B. LA QUESTION DU NIVEAU DE RISQUE PRIS PAR LES DIFFÉRENTS INTERVENANTS

1. Une fragilisation du secteur cinématographique conduisant au final à des risques élevés

• Producteurs : un risque de faible probabilité mais réel et élevé

- Il semble utile à ce stade de rappeler une différence fondamentale entre le système nord-américain et le système français cinématographiques.

• Aux Etats-Unis, le producteur est bien souvent un salarié d'une société de production (cas des majors). En France, il est plus souvent gérant de la société.

• Ainsi aux Etats-Unis, le risque financier concerne souvent la société de production et rarement le producteur en lui même, qui risque le licenciement.

- En France, selon une probabilité assez faible, les producteurs peuvent être amenés à mettre en jeu leurs biens personnels; particulièrement les " petits " producteurs.

• En cas de dépassement du budget estimatif (imprévus compris), le producteur qui est obligé de trouver de nouveaux financements a le choix :

- soit, de ponctionner sur sa rémunération a priori, et/ou de céder une partie de ses droits sur le négatif du film, mais alors son travail aura simplement consister en la gestion d'un budget et sa rémunération sera au final nulle. Il n'aura alors pas assez de fonds propres pour s'engager dans une nouvelle production. En s'engageant quand même dans une nouvelle production il a alors toutes les chances de déposer son bilan si son nouveau film ne fait pas de succès...

- soit, de décider garder intacte sa part sur le négatif et d'engager de nouveaux crédits auprès des organismes financiers, qui alors, à cause de la sous-capitalisation de sa société, exigeront sans aucun doute des garanties personnelles. Dans ce cas, si le film ne marche pas, non seulement il dépose son bilan mais en plus il s'endette personnellement.

• Distributeur : une prime de risque plus élevée que celle des producteurs

- L'évolution du chiffre d'affaires des distributeurs est fortement dépendante de leur capacité à prendre dans leur catalogue les films à plus fort potentiel commercial.

• Le distributeur ne bénéficie pas en règle générale d'un actif comme un catalogue de droits lui permettant de générer des revenus sur le long terme

• Le secteur de la distribution ne bénéficie pas d'une aide soutenue : en moyenne, les subventions d'exploitation ne représentent que 2% des charges courantes en 1995. Rappelons que le soutien public a eu tendance au cours de la période 1989-1995 à baisser en intensité : il représentait en 1989 3,4% du total des charges courantes du secteur. Par ailleurs, au dire des professionnels du secteur, il n'existe aucun outil public d'aide français à la distribution à l'étranger véritablement adapté aux mécanismes du marché mondial du cinéma.

• A l'exception de la commission fixe que les distributeurs s'accordent sur les recettes des films qu'ils prennent dans leur catalogue, l'accroissement de leurs recettes est donc en grande partie lié aux performances des films qu'ils distribuent (en moyenne 42% des 14FF sur le prix des tickets vendus)

- Les coûts d'édition et de promotion des films ayant augmenté de 30 à 50% au cours des dix dernières années, les distributeurs français sont condamnés à réussir, et le risque financier des distributeurs français a non seulement tendance à s'accroître mais aussi à être plus élevé que celui des producteurs de cinéma puisque les coûts de distribution s'inscrivent en pertes nettes en cas d'échec commercial du film.

• Chaînes de TV : un risque de surcoût élevé

- Sur le marché mondial des droits de diffusion, le prix de ventes d'un film est généralement corrélé au nombre d'entrées réalisées sur le marché domestique.

- En pré-achetant massivement les films d'initiative française, les chaînes de TV paient fréquemment un surcoût sur les droits de diffusion des films.

• L'analyse de la fréquentation a en effet montré que les entrées avaient tendance à se concentrer sur un nombre de plus en plus réduit de films et que le nombre moyen d'entrées réalisées par les films d'initiative française restait globalement médiocre voire se dégradait.

- Par conséquent, le système de soutien conduit les chaînes a endosser une grosse partie du risque financier des producteurs.

• Cette situation conduit à se demander dans quelle mesure cette répartition du risque entre les différents intervenant est juste, et si elle entretient des conditions d'activités favorables à l'expression de la créativité et des performances de certains.

2. La question du rôle des distributeurs et de l'accès des producteurs à la distribution.

• L'analyse du secteur de la distribution a montré que le secteur était relativement concentré en termes de C.A., et que par ailleurs, la situation économique et financière des petites sociétés de distribution indépendantes s'était dégradée au cours du temps.

• Cependant les 15 premières sociétés ne concentrent que 42% des films distribués en 1995.

• Ainsi, 58% des films distribués doivent passer par le circuit de la distribution indépendante regroupant les moyennes et petites sociétés.

• Ces dernières sont caractérisées par des ressources en capital relativement faibles et un niveau d'endettement relativement plus élevé que les " leaders " ou les sociétés adossées à de grands groupes audiovisuels. Elles ne peuvent donc assumer des coûts d'édition et de promotion des films élevés qui puissent garantir que les films qu'elles distribuent rencontrent un public et soient correctement rentabilisés sur le marché français des salles.

• Le secteur de la production cinématographique connaît donc un problème d'accès des producteurs indépendants, particulièrement les plus petits, à la distribution.

• Cette situation est d'autant plus regrettable que le rôle de la petite et moyenne distribution semble essentiel pour accroître les chances de rentabiliser les films français.

• Cette situation amène deux interrogations :

1. Comment les films indépendants à petits budgets vont-ils, à moyen terme pouvoir être distribués en salles, si la petite et moyenne distribution a disparu, si la capacité des grandes entreprises de distribution cinématographique à distribuer des films n'augmente pas et que le volume de la production films français reste orienté à la hausse ?

2. Qu'est-ce qui explique que le secteur de la distribution soit relativement moins aidé que les secteurs de la production et de l'exploitation ? Etant donné le rôle essentiel de la distribution dans la rentabilisation des films, les axes du soutien public sont-ils encore pertinents ?

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