AUDITION DE M. HERVÉ BARO,
SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DU SYNDICAT DES ENSEIGNANTS

(17 FÉVRIER 1999)

Le président lit la note sur le protocole de publicité des travaux de la commission d'enquête et fait prêter serment à M. Baro.

M. Adrien Gouteyron, président - La parole est à M. Hervé Baro pour son exposé. Ensuite, nous lui poserons nos questions.

M. Hervé Baro - Monsieur le président, merci d'avoir sollicité notre audition. Avant tout, il me semble utile de vous présenter le syndicat des enseignants. Notre syndicat regroupe les enseignants de la maternelle au lycée et est affilié à la Fédération de l'éducation nationale (FEN) que vous avez auditionnée. Par le biais de la Fédération de l'éducation nationale, nous sommes affiliés à l'Union nationale des Syndicats autonomes, c'est-à-dire à l'UNSA.

Pour rester dans le cadre des compétences et des préoccupations de votre commission, je dois vous dire que, par définition, en tant qu'organisation syndicale indépendante, nous sommes opposés à la cogestion et, par contre, que nous sommes favorables à un contrôle par les organismes paritaires de la gestion des personnels et du système éducatif. Nous sommes attachés à l'amélioration générale du fonctionnement du système éducatif. Dans ce cadre, nous plaçons notre action pour une meilleure efficacité de notre école ; cela nous amène à prendre position en faveur des réformes du système éducatif que nous jugeons les plus justes et les plus utiles, particulièrement celles qui ont pour but de favoriser les élèves des milieux sociaux les plus défavorisés.

Ce regard que nous portons sur le système éducatif et cette volonté de le réformer, de l'améliorer, de le faire évoluer dans le sens que j'indique, nous amène à poser la question des moyens. Nous sommes, comme tout citoyen de ce pays, soucieux de la bonne gestion des moyens dévolus au système éducatif dans notre pays. Cela ne nous empêche pas de revendiquer l'augmentation des moyens accordés à l'école publique.

D'abord, même si la question peut m'être posée, je vous indique que nous avons approuvé la création des aides-éducateurs. Ils constituent un apport important : ils sont une contribution à la lutte contre le chômage et ils contribuent aussi à l'amélioration du fonctionnement du système. Nous les considérons comme du personnel à part entière du système éducatif.

Pour ce qui concerne les moyens en personnels enseignants dans le premier degré -ce qui relève des personnels non-enseignants est de la compétence de notre fédération mais n'entre pas dans le champ de compétence de notre syndicat- nous considérons qu'il convient d'utiliser la baisse démographique réelle, que nous ne contestons nullement. Nous devons utiliser cette baisse démographique pour améliorer la qualité du système éducatif. Et ce, d'autant plus que se met en place une réforme de l'école primaire sous le vocable de "Charte pour bâtir l'école du 21 ème siècle" . Dans cet esprit, nous avons besoin de moyens pour améliorer le fonctionnement de l'école.

Nous sommes attachés particulièrement à deux aspects qui nous paraissent mis à mal par l'actuel gouvernement : le remplacement et la formation continue. Nous avons approuvé tout ce qui peut s'intituler "Politique du zéro défaut" , mais il ne faut pas qu'au nom de cette politique, des régressions soient induites, par exemple, vis-à-vis des moyens dévolus aux remplacements ou des moyens attachés à la formation continue des enseignants où nous constatons une certaine régression.

Concernant le second degré, nous sommes attachés à la politique de déconcentration de la gestion des personnels enseignants. Nous approuvons cette démarche, car nous considérons qu'elle va en faveur des personnels enseignants qui seront gérés au plus près du terrain et qu'elle pourra peut-être réduire certains dysfonctionnements que nous avons pu constater.

Ce que j'ai dit pour le premier degré est faux pour le second degré, encore que le contexte soit différent dans la mesure où, premièrement, il n'y a pas la baisse démographique constatée dans le premier degré et, deuxièmement, l'évolution démographique du second degré durant les années précédentes n'a pas été compensée par des créations d'emploi en nombre suffisant.

Dans le second degré, il nous semble que l'effort doit porter également sur la question du remplacement. Dans le premier degré, il existe des moyens en remplacement ; dans le second degré, les moyens en remplacement existants sont largement insuffisants. Il faut trouver une solution pour remplacer les maîtres absents, quelle que soit la raison de leur absence. Il nous semble, en particulier, qu'il faut faire évoluer le statut des titulaires académiques et des titulaires remplaçants pour les fusionner en un seul statut.

