faire cela à Bombay parce qu'ils ne vont jamais manger vos biscuits !

C'est un grand plaisir et un honneur pour moi d'être avec vous, cet après-midi car l'objectif de ce colloque est de promouvoir l'amitié entre nos deux pays pour aider à la compréhension mutuelle et donc favoriser le commerce pour le bien de tous.

Je voudrais féliciter M. Francois-Poncet et sa délégation, ainsi que M. Saillard et sa délégation, qui sont tous venus en Inde. Depuis des années maintenant, le flux des affaires entre l'Inde et la France s'est toujours fait au niveau des gouvernements. A présent, c'est différent, il faut rencontrer les hommes d'affaires indiens eux-mêmes. Vu le niveau des personnalités qui sont déjà venues en Inde, il y a des très bonnes chances de se comprendre et de faire des affaires ensemble. Nous avons beaucoup de chose en commun : l'histoire et la culture. C'est l'occasion de mettre tout cela en commun.

Ce matin, j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt les problèmes des PME et PMI qui viennent en Inde. Je sais qu'en France, les PME contribuent pour plus de 50 % au PNB. Chez nous, ce n'est que 35 à 40 %, mais c'est historique car jusque en 1991, on avait le système de licence. Avec ce genre de système, on accordait une licence à quelqu'un pour fabriquer un produit, et lui tirait profit de cette licence pour fabriquer de A à Z. Il avait toujours son bénéfice en fin de parcours, même si ce n'était pas un produit de grande qualité ou fabriqué de manière efficace. Maintenant, cela a changé : il y a beaucoup de concurrence dans le secteur automobile et beaucoup de PME sont entrées en scène. Hier, nous étions à Lyon. Des sociétés vont fabriquer des composants automobiles en Inde, c'est la nouvelle ère de l'Inde : la concurrence va maintenant déterminer les fabrications industrielles, les coûts, les qualités. Les PME vont donc entrer en scène.

Je voudrais vous donner un exemple pour vous dire comment on a essayé de promouvoir les PME. Nous avons eu des liens avec le Japon, sous la forme du Joint Business Council et au bout de 26 ans d'existence de ce conseil, les Japonais sont arrivés à la conclusion qu'au mois de novembre, ils vont amener 75 PME en Inde. Ils vont à différents endroits. Après cela, nous ferons une grande réunion, à Delhi, pour partager les fruits de l'expérience.

Je vous invite vivement à faire le même genre d'exercice, du côté des Français. Nous pouvons nous arranger pour que vous rencontriez les PME en Inde car certaines sont de grandes entreprises. Il faut les amener en Inde. Nous allons organiser des réunions en face à face, pour vous, car c'est la meilleure façon de promouvoir les PME. Vous pouvez mettre beaucoup de gens dans l'antenne commerciale. Ils font un très bon travail. M. Philippe Petit et son équipe, tout le monde, à l'ambassade de France, en Inde, fait un bon travail. Vous vendez bien la France en Inde, mais des personnes seules ne peuvent pas le faire. Je vous propose d'amener vos PME chez nous.

L'autre aspect est la question qui brûle les lèvres de tous : l'affaire de l'islam. Il n'y a que 15 % de la population totale qui constituent la population musulmane. Même le parti hindou, qui domine dans les plus grand Etats industriels de l'Inde, là, la population musulmane a voté pour le BJP. Vous n'avez pas meilleure preuve du soutien apporté par les Musulmans à l'économie indienne. Ils ont voté massivement pour le BJP.

C'est un commentaire fait par quelqu'un qui a perdu les élections, pour la première fois, depuis l'indépendance. Les Musulmans ont voté massivement pour le BJP car c'est une économie qui permet aux Musulmans de travailler et de vivre plus paisiblement qu'avant. Ils sont beaucoup plus tranquilles. Malheureusement, la politique est une grande coupable : s'il n'y avait plus les questions politique, dans nos pays, on ferait des affaires que l'on fait déjà. Il y a des marchandises indiennes qui vont à Singapour et qui trouvent leur chemin, déjà, dans le flux des affaires, mais c'est la politique qui règne sur tout. S'il n'y avait pas la politique, le Cachemire serait encore un très beau pays.

C'est ma réponse sur les relations qui règnent entre les Hindous et les Musulmans chez nous. C'est un sujet important pour tout le monde.

L'Inde est gouvernée par une coalition de partis " arc en ciel " dirigée par M. Gowda. Or, c'est le même M. Gowda qui dirigeait l'Etat du Kamataka, dont la capitale, Bangalore, est qualifie de " Sillicon Valley " indienne, et qui est si accueillante aux investisseurs étrangers. Comment, dans ces conditions, M. Riboud peut-il se montrer si méfiant à l'égard du gouvernement indien ?

