3. Une économie sinistrée qui dépend de l'aide internationale

Bien que considéré comme le pays le plus pauvre d'Europe, avec un PNB par habitant de 800 dollars en 1996, l'Albanie se trouvait à la veille des événements de l'hiver 1997 dans une phase de forte croissance.

La politique de libéralisation et de privatisation menée par le parti démocratique à partir de 1992 avait entraîné un début de développement économique, surtout dans le secteur agricole et le commerce, le secteur industriel hérité du régime communiste étant pour sa part en déclin. La croissance du PIB s'est située, de 1993 à 1996, entre 8% et 10% par an, ce qui en faisait l'un des plus forts taux d'Europe centrale et orientale. Au cours de cette période, le revenu par habitant s'est accru, conforté par l'apport considérable constitué par les fonds transférés par les émigrés de Grèce, d'Italie ou des Etats-Unis.

Ces résultats encourageants reposaient toutefois sur des bases fragiles, le déficit budgétaire et surtout le déficit commercial restant élevé, et les investissements trop faibles pour assurer la modernisation de l'économie. En outre, la faiblesse du système bancaire et l'absence de réglementation des activités financières allait permettre le développement incontrôlé puis l'effondrement des sociétés " pyramidales ".

La crise financière et sociale de 1997 a donné un brutal coup d'arrêt à l'expansion de l'économie albanaise .

Tout d'abord, la plupart des Albanais ressortent appauvris de la chute des " pyramides ". Selon les estimations les plus couramment citées, 70% à 80% des foyers albanais auraient placé leur épargne dans ces sociétés, qui auraient absorbé plus de 1 milliard de dollars, soit le tiers du produit intérieur brut. Certains, qui avaient vendu leurs biens pour vivre de rentes financières, ont tout perdu. Les situations de précarité et de pauvreté se sont multipliées.

Ensuite les émeutes de février et mars dernier ont entraîné des dégâts considérables à l'ensemble des infrastructures du pays , dégâts qu'il faudra bien réparer. Nous avons déjà évoqué les destructions infligées aux bâtiments et aux matériels de l'armée, mais il en a été de même de beaucoup d'édifices publics, y compris les écoles, les universités et des hôpitaux. Les infrastructures routières et portuaires, ainsi que des installations industrielles, ont également été touchées. Cette reconstruction représentera pour l'Albanie un coût très élevé.

Par ailleurs, la situation insurrectionnelle qui s'est maintenue pendant plusieurs semaines a fait chuter les rentrées de recettes fiscales , en particulier les droits de douane qui constituent une part très importante des ressources du budget albanais.

Au total, les indications fournies en octobre dernier à Bruxelles lors de la conférence des donateurs font état de prévisions pessimistes pour l'année 1997 : l'inflation pourrait atteindre 50%, le PIB reculerait de 8% et le déficit budgétaire grimperait à 17% du PIB.

Dans ces conditions, les nouvelles autorités albanaises se sont rapidement tournées vers la communauté internationale pour obtenir à la fois une aide d'urgence permettant de faire face aux besoins immédiats, et une aide à moyen terme pour aider l'économie albanaise à se relever.

La situation de l'Albanie a été examinée lors d'une conférence des donateurs qui s'est déroulée à Bruxelles le 22 octobre dernier et qui réunissait les principaux partenaires de l'Albanie ainsi que l'Union européenne et plusieurs institutions multilatérales dont le Fonds monétaire international et la Banque mondiale.

Cette conférence a généralement été considérée comme un succès pour l'Albanie, qui a obtenu le soutien de principe de la communauté internationale, l'aide restant toutefois conditionnée au respect de plusieurs conditions, notamment la normalisation de la situation politique et la mise en oeuvre d'une politique économique et financière rigoureuse.

Des différentes contributions annoncées lors de cette conférence, il ressort que l'Albanie devrait bénéficier d'ici le mois d'avril 1998 d'une aide d'urgence d'un montant de 185,5 millions de dollars, dont 100 millions de dollars pour réduire le déficit budgétaire et rééquilibrer la balance des paiements, 79 millions de dollars pour la lutte contre la pauvreté, la stabilisation économique, les réformes structurelles et le fonctionnement des institutions, et, enfin, 6,5 millions de dollars pour démanteler les sociétés financières " pyramidales ".

Au delà de cette aide d'urgence, des engagements à moyen terme ont également été annoncés pour la réalisation de programmes d'investissement et d'assistance technique. Ils représentent un total de 520 millions de dollars, comprenant les 79 millions de dollars d'aide d'urgence, les principaux contributeurs étant l'Italie (171 millions de dollars), la Banque européenne d'investissement (66,9 millions de dollars), l'Union européenne (61,2 millions de dollars) et la Grèce (59,5 millions de dollars).

Le soutien du FMI a été assorti d'un délai de six mois pour permettre au gouvernement albanais de mettre en oeuvre un programme d'urgence qui comporte la liquidation de toutes les sociétés " pyramidales ", la réforme du système bancaire, et diverses mesures fiscales et budgétaires. Le gouvernement albanais a d'ores et déjà porté la TVA de 12,5% à 20% et il entreprend une réduction des postes dans la fonction publique. Au delà du délai de six mois, le FMI pourrait envisager un programme triennal soutenu par une facilité d'ajustement structurel renforcé.

Les premières mesures de redressement mises en oeuvre par le gouvernement albanais risquent toutefois d'être durement ressenties par une population déjà très appauvrie, en l'attente d'une aide plus massive qui n'interviendra au mieux qu'en milieu d'année 1998.

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