CHAPITRE 4 - SYNTHÈSE DE L'ÉTAT DES LIEUX

L'objet de ce rapport était de fournir un état des lieux des flux financiers en matière d'emploi et de l'évaluation de leur rôle.

La première partie de ce rapport répertoriait les dispositifs selon leur caractère général ou ciblé, et selon la présence d'une contractualisation ou non entre les entreprises et les pouvoirs publics. Les objectifs poursuivis par les mesures successivement mises en place depuis le milieu des années soixante-dix ont longtemps hésité à trouver leur cohérence. Ils ont oscillé entre la gestion sociale du chômage, les politiques spécifiques visant à modifier l'ordre de la file d'attente des chômeurs et les mesures d'ordre général, destinées à rendre la croissance plus riche en emplois.

Après avoir classé les mesures par objectifs poursuivis, l'objet de ce chapitre conclusif sera de fournir une synthèse des évaluations classant les mesures en fonction des mécanismes économiques enclenchés par chaque dispositif.

Les mécanismes économiques à l'oeuvre dans le cadre des mesures financées par les flux en matière d'emploi mettent essentiellement en jeu quatre grands types de mesure :

- la réduction du coût du travail, que celle-ci soit générale ou ciblée,

- la formation, qu'il s'agisse de la formation continue des salariés en place ou des mesures ciblées en direction de publics spécifiques,

- les préretraites, à condition qu'elles s'accompagnent d'un recrutement au moins équivalent de jeunes,

- la réduction de la durée du travail, à temps complet ou à temps partiel.

L'efficacité de chaque dispositif se mesure en référence au nombre d'emplois créés, mais aussi au regard des objectifs qualitatifs d'amélioration de la qualification des travailleurs et des emplois proposés par les entreprises.

Précautions nécessaires à la lecture des évaluations

Les évaluations des effets des flux financiers en matière d'emploi rencontrent trois types de limites qu'il faut souligner avant d'exposer les résultats.

En premier lieu, le nombre de bénéficiaires des flux en matière d'emploi ne correspond pas à la création nette d'emploi, c'est-à-dire celle résultant du solde entre les créations et les destructions d'emploi (licenciements, fins de CDD, etc) sur une période donnée. Ce solde doit ensuite être manié avec précaution car une évaluation rigoureuse des effets sur l'emploi d'une mesure doit isoler les effets pervers engendré s par certaines dépenses tels que les effets d'aubaine ou les effets de substitution mentionnés dans le précédent chapitre.

Si ces effets se produisent, la dépense pour l'emploi perd de son efficacité : en son absence, les emplois se seraient tout de même créés (il s'agit dans ce cas d'un effet d'aubaine) même s'ils s'étaient orientés vers d'autres publics (il s'agit alors d'un effet de substitution). Enfin, à supposer que l'on puisse mesurer la création nette d'emplois, un emploi créé ne signifie pas un chômeur évité. Toute création d'emploi exerce un effet d'appel sur la population inactive. La flexion des taux d'activité indique alors la sensibilité de la variation de la population active à la création d'emploi.

Les évaluations traitées dans ce rapport se sont essentiellement attachées à mettre en évidence le nombre de bénéficiaires ainsi que, le plus souvent dans les simulations macro-économiques, le nombre brut d'emplois créés sans pouvoir prendre en compte rigoureusement l'ensemble des facteurs agissant sur la création nette d'emplois.

1. Les flux financiers consacrés à l'emploi, objectifs, instruments : récapitulatif

Les flux financiers consacrés à l'emploi se sont accrus avec le développement du chômage depuis deux décennies et demie. En se limitant aux chiffres de la DPE, la part de la DPE est passée de 1 % en 1974 à 2 % en 1978, 3 % en 1982 pour se situer autour de 4 % du PIB depuis le début de la décennie 1990. Le nombre de bénéficiaires de la DPE représente désormais 10,86 % de la population active.

1.1. Des objectifs incertains : Activation des dépenses, discrimination positive, contenu en emploi de la croissance

Un précédent rapport sur les subventions à l'emploi écrivait : "Force est de constater que le cas français est très complexe, quant à la place accordée aux subventions à l'embauche dans la politique de l'emploi. On relève, en premier lieu, le foisonnement des dispositifs, leur abandon partiel au profit de nouvelles mesures similaires, la superposition de mesures elles-mêmes apparemment proches, etc. Bref, la cohérence de ces mesures n'est, a-priori, pas évidente..." (Gautié et al., 1994).