Il y a sept jours de cela, nous nous sommes réunis avec les industriels et le Premier Ministre. Il a dit : " Que ce soit Enron ou d'autres projets, je vais personnellement signer les accords et veiller à ce que les projets soient approuvés. Vous n'aurez pas à voir un secrétaire quelconque pour avoir les approbations nécessaires ". C'est le genre d'homme que l'on a en place, aujourd'hui. Quand il nous a invité, la toute première fois, il nous a souhaité la bienvenue et a dit : " Je veux entamer un dialogue continu entre l'industrie, les affaires, et la classe politique ". Chez nous, en Inde, nous avons un meeting. Il y a le gouvernement et les affaires, côte à côte. Même dans notre délégation, aujourd'hui, on a des représentants du gouvernement et des hommes d'affaires.

Monsieur Riboud, je peux vous assurer que vous aurez à traiter avec un gouvernement qui, je le crois fermement, aura des réformes à entreprendre, une grande libéralisation comme on ne l'a jamais connue. Il n'est pas difficile pour un gouvernement indien d'entamer ces réformes, actuellement, parce que nous avons arrêté les réformes à cause des élections. Partout dans le monde, dans la période préélectorale, même aux Etats-Unis, les choses ont tendance à s'arrêter avant les élections. C'est ce qui s'est passé en Inde. Il y avait les élections en vue et les réformes ont donc été arrêtées momentanément. Il n'est pas surprenant, maintenant, de savoir que les réformes vont aller bon train, après.

Monsieur Ailleret, vous avez soulevé un point très important en disant qu'il y avait beaucoup de pertes en distribution. C'est la question de subventionner l'électricité en Inde. C'est un problème. C'est une situation où il n'est pas économique pour l'Etat ou le gouvernement central d'exploiter des centrales électriques. Mais il y a une semaine, nous avons constaté que le coût de l'électricité en Inde a augmenté de 25 %. Pour la première fois, depuis longtemps, les paysans vont payer leur électricité. Vos prières sont exaucées.

L'infrastructure est le goulot d'étranglement chez nous. C'est une situation grave. On demande au gouvernement d'avoir une politique transparente avec un pouvoir quasi judiciaire pour assurer la transparence. S'il y a des litiges, que l'on puisse les résoudre.

Concernant les investissements étrangers, il y a 200 milliards de dollars américains de besoins d'infrastructures, en Inde, d'ici 5 ans. On ne peut pas dire : non, il n'y aura pas d'investissement direct des étrangers. Le gouvernement indien n'aurait pas parlé comme cela s'il ne voulait pas attirer les investissements étrangers. J'aborderai la question suivante tout à l'heure : comment regardons-nous cet investissement étranger ?

Mesdames, Messieurs, je voudrais déclarer ici, et je cite les paroles du Haut Commissaire britannique en Inde, il y a deux mois, ambassadeur de la Grande-Bretagne dans différent pays du Moyen-Orient avant de venir en Inde : " Il n'y a pas d'instabilité économique et politique en Inde, sinon, on n'aurait pas pu voir trois gouvernements se former en un mois de temps, sans incidents, sans émeutes, et sans incendies. C'était la vraie démocratie à l'oeuvre ".

A l'heure actuelle, comme a dit M. Riboud, il y a une incertitude, c'est une nouvelle donne. Pour la première fois, depuis 50 ans, il y a un nouveau gouvernement. Pendant 50 ans, on avait le parti du Congrès. Il est normal qu'il y ait de l'incertitude. C'est cependant la chose qui devait se passer en Inde. Pendant 50 ans, on a été contrôlé par un parti politique et on s'appelait démocratie, mais la vraie démocratie ne fait que démarrer maintenant, en Inde. La puissance d'un parti monolithique est à présent diluée, et c'est une bonne chose. Nous assistons à la réalité d'un système tripartite, à savoir la coalition actuelle des trois partis. Ce n'est pas une instabilité, mais une incertitude qui règne.

Comment peut-on parler d'instabilité si on a une croissance de 6,5 % du PNB et une croissance économique de 12 % ? Ce n'est pas une instabilité.

Monsieur Riboud, j'espère qu'à l'avenir, vous aurez davantage confiance en les Indiens.

