2. RÉÉQUILIBRER LA TAXATION DES REVENUS DU TRAVAIL ET DES PRODUITS DU CAPITAL

Concourent à cet objectif quatre mesures : l'institution d'un prélèvement social de 2 % en remplacement des prélèvements CNAF et CNAV ; la modification de la fiscalité applicable à l'assurance-vie et aux bons de capitalisation ; le plafonnement de l'avoir fiscal restituable aux personnes physiques et la limitation de l'exonération prévue dans le cadre des plans d'épargne en actions (PEA) pour les titres de sociétés non cotées.

a) L'institution d'un prélèvement sur les revenus du patrimoine de 2 % en remplacement des prélèvements CNAF et CNAV

L'encadré ci-après rappelle les différents prélèvements sociaux affectant actuellement l'épargne.

LES PRÉLÈVEMENTS SOCIAUX AFFECTANT L'ÉPARGNE

Il existe actuellement cinq prélèvements sociaux ou assimilés s'appliquant aux revenus de l'épargne financière :


1. Le prélèvement social de 1 % perçu au profit de la Caisse nationale d'allocation vieillesse des travailleurs salariés (CNAVTS) : institué de façon temporaire en 1987 et reconduit depuis lors chaque année, ce prélèvement s'applique à l'ensemble des revenus du patrimoine, c'est à dire : aux revenus de capitaux mobiliers soumis au barème progressif de l'impôt sur le revenu et aux plus-values de cession de valeurs mobilières et assimilés imposées à l'impôt sur le revenu à un taux proportionnel ; aux revenus de capitaux mobiliers soumis au prélèvement libératoire.


Le champ d'application de ce prélèvement est identique à celui de l'impôt sur le revenu, de sorte qu'il n'est pas dû lorsque les revenus du patrimoine sont exonérés. Il est mis en recouvrement par voie de rôle en même temps que l'impôt sur le revenu ou est retenu à la source en addition du prélèvement libératoire. Il n'est pas déductible de l'impôt sur le revenu.


2. La contribution sociale de 1 % au profit de la Caisse nationale d'allocation familiale (CNAF) : instituée en 1984 et pérennisée en 1985, cette contribution ne s'applique qu'aux revenus de capitaux mobiliers soumis à un prélèvement libératoire. Le champ d'application de cette contribution est identique à celui du prélèvement libératoire de l'impôt sur le revenu ; elle n'est donc pas due lorsque les revenus du patrimoine financier sont exonérés. Elle est retenue à la source en addition du prélèvement libératoire et n'est pas déductible de l'impôt sur le revenu.


3. La contribution complémentaire à l'impôt sur le revenu perçue au profit de l'État : instituée en 1985, elle a pris la forme :

- d'une contribution de 1 % complémentaire à l'impôt sur le revenu en ce qui concerne les revenus de capitaux mobiliers soumis au barème progressif de l'impôt sur le revenu ;

- d'une augmentation de 15 % à 16 % du taux d'imposition proportionnel des plus plus-values de cession de valeurs mobilières et assimilées.

Pour les revenus considérés, le champ d'application de cette contribution est le même que celui de l'impôt sur le revenu ; elle n'est donc pas exigible lorsque les revenus sont exonérés. Cette contribution est mise en recouvrement par voie de rôle en même temps que l'impôt sur le revenu. Elle n'est pas déductible de l'impôt sur le revenu.


4. La contribution pour le remboursement de la dettes sociale (CRDS) : cette contribution instituée en 1996 est affectée à la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES). Son taux est de 0,5 %. En ce qui concerne les revenus du patrimoine, ses modalités de mise en oeuvre et de recouvrement sont identiques à celles de la CSG telle qu'elle s'applique depuis le 1 er janvier 1997. La CRDS n'est pas déductible de l'impôt sur le revenu.


5. La contribution sociale généralisée : instituée en 1990, la CSG avait initialement un taux fixé à 1,1 % qui a été porté à 2,4 % à compter du 1 er juillet 1993 et à 3,4 % à compter du 1 er janvier 1997. La CSG s'applique depuis l'origine à l'ensemble des revenus du capital taxés à l'impôt sur le revenu (barème progressif, taxation forfaitaire ou prélèvement libératoire). Depuis 1997, elle s'applique en outre à la plupart des revenus de placement exonérés d'impôt sur le revenu (PEL, CEL, PEA, PEP, assurance-vie. La CSG sur les revenus du patrimoine soumis à l'impôt sur le revenu est mise en recouvrement par voie de rôle. La CSG sur les revenus de placement soumis au prélèvement libératoire est retenue à la source en addition de ce prélèvement. Il en est de même de la CSG due au titre des revenus de placement exonérés d'impôt sur le revenu ou de prélèvements libératoire. La CSG est déductible à hauteur du point supplémentaire institué à compter du 1er janvier 1997, mais uniquement lorsque le revenu concerné est soumis au barème progressif de l'impôt sur le revenu.


