N° 462

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998

Annexe au procès-verbal de la séance du 28 mai 1998

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la délégation du Sénat pour l'Union européenne (1) sur la politique industrielle et commerciale de l'Union européenne face à la mondialisation de l'économie,

Par M. Jacques OUDIN,

Sénateur.

(1) Cette délégation est composée de : MM. Jacques Genton, président ; James Bordas, Michel Caldaguès, Claude Estier, Pierre Fauchon, vice-présidents ; Nicolas About, Jacques Habert, Emmanuel Hamel, secrétaires ; Bernard Angels, Robert Badinter, Denis Badré, Michel Barnier, Mmes Marie-Claude Beaudeau, Danielle Bidard-Reydet, M. Gérard Delfau, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Michel Dreyfus-Schmidt, Ambroise Dupont, Jean-Paul Emorine, Philippe François, Jean François-Poncet, Yann Gaillard, Daniel Hoeffel, Christian de La Malène, Lucien Lanier, Paul Masson, Daniel Millaud, Georges Othily, Jacques Oudin, Mme Danièle Pourtaud, MM. Jacques Rocca Serra, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, André Rouvière, René Trégouët, Robert-Paul Vigouroux, Xavier de Villepin.

Politique industrielle.

INTRODUCTION

" On ne dissocie pas un pays de sa puissance industrielle. Pas de grand pays sans industrie puissante ".

Jacques CHIRAC - Valeurs actuelles
5 octobre 1996

La mondialisation de l'économie n'est pas un phénomène récent : au fil des siècles, l'accroissement des échanges commerciaux, la circulation des idées et des hommes, la diffusion du savoir, des connaissances et des techniques, notamment informatiques, ont conduit à l'ouverture progressive des économies et des frontières.

En revanche, l'accélération spectaculaire de ce processus à laquelle nous assistons depuis les années quatre-vingt a contraint les pays industrialisés, qui s'y sont trouvés confrontés, à une brutale et récente prise de conscience d'une évolution, perçue tout à la fois comme une épreuve à subir et un défi à relever.

Donnant lieu à des analyses et commentaires aussi nombreux que contradictoires en Europe comme aux Etats-Unis, tant par les hommes politiques que par les économistes, cette marche vers la globalisation a provoqué des bouleversements profonds dans l'équilibre mondial. Ils ont remis en cause le schéma de développement jusqu'alors classique entre pays riches et pays pauvres. Cette rupture, consacrée par la mise en parallèle des taux de croissance annuels considérables affichés par certains pays définis longtemps comme " en voie de développement " et la moindre progression économique de l'Occident, est porteuse d'inquiétudes et d'incertitudes. Ainsi que l'indique M. Daniel Cohen, " ce face à face entre un monde pauvre qui s'enrichit et des nations riches qui semblent s'appauvrir donne inéluctablement prise aux théories selon lesquelles le premier facteur serait cause du second " (1( * )) .

En 1996, confirmant ces analyses, la banque mondiale prévoyait que la croissance asiatique moyenne des vingt prochaines années pourrait atteindre 7,5 % par an ; les perspectives de la Commission européenne tablaient, pour l'Union, sur 2,3 % en 1997 et 2,8 % en 1998, après le niveau modéré de 1,8 % atteint en 1996.

Un an plus tard, la situation est tout autre : la crise financière asiatique qui a atteint les pays symboles du modèle globalisé a brutalement perturbé l'évolution économique mondiale, montrant une fois encore, s'il en était besoin, qu'aucune situation n'est acquise. La donne ne s'en trouvera toutefois pas entièrement modifiée : après une première réaction d'affolement en Europe, les analyses laissent espérer des bouleversements moindres que ceux tout d'abord annoncés.

