ANNEXE I
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COMPTES RENDUS DES AUDITIONS
DU GROUPE DE TRAVAIL SUR LES LOIS DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE82( * )

Mercredi 17 février 1999

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Audition de M. Gilles Brucker, vice-président (depuis 1998),
et de M. Etienne Caniard, membre du Haut comité de la santé publique
(1991-1998)

M. Gilles Brucker a précisé que le Haut comité de la santé publique (HCSP) avait été presque entièrement renouvelé fin décembre 1998. La plupart des membres du comité précédent, ayant effectué deux mandats de trois ans, ne pouvaient être reconduits.

Il a rappelé que le Haut comité était chargé d'apporter au ministre chargé de la santé des éléments d'aide à la décision sur les problèmes de santé publique ou d'organisation des soins. Il a considéré que cette mission impliquait que le Haut comité prenne en compte non seulement l'épidémiologie, mais également la sociologie et l'économie.

Interrogé sur l'évolution du rôle du Haut comité dans le cadre des ordonnances de 1996 (établissement d'un rapport destiné à la Conférence nationale de santé et au Parlement) et sur le bien-fondé, dans ces conditions, d'une présidence de ce comité par le ministre chargé de la santé, M. Gilles Brucker a considéré que le Haut comité ne devait pas être enfermé dans une logique politique, qu'il bénéficiait d'une autonomie quant au choix des thèmes -le Haut comité peut en effet s'autosaisir- et à la façon de les traiter. Il a estimé que le Haut comité élaborait ses conclusions en toute indépendance et qu'il devait pouvoir s'exprimer si les décisions du ministre n'étaient pas conformes aux recommandations formulées.

M. Etienne Caniard a précisé que le Haut comité avait effectué un bilan de ses sept premières années de fonctionnement et s'était notamment posé deux questions : celle précisément de la présidence du ministre mais également celle du rôle du directeur général de la santé qui fait fonction de secrétaire général du Haut comité.

Sur le premier point, le Haut comité a considéré que le problème n'était pas celui de la tutelle du ministre. Au contraire, le Haut Comité aurait parfois gagné à une présence plus réelle des ministres.

S'agissant des six membres de droit 83( * ) , leur présence apparaît plutôt bénéfique car elle garantit une réflexion pragmatique au sein du Haut comité et assure un lien entre ces réflexions et leur mise en oeuvre rapide. Il est donc utile que ces membres de droit soient présents plutôt que représentés. A cet égard, M. Etienne Caniard a regretté la faible implication du représentant de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS).

Pour ce qui est du directeur général de la santé, M. Etienne Caniard a souligné que sa fonction de secrétaire général pouvait poser un problème d'indépendance en termes de moyens et entraîner un risque d'" instrumentalisation " du Haut comité par la Direction générale de la santé. Il a toutefois précisé que cette situation ne s'était pas rencontrée.

Abordant l'articulation des travaux du Haut comité avec ceux de la Conférence nationale de santé, M. Gilles Brucker a rappelé qu'elle se traduisait formellement par la remise du rapport annuel du Haut comité à la Conférence nationale. Il a souligné que la composition des deux organismes était très différente, le Haut comité réunissant des experts, la Conférence nationale rassemblant des représentants des professionnels, institutions et établissements de santé ainsi que des représentants des conférences régionales. Il a estimé qu'une bonne articulation des travaux des deux organismes impliquerait que ceux du Haut comité interviennent très en amont de la Conférence nationale, cette dernière devant être le lieu où les professionnels de santé " s'approprient " les propositions des experts.

Dans la réalité, le rapport du Haut comité n'intervenant que quelques semaines avant la réunion de la Conférence nationale, le risque de " doublonnage " est important et partiellement conjuré par un partage de fait des sujets " dans l'air du temps " entre le Haut comité et les groupes de travail de la Conférence nationale.

S'agissant des liens entre les travaux du Haut comité et ceux du Parlement dans le cadre notamment de l'examen des lois de financement de la sécurité sociale, M. Gilles Brucker a souligné que des rencontres de travail périodiques avec les parlementaires étaient une demande forte du Haut comité.

Il s'est interrogé sur le lien entre le vote d'une enveloppe de dépenses et la prise en compte de priorités de santé publique. Il a estimé que la réponse était difficile à cette question récurrente. De même a-t-il considéré que le " préambule " de la loi de financement 84( * ) et son dispositif apparaissaient bien déconnectés.

M. Gilles Brucker a souligné que le Haut comité était un outil au service de ceux qui ont en charge la définition d'une politique de santé. Il a observé que seul le Parlement -relais de l'expression des citoyens- était à même de se prononcer sur les " enjeux vastes et complexes " d'une telle politique.

Se référant aux lois d'orientation ou de programme qui permettent de dépasser l'annualité budgétaire, M. Etienne Caniard a estimé que l'adoption, à échéance régulière, par le Parlement de " loi d'orientation sanitaire " pouvait être une réponse aux insuffisances dans ce domaine des lois de financement de la sécurité sociale. Il a observé que le Haut comité, en 1994, soit avant la réforme de 1996, avait demandé que soit étudiée cette possibilité.

M. Claude Huriet, membre du Haut comité de 1991 à 1998, a rappelé que la création du Haut comité avait eu pour objectif, en regroupant un certain nombre de comités spécifiques, d'appréhender la santé publique comme un tout. La composition du Haut comité lui a semblé satisfaisante ; seule l'absence d'un vétérinaire était regrettable.

Il a estimé en revanche que l'évolution des tendances dans le domaine de la santé publique n'était pas telle qu'elle justifiait un rapport annuel du Haut comité. S'interrogeant sur le rôle et l'efficacité du Haut comité, il a constaté que ni le Gouvernement, ni le Parlement -dont le rôle se limite à cautionner une enveloppe de dépenses limitative- n'utilisait les travaux du Haut comité ; il a souligné toutefois l'exception notable qu'ont constituée les propositions du Haut comité sur la médecine pénitentiaire. Il a considéré que les moyens propres du ministère de la santé étaient sans lien avec les questions soulevées par le Haut comité dans le domaine de l'alcoolisme, du tabagisme ou du cancer.

M. Claude Huriet a estimé enfin que l'intervention de la Conférence nationale de santé -et plus encore des conférences régionales- avait eu plutôt pour effet de " brouiller le schéma ".

Audition de M. Jean-Marie Spaeth,
président de la Caisse nationale d'assurance maladie
des travailleurs salariés

M. Jean-Marie Spaeth a estimé que notre système de sécurité sociale était marqué par trois grandes dates : 1945-46, 1967, 1995-96.

Considérant que " 1995, c'était hier ", il a souligné que l'adaptation des différents acteurs de la protection sociale (Gouvernement, Parlement, caisses, professionnels et assurés) à cet acte fondamental qu'était la fixation par le Parlement de l'enveloppe des dépenses de santé serait nécessairement progressive.

Il a considéré qu'à partir du moment où les parlementaires fixaient un objectif de dépenses, il leur appartenait de définir le contenu de cette enveloppe et de s'interroger sur ce qui devait se passer en cas de dépassement de cet objectif. Il s'est inquiété à ce propos des dépassements de l'ONDAM constatés en 1998 et de leurs conséquences prévisibles sur l'exercice 1999.

M. Jean-Marie Spaeth a souligné que les lois de financement constituaient un progrès considérable même si l'objectif de dépenses qu'elles comportent a été initialement construit sur un état de fait : les dépenses constatées en 1996.

Il a constaté que les débats parlementaires s'enrichissaient d'année en année, et qu'un contenu -certes très insuffisant- était donné à l'ONDAM.

Il a toutefois considéré que la détermination par les lois de financement d'un objectif de dépenses, sans que soit arrêtée la définition du " panier de biens et de services pris en charge " revenait " à mettre la charrue avant les boeufs ".

La définition d'un tel " panier ", qui doit impliquer le régime de base et la couverture complémentaire, en raison d'un désengagement de la sécurité sociale, lui paraissait inéluctable à l'avenir. Ce " panier de biens et de services " doit pouvoir évoluer en fonction des besoins de la société concernant, par exemple, le traitement de la douleur ou le vieillissement de la population. M. Jean-Marie Spaeth a estimé que la fixation de ce panier, qui doit définir ce que la collectivité estime nécessaire de couvrir pour l'ensemble de la population, ne pouvait revenir, en dernier ressort, qu'à la représentation nationale.

S'agissant de la responsabilité économique des professions de santé, il a observé que l'agrégation de pratiques individuelles de qualité pouvait suffire à garantir la qualité de l'ensemble du système de soins, d'où la nécessité de réfléchir aux réseaux de soins et à des modes de paiement innovants, différents du paiement à l'acte et qui favoriseraient une meilleure organisation des professionnels. Il a, à cet égard, constaté que le Conseil constitutionnel, dans sa décision sur la loi de financement pour 1999, reconnaissait la responsabilité économique des professionnels mais exigeait qu'elle soit mise en oeuvre auprès de chaque professionnel selon des critères " objectifs et rationnels ".

M. Jean-Marie Spaeth, abordant la question de la responsabilité des différents partenaires, a appelé à une " bonne répartition des rôles " ; il a estimé que la restructuration de l'offre de soins relevait plutôt de la CNAM, car cette dernière " peut faire des choses que le politique ne peut pas faire ". Il a déploré l'absence de politique lisible concernant le médicament, il a souligné la nécessité d'accepter la sélectivité (lieu d'implantation, préretraites, numerus clausus) et estimé que l'utilisation des lettres clefs flottantes agissait sur le revenu des médecins, mais n'avait aucune influence sur l'organisation du système de soins.

Répondant aux questions des membres du groupe de travail, M. Jean-Marie Spaeth a estimé que les travaux de la Conférence nationale de santé et des conférences régionales étaient intéressants mais qu'il était difficile de définir des priorités de santé publique sans avoir défini le " minimum ", un " socle " ; il lui a semblé que la fixation annuelle de l'ONDAM était nécessaire mais pas suffisante car cet objectif devait être mis en perspective avec une politique sanitaire qui s'inscrit nécessairement dans un cadre pluriannuel.

M. Jean-Marie Spaeth a, par ailleurs, considéré qu'il ne serait pas opportun que le Parlement vote un ONDAM par secteur et qu'il était préférable que cette répartition fasse l'objet d'une délégation au gestionnaire de l'assurance maladie ; il a estimé au demeurant qu'il était souhaitable d'aboutir à une fongibilité des enveloppes, notamment à partir d'un coût par pathologie.

Audition de M. François de Paillerets,
président de la conférence nationale de santé, de M. Mathieu Méreau, membre du bureau de la conférence nationale, collège des régions et de M. Jacques Vleminckx, collège des professions libérales

M. François de Paillerets a observé que le transfert vers le Parlement des décisions financières dans le domaine de la sécurité sociale avait été " bien reçu par tout le monde " et avait favorisé une prise de conscience des problèmes de santé, tant d'un point de vue médical qu'économique, et contribué à combler le " déficit de culture de santé publique " qui marque notre pays.

Il a toutefois constaté qu'une approche réaliste des trois derniers exercices obligeait à la modestie. Même s'il était difficile de faire mieux, on ne peut être satisfait de projets de loi de financement de la sécurité sociale fondés sur une photographie des dépenses remboursées, ces dépenses, liées à l'offre de soins, étant actualisées d'une marge calculée de façon arbitraire, alors qu'il conviendrait de partir des besoins de santé.

M. Mathieu Méreau a souligné que le principe d'une enveloppe de dépenses plafonnée à répartir pouvait être dangereux s'il n'était pas mis en oeuvre de façon réaliste.