Je voudrais vous expliquer ce que l'on veut dire quand on parle de politique d'investissement par les étrangers. On veut trois choses : un rôle dominant, un rôle de leadership, et un rôle de soutien. Quand je dis " dominant ", je veux dire que l'infrastructure doit être indienne. On parle de 200 milliards de dollars d'infrastructures, là, on accueille le rôle dominant des étrangers. Non, le gouvernement de l'Inde l'a dit clairement. Le gouvernement dit aussi que l'on va jouer un rôle de leadership. Que veut-on dire par là ? Je schématise : le rôle de leadership veut dire que tout le monde peut venir en Inde, utiliser les ressources naturelles, les transformer en produits finis, donc en valeur ajoutée, et les exporter en dehors du pays. Qu'a-t-on obtenu avec cela ? On a obtenu une valeur ajoutée à nos ressources naturelles, on a créé des emplois et gagné des devises. Non, cela ne nous dérange pas.

Cependant, il y a la zone critique : les biens de consommation non durables. Que veut-on dire par biens de consommation non durables ? Cela veut dire que pour certaines de ces marchandises qui ne sont pas d'une grande importance pour la croissance industrielle -il y a quand même des sociétés indiennes qui fonctionnent déjà dans le secteur-, on va prendre des mesures financières telles que tout le monde sera à égalité. Il faut accepter le fait que l'on a des taux d'intérêt de 20 ou 21 % de francs français, alors que ce sont 7 roupies et 35 pour un dollar américain. Quand on pense à cette disparité d'échange, quand on pense à 21% de taux d'intérêt, où se trouve l'homme d'affaires indien ? C'est cela, l'inégalité.

Ce n'est pas l'inégalité qui nous dérange, mais plutôt quand on constate qu'une joint venture qui existe depuis 40 ans, en Inde, avec un partenaire majoritaire indien, et que ce dernier dit : " Maintenant je veux la majorité. Si je ne l'ai pas, j'irai démarrer une autre filiale, j'amènerai de nouvelles technologies, et adieu ". Réfléchissez aux implications sociales. Ces gens de classe moyenne, les actionnaires qui ont soutenu la société depuis 40 ans, vont perdre leur placement. Est-ce un bon signal que l'on donne aux gens qui voudraient venir en Inde ? Non. Voulez-vous priver ces actionnaires qui ont soutenu cette société depuis 40 ans ? Vous ne voulez pas leur donner la chance de partager la prospérité. A court terme, c'est peut-être rentable, mais pas à long terme. C'est de cela dont on parle en Inde.

Je voudrais ajouter un exemple pour vous montrer comment le gouvernement de l'Inde traite l'industrie. Par exemple, Pepsi Cola est venu en Inde vendre des frites surgelées. On peut se dire que l'on n'a pas besoin de frites surgelées, mais le gouvernement a bien réfléchi à la chose. Que fait-on quand on fait des frites surgelées ? On fait d'abord pousser des pommes de terre ? Qui fait cela ? Les paysans. Le paysan, aujourd'hui, a un rendement 10 fois supérieur à celui qu'il avait dans le passé. Il gagne donc 10 fois plus parce que Pepsi Cola a amené la nouvelle technologie qui lui permet de faire pousser les pommes de terre. Vous avez également des technologies pour la récolte. Après la récolte, il y a la réfrigération, l'emballage, le conditionnement. Cela amène d'autres techniques, d'autre industries, et, finalement, cela devient des frites surgelées. C'est de la valeur ajoutée. Ensuite, on vend cela en créant un réseau de marketing. Le gouvernement de l'Inde a regardé le projet dans son ensemble et a trouvé cela formidable. Il n'a pas dit que c'était un produit de consommation que l'on interdirait. Il n'y a donc pas de règle exacte.

Je cite cet exemple car c'est la réalité, c'est un exemple vécu. Le gouvernement, dans le Bengale occidental, qui est actuellement marxiste, a mis à la disposition de Pepsi Cola un terrain pour un grand projet de frites surgelées. Il ne faut donc pas partir d'ici avec l'impression que concernant les biens de consommation sur de tels produits, le gouvernement ne veut pas investir. Je dirai que c'est un investissement sélectif qui est autorisé.

J'arrive au point de M. Riboud. J'accepte le fait que l'infrastructure est mauvaise. En tant qu'homme d'affaires indien, on a peur que cette infrastructure sonne le glas de l'Inde. On va pouvoir produire, mais pas vendre parce qu'on n'aura pas l'infrastructure nécessaire. On sera retardé sur le plan industriel et du point de vue de la croissance. Il existe des tracasseries administratives, on en convient. Monsieur Riboud, je peux vous amener personnellement voir le Premier Ministre et nous allons plaider notre cause ensemble. Mais il faut aussi être un peu charitable. Vous serez sûrement d'accord avec moi pour dire qu'entre ce qui existait, il y a 5 ans, et ce qui existe à l'heure actuelle, ce n'est pas la même Inde.