Les prévisions semestrielles de l'OCDE, publiées le 8 avril 1998, considèrent que les conséquences de cette crise seront bien réelles mais que ses effets négatifs devraient se limiter à la zone Asie. Les experts ont ainsi avancé que les perspectives de croissance pouvaient être maintenues à 2,9 % pour 1998 en France. En revanche, les estimations pour l'Allemagne sont ramenées de 3 % à 2,7 %, en raison essentiellement d'un retard de la demande intérieure. Mais, globalement, l'Union européenne, dans son ensemble, devrait être peu affectée, son impact sur la croissance étant apprécié à 0,4 et 0,2 points respectivement pour 1998 et 1999. Les effets seront plus nets aux Etats-Unis, où la croissance pourrait tomber à 1,4 % au cours du second semestre 1998, presque à point nommé pour éviter un phénomène de surchauffe de l'économie américaine. La zone asiatique sera beaucoup plus atteinte : le Japon pourrait enregistrer une baisse de 0,3 % de son PIB en 1998 et n'espérer qu'une croissance de 1,3 % en 1999. La Corée, principal acteur de la situation, perdrait 6,8 % de la croissance qu'elle pouvait attendre sur la tendance des années précédentes -soit un recul de 0,2 % de son PIB en 1998- mais elle devrait retrouver une croissance de l'ordre de 4 % en 1999.

Cette nouvelle situation économique n'entravera pas le développement des échanges : la forte dépréciation des monnaies asiatiques va au contraire favoriser davantage les exportations en provenance de cette zone et accroître encore la compétition internationale. Le volume des échanges continuera d'augmenter.

L'évolution du volume du commerce international illustre en effet parfaitement l'effet " mondialisation ". D'après les chiffres du FMI, pendant que le produit intérieur brut mondial augmentait, en moyenne, de 3,7 % au milieu des années 90, les échanges commerciaux progressaient deux fois plus, pour atteindre environ 8 %, et même 11 % pour ceux réalisés entre pays industrialisés et pays en développement.

De même, l'investissement direct à l'étranger, qui permet de mesurer l'évolution des processus d'internationalisation des économies, s'est accru massivement, entre 1990 et 1996, passant de 18 à 91,2 milliards de dollars. Tels qu'analysés dans le rapport remarqué de M. Jean Arthuis en 1993 ( 2( * ) ) , ces investissements directs s'effectuaient, depuis les années soixante, essentiellement par création de filiales, par fusions-acquisitions ou par co-entreprise, afin de permettre aux sociétés d'accéder plus aisément aux marchés étrangers et d'y accroître le volume de leurs ventes. Plus récemment, ils ont été guidés par le souci de rechercher des lieux de production à coûts de main d'oeuvre faibles, historiquement d'abord situés au Maghreb, puis dans le sud-est asiatique, enfin en Europe de l'Est. Ils ont alors été requalifiés " délocalisations ".

1. L'analyse du phénomène délocalisations : un débat qui tend vers l'apaisement

Terme générique à la définition confuse, mais toujours considérées comme synonyme de destruction d'emplois, les délocalisations ont accompagné, et probablement amplifié, la mondialisation de l'économie. Favorisées par la baisse des coûts de transports ( 3( * ) ) et l'efficacité des télécommunications, elles ont concerné plus directement les produits aisément transportables, de faible encombrement (textile, chaussures, jouets, puis plus récemment logiciels et autres produits technologiques...) ou les services utilisant les connexions modernes (comptabilité, saisies informatiques...).

L'accélération de ce mouvement de déplacement des lieux de fabrication des pays riches vers les pays pauvres, l'effet direct qu'il produit sur l'emploi européen -notamment le moins qualifié- ont fait l'objet de très nombreux commentaires ( 4( * ) ) .

Au cours des toutes dernières années, l'examen du phénomène des délocalisations a suscité des analyses multiples, aussi passionnées que divergentes.

Les uns y ont vu une évolution logique et inéluctable vers une nouvelle répartition des emplois dans le monde : les industries de main-d'oeuvre peu qualifiées s'implantant dans les pays en développement, à charge pour les nations les plus avancées de conserver leur avance technologique et de valoriser l'ouverture de nouveaux marchés étrangers permise par le déplacement d'emploi.

Les autres ont considéré, à l'inverse, que cette perte d'emplois peu qualifiés dans les pays industrialisés conduisait leur économie à la faillite et qu'une réaction plus protectionniste du marché, notamment européen, constituait la seule issue viable.