Il a constaté que les lois de financement de la sécurité sociale comportaient, en parallèle, l'affirmation de priorités et l'existence de moyens financiers mais que les liaisons étaient absentes entre ces deux éléments. Citant l'exemple d'une surmortalité due aux cancers broncho-pulmonaires diagnostiquée dans la région Nord-Pas de Calais, il a estimé que la répartition de l'ONDAM devait prendre en compte de tels enjeux de santé publique.

M. Jacques Vleminckx a rappelé que la Conférence nationale de santé était une " force de proposition ", et non une instance de décision. Il a indiqué que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 avait pris en compte, dans son rapport annexé, un grand nombre d'orientations de la Conférence nationale de santé, contrairement à la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, qui contient, en revanche, des dispositions de santé publique dans le corps même du texte de loi, ce qui constitue une première. Il a noté que les grandes orientations dégagées par la Conférence depuis 1996 " faisaient leur chemin " au sein de la direction générale de la santé. Il a observé que la tenue des Etats généraux de la santé perturbait en 1999 l'organisation des travaux de la Conférence nationale de santé.

M. François de Paillerets a rappelé que la convocation de la Conférence nationale de santé était de la compétence du ministre de la santé, et qu'aucune date n'avait été encore arrêtée. Le souhait des membres est de tenir cette réunion à la mi-mai (23-25 juin en 1998), la date idéale se situant début mars, afin de pouvoir influer de manière significative sur le processus décisionnel.

Il a indiqué que les travaux de la Conférence ne se limitaient pas à sa réunion annuelle qui dure trois jours. Dès la fin d'une conférence, les thèmes de la prochaine sont envisagés à travers différents groupes de travail. Ainsi le groupe " inégalités de santé inter et intra régionales ", constitué il y a trois ans, s'est remis au travail dès décembre 1998.

M. François de Paillerets a souligné que la Conférence nationale de santé " n'inventait rien " ; ses travaux étaient toujours consécutifs à des travaux conduits en amont, principalement ceux du Haut comité de la santé publique, mais également ceux de la Direction générale de la santé et de l'INSERM. La Conférence nationale de santé est " un filtre entre la fonction d'expertise et la fonction de décision ". Si la Conférence " n'invente rien ", elle contribue à " accélérer les projets pertinents " en se les appropriant.

M. François de Paillerets a toutefois reconnu qu'un manque de lisibilité et de communication existait entre les travaux du Haut comité et ceux de la Conférence du fait essentiellement de simultanéité des effets d'annonce auxquels donnent lieu la remise très rapprochée dans le temps des deux rapports.

M. Mathieu Méreau a rappelé que la composition de la Conférence nationale de santé était très différente de celle du Haut comité et que la Conférence était un lieu de " confrontation ", dans le bon sens du mot, entre acteurs libéraux, représentants des établissements, représentants des régions et personnes qualifiées.

Il a souligné que la tenue de conférences tous les ans représentait un rythme de travail très soutenu et impliquait des moyens logistiques importants. Il a estimé nécessaire que le secrétariat de la Conférence, assuré par la Direction générale de la santé, soit renforcé.

M. François de Paillerets a indiqué que les travaux de la Conférence nationale de santé, en 1998, s'étaient inscrits dans la continuité des années précédentes. Il a ainsi observé que les trois thèmes étudiés en 1998 figuraient parmi les dix priorités retenues par la première Conférence nationale de santé (1996). L'examen de ces priorités sera ainsi achevé en 1999, chaque conférence annuelle s'étant appropriée trois thèmes.

Abordant le chiffrage des propositions, M. François de Paillerets a indiqué que la Conférence n'était pas compétente pour l'effectuer elle-même mais souhaitait qu'une instance externe puisse s'en charger.

Concluant son propos, M. François de Paillerets a estimé qu'un jour se poserait la question de la définition d'un " panier de soins remboursés ". Il a considéré que si la Conférence présentait la composition qu'il fallait pour établir une " hiérarchie des éléments du panier " et déterminer les critères de décision, la décision elle-même ne devait pas lui revenir.

Jeudi 4 mars 1999

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Audition de M. Jean-François Chadelat,
Inspecteur général des affaires sociales

M. Jean-François Chadelat, chargé d'une mission d'appui en 1998 auprès du secrétaire général de la commission des comptes de la sécurité sociale, a expliqué que la sortie du dernier rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 1998 s'était déroulée dans des conditions particulièrement difficiles, en raison du retard mis à connaître avec précision les recettes des différentes branches.

Il a rappelé que le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale de printemps 1998 faisait déjà apparaître une sous-estimation inexpliquée des cotisations de la Caisse nationale d'assurance vieillesse. En tant qu'administrateur de la CNAM, M. Jean-François Chadelat a approuvé les comptes 1997 de cet organisme lors du conseil d'administration du 25 juin 1998 ; or, la ventilation des cotisations n'était pas alors stabilisée. De nouveaux chiffres ont été notifiés par l'ACOSS fin juillet 1998.

Le montant global des cotisations encaissées ne pose pas de problème : le taux de recouvrement des URSSAF est excellent. En revanche, l'affectation des recettes entre les différents organismes, que doit réaliser l'ACOSS, est déficiente.

Avant le 1 er janvier 1998, l'ACOSS utilisait une méthode qualifiée de " statistico-comptable " ; un ajustement était réalisé en fin d'année.

Depuis le 1 er janvier 1998, le système RACINE, permet de ventiler à la source au niveau des URSSAF les différents encaissements, en partant des bordereaux récapitulatifs de cotisations. La mise en oeuvre de ce projet -dont les principes sont tout à fait excellents- n'a pas été très satisfaisante en 1998. La montée en puissance du système RACINE a été longue à se dessiner. La responsabilité de l'ACOSS est ainsi en première ligne. Les contrôles opérés sont délicats, comme l'a souligné, dans son rapport de mai 1998, la mission conjointe de l'Inspection Générale des Affaires Sociales et de l'Inspection Générale des Finances.

La polémique autour des chiffres des dépenses d'assurance maladie est -en comparaison- tout à fait disproportionnée. La CNAM a toujours produit ses statistiques dans une optique comptable. La loi de financement et la définition de l'ONDAM ont obligé la CNAM à fournir des chiffres en fonction des prescripteurs, ce qui a doublé la charge de travail. Le taux d'erreur (prescripteurs non identifiés) tend à diminuer. La vraie question est désormais celle des recettes. Pour reprendre l'exemple de la CNAM, celle-ci est capable de fournir des statistiques de dépenses avec 45 jours de décalage. L'ACOSS devrait diffuser des données stabilisées sur les recettes selon les mêmes délais. L'objectif devrait être de disposer des chiffres complets le 31 mars de l'année suivante et qu'aucun chiffre ne soit modifié à partir de cette date.

A la décharge de l'ACOSS, la complexité et l'empilement des mesures décidées par le législateur et le pouvoir réglementaire jouent également un rôle. L'exercice de compensations liées au transfert de cotisations d'assurance maladie sur la contribution sociale généralisée (CSG) a compliqué le système. La répartition suppose non seulement que l'on sache précisément le montant de ce qui a été encaissé au titre de la CSG déductible, ce qui est relativement simple, mais aussi des cotisations qui " auraient été versées en l'absence de réforme ", ce qui est beaucoup plus complexe. Des arrêtés répartissent en bout de course les affectations de recettes (CSG et droits alcools, C3S) en fonction des dépenses des régimes.

Citant également l'exemple des exonérations de cotisations, M. Jean-François Chadelat a considéré que la démarche de simplification était tout à fait essentielle.

M. Jean-François Chadelat a estimé que les moyens de la Direction de la Sécurité sociale n'étaient pas suffisants. Evoquant son arrivée à la Direction en 1971, il a indiqué qu'elle disposait à l'époque de 350 agents, alors qu'elle n'en dispose plus que de 250 aujourd'hui. Presqu'aucune conséquence n'a été tirée de la création des lois de financement de la sécurité sociale, alors que le dépôt du projet de loi et de ses annexes au 15 octobre est une obligation constitutionnelle.

Il a regretté que l'ensemble des subventions de l'Etat aux régimes sociaux ne fasse pas l'objet d'un vote isolé et spécifique du Parlement. Evoquant le système mis en place pour le retour à l'universalité des allocations familiales (prise en charge par l'Etat de l'allocation parent isolé), il a indiqué que ce système lui apparaissait un bon exemple de ce qu'il fallait faire, au lieu d'inventer un nouveau mécanisme complexe de reversement de " ce qui aurait été économisé si les allocations familiales étaient restées sous condition de ressources ".

M. Jean-François Chadelat a estimé que les lois de financement resteraient " l'élément le plus important du plan Juppé " . Le Gouvernement s'est mis dans " l'obligation de faire " : avant les lois de financement, il existait des plans de financement de la sécurité sociale, qui étaient numérotés consciencieusement ; depuis la réforme de 1996, il existe de fait un plan de financement tous les ans. Il a jugé que la présentation des comptes par la commission des comptes de la sécurité sociale entre le 20 et le 25 septembre, suivie de la présentation du projet de loi de financement en conseil des ministres le premier mercredi d'octobre, " étaient tout à fait pédagogiques ".

Audition de M. Jean Marmot, ancien secrétaire général de la commission des comptes de la sécurité sociale

Après avoir précisé qu'il s'exprimait à titre personnel, et non en tant que magistrat de la Cour des comptes, M. Jean Marmot a souhaité formuler trois observations liminaires.

Première observation : ce que l'on appelle " Sécurité sociale " en France n'est jamais qu'un regroupement artificiel -parce que lié aux circonstances historiques de la libération- des branches maladie, accidents du travail, famille et vieillesse. Dans les autres pays occidentaux, on y inclut également l'assurance chômage et la dépendance. Les lois de financement de la sécurité sociale continuent à s'inscrire dans la conception française traditionnelle.

Ces risques ont un " rythme de vie " distinct : conjoncturel pour l'assurance maladie, tandis que la branche vieillesse construit son équilibre sur un demi siècle. Les modes de financement sont également différents. Le financement partiel par un impôt proportionnel (la CSG) concerne désormais les branches famille, maladie et vieillesse (via le FSV). En revanche, les risques accidents du travail et chômage sont légitimement financés par des prélèvements sur la masse salariale.

M. Jean Marmot s'est déclaré, en conséquence, " partisan déterminé de la séparation des risques " . Il a expliqué qu'il était absolument nécessaire de " bétonner la séparation des financements et des problèmes de trésorerie " . La loi du 25 juillet 1994, qui affirme le principe de la séparation des branches, est malheureusement restée au stade des intentions.

Deuxième observation : les lois de financement ont le redoutable inconvénient de centrer les débats sur l'annualité, alors qu'un cadre pluriannuel est nécessaire.

Troisième observation : la Sécurité sociale a besoin d'outils de gestion modernes. La réforme de la tenue de sa comptabilité en droits constatés doit être poursuivie à travers la mission confiée à M. Alain Déniel 85( * ) . L'étape suivante, après l'édiction de normes comptables claires, est la certification des comptes. Les comités départementaux d'examen des comptes des organismes de sécurité sociale (CODEC) ne remplissent pas une telle fonction auprès des caisses locales. La Cour des comptes ne certifie pas les comptes consolidés établis par les organismes nationaux. La certification apparaît désormais nécessaire, parce que les comptes sont opposables, et ont un effet sur le revenu des professions médicales.

