- LA RELATION ENTRE LE COIN SOCIO-FISCAL ET LE COÛT DU TRAVAIL

Peut on établir un lien entre le niveau du coût horaire du travail (élevé en France) et le poids (relativement fort en France) des charges sociales et fiscales portant sur le travail ?

Avant de répondre à cette question sur la base d'études antérieures rappelons l'évolution de la pression fiscale et sociale et des coût relatifs. Ces deux données évoluent dans l'ensemble de manière assez parallèle.

Niveaux relatifs des coûts salariaux horaires

Base 100 pour la France

 

1980

1985

1990

1992

1996

France

100

100

100

100

100

Etats Unis

91,7

142,1

80,7

78,0

76,3

Japon

63,3

85,2

78,6

89,1

100,8

Allemagne

118,4

110,5

118,4

120,8

129,0

Italie

76,7

89,8

97,2

96,5

76,8

Royaume Uni

71,3

72,4

70,1

68,9

61,5

Irlande

-

-

68,2

66,9

62,3

Pays Bas

119,9

106,0

101,5

100,7

98,8

Source : Rexecode

Entre 1980 et 1992, certains pays ont vu leur coût du travail nettement se réduire relativement à celui de la France. Parmi eux, on compte les Etats-Unis, les Pays-Bas et le Royaume-Uni. D'autres pays ont vu au contraire leur position relative par rapport à la France s'élever en termes de coût du travail: le Japon, l'Italie et l'Allemagne.

Le Japon et l'Italie, qui ont vu augmenter leur pression fiscale plus rapidement qu'en France, ont vu parallèlement leur position en termes de coût de travail se dégrader. Au contraire, les Etats-Unis, le Royaume-Uni et les Pays-Bas, qui ont une progression de la pression fiscale plus faible (voire négative) ont réduit le niveau de coût de travail par rapport à la France.

Le cas de l'Allemagne montre les limites d'une approche aussi simplifiée : les charges sociales n'ont progressé que de 1,5% entre 1978 et 1992, pour autant le coût du travail a augmenté par rapport à la France.

Evolution des taux de charges sur le travail salarié entre 1978 et 1992

(impôt sur le revenu, cotisations sociales employeur et employé en %)


Suède

-2,7

Norvège

-1,6

Royaume Uni

-1,5

Australie

0,2

Pays Bas

0,9

Belgique

1,2

Allemagne

1,4

Etats Unis

1,5

Moyenne

2,6

France

3,9

Irlande

4,3

Espagne

4,4

Japon

4,7

Danemark

5,5

Portugal

5,9

Canada

6,9

Finlande

7,4

Italie

7,6

La relation entre le coût du travail et le poids des charges fiscales et sociales est donc loin d'être évidente. De plus, l'impact des prélèvements fiscaux et sociaux sur le comportement des entreprises, et en particulier sur leur compétitivité, doit se révéler en terme de coût unitaire du travail et non en termes de coût horaire du travail. Plus précisément, on peut imaginer qu'une entreprise, qui doit faire face à une augmentation des charges portant sur sa masse salariale, réagira en essayant de compenser la hausse du coût horaire du travail par des gains de productivité. Si les gains de productivité compensent les écarts de coût, il se peut que la compétitivité des entreprises ne soit pas atteinte par la hausse des charges.

Mais dans ce cas, la hausse des prélèvements obligatoires aura généré des destructions d'emplois pour permettre aux entreprises de maintenir leur compétitivité.

Ceci montre qu'il faut analyser l'impact du coin socio-fiscal dans un cadre plus large, celui de l'équilibre général de l'économie.

Rappelons comment, dans l'analyse économique, la taxation d'un bien modifie l'équilibre du marché. Le raisonnement peut s'appuyer sur le diagramme classique de l'offre et de la demande (dans le cadre d'un équilibre partiel).

En l'absence de taxation, l'équilibre du marché s'établit en E. La taxation introduit un "coin" entre le prix d'offre (le salaire net reçu par le salarié) et le prix de demande (le coût du travail pour l'employeur), ce nouvel équilibre est en E'.

La taxation du bien (ici le travail) a pour conséquence que la quantité demandée pour un salaire net w est égale à la quantité demandée antérieurement au prix w + c où c est le coin fiscal. Un écart apparaît entre le salaire net et le coût du travail, mais l'emploi diminue.

Dans ce modèle, évidemment simpliste, le coin fiscal explique une montée du chômage.



Un autre aspect doit aussi être pris en compte. Une partie, sinon la totalité du coin fiscal, correspond à des services collectifs rendus aux salariés (assurance chômage, assurance maladie). Le coin fiscal serait donc en partie le "prix" à payer pour ces services. Dans cette optique, le point essentiel est de savoir si le niveau de production des services collectifs ainsi rendus correspond bien aux attentes des salariés. En termes économiques, il s'agit de savoir si l'obligation de payer instituée par le système de prélèvements obligatoires correspond bien à la fonction d'utilité collective de la population. S'il en est ainsi, le salaire net devrait s'adapter à la baisse de façon telle que le coût du travail soit peu affecté. Si en revanche il n'en est pas ainsi, on constatera une rigidité à la baisse du salaire et un coût du travail excessif, générateur de chômage et de perte de compétitivité. La réponse doit être recherchée de façon empirique.

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