COMPTE RENDU DE LA RÉUNION DE L'OFFICE PARLEMENTAIRE D'ÉVALUATION DES POLITIQUES PUBLIQUES DU MERCREDI 7 AVRIL 1999

(Extraits)

Présidence de M. Alain Lambert, Président

Au cours de sa réunion du mercredi 7 avril 1999, l'Office a examiné le rapport de M. Gérard Bapt sur la saisine relative au rôle des flux financiers entre les collectivités publiques et les entreprises en matière d'emploi.

M. Gérard Bapt, Rapporteur, a rappelé que ce rapport se fondait sur une étude confiée au METIS, en collaboration avec le LEST, deux unités de recherche rattachées ou appartenant au CNRS. Il a souligné, au préalable, qu'il n'adhérait pas à toutes les conclusions de cette étude et qu'à cet égard, il ne pouvait que regretter les indiscrétions qui ont pu filtrer dans la presse.

Exposant ensuite le contenu de l'étude, M. Gérard Bapt a indiqué que celle-ci s'appuyait sur une typologie des politiques de l'emploi, distinguant notamment les mesures générales et les mesures spécifiques et faisait le bilan quantitatif des dépenses effectuées à ce titre.

Il a précisé également que l'étude du METIS avait analysé les nombreux rapports qui ont été commandés dans la période récente en vue d'évaluer l'efficacité de certains dispositifs d'aide i l'emploi, en ajoutant que, dans la mesure où peu de travaux mettaient en balance l'ensemble des dispositifs du point de vue de leur efficacité comparée, l'originalité de la présente étude était donc l'enquête comparative des flux consacrés à l'emploi, dans le but d'aider à la décision en ce qui concerne l'orientation immédiate de la politique publique de l'emploi.

Après avoir mis l'accent sur le bilan mitigé des politiques tendant à alléger le coût du travail non qualifié et évoqué les propositions de M. Edmond Malinvaud, le Rapporteur a indiqué que le METIS avait exploré des pistes de réforme partant du postulat que la raison d'être des flux financiers provenant des collectivités publiques et versés aux entreprises, en matière d'emploi, ne saurait relever d'une autre logique que celle d'une aide financière aux entreprises dont la situation comptable le justifie, c'est-à-dire les entreprises qui ne sacrifient pas délibérément l'emploi au profit.

Il a indiqué que ces explorations ouvraient, d'une part, le chantier, non creusé jusqu'alors, d'une réforme des prélèvements sociaux permettant de stimuler l'emploi tout en discriminant les entreprises selon leur situation comptable et leur stratégie à l'égard de l'emploi et de résoudre, en partie, le problème récurrent des effets prévus (effets d'aubaine ou effet de substitution, notamment) inhérents aux mesures générales d'abaissement du coût du travail et portaient, d'autre part, sur le dispositif de réduction du temps de travail.

En ce qui concerne la réflexion autour de l'assiette des prélèvements sociaux, le Rapporteur a indiqué que le METIS présentait trois propositions de réformes :

- la substitution de la valeur ajoutée aux salaires comme assiette des cotisations sociales, solution qui, selon le METIS, aurait pour avantage de faire participer à égalité le capital et le travail au financement des dépenses sociales : le taux de la contribution nécessaire pour assurer le transfert des 440 milliards de francs, résultant d'une cotisation patronale d'assurance maladie de 12,8 % de la masse salariale, sur l'assiette valeur ajoutée étant évalué à 9,2 % ;

- la substitution aux salaires d'une assiette « excédent brut d'exploitation » : cette solution, tendant à taxer directement les profits d'exploitation des entreprises, qui repose sur une assiette plus restreinte et suppose corrélativement un taux de contribution plus élevé, aurait l'avantage de réduire le coût relatif du travail et d'avoir en conséquence des effets plus favorables sur l'emploi, mais pourrait avoir des conséquences négatives en termes de délocalisation des investissements ;

- enfin, la proposition consistant à conserver une assiette fondée sur les salaires mais en modulant les cotisations patronales en fonction de la part des salaires dans la valeur ajoutée, au regard d'un ratio national de référence : cette réforme est présentée comme devant faire participer au financement de la protection sociale, les entreprises ayant une part importante de profit dans la valeur ajoutée.

