CHAPITRE 3 - LA MISE EN VALEUR DE LA ZONE ECONOMIQUE EXCLUSIVE DES DOM-TOM

1. La France dispose d'une Zone Économique Exclusive très vaste dont les ressources, inégalement réparties, sont en général mal connues

1.1 La richesse des zones de pêche françaises ne se déduit pas de l'étendue de sa Zone Économique Exclusive

Les ressources halieutiques sont plus ou moins importantes au large des côtes, selon que celles-ci sont bordées ou non d'un plateau continental. C'est la raison pour laquelle la ZEE n'est pas synonyme nécessairement de « zone de pêche utile » et que l'on ne peut pas déduire mécaniquement de sa superficie des potentialités de prises. Au large des côtes d'outre-mer, le plateau continental n'est pas partout étendu : dans les T.A.A.F., Kerguelen et Saint-Paul et Amsterdam sont entourés de vastes plateaux poissonneux. La Guyane dispose d'un plateau continental de 40 000 km 2 , particulièrement riche. En revanche, la Réunion en est démunie, ce qui hypothèque la pêche côtière. Dans le Pacifique, la mer serait pauvre au-delà des lagons. De plus, les eaux tropicales chaudes de la ZEE polynésienne sont assez peu productives, alors que la partie la plus riche se situe au Nord, car c'est la plus proche de l'upwelling 30 ( * ) équatorial. Le territoire serait situé dans une des zones océaniques les plus pauvres de la planète. La zone océanique dans laquelle est située la Nouvelle-Calédonie n'est pas non plus favorisée, dans la mesure où les migrations de thonidés passent assez loin à l'est et au nord du territoire.

Outre le plateau continental, il faut tenir compte, dans le cas des îles entourées de récifs coralliens et des atolls, de la présence de lagons, dans lesquels se pratique une pêche artisanale souvent importante, de poissons particuliers à ce milieu. Ainsi, Mayotte dispose d'un des plus vastes lagons du monde (1000 km 2 ) et sa population, qui s'est peu tournée vers la mer pour assurer son développement économique, s'est longtemps contentée d'exploiter les eaux lagonaires ou limitrophes. Les prises annuelles sont estimées à 1000 tonnes. Cela a eu pour conséquence une diminution sensible des rendements de cette pêche, à laquelle des actions de promotion et de développement viennent, depuis le début de la décennie, porter remède.

Ces deux précisions étant faites, il n'en reste pas moins que la France dispose, par le biais de son outre-mer, de zones de pêche potentielle gigantesques. La Zone Économique Exclusive, large de 200 milles marins, est une création juridique consacrée par la troisième conférence de l'Organisation des Nations Unies sur le droit de la mer, lors de l'adoption de la convention de Montego Bay le 10 décembre 1982. Les droits souverains conférés par le droit de la mer aux États sur leur plateau continental et leur ZEE concernent uniquement l'exploitation des ressources, et non les autres attributs de la souveraineté

Zone économique exclusive de la République française

superficie en km 2

% ZEE totale

Guadeloupe

170 900

1,51

Guyane

130 140

1,57

Martinique

25 900

0,23

Réunion

321 360

2,85

Nouvelle-Calédonie

2 105 090

18,72

Polynésie Française

4 874 780

43,35

Wallis-et-Futuna

271 050

2,41

Mayotte

50 000

0,44

Saint-Pierre-et-Miquelon

8 700

0,08

T.A.A.F.

1 863 770

16,57

Iles Eparses

657 610

5,84

Clipperton

425 220

3,78

Total général hors Europe

10 904 520

96,97

France métropolitaine

340 290

3,02

Total République française

11 244 810

100,0

Source : Ziller, Les DOM-TOM.

N.B. : après l'arbitrage franco-canadien, la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon dispose d'une ZEE étriquée. On remarque en outre que celles de la Martinique et de la Guadeloupe ne sont pas très étendues, du fait de la proximité d'autres États insulaires de l'arc Caraïbe, organisé en chapelets d'îles

1.2 Les ressources halieutiques restent mal connues et leur évaluation fait l'objet de certains programmes de recherche

Outre-mer, l'évaluation de la ressource est délicate et la fiabilité des données avancées est souvent contestée. Or, celle-ci constitue un préalable indispensable à sa gestion et à la définition de perspectives pour le développement du secteur de la pêche. Même les ressources halieutiques dans les lagons sont difficiles à estimer précisément et, par conséquent, à gérer rationnellement, alors qu'elles y font l'objet des prélèvements les plus importants.

Si beaucoup d'incertitudes demeurent, plusieurs programmes de recherche ont été mis en place afin de pallier ces ignorances. On peut en citer quelques uns.

Dans le Pacifique, où l'évaluation de la ressource n'est pas fiable, plusieurs programmes sont en cours de réalisation. Le programme ZoNéCo est un programme d'exploration et d'évaluation des ressources marines de la zone économique de Nouvelle-Calédonie, dont les travaux ont commencé en 1993. Il a pour objectif, dans le domaine de la pêche, de procéder à l'identification génétique de stocks exploitables distincts, à la définition des principes de gestion de la ressource et à son évaluation en termes de développement économique. Ce programme de recherche intègre deux types d'action : des opérations d'acquisition et de traitement des données et des travaux de gestion et de valorisation de ces données. Le programme se déroule en trois phases, l'une de reconnaissance et de cartographie des fonds marins, la deuxième de rassemblement des données quantitative et qualitative des ressources sur les sites repérés, la troisième d'évaluation économique des cibles identifiées grâce aux travaux des phases précédentes. L'objectif poursuivi est la constitution d'une base de données, qui intéresserait plusieurs catégories de professionnels, dont les pêcheurs.

