3. Le développement d'une situation insurrectionnelle et l'intervention de la force internationale ALBA

Amorcés à partir du 15 janvier 1997 par des manifestations d'épargnants spoliés, des troubles de plus en plus graves vont gagner l'ensemble de l'Albanie jusqu'à la fin du mois de mars et plonger le pays dans un chaos sans précédent.

On relèvera tout d'abord que limités dans un premier temps à certaines villes du sud, et notamment au port de Vlora, les troubles ont gagné dans le courant du mois de février tout le sud du pays, réputé peu favorable au président Berisha, avant de gagner, à la mi-mars, Tirana ainsi que certaines villes du nord.

Il faut souligner ensuite qu'après avoir concentré leurs revendications sur des aspects financiers -la récupération de l'épargne placée dans les pyramides-, les manifestants, à partir du mois de février, ont de plus en plus ouvertement mis en cause le pouvoir politique. Dès le 30 janvier, un "forum pour la démocratie" regroupant autour du parti socialiste sept autres partis politiques d'opposition, y compris des formations de centre et du centre droit, a relayé les doléances des manifestants en réclamant la démission du gouvernement et l'organisation d'élections anticipées. La réélection par le Parlement de M. Berisha au poste de Président de la République le 3 mars, alors que l'état d'urgence venait d'être instauré, est apparu dans ce contexte comme une provocation aux yeux des principales forces d'opposition.

Ces événements se caractérisent surtout par leur caractère violent , à la suite du pillage de nombreux dépôts d'armes, de casernes et de bases militaires, et de l'effondrement de toute autorité de l'Etat , l'armée comme la police ayant été impuissantes à enrayer le développement de l'insurrection malgré l'état d'urgence décrété le 2 mars. A partir du mois de mars, la dissémination des armes a entraîné une multiplication des incidents graves, avec morts ou blessés par balles. Il est difficile, dans ces émeutes, de faire la part entre l'insurrection spontanée, l'action d'agents provocateurs de toute sorte et le rôle de groupes criminels et mafieux dont la présence s'est développée dans le pays à partir de 1992.

Enfin, ces tensions ont provoqué une nouvelle vague d'émigration vers la Grèce et l'Italie qui ont accueilli plusieurs milliers de réfugiés, dans des circonstances parfois tragique. Ainsi, à la suite d'une collision avec une corvette italienne dans le détroit d'Otrante, 52 personnes ont péri dans le naufrage d'un bateau albanais.

Dans l'immédiat, les émeutes insurrectionnelles ont eu deux conséquences :

· l'une politique : la démission, le ler mars, du gouvernement de M. Meksi et la formation quelques jours plus tard autour d'un nouveau premier ministre, le socialiste Bashkim Fino, d'un gouvernement de réconciliation nationale associant 10 partis politiques, ainsi que la dissolution du Parlement afin de procéder, à la fin du mois de juin, à de nouvelles élections générales,

· l'autre internationale : l'appel à une intervention multinationale qui sera finalement décidée fin mars, après accord de l'OSCE et des Nations unies.

Après avoir confié une mission de médiation à l'ancien Chancelier autrichien Frank Vranitzky, l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) décidait, le 27 mars 1997, de l'envoi d'une mission civile d'assistance en matière de démocratisation et de préparation des élections et approuvait l'envoi d'une force multinationale en Albanie, sous réserve qu'elle soit en conformité avec une action appropriée du Conseil de sécurité des Nations unies . Ce dernier autorisait l'envoi de la force multinationale afin de " faciliter l'acheminement rapide et sûr de l'assistance humanitaire et d'aider à créer un climat de sécurité nécessaire aux missions des organisations internationales en Albanie, y compris celles qui apportent une assistance humanitaire ". Le mandat initial de trois mois sera prolongé, l'opération se déroulant jusqu'au 12 août.

Commandé par un général italien, l'opération Alba a été déclenchée le 8 avril 1997. Onze pays (Autriche, Belgique, Danemark, Espagne, France, Grèce, Italie, Portugal, Roumanie, Slovénie et Turquie) ont participé à cette force qui a compté jusqu'à 7 200 hommes (dont plus de 3 000 Italiens, 950 Français, 800 Grecs et 770 Turcs).

Cette opération a permis de faciliter la fourniture rapide et dans des conditions de sécurité de l'aide alimentaire dont l'Albanie avait absolument besoin. Elle a contribué à créer un environnement sûr pour les missions des organisations internationales et, en particulier, celles de l'OSCE et de l'Union européenne. Elle a favorisé le retour progressif au calme et a permis que se déroulent dans une atmosphère plus pacifique les élections générales des 29 juin et 6 juillet.

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