Voilà ce que je souhaitais dire pour vous indiquer notre état d'esprit, à la fois sur la réforme des systèmes éducatifs et sur la question des moyens, ce qui fait partie des principaux soucis de votre commission.

M. Grignon, rapporteur - Pensez-vous qu'aujourd'hui, on peut avoir une meilleure utilisation des personnels de l'éducation en agissant, soit au niveau des méthodes, soit au niveau de l'évolution des compétences, soit encore au niveau des moyens ?

Ces trois variables existent : au niveau des méthodes, par exemple, c'est la déconcentration mais cela peut aller plus loin. Au niveau des compétences, ce peut être grâce à la formation continue, ce peut être l'instauration d'une certaine bivalence. Vous avez déjà évoqué le niveau des moyens.

Pensez-vous que, dans l'état actuel des choses, nous pourrions en faire une meilleure utilisation  ? Dans quelle direction pourrions-nous aller ? Pour les systèmes de remplacement, dans le secondaire particulièrement, comment verriez-vous les choses ? Vous avez parlé de moyens, certes, mais, au niveau des méthodes et de l'évolution des compétences, n'y aurait-il pas des pistes pour améliorer le remplacement dans le secondaire ?

M. Hervé Baro - J'ai déjà répondu en partie à la question concernant une meilleure utilisation des personnels enseignants ; au Syndicat des enseignants, nous pensons que la déconcentration de la gestion des personnels enseignants est une méthode qui doit permettre de mieux gérer et de mieux utiliser les personnels.

Dans le système antérieur -qui est en cours de modification- nous avons fait le constat d'une grande déperdition dans la gestion des personnels enseignants du second degré en raison même de la façon dont elle était conçue. Dans le cadre de cette gestion, à la condition que l'administration de l'éducation nationale la dote d'outils fiables pour apprécier les besoins en fonction des moyens dont elle dispose, nous espérons que la déconcentration puisse être une méthode permettant de mieux utiliser les personnels, permettant d'être profitable à la fois au système et aux personnels eux-mêmes.

Sur les compétences, nous avions ouvert une piste, celle de la bivalence. Ce sujet ne concerne que le second degré, bien entendu, dans la mesure...

M. Francis Grignon, rapporteur - Dans la mesure où l'on a introduit beaucoup de spécialistes dans différentes disciplines ?

M. Hervé Baro - ...dans la mesure où, dans le premier degré, les enseignants sont polyvalents. Les spécialisations qui interviennent dans le premier degré sont des apports de compétence : nous constatons que les enseignants du premier degré ne peuvent pas répondre à toutes les demande de l'enseignement, même au niveau du premier degré, en particulier dans certaines disciplines.

Sans entrer dans un débat dogmatique sur la bivalence ou la monovalence, pour le second degré, nous sommes favorables à une évolution du collège qui devrait être mieux rattaché à l'école primaire et fonder un bloc commun école-collège, qui assoie de façon visible l'école de la scolarité obligatoire.

D'un point de vue pédagogique, cela peut rejoindre, par la suite, des impératifs de gestion. Dans ce cadre, nous pensons qu'il convient de réfléchir et de nous attacher à introduire, au niveau du collège, une différenciation disciplinaire progressive, c'est-à-dire aller progressivement vers une différenciation plus marquée, notamment à l'entrée au lycée.

Un tel système, qui obéit à un impératif pédagogique, ne peut avoir que des conséquences sur la gestion des personnels qui s'en trouveraient améliorés et simplifiés ; il aurait donc des incidences sur la question du remplacement par exemple, sujet difficile à aborder dans le second degré. Dans le premier degré, c'est relativement facile dans la mesure où les enseignants sont polyvalents et où les instituteurs ou les professeurs des écoles peuvent remplacer n'importe lequel de leurs collègues. Dans le second degré, il est assez difficile de demander à un professeur d'anglais de remplacer un professeur de mathématique ; c'est beaucoup plus compliqué.

Cela étant, aujourd'hui, dans le premier degré, le volume du personnel destiné au remplacement est relativement important : il permet de répondre de façon assez satisfaisante aux remplacements, mais pas partout et pas en toutes circonstances. Dans le second degré, en revanche, on se trouve très loin de cet objectif qui ne pourra être atteint qu'en augmentant de façon considérable le nombre de titulaires remplaçants.

