2. Un certain appauvrissement des identités collectives

L'architecture et la langue témoignent aujourd'hui d'un appauvrissement des identités collectives en Asie centrale.

L'analyse de la société au miroir des villes emblématiques de la région est à cet égard révélatrice.
Tachkent, Samarcande, Boukara ont perdu leur bazar ancien. A Boukhara, quelques bâtiments commerciaux isolés et désaffectés se dressent épars sur des esplanades vides que, naguère encore, recouvraient des rues bordées d'échoppes et d'entrepôts. Il en va de même à Samarcande, autour du Registan -lieu magique dans une ville au nom magique- : la place rectangulaire harmonieuse et grandiose du Registan apparaît aujourd'hui étrangement installée non pas au creux d'un tissu urbain qu'elle aère, mais au milieu d'un espace vaste et vide, meublé ou marqué par des pelouses et des fontaines.

Sur le plan linguistique , les nombreuses langues turques d'Asie centrale, isolées les unes des autres, confinées dans les usages domestiques, remplacées par le russe en tant qu'idiome régional ont survécu dans les littératures nationales, dont la constitution ou le développement ont été officiellement encouragées. Mais, maniées par des savants ou des écrivains qui, dans la conversation courante, s'expriment en russe, elles ont connu le sort habituel des langues " colonisées " : elles se sont peu à peu étiolées.

On assiste néanmoins aujourd'hui, dans les républiques d'Asie centrale, à une rapide dérussification, avec, notamment, l'adoption de lois très strictes imposant l'usage de la langue nationale, même si le Kazakhstan maintient le russe, non comme langue officielle, mais comme langue de communication entre " nationalités ". Cette promotion de la langue nationale s'accompagne d'une réforme qui va, en Ouzbékistan et au Turkménistan, jusqu'au changement d'alphabet. Le choix a été fait de privilégier des alphabets latins différents pour chaque peuple et soigneusement distinct, bien sûr, de la langue turque. On peut noter dans ce processus de restauration, que le volontarisme politique anticipe souvent largement sur l'usage, notamment au Kazakhstan où l'élite est linguistiquement russifiée. En Ouzbékistan, l'éviction officielle du tadjik et a fortiori du persan, marque une certaine tendance au rejet de la mixité culturelle turco-iranienne qui a si longtemps marqué l'Asie centrale.

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