CHAPITRE 9 : LA PRESIDENCE FRANCAISE DE L'UEO (1ER TRIMESTRE 1997)

A. Les orientations définies par le Président de la République à la tribune de l'Assemblée de l'UEO

Si, au cours de la première partie de la quarante-deuxième session, trois Chefs d'Etat ou de gouvernement sont intervenus, c'est sans conteste l'allocation prononcée le 3 décembre 1996 devant l'Assemblée par M. Jacques CHIRAC, Président de la République, qui a marqué les travaux de l'Assemblée de l'UEO. D'abord parce qu'il s'agissait de la première intervention faite dans l'enceinte parlementaire de l'UEO par un Président français alors que cette Assemblée a pourtant fait de Paris le siège de ses activités. Ensuite, parce que l'intervention du Chef de l'Etat témoignait d'un attachement personnel à l'Organisation, dix années après qu'en sa qualité de Premier ministre, il y avait prononcé une allocution inspirant, en 1987, la " Plate-forme de La Haye " par laquelle le Conseil de l'UEO manifestait une volonté de relancer l'Organisation en l'ouvrant à d'autres participants : cette plate-forme, dont l'objet portait déjà sur la définition des critères d'une sécurité européenne, peut être considérée comme à l'origine du concept d'identité européenne de sécurité et de défense.

M. Jacques CHIRAC, Président de la République, s'est attaché à tracer devant l'Assemblée les grandes orientations de la Présidence française de l'UEO qui s'ouvrait au 1er janvier 1997.

Accueilli par des mots chaleureux du Président de l'Assemblée, Sir Dudley SMITH, rappelant précisément la permanence de la détermination de M. Jacques CHIRAC en faveur de l'affirmation du rôle de l'UEO, le Président de la République a d'emblée insisté sur la nécessité de doter la construction européenne d'une grande ambition dans les domaines de la sécurité et de la défense, comme il en va déjà ainsi dans les domaines politique et économique : " L'Europe doit s'affirmer comme un des acteurs majeurs du monde, d'un monde multipolaire, qu'il nous faut construire en achevant d'effacer Yalta ". Le Président de la République a également précisé que le Conseil européen devait constituer "l'instance suprême d'orientation et de décision dans les domaines de la sécurité et de la défense ", mais l'UEO est appelée, pour sa part, à devenir la composante de défense à part entière de l'Union européenne conformément à ce qui a été convenu à Maastricht.

S'agissant de la réforme des structures de l'OTAN qui, pour la première fois, dépasse " les pétitions de principe ", M. Jacques CHIRAC s'est déclaré optimiste et a estimé possible un accord pour la mise en place d'un adjoint au SACEUR (commandant suprême des forces alliées en Europe) qui soit européen et doté de vrais pouvoirs en temps de paix comme en temps d'opérations : cet officier général devant être l'interlocuteur du Conseil de l'UEO pour la préparation et la mise en oeuvre des opérations européennes qui feraient appel aux moyens de l'OTAN. L'impératif de renforcement des capacités opérationnelles de l'UEO étant subordonné à la réalisation de quatre objectifs : le renforcement de sa Cellule de planification en tant qu'instrument précieux de travail conjoint avec l'OTAN, la mise au service de l'ambition spatiale européenne des capacités désormais reconnues du Centre satellitaire de Torrejon, la cohérence plus affirmée des forces déjà mises en place par divers pays européens (Corps européen, Euroforces ou Groupe aérien européen auxquels d'autres pays doivent progressivement être appelés à participer, selon M. Jacques CHIRAC) et enfin la constitution d'une base industrielle et technologique compétitive résultant d'une véritable fédération des efforts entrepris par les Européens .

Le Président de la République a conclu son propos sur les extensions progressives de l'Union européenne et de l'OTAN qui justifiaient l'adhésion pleine et entière de nouveaux pays à l'UEO.