A cet égard, il serait bon de définir des aires géographiques de remplacement, d'étendues variables selon les disciplines et la géographie des académies, et que l'on transforme les actuels emplois de titulaires académiques en emplois de titulaires remplaçants.

M. le Président - Sur ce point, pouvez-vous nous en dire un peu plus, en expliquant la différence entre titulaire académique et titulaire remplaçant ?

M. Hervé Baro - Dans le premier degré, il n'existe que des titulaires ou des titulaires remplaçants. Pour le premier degré, un titulaire est titulaire d'un poste de classe. Grosso modo, et en fonction des départements vu la diversité des politiques départementales, il existe deux types de remplaçants : les brigades départementales qui sont des personnes chargées d'assurer les remplacements longs sur l'ensemble du département et des "ziliens", chargés des remplacements courts sur des zones localisées, la ZIL étant la "zone d'intervention localisée". Ce système fonctionne convenablement, mais il est toujours possible, sans doute, de trouver des moyens de l'améliorer.

Dans le second degré, il existe des titulaires remplaçants ; leur nombre est de l'ordre de 2000 ou de 3.000. En tout cas, il reste très faible au regard des 400.000 et quelques enseignants du second degré. Ce sont des titulaires remplaçants, des personnes affectées sur des zones de remplacement très larges. En effet, ces gens appartiennent à une discipline, chargés de remplacer les personnels absents dans la discipline concernée. Pour qu'ils soient employés à temps complet, leurs zones doivent être étendues. Il est aussi prévu qu'ils fonctionnent hors zone de remplacement.

Vous pouvez vérifier les chiffres que je vous cite de mémoire auprès des services compétents du ministère de l'éducation nationale.

Par ailleurs, à côté de cette catégorie, il existe 40 à 45.000 titulaires académiques, personnels rattachés auprès du recteur mais non affectés définitivement ni sur un poste ni sur une zone précise. Ils sont mis à disposition des recteurs à la rentrée. Le recteur de l'académie ou les services du rectorat sont amenés à les affecter soit sur des postes à l'année, soit sur des remplacements à l'année, soit sur des remplacements.

M. le Président - Merci de votre précision et de la clarification, mais je voulais surtout vous demander si vous étiez partisan de transformer les postes de titulaires académiques en postes de titulaires remplaçants, nombre pour nombre ?

M. Hervé Baro - Tout à fait. Je ne sais pas si c'est nombre pour nombre mais, tant du point de vue de la simple gestion que pour l'intérêt même des personnes, nous ne pouvons pas laisser des gens dans l'ignorance de leur affectation jusqu'au jour de la rentrée, voire au-delà. Il convient de définir des zones de remplacement de taille raisonnable pour ces enseignants. Et il faut que les personnes en question sachent qu'elles auront des remplacements à effectuer dans la zone dans laquelle elles seront affectées et dans la discipline qui est la leur.

M. le Président - Dernière observation : "dans la discipline qui est la leur", n'est-ce pas contradictoire avec ce que vous avez dit sur la polyvalence et la bivalence ?

M. Hervé Baro - Monsieur le président, je me situe dans la situation d'aujourd'hui, du découpage disciplinaire tel qu'il est.

M. le Président - Très bien : tel qu'il est. La parole est à M. le rapporteur adjoint.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur adjoint - Monsieur le secrétaire général, vous êtes soucieux de la bonne gestion des moyens accordés à l'école publique. C'est l'objectif même de notre mission d'enquête, c'est ce vers quoi nous devons tendre.

Peut-on y parvenir à moyens constants et non, comme cela a toujours été fait jusqu'à présent, par la seule inflation budgétaire, qui est la réponse la plus facile ? Peut-on améliorer le système à moyens constants, notamment par des redéploiements ?

Ma deuxième question a trait aux remplacements : vous avez parlé des divers statuts qui montrent qu'il y a autant de contraintes que de freins. Les remplacements nécessitent une réactivité et une souplesse. L'appel à un "corps de vacataires" dont il faudrait peut-être définir le statut ou qu'il conviendrait de choisir parmi les étudiants peut-il permettre d'améliorer le système ?

Ma troisième question concerne les options, sans doute très intéressantes et facteurs certains d'attractivité pour les établissements, mais très consommatrices de moyens humains. Ces options sont-elles toutes nécessaires et indispensables ou ne conviendrait-il pas, en ce domaine aussi, de rationaliser et de mutualiser un certain nombre d'options ?