Les uns ont imputé aux délocalisations la destruction de milliers d'emplois, les autres ont soutenu qu'elles auraient au contraire permis de sauvegarder une partie des emplois de toute façon sacrifiés.

Ces différentes analyses comportent toutes leur part de vérité : il est incontestable que certains secteurs industriels traditionnels ont été laminés par la concurrence des pays émergents. Mais, dans le même temps, ces Etats se sont positionnés comme des marchés nouveaux dont le potentiel de développement considérable offre de grandes opportunités aux industriels occidentaux. Ainsi, la part des importations des " quatre dragons " d'Asie du Sud-Est dans le commerce mondial ( 5( * ) ) est passée de 2,4% en 1970, à 8,4% en 1994 et les importations chinoises ont plus que doublé, en valeur, depuis 1990.

De telles perspectives de développement incitent les industriels occidentaux à se préparer à satisfaire cette demande, le plus souvent en implantant dans ces pays des moyens et outils de production. En ce sens, il n'y a pas substitution d'investissements au profit des pays étrangers ; bien au contraire, ces " délocalisations " sont alors la condition de la croissance future du secteur investisseur.

Les multiples études récemment conduites sur ces questions d'investissements à l'étranger ont également permis d'en prendre une mesure plus large et d'en relativiser les effets. Ainsi, en 1994, sur l'ensemble de ses investissements à l'étranger, la France n'a consacré aux pays émergents que 10 milliards de francs, soit 1,5%. En retour, elle constituait le quatrième pays d'accueil des investissements internationaux après les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la Chine en 1995 et, selon la Datar, ces apports extérieurs ont permis de maintenir ou de créer 20.000 emplois, soit 15% de plus qu'en 1994.

C'est pourquoi, considérant désormais la délocalisation d'activités comme l'une des conséquences, et non la seule cause, de la mondialisation, les commentaires les plus récents semblent s'orienter vers une approche plus optimiste de la globalisation de l'économie mondiale. On assiste, depuis peu, mais nettement, à un rapprochement sensible entre défenseurs et adversaires de cette globalisation. Le retour de la croissance en Europe est sans doute pour beaucoup dans cet apaisement : en 1997, celle-ci est en effet sortie d'une période de forte dispersion des conjonctures nationales et de performances moyennes médiocres. A partir du second trimestre, une croissance oscillant entre 3 et 4 % a établi la moyenne communautaire à 2,7 % en 1997 -au lieu des 2,3 % prévus et des 1,8 % réalisés en 1996. Elle s'élèvera vraisemblablement à 2,7 % ou 2,8 % en 1998 et au moins autant en 1999.

Lors de son audition devant la commission des Affaires économiques et du Plan du Sénat (6( * )) , M. Renato Ruggiero, Directeur général de l'OMC, a considéré que " la mondialisation ne détruisait pas des emplois, puisque la croissance et l'emploi dans les pays développés dépendaient de l'importance de leurs relations avec les pays émergents importateurs nets et véritables réservoirs de consommateurs et de production. La mondialisation est une chance pour les pays industrialisés et elle doit devenir le véritable moteur de la croissance dans les années à venir ".

Dès lors qu'on admet comme inéluctable cette évolution des règles du jeu commercial, l'Union européenne ne peut se contenter de la subir ; elle se doit de trouver les moyens de son adaptation, notamment par une réaction énergique pour maintenir et développer l'industrie sur son territoire.

En effet, l'industrie européenne s'est trouvée rapidement confrontée à la mondialisation de l'économie, qui exerce sur elle des effets tout à la fois négatifs, en créant une concurrence internationale de plus en plus vive, et positifs, en permettant l'ouverture de nouveaux marchés extérieurs. Ce double impact ne peut que se renforcer à l'avenir, comme le soulignait M. Didier Pineau-Valencienne au cours de son audition par la commission des Finances du Sénat ( 7( * ) ) : en 1985, seuls 500 segments de marchés de produits faisant l'objet d'échanges internationaux étaient totalement mondialisés ; les Etats-Unis étaient " leader " sur 300 d'entre eux, l'Allemagne sur 100 et la France sur pratiquement aucun. En 1995, ce nombre était passé à 2.000 segments, dont 40 tenus par la France, 300 à 350 par l'Allemagne et plus de 1.000 par les Etats-Unis. Il devrait atteindre 10.000 segments en l'an 2000.