Il faut tenir compte du fait qu'en Inde, vous avez 920 millions de personnes, dont 300 millions de pauvres, et 250 millions de classe moyenne, avant de prendre des décisions. Il y a aussi le fait que, pendant 50 ans, la bureaucratie était programmée. Ce n'est pas facile de changer la mentalité des gens en 5 ans. Je crois cependant que vous allez trouver un changement, pour le mieux, depuis 5 ans. Si vous êtes d'accord avec moi, j'en serai heureux.

Je reviens maintenant sur vos cinq points.

Vous avez tout d'abord parlé des industries agro-alimentaires. 60 à 66 % de la population, en Inde, vivent de l'agriculture, ce sont des paysans. L'agriculture, en Inde, est très intensive. Les gens possèdent peu de terrains : ce ne sont pas des hectares et des hectares. La philosophie est donc toute autre. En tant qu'hommes d'affaires, nous demandons à notre gouvernement de déclarer que l'agriculture est une industrie Aujourd'hui, l'industrie est une industrie de haute technologie. C'est la raison pour laquelle nous avons ici, et dans notre délégation, des gens dans l'agro-alimentaire, y compris moi-même. En effet, j'ai commencé comme ingénieur en textile et j'ai essayé de devenir agriculteur. Toutes les terres dont on dispose sont la force de l'Inde. 900 millions de personnes, dont 300 millions de pauvres, disposées à travailler sur la terre avec un climat qui nous donne la neige dans le Nord et une Côte d'Azur dans le sud : on peut cultiver tout ce que l'on veut. L'agriculture sera le fleuron de l'industrie indienne. Cela va représenter 50 % de nos exportations totales.

Je peux vous citer l'étude réalisée par les Nations-Unies selon laquelle, si le gouvernement indien accorde toute l'attention que mérite l'agriculture indienne, on créera 100 millions d'emplois dans cette agriculture. C'est un pays qui cultive beaucoup de fruits et légumes mais qui, malheureusement, ne transforme que 1,5 % de ses fruits et légumes. Nous avons discuté avec les Français. Après Paris, nous allons à Bordeaux. J'espère que les vins vont commencer à couler en Inde. Nous avons de bonnes vignes, en Inde. Vous seriez surpris. Nous envisageons cette collaboration en agro-alimentaire avec la France.

L'autre point que vous avez soulevé concerne les mesures contraignantes sur les importations. Non, ce n'est pas cela. Les importations ont été complètement libéralisées. Aujourd'hui, on peut importer tout ce que l'on veut en Inde. Les droits douaniers, qui s'élevaient jusqu'à 35 %, il y a quelques années, sont aujourd'hui, en moyenne, de 28 % pour l'importation. Ce sont des faits. Sur ce point, je ne suis pas d'accord avec vous, Monsieur Riboud.

Concernant les réformes fiscales, aujourd'hui, l'une des conditions posée par le gouvernement est d'augmenter les limites d'exonération pour l'impôt sur le revenu, pour tout le monde, ainsi que pour l'impôt sur les sociétés. C'est la politique affichée du gouvernement. L'Inde est partenaire dans l'OMC et doit amener ses droits de douane à l'importation en conformité avec les exigences de l'Organisation Mondiale du Commerce. Je ne sais pas si les Américains vont pouvoir tenir leurs promesses au sein de l'OMC. Nous verrons.

Le secteur public, en effet, me tient à coeur également. Si l'Inde doit contenir sa dette fiscale et son inflation, il faut privatiser, restructurer, réorganiser le secteur publique. Est-ce facile de faire cela en France ?

920 millions de personnes, sans emploi, et pas de sécurité sociale en Inde. Est-ce que vous voudriez jeter ces 300 millions de personnes sur le pavé ? Ce n'est pas facile ! Il existe une volonté. On espère arriver au bout de nos peines en formant les gens. Le maximum d'emplois peut être créé dans les infrastructures : la construction de bâtiments, les voies navigables, les barrages, l'hydroélectricité. C'est ce qu'envisage le gouvernement indien afin de créer des emplois viables pour tous ces gens. Même dans le secteur public, il y aura des changements, mais cela va demander du temps.

Il faut se rappeler que la responsabilisation sociale est une nécessité. J'entends par responsabilisation sociale l'éducation, la formation technique, professionnelle, et primaire. C'est également la protection sociale, la santé publique, la planification familiale, l'eau potable. La responsabilisation sociale est nécessaire, sinon le gouvernement ne va jamais survivre. Il faut avoir le soutien du peuple. Il faut que les réformes et la libéralisation passent par le peuple.

