c) M. Bernard MALABIRADE, vice-président du Centre national des jeunes agriculteurs

Merci Monsieur le président. Dans la suite de M. Thévenot, je me recentrerai un peu plus sur ce que les agriculteurs peuvent ressentir par rapport à ces problèmes périurbains. Moi-même dans le département du Gers, au coeur de la Gascogne, nous en vivons peu, mais j'ai beaucoup dialogué avec les jeunes d'Ile-de-France et j'ai ressenti un sentiment d'exclusion de leur part par rapport à cet environnement qui s'urbanise et cette agriculture qui est sans cesse repoussée.

Ce qui m'a frappé, ce sont les conséquences financières et concrètes sur les exploitations de cette urbanisation qui les entoure. C'est d'abord l'insécurité. C'est un risque de vol, de déprédation des cultures permanent. Essayez d'être maraîcher entre quatre tours, il est évident qu'un certain nombre de personnes n'hésiteront pas à venir ramasser des légumes et cela se fait régulièrement. Ce qu'ils attendent de la part des législateurs, c'est qu'il y ait davantage de fermeté dans les discours mais également une justice plus efficace. C'est vrai aussi au niveau des récoltes plus courantes comme des cultures de blé où les gens prennent cela pour des champs dans lesquels on peut aller jouer et faire des promenades. Si les collectivités prenaient conscience de la nécessité d'une agriculture au sein de cet espace périurbain, elles prendraient en main le fait de réassurer ces récoltes s'il y avait des dégâts apparents. Les agriculteurs attendent beaucoup de ces collectivités qui doivent se prendre en charge en tant qu'aménageur de cet espace.

C'est aussi, dans les coûts induits, les gens du voyage qu'il ne faut pas négliger, qui peuvent s'installer avec rapidité sur des terrains qui sont libres. Là aussi, l'efficacité dans les procédures tarde toujours et les agriculteurs attendent qu'il y ait une prise en charge de la part des collectivités, notamment des charges de nettoyage. Vous imaginez lorsqu'une vingtaine de caravanes s'installent dans un champ, en quelques heures, c'est un vrai dépotoir. Les agriculteurs prennent en charge eux-mêmes ce nettoyage et avec des procédures d'expulsion qui mettent souvent deux ou trois jours, les dégâts sont déjà faits. Ces gens du voyage considèrent malheureusement les propriétés privées comme des propriétés plus collectives mais il est certain que le coût en revient finalement toujours aux mêmes.

C'est également des pollutions dues à la circulation qui peuvent induire des coûts. Ce peut être des pollutions plus diffuses mais qui interdisent à nos agriculteurs de pouvoir faire des productions légumières contractuelles parce qu'il peut y avoir des risques de pollution de métaux lourds par les passages fréquents et très importants des véhicules qui sont à proximité. C'est le problème des boues d'épuration. Nous sommes bien là au coeur d'un lien entre la ville et la campagne, entre l'agriculture que certains ont pris pour les dépollueurs idéaux pour épandre les boues d'épuration des villes. Mais aujourd'hui qui prend la responsabilité des conséquences de ces boues d'épuration avec peut-être des contaminations aux métaux lourds ? Le fermier risque d'y perdre beaucoup ainsi que le propriétaire. Il faudra que chacun prenne ses responsabilités.

Je citerai également le problème de stockage des céréales. Je donne des exemples simples car cette assemblée mérite de connaître les éléments techniques de l'urbanisation et de ses liens avec l'agriculture, mais aussi la problématique de ces agriculteurs. Suite au problème de Blaye qui avait fait grand bruit, un certain nombre de silos en France ont été passés à l'étude de manière très précise. Certains ont été agréés, d'autres non, aujourd'hui il faut reconstruire des silos agréés pour stocker les céréales et éviter qu'ils explosent sur ceux qui y travaillent. Tous les permis de construire de silos sont refusés aujourd'hui dans la zone d'Ile-de-France. Pourquoi ? Parce qu'il y a un risque. Mais ce risque est-il évalué précisément ? Nous ne le savons pas. En attendant, que vont faire ces agriculteurs ? Amener leurs céréales à des kilomètres et plus encore... Il faudrait qu'il y ait une souplesse, une prise en compte de ce que nous avons dit de l'aspect économique de ce métier et la nécessité d'avoir les outils d'amont et d'aval autour de ces exploitations agricoles, qui malgré tout ont l'avantage d'être proches d'un bassin de consommation, ce qui n'est pas négligeable.