Selon l'étude, les trois réformes envisagées ne modifieraient pas la charge totale de financement pesant sur les entreprises, ce qui n'exclut pas un débat sur le poids souhaitable du financement de la protection sociale pesant sur chaque catégorie de revenus.

Concernant le dispositif de réduction du temps de travail, le Rapporteur a indiqué que le METIS constatait que la première loi sur les 35 heures avait suscité une certaine dynamique de négociation, sans doute plus faible que ce qui était attendu par le Gouvernement, même si elle s'est révélée plus forte que celle de la loi Robien.

L'étude note également que, paradoxalement, les grandes entreprises, habituellement grandes utilisatrices des dispositifs de politique de l'emploi, ont spontanément développé la négociation sans recourir aux aides de l'État. Le bilan détaillé des accords de branches et d'entreprises que fournit l'étude débouche sur quelques recommandations que le Rapporteur, estimant que le LEST, qui avait traité cet aspect du sujet, était quelque peu sorti du cadre défini par le cahier des charges, a déclaré ne pas reprendre à son compte.

Un débat a eu lieu après l'exposé du Rapporteur .

M. Pierre Méhaignerie a tout d'abord souhaité savoir quel était l'avis personnel du Rapporteur sur la réforme des cotisations sociales, aucun des quatre schémas présentés dans l'étude ne semblant lui convenir totalement, tout en soulignant que celle-ci établissait un lien ambigu entre le passage aux 35 heures et les réductions de cotisations sociales sur les bas salaires.

Il a estimé pour sa part que la solution, retenue dans le rapport Malinvaud, d'allégement des charges sociales, était la meilleure, en l'assortissant de négociations au niveau des conventions collectives de branche afin que les baisses de charges patronales s'accompagnent, en contrepartie d'augmentations de salaires. Il a ajouté que prendre pour assiette de prélèvements sociaux la « valeur ajoutée » ou « l'excédent brut d'exploitation » aurait un effet psychologique catastrophique et serait vécu comme un nouvel impôt par les entreprises.

Tout en constatant que, le taux d'autofinancement moyen se montant à 112 %, de nombreuses entreprises n'avaient pas besoin d'un allégement de charges patronales pour financer le passage aux 35 heures, il a estimé que les quelque 20 milliards de francs que l'État entendait dégager pour financer la réduction du temps de travail devaient l'être par une maîtrise de la dépense publique plutôt que par une réforme de l'assiette des prélèvements sociaux.

M. Patrick Delnatte a tout d'abord souligné qu'il lui paraissait dangereux d'établir une liaison automatique entre l'aide pérenne et la réduction du temps de travail. Il a ensuite jugé que le Rapport n'était pas suffisamment explicite dans ses recommandations sur le tri des entreprises qui ont vraiment besoin de l'aide, afin d'éviter les effets d'aubaine. Puis, il a estimé, lui aussi, qu'il fallait être attentif au maintien de la compétitivité des entreprises et qu'en conséquence un certain nombre de financements devaient s'opérer par la réduction générale de la dépense publique.

M. Augustin Bonrepaux , premier Vice-Président, s'est pour sa part étonné que le rapport n'ait pas procédé à une évaluation sur les aides passées à l'emploi, notamment, la « ristourne dégressive ». Enfin, M. André

Ferrand est intervenu pour insister sur le problème de financement du passage aux 35 heures, tandis que M. Yves Fréville s'est interrogé sur le champ d'investigation fixé à l'étude commandée au METIS et s'est étonné du caractère hétérogène des questions traitées dans le rapport remis par cet organisme, en souhaitant un approfondissement du débat notamment sur le rapport de M. Malinvaud.