M. Hervé Baro - Peut-on améliorer le système à moyens constants ? Ma réponse est oui, certainement. Depuis le début, j'ai dit, par exemple, que la déconcentration de la gestion des personnels était une façon d'y parvenir. A mon point de vue, cela ne signifie pas qu'on fera mieux avec moins de moyens. Il faut distinguer la bonne gestion de la question des moyens.

Ces éléments ne sont pas pour autant contradictoires ? Nous pouvons rajouter des moyens au système éducatif et ne pas obtenir d'amélioration en termes de résultat. Nous cherchons donc à la fois une meilleure utilisation des moyens existants et, quand c'est nécessaire, la création d'emplois supplémentaires.

J'ai dit tout à l'heure que, pour l'école primaire, il nous semblait que la politique de moyens constants était intéressante, qu'elle pouvait permettre une amélioration qualitative. Nous sommes conscients que cela passe par un minimum de redéploiements que nous n'avons jamais contestés, à condition que ces redéploiements consistent à mieux répartir la richesse nationale ou à donner plus à ceux qui ont le plus de besoins. Nous sommes partisans d'une politique de gestion et -bien que le terme soit malheureux- de "discrimination positive" dans l'éducation nationale.

En ce qui concerne les remplacements, je dis très nettement que nous sommes opposés au recours à des vacataires. Je ne vous en ai pas parlé mais nous connaissons l'expérience, qui existe encore, des maîtres auxiliaires comme nous avions connu, dans un passé lointain, l'expérience des suppléants éventuels dans le premier degré. Le fait que nous soyons quasiment sortis de l'appel aux suppléants éventuels dans le premier degré fait que nous sommes arrivés à une gestion plus saine et plus efficace. Il reste encore des suppléants éventuels en petit nombre, notamment dans deux départements d'outre-mer et dans quelques départements de la métropole. En Guyane et à la Réunion, il en reste un nombre assez important.

A titre d'exemple, cette année, il a été créé par le ministère de l'éducation nationale -par le précédent gouvernement mais mis en place par l'actuel gouvernement- un concours spécifique pour résorber les suppléants éventuels, non titulaires de la licence -qui nous posent problème du fait qu'ils ne peuvent accéder au corps des professeurs des écoles- afin de leur permettre d'accéder au corps des instituteurs. Ce concours spécifique est créé pour une durée de quatre ans. De mémoire, la première année de sa mise en oeuvre, le département de la Guyane a bénéficié de 110 emplois ouverts. Ce département recrute d'ailleurs, encore actuellement, des suppléants éventuels.

M. le Président - Peut-on considérer que le corps des instituteurs est en voie d'extinction ?

M. Hervé Baro - On peut le considérer.

M. le Président - C'est bizarre : organiser un concours pour permettre d'entrer dans un corps en voie d'extinction.

M. Hervé Baro - La Guyane vit une situation particulière. Inutile d'en parler plus longuement pour l'instant : puisque vous avez l'occasion d'y aller, vous verrez vous-mêmes.

Dans ce département, il y a une démographie mal maîtrisée, une immigration importante et une population en âge scolaire mais non scolarisée très importante. Le nombre d'enfants actuellement non scolarisés en Guyane est estimé à environ 4.000. Voilà qui explique le retard important du système éducatif guyanais. Par ailleurs, comme l'université guyanaise en tant que telle n'existe pas puisqu'il s'agissait de l'université des Antilles et de la Guyane, le nombre des jeunes titulaires d'une licence est insuffisant pour pourvoir les postes mis au concours de recrutement de professeurs des écoles ; d'où les problèmes de suppléants éventuels que j'ai signalés.

Pour en revenir à la question des remplacements, nous sommes opposés au recours à des vacataires. Dans le premier degré, il est mis fin aux suppléants éventuels. Dans le second degré, on s'attaque, mais insuffisamment rapidement, à la résorption de l'auxiliariat. Il subsiste encore 28.000 maîtres auxiliaires, ce qui -je le rappelle- une situation précaire, je le rappelle.

Aujourd'hui, nous regrettons, puisque les maîtres auxiliaires ne sont plus recrutés, que l'on fasse appel à des vacataires, à des contractuels pour assurer les remplacements. Ces personnels, quelles que soient leurs qualités, n'ont pas les compétences et ne sont pas formés pour venir en aide aux élèves ou les prendre en charge, particulièrement dans les endroit les plus difficiles, mais aussi, au-delà de cette question d'élèves en difficulté, quel que soit l'endroit.