La commission des comptes de la sécurité sociale n'est pas saisie des comptes établis par les comptables des caisses, mais des comptes " retravaillés " par la Direction de la Sécurité sociale. La commission des comptes devrait " franchir une nouvelle étape " en devenant l'outil de préparation de la décision gouvernementale.

Les lois de financement ont une immense vertu : elles remettent le Parlement au centre des véritables choix démocratiques. Certes, elles sont perfectibles, mais une remise en cause de la loi organique les régissant serait actuellement prématurée ; il serait préférable d'attendre d'avoir l'expérience d'une dizaine d'années avant de l'envisager.

Concernant le rapport de la Cour des comptes, M. Jean Marmot a estimé qu'il serait souhaitable qu'il se centre sur l'application de la loi de financement comme le prévoit la loi organique, quitte à être " austère " et relativement bref. Le Parlement pourrait opportunément contribuer à orienter la programmation des autres travaux de la Cour relatifs à la sécurité sociale et à l'organisation sanitaire et sociale .

M. Jean Marmot a estimé que les dépenses de santé continueraient d'augmenter à l'avenir mais que les moyens de financement collectifs pouvant leur être affectés étaient nécessairement contraints. Il est donc important de distinguer " l'assurance maladie " de la " santé ", en définissant, parmi les dépenses de santé, celles éligibles en tout ou partie au remboursement collectif.

M. Jean Marmot a insisté sur l'importance, dans le cadre de la préparation de la loi de financement, d'un débat d'orientation qui pourrait intervenir au printemps, à l'issue du premier rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale. Ce débat d'orientation pourrait être centré chaque année sur un sujet particulier (assurance maladie, vieillesse, hospitalisation, accidents du travail, famille, etc.).

Interrogé sur la commission des comptes de la sécurité sociale, il a souligné qu'à la différence de la commission des comptes de la Nation, son secrétaire général, depuis la réforme intervenue en 1987, n'était plus un " récitant parlant au nom du Ministre " et qu'il convenait donc qu'il exprime son opinion personnelle en pleine indépendance.

Interrogé sur les mesures de simplification à mettre en oeuvre, M. Jean Marmot a cité l'exemple de la couverture maladie universelle, qui risque de compliquer le système, alors que le projet initial d'assurance maladie universelle visait à simplifier de manière radicale -au moins à terme- l'assurance maladie notamment en supprimant le lancinant problème des " compensations ". Il a évoqué la question du Fonds de solidarité vieillesse, organisme dont les missions étaient au départ tout à fait claires et qui est progressivement devenu un " brouillard " à la suite notamment de l'affectation des excédents de C3S.

Interrogé sur la situation de l'ACOSS, il a estimé que la ventilation des recettes entre les différentes branches n'y était pas actuellement réalisée de manière satisfaisante. Il a estimé qu'il était pourtant tout à fait possible qu'une banque unique (l'ACOSS) puisse gérer, de manière lisible, des comptes différents.

Mercredi 10 mars 1999

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Audition de M. Philippe Nasse, secrétaire général de la commission des comptes de la sécurité sociale

Invité à recenser les obstacles à une accélération de la remise des comptes sociaux, M. Philippe Nasse a tout d'abord rappelé que, si le plan comptable général date de 1947, aucun plan comptable unique n'existe actuellement dans les organismes de sécurité sociale. Il a fait observer que, théoriquement, depuis la mise en oeuvre du principe des droits constatés, il ne devrait plus y avoir d'obstacle à une remise rapide des comptes.

En effet, lorsque la comptabilité est effectuée selon le principe des encaissements/décaissements, il existe une période complémentaire durant laquelle le comptable rattache un certain nombre d'opérations à l'exercice de l'année civile précédente. Cette période complémentaire dure en principe jusqu'à fin mars, elle fait l'objet systématiquement de prolongation jusqu'à fin avril et en réalité " traîne " jusqu'au 20 ou 30 mai.

Lorsque la comptabilité est effectuée selon le principe des droits constatés, les comptables n'ont besoin que d'une période complémentaire " technique, qui sert d'inventaire " de l'ordre d'une quinzaine de jours. Dans la logique de comptes établis en droits constatés, il n'existe donc plus à proprement parler de période complémentaire.

M. Philippe Nasse a expliqué que la situation de 1998 avait été particulièrement difficile. L'ACOSS a expérimenté pour la première année son système RACINE, qui -comme tout système informatique- a connu des problèmes de mise en place. L'URSSAF de Paris a connu également une grande restructuration de ses systèmes d'information. En conséquence, les comptes 1997 de certaines branches n'ont été connus que très tardivement (approbation des comptes de la CNAF le 8 septembre 1998). La répartition des recettes selon les différentes branches a été effectuée de manière probablement imparfaite. En comparaison, l'ACOSS vient de fournir ses comptes 1998 le 8 mars 1999, soit deux mois plus tôt que l'année dernière.

Les solutions pour accélérer la sortie des comptes sont de deux ordres : " tenir ferme sur la logique des droits constatés sans période complémentaire " et étudier de près les problèmes légitimes qui se posent aux comptables pour le passage d'une comptabilité de caisse à une comptabilité en droits constatés. Ce sont ces problèmes que traite la mission interministérielle sur l'harmonisation des plans comptables, animée par M. Alain Déniel, mise en place à l'automne 1998. M. Philippe Nasse a précisé que cette mission était placée sous l'autorité d'un comité de pilotage qu'il présidait.

La question du provisionnement, et des reprises sur provisions, est ainsi une question difficile. Dans une entreprise privée, la direction générale fixe cette politique de provisionnement ; dans un organisme de sécurité sociale, le comptable seul est dans la situation de le faire, mais cela implique qu'il soit à même de faire notamment des hypothèses de non recouvrement. Il s'agit de l'un des thèmes abordés par la mission Déniel. Quatre groupes de travail ont été constitués. Les travaux de cette mission avancent. L'objectif d'aboutir à un plan comptable unique pour les organismes de sécurité sociale pour la fin de l'année 1999 semble pouvoir être atteint.

Un des autres sujets de la mission Déniel est l'ONDAM. Il n'est pas habituel pour des comptables de différencier les dépenses selon les catégories juridiques de prescripteurs. Mais, là aussi, M. Philippe Nasse a affirmé qu'il existait des solutions. L'ONDAM est bien mesuré à la CNAMTS et à la CANAM, alors que la MSA a encore " des efforts à faire ".

La situation est facilitée pour la branche famille, puisque la CNAF agrège l'ensemble des comptes ; en revanche, l'harmonisation des pratiques comptables se pose avec acuité pour la branche vieillesse, qui fait l'objet d'agrégats n'ayant actuellement guère de signification, puisque " les lignes sont différentes suivant les régimes " . M. Philippe Nasse a rappelé que la loi du 25 juillet 1994 a défini la notion de branche pour le seul régime général, alors que la loi organique du 22 juillet 1996 concerne l'ensemble des régimes.

La mission Déniel devrait pouvoir construire un dictionnaire, qui explicitera le contenu des comptes et qui définira la situation des restes à recouvrer. Ce plan comptable unique devra être approuvé par le Conseil national de la comptabilité et faire l'objet d'un " dispositif d'entretien " pour permettre son actualisation régulière. Il faudra également régler les problèmes d'adaptation des systèmes d'information et prévoir une formation adéquate des comptables.

M. Philippe Nasse a estimé que l'objectif devait être une approbation des comptes de l'année N au plus tard le 31 mars de l'année N + 1. Il a considéré toutefois qu'il ne serait pas bon que le législateur impose la réalisation de cet objectif dès le 31 mars 2000, car une telle échéance n'était pas réaliste.

Interrogé sur les moyens dont dispose le secrétaire général de la commission des comptes de la sécurité sociale, M. Philippe Nasse a expliqué qu'il disposait potentiellement, pour l'accomplissement de sa mission, de toutes les directions du ministère de l'Emploi et de la solidarité. La tâche de la Direction de la Sécurité sociale est naturellement beaucoup plus substantielle. Mais il s'agit d'une " direction de gestion " ; seul un bureau des comptes, à l'effectif de six cadres, travaille étroitement avec le secrétaire général lors des réunions de la commission des comptes.

M. Philippe Nasse a jugé que ces moyens étaient insuffisants, qu'ils avaient même plutôt diminué, et que la tenue de la commission des comptes de septembre 1998 avait été particulièrement " périlleuse " .

Evoquant la construction du budget général de l'Etat, il a rappelé que la Direction du Budget commençait à travailler sur le budget 2000 dès décembre 1998, que les comptes 1998 de l'Etat avaient été disponibles fin février 1999 de manière assez précise, et définitivement fin mars 1999. Pour les comptes de la sécurité sociale, ce travail de préparation est absolument impossible, en raison d'une sortie des comptes très tardive.

Interrogé sur le fait que les prévisions du rapport de la commission des comptes de septembre 1998 anticipaient des décisions déjà prises, M. Philippe Nasse a expliqué que les deux exemples cités (progression d'un ONDAM à 2,6 %, diminution du taux de cotisation de la branche accidents du travail) n'étaient pas à mettre sur le même plan.

En ce qui concerne la branche accidents du travail, des réunions paritaires avaient eu lieu, et la décision apparaissait inéluctable ; ne pas retenir l'" hypothèse technique " de la diminution du taux de cotisation aurait fait apparaître artificiellement des excédents importants.

En revanche, M. Philippe Nasse a rappelé qu'il avait lui-même formulé, dans le rapport de la commission des comptes 86( * ) , des observations au sujet de la progression retenue de l'ONDAM.

Rappelant ce qu'il considérait être les éléments d'un compte tendanciel (traduire le cadrage macro-économique des projets de loi de finances, extrapoler les " vitesses acquises " et prendre en compte les mesures déjà décidées), il a estimé que les prévisions de dépenses d'assurance maladie, calées sur une progression de l'ONDAM de 2,6 % en 1999 (telle que retenue par le projet de loi de financement) supposaient, en 1999, non seulement l'arrêt mais encore la résorption du dérapage de 1998 (+ 6 milliards de francs estimés en septembre 1998 qui sont devenus en réalité + 9 milliards de francs).

En quelque sorte, pour ce qui est des dépenses d'assurance maladie, le compte 1999 tendanciel, arrêté en septembre 1998, supposait acquis le succès de la politique annoncée par le Gouvernement.

M. Philippe Nasse a rappelé que les prévisions étaient effectuées par le Gouvernement, et non par le secrétaire général de la commission des comptes de la sécurité sociale, et qu'elles avaient forcément un contenu " politique " .

La prévision des recettes s'appuie sur le rapport économique et financier des projets de loi de finances ; ainsi, il n'y a pas de risque de contradiction entre lois de finances et lois de financement, ce qui est heureux.

Pour les dépenses, " aucun Gouvernement ne peut laisser ses services prévoir l'échec de sa politique " , ce qui est tout à fait normal. Les comptes présentés en septembre 1998 avaient ainsi trois statuts différents : les comptes 1997 étaient " observés " , les comptes 1998 constituaient " une vraie prévision " , les comptes 1999 étaient en fait " tendanciels " .

M. Philippe Nasse a rappelé que l'expression " comptes tendanciels " , qui n'est peut-être pas très heureuse, était celle retenue depuis de longues années par la commission des comptes de la sécurité sociale. La Direction de la Sécurité sociale et le secrétaire général de la commission des comptes n'ont disposé de toute façon que de très peu de temps pour discuter de la " vraisemblance " des hypothèses qui sous-tendent le compte tendanciel. En effet, les comptes 1997, qui servent de base à la construction des comptes 1998 et 1999, n'ont été connus que très tardivement : " pour discuter clairement des comptes, il faudrait du temps " .