Puisque la survie de l'industrie européenne dépend de sa capacité à assurer sa place dans le monde, il est impossible à l'Union de céder à une quelconque tentation protectionniste. Mais il n'est pas davantage envisageable de céder sans contrôle et sans raison aux poussées libre-échangistes que l'accord multilatéral sur les investissements ou le nouveau marché transatlantique ont récemment suggérées. Cette nouvelle donne réclame de nouvelles politiques économiques, dans l'objectif supérieur d'améliorer la situation de l'emploi en Europe.

2. L'Europe doit avoir une ambition industrielle

Il faut impérativement garder à l'esprit les atouts industriels de l'Europe et ne pas voir sa désindustrialisation comme une fatalité. L'industrie européenne est puissante, sa capacité d'exportation avérée et - on nous pardonnera ce réflexe national - la position de la France reste aux tous premiers rangs mondiaux dans nombre de secteurs.

a) L'opposition industrie-services : un débat dépassé

Dans la lutte constante que mène l'Europe contre le chômage, l'importance de l'industrie a sans doute été mésestimée, notamment en France où l'on a constaté une certaine tendance à considérer que le secteur tertiaire était le mieux -voire le seul- à même de favoriser la création d'emplois. Le récent sommet extraordinaire sur l'emploi, tenu à Luxembourg en novembre 1997, n'a pas davantage réservé à l'industrie la part qu'elle aurait méritée puisqu'il n'en fait aucune mention dans la liste des actions à conduire.

Certes, le secteur des services représente davantage d'emplois que l'industrie et l'agriculture réunies : au cours des quinze dernières années, 18 millions d'emplois ont été créés dans le secteur tertiaire, en Europe ; dans le même temps, 13 millions d'emplois ont été perdus dans l'agriculture et l'industrie.

Mais les analyses économiques s'accordent pour affirmer que le secteur industriel est essentiel au maintien global de l'emploi : " un emploi créé dans l'industrie, c'est au moins deux emplois créés dans les services " dit-on et l'on ne peut raisonnablement espérer constituer une économie puissante sans qu'elle s'appuie sur un socle industriel fort. Comme l'indiquait M. Raymond Lévy, ancien patron de Renault, " favoriser l'industrie, c'est favoriser la puissance économique et l'emploi. On ne remplace pas les emplois industriels par des emplois de services car il n'y a pas de services sans industrie " (8( * )).

Il convient de ne pas oublier combien l'activité des services reste dépendante de l'activité industrielle, à hauteur de 30 % environ et jusqu'à 40 % pour les emplois de services liés à l'exportation de biens. On estime ainsi qu'environ 2,5 millions de personnes travaillent en France dans le secteur des services aux entreprises.

De surcroît, opérer la distinction entre emploi de services et emploi industriel constitue désormais une entreprise difficile. L'appréciation de cette répartition dépend du degré d'externalisation des firmes : à titre d'illustration, des emplois pour l'entretien de locaux industriels peuvent être comptabilisés comme emplois industriels s'ils sont effectués à l'intérieur de la société, mais comme activités de service s'ils sont sous-traités auprès d'une entreprise de nettoyage. On mesure donc combien peut être parfois artificielle la séparation entre secteurs secondaire et tertiaire.

b) L'urgence d'une politique industrielle européenne

L'Union européenne ne pourra pas faire l'économie d'une politique industrielle à la hauteur de ses légitimes ambitions. Si l'objectif est clair, la démarche n'est pas simple en raison d'abord, des divergences idéologiques entre les Etats membres.

En effet, au contraire de ses principaux concurrents, américains et japonais, l'Europe éprouve les plus grandes difficultés à parler d'une seule voix. Comme l'indiquait déjà le rapport Arthuis précité, elle cumule les handicaps : elle regroupe des cultures et des langues différentes, n'a pas -pour l'heure- de monnaie unique, comporte plusieurs administrations, est consumériste et n'est pas protectionniste.