Le dernier point est la question des options. Il faut associer la diversité que l'on doit offrir aux jeunes dans le cadre de leur cursus scolaire, sans tomber dans l'outrancier -c'est votre souci- qui, à la fois, conduit à une consommation excessive de moyens et, d'après moi, à un effet encore plus pervers : les options sont les moyens de sélection, de filiarisation qui font qu'aujourd'hui certains lycées sont nobles, chics à côté d'autres qui le sont moins. A la limite, nous serions favorables à l'existence d'options rares à condition de les implanter dans les établissements où existent le plus de difficultés scolaires. Or, tel n'est pas le cas : les lycées les plus consommateurs d'options rares sont ceux qui scolarisent les élèves à moindres difficultés.

M. le Président - Une question connexe à l'une de celles posées par Jean-Claude Carle : quelle est votre position sur les MI-SE. (maître d'internat et surveillant d'externat), sur les surveillants dans les établissements scolaires dont -si j'ai bien compris- le ministre a envisagé de modifier le recrutement pour faire face à certaines tâches pédagogiques, y compris à des remplacements ?

M. Hervé Baro - C'est vrai qu'à un moment, le ministre a voulu modifier le statut des maîtres d'internat. Nous sommes favorables au maintien et même à l'augmentation du recrutement des MI-SE mais ce dossier doit être examiné en même temps que le statut social de l'étudiant. En effet, les MI-SE sont des étudiants salariés, à la différence des éducateurs qui sont des salariés.

Nous pensons que ces jeunes doivent être en nombre relativement important dans les établissements scolaires, qu'ils doivent remplir des tâches de surveillance et des tâches d'éducation. Leur statut actuel leur permet d'assurer des remplacements de courte durée. Nous ne se sommes pas hostiles à l'idée qu'ils puissent assurer, dès lors qu'ils sont volontaires et en ont la compétence, en particulier les titulaires d'une licence, des remplacements de courte durée. Il faut que ce soient vraiment des remplacements de courte durée.

Dernier point sur la question des MI-SE : nous sommes favorables à la réduction de leur horaire de présence. Comme ce sont des étudiants salariés, il ne faut pas oublier qu'ils sont d'abord étudiants. L'objectif des MI-SE est surtout de réussir leurs études universitaires. Le nombre d'heures qu'ils doivent accomplir aujourd'hui est relativement important, puisqu'il est de l'ordre de 27 à 28 heures, et ne permet pas d'assurer leur réussite universitaire.

Mme Hélène Luc - A propos de la déconcentration, j'ai l'impression, pour en avoir quelques échos, que beaucoup de professeurs ne savent pas comment cela va se passer, qu'ils manquent d'informations. En cas de mouvement inter-académique, les choses sont assez simples mais le mouvement intra-académique est plus compliqué.

Certains professeurs occupent un poste qui n'est pas mis en mouvement depuis un certain temps et sur lequel ils comptent rester. Voilà qui pose problème. En avez-vous personnellement des échos ?

Ma deuxième question concerne la dotation des collèges. Actuellement, les conseils d'administration ne décident pas, car ils reçoivent une enveloppe qu'ils ont à répartir. De nombreuses questions se posent, y compris dans des collèges en ZEP qui ne sont pas satisfaits de la dotation en enseignants. J'en ai un exemple à Choisy : certains professeurs pensent que ce n'est plus suffisant.

Que pensez-vous des Réseaux d'éducation prioritaires, qui se situent entre la zone banale, normale et la zone d'éducation prioritaire ? En dépit d'un supplément d'horaire à assurer, les professeurs n'ont pas d'indemnité alors que les professeurs de zone d'éducation prioritaire en perçoivent une. Comment pensez-vous que cela se passe ?

M. Hervé Baro - Sur la question du mouvement déconcentré, quand on change le système pour passer à un autre, il est légitime que les enseignants -c'est vrai aussi pour tout citoyen- manifestent une forte inquiétude. Une information a été faite par les soins de notre organisation syndicale auprès de nos mandants pour leur venir en aide.

Cela n'empêche pas que nous ayons une certaine inquiétude, car nous ne savons pas comment réagiront les services académiques qui seront confrontés à une nouvelle forme de gestion à laquelle ils n'ont pas été tous préparés. Face à ce mouvement, il y a des interrogations. Nous sommes convaincus qu'au bout du compte, ce dispositif contribuera à bonifier la gestion des personnels, qu'il apportera un mieux-être aux personnes et qu'il améliorera la gestion du système. Bien sûr, comme dans tout changement, il demeure des inconnues. Nous ignorons comment réagiront les divers échelons administratifs.