Interrogé sur la présentation par le Gouvernement, le jour de la réunion de la commission des comptes, de l'avant projet de loi de financement, M. Philippe Nasse a estimé qu'effectivement, " on ne parlait plus des comptes " . Il a indiqué que la solution consistant à tenir deux réunions à quinze jours d'intervalle, lui paraissait illusoire. Il a considéré, en revanche, qu'à condition de disposer plus tôt des comptes, la réunion de printemps de la commission des comptes pourrait porter sur l'ensemble des régimes, et non exclusivement sur le régime général - " le régime général n'étant pas la loi de financement, même si c'est un gros morceau "- et serait le bon moment pour disposer d'une prévision réellement tendancielle. Lors de la réunion d'automne, la prévision serait reprise en intégrant les effets de la politique publique.

M. Philippe Nasse a souhaité aborder la question de la complication opérée par la compensation CSG/cotisations sociales. La première attribution de CSG compense les pertes de cotisations, puis la seconde modifie les comptes des organismes de sécurité sociale, en fonction du déficit de la CNAMTS, puis de la CANAM. Il a constaté qu'il manquait " un tableau de financement de la sécurité sociale " allant au-delà des 12 chiffres qui résument la loi de financement (7 prévisions de recettes, 4 objectifs de dépenses et l'ONDAM).

Audition de M. Xavier Prétot, inspecteur à l'Inspection générale de l'administration, professeur associé à l'université de Paris II

M. Xavier Prétot a souhaité formuler plusieurs observations liminaires.

Première observation : le contenu des lois de financement fait l'objet d'une dérive. Ces lois évoluent de plus en plus vers un contenu " mixte ", associant les dispositions obligatoires de la loi de financement et des dispositions de type " diverses mesures d'ordre social (DMOS) ". M. Xavier Prétot a observé, de fait, l'absence de tels projets de loi depuis trois ans. Il a considéré que cette évolution brouillait le sens des lois de financement. Prenant l'exemple de la loi de financement pour 1999, il a considéré que l'amélioration de la prise en charge des maladies professionnelles, avec la modification du point de départ de la prescription biennale, aurait mérité un débat plus approfondi par le Parlement. Il a considéré que le lien entre ces dispositions et les conditions de l'équilibre financier de la sécurité sociale était loin d'être évident. La multiplication de cavaliers sociaux lui a semblé ainsi tout à fait dommageable.

Deuxième observation : la cohérence de la loi n'est pas assurée. Le choix en 1996 d'inscrire dans la loi de financement des prévisions de recettes et des objectifs de dépenses, sans que ces données puissent être réellement confrontées, élude le problème du déficit et des moyens de le traiter. Certes, les objectifs de dépenses ont un contenu plus normatif que l'on aurait pu croire en 1996. Mais la loi organique pose un problème qu'il faudra sans doute revoir.

Troisième observation : les objectifs de dépenses n'ont de sens que s'ils sont liés à des orientations de politique sanitaire et sociale, qui sont censées être fixées par le rapport annexé au projet de loi. La décision récente du Conseil d'Etat relative au plafond de ressources applicable aux allocations familiales, précisant que le rapport n'a aucun contenu normatif, pose problème, puisqu'il faut rappeler que le rapport annexé à la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 avait prévu que le plafond de revenus serait de 25.000 francs, alors que le décret d'application a fixé ce plafond à environ 18.000 francs. Le rapport pourrait certes être inséré dans le corps même du projet de loi ; encore faudrait-il qu'il soit suffisamment précis pour que ses dispositions aient une valeur juridique. La jurisprudence du Conseil d'Etat sur les lois de programmation s'inscrit dans une perspective différente, puisque le Conseil d'Etat censure les contradictions flagrantes entre les mesures d'application et les orientations prises par le législateur.

Quatrième observation : les lois de finances et les lois de financement entretiennent une relation étroite, en raison notamment des interventions budgétaires de l'Etat. Pour l'instant, les problèmes ont été résolus " au coup par coup " , mais des contradictions flagrantes pourraient apparaître un jour. Il faut prendre conscience que des recettes et des dépenses identiques sont approuvées dans les deux lois. M. Xavier Prétot a fait observer que le Conseil constitutionnel, dans sa décision sur le projet de loi de finances pour 1999 (réduction de l'avantage résultant du quotient familial), a pris en compte, pour une appréciation d'ensemble de la politique familiale, le fait que les allocations familiales avaient été rétablies dans leur universalité par la loi de financement pour 1999. Il a rappelé qu'en 1996, la Direction du Budget avait souhaité être associée aux travaux d'élaboration du projet de loi de financement, mais que cette responsabilité a finalement été confiée à la Direction de la Sécurité sociale, dont les effectifs et les conditions de fonctionnement ne sont pas du tout comparables.

M. Xavier Prétot a considéré que le risque d'instrumentalisation du Parlement, conduisant à lui imputer des décisions qui vont au-delà des votes que la loi organique lui demande de formuler, était effectif. Les votes du Parlement sont, en effet, déclinés à la fois par des mesures réglementaires d'application et par des règles fixées par les conventions médicales, susceptibles, les unes et les autres, d'aller très au-delà des objectifs fixés en termes généraux par la loi.

Il a considéré que le problème de la gestion du risque se posait principalement pour la branche maladie. La gestion du risque maladie est assurée par les professionnels de santé et les organismes de sécurité sociale pour les dépenses de ville. Pour les dépenses d'hospitalisation, la gestion est assurée par les organismes de sécurité sociale, réunis en URCAM, et l'Etat, via les ARH. La répartition des enveloppes régionales ne peut se faire qu'au niveau national, même si la gestion quotidienne pourrait être assurée par des agences régionales de santé. Le système des enveloppes a pour conséquence des " dépenses grises " , résultant des transferts de dépenses entre l'hôpital et la médecine de ville, aujourd'hui encore mal connus.

M. Xavier Prétot a considéré que la situation n'apparaissait pas stabilisée quant aux responsabilités des différents acteurs (Gouvernement, Parlement, partenaires sociaux). Il lui a semblé révélateur que les plans de financement de l'assurance maladie portent le nom du Ministre, et non du président de la CNAM. L'universalisation et la fiscalisation posent la question de la légitimité des partenaires sociaux pour gérer l'assurance maladie. Une question identique se pose pour la branche famille. Néanmoins, la solution de l'étatisation n'est pas forcément la bonne. Comme le montre la réforme Juppé, qui s'est bornée à prévoir la présence de personnalités qualifiées au sein des conseils d'administration des caisses, il n'existe pas réellement de solution alternative au paritarisme.

La répartition des compétences entre Gouvernement, Parlement et partenaires sociaux reposait, entre 1967 et 1995, sur le schéma suivant : le Parlement fixait les règles de droit, le Gouvernement les appliquait et les partenaires sociaux géraient les risques. Ce système n'a jamais fonctionné : l'Etat a dû s'investir dans la gestion du risque. La " chaîne des responsabilités " voulue par Alain Juppé entre Gouvernement, Parlement et partenaires sociaux ne s'est pas davantage mise en place.

Il est curieux qu'un certain nombre d'impositions affectées à la sécurité sociale soient définies par la loi de finances. La fixation du taux des cotisations relève du pouvoir réglementaire ; le Parlement vote une prévision englobant l'ensemble des recettes affectées à la sécurité sociale, mais il n'autorise par leur perception, comme il autorise, dans le cadre de la loi de finances, celle des impositions de toutes natures.

M. Xavier Prétot a estimé que le Parlement devrait pouvoir fixer le taux des cotisations, à la différence du taux des prestations, qui doit rester de la compétence du pouvoir réglementaire. En ce qui concerne l'assiette, le Parlement dispose déjà de la compétence (article 34 de la Constitution). Certes, il existe un raisonnement juridique suivant lequel, s'il existe une contradiction manifeste entre les taux fixés par le pouvoir réglementaire et les prévisions de recettes fixées par le Parlement, il pourrait y avoir motif à annulation par le juge administratif de la mesure réglementaire, mais de toute façon, cette annulation n'interviendrait que deux ans après.

En ce qui concerne le Conseil constitutionnel, autant sa jurisprudence sur les cavaliers sociaux a semblé " laxiste " à M. Xavier Prétot, autant sa jurisprudence sur les demandes de compléments et d'annexes lui est apparue sévère. La jurisprudence du Conseil constitutionnel oblige à réformer la loi organique chaque fois que le Parlement voudra ajouter une annexe au dossier du projet de loi, ce qui apparaît absurde concernant un rapport sur l'état de l'hygiène bucco-dentaire (décision de décembre 1998).

M. Xavier Prétot a considéré qu'il manquait aux lois de financement un outil qui se rapproche de celui des lois de règlement. Le cadre actuel est celui d'un " blanc-seing demandé au Parlement " . Même si les lois de règlement du budget de l'Etat ne constituent pas nécessairement un exemple, il faudrait, d'une manière ou d'une autre, que le Parlement débatte des conditions dans lesquelles la loi de financement a été exécutée, à partir du rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale.

Audition de M. Gabriel Mignot, président de la 6ème chambre,
Mme Anne-Marie Boutin et de M. Claude Thélot (Cour des comptes)

M. Gabriel Mignot a considéré que les relations entre la Cour des comptes et le Parlement ne présentaient pas de caractéristiques particulières dans le domaine des finances sociales. La Cour des comptes peut réaliser, à la demande du Parlement, des " enquêtes " , comme elle peut " répondre à des questions précises " . 87( * )

Les demandes d'enquête, qui supposent " d'aller sur le terrain " , nécessitent du temps et doivent faire l'objet d'une procédure contradictoire et d'une approbation collégiale. Le délai de réponse ne peut guère être inférieur à un an. L'idéal, selon M. Gabriel Mignot, serait que le Parlement formule ses demandes au moment de l'examen du projet de loi de financement, afin de disposer des enquêtes de la Cour au moment de l'examen du prochain projet de loi de financement.

Les questions peuvent porter sur une partie du rapport annuel de la Cour ou sur un élément du projet de loi, de la même manière que la commission des Finances pose des questions sur le projet de loi de règlement ou sur le rapport que lui consacre la Cour. La réponse de la Cour est fournie alors le plus tôt possible et appartient à la commission, qui décide de la publier ou non.

Les comptes de la sécurité sociale recouvrent à la fois les comptes des organismes proprement dits, les comptes de la protection sociale et les agrégats de la loi de financement. Pour obtenir les documents nécessaires à l'établissement du jaune budgétaire " L'effort social de la Nation ", la Direction de la sécurité sociale envoie au mois de mars un questionnaire. Les réponses ne sont centralisées qu'au mois de juin. Trois grandeurs comptables se retrouvent ainsi articulées les unes par rapport aux autres.

La réforme comptable n'est pas encore stabilisée. D'une part, elle ne s'applique pas à tous les régimes. D'autre part, pour ceux qui sont déjà passés aux droits constatés, il ne s'agit pas encore d'une " routine " . L'application de la réforme pose le problème des provisions et des reprises de provisions. L'objet de la mission Déniel est d'aboutir à un plan comptable unique et obligatoire. L'établissement de ce plan comptable ne sera pas encore suffisante pour accélérer la sortie des comptes. Il sera nécessaire de prévoir un effort d'adaptation des systèmes d'information, ainsi qu'un effort de formation des personnels des organismes de sécurité sociale. Il faudra organiser une meilleure coopération entre ordonnateurs et comptables. La concrétisation des effets de la réforme prendra, en conséquence, du temps.