Pour terminer, les conséquences de la périurbanité sur le foncier de ces exploitations agricoles :

Sur le foncier, c'est autour de Paris plus qu'ailleurs, les grands axes routiers et les voies ferrées qui se croisent. C'est que nous souhaitons avoir des remembrements systématiques lorsque l'on implante quelque chose. Il faut voir cela dans la durée, de manière à éviter que les agriculteurs aient à faire le tour à des kilomètres et la prise en charge par les collectivités de ces voies d'accès, des indemnités de rupture d'unité d'exploitation car lorsqu'une exploitation est coupée en deux, il est bien évident qu'elle perd une valeur économique considérable, qu'elle perd aussi une grosse partie de sa valeur intrinsèque et j'en viens dans les conséquences foncières à ce que beaucoup d'intervenants ont cité, c'est bien sûr la pression foncière et le problème de la plus-value de ce foncier en zone périurbaine. Nous pouvons citer l'instabilité dans le temps de ces documents d'urbanisme, ce qui échaude les agriculteurs à qui on a dit un certain moment qu'il y avait des plans d'occupation des sols, des schémas d'urbanisations et que leurs exploitations, leur environnement allaient être plus ou moins protégés de cette urbanisation. Ils ont vu aussi les pressions des élus locaux, et de chefs d'entreprises très bien placés, de grands magasins, qui souhaitent à tout prix s'installer et qui mettent à mal ces POS qui, finalement, n'ont pas la durabilité attendue et ne représentent pas un élément de sécurité pour ces entreprises agricoles.

C'est également le problème des domaines qui mélangent l'évaluation de ces sols agricoles entre la vocation de certains sols à la construction, et de ces sols qui doivent d'après les schémas rester au niveau agricole. Il n'est pas évident aujourd'hui de gérer une succession d'exploitation lorsque les Domaines ne font pas la différence entre la valeur d'un sol qui doit rester absolument à l'agriculture et un sol qui sera appelé à être construit. Ce sont des conséquences financières très importantes.

Pour éviter le changement de destination des terres, une taxation sur les plus-values réalisées par les agriculteurs a été proposée dans le rapport du président mais nous avons du mal, au niveau des jeunes agriculteurs à accepter cette notion. Il nous semble qu'il serait plus intéressant d'avoir cette rigueur, peut-être en modifiant la loi sur l'urbanisation, dans la durée de manière à ce que les agriculteurs se sentent un peu plus protégés au travers de leur espace plutôt que de vouloir jouer toujours sur cette fameuse arme qu'est la taxation permanente. Quand le promoteur a de l'argent, il le mettra et la taxe sera payée sans problème et nous n'aurons pas pour autant l'urbanisation. Ces choses-là auront des limites.

Lorsque les collectivités souhaitent vraiment que des terres dans des zones périurbaines restent à l'agriculture, et lorsque les élus en sont convaincus, les jeunes agriculteurs seraient sensibles au fait que les collectivités prennent en charge le portage de ce foncier-là, et le relouent à des jeunes agriculteurs mais non pas sur des baux à 3 ou 9 ans, mais sur des baux à 99 ans. Là, nous aurons la garantie que ces terres ne tourneront pas à l'urbanisation.

En conclusion, ces agriculteurs qui travaillent aujourd'hui dans les zones périurbaines et ailleurs ont un adage qui est de dire que "l'on n'hérite pas de la terre de ses parents mais qu'on l'emprunte à ses enfants" et cette vision dans la durée de l'agriculture est peut-être ce que nous attendons de ces acteurs de l'urbanisme : qu'ils travaillent pour les futures générations et que l'on prenne un maximum de précautions dans ce que l'on fait parce que nous n'aurons pas l'occasion de le faire deux fois.

M. GUY FISCHER : Je vous remercie. Des problèmes posés, des craintes, des propositions. Il nous reste dix minutes. Michel Mercier doit s'exprimer. Ensuite, au niveau du jeu des questions et des réponses, nous pourrions peut-être nous cantonner à deux ou trois questions.

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