CHAPITRE I - DIAGNOSTIC

1. Le système portuaire

1.1 Le port : un espace fonctionnel et une organisation administrative

Un port de commerce est un ensemble complexe d'équipements regroupés au bord de l'eau et destinés à expédier ou recevoir des marchandises ou des passagers par la voie maritime.

Définition de l'ESPO 5 ( * )

On entend par port maritime une superficie de terrain et d'eau comportant des aménagements et des installations permettant principalement la réception des navires, leur chargement et leur déchargement, le stockage des marchandises, la réception et l'évacuation de ces marchandises par les moyens de transport terrestre et pouvant comporter également des activités d'entreprises liées au transport maritime.

Les transports maritimes de passagers se limitent aujourd'hui à des traversées de courtes distances et, le cas échéant, à des activités de croisière. Les transports de marchandises, ou de fret 6 ( * ) , qui constituent le coeur du trafic portuaire pour la plupart des ports, concernent des produits qui, soit partent ou arrivent dans les environs immédiats du port où ils sont stockés ou transformés, soit sont réacheminés dans la zone de desserte du port (l'hinterland). Pour ce faire, tous les modes de transports sont sollicités, majoritairement la route, mais également le fer, la voie navigable, les conduites ou le cabotage maritime (navigation côtière de courte distance), ce qui implique qu'un port est par excellence une plate-forme d'échanges intermodaux.

Les équipements du port sont nombreux. À cet égard, il faut distinguer :

- l'infrastructure lourde de base qui permet l'accès, sous l'autorité de la capitainerie, des navires à un poste abrité : digues de protection contre la mer, chenaux maritimes d'accès, avant-ports, écluses maritimes pour les plus grands ports (sauf Marseille), ponts mobiles, darses et bassins,

- les quais et postes d'accostage où stationnent les navires pendant toutes leurs opérations au port ;

- les équipements à terre, dits « de superstructure » ou « d'outillage », qui permettent la manutention et le stockage des marchandises : grues, portiques, terre-pleins, hangars... 7 ( * )

Outre ses fonctions de transport proprement dites, un port est d'une part, le point de fixation d'activités industrielles et tertiaires situées dans sa zone, d'autre part, un lieu associé physiquement et dans une certaine mesure, économiquement, à l'agglomération urbaine qui porte son nom. Il est de ce fait l'objet d'une attention particulière notamment de la part des responsables de l'aménagement du territoire.

Par une extension sémantique, le mot « port » s'applique également à l'organisme en charge du port. L'établissement portuaire a pour mission d'assurer les travaux d'extension, d'amélioration, de renouvellement, de reconstruction, ainsi que l'exploitation, l'entretien, la police des ports et de leurs dépendances et la gestion du patrimoine immobilier et domanial qui lui est affecté 8 ( * ) . Sa structure administrative est variable, suivant l'importance du port (voir infra : ports autonomes, ports d'intérêt national, autres ports) mais son organisation fonctionnelle est généralement composée de :

- un service d'exploitation qui comprend notamment la capitainerie chargée de la police de l'exploitation portuaire ;

- l'outillage, qui gère hangars, terre-pleins et engins de levage ;

- un service des infrastructures, chargé des travaux neufs, de l'entretien et du dragage qui construit et entretient les quais et les accès nautiques ;

- le service commercial qui assure la vente et la promotion du port.

D'autres services administratifs opèrent dans le port tels la police (DICCILEC) ou les affaires maritimes, qui gèrent administrativement les marins français et assurent le contrôle de la sécurité des navires et des marchandises dangereuses. L'administration des douanes est chargée de percevoir les droits d'entrée et de sortie, ainsi que de contrôler et vérifier des marchandises. Les services de santé ainsi que de l'agriculture et de la pèche sont chargés des contrôles sanitaires, vétérinaires et phytosanitaires.

1.2 Les nombreux intervenants portuaires proposent des services aux navires ou à la marchandise

Les autres intervenants sont multiples, mais peuvent être divisés en deux grandes catégories : les services aux navires et les services à la marchandise 9 ( * )

1.2.1 Les services aux navires

- Les pilotes sont chargés de guider les navires ; ils forment des sociétés indépendantes, par port ou groupe de ports, au statut particulier. Le pilotage constitue une obligation de par la loi de 1928, pouvant être assimilée à l'instauration d'un monopole de droit. Il est sous tutelle des autorités déconcentrées du ministère chargé des ports (Affaires maritimes).

- Les sociétés de remorquage : sociétés privées indépendantes, aident les navires dans leurs opérations d'accostage et de départ. Elles forment souvent un monopole de fait, disposant de fonctions de sécurité définies par l'autorité portuaire. Leurs tarifications sont contrôlées par l'autorité portuaire.