Interrogé sur l'ACOSS, M. Gabriel Mignot a considéré que le projet RACINE était intellectuellement bien construit, mais posait un certain nombre de problèmes quant à l'affectation des recettes aux branches par les URSSAF. Un certain nombre des recettes ne peuvent, de surcroît, être affectées sans connaître le niveau des dépenses.

Sur ce dernier point, Mme Anne-Marie Boutin a évoqué le mécanisme de répartition de la CSG entre les caisses, qui dépend non seulement des pertes de cotisation mais également du déficit des organismes. Elle a estimé que ce mécanisme était une " usine à gaz ". Elle a rappelé qu'une disposition de la loi de financement pour 1999 avait fait échec à l'application de la règle des droits constatés pour la répartition des excédents de CSG et de C3S. Elle a estimé qu'une répartition forfaitaire, suivie d'une régularisation, lui semblait beaucoup plus simple.

Interrogé sur les moyens de surmonter les obstacles à une remise accélérée des comptes sociaux, M. Gabriel Mignot a estimé que le Parlement devait tout d'abord jouer un rôle très ferme pour demander les comptes dans les délais. Il a ainsi observé qu'un certain nombre de caisses locales ne laissaient pas " remonter " leurs comptes tant qu'ils n'avaient pas été approuvés par leur conseil d'administration alors qu'une centralisation immédiate était indispensable. Le dictionnaire comptable, mis au point par la mission Déniel, et qui permettra une unicité des pratiques, sera probablement prêt à la fin de l'année 1999, mais sa mise en oeuvre ne sera effective qu'à partir des années 2001/2002.

Abordant le contenu du rapport annuel de la Cour, M. Gabriel Mignot a distingué ce qui relève, d'une part, des prescriptions du code des juridictions financières (application de la loi de financement de la sécurité sociale, analyse des comptes et synthèse des travaux des CODEC) 88( * ) et, d'autre part, du résultat des enquêtes et autres travaux de la Cour. Il a indiqué qu'à condition de pouvoir disposer des comptes en mars-avril, le rapport consacré spécifiquement à l'application de la loi de financement de l'année n-1 pourrait être déposé avant l'été de l'année n.

M. Claude Thélot a indiqué que cet objectif lui semblait réalisable à un horizon de 4/5 ans, à condition " d'être tenace " sur les délais de remise des comptes, leur qualité et leur mode d'agrégation.

Concernant les moyens de l'administration de la sécurité sociale, M. Gabriel Mignot a indiqué qu'ils lui semblaient notoirement insuffisants tant en nombre -il suffit de comparer la Direction du Budget et la Direction de la Sécurité sociale-, qu'en profil de compétence. M. Claude Thélot a constaté que les compétences requises pour établir des " comptes sérieux, à temps et bien construits " n'étaient pas historiquement très présentes à la Direction de la Sécurité sociale. Mme Anne-Marie Boutin a relevé que la même équipe restreinte devait " tout faire en même temps " : préparation du rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale, préparation du projet de loi de financement et de ses annexes, réponses aux questionnaires parlementaires. Elle a confirmé qu'il n'existait pas de système d'information comptable travaillant en continu, mais que la Direction de la Sécurité sociale devait s'appuyer sur le questionnaire envoyé aux caisses pour l'élaboration du fascicule " effort social de la Nation ".

M. Gabriel Mignot a rappelé que la fonction de la commission des comptes de la sécurité sociale devrait être de préparer des prévisions d'évolution spontanée des comptes et d'apprécier l'impact des mesures proposées. En réalité, la construction des comptes qui lui sont fournis s'apparente à une " boîte noire ou du moins grise ". La Commission, ne disposant que de huit jours pour " éclairer cette grisaille ", ne peut apporter que peu de " valeur ajoutée ".

M. Gabriel Mignot a estimé que la Cour des comptes était en mesure de procéder, à l'occasion de son rapport sur l'application d'une loi de financement, à une estimation pertinente du rendement financier des mesures de redressement et de le comparer aux annonces faites lors de la présentation du projet de loi.

Interrogé sur l'absence d'une loi de règlement pour les lois de financement, M. Gabriel Mignot a estimé que le parallèle entre lois de finances et lois de financement était, sur ce point, fallacieux. Mme Anne-Marie Boutin a confirmé que tant que " les lois de financement ne seraient pas des lois de finances sociales " , l'introduction d'une loi de règlement serait impossible.

Concernant l'articulation des contrôles de la Cour et des contrôles sur pièce et sur place des rapporteurs des projets de loi de financement de la sécurité sociale, M. Gabriel Mignot a estimé que, sauf exception, les contraintes lourdes et les méthodes spécifiques du contrôle " sur pièce et sur place ", notamment dans le domaine comptable, étaient peu adaptées au travail parlementaire.

Il a considéré que la proposition faite par l'Assemblée nationale de rencontres régulières entre les rapporteurs des projets de loi de financement et les rapporteurs de la Cour des comptes pour approfondir tel ou tel point du rapport lui apparaissait davantage de nature à approfondir les relations entre la Cour des comptes et le Parlement.

Mercredi 17 mars 1999

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M. Didier Banquy, sous-directeur à la direction du Budget, et M. Jean-Luc Tavernier, sous-directeur à la direction de la Prévision

M. Didier Banquy a précisé qu'au sein de la Direction du budget qui comporte 7 sous-directions, la 6 ème sous-direction " sociale " comprenait trois bureaux. Le bureau 6A traite des questions du travail et de l'emploi, le bureau 6B des finances sociales et des transferts sociaux (politique de la famille, santé, aléa thérapeutique, dépendance...) et le bureau 6C des régimes de retraite et des anciens combattants. La 6ème sous-direction compte au total 21 cadres A et 5 secrétaires.

Il a rappelé qu'outre la préparation du projet de loi de finances, son élaboration et le suivi de son exécution, l'action de la direction du Budget s'inscrit dans une démarche " globale " des finances publiques c'est-à-dire incluant l'ensemble des questions relatives aux finances publiques et donc, notamment, aux comptes des administrations sociales, conformément au périmètre retenu par le Traité de Maastricht pour l'appréciation du déficit des administrations publiques.

En étroite coopération avec la direction de la prévision, la présence de la direction du budget est donc forte sur le cadrage général ; elle établit dès les mois de décembre n-2-janvier n-1 des prévisions financières pour l'année n des différents régimes de sécurité sociale et émet des propositions dans le cadre de la préparation des arbitrages qui se tiennent en juin-juillet n-1 et qui concernent à la fois le budget de l'Etat et les finances sociales.

La direction du Budget est en revanche beaucoup moins présente à l'occasion du débat de la loi de financement lui-même et de sa mise en oeuvre dont la responsabilité incombe au ministère de l'Emploi et de la Solidarité (direction de la Sécurité sociale).

La direction du Budget souhaite développer la synthèse globale des finances publiques, qui comprend les finances de l'Etat, les finances sociales et les finances des collectivités locales. M. Didier Banquy a observé qu'il était, à cet égard, souhaitable " d'enrichir le débat d'orientation budgétaire " , en l'élargissant aux finances sociales. M. Jean-Luc Tavernier a observé que le programme de stabilité des finances publiques rendait nécessaire un tel débat, qui serait à même -au-delà des chiffres- de définir des tendances de fond sur le financement de la solidarité.

Si la synthèse des finances de l'Etat est correctement assurée, les finances sociales sont encore " au stade de la compilation " . Les informations contenues dans les projets de loi de financement et les projets de loi de finances sont à peu près exhaustives, mais ne sont ni simples, ni lisibles. Les lois de financement ne sont pas encore totalement satisfaisantes ; elles centrent le débat sur le seul régime général, qui certes couvre 100 % des dépenses de la branche famille et plus de 80 % de la branche maladie, mais seulement moins de 50 % des dépenses de retraite.

Une véritable synthèse des finances sociales est actuellement difficile à réaliser pour trois raisons : la multiplicité des périmètres , les différences de nomenclatures et l'hétérogénéité des normes comptables .

Il existe cinq périmètres différents pour définir les finances sociales :

- le périmètre des lois de financement lui-même hétérogène, qui concerne les régimes obligatoires de base de plus de 20.000 cotisants, pour les dépenses, et l'ensemble des régimes obligatoires et du Fonds de solidarité vieillesse pour les recettes ;

- le périmètre de la Commission des comptes de la sécurité sociale, qui ajoute aux régimes de base les régimes complémentaires ;

- le périmètre des comptes des administrations sociales, qui ajoute au périmètre de la Commission des comptes de la sécurité sociale le régime UNEDIC ; ce périmètre est utilisé pour déterminer le chiffre retenu pour le calcul du déficit des administrations publiques au sens du traité de Maastricht ;

- le périmètre de l'Effort social de la Nation, qui ajoute au périmètre précédent les régimes d'intervention sociale des administrations publiques (principalement, les aides au logement et l'aide sociale) ;

- le périmètre des comptes de la protection sociale, fournis en annexe g) des lois de financement, et qui ajoute au périmètre précédent les régimes d'employeurs, les régimes d'intervention sociale des administrations privées et les mutuelles.

Des éléments ne se retrouvent ni en lois de finances, ni en lois de financement, comme le régime UNEDIC.

Il est nécessaire -à l'évidence- de simplifier et de clarifier ces différents périmètres, même si ce n'est pas une tâche facile.

La difficulté de parvenir à une véritable synthèse des finances sociales s'explique également par l'existence de nomenclatures différentes de prévision et d'exécution . Prenant l'exemple de l'ONDAM, M. Didier Banquy a indiqué que la prévision était faite par prescripteurs (professions de santé), mais que l'exécution était connue par type d'actes. Il est ainsi difficile -mais non impossible- de savoir en cours d'année " si l'on tient en exécution " les prévisions.

La remise à plat de l'ONDAM représente un travail important, faisant intervenir un nombre d'acteurs très différents : Etat, caisses de sécurité sociale, professions de santé... Il est nécessaire d'entreprendre ce chantier, afin de mieux piloter le dispositif.

La troisième raison de l'impossibilité de parvenir à une synthèse satisfaisante des finances sociales tient à l'absence de définition de normes comptables homogènes au sein des organismes de sécurité sociale. M. Didier Banquy a rappelé que le ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie et le ministère de l'Emploi et de la Solidarité étaient à l'origine de la mission conduite par M. Alain Déniel, afin d'aboutir à un plan comptable unique fin 1999. L'indépendance des caisses de sécurité sociale, qui sont -au moins pour le régime général- des établissements publics, n'est pas un argument susceptible d'être invoqué. Le retard de production des comptes accentue l'impression d'un manque de transparence, préjudiciable aux régimes de sécurité sociale eux-mêmes. Pour M. Didier Banquy, la production des comptes dans des délais plus courts que ceux observés aujourd'hui est une nécessité absolue pour améliorer la lisibilité de ces comptes et la qualité de la gestion.

Puis, M. Jean-Luc Tavernier a présenté la direction de la Prévision. Cette direction prépare les deux commissions des comptes de la nation, tenues en avril et en septembre. Les prévisions de la direction de la prévision sont celles du Gouvernement mais elles sont confrontées dans la transparence avec celles des autres experts dans le cadre de la commission des comptes, de la nation et des réunions techniques qui la précèdent. M Jean-Luc Tavernier a ainsi constaté que les erreurs massives de prévisions en 1993 et 1996 avaient été communes à l'ensemble des conjoncturistes. Le rythme des réunions n'est pas suffisant pour prendre en compte les inflexions très fortes de conjoncture. A l'inverse, des réunions trop précipitées auraient pour inconvénient de ne pas disposer du recul nécessaire.

