ANNEXE

Arrêt de la Cour de Justice des Communautés européennes

en date du 12 mai 1998

(extraits)

" En vue de répondre à l'argumentation des parties, il convient de rappeler à titre liminaire que, en vertu de l'article 205 du traité CE, la Commission exécute le budget, conformément aux dispositions du règlement pris en exécution de l'article 209 du même traité, sous sa propre responsabilité et dans la limite des crédits alloués.

Il ressort, par ailleurs, de la jurisprudence de la Cour (...) que, dans le système du traité, l'exécution d'une dépense par la Commission suppose en principe, outre l'inscription au budget du crédit y afférent, un acte de droit dérivé (communément appelé " acte de base "), dont découle cette dépense.

Adopté sur le fondement de l'article 209 du traité, le règlement financier, du 21 décembre 1977, applicable au budget général des Communautés européennes, tel que modifié par le règlement n° 610/90 du Conseil, du 13 mars 1990, précise, en son article 22, paragraphe 1, deuxième alinéa, que "
L'exécution des crédits inscrits au budget pour toute action communautaire significative nécessite l'arrêt préalable d'un acte de base, conformément à la procédure et aux dispositions du titre IV, paragraphe 3, point c), de la déclaration commune du 30 juin 1982 ".

Le titre IV, paragraphe 3, sous c) de la déclaration commune du Parlement européen, du Conseil et de la Commission, du 30 juin 1982, relative à différentes mesures visant à assurer un meilleur déroulement de la procédure budgétaire énonce que :

"
L'exécution de crédits inscrits au budget pour toute nouvelle action communautaire significative nécessite l'arrêt préalable d'un règlement de base. Dans le cas où de tels crédits seraient inscrits au budget avant qu'une proposition de règlement ait été soumise, la Commission est invitée à présenter une proposition pour la fin de janvier au plus tard.

Le Conseil et le Parlement prennent l'engagement de tout mettre en oeuvre afin que le règlement en question soit arrêté au plus tard à la fin de mai.

Dans le cas cependant où le règlement ne pourrait être arrêté dans ce délai, la Commission soumet des propositions de rechange (virements) permettant d'assurer l'utilisation pendant l'année budgétaire des crédits dont il s'agit ".

Dans une déclaration annexée à l'accord interinstitutionnel, du 29 octobre 1993, sur la discipline budgétaire et l'amélioration de la procédure budgétaire, le Parlement européen, le Conseil et la Commission ont confirmé leur attachement à ces principes, tout en s'engageant à en améliorer la mise en oeuvre.

Il résulte de ce qui précède que l'exécution des dépenses communautaires relatives à toute action communautaire significative suppose non seulement l'inscription du crédit correspondant au budget de la Communauté, qui relève de l'autorité budgétaire, mais encore l'adoption préalable d'un acte de base autorisant lesdites dépenses, qui relève de l'autorité législative, alors que l'exécution des crédits budgétaires pour les actions communautaires qui ne relèvent pas de cette catégorie, à savoir les actions communautaires non significatives, ne nécessite pas l'adoption préalable d'un tel acte de base.

Certes, ni le règlement financier ni les déclarations interinstitutionnelles précitées de 1982 et de 1993 ne donnent une définition de la notion d'action communautaire significative.

Toutefois, il convient de rappeler à cet égard que l'exigence de l'adoption d'un acte de base préalablement à l'exécution d'un crédit inscrit au budget découle directement du système du traité, dans lequel les conditions d'exercice du pouvoir normatif et celles du pouvoir budgétaire ne sont pas les mêmes.

D'ailleurs, selon une déclaration inscrite au procès-verbal de la réunion du 28 juin 1982 entre le Conseil, le Parlement européen et la Commission dans le cadre du Trilogue interinstitutionnel, qui a précédé l'adoption, deux jours plus tard, de la déclaration interinstitutionnelle précitée de 1982, l'exigence de l'adoption d'un acte de base préalable à l'exécution de crédits inscrits au budget en ce qui concerne les actions communautaires significatives doit permettre à la Commission, conformément à l'usage, d'assumer les tâches inhérentes à ses fonctions et notamment à l'exercice de son pouvoir d'initiative en lançant sous sa propre responsabilité les études ou expériences nécessaires à l'élaboration de ses propositions.

" En outre, comme la Commission l'a d'ailleurs admis dans sa communication, du 6 juillet 1994, à l'autorité budgétaire sur les bases légales et les montants maximaux (SEC (94) 1106 final), il résulte de la circonstance que l'exécution d'une dépense sur la base d'une simple inscription au budget des crédits correspondants déroge à la règle fondamentale de l'adoption préalable d'un acte de base que le caractère non significatif d'une action communautaire ne se présume pas, de sorte qu'il appartient à la Commission d'apporter la preuve du caractère non significatif de l'action envisagée.

" Or, en l'occurrence, la Commission n'a pas réussi à infirmer l'affirmation du Gouvernement du Royaume-Uni, selon laquelle les projets visés par le communiqué litigieux recouvrent, en réalité, des actions qui étaient déjà visées par le programme Pauvreté 3 et auraient pu être adoptées au titre du programme Pauvreté 4, programmes dont il n'est pas contesté qu'ils visent des actions communautaires et qui, partant, nécessitaient l'adoption d'un acte de base pour l'exécution des crédits correspondants . "


(...)

" Dès lors, contrairement aux allégations de la Commission, les projets précités n'avaient pas pour objet de préparer une action communautaire future ou de lancer des actions pilotes, mais étaient, en raison des activités envisagées, des objectifs poursuivis et de leurs bénéficiaires, destinés à poursuivre les initiatives visées par le programme Pauvreté 3, à un moment où il était manifeste que le Conseil n'allait pas adopter la proposition Pauvreté 4 visant à poursuivre et à étendre l'action communautaire de lutte contre l'exclusion sociale.

" Pour étayer sa thèse, selon laquelle les projets litigieux constituent des actions non significatives, la Commission observe toutefois que ceux-ci visent des activités à court terme, d'une durée maximale d'un an, non coordonnées entre elles et qui engendrent des dépenses beaucoup moins importantes que les actions pluriannuelles visées par le programme Pauvreté 3 et la proposition Pauvreté 4 prévoyant la mise en place d'un Observatoire des politiques nationales de lutte contre l'exclusion sociale devant assurer la coordination de ces actions.

" Cette argumentation doit être rejetée. En effet, rien ne permet d'exclure qu'une action communautaire significative engendre des dépenses limitées ni que ses effets soient limités dans le temps. Admettre le contraire reviendrait par ailleurs à permettre à la Commission de tenir en échec l'application du principe de l'adoption préalable d'un acte de base simplement en limitant la portée de l'action en question tout en la reconduisant d'année en année. Pareillement, le caractère significatif d'une action ne saurait dépendre du degré de coordination dont elle fait l'objet au niveau communautaire .

" Il y a lieu dès lors de conclure que la Commission n'était pas compétente pour engager les dépenses nécessaires au financement des projets visés par le communiqué litigieux au titre de la ligne budgétaire B3-4103 et qu'elle a violé l'article 4, paragraphe 1, du traité, de sorte que la décision d'engager ces dépenses doit être annulée. "

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