M. Gérard Bapt , Rapporteur, a alors apporté les précisions suivantes :

- S'agissant du champ de l'étude, il a rappelé qu'il avait été décidé par l'Office, lui-même, à la suite d'un vote ;

- S'agissant des objectifs fixés 4 l'étude, il a indiqué que l'objet de celle-ci était d'analyser l'impact des aides publiques en matière d'emploi, ce qui concernait aussi bien la réduction du temps de travail à 35 heures que le service public de l'emploi, dont il a noté qu'il était plutôt moins bien doté en France que dans les autres pays d'Europe.

Il a ajouté que d'autres mesures étaient étudiées au cas par cas, comme le contrat « initiative emploi » ou n'ont pas fait l'objet de développeme n t particulier, comme la ristourne dégressive qui avait déjà été traitées par plusieurs études. Il a d'ailleurs précisé qu'en ce qui concerne le contrat « initiative emploi », lesdites études avaient démontré que un emploi sur cinq seulement avait été engendré par l'aide ;

S'agissant du tri des entreprises et notamment de celles justifiant une aide publique, un ratio - masse salariale sur valeur ajoutée - a été défini qui pourrait servir d'instrument économique pour évaluer une aide de l'État ;

- Concernant l'aide pérenne, le Rapporteur a indiqué que le débat auquel elle donnait lieu, se télescopait avec la réforme des cotisations sociales qui devrait intervenir en l'an 2000, celle-ci se télescopant également avec la réduction du travail. Il a rappelé que, même si personnellement il n'adhérait pas aux conclusions de l'étude qui recommandait sa suppression, il considérait que l'aide pérenne pourrait aller aux entreprises en ayant le plus besoin ;

- Enfin, s'agissant de l'assiette des prélèvements obligatoires, le Rapporteur a estimé qu'à son avis, la meilleure solution résidait dans un changement d'assiette et que celle-ci devait intégrer la prise en compte de la valeur ajoutée.

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À l'issue de ce débat, l'Office a émis un avis favorable à la publication du rapport de M. Gérard Bapt et de son annexe, qui seront, en conséquence, transmis à l'auteur de la saisine.

LES AIDES PUBLIQUES AUX ENTREPRISES
EN MATIÈRE D'EMPLOI : BILAN ET PERSPECTIVES

Dans un pays où le chômage frappe près de trois millions de personnes, soit 11,5 % de la population active, l'évaluation du rôle des flux financiers entre les collectivités publiques et les entreprises en matière d'emploi constitue un enjeu majeur.

Le présent rapport retrace les travaux menés par l'Office parlementaire d'évaluation des politiques publiques à la demande de la Commission des Finances de l'Assemblée nationale. Il comporte l'analyse que le Rapporteur de l'office a fait d'une étude commandée au METIS (Mutation Espace Travail Industrie et services Stratégies), unité de recherche associée au CNRS, en collaboration avec le LEST (Laboratoire d'économie et de sociologie du travail d'Aix-en-Provence), unité propre au CNRS.

Dans une première partie, cette étude dresse une typologie de l'ensemble des politiques de l'emploi, qu'il s'agisse de mesures générales ou de mesures ciblées, au regard de leur efficacité quant au double objectif, d'une part, de maintenir l'emploi et, d'autre part, de développer l'emploi, que ce soit par secteur (selon que l'exposition à la concurrence est plus ou moins grande) ou par catégorie de main-d'oeuvre (plus ou moins fragile).

Dans la seconde partie de l'étude, après avoir dressé un bilan, selon lui mitigé, des politiques tendant à alléger le coût du travail non qualifié, le METIS explore les pistes d'une réforme des prélèvements sociaux tendant à la prise en compte de la valeur ajoutée, avant de se pencher sur le dispositif de réduction du temps de travail.

Les propositions formulées par le METIS et le LEST ne sont pas nécessairement consensuelles. Elles ont pour autant le mérite d'ouvrir le débat et de doter les partenaires sociaux et les décideurs politiques d'un outil leur permettant de nourrir leur réflexion.

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