Devant quitter l'hémicycle pour recevoir au Palais de l'Elysée le Chancelier KOHL, dans le cadre de la préparation du Conseil européen de Dublin, c'est par le moyen de réponses écrites, adressées, dès le lendemain, à la Présidence de l'Assemblée, que M. Jacques CHIRAC a répondu aux questions qui lui ont été posées par MM. ANTRETTER (Allemagne/SPD), DE DECKER (Belgique/PRL), LOPEZ-HENARES (Espagne/Parti populaire) et VALLEIX, député (RPR). Il a ainsi confirmé à M. VALLEIX que la coopération en matière spatiale constituait un axe essentiel de la défense européenne qui doit pouvoir disposer d'" une capacité d'observation spatiale fiable et performante ". Sur ce point, la réponse présidentielle soulignait l'importance de la coopération engagée il y a plus de dix ans entre la France l'Italie et l'Espagne sur le système HELIOS puis, plus récemment, avec l'Allemagne : il s'agit là d'une des conditions de l'autonomie stratégique. Cette réponse mentionnait également l'importance attachée par la France au renforcement de la coopération avec le Japon dans le domaine spatial, en citant notamment l'accord récemment signé entre le Centre national d'études spatiales (CNES) et l'Agence japonaise pour le développement de l'espace (NASDA).

B. Le bilan de la présidence française de l'UEO

Le programme de la présidence française de l'UEO, dont le Président de la République a tracé les orientations devant l'Assemblée de l'UEO, a abouti pour l'essentiel au cours de la réunion ministérielle de Paris (12 et 13 mai 1997). Cette réunion s'est déroulée dans l'attente de deux échéances dont les résultats compteront pour l'UEO : la CIG à Amsterdam et le sommet de l'Alliance à Madrid. Enfin, la situation albanaise a placé sous le signe de l'actualité le débat sur le rôle de l'UEO dans la gestion des crises.

Après le transfert du siège de l'UEO de Londres à Bruxelles en 1993, chaque réunion ministérielle a marqué, de semestre en semestre, une relative consolidation de l'UEO. Lisbonne (mai 1995) a consacré les procédures opérationnelles. Madrid (novembre 1995) a permis à l'UEO d'apporter sa contribution à la CIG, mais aussi de rédiger pour la première fois un document à vingt-sept. Birmingham (mai 1996) a situé l'UEO à la charnière entre l'Union européenne et l'Alliance atlantique. Enfin, Ostende (novembre 1996) a mis en chantier, pour ce qui concerne l'UEO, les décisions ministérielles de l'OTAN prises cinq mois plus tôt à Berlin. Le programme de la présidence française a donc, pour l'essentiel, abouti.

Les résultats ont ainsi reflété les enjeux de notre présidence et consolidé l'UEO de plusieurs façons :

. en imprimant une dynamique nouvelle à la coopération UEO/Union européenne. Les deux présidences, néerlandaise de l'Union et française de l'UEO, ont mis au point et fait accepter un " mode d'emploi " précisant l'articulation entre les deux organisations lorsque l'une a recours à l'UEO en invoquant l'article J4-2 du Traité de Maastricht. Par ailleurs, la France a conduit avec ses partenaires une réflexion sur le concept de politique européenne de défense commune. A Paris, les ministres de l'UEO ont " pris note " des trois documents relatifs à la coopération entre l'UEO et l'Union européenne ;

. en traduisant en termes concrets les orientations dessinées à Berlin sur la coopération UEO/OTAN et, pour cela, accélérer les travaux entamés sous la présidence belge. La France a mis au point la première contribution de l'UEO à la directive de l'OTAN sur la planification de défense et a arrêté la position de l'UEO pour la négociation d'un accord-cadre sur le transfert des moyens et capacités de l'OTAN. Les ministres ont approuvé les documents correspondants, auxquels il sera désormais possible de se référer en cas de recours, par l'UEO, aux moyens et capacités de l'Alliance. Par ailleurs, la participation des alliés européens aux opérations de l'UEO conduites avec des moyens de l'Alliance, qui s'était trouvée prise en otage par le différend gréco-turc, a pu être réglée par la présidence française, dont les orientations et la tactique (maintien du projet sur le fond, souplesse et patience sur la forme) ont valu à Paris de nombreux témoignages de reconnaissance. Ce resserrement des liens opérationnels UEO/OTAN est un élément essentiel de la nouvelle sécurité européenne ;

