CONCLUSION

Une situation assainie

À l'issue du diagnostic sur les pêches maritimes françaises, il apparaît que le secteur des pêches se porte mieux : les navires ont retrouvé une certaine rentabilité, même si leur capacité d'emprunt n'est pas encore reconstituée, les cours du poisson se sont redressés, ainsi que les rémunérations des marins-pêcheurs. La consommation des produits frais est de nouveau en progression depuis 1994-1995. La récente remontée des cours des devises espagnoles, italiennes et britanniques ont permis aux producteurs français de regagner des parts de marché à l'exportation et sur le marché intérieur. La production s'écoule bien, et les retraits ont été très faibles ces deux dernières années.

Les pouvoirs publics ont accompagné la restructuration du secteur à travers deux plans d'action : le contrat de progrès pour la pêche en 1993 et le plan de restructuration pour la pêche artisanale en 1995 (plan Puech). Ces plans avaient comme premier objectif le redressement de la situation financière des navires, par le versement d'aides d'urgence aux familles en difficulté, l'adoption de mesures financières (renforcement des fonds propres et bonification d'intérêt) et l'allégement des charges sociales. Les pouvoirs publics ont aussi réussi, malgré l'ampleur de la crise, à limiter la décroissance de l'emploi. Ils ont également soutenu les organisations de producteurs et ont aidé à la restructuration et à la modernisation des ateliers de manipulations et de transformations des produits de la mer (halle à marée, atelier de mareyage, etc.), confrontés aux mises aux normes européennes et à la mondialisation des échanges.

Néanmoins, on peut reprocher aux pouvoirs publics de ne pas avoir anticipé les problèmes plus tôt. Ils ont laissé s'installer des situations critiques, notamment en poussant les entreprises de pêche à se moderniser au mauvais moment et à s'endetter lourdement.

Mais les causes de la crise sont toujours latentes

D'autre part, si la situation est assainie aujourd'hui, elle n'est certainement pas durable, car toutes les causes de la crise sont encore présentes : la raréfaction de la ressource, l'internationalisation du marché, des charges sociales et financières élevées et un marché toujours peu organisé et concentré.

Si les mesures de limitation de l'effort de pêche et de limitation des captures ont permis de freiner la dégradation des ressources, elles n'ont certes pas permis de l'enrayer. La préservation des ressources nécessitera une volonté politique plus affirmée et pourrait exiger de nouvelles réductions d'emplois.

L'internationalisation du marché « qui participe d'un phénomène global et séculaire, va se poursuivre, obligeant les acteurs des pêches françaises à s'adapter à cette évolution : recherche de compétitivité, capacité d'écoute et de réponse aux sollicitations de la demande, exigence en matière de qualité, incorporation du progrès technique à tous les niveaux de la filière ...apparaissent comme les meilleurs garants de la pérennité des pêches françaises » 35 ( * ) . La France est le troisième importateur mondial de produits de la mer et seulement le treizième exportateur. Plutôt que d'essayer de lutter contre les importations, développer les exportations de produits à haute valeur ajoutée semble être une solution plus durable et le seul moyen de réduire le déficit commercial de la France en produits de la mer, qui représente 11,5 milliards de francs.

Même si le Gouvernement a pris un certain nombre de mesures en faveur du désendettement des navires, la plupart des patrons-pêcheurs doivent encore faire face, tous les mois, à des échéances élevées. Dès lors une nouvelle chute des cours du poisson entraînerait les mêmes effets qu'en 1993-1994. D'autre part, même si les charges sociales ont été considérablement diminuées, le coût total de la main d'oeuvre en France reste un des plus élevés d'Europe. Dans ces conditions, le secteur des pêches ne peut être considéré comme complètement redressé. Il reste très vulnérable, en particulier, à la baisse des cours, et on ne peut exclure de nouvelles aides qui appelleraient de nouveaux plans d'action.

S'agissant des ports de pêche et, d'une manière générale, des points de débarquement et des criées, le rapport conclut que l'éparpillement caractéristique de la France est à l'origine d'une augmentation des taxes de débarquement. Dans ces conditions, les dépenses d'équipement devraient plutôt être concentrées prioritairement sur les ports et les criées dont les apports sont fortement croissants. L'une des questions majeures est, dès lors, de savoir ce qui sera fait des autres sites, qui constituent un patrimoine très important, une source de richesse pour les territoires concernés. Sans doute conviendrait-il d'avoir moins de sites de criée que de ports.

Enfin, le marché des produits de la mer est toujours fragmenté. L'information ne circule pas entre les maillons de la chaîne de commercialisation. Il est souvent plus facile pour la distribution d'avoir recours aux importations que de s'approvisionner sur le marché français. La production est atomisée et dispersée, entraînant des frais de transport élevés pour le ramassage des produits. De plus, les frais de débarquement sont plus élevés que dans les autres pays européens, car les lourds investissements portuaires réalisés depuis la fin des années 80 (parmi les plus importants d'Europe) ne sont toujours pas amortis. Les restructurations doivent donc se poursuivre, certains maillons doivent continuer leur évolution, en particulier le secteur du mareyage, pour pouvoir face à la concurrence internationale.