La diversité des convictions économiques qui animent les Etats membres la conduit alors à réagir par à-coups, au gré des événements. Elle peut ainsi opter pour une application excessivement rigide des règles de concurrence et perdre de vue tout objectif industriel, comme ce fut le cas lorsque la Commission refusa d'autoriser le rachat de la société canadienne de Havilland par Aérospatiale et Alenia, en 1991.

A l'inverse, elle peut aussi choisir l'industrie, au mépris des principes concurrentiels, en autorisant l'implantation, fortement subventionnée, d'une usine commune à Ford et Volkswagen, pour produire au Portugal un véhicule monospace concurrent de " l'Espace " français.

Cette oscillation permanente entre industrie et concurrence, entre concurrence intra et extra-européenne appelle désormais une réponse claire et un choix constructif pour l'avenir économique de l'Union. Le moment est venu de saisir l'opportunité que présente le retour de la croissance en Europe.

La seconde difficulté -qui découle d'ailleurs de la précédente- tient au contenu " colbertiste " que sous-tend encore l'expression de " politique industrielle ".

Qu'il soit bien clair ici que notre propos n'est pas de promouvoir quelque approche périmée de la politique industrielle, se traduisant par la multiplication d'interventions étatiques dans le secteur industriel, dont la mise en oeuvre, par le passé, n'a d'ailleurs pas toujours abouti aux résultats escomptés. Il n'est pas davantage question, en souhaitant protéger un marché, de différer les adaptations et évolutions techniques qui s'imposent. La concurrence est aussi un atout, comme en témoigne l'exemple de la libéralisation récente des télécoms qui a bénéficié aux entreprises comme aux consommateurs.

Certes, on n'inventera pas aujourd'hui une nouvelle politique industrielle. Mais l'Europe peut mettre en oeuvre, avec détermination, une panoplie de stratégies concurrentielles, commerciales et industrielles, qui créeront un environnement favorable au maintien et au développement de son industrie dans une économie qui sera, avec ou sans nous, de plus en plus globalisée.

I. ATOUTS ET FAIBLESSES DE L'INDUSTRIE EUROPEENNE

A. UNE INDUSTRIE PERFORMANTE MAIS FORTEMENT CONFRONTÉE À LA CONCURRENCE MONDIALE

Après trois années de régression, la production industrielle de l'Union est en nette reprise depuis le dernier trimestre 1996. L'office statistique Eurostat fait état des résultats suivants :

Evolution de la production industrielle de l'Union
(construction exclue)

Variation annuelle en %

 

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

Allemagne

5,2

2,9

-1,8

-7,4

3,3

0,2

0,1

4

4,3

Autriche

7,4

1,6

-1,1

-2

4

5,4

2

2,8

3,8

Belgique

3,7

-2

0

-5,2

1,8

4,2

0,3

2,4

2,8

Danemark

0,9

0,1

3,4

-2,9

10,5

4,3

1,7

2,6

2,8

Espagne

0,1

-0,8

-2,7

-4,8

7,3

4,7

-1

6,2

7,6

Finlande

0,4

-9,7

2,3

5,2

11,4

7,5

3,2

4,5

4,8

France

1,5

-1,3

-1,1

-3,8

3,8

1,5

0,7

2

3,4

Grèce

-2,3

-1,4

-1,2

-2,1

0,9

2,3

1,7

1,7

1,7

Irlande

4,7

3,3

9,1

5,6

11,9

18,8

10

9

7,5

Italie

-0,7

-0,9

-1,3

-2,1

6,8

5,5

0,9

1,6

3

Luxembourg

-0,4

0

-0,8

-2,5

5,9

0,8

-1,4

2,4

3

Pays-Bas

2,4

1,7

-0,1

-1,3

2,9

2,3

2,5

2,7

3

Portugal

9,1

0

-2,3

-2,6

-0,2

4,6

2

3

3,5

Royaume-Uni

-0,3

-3,6

0

2,1

5

2,1

1,3

2,7

2,8

Suède

1,1

-5,1

-1,5

-0,2

10,5

10,6

2,5

4

5

U.E. à 15

1,9

-0,5

-1

-3,1

5

3

0,9

3,1

3,9

Etats-Unis

0

-1,8

3,5

3,5

5,9

3,2

2,6

2,3

2,2

Japon

4,3

1,9

-5,8

-4,2

1,2

3,3

1,7

2,8

3,4

Pour 1995 et 1996 : estimations des services de la Commission à partir des données les plus récentes fournies par les Etats.