Avec la question de la dotation, pour en revenir à un problème qui touche aux moyens, améliorer le système à moyens constants est souhaitable mais, à certains moments, il faut des moyens supplémentaires. L'inquiétude que vous soulignez concernant les collèges pourrait aussi être étendue aux lycées, voire aux écoles, ici ou là dans certains départements. C'est vrai que nous sommes alertés par des collèges qui considèrent que la dotation qui leur est accordée ne leur permettra pas de fonctionner dans de bonnes conditions à la rentrée prochaine.

Sur la question des ZEP et des REP, à l'origine, c'est-à-dire en 1981, nous n'avions pas été de farouches partisans de l'introduction d'une indemnité pour les ZEP. En effet, nous ne considérons pas que la prime de risque supprime le risque. Nous pensons que, pour traiter la question de la difficulté scolaire, c'est par un aménagement des rythmes scolaires, par des dotations supplémentaires en personnel, par une autre organisation du système qu'on y parviendra. Quant à la valorisation des personnes, si nous avions à choisir, nous préférerions des formules de type "accélération de carrière" au type "indemnitaire"

Vous me demandez la différence que je fais entre les zones d'éducation prioritaire (ZEP) et les réseaux d'éducation prioritaire (REP). Vous l'avez trouvée vous-même : la différence entre les deux, c'est une indemnité dans un cas et pas dans l'autre ; ce qui prouve d'ailleurs les limites du système.

Mme Hélène Luc - En plus, pour les REP, on fait ce qu'on peut.

M. Hervé Baro - Pour les REP, on fait ce qu'on peut et, pour les ZEP, c'est à peu près la même chose : nous aurions peut-être dû resserrer le dispositif, transformer les indemnités en accélération de carrière de façon à ne pas perturber le système par le biais indemnitaire. L'occasion aurait dû être saisie d'intégrer cette indemnité dans le traitement de ceux qui la percevaient de façon à ne rien faire perdre aux collègues et de traiter la question de la difficulté scolaire par une amélioration en termes de personnel, de moyens, d'organisation des services plutôt que par le biais indemnitaire. Nous avons ainsi un dispositif qui, je le crains, restera figé pour longtemps.

M. le Président - Je vais vous poser une question brutale sur un tout autre sujet : toutes les organisations syndicales bénéficient de mises à disposition. Les textes qui régissent la fonction publique en définissent les règles et établissent des barèmes. Votre organisation syndicale bénéficie-t-elle de mises à disposition au-delà de ce que les textes permettent ?

M. Hervé Baro - Monsieur le président, permettez-moi une rectification : les organisations syndicales ne bénéficient pas de mises à disposition mais de décharges syndicales, ce qui n'est pas pareil. Les mises à disposition et les détachements sont accordés aux associations périscolaires, par exemple, la Ligue de l'enseignement, pour n'en citer qu'une. Les décharges d'activités de service dont nous bénéficions sont définies par le décret du 28 mai 1982.

A la question précise que vous me posez, avec la rectification que j'ai apportée, ma réponse est simple : nous bénéficions du nombre exact de décharges qui nous sont dévolues par la loi ou par le décret. Elles sont actuellement pour nous au nombre de 212. Pour éviter toute ambiguïté, je précise qu'il s'agit de 212 équivalents temps plein, inclus dans le nombre de décharges dont la FEN a signalé qu'elle bénéficiait et ne s'y rajoutent donc pas.

M. le Président - J'ai posé la même question à la FEN. J'insiste un peu : les recteurs n'en rajoutent-ils pas un peu pour vous faire plaisir ? (signe de dénégation de M. Baro) C'est certain ?

M. Hervé Baro - C'est sûr que non. Pour être précis et ne rien oublier, en plus des décharge de service, la réglementation prévoit des journées d'autorisation d'absence. A ce titre, en plus des 212 équivalents temps plein des décharges dont je vous ai parlé, nous profitons de 1.292 journées d'autorisation d'absence. Il se peut que, dans certains rectorats, une partie de ces journées soit transformée en équivalents temps plein.

M. le Président - Il me semble que l'on nous avait expliqué que cette transformation avait été admise sur le plan national ? A raison de 75  % ?