En matière d'hypothèses macro-économiques, ces prévisions sont automatiquement retenues par la Commission des comptes de la sécurité sociale. Les contacts entre les trois directions (direction du Budget, direction de la Prévision, direction de la Sécurité sociale) sont ainsi très fréquents, dès le début de l'année.

La direction de la Prévision est par ailleurs chargée de réaliser le compte provisoire des administrations publiques, au cours du mois de janvier de l'année n+1. Le périmètre retenu est celui de la comptabilité nationale : Etat, régimes de sécurité sociale, régimes complémentaires et d'assurance chômage, collectivités locales. Chaque type d'administration publique a ses spécificités. Pour l'Etat, les prévisions d'exécution sont facilitées en dépenses par le caractère limitatif des autorisations budgétaires. Pour les collectivités locales, il est très difficile de prévoir leurs recettes et leurs dépenses. La sécurité sociale est " entre les deux " . La situation financière de l'UNEDIC dépend directement de la conjoncture et des décisions des partenaires sociaux. Les prévisions sur les dépenses famille et vieillesse, qui dépendent des évolutions démographiques, présentent relativement peu d'erreurs. Pour les dépenses d'assurance maladie, la prévision est beaucoup plus difficile et fortement influencée par les mesures de régulation.

Interrogé sur les moyens mis à disposition de la direction de la sécurité sociale, M. Didier Banquy a indiqué qu'ils étaient en voie de renforcement et qu'il était souhaitable qu'une partie des moyens supplémentaires accordés au ministère de l'emploi et de la solidarité soit affectée effectivement à cette direction. M. Jean-Luc Tavernier a fait remarquer que le processus des lois de financement aidait cette direction à prendre davantage d'autorité.

M. Didier Banquy a expliqué que le prélèvement de 0,5 % pour frais d'assiette et de recouvrement -représentant 200 millions de francs- ne concernait que la CSG sur les revenus du patrimoine et de placement, mais non les droits sur les alcools et les tabacs, sauf pour la partie alcools affectée au FSV 89( * ) . Le principe de facturation des relations entre l'Etat et la sécurité sociale n'est pas un mauvais principe. La sécurité sociale gère actuellement un certain nombre de prestations gratuitement pour l'Etat. La différence de traitement des relations financières Etat/sécurité sociale n'est pas pour autant établie. L'établissement d'un bilan global des sommes en jeu ne ferait pas apparaître de déséquilibre notable dans les relations Etat/sécurité sociale.

La majoration de l'allocation de rentrée scolaire n'a représenté ni en 1997, ni en 1998, une charge de trésorerie pour l'ACOSS. En 1997, un décret d'avances a été pris, permettant de verser à l'ACOSS 6,4 milliards de francs au 1 er septembre, ce qui a été noté dans le rapport de la Cour des comptes. En 1998, le Gouvernement s'étant engagé à ne pas opérer de régulation budgétaire en cours d'année, il ne pouvait procéder par décret d'avance nécessairement gagé par des annulations de crédits. Aussi, l'Etat a-t-il anticipé tout d'abord au 1 er septembre le versement des remboursements de cotisations exonérées pour les mois de septembre, octobre et novembre, puis au 9 octobre le versement correspondant au mois de décembre.

La suppression du BAPSA, dont la conformité à l'ordonnance portant loi organique du 2 janvier 1959 a été remise en cause de façon indirecte par le Conseil constitutionnel en 1997, est à l'étude. Il est à noter que les charges de personnels ont été basculées du BAPSA au budget du ministère de l'Agriculture en loi de finances pour 1999.

Invité à se prononcer sur la pertinence d'un fascicule du type " Voies et moyens " pour les impôts et taxes affectés à la sécurité sociale -faisant apparaître pour chaque recette l'évaluation initiale et l'évaluation révisée de l'année n-1-, l'effet de l'évolution spontanée et l'écart dû à l'aménagement des droits et l'évaluation proposée pour l'année n-, M. Didier Banquy a estimé que ce type de document pourrait être incorporé dans le rapport économique, social et financier du projet de loi de finances, qui est le premier document distribué aux parlementaires.

Interrogé sur la cohérence des prélèvements obligatoires, M. Jean-Luc Tavernier a considéré que les assiettes des prélèvements sociaux étaient relativement simples, mais que les règles d'affectation (circuit de la CSG et de la C3S, par exemple) étaient complexes. L'impact économique de la CSG, son effet redistributif, est ainsi presque impossible à étudier.

M. Didier Banquy a estimé qu'une simplification du système était indispensable et qu'une " meilleure lisibilité des dispositifs permettrait de faciliter les choix politiques " . M. Jean-Luc Tavernier a observé que cette complexité était liée à l'organisation de la sécurité sociale en France, avec l'existence de régimes multiples et de branches autonomes. Il a relevé que l'éventuelle affectation des excédents de la branche famille, de la branche maladie et de l'UNEDIC au fonds de réserve pour les retraites constituait un exemple de complexification éventuelle des circuits financiers entre les régimes, qui pouvait cependant avoir une forte pertinence économique.

M. Didier Banquy a fait observer en outre que le Parlement n'intervenait que sur une partie des ressources des régimes sociaux.

M. Hervé Le Floc'h Louboutin,
directeur du service de législation fiscale

M. Hervé Le Floc'h Louboutin a tout d'abord précisé que l'évolution du financement de la protection sociale et la création des lois de financement de la sécurité sociale n'avaient pas entraîné d'évolution des méthodes et de l'organisation du service de la législation fiscale.

Abordant la répartition des compétences en matière d'impôts affectés à la sécurité sociale, M. Hervé Le Floc'h Louboutin a expliqué que le service de la législation fiscale disposait, concernant la contribution sociale généralisée (CSG) et la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS), d'une compétence générale pour fixer les règles relatives à la territorialité . Pour la CSG et la CRDS sur les revenus d'activité et de remplacement, la direction de la sécurité sociale est compétente pour fixer les règles d'assiette , même si le service de la législation fiscale est associé ; pour la CSG et la CRDS sur les revenus du patrimoine et les produits de placement, ainsi que pour le prélèvement social de 2 %, le service de la législation fiscale est compétent -naturellement en association avec la direction de la sécurité sociale- pour fixer les règles d'assiette, qui se calent sur l'impôt sur le revenu.

M. Hervé Le Floc'h Louboutin a admis que ce partage des compétences pouvait apparaître complexe sur le papier mais était en fait très cohérent. Il a observé que le législateur, avec pragmatisme, avait constitué des " chaînes " de compétence, liant l'assiette, le recouvrement et le contrôle, qu'il serait sage de ne pas rompre.

La sécurité sociale assure le recouvrement et le contrôle de la CSG sur les revenus d'activité et de remplacement. La direction générale des impôts est compétente sur le recouvrement et le contrôle de la CSG sur les revenus du patrimoine. Les chaînes les plus performantes en matière de recouvrement ont été choisies. Le prélèvement à la source pour la CSG sur les revenus d'activité et de remplacement était la meilleure solution. Les réactions à l'augmentation du taux de la CSG auraient d'ailleurs été différentes, si le recouvrement était effectué par voie de rôle comme pour la CSG sur les revenus du patrimoine.

Interrogé sur les moyens d'assurer la cohérence de la politique des prélèvements obligatoires, M. Hervé Le Floc'h Louboutin a considéré que cette cohérence pouvait être appréciée selon plusieurs niveaux, notamment au sein du prélèvement social ou au sein de l'ensemble des prélèvements obligatoires.

La cohérence de la CSG sur les revenus du patrimoine est assurée par un alignement de l'assiette de ce prélèvement sur celle de l'impôt sur le revenu. La distorsion d'assiette entre l'impôt sur le revenu et la CSG sur les revenus d'activité a été voulue dès l'origine de la CSG. Il serait ainsi dangereux de vouloir " rapprocher les assiettes " . L'impôt sur le revenu fait l'objet de nombreuses critiques : une concentration élevée, une assiette étroite et des taux élevés. L'existence de la CSG remédie à ces défauts.

M. Hervé Le Floc'h Louboutin a observé que le comportement vis-à-vis de l'impôt sur le revenu était quelque peu irrationnel. Son rendement n'est pas plus élevé que dans les autres pays européens. Pour les revenus très élevés, la pression fiscale est à peine supérieure. L'impôt sur le revenu fait l'objet , de la part du contribuable, d'une " crispation " qui, en réalité, devrait s'adresser au le poids des prélèvements sociaux à l'origine des phénomènes de délocalisations.

Interrogé sur les droits sur les tabacs et les alcools, et sur les jeux de miroirs existant entre projets de loi de finances et de financement, M. Hervé Le Floc'h Louboutin a considéré qu'à la relecture de la loi organique du 22 juillet 1996, il n'avait pas " d'états d'âme particuliers " .

Le paragraphe I de l'article LO. 111-3 dispose que les lois de financement comportent des prévisions par catégorie des recettes de l'ensemble des régimes obligatoires ; le paragraphe III est une disposition visant à écarter les " cavaliers sociaux " : " les lois de financement ne peuvent comporter que des dispositions affectant l'équilibre financier des régimes obligatoires de base " .

Il est ainsi difficile d'établir une frontière entre les dispositions affectant l'équilibre financier qui doivent se trouver obligatoirement en lois de financement et celles qui peuvent se trouver en lois de financement.

En ce qui concerne la suppression de l'article 406 A (droits de fabrication sur les alcools affectés au FSV), le ministère de l'Economie et des Finances était à l'origine de cette disposition. Elle a été inscrite dès l'origine dans le projet de loi de finances et a été reprise par le projet de loi de financement.

En ce qui concerne les droits sur les tabacs, " le débat est né en loi de financement " , puis a été concrétisé en loi de finances rectificative pour 1998.

M. Hervé Le Floc'h Louboutin a considéré que les lois de finances apparaissaient être le cadre naturel des dispositions affectant les droits sur les alcools et sur les tabacs. Premièrement, ces sujets sont fortement encadrés sur le plan communautaire ; deuxièmement, plus de 90 % des droits sur les tabacs sont affectés au budget de l'Etat. Interrogé sur la possibilité de créer une taxe additionnelle de santé publique, intégralement affectée à la sécurité sociale, il a constaté qu'un doute existait quant à la compatibilité de cette taxe avec le droit communautaire.

M. Raoul Briet, Directeur de la Sécurité sociale
et M. Dominique Libault, sous-directeur

M. Raoul Briet a souhaité formuler quatre observations liminaires.

Première observation : les lois de financement constituent un progrès indubitable dans le pilotage des finances sociales, parce qu'elles obligent l'Etat à expliciter ses choix dans des conditions strictement " calées " avec le projet de loi de finances ; le Gouvernement doit ainsi rendre ses arbitrages à la bonne date et sur les mêmes bases.

Deuxième observation : la préparation technique des projets de loi de financement, par les contacts entretenus tous les deux mois avec la direction du Budget, a progressé depuis l'origine. Le calendrier fixé est précis ; à partir du moment où le passage du projet de loi est fixé le 4 octobre en conseil des ministres, le compte à rebours technique est déterminé. La date de la réunion de la commission des comptes de la sécurité sociale de septembre est ainsi prévue à 2 jours près, dès le mois de mars, alors qu'avant les lois de financement, les commissions des comptes d'automne se tenaient en novembre ou décembre, ou parfois même ne se tenaient pas. La préparation du projet de loi de financement pour 2000 débute ainsi dès le mois de mars. Les procédures sont rodées, des mécanismes sont fixés au sein des trois directions (direction du budget, direction de la prévision, direction de la sécurité sociale), ainsi qu'au sein du Ministère de l'emploi entre direction des hôpitaux, direction générale de la santé et direction des affaires sociales pour la préparation de l'ONDAM. Les choix principaux sont soumis à l'arbitrage du cabinet entre le 15 mai et le 15 juin.