Pour 1997 et 1998 : prévisions.

Source : Eurostat 1997.

Les dernières données, publiées le 28 mars 1998, mettent en évidence une période d'expansion constante de la production industrielle. En augmentation de 3,8 % en 1997 (soit plus que les 3,1 % prévus), elle enregistre une progression très supérieure à celle constatée l'année précédente (+0,1 %). La hausse est nette dans l'ensemble des Etats membres et notamment en Irlande (+ 15 %), en Finlande (+8,3 %) et en Suède (+7,9 %) ; les taux les plus faibles étant enregistrés au Royaume-Uni (+1,2 %), en Grèce et aux Pays-Bas (+1,9 %). En outre, tous les Etats membres -sauf les Pays-Bas- ont constaté des résultats très supérieurs à ceux de 1996, année au cours de laquelle quatre d'entre eux avaient vu leur production régresser (Espagne, France, Italie et Luxembourg). Sur la même période, la production américaine a augmenté de 5 %, contre 3,4 % en 1996, et la hausse se situe à 4,30 % au Japon, contre 2,4 % en 1996.

Pour le seul mois de janvier 1998, le volume de la production industrielle de l'UE a augmenté de 4,3 % par rapport au même mois de l'année précédente, succédant à un taux de 4,8 % en décembre 1997. Sur la même période, la production américaine a augmenté de 5,3 % tandis qu'elle baissait de 2,5 % au Japon.

Ces résultats très positifs sont le signe tangible de la reprise de la croissance en Europe ; ils masquent toutefois des situations contrastées selon les secteurs industriels. Il n'est pas question ici de dresser un tableau exhaustif de l'industrie européenne, mais plutôt, à travers quelques exemples représentatifs, d'apprécier quelques grandes tendances de sa situation. L'exercice n'est d'ailleurs pas simple en raison de l'absence de séries statistiques complètes ou de l'établissement très tardif de celles-ci.

1. Les secteurs les plus technologiques résistent

Il ressort du panorama industriel européen qu'un secteur résiste d'autant mieux à la concurrence mondiale qu'il intègre une part forte de haute technologie. C'est une évidence qu'il convient de rappeler.

Dans cette optique, l'Allemagne bénéficie de la meilleure situation puisqu'elle domine le classement des dix premières régions de haute technologie : le Baden-Württenberg et le Bayern occupent les deux premières places du palmarès qui compte au total six régions allemandes, l'Est français étant placé en sixième position. Une situation semblable est observée dans le classement des dix premières régions de technologies de pointe, comprenant les machines de bureau et le matériel informatique, les équipements de radio, télévision et communication ainsi que l'industrie chimique, mais excluant notamment l'automobile. L'Allemagne y place six régions, la Flandre belge et le sud des Pays-Bas figurant en bonne place tandis qu'aucune région française n'y est retenue (9( * )) .

Parmi les secteurs industriels européens les plus performants, on observe notamment que :

a) L'industrie aéronautique et spatiale se restructure

• L'atout Airbus

Grâce à une coopération exemplaire de quatre industriels de l'aéronautique, l'Europe s'est dotée, avec Airbus Industrie, d'un géant industriel capable de rivaliser avec ses principaux concurrents, notamment américains. En 1996, près de trente ans après sa constitution, le consortium occupe plus de 30 % du marché mondial et affiche ses ambitions de porter ce chiffre à 50 % dans les prochaines années (10( * )) . L'enjeu est à la mesure de cet objectif car les perspectives tablent sur des besoins estimés à 15 000 avions dans les vingt prochaines années, soit un volume d'affaires de 5 000 milliards de francs.