M. Hervé Baro - Absolument.

M. le Président - Abandonnons ce sujet. Les collègues ont demandé à poser des questions et je laisse la parole à M. Martin.

M. Pierre Martin - Vous avez exprimé votre désaccord avec la politique du gouvernement concernant le traitement des remplacements et la formation continue.

On sait que les professeurs titulaires sont en surnombre. Evidemment, ils ont été formés pour exercer sur une spécialité. Les maîtres auxiliaires sont aussi dans ce cas. Trouvez-vous normal que certains, parmi les titulaires, refusent ce qui leur est proposé, et plus encore parmi les maîtres auxiliaires, alors qu'ils sont avant tout des enseignants ? Le besoin du service est bien d'avoir un enseignant devant les enfants plutôt que des enfants sans enseignant ou dans une autre situation ?

M. Hervé Baro - Je vous laisse la responsabilité de votre question. C'est vrai qu'il y a des enseignants en surnombre. Je veux dire par là qu'il y a un nombre d'enseignants supérieur au nombre de supports budgétaires existants. C'est une réalité. Que des enseignants refusent, si tel est le cas, cela ne me paraît pas normal, sauf, bien sûr, s'ils refusent d'enseigner dans une discipline très éloignée de la leur.

En revanche, je pense que tout enseignant, titulaire ou auxiliaire, bénéficie d'un salaire ou d'une rémunération et doit donc être utilisé. S'il n'y a pas de remplacement à confier, s'agissant de personnels non affectés à des postes, on peut très utilement les affecter à des tâches de soutien aux élèves, dans les établissements auxquels ils sont rattachés. C'est ce que nous souhaitons. Bien entendu, il faut que ce dispositif permette à ces personnels d'être détachés de cette aide et de ce soutien si un remplacement ou un autre besoin se fait jour.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur adjoint - Une question qui concerne les chefs d'établissement. Aujourd'hui, nous constatons un déficit dans le recrutement des chefs d'établissements. A quoi cela tient-il ? Comment remédier à cette situation ? Vous paraît-il souhaitable de redéfinir les missions du chef d'établissement, voire de renforcer ses prérogatives vis-à-vis des enseignants ?

M. Hervé Baro - Je suis incompétent pour parler des chefs d'établissement, dans la mesure où cela ne se situe pas dans notre champ de syndicalisation pour le personnel enseignant du second degré. Je saisis l'occasion pour parler des directeurs d'école.

En effet, la question que vous évoquez sur la désaffection envers la fonction de chef d'établissement existe également dans le premier degré. Nous atteignons là des limites qui devraient alerter les pouvoirs publics et le ministre de l'éducation nationale. Aujourd'hui, on demande aux directeurs d'école d'accomplir des tâches et des missions de plus en plus importantes. Il leur est demandé de prendre de plus en plus de responsabilités : par exemple, certains d'entre eux ont été sollicités pour absorber l'arrivée des aides-éducateurs ; il est leur demandé d'animer toujours davantage d'activités, d'assurer les relations avec la famille, d'assurer les liens avec les collectivités locales. Vous êtes très attachés à cette question en tant qu'élus locaux.

Nous, nous souhaitons aller vers une amélioration de la situation des directeurs d'école. Notre demande essentielle sur ce problème est d'améliorer leurs décharges de service.

M. le Président - Hier, nous nous trouvions à l'académie de Paris. Nous nous sommes faits expliquer le régime dont bénéficient les directeurs d'école de Paris. Est-ce le modèle que vous visez ?

M. Hervé Baro - Non, le modèle de Paris est ce qu'il est. Nous pensons que les directeurs d'école doivent demeurer -sauf dans les très grosses écoles où il sont dès à présent déchargés de service- des enseignants, des animateurs pédagogique et qu'ils doivent consacrer une partie de leur service à des tâches d'enseignement.

Cela dit, nous estimons que le régime des décharges doit être amélioré. Il faudrait dégager de leur temps d'enseignement un temps durant lequel ils pourraient exercer leurs fonctions de directeur d'école. Cela peut être un quart de décharge ou une demi-décharge de service. Pour les plus petites écoles, peut-être une journée mensuelle de décharge. Il faut considérer que la tâche de directeur d'école est devenue de plus en plus complexe et prenante : impossible d'ignorer cette réalité.

