2. La grève et l'inégale qualité de service rebutent la clientèle

Parmi les handicaps qui menacent la position de La Poste, la multiplication des grèves et le caractère trop erratique du niveau de qualité de service apparaissent à beaucoup comme très préoccupants.

a) Les grèves portent des atteintes parfois graves à la continuité du service public

Si la grève incommode tous les usagers de La Poste, elle constitue pour quelques-uns un inconvénient majeur (par exemple, lors de la délivrance des convocations d'examens aux particuliers), voire même vital (s'agissant de la remise des bons de commandes et de règlements aux entreprises). Rien d'étonnant, dans ce contexte, à ce que les grandes grèves postales (1974, 1988, 1995) laissent des traces dans l'opinion publique et entament la confiance que ses clients placent dans La Poste.

Les exemples des grèves de 1974 et de 1988 que nul n'a oubliées sont, à cet égard, riches d'enseignements. Comme le relève Gérard Moine, ancien directeur du Cabinet de M. Paul Quilès, au sujet des grèves de 1988 dite des " camions jaunes " :

" [...] depuis la grande grève de 1974, qui sert de référence, le secteur de la vente par correspondance s'était développé et la presse de son côté connaissait un problème de recettes publicitaires la rendant plus dépendante de l'abonnement. Cette grève des camions jaunes était donc très durement ressentie par les entreprises de vente par correspondance et par la presse. Tous ces gens ont eu l'impression qu'on les tuait et la relation entre le ministre et les organisations syndicales a été violente. " 120( * )

La grève de l'automne 1995, suivie par une petite minorité, outre le fait qu'elle a fait perdre plus d'un milliard de francs à La Poste, a profondément traumatisé les entreprises de vente par correspondance, l'un des principaux pôles de clientèle, et a failli les éloigner définitivement.

Alors que la poste néerlandaise a connu sa dernière grande grève en 1985, La Poste française a subi depuis lors cinq grèves nationales. Les clients ont d'autant moins compris ces mouvements que ceux-ci s'inscrivaient -à l'exception de ceux de 1984 et de 1988- le plus souvent, dans le cadre de journées de grèves lancées à l'échelon de la fonction publique ou au niveau interprofessionnel. Ils n'avaient donc pas de rapport direct avec l'activité de l'entreprise postale elle même.

PARTICIPATION AUX GRÈVES NATIONALES À LA POSTE
DEPUIS 1992

Date de la grève

Participation

12 octobre 1993

43 %

30 mai 1995

29 %

10 octobre 1995

58 %

24 novembre 1995

37 %

17 octobre 1996

38 %

Source : La Poste

Les grèves ne concernent d'ailleurs pas seulement l'échelon national. Un certain nombre de mouvements locaux ont eu lieu récemment. Leurs effets sur les clients qui les subissent sont tout aussi graves que ceux des grèves nationales. Pour ne citer qu'elles, rappelons les grèves qui ont ralenti ou paralysé le trafic postal à Clermont-Ferrand (février-mars 1994) ; à Toulouse (juin-novembre 1994) ; à Marseille (mars-juillet 1995) ; à Nice (février-mars 1995) ; dans le département du Var (février-avril 1995) et en Corse (février-mars 1995).

Au total, tous types de mouvements confondus, La Poste estime à plus de 900.000 le nombre de journées de travail non effectuées pour fait de grève en 1995 (soit une moyenne de 3,23 jours de grève par agent), cet indicateur ayant retrouvé un étiage plus habituel en 1996 : 134.978 jours de grève, soit 0,48 jour de grève par agent.

Un point mérite d'être souligné : le réseau postal est particulièrement vulnérable aux grèves qui surviennent dans les centres de tri . Un faible nombre de personnels en grève, eu égard au nombre total des salariés de La Poste, suffit à paralyser dans un premier temps, puis à ralentir le trafic aussi bien au niveau national qu'au niveau départemental.

Si l'on admet que le personnel des centres de tri représente environ 10 % du personnel total de La Poste et qu'au cours des grèves de 1995 un peu plus de la moitié des " trieurs " ont fait grève, on constate que c'est principalement 5 % du personnel de La Poste qui a occasionné les fortes perturbations du trafic postal ayant entraîné une perte de un milliard de francs.

A cause de la " thrombose " du trafic qui résulte des grèves dans les centres de tri, La Poste subit un manque à gagner considérable du fait des baisses de flux des gros clients tels que les VPCistes et voit son image commerciale entachée. Mais pour couronner le tout, elle voit s'accroître des modes de commande concurrents du courrier (Minitel, audiotel) qui ont tendance à se pérenniser chez le consommateur qui les a expérimentés une première fois. La Poste perd donc beaucoup et sur tous les tableaux. Comme le disait un cadre de terrain à votre rapporteur : " Pour l'entreprise, la grève dans les centres de tri, c'est la " totale ", il n'y a pas d'autre mot " .

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