. en renforçant et validant les capacités opérationnelles de l'UEO. La présidence française s'est attachée à préciser un ensemble de procédures permettant à l'UEO de gagner en efficacité, donc en crédibilité. C'est ainsi qu'a été défini, puis adopté, le concept de " Nation-cadre " grâce auquel l'UEO peut confier à l'un de ses Etats membres l'encadrement d'une opération. Les forces multinationales dont peut disposer l'UEO en cas d'opération ont fait l'objet d'un document qui a été agréé, et le centre satellitaire de Torrejon est désormais doté d'un " concept d'emploi ". La question du financement des opérations a également fait l'objet d'un accord. Par ailleurs, la présidence française a été l'occasion de lancer un débat interne sur les structures militaires de l'UEO, sur leur adaptation comme sur le rôle des chefs d'état-major de la Cellule de planification. La réunion de Paris marque à cet égard une étape décisive, puisque les ministres ont donné leur accord au projet franco-allemand de création à l'UEO d'un Comité militaire, constitué des chefs d'état-major des dix-huit. Enfin, a été mis au point à vingt-huit, pour la première fois à l'UEO, un programme quinquennal d'exercices, ainsi qu'un dispositif permettant l'utilisation conjointe des moyens d'entraînement ;

. En rapprochant les vingt-huit pays de l'UEO désormais appelés à travailler ensemble plus fréquemment, la présidence a animé au cours des derniers mois une " réflexion sur les intérêts européens de sécurité à l'aube du XXIème siècle " qui a servi de trame au débat des ministres, le 13 mai dans l'après-midi, d'abord en deux séances distinctes (Affaires étrangères, Défense), puis en session commune. Par ailleurs, la présidence s'est efforcée de donner un contenu concret aux relations avec des pays tiers, notamment avec la Russie et l'Ukraine, en engageant la négociation d'un accord-cadre permettant à l'UEO d'avoir recours aux moyens de transport aérien de longue portée que possèdent ces pays. A ce jour, un accord-cadre a été passé sur ce point entre l'UEO et l'Ukraine ;

Le domaine de l'armement a toutefois confirmé une certaine rigidité de nos partenaires allemands, qui ont toujours des réticences à admettre que la présidence française ait tenu à impliquer le Conseil de l'UEO sur ce sujet. Leur attitude convergeait en fait avec celle de la majorité de nos autres partenaires. En outre, la plupart des pays ont révélé une grande frilosité pour discuter d'idées nouvelles, comme celle d'un " partenariat européen de l'armement ".

En conclusion :

- lorsque le programme de la présidence française avait été présenté, tous nos partenaires avaient salué son caractère particulièrement ambitieux. Ce choix de la France était d'autant plus justifié qu'il s'inscrivait dans une année cruciale pour la sécurité européenne (CIG, Sommet de l'Alliance atlantique) ;

- ce que l'on pouvait attendre dans ce contexte a été accompli : avec l'Union européenne l'UEO a mis au point un dispositif pratique qui facilite leur interaction, y compris en cas d'opérations. Avec l'Alliance, l'UEO a fait en sorte de ne pas retarder les travaux de l'OTAN auxquels elle devait contribuer (participation des alliés européens aux opérations de l'UEO avec des moyens de l'OTAN, planification, missions illustratives, mise en oeuvre de l'accord de sécurité) ;

- enfin, le débat sur l'Albanie a fait ressortir deux obstacles : l'insuffisance de la volonté politique de certains pays comme du processus de décision pour aboutir à une action. M. de CHARETTE, Ministre des Affaires étrangères, a souligné que l'opération " Alba " aurait dû être conduite par l'UEO, grâce notamment au concept de " Nation-cadre " qui vient d'être approuvé à Paris. En marge du conseil ministériel, plusieurs délégués se sont d'ailleurs interrogés sur la possibilité de mettre en oeuvre à l'UEO, pour des opérations de ce type, une formule de participation volontaire, assortie d'une clause dite " d'abstention constructive " ; son effet serait de ne plus subordonner au blocage d'un seul pays voire de quelques uns, des initiatives essentielles et qui réclament une rapidité de décision. Cet échec de l'UEO face à la crise albanaise, dans sa phase initiale, ne doit cependant pas occulter l'existence de " l'élément multinational de conseil en matière de police " déployé dans ce pays sous l'autorité de l'UEO depuis mai 1997.

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