Troisième observation : la compétence du ministère de l'Emploi et de la Solidarité est un des acquis importants des lois de financement. La direction du budget se concentre désormais sur l'effort social de la Nation et les perspectives générales des finances publiques.

Quatrième observation : la complexité des lois de financement est liée aux choix décidés par le pays (notamment, maintien des régimes autonomes).

M. Raoul Briet a ainsi considéré que le calendrier résultant des lois de financement était " très sain " pour les finances sociales et " très vertueux " mais avait imposé une évolution brutale dans le contexte " décentralisé, épars et divers " qui caractérise le " monde social ".

Des informations régulières sont données au Gouvernement sur l'exécution de la loi de financement pour 1998. Mais ces informations ne sont pas centrées sur les " agrégats de la loi de financement ".

Interrogé sur l'accélération de la production des comptes, M. Raoul Briet a reconnu qu'il s'agissait effectivement d'une priorité. Il a estimé toutefois qu'il ne fallait pas " caricaturer les choses " . Le dialogue établi avec les agents comptables des caisses nationales du régime général porte ses fruits. Les comptes 1998 seront disponibles avec un mois à deux mois d'avance par rapport aux comptes 1997. Il faut naturellement encore progresser, mais " il ne suffit pas d'être très sévère ". La culture des organismes de sécurité sociale est celle d'une autonomie très importante, il n'existe pas de hiérarchie comparable à celle de la Direction de la comptabilité publique. Du côté des dépenses, les comptes de la CNAM ne sont jamais que l'agrégation des comptes des caisses primaires d'assurance maladie. Pour les recettes, les exigences pesant sur les présidents, les directeurs et les agents comptables des URSSAF sont désormais très importantes. Des conventions homogènes doivent être définies et appliquées.

M. Dominique Libault a rappelé que, concernant la mise en oeuvre de la comptabilité en droits constatés, l'ACOSS avait fait appel au cabinet Mazars Guérard. Les conclusions de ce cabinet sont que les comptes des organismes de sécurité sociale sont d'une complexité inouïe par rapport à ceux des entreprises. L'exigence de fiabilité est beaucoup plus importante que pour les entreprises, puisqu'un solde global doit être déterminé pour chaque branche. La CNAM a besoin de l'ACOSS pour déterminer ses recettes ; parallèlement, l'ACOSS a besoin de la CNAM pour déterminer le rendement de la CSG sur les indemnités journalières. Un certain nombre de relations complexes entre l'ACOSS et les organismes de sécurité sociale fait que plusieurs bouclages sont nécessaires pour parvenir à des comptes à peu près stables. Une clôture en janvier ou en février est ainsi " une vue de l'esprit " . Une clôture des comptes avant la fin du mois de mars apparaît, en revanche, possible.

Interrogé sur la répartition des recettes suivant les branches effectuée par l'ACOSS, M. Dominique Libault a rappelé que le souci de faire remplir aux sociétés un document unique, le bordereau récapitulatif de cotisations sociales (BRC), avait pour conséquence, en aval, une complexité importante de traitement pour les URSSAF. La mise en place du système RACINE, à partir du 1 er janvier 1998, représente certainement un grand progrès par rapport aux clefs forfaitaires. Les objectifs de ce projet ont été validés par la mission commune conduite par l'Inspection Générale des Finances (IGF) et l'Inspection Générale des Affaires sociales (IGAS). Il faut désormais " prendre du recul " pour mieux apprécier la mise en oeuvre de RACINE. Sur une masse de 1.200 milliards de francs, il est possible que le système des clefs forfaitaires ait abouti à des erreurs de plus ou moins 3 milliards de francs.

M. Raoul Briet a constaté que trop souvent " le milliard au dessus de la ligne zéro était considéré comme le paradis " et que " le milliard en dessous, l'enfer " , alors que le débat devrait se concentrer sur " les tendances de fond " . Il a observé qu'au plan technique trois chantiers considérables avaient été ouverts en même temps : la mise en oeuvre des droits constatés, un calendrier plus serré et une ventilation des recettes plus sincère dans un contexte rendu de surcroît plus complexe par le développement des exonérations liées à la politique de l'emploi.

Les progrès constatés concernent le régime général. Pour les autres régimes, l'habitude est de ne les examiner qu'à l'occasion de la commission des comptes de septembre. Pourtant, le sujet est lié, puisque les comptes du régime général dépendent d'autres régimes, comme celui de la MSA. La production des comptes de ce régime n'est pas encore tout à fait satisfaisante. Or, le ministère de tutelle de la protection sociale agricole n'est pas le ministère des Affaires sociales.

La mission interministérielle sur l'harmonisation des comptes des organismes de sécurité sociale s'est mise en place en décembre 1998, après avoir été décidée en avril 1998, en raison du temps qu'il a fallu pour arrêter les mises à disposition des personnes nécessaires. Il s'agit d'une équipe de six à sept personnes, qui travaille au rythme soutenu de 3 réunions hebdomadaires. L'idée d'inclure l'UNEDIC dans les compétences de la mission a été finalement abandonnée.

Interrogé sur les moyens de la direction de la sécurité sociale (DSS), M. Raoul Briet a indiqué que l'effectif au 1 er janvier 1999 s'élevait à 238 agents, dont 134 de catégorie A, en diminution globale par rapport à 1996, mais avec une proportion de cadres A qui augmente légèrement. La sous-direction de la prévision et des études financières a été créée en juillet 1998. Cette sous-direction, placée sous la responsabilité de M. Eric Dubois, administrateur de l'INSEE, comprend un effectif de 24 personnes dont 20 cadres A.

Au sein de la direction de la sécurité sociale, le bureau 5A, constitué de 4 cadres A, travaille sur le projet de loi lui-même. Il assure par ailleurs des tâches de suivi de la trésorerie et d'organisation des régimes. Le bureau 6A est chargé des annexes " non littéraires " de la loi de financement.

M. Dominique Libault a constaté qu'il n'existait qu'une personne chargée au sein de la DSS de suivre la comptabilité des organismes de sécurité sociale. M. Raoul Briet a fait observer qu'il n'existait aucun inspecteur des impôts affecté à la DSS. Même si les rapports de travail avec le service de la législation fiscale sont " bons " , un tel " profil " serait nécessaire au sein de la direction de la sécurité sociale en raison de l'évolution de ses responsabilités. Les lois de financement rendent obligatoire un recrutement en dehors du vivier classique de l'administration de la sécurité sociale, ce qui allonge considérablement les délais et ne va pas sans problèmes. Les pointes de travail sont très importantes. Un complément indemnitaire semble ainsi inévitable. Les améliorations récentes décidées en ce domaine vont incontestablement dans cette direction.

Interrogé sur les annexes de la loi de financement, M. Raoul Briet a considéré que l'ampleur des annexes a) (données sur la situation sociale et sanitaire) et g) (comptes de la protection sociale) pouvait être réduite. Il a observé que l'annexe b) , relative à la mise en oeuvre des dispositions de la loi de financement, n'avait pas pour objet d'apprécier l'effet financier des mesures de redressement -compétence qui relève de la Cour des comptes dans son rapport publié l'année suivante-, mais portait sur l'application juridique de la loi de financement. Il a considéré que le contenu de l'annexe e) allait au-delà d'une description des compensations financières entre régimes, en présentant, par exemple, les transferts de financement liés au déficit de l'assurance personnelle.

Mercredi 24 mars 1999

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Audition de M. Jean-Luc Cazettes, président du conseil d'administration et de M. Patrick Hermange, directeur de la CNAVTS

M. Jean-Luc Cazettes a estimé qu'un bilan assez largement positif pouvait être dressé des trois premières lois de financement. La loi de financement de la sécurité sociale constitue un progrès considérable et permet d'avoir une vision globale de la sécurité sociale qui manquait auparavant. Elle facilite l'établissement à date fixe d'un bilan de l'année écoulée -même si la production des comptes est tardive- et permet d'opérer un regroupement des diverses mesures financières et législatives dans un même document.

La préparation du projet de loi de financement de la sécurité sociale est l'occasion d'une collaboration étroite entre les ministères et les organismes de sécurité sociale afin d'élaborer les mesures destinées à adapter la législation ou à remédier aux déséquilibres financiers.

M. Patrick Hermange a souligné que l'élaboration du projet de loi de financement exigeait un travail considérable pour le Ministère de l'emploi et de la solidarité, qui manquait des moyens humains nécessaires pour mener à bien cette tâche dans de bonnes conditions.

M. Jean-Luc Cazettes a considéré que le mérite de la loi de financement de la sécurité sociale était de donner une plus grande sécurité juridique aux organismes de sécurité sociale en termes de mise en oeuvre et d'exécution de certaines dispositions législatives ou réglementaires dès lors qu'elles constituent des engagements du Gouvernement pour contribuer à l'équilibre technique.

Il a jugé que si la loi de financement de la sécurité sociale avait permis une certaine appropriation par le Parlement des enjeux de la protection sociale, les responsabilités entre les différents acteurs n'étaient pas encore bien définies.

Les partenaires sociaux sont certes davantage associés qu'antérieurement grâce à la consultation systématique des conseils d'administration des caisses sur le projet de loi de financement. Toutefois, les délais accordés aux caisses pour examiner le projet de loi sont beaucoup trop courts -en moyenne trois à cinq jours- et ne permettent pas d'examiner de manière approfondie les dispositions prévues ou de formuler des propositions alternatives. Citant l'exemple du fonds de réserve pour les retraites, introduit, au dernier moment, dans le projet de loi, il a constaté que souvent les représentants de la tutelle dans les conseils d'administration des caisses n'avaient pas toujours les réponses aux questions posées.

Une plus large participation des partenaires sociaux à l'élaboration du projet de loi de financement ne pourrait donc être envisagée qu'à condition que ceux-ci disposent de délais supplémentaires - quinze jours au moins - pour examiner le texte préparé par le Gouvernement. Un pré-cadrage en juin-juillet pourrait en outre être envisagé de manière à ne pas découvrir dans l'urgence, en septembre, le contenu du projet de loi.

M. Jean-Luc Cazettes a rappelé que l'équilibre défini par la loi de financement était cependant très fortement dépendant des hypothèses macro-économiques retenues par le Gouvernement, qui n'étaient connues qu'à la fin du mois d'août. Il est donc délicat d'engager un véritable débat avant cette date.

M. Jean-Luc Cazettes a estimé que les conseils d'administration s'impliquaient fortement dans la préparation et le suivi des conventions d'objectifs et de gestion, compléments indissociables de la loi de financement de la sécurité sociale. Le conseil d'administration de la CNAVTS a en outre constitué en son sein un groupe " études et prospectives " présidé par M. Jean-Baptiste de Foucauld.

M. Jean-Luc Cazettes a regretté que le Gouvernement s'oppose parfois à certaines décisions du conseil d'administration de la CNAVTS telles que la décision du 4 février 1999, fixant à 73,80 francs le taux horaire de l'aide ménagère, contre 81 francs depuis le 1 er juillet 1998.