D'intérêt tout à la fois stratégique, technologique et économique, l'industrie aérospatiale n'occupe toutefois qu'une place modeste dans l'économie européenne. Elle emploie directement 370 000 personnes, plusieurs fois ce nombre en terme indirect et génère un chiffre d'affaires de 350 milliards de francs. Elle ne représente que 1 % du PNB de l'Europe et 3 % de la production industrielle. Toutefois, en 1996, les exportations aérospatiales ont représenté plus de quinze milliards d'écus, soit près de 3 % des exportations totales de l'Union.

Cette industrie est essentiellement concentrée sur trois pays : la France, la Grande-Bretagne et l'Allemagne, qui assurent respectivement 34, 31 et 26 % de la production. La structure choisie -celle du GIE- a permis, tirant les leçons de l'échec de l'association franco-britannique du Concorde, de créer une véritable coopération, gérée et coordonnée par les industriels eux-mêmes.

• Une situation à conforter

La situation de l'aéronautique européenne a toutefois été fragilisée lors de l'acquisition de Mc Donnell Douglas par Boeing, qui a été officiellement autorisée par la Commission le 30 juillet 1997 après quelques velléités de résistance. Celle-ci avait alors considéré que sur le marché en cause -celui des grands porteurs commerciaux à réaction- l'industrie de l'Union présentait une structure compétitive comparable à celle de son rival américain.

Toutefois, ce marché reste largement dominé par les américains- détenant désormais 70 % du marché mondial contre 25 % pour l'Europe-. La rentabilité économique de l'industrie américaine est supérieure de moitié à celle de sa rivale européenne (19 % contre moins de 13 %), tandis que la rentabilité financière y est trois fois plus élevée (9,6 % contre 3,6 %), grâce au large appui des contrats militaires outre-Atlantique (11( * )). Une restructuration de ce secteur, décidée par les Etats-membres concernés et conduite par les industriels, est aujourd'hui en cours (12( * )) .

b) L'industrie chimique se maintient

L'Union européenne est le premier producteur de produits chimiques au monde : elle devance largement les Etats-Unis et le Japon dans ce secteur qui génère un chiffre d'affaires de 350 milliards d'écus, soit 3 à 4% du PIB de l'Union. Ce domaine emploie environ 1,6 million de personnes, ce qui représente 6% de l'emploi industriel.

L'Allemagne constitue le principal site d'implantation de l'industrie chimique, notamment pour les trois plus grandes firmes mondiales, qui y ont leur siège. Mais cette branche est surtout composée d'un grand nombre de PME dans les secteurs de la peinture, des cosmétiques, du traitement du plastique ou des produits pharmaceutiques de base.

Si la situation européenne reste solide, on ne peut toutefois ignorer le danger de la concurrence asiatique ou d'Europe centrale qui est désormais à même d'offrir de nombreux produits de qualité, à des prix inférieurs à ceux des firmes européennes. En outre, il faut tenir compte des capacités industrielles des pays producteurs de pétrole (Arabie Saoudite, Mexique...) qui maîtrisent parfaitement la fabrication de produits pétrochimiques de base ou dérivés.

c) L'industrie automobile perd son avance

•  Elle demeure au premier rang mondial

En 1997, la production automobile des sept constructeurs européens (13( * )) s'est élevée à 14,7 millions d'unités en augmentation de 3,7 % par rapport à l'année précédente (14,15 millions). Avec près de 30 % de la production mondiale, l'Europe devance toujours les Etats-Unis (24 %) et le Japon (21 %), mais les pays émergents assurent déjà 15 % de la capacité mondiale, dont plus d'un tiers par la seule Corée du Sud. Bien que d'un très haut niveau technologique, l'industrie automobile européenne est désormais combattue par des rivaux tout aussi performants.