Les premiers résultats ont été obtenus à la suite de pêches exploratoires à la palangre, qui ont eu lieu en novembre-décembre 1994 et janvier-février 1995. Soixante espèces différentes ont été capturées et 58 % du poids total était constitué d'espèces d'intérêt commercial. Parmi celles-ci, les plus abondantes furent les vivaneaux rouges, les beryx et la brème noire. La brème noire, qui est présente entre 400 et 700 mètres, actuellement inconnue sur le marché local, est susceptible de présenter dans le futur, selon les experts, un réel intérêt économique pour la pêche artisanale

Le programme est financé par l'État, le Territoire, les trois Provinces et les organismes scientifiques suivants : l'ORSTOM (Institut Français de Recherche Scientifique pour le Développement en Coopération), l'IFREMER (Institut Français de Recherche pour l'Exploitation de la MER), l'Université Française du Pacifique. Pour le lancement du programme, les ministères de la Recherche et des DOM-TOM ont investi 2 millions de francs. Les fonds territoriaux ont pris le relais, à hauteur de 4 millions de francs. Le contrat de développement État-Territoire prévoit l'affectation de fonds pour le programme.

La première partie du programme conjoint EVAAM/IFREMER/ORSTOM en Polynésie Française a consisté en une étude du comportement des thonidés par l'acoustique et la pêche à la palangre. Cette campagne, intitulée ECOTAPP a fait l'objet d'un rapport publié en 1995.

La mission ECOTAPP a été réalisée grâce aux concours du FIDES (Fonds d'Intervention pour le Développement Économique et Social), de la CORDET (Commission de Coordination de la Recherche dans les Départements et Territoires d'outre-mer), de l'EVAAM (Établissement pour la Valorisation des Activités Aquacoles et Maritimes), de l'IFREMER et de l'ORSTOM.

Les programmes d'évaluation de la ressource sont un des volets de la coopération régionale. En effet, la connaissance du potentiel des ZEE est une préoccupation que partagent tous les pays. La promotion d'actions communes de recherche et de développement pourrait s'inscrire, en toute logique, à la suite des programmes français.

Dans le cas de la pêche aux thons dans le Pacifique et en raison de leur caractère migrateur, l'évaluation des ressources ne peut être faite qu'à l'échelle des stocks qui peuplent le Pacifique, et requiert le cadre d'une commission Internationale. Or, il n'y a pas actuellement de commission de conservation des ressources thonières dans le Pacifique, comme c'est le de l'ICCAT actuellement en Atlantique. Diverses entités régionales en tiennent lieu, notamment la commission du Pacifique Sud (CPS) et l'IATTC. Leur champ d'action n'englobe pas nécessairement tous les stocks de thons alimentant la ZEE polynésienne. Dans cet état des choses, toute collaboration avec ces entités est utile. Des évaluations comparées des ressources de la ZEE avec celles du Pacifique Sud ou du Pacifique tout entier devront être faites régulièrement en relation avec les résultats de diverses réunions scientifiques sur le sujet. C'est le cas d'une réunion World Bigeye Meeting, tenue à la fin de l'année 1996 à l'IATTC.

L'Agence des pêches du Forum a permis le recensement des ressources halieutiques. La convention de Nauru, signée en 1982, permet aux pays concernés de bénéficier des informations statistiques.

Un programme de recherche et de développement dans le domaine des ressources halieutiques et de l'optimisation de l'exploitation des ressources en crevettes du plateau continental guyano-brésilien a également été soutenu dans la région caraïbe.

Le projet thonier régional dans l'Océan Indien, mis en place en 1986 pour le développement et l'organisation de la pêche au thon entre les membres de la commission de l'Océan Indien (COI) et qui s'est achevé en 1990, a connu un certain succès. Malgré l'absence des Seychelles, les objectifs fixés ont été atteints : ce projet a permis d'élaborer un système de recueil et de traitement des données statistiques sur les ressources thonières régionales par l'affrètement d'un thonier senneur régional, de former des marins pêcheurs, des techniciens et des chercheurs à de nouvelles techniques de pêche dans la région. Des expériences de pêche à la palangre ont été menées.

La réussite reconnue a induit l'élaboration d'un second projet, auquel les Seychelles souhaiteraient participer.

1.3 Quelques données sur les ressources halieutiques peuvent être prudemment avancées

Outre les difficultés à disposer de données fiables, la communauté scientifique est divisée sur la question des ressources pêchables. Avec des précautions, on peut avancer les données suivantes concernant les potentiels de prises annuelles.

À la Réunion, les possibilités de pêche sont estimées à 10 000 tonnes/an. Les captures officielles avoisinent 1800 tonnes, alors que les captures réelles pourraient atteindre 3000 tonnes en fait.

En Polynésie Française, la ressource pêchable est estimée par l'ORSTOM et l'IFREMER à 10 000 tonnes pour les thons de profondeur et à environ 35 000 tonnes/an pour les stocks de surface pour l'ensemble de la ZEE, avec des zones de forte présence dans les eaux de l'archipel des Marquises pour le thon. Actuellement, la pêche totale, artisanale et industrielle, le plus souvent étrangère, doit avoisiner 10 000 tonnes par an.

En Nouvelle-Calédonie, 20 à 25 000 tonnes/an seraient disponibles, alors qu'il n'en est prélevé pour l'instant que 3000 tonnes, y compris les prises dans le lagon.

Dans les T.A.A.F., les données sont mal connues et deux campagnes scientifiques ont été menées à Kerguelen et à Crozet, par six palangriers japonais, pour définir les stocks. C'est en outre le Museum national d'histoire naturelle qui est en charge de la gestion de cette ressource.

* 30 Remontée d'eaux froides.

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