Partant de ce constat, l'effort de classification a été le souci constant de ce rapport. Ainsi, malgré le caractère désordonné de la politique de l'emploi française, quelques points de repères peuvent être donnés.

Dans un premier temps, une part importante des flux financiers a été consacrée à la gestion sociale du chômage, à l'aide notamment des préretraites. Celles-ci ont néanmoins coexisté avec des mesures ciblées en direction des jeunes, qu'il s'agisse de formation ou d'emplois aidés. Si les mesures ciblées en faveur des jeunes se sont développées entre 1977 et 1981, c'est à partir de 1985 que l'approche des pouvoirs publics s'est résolument orientée vers une activation des dépenses pour l'emploi. Les objectifs poursuivis ont alors oscillé entre deux ensembles de mesures : les mesures d'ordre général et les mesures ciblées.

Les premières visent à améliorer le contenu en emploi de la croissance et/ou la qualification globale de la main d'oeuvre et de l'emploi. Les secondes visent à mettre en oeuvre un principe de discrimination positive en direction des travailleurs les moins employables (chômeurs de longue durée et jeunes principalement). En 1993, les mesures ciblées représentaient 34,8 milliards de francs contre 7,1 milliards pour les mesures non-ciblées. Si elles ont poursuivi leur croissance en valeur absolue, la part relative des dépenses ciblées s'est progressivement réduite au profit des mesures d'ordre général qui représentaient 54,5 milliards de francs (loi Robien incluse) en 1997 contre 50,9 milliards pour les mesures ciblées.

1.2. Les instruments : baisse du coût du travail, formation, préretraites, réduction du temps de travail

Les mécanismes économiques enclenchés par chaque type de mesure ont retenu particulièrement l'attention de ce rapport.

Dans le cadre de l'activation des dépenses pour l'emploi, les mécanismes recherchés relèvent essentiellement de la réduction du coût du travail. Cette réduction passe par des mesures d'ordre général, concernant les bas salaires, ou s'effectue dans le cadre de mesures ciblées en direction des catégories fragilisées.

La formation est un autre volet de la politique de l'emploi. Lorsqu'elle entre dans le cadre des mesures d'ordre général, elle consiste à promouvoir une stratégie industrielle de performance globale (Gandois, 1992) cherchant à placer les industries françaises sur un créneau de compétitivité hors-coût. Lorsqu'elle entre dans le cadre des mesures ciblées, elle vise à accroître le capital humain des travailleurs faiblement employables dans le but de les mettre en état de concurrencer des travailleurs mieux formés.

Les retraits anticipés d'activité ont longtemps été un instrument privilégié de la "politique passive" de l'emploi. Ils ont également une vocation "active" s'ils ont pour contrepartie l'embauche de travailleurs plus jeunes afin de rajeunir la structure de l'emploi, renouveler les qualifications des entreprises et réduire la masse salariale.

Enfin, la période récente a été marquée par la mise en chantier de la réduction du temps de travail dans le cadre des mesures d'ordre général. Ce chantier met en présence deux modalités : le temps partiel et la réduction de la durée collective du travail.

Dans le premier cas, l'objectif d'aménagement du temps de travail et de minimisation des coûts de la main d'oeuvre en fonction des fluctuations de l'activité des entreprises constituent les but recherchés par les entreprises. Le temps partiel est alors assimilable à un aménagement-réduction du temps de travail sans compensation salariale.

Dans le deuxième cas, l'objectif est déclencher une dynamique de créations d'emplois à temps plein sur une base hebdomadaire réduite avec compensation salariale totale ou partielle. Les hypothèses théoriques explorent alors l'idée que des accords "donnant-donnant" signés dans les entreprises (instaurant la réduction du temps de travail avec compensation en contrepartie d'un aménagement du temps de travail) constituent une hypothèse favorable à l'emploi, notamment si les pouvoirs publics financent le passage au 35 heures. C'est pourquoi cette mesure d'ordre général s'est construite dans le cadre d'une contractualisation entre les pouvoirs publics et les entreprises, cadre qui peut être amené à se développer pour créer les liens nécessaires du dialogue entre les acteurs de l'emploi.

La synthèse de l'évaluation de l'efficacité de chacun de ces instruments est présentée dans la section qui suit.

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