•  Elle est fragilisée

-- La domination européenne est donc menacée : les constructeurs européens, qui supportent des coûts de production élevés, sont moins bien implantés à l'étranger que leurs concurrents américains et japonais. Le marché de l'Union, très largement ouvert à la concurrence de l'ensemble des constructeurs mondiaux souffre d'une offre supérieure à ses capacités d'absorption : environ 13,7 millions de véhicules ont été vendus en 1996 pour une capacité théorique annuelle de production de 18 millions. Cette fragilité a obligé les fabricants à des mesures de restructuration industrielle pour abaisser les coûts de production, dont " l'affaire Vilvorde " a été le signe le plus marquant. Les plus récentes évolutions économiques laissent toutefois espérer une hausse de la demande sur ce secteur : on estime qu'elle pourrait se fixer en 1998 à 14,74 millions de véhicules.

-- Avec plus de trois millions de véhicules construits, la France se situe au quatrième rang mondial et occupe la troisième position pour sa capacité d'exportation. Toutefois, si le secteur automobile demeure l'un des fleurons de l'industrie française, sa situation est actuellement très instable (14( * )). Comme ses partenaires européens, la France est placée sur un marché ouvert à la concurrence internationale où la guerre des prix est exacerbée.

En outre, le système des primes qui s'est appliqué ces dernières années -primes à la casse " Balladur " de février 1994 à juin 1995, puis prime de qualité " Juppé " d'octobre 1995 à septembre 1996- a soumis le marché à de fortes fluctuations. Elles ont ainsi artificiellement dopé le nombre de nouvelles immatriculations, mais en favorisant la demande pour des petits modèles notamment importés, destinés à un marché centré sur le renouvellement du parc (80 % des acquisitions). Elles ont par ailleurs eu pour effet de rendre le prix déterminant dans l'acte d'achat : ce faisant, elles ont renforcé la pénétration étrangère sur le marché français, passée de 40 % début 1994 à 44,6 % en octobre 1996. A l'issue de la période primée, le volume des nouvelles immatriculations a reculé de plus de 21 %.

Pour toutes ces raisons, le constructeur Renault a enregistré, en 1996, une perte nette pour le groupe de 5,2 milliards de francs (15( * )) , le déficit d'exploitation de la branche automobile atteignant 2,5 milliards de francs et celui du département " poids lourds " 705 millions de francs. Les résultats de PSA s'établissaient en baisse de 56 % en 1996 par rapport à l'année précédente.

En outre, il faut reconnaître que notre secteur automobile accuse un retard d'adaptation à la mondialisation par rapport à la moyenne européenne : si Renault fabrique des véhicules dans une vingtaine de pays, ses ventes hors Union ne constituent que 14 % de l'ensemble -et moins encore pour PSA- tandis que Fiat assure déjà plus du tiers de ses ventes à l'extérieur de l'Europe occidentale.

Bien que difficiles à établir, les prévisions pour 1998 tablent sur une reprise de la consommation, les prévisions d'immatriculations oscillant autour de 1,8 million de véhicules, soit au-dessus des résultats pour 1997 (1,7 million).

QUELQUES AUTRES POINTS FORTS POUR LA FRANCE
DANS L'INDUSTRIE EUROPEENNE

• Les télécommunications : la situation française y est favorable puisqu'elle occupe 15 % du secteur des télécommunications mondiales, alors que le PIB français ne représente que 7,7 % du PIB mondial. La France occupe la cinquième place mondiale en termes de services et le quatrième rang pour les équipements. Il est essentiel que cette avance soit consolidée, compte tenu de l'accord récemment obtenu à l'OMC en la matière.

• Le secteur nucléaire : la France y occupe une position de pointe. La preuve en est que l'entretien des centrales américaines est actuellement assuré par des sociétés françaises. Toutefois, il convient de préparer activement le passage aux centrales de la nouvelle génération : on observe en effet que le calendrier américain de renouvellement des installations affiche une avance de quatre ou cinq années sur le nôtre. Les préoccupations écologiques devraient permettre de soutenir le développement de ce secteur.


Plusieurs autres postes sont porteurs comme la chimie-pharmacie, les biotechnologies, l'environnement, notamment l'industrie de l'eau, l'agro-alimentaire et l'armement.

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