1. Le climat d'insécurité

Ce qui est certain, c'est que le sentiment d'insécurité, de " victimisation " s'accroît ; moins du fait de l'augmentation de cette forme de criminalité que l'on nomme petite délinquance, que de l'écho systématique, que lui donne l'ensemble des médias.

a) Violence et quotidien

Cette médiatisation de toutes les formes de violence, qu'elles soient ponctuelles ou massives, dans la nébuleuse des faits divers, est pour certains sociologues, tels Jean Baudrillard ou Pierre Bourdieu, un aspect essentiel de nos sociétés d'abondance.

" Ce qui caractérise la société de consommation, selon Jean Baudrillard , c'est l'universalité du fait divers dans la communication de masse. Toute l'information politique, historique, culturelle est reçue sous la même forme à la fois anodine et miraculeuse, du fait divers. Elle est tout entière actualisée, c'est-à-dire dramatisée sur le mode spectaculaire -  et toute entière inactualisée, c'est-à-dire distancée par le médium de la communication et réduite à des signes. Le fait divers n'est donc pas une catégorie parmi d'autres mais la catégorie cardinale de notre pensée magique, de notre mythologie. Cette mythologie s'arc-boute sur l'exigence d'autant plus vorace de réalité, de vérité, d'objectivité. Partout c'est le cinéma-vérité, le reportage en direct, le flash, la photo-choc, le témoignage-document, etc. Partout, ce qui est recherché, c'est " le coeur de l'événement ", " le coeur de la bagarre ", le in vivo, le " face à face " - le vertige d'une présence totale à l'événement, le Grand Frisson du Vécu - c'est-à-dire encore une fois le MIRACLE, puisque la vérité de la chose vue, télévisée, magnétisée sur bande, c'est précisément que je n'y étais pas...

Ce que nous donnent les communications de masse, ce n'est pas la réalité, c'est le vertige de la réalité... Nous vivons ainsi à l'abri des signes et dans la dénégation du réel. Sécurité miraculeuse : quand nous regardons les images du monde qui distinguera cette brève irruption de la réalité du plaisir profond de n'y être pas ? L'image, le signe, le message, tout ceci que nous " consommons ", c'est notre quiétude scellée par la distance au monde et que berce, plus qu'elle ne la compromet, l'allusion même violente au réel ". 27( * )


C'est la violence et même le réel tout entier, qui, pour reprendre une formule de Jean Cazeneuve, devient spectacle.

Dans cette perspective, il existe une certaine complémentarité entre la violence du monde complaisamment relatée, mais aussi banalisée par les médias et la vie quotidienne, sans cesse menacée par la violence urbaine.


Il faut, poursuit Jean Baudrillard, que cette quiétude " apparaisse comme valeur arrachée constamment menacée par un destin de catastrophe. Il faut la violence et l'inhumanité du monde extérieur pour que non seulement la sécurité s'éprouve plus profondément comme telle... mais aussi pour qu'elle se sente à chaque instant justifiée de se choisir comme telle. Il faut que fleurisse autour de la zone préservée les signes du destin, de la passion, de la fatalité, pour que cette quotidienneté récupère la grandeur, le sublime dont elle est justement le revers. " 28( * )

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