La question de la responsabilisation sociale fait partie intégrante de la restructuration du secteur public.

Dernier point : les tracasseries administrative. J'ai dit tout à l'heure que quand nous nous sommes rencontrés, avec le Premier Ministre, c'était l'assurance qu'il nous a donnée. Je ne peux pas vous en dire plus. J'admets qu'il y a des tracasseries administratives, mais il y en a beaucoup moins qu'auparavant. Ce n'est pas une vraie réponse, mais au moins, on fait des progrès.

Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, c'est avec plaisir que j'ai accepté cette possibilité d'expliquer l'Inde. Je remercie les trois orateurs, ici présents, de leurs commentaires. J'ai entendu les commentaires de M. Riboud, je les prends comme des commentaires constructifs. Il faut que l'on dise ce que l'on a sur le coeur ! Il fait 200 millions de biscuits, en Inde, il faut qu'il aime l'Inde, après tout, pour faire 200 millions de gâteaux secs chez nous !

Je ne sais pas si c'est enrobé de sucre, mais cela doit être pas mal et il doit quand même aimer l'Inde !

M. le Président . - Je vais naturellement demander à M. Riboud s'il a des observations complémentaires à faire ?

M. Antoine Riboud . - Laissez-moi vous dire que je m'excuse pour tout ce que j'ai dit et je vous dirai pourquoi.

J'ai commencé en disant que je n'étais pas spécialiste de l'Inde, mais beaucoup d'employés, dans ma société, le sont. Je leur ai demandé un rapport, c'est ce que qu'ils m'ont donné. Je suis désolé, ce n'est pas moi le spécialiste c'est ce qu'ils m'ont rapporté.

M. Deepak Banker . - Nous allons les inviter à prendre un verre ce soir. Nous leur expliquerons les choses.

M. le Président . - Y a-t-il des questions que vous souhaitiez poser à nos deux intervenants ? M. Beffa est obligé de partir, il a une réunion.

Un Intervenant . - Ma question s'adresse à M. Banker.

Vous nous avez lancé, au début de votre exposé, un défi. Vous nous avez dit que 73 PME japonaises étaient venues en Inde. Ce qui m'a frappé, c'est que nous-mêmes, lorsqu'il y a quelques années, j'étais Directeur d'un organisme dans le cadre de la Confédération des PME, nous sommes parvenus à implanter en Australie, précisément, 73 PME françaises.

La correspondances de ces chiffres est telle que je vous pose la question, Monsieur Banker : comment pourrait-on faire ensemble pour que, effectivement, nous puissions emmener 73 PME en Inde ? Je suis le représentant, ici, de l'Assemblée Mondiale des PME. Nous avons peut-être tous les moyens nécessaires pour mener à bien cette opération. Avec l'aide des grandes entreprises, M. Ailleret, M. Beffa et M. Riboud, peut-être pouvons-nous ensemble relever le défi et amener en Inde soit 73 PME françaises.

M. Deepak Banker . - Merci beaucoup de votre réflexion. En fait, nous avons discuté de cette question des PME car toutes les multinationales connaissent le pays. Ils en savent souvent plus que nous-mêmes sur le pays. Les 73 PME du Japon viendront en Inde sous la bannière d'entreprises en partenariat japonais et français. Nous avons les chambres de commerce japonaise et indienne. Nous avons des chambres de commerce associées, ce sont les deux partenaires. Nous allons organiser des réunions pour ces 73 PME, lorsqu'elles viendront du Japon.

Si vous amenez ces 75 PME de France, nous organiserons ces réunions en Inde, avec l'aide des chambres de commerce. C'est la façon dont nous voulons opérer les choses pour promouvoir les PME en Inde. Ce serait magnifique que vous puissiez venir. Je suis moi-même une PME et je serais ravi de vous accueillir en Inde.

M. Pierre Amado . - Ma question rejoint celle qui vient d'être posée. Je pense à l'exposé de M. Ailleret. Je suis très heureux qu'il travaille en Inde et que l'EDF puisse aider, d'une certaine manière, l'électricité indienne. Il y a en Inde 1,5 million de villages. (Le recensement dit 600.000, mais il s'agit de 600.000 communes). Il est impossible, matériellement, de relier à un réseau central tous ces villages de l'Inde. Il me semble donc que l'énergie solaire est l'énergie idéale pour les villages de l'Inde. Or, dans ce pays où la ligne électrique coûte plus de 50.000 roupies par kilomètre, c'est-à-dire à peu près le prix d'un Kw photovoltaïque, dans ce pays où l'on compte entre 30 et 40 % de pertes en ligne, comment se fait-il que les industries françaises du solaire qui, il y a une quinzaine d'années, étaient parmi les premières du monde (du point de vue technique, elles n'ont guère été dépassées ; il y a 10 ans, la France était le troisième producteur mondial de cellules photovoltaïques, aujourd'hui, c'est l'Inde qui est le troisième producteur mondial) comment se fait-il que ces industries françaises n'aient pas été capables de prendre un marché aussi important et, surtout, illimité ?