La loi d'orientation des pêches maritimes et des cultures marines : des réponses importantes

Les points de réforme, qui apparaissent nécessaires à la suite de ce bilan, concernent essentiellement trois thèmes : clarifier le rôle des opérateurs institutionnels, favoriser la transparence du marché et contrôler pour faire respecter.

Le projet de loi d'orientation des pêches maritimes et des cultures marines, actuellement en lecture à l'Assemblée Nationale, semble répondre à ces besoins. Il constitue un réel progrès dans la filière pêche. C'est, en effet, la première fois qu'une loi d'orientation similaire aux lois d'orientations agricoles est élaborée. Il témoigne de la volonté des pouvoirs publics à maintenir en France un secteur des pêches compétitif et de qualité. Issu d'une large concertation avec les professionnels et les experts scientifiques, ce projet vise à poursuivre les efforts de restructuration. Il fixe cinq objectifs 36 ( * ) : une meilleure gestion de la ressource, une plus grande organisation de la filière, la transformation du statut légal et fiscal des entreprises de pêche, la modernisation des relations sociales et la promotion des cultures marines.

Le secteur des pêches est fortement administré, au niveau communautaire, national et local, sans qu'il y ait forcément une cohérence entre tous ces niveaux d'intervention. Les pêcheurs se plaignent souvent de la lourdeur de la réglementation et d'un manque de liberté dans l'exercice de leur profession. Clarifier le rôle des opérateurs institutionnels est donc indispensable pour faire accepter la réglementation aux professionnels.

La transformation du FIOM en Ofimer, prévue dans la loi d'orientation, peut aussi contribuer à clarifier le rôle des opérateurs et à introduire plus de transparence dans la filière. Pour cela la transformation du FIOM ne doit pas représenter qu'un simple changement de nom, mais surtout un changement de méthode, pour organiser véritablement le marché des produits de la mer, non pas uniquement en développant la promotion et les démarches qualitatives, mais surtout en améliorant la connaissance du marché : des espèces débarquées, des ports de débarquement, de la qualité des produits, des cours de vente, afin d'améliorer l'écoulement de ces produits. Les pêcheurs doivent avoir un retour de l'information qui leur permettra de gérer leur jour de débarquement pour éviter les goulots d'étranglement, mais aussi de ne pas pêcher les espèces dont le marché ne veut pas. Cela permettrait aussi de mieux responsabiliser les pêcheurs vis-à-vis de la ressource. L'Ofimer doit garantir la libre circulation de l'information et l'amélioration de la collecte et de la qualité des données statistiques qui sont d'une manière générale d'une fréquence et d'une robustesse très variables, afin de rétablir le bon fonctionnement économique dans la filière pêche, de rendre les acteurs plus responsables et de rentabiliser la filière. Seule condition pour pouvoir réduire progressivement les aides publiques, presque égales aux chiffres d'affaires du secteur.

Il est aussi important de renforcer les contrôles dans le secteur des pêches maritimes. La France dispose des moyens nécessaires mais les compétences sont trop dispersées entre différents ministères et différents services pour que le contrôle soit vraiment opérationnel et efficace.

La réussite n'est pas acquise

Ainsi, il apparaît que les mesures d'urgence ont contribué à un certain assainissement, et que la loi d'orientation organise des actions publiques qui, à la lumière de l'évaluation, paraissent bien concerner des enjeux essentiels. Il reste que, même dans un secteur aussi fortement encadré par l'État, les professionnels ont un rôle décisif à jouer. Il reviendra à l'Ofimer, dont la fonction sera centrale, d'encourager les initiatives, de responsabiliser les professionnels, de renforcer l'efficacité économique de la filière. Tous les efforts doivent être conjugués pour faire face au mieux aux deux dangers majeurs qui résistent : la poursuite du processus d'épuisement des ressources, d'une part, et la divergence entre l'évolution des coûts et celle des cours d'autre part. Si l'on veut éviter une pression accrue sur les budgets publics, il est nécessaire à la fois que les pêcheurs ne pèchent que ce qu'ils peuvent écouler, que les ressources soient préservées et que tous les acteurs unissent leurs efforts pour renforcer la compétitivité.

* 35 Bernard P., Guilllotreau P. Péridy N. L'internationalisation des marchés. Communication au colloque de Saint-Sazaire : « Nouvelles donnes commerciales et financières des pêches maritimes », 16-17 janvier 1997.

* 36 Le projet de loi d'orientation des pêches maritimes et des cultures marines est présenté plus en détail en annexe 13.

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