M. Jean-Léonce Dupont, vice-président - Une question plus générale : comment expliquez-vous culturellement cette difficulté à envisager une diminution des effectifs pour l'adapter à l'évolution démographique ? Vous avez dit qu'il fallait utiliser la baisse de la démographie pour améliorer la qualité. Je ne suis pas tout à fait d'accord. Pourquoi ce blocage ? Pourquoi ne pas adapter les moyens aux besoins ?

Avec une diminution de 25 % de la population scolaire, allons-nous maintenir le nombre des enseignants pour augmenter la qualité, de façon indéfinie ? A un moment, il faut corréler l'évolution des effectifs à la population et surtout aux moyens de la nation. Pourquoi un tel blocage culturel à ce propos ?

M. Hervé Baro - C'est votre opinion, monsieur le sénateur. Personnellement, j'en ai développé une autre, à l'opposé de la vôtre. D'après moi, il faut rechercher la meilleure efficacité du système ; elle se mesure en résultats pour les élèves. Tant que nous constatons que des élèves arrivent au terme de l'école primaire avec des difficultés en lecture, en calcul, en expression orale ; tant que nous constatons que des élèves sortent du système éducatif sans qualification -50, 60 ou 100.000 par an, en tout cas un nombre assez important- ; tant que nous constatons que l'école reproduit, d'une manière certaine, les inégalités sociales, nous pensons que le système n'est pas totalement à l'image de ce que doit être la République, c'est-à-dire égalitaire.

M. Jean-Léonce Dupont, vice-président - Monsieur le secrétaire général, c'est déjà le cas : nous avons sans cesse augmenté les moyens et nous constatons a priori, statistiquement, une augmentation de l'illettrisme !

M. Hervé Baro. - Nous avons une augmentation de l'illettrisme, nous avons une diminution et même une réduction importante du nombre d'élèves sortant sans qualification. Les statistiques et les études montrent qu'il sera de plus en plus difficile de réduire ce nombre, d'où la nécessité d'augmenter l'encadrement éducatif pour réduire le nombre de sorties sans qualification.

Je ne dis pas ici qu'il faut augmenter systématiquement les moyens.

M. Jean-Léonce Dupont, vice-président - Toute votre démonstration a consisté à nous expliquer que, quand les effectifs diminuent, on ne pouvait pas diminuer mais, par contre, des besoins nouveaux devaient être couverts, notamment par les aides-éducateurs. D'ailleurs, on se posera le problème de leur avenir dans cinq ans ; non pas parce que les besoins n'existent pas, car ils existent. Comment trouver les moyens de répondre aux besoins qui sont infinis ?

M. Hervé Baro - Pour ma part, je suis attaché à l'amélioration de la performance du système. Je ne crois pas, contrairement à vous, que l'on puisse améliorer le système en corrélant la diminution des effectifs d'élèves à la diminution des effectifs d'enseignants, sinon le système va régresser au lieu de progresser. (Signe de dénégation de M. Dupont.)

Pourtant, au Syndicat des enseignants, comme pour vous, notre souci est d'arriver à un système le plus performant possible. Or, il a été démontré qu'il ne faut pas espérer améliorer le système d'un point de vue qualitatif en diminuant de façon quantitative le nombre de personnels d'enseignement.

M. Jean-Léonce Dupont, vice-président - C'est un a priori. Les nouvelles technologies et un certain nombre de donnes peuvent laisser penser qu'il y aura demain des façons d'évoluer différentes.

M. Hervé Baro - Quand il aura été démontré que les nouvelles technologies sont des instruments à la disposition de toutes les écoles, de tous les collèges et de tous les lycées, que les nouvelles technologies peuvent permettre de réduire les effectifs en enseignants,...

M. Jean-Léonce Dupont, vice-président - ...d'adapter, de corréler les effectifs à la diminution de la population scolaire...

M. Hervé Baro - ...alors, nous serons prêts à reprendre les débats. Pour l'instant, s'agissant des nouvelles technologies, je constate que nous n'en sommes qu'au stade du balbutiement à l'éducation nationale ; je ne parle que de ce que je connais. Je suis partisan du développement des nouvelles technologies et je suis partisan de l'adaptation du monde enseignant à leur utilisation, mais je ne veux pas lâcher la proie pour l'ombre et considérer que les nouvelles technologies nous permettront de mieux faire qu'aujourd'hui, à moindre coût. Nous verrons.

M. le Président - Très bien, monsieur le secrétaire général. Merci pour vos réponses très franches.