Il a expliqué que la décision de diminuer le taux de l'aide ménagère était la conséquence de l'adoption, à l'article 5 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, de l'exonération totale de cotisations sociales patronales sur les rémunérations des aides à domicile employées par des personnes morales (associations et centres communaux d'action sociale). Selon M. Jean-Luc Cazettes, cette exonération n'a pas été compensée par l'Etat et entraîne une diminution de recettes de 250 millions de francs pour le régime général. La décision de diminuer le taux de l'aide ménagère visait à compenser cette perte de recettes, mais aussi à tenir compte de la diminution du prix de revient de l'heure par les associations dès lors qu'elles sont désormais exonérées totalement de charges patronales pour les aides ménagères qu'elles emploient en contrat à durée indéterminée.

M. Jean-Luc Cazettes a estimé que la tutelle du ministère de l'Emploi et de la Solidarité sur les caisses restait très présente et que la répartition des compétences entre les différents acteurs se caractérisait par un " flou artistique ".

M. Patrick Hermange a fait remarquer que les sujets d'affrontement entre la caisse et sa tutelle étaient heureusement rares.

M. Jean-Luc Cazettes a estimé que les conseils de surveillance commençaient à trouver leur place dans le processus, en particulier dans le suivi de la convention d'objectifs et gestion. Il a jugé qu'il revenait au Parlement de tirer le meilleur parti des avis qui lui étaient adressés par les conseils de surveillance.

Interrogé sur la notion d'équilibre dans les lois de financement de la sécurité sociale, M. Jean-Luc Cazettes a considéré que le législateur avait, dans la loi organique du 22 juillet 1996, volontairement fixé des objectifs hétérogènes en matière de recettes, des dépenses et de plafond de recours à l'emprunt. Il a estimé que le législateur avait alors souhaité donner au Parlement un rôle d'orientation globale de la sécurité sociale et n'avait pas voulu qu'il se substituât au Gouvernement et aux caisses pour la détermination de l'équilibre financier de chacun des régimes.

Considérant que le Parlement disposait des éléments de contrôle nécessaires (rapports de la Commission des comptes de la sécurité sociale, de la Cour des comptes et des présidents des conseils de surveillance), M. Jean-Luc Cazettes a jugé que si le Parlement était amené à voter de façon plus précise les recettes et les dépenses par branche ou par régime, " il n'y aurait plus aucune marge de manoeuvre pour le Gouvernement et les caisses " et notamment pour les conventions d'objectifs et de gestion qui constituent un élément positif introduit par les ordonnances de 1996, même si elles portent essentiellement sur la gestion et non sur le risque.

M. Jean-Luc Cazettes a reconnu que l'approche par risque, qui présentait au plan conceptuel une légitimité certaine, compliquait les présentations dès lors que les travaux en amont étaient effectués par régime. En outre, l'approche par branche, en particulier pour la vieillesse, est incomplète puisque les régimes spéciaux ne sont traités que globalement, toutes branches confondues. Il serait par conséquent utile de ne pas concentrer le discours sur le seul régime général, malgré l'importance de ce dernier. Sur le fond, le problème est de savoir comment rendre plus lisibles et plus harmonieuses les différentes approches, par branche et par régime.

M. Jean-Luc Cazettes a estimé que les situations financières différentes des branches ne semblaient pas devoir compromettre le principe de séparation des branches. Il a considéré que les mécanismes de transferts entre branches n'étaient pas en eux-mêmes critiquables s'ils reposaient sur des données objectives.

MM. Jean-Luc Cazettes et Patrick Hermange se sont interrogés sur la justification du financement par la branche vieillesse de certains avantages familiaux accordés aux retraités tels que les majorations de pensions. Ils se sont demandés si ces avantages ne devraient pas plutôt être financés par la branche famille.

M. Patrick Hermange a estimé que la question de savoir si les aides aux familles devaient être perçues au moment où les enfants étaient à la charge des familles ou au moment de la retraite des parents méritait de faire l'objet d'un débat de politique familiale.

Interrogé sur la situation de la branche vieillesse du régime général, M. Jean-Luc Cazettes a souligné que la CNAVTS plaidait depuis plusieurs années pour le retour à un équilibre durable de ses comptes.

Il a expliqué qu'il n'y avait pas aujourd'hui à proprement parler d'accumulation de dettes au niveau de la CNAVTS, grâce au mécanisme de reprise de la dette par la CADES. Il a considéré que le système de répartition n'impliquait pas qu'il ne puisse pas y avoir, selon les exercices, excédent ou déficit. Mais il est vrai que la puissance publique ne peut pas laisser perdurer des déficits répétés, même au prix d'une reprise de dette, dès lors que la gestion de cette dernière se traduit par un report sur les générations futures de charges imputables aux générations présentes. Une telle pratique tend à miner le principe même de la solidarité et de l'équité entre générations.

Evoquant la date de publication des comptes de la CNAVTS, M. Patrick Hermange a souligné que des efforts importants étaient effectués pour accélérer la sortie des comptes et disposer d'éléments fiables pour la fin avril. Les délais actuels sont explicables par la complexité de notre système de sécurité sociale, l'atomisation et l'indépendance juridique des caisses de base, l'insuffisance des instruments comptables et informatiques pour la consolidation des recettes par branche pour le régime général.

Les travaux actuellement menés par la mission interministérielle chargée d'harmoniser les plans comptables des organismes de sécurité sociale devraient permettre une plus grande homogénéité des données et faciliter la préparation des documents fournis pour la Commission des comptes de la sécurité sociale et la préparation de la loi de financement. Pour la CNAVTS, une sortie plus rapide des comptes dépend toutefois d'une connaissance plus précoce qu'à l'heure actuelle des recettes encaissées par les URSSAF au titre de la branche vieillesse du régime général.

Audition de M. Jean-Paul Probst, président du Conseil d'administration, et de M. Etienne Marie, directeur de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF)

Interrogé sur le jugement qu'il portait sur l'expérience de trois lois de financement de la sécurité sociale, M. Jean-Paul Probst a souligné les effets positifs de ces lois sur la conduite de l'action publique.

La loi de financement incite en effet à arrêter au plus tôt, au cours de l'année (n), les comptes de l'année (n-1). Les caisses d'allocations familiales n'ont eu à cet égard aucune difficulté à arrêter fin février 1999 leurs comptes 1998. L'établissement des comptes de la CNAF suppose en revanche de connaître le montant des recettes du régime général, établi par l'ACOSS, ainsi que les recettes et les dépenses des autres régimes versant des prestations familiales (MSA, secteur public) qui sont consolidées dans les comptes de la CNAF.

M. Jean-Paul Probst a estimé que le calendrier de sortie des comptes s'était considérablement amélioré en 1999. Il a ajouté que la loi de financement de la sécurité sociale avait également recalé le calendrier de la Commission des comptes de la sécurité sociale, laquelle se réunissait désormais en mai et en septembre. Par le passé, la Commission des comptes de la sécurité sociale s'était souvent réunie de manière très irrégulière.

M. Jean-Paul Probst a constaté que la loi de financement de la sécurité sociale obligeait à une coordination avec la loi de finances initiale, comme l'avait illustré cette année la prise en charge par le budget de l'Etat de l'allocation de parent isolé (API). Il a ajouté que la loi de financement imposait au Gouvernement d'arrêter ses mesures pour l'année (n) en septembre (n-1), ce qui facilitait le travail de préparation réglementaire et la tâche des organismes gestionnaires comme la CNAF.

Abordant les aspects négatifs de la procédure d'élaboration des lois de financement de la sécurité sociale, M. Jean-Paul Probst a constaté que l'association des partenaires sociaux à la détermination en amont des recettes et des dépenses était très faible. Les recettes dépendent de politiques macro-économiques globales qui échappent aux partenaires sociaux ; les dépenses sont le résultat de décisions politiques, généralement annoncées lors de la conférence de la famille, pour lesquelles un simple avis est demandé aux partenaires sociaux.

M. Jean-Paul Probst a regretté le délai très court laissé aux partenaires sociaux pour l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale : entre une réunion de la Commission des comptes de la sécurité sociale généralement très tardive en septembre et la date limite de dépôt du projet de loi fixée par la loi organique, les partenaires sociaux disposent de quelques jours à peine pour se prononcer sur un ensemble de mesures aux conséquences parfois complexes.

M. Jean-Paul Probst a souligné en outre que les annexes du projet de loi n'étaient pas transmises lors de l'examen du texte par le conseil d'administration de la CNAF.

Il a considéré que la loi de financement de la sécurité sociale était fondamentalement un texte juridique et financier et non un texte définissant une véritable politique publique, où le Parlement fixerait des objectifs, définirait des indicateurs de suivi et procéderait à une évaluation des résultats.

M. Jean-Paul Probst a constaté que le rapport annexé et les annexes au projet de loi présentaient un caractère très littéraire. Il a souligné que la seule norme pour la branche famille figurant dans le projet de loi était un objectif de dépenses. Or, cet objectif de dépenses n'est pas cohérent avec le périmètre des comptes que consolide la CNAF et se trouve chaque année démenti par la majoration de l'allocation de rentrée scolaire (ARS) qui ne figure pas dans le projet de loi.

M. Jean-Paul Probst a estimé que les partenaires sociaux avaient le sentiment de ne pas pouvoir peser sur les dépenses et ne s'intéressaient donc pas véritablement au suivi de cet objectif de dépenses.

Il a jugé que les comptes de la CNAF n'étaient pas suffisamment lisibles. Pour améliorer la clarté de ses comptes, la caisse a suggéré de regrouper au sein de trois fonds distincts les dépenses relatives à la politique familiale, aux aides au logement et aux minima sociaux. Les propositions en ce sens formulées auprès du Ministère de l'emploi et de la solidarité sont en cours d'examen.

M. Jean-Paul Probst a considéré que la seule évaluation de la loi de financement de la sécurité sociale était réalisée par la Cour des comptes. Le rapport de cette juridiction est devenu un élément essentiel, même si l'audit très complet ainsi réalisé ne peut pas être toujours très approfondi.

M. Jean-Paul Probst s'est dit satisfait du lien établi directement entre le Parlement et les gestionnaires des caisses par le biais du conseil de surveillance. Il a fait remarquer que l'existence du projet de loi de financement de la sécurité sociale - lequel ne peut contenir que des mesures ayant un réel impact financier sur la protection sociale - conduisait à limiter le nombre des projets de loi portant diverses mesures d'ordre social (DMOS). De multiples mesures nécessitant une modification législative restent par conséquent en suspens, ce qui est très regrettable.

M. Jean-Paul Probst a considéré que la direction de la sécurité sociale du Ministère de l'emploi et de la solidarité était sous-dotée en moyens humains pour assurer la conception et le suivi des lois de financement de la sécurité sociale. Il a jugé nécessaire de la renforcer, le cas échéant par des moyens humains mis à sa disposition par les caisses de sécurité sociale dans la clarté juridique.

Interrogé sur l'idée d'une loi d'orientation pluriannuelle dans le domaine de la sécurité sociale, M. Jean-Paul Probst a estimé que les gestionnaires des caisses étaient demandeurs d'une meilleure lisibilité sur plusieurs exercices de l'évolution des prestations et des actions menées.

Abordant la situation financière de la branche famille, M. Jean-Paul Probst a reconnu que l'excédent de cette branche conjugué à l'équilibre de la branche maladie et au déficit de l'assurance vieillesse pouvait compromettre à terme le principe de séparation des branches. Il a craint que l'on multiplie les transferts de charge au détriment de la branche famille, comme on l'avait fait à de nombreuses reprises par le passé, ce qui serait contraire à la transparence des comptes de la branche et préjudiciable à la politique familiale.