- Les sociétés de lamanage sont chargées d'amarrer les navires. Pour le tiers d'entre elles (et dans la plupart des grands ports), elles sont organisées en sociétés coopératives ouvrières de production.

Les sociétés d'avitaillement et de soutage approvisionnent les navires en vivres, équipements, carburant...

- Les sociétés de réparation navale font office de station-service pour les navires.

- Les consignataires de navires, représentants du propriétaire ou de l'affréteur du navire, organisent son escale dans ses moindres détails et, dans leurs fonctions d'agent maritime, procurent le fret que le navire aura à transporter

- Le courtier maritime, officier ministériel, bénéficie du privilège d'effectuer la mise en douane du navire, du paiement des droits de port pour le compte de l'armateur, de la traduction de tous les documents officiels ; il a également le privilège d'affréter un navire pour le compte d'un chargeur.

- La réparation, la location, la maintenance et la gestion Je conteneurs.

- Les compagnies d'assurance maritime.

1.2.2 Les services à la marchandise

- Les commissionnaires de transports et transitaires

Transitaire, agréé en douane,

Organisateur de transports pour compte de tiers,

Affréteur routier, fluvial ou ferroviaire,

Intermédiaire spécialisé éventuel par exemple en denrées périssables ou colis lourds ou usines clés en mains.

- le négociant ou le courtier en marchandises achète, vend, stocke, etc. les produits du négoce : café, coton, cacao, bois, pétrole, produits chimiques, etc.

- les sociétés de groupage, dégroupage, d'entreposage, de distribution.

- les sociétés de contrôle, d'analyse d'échantillons, de surveillance.

- les industriels implantés en zone portuaire (voir infra).

- les entreprises de manutention qui sont l'interface entre la terre et la mer, sont chargées de toutes les opérations de chargement et de déchargement de navires, ainsi que des opérations de mise et de reprise sous hangar et sur terre-plein, qui en sont le préalable ou la suite nécessaire.

Elles utilisent, d'une part, un outillage qui leur est la plupart du temps loué par l'autorité portuaire qui fournit le personnel de conduite, d'autre part, des ouvriers dockers dont une grande proportion est mensualisée depuis la loi de 1992 sur la manutention portuaire.

1.3 L'environnement géographique des ports : les zones d'activités et industrielles et les villes

1.3.1 Le repli des zones industrielles n'est pas compensé par le développement des zones d'activités.

Après la dernière guerre mondiale et pendant la période des « Trente glorieuses », sur la base de l'exemple donné par les ports d'Anvers et de Rotterdam, les secteurs à proximité immédiate des ports ont fait l'objet d'une politique active d'aménagement en Zones industrielles portuaires (ZIP) correspondant à la forte croissance de cette époque et traduisant le déplacement des centres de gravité des industries traditionnelles vers la mer (littoralisation), conformément à la théorie en vigueur à l'époque des pôles de développement préconisés par François Perroux. De nouvelles extensions de ports traditionnels liées également pour certaines à l'apparition des conteneurs ont vu le jour à partir de 1965 : à Fos à l'ouest de Marseille, dans la plaine alluviale du Havre, à Montoir près de Nantes, à Dunkerque, au Verdon à l'embouchure de la Gironde. Un terminal pétrolier a été installé au Cap d'Antifer entre Le Havre et Étretat. L'industrie lourde s'est implantée : le pétrole, les raffineries et la chimie à Fos, Donges, Le Havre et Dunkerque, la sidérurgie à Dunkerque (Sollac) et à Fos (Ascometal, Sollac), l'aluminium à Dunkerque (Péchiney), l'industrie chimique (Atochem), la chimie minérale et l'automobile au Havre. Ces implantations d'unités industrielles furent d'autant plus intéressantes qu'elles créèrent de forts volumes de trafics, pour l'essentiel captifs au moins à moyen terme.

Cet élan a été stoppé au cours des années 1970 avec les chocs pétroliers et le ralentissement de l'économie, touchant principalement les activités industrielles, dont une part s'est repliée hors d'Europe près des sources primaires d'énergie et de matières premières. Parallèlement, le choix en faveur de l'électricité nucléaire a interdit le développement des importations de charbon destinées aux centrales thermiques, et a fait chuter l'activité pétrolière : Bordeaux a perdu ses trois raffineries entre 1979 et 1986, et actuellement la réduction des surcapacités de raffinage est encore à l'ordre du jour à Fos et à Donges. Le complexe industriel de Fos est reste très en deçà des objectifs initiaux très ambitieux et, en 1984, la zone était déclarée « pôle de conversion ». Cependant, la fermeture programmée des mines de charbon et le maintien à son niveau de la part de l'électricité nucléaire peut provoquer une recrudescence de l'importation de charbon par voie maritime. Les zones industrielles, dont les périmètres avaient été généreusement délimités, se sont trouvées trop grandes et ont fait apparaître des espaces inoccupés, voire des friches portuaires, pouvant au demeurant constituer un potentiel d'implantation d'industries.