L'article 6 du projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit de fusionner les actuels prélèvements de 1 % CNAF et 1 % CNAV dans un prélèvement unique de 2 % dont le produit serait affecté pour moitié à la CNAF et pour l'autre moitié à la CNAV.

Par ailleurs, l'assiette du nouveau prélèvement de 2 % serait sensiblement élargie, puisqu'elle serait purement et simplement alignée sur celle de la CSG, notamment en ce qui concerne les revenus de placements exonérés d'impôt sur le revenu.


Ce nouveau prélèvement s'appliquerait ainsi :

- aux revenus du patrimoine financier soumis à prélèvement libératoire prévu à l'article 125 A du code général des impôts (CGI) qui sont actuellement assujettis à la contribution sociale de 1 % CNAF et au prélèvement 1 % CNAV ;

- aux revenus du patrimoine soumis au barème progressif de l'impôt sur le revenu , actuellement assujettis au prélèvement 1 % CNAV et, s'agissant des revenus de capitaux mobiliers, à la contribution complémentaire d'État de 1 %, mais qui sont en dehors du champ d'application de la contribution sociale 1 % CNAF. Pour ces revenus, l'institution du prélèvement social de 2 % entraînerait un point de prélèvement supplémentaire par rapport à la situation actuelle ;


- à certains revenus de placement actuellement exonérés d'impôt sur le revenu et des actuels prélèvements CNAF et CNAV. Tel est le cas notamment des produits des comptes et plans d'épargne logement (CEL et PEL), des plans d'épargne populaire (PEP) de plus de huit ans, des produits des contrats d'assurance-vie de plus de huit ans, des plans d'épargne en actions de plus de cinq ans, ainsi que des dividendes et produits de parts sociales exonérés d'impôt sur le revenu du fait de l'application de l'abattement de 8.000 F ou 16.000 F prévu à l'article 158-3 du CGI. Les intérêts des livrets A et assimilés (CODEVI, LEP, livrets-jeunes) ne seraient en revanche pas visés.


Le fait générateur et les modalités de recouvrement du nouveau prélèvement social de 2 % seraient identiques à ceux de la CSG telle qu'elle s'applique depuis le 1er janvier 1997.


Ce prélèvement ne serait pas déductible de l'impôt sur le revenu.

S'agissant de l' entrée en vigueur , le nouveau prélèvement s'appliquerait pour la première fois en 1998, lors de l'imposition des revenus de 1997, en ce qui concerne les revenus du patrimoine pour lesquels l'impôt sur le revenu est mis en recouvrement par voie de rôle.

Il s'appliquerait à compter du 1 er janvier 1998 en ce qui concerne les revenus de placement soumis au prélèvement libératoire. Il en irait de même du prélèvement dû au titre des revenus de placement exonérés d'impôt sur le revenu ou de prélèvement libératoire. Corrélativement, les prélèvements CNAF et CNAV cesseraient de s'appliquer à compter de cette même date.

Pour les produits d'épargne exonérés d'impôt sur le revenu qui seraient soumis au prélèvement social de 2 % lors du retrait, du rachat ou du dénouement d'un plan ou d'un contrat (PEA, PEL, assurance vie en unités de compte...), l'assiette du nouveau prélèvement social serait constituée, comme pour la CSG, des produits acquis ou constatés sur ces plans ou contrats depuis le 1 er janvier 1997.

b) La modification de la fiscalité applicable à l'assurance-vie et aux bons de capitalisation

L'article 17 du projet de loi de finances prévoyait trois séries de modifications concernant le régime d'imposition des produits des contrats d'assurance-vie et des bons ou contrats de capitalisation. Une de ces mesures est destinée à favoriser le capital-risque (voir infra )

(1) la modification de l'assiette de l'imposition en cas de rachat partiel

Actuellement, en cas de rachat partiel d'un contrat d'assurance, seule une fraction des sommes retirées est soumise à l'impôt au motif qu'en pareille hypothèse, l'épargnant est réputé appréhender à la fois une fraction des primes et une fraction des produits capitalisés qui seuls constituent le revenu imposable.

Le paragraphe I de l'article 17 du projet de loi de finances prévoyait un aménagement de ces règles d'assiette, de sorte qu'en cas de rachat partiel, l'épargnant soit réputé appréhender en priorité les produits capitalisés acquis depuis la souscription.

Cette disposition a été supprimée, à l'initiative du gouvernement, lors de la discussion du projet devant l'Assemblée nationale .

(2) l'imposition des produits attachés aux contrats d'au moins huit ans

Actuellement, les produits attachés aux bons ou contrats de capitalisation et placements de même nature sont, lors du dénouement du contrat ou d'un rachat partiel, exonérés de l'impôt sur le revenu à condition que la durée de détention du contrat soit égale ou supérieure à huit ans . Cette exonération s'applique quel que soit le nombre de contrats souscrits par un même contribuable et sans limitation de versement.