La question, vous l'avez posée, Monsieur, et je dois dire que M. Frilet y a répondu, et ce, de deux manières. La vérité est que les grands industriels français n'ont pas fait ce que les Anglais appellent du " portage ", et c'est regrettable car une petite industrie française ne peut pas se permettre d'avoir un bureau et un représentant permanent en Inde et, surtout, de ne rien gagner pendant plusieurs années, dans l'idée qu'elle pourrait gagner par la suite. C'est regrettable.

C'est une question que, vous, les grands industriels, devez résoudre. Je suis frappé de voir que, dans ce colloque, nous avons affaire à de grands industriels -devant lesquels je tire mon chapeau- alors que les petites industries ne sont malheureusement pas représentées.

Une intervenante . - Pardonnez-moi, mais je vais jeter un pavé dans la mare !

J'enseigne, depuis 22 ans, en Prépa HEC, dans un lycée prestigieux, puisque c'est Janson de Sailly, où nous avons eu, parmi nos anciens élèves, Tata, l'un des grands leaders industriels indiens. Je dois dire que le grand drame - et M. Riboud, ancien de l'ESCP, ne me démentira pas-, est que nous avons un enseignement commercial qui forme des gestionnaires et qui ne forme pas des commerciaux. J'ai des anciens élèves -et j'en ai beaucoup, en 22 ans d'enseignement- qui vont tout le temps en stage en Asie de l'Est et du Sud-Est et qui ne vont pas en stage en Inde.

Le grand problème du système éducatif français est que nous formons des élites qui veulent faire de l'audit, qui seront directeurs financiers, mais qui ne seront pas suffisamment des commerciaux ou des commerçants. Nous ne sommes pas un pays de vendeurs.

Que peut-on faire, dans les chambres de commerce, pour former des vendeurs, des commerçants de haut niveau, et non pas des gestionnaires ? Je pense que les élus, les directeurs de sociétés ont un mot à dire, et là, je rejoins des préoccupations ; c'est-à-dire que des grandes firmes, comme Danone et EDF, auront toujours les moyens de s'implanter en Inde, mais que peut-on faire pour aider ces patrons de PME qui sont très dynamiques ? Il y a l'exemple célèbre d'un patron de PME qui vend au Japon des kimonos. Qu'attend-on pour vendre des saris aux Indiens ?

M. le Président . - Comme vous vous êtes adressée directement à M. Riboud, je vais lui donner la parole.

M. Antoine Riboud . - Madame, vous avez tout à fait raison.

L'intervenante . - Merci.

M. Antoine Riboud . - Il existe un moyen fantastique, que tout le monde oublie, pour apprendre aux jeunes à devenir des vendeur : le VSNE. Il faut obtenir de l'Etat français qu'il multiplie par 10 les VSNE. Nous avons une quantité fantastique de VSNE.

L'intervenante . - Les élus ont quelque chose à faire !

M. le Président . - J'étais à la recherche d'une mission, je l'ai trouvée.

Un Intervenant . - Je souhaiterai intervenir sur la question de l'investissement international. La question s'adresse à M. Banker.

L'Inde a donné un signal formidablement positif, vous l'avez dit, il y a quelques années, en ouvrant, en " délicençant " l'importation, les projets industriels, et l'investissement international. Ce fut un progrès extraordinaire. C'est ce qui a déterminé des grands groupes internationaux à faire des investissements importants dans votre pays.

Dernièrement, au cours d'un congrès de Herald Tribune que mon organisation a parrainé, à Singapour, en avril, nous avons entendu un haut dignitaire du gouvernement indien dire : " L'investissement international, c'est très bien, mais il faut tout de même que ce soit équilibré, que l'on puisse contrôler, qu'on puisse vérifier que notre propre industrie, etc ". Sur le fond, il n'a pas tort, mais le signal qu'il a donné là est une espèce, sinon de contre-signal, une espèce de signal d'amoindrissement du message antérieurement donné jusqu'à présent de M. Rao et que M. Gowda va certainement reprendre à son actif.