Ce repli industriel n'a pas été compensé entièrement par le développement d'autres activités. Le secteur chimique a bien continué de progresser, à un rythme moindre toutefois que dans les pays voisins du Nord. La France est devenue le deuxième pays importateur de gaz naturel liquéfié avec des terminaux spécialisés à Fos et Montoir et Dunkerque s'apprête à devenir le point d'arrivée du gazoduc norvégien. Incidemment, il faut signaler que la construction de navires méthaniers fait partie des rares domaines de compétence française en matière de construction navale. En revanche, les activités industrielles dépendantes des services portuaires, telles que le stockage, le conditionnement, la distribution, le commerce d'importation et d'exportation, la réparation de conteneurs, etc n'ont pas su prendre le relais de la désindustrialisation et ont pris du retard par rapport aux grands ports européens du Nord. Les sociétés importatrices et exportatrices d'origine étrangère, génératrices d'activités commerciales, de services après-vente et de transports choisissent largement de s'implanter ailleurs que dans les ports français, pour diverses raisons qui seront explicitées ci-après. Au total, les ports français n'ont pas les retombées que la collectivité serait en droit d'espérer en matière de richesses et d'emplois.

1.3.2 Les villes portuaires : une synergie entre le port et sa ville

À chaque port correspond généralement une ville. Cela résulte de raisons historiques : pendant longtemps l'un et l'autre étaient étroitement imbriqués et vivaient au même rythme, avec une main d'oeuvre abondante qui s'affairait le long des quais attenant aux habitations et aux rues.

Puis, au fur et à mesure des progrès de l'ère industrielle et de la diffusion des marchandises, villes et ports se sont séparés physiquement, puis intellectuellement, le port devenant un chantier technique spécialisé inaccessible au public qui s'est vu séparé de l'accès au bord de mer. Le port a été longtemps et reste encore en France trop souvent totalement exclu dans les grandes villes des débats municipaux et soustrait aux préoccupations des habitants. Il échappe dès lors à sa définition première, le commerce et l'enrichissement de sa ville, pour répondre uniquement à des fonctions « nationales » 10 ( * ) . Ensuite, le port s'est éventuellement étendu progressivement sur le terrain des communes environnantes, rendant plus approximative la correspondance ville-port.

Néanmoins, l'emploi des personnels affectés au port et aux activités connexes qui peut représenter 10 à 30 % des emplois locaux, a toujours constitué un lien durable entre le port et la ville, bien que le port ait été à une certaine époque synonyme de déclin pour l'emploi. Ce lien devient plus que jamais d'actualité, à l'heure où le chômage est un problème partout présent. C'est pourquoi les collectivités locales et les communautés portuaires sont de plus en plus attentives à promouvoir des services utiles aux ports, tels des activités tertiaires ou des actions de formation, ou encore à encourager l'implantation d'activités plus ou moins directement liées au commerce portuaire.

Le rapprochement villes-ports s'opère également par la recherche de l'utilisation des « délaissés » du port qui résultent de l'évolution des activités et techniques portuaires. C'est ainsi que certaines villes reprennent contact avec le bord de mer par l'intermédiaire des plages, des ports de plaisance, ou de croisière créés ou agrandis par réhabilitation d'anciens bassins à marchandises. Plus délicat, mais également plus fondamental, est le problème de la réutilisation des friches portuaires au profit d'opérations urbanistiques et/ou économiques souhaitées par de nombreuses villes portuaires. Outre leur intérêt en termes de réhabilitation de l'espace, elles sont susceptibles de faire cesser la coupure entre les deux univers. Mais les ports sont parfois réticents à se séparer de réserves foncières qui peuvent leur être utile un jour ou l'autre. Par ailleurs, jusque récemment, ils n'y étaient pas intéressés notamment financièrement du fait des règles de domanialité publique. Mais de nouvelles perspectives légales et réglementaires se sont ouvertes en 1994.

* 5 ESPO : Organisation des ports maritimes européens

* 6 Ce terme étant également employé pour désigner le prix du transport maritime.

* 7 Paragraphe emprunte au rapport du Conseil économique et social « Les ports maritimes et fluviaux, leur place dans l'économie française et leur rôle dans l'aménagement du territoire », mai 1993

* 8 Voir P. Bauchet « Les transports de l'Europe », Eonomica, 1996

* 9 D'après un document UNIM.

* 10 Voir Thierry Baudouin et Michèle Collin, « Le rôle des villes portuaires dans la façade atlantique française ». Rapport de recherche pour la DATAR, janvier I993.

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