Le paragraphe II de l'article 17 du projet de loi de finances prévoit de supprimer cette exonération . Ces produits seraient désormais taxés à l'impôt sur le revenu lors du dénouement (rachat partiel ou total) du contrat. Toutefois, deux tempéraments sont prévus :


- la taxation serait atténuée par rapport à la taxation de droit commun grâce, d'une part, à un abattement spécifique de 30.000 francs (60.000 pour les couples mariés) et, d'autre part, à un taux réduit de prélèvement . En effet, au-delà de l'abattement, les produits imposables des bons ou contrats d'une durée au moins égale à huit ans pourraient, sur option du contribuable, être soumis à un prélèvement libératoire à un taux de 7,5 % (contre 15 % pour le taux de droit commun) hors prélèvements sociaux (dont on a vu qu'ils s'élèveraient à 10 % pour 1998) ;


- seuls les contrats nouveaux, souscrits après le 15 septembre 1997 (cette date a été repoussée au 25 septembre après l'examen à l'Assemblée nationale) seraient taxés . Les contrats en cours continueraient à bénéficier de l'exonération à la condition qu'aucune prime ne soit versée à compter de cette date s'il s'agit de contrats à versements libres ou que l'épargnant se borne à verser les primes convenues s'il s'agit de contrats à prime périodique. Dans le cas contraire, les produits attachés à ces contrats seraient soumis à l'impôt sur le revenu, mais uniquement pour la partie acquise après le 1 er janvier 1998.


Ce dispositif a été quelque peu assoupli, à l'initiative du gouvernement, lors de l'examen du projet de loi de finances à l'Assemblée. Outre la modification de la date déjà évoquée, ces assouplissements consistent, pour l'essentiel, à admettre le maintien de l'exonération d'impôt sur le revenu pour les produits afférents, d'une part, aux versements programmés effectués à la suite d'un engagement antérieur sur les contrats à versements libres du 26 septembre 1997 au 31 décembre 1997 et, d'autre part, aux versements exceptionnels effectués sur tout type de contrat au cours de la même période sous réserve que ces derniers versements n'excèdent pas 200.000 francs.


Les tableaux ci-après indiquent les taux de taxation actuels et les taux qui résulteraient, pour les principaux revenus concernés, des articles 3 et 6 du projet de loi de financement de la sécurité sociale, ainsi que pour les contrats d'assurance-vie de l'article 17 du projet de loi de finances.

c) Le plafonnement de l'avoir fiscal restituable aux personnes physiques

Les dividendes distribués par les sociétés françaises à des personnes domiciliées en France ouvrent droit à un avoir fiscal égal à la moitié des sommes distribuées. Cet avoir fiscal, dont le montant est ajouté à celui du dividende perçu pour le calcul de l'impôt, se déduit ensuite de ce dernier.

Lorsque l'impôt dû est inférieur à l'avoir fiscal, la partie non imputée de celui-ci est reversée par l'État aux personnes physiques (mais non aux personnes morales soumises à l'IS).

L'article 15 du projet de loi de finances prévoit de plafonner cette restitution à 500 francs pour un célibataire et 1.000 francs pour un couple marié. Toutefois, la fraction d'avoir fiscal non restituée au titre d'une année du fait du plafonnement pourrait venir s'imputer sur les revenus mobiliers de l'année suivante. Ce plafond de restitution ne s'appliquerait pas aux non-résidents.

d) La limitation de l'exonération prévue dans le cadre du PEA pour les titres de sociétés non cotées

L'article 16 du projet de loi de finances prévoit de limiter l'exonération des produits afférents aux titres non cotés détenus dans un PEA à 10 % du montant de ces placements.

On se souvient que cette mesure avait été proposée par le précédent gouvernement, d'abord sous forme d'amendement lors de l'examen au Sénat du projet de loi de finances pour 1997, puis, devant la réaction hostile de la Haute assemblée, elle avait été présentée à nouveau sous forme d'amendement au projet de loi de finances rectificative pour 1996 à l'Assemblée nationale qui l'avait adopté. Lors de l'examen de cette loi, le Sénat, à l'initiative de sa commission des finances, avait réussi à faire prévaloir le bien fondé de ses positions et finalement cette mesure n'avait pas été adoptée.

A la suite de cet épisode parlementaire, le ministre de l'économie et des finances avait pris une instruction fiscale 1( * ) qui, comme le suggérait le Sénat, avait recours à la notion d'abus de droit afin de traquer les abus manifestes.

C'est aujourd'hui la même mesure qui nous est proposée, preuve s'il en était besoin de l'influence des bureaux sur la politique fiscale des gouvernements en place.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page