Je serai content d'avoir de vous, Monsieur Banker, des indications là-dessus car c'est un sujet qui intéresse beaucoup d'entreprises internationales que je connais, et auquel mon organisation est très personnellement attachée.

M. le Président . - Je vous remercie. Nous allons momentanément nous en tenir là pour les questions car nous devons poursuivre avec la table ronde que va présider, dans un instant, M. Mentré.

Je vais donner la parole, tout d'abord, à M. Ailleret, et ensuite, à nos amis indiens pour répondre. M. Banker aura le dernier mot.

M. François Ailleret . - L'appui aux PME/PMI est essentiel, nous sommes prêts à le faire, nous avons commencé à le faire, et c'est très difficile. C'est facile pour une maison comme EDF d'organiser un voyage à l'étranger pour 10 ou 15 PME, mais cela ne se sert à rien, s'il n'y a pas, après, toute une infrastructure de suivi et d'appui. Il ne faut pas déclencher un feu de paille, il faut engager un mouvement sérieux et en profondeur, et nous y travaillons, notamment avec des organisations professionnelles comme le Gimélec dans un petit nombre de pays.

S'il y avait une opération structurelle bien menée sur l'Inde, je dis ici qu'EDF pourrait s'y engager sans hésiter.

Le photovoltaïque sera la première apparition de l'électricité pour des millions de nos concitoyens du monde qui, aujourd'hui, ne connaissent pas l'électricité. Pour EDF, nous venons de prendre une participation dans Total Energie, filiale qui développe le photovoltaïque. Là aussi, si vous avez des projets ou quelque chose à nous demander, nous sommes prêts à collaborer sur ce projet d'intérêt général pour l'humanité, et qui peut, en même temps, avoir des retombées positives sur l'industrie française.

Enfin, EDF n'a pas du tout l'implantation internationale de M. Riboud et de sa pléiade de sociétés, mais dans le sens de ce que vous dites, Madame, dans tous nos bureaux à l'étranger, nous avons un ou plusieurs CSNE . Nous ne l'avons jamais regretté, cela les prépare bien à la suite et cela apporte une contribution à EDF. J'approuve donc totalement ce que vous avez dit.

M. le Président . - Si vous voulez faire un commentaire. Vous êtes le vice-président de la fédération.

M. Kasliwal . - Contrairement à ce qu'a dit M. Rouher, le représentant de l'Inde au Forum de Singapour, M. T. Khanna, s'est montré ouvert dans la discussion. Il a simplement demandé une légitime réciprocité des concessions entre pays développés et pays en voie de développement concernant notamment l'accueil des investissements étrangers.

En ce qui concerne M. Rouher, il est le Secrétaire Général de l'ICC dont j'ai été le Président de la section indienne.

M. le Président . - Merci beaucoup.

M. Deepak Banker . - Je voudrais parler un peu de cette question de l'énergie, avec votre permission.

L'énergie solaire, si je ne me trompe, coûte très cher. Ce n'est pas vraiment viable, commercialement, mais aujourd'hui, en Inde, parmi les énergies non conventionnelles, nous utilisons beaucoup d'énergie éolienne, et cela ne veut pas dire que l'énergie solaire ne va pas arriver en Inde. Ce sera possible, une fois que ce sera économique. Dans les énergies non conventionnelles, l'énergie éolienne joue un très grand rôle en Inde.

Vous avez dit qu'il était très difficile de connecter les villages en Inde. C'est vrai, mais dans l'Etat du Tamil Nadu, c'est-à-dire Madras, il n'y a pas un seul village qui n'ait pas d'électricité. C'est totalement électrifié. C'est l'une des raisons principales de la perte de distribution en électricité.

Je suis très heureux que vous ayez mentionné J.R.D. Tata qui a été éduqué ici. C'est probablement le plus grand industriel indien. Il a construit les lignes aériennes. C'est un grand homme très respecté et je suis très heureux que votre établissement l'ait éduqué. Dans toutes les institutions, aujourd'hui, à moins que l'industrie, l'institution, le gouvernement, ne se regroupent, on ne pourra jamais répondre au besoin du gouvernement, de l'industrie, et du peuple. Ce qui est basique, c'est qu'il n'y a pas de connexion entre ce que nécessite l'industrie et ce que les institutions produisent. Il faut peut-être examiner les choses.

Concernant la remarque qui a été faite par le secrétaire général du ministère du Commerce, M. Khanna, concernant l'investissement étranger, elle est probablement liée au fait que le coût de l'argent est bien plus élevé pour les entreprises indiennes que pour les étrangers. Ils n'avaient pas de bonnes conditions en Inde : la parité des taux du dollar, de la roupie, la question des taux d'intérêt de 6 à 8 % et, la capacité, pour toute société multinationale d'emprunter partout dans le monde. Comme vous le savez, les sociétés indiennes doivent suivre quelques conditions. Nous ne pouvons pas nous couvrir contre les fluctuations de change. C'est un grand désavantage. Nous devons emprunter de l'argent à 20 %, en plus.

Ce qui est plus important, c'est qu'aujourd'hui, si j'ai une société A et B, je ne peux pas utiliser les finances de ma société A pour soutenir la société B et ses investissements. Par conséquent, il y a eu des restrictions. Dans l'industrie indienne, nous en avons discuté avec le gouvernement. Nous avons dit : " Cela ne fait rien, du moment que vous investissiez. Mais si vous voulez le faire, vous ne pouvez pas investir au dépends des sociétés indiennes existantes. Il faut faire très attention aux domaines que vous choisissez ".

M. Khanna ne parlait pas de la politique du gouvernement indien, je peux vous l'assurer. C'est une personne très libérale qui travaillait sous l'autorité de M. Chidambaram, alors ministre du Commerce. Il n'y a pas de retournement de politique.

Je voudrais vous annoncer que les 10 et 11 septembre 1996, il y aura une conférence internationale qui s'appellera " Destination Inde ". Elle est promue par la Fédération des Chambres de Commerce et d'Industrie Indiennes Cette Fédération inclut 500 chambres de commerce en Inde qui ont toutes 120.000 différentes unités. Ces 120.000 emploient 10 millions de personnes. En collaboration, avec le ministère de l'Industrie, ils vont organiser cette conférence internationale appelée " Destination Inde ".

Quelle est la signification de cette conférence ? Elle sera inaugurée par le Premier Ministre, les conclusions seront tirées par notre ministre des Finances. Ce qui est important, c'est que 7 ou 8 domaines ont été sélectionnés pour discussion. Ils sont d'intérêt primordial pour la France : énergie, transformation des aliments, informatique, logiciels, tous ces sujets sont d'intérêt primordial pour les Français. La France a une technologie fantastique, il n'y a aucun doute là-dessus. Chaque ministère concerné par ce type de domaine, présentera les opinions du nouveau gouvernement. Vous, à votre tour, pourrez poser des questions, clarifier les choses, et rencontrer 1.000 PDG qui vont assister à cette conférence.

Nous avons reçu des réponses de partout dans le monde : Etats-Unis, Autriche, Allemagne... Nous serions heureux si vous pouviez venir à cette conférence. Nous vous enverrons les détails. Cela se déroulera donc les 10 et 11 septembre à New Delhi.

Il y a une chose que je voudrais ajouter. Je suis très heureux de voir que vous avez dit : " On ne veut pas construire un feu de paille, il faut faire les choses étape par étape ". Il faut créer une alliance entre la France et l'Inde. Il existe déjà une alliance entre les Etats-Unis et l'Inde, et entre le Japon et l'Inde, et dans cette alliance, on ne parle pas seulement de l'aspect des affaires, mais également de l'aspect social, culturel. Par exemple, Yves de Ricaud est là pour promouvoir les restaurants français en Inde, nous n'avons pas assez de restaurants français en Inde. En fait, il y a l'Inde avec une côte magnifique où vous pouvez avoir tous les poissons et crustacés que vous voulez. Amenez la Côte d'Azur en Inde ! C'est ce dont nous parlons, lorsque nous parlons de la collaboration commerciale entre la France et l'Inde.

A nouveau, je voudrais lancer un appel. Vous disposez d'une des plus grandes institutions en Inde, l'Alliance Française. Maintenant toutes les jeunes générations, en Inde, veulent apprendre le Français. Je peux vous dire qu'il y a un édifice en Inde, tellement populaire, les jeunes adorent cela. Il faut que vous souteniez cette institution parce que grâce à cette institution, vous pourrez promouvoir la réputation de la France, des générations les plus jeunes qui seront les leaders à l'avenir, en relation avec la France. C'est de cette façon que les choses fonctionnent avec les chambres de commerce indogermaniques.

Quel est le secret des chambres de commerce indogermaniques ? C'est la seule qui est acceptée partout en Allemagne car un homme et une femme se sont dévoués à construire cet édifice. Il est nécessaire d'avoir un établissement similaire indofrançais. Il y a déjà des chambres de commerce indofrançaises, mais il faut des personnes dévouées. Je n'ai aucun doute, je suis sûr que cela sera une réussite.

Enfin, comme le Consul honoraire de France, à Madras, je voudrais vous remercier de cette occasion qui m'a été donnée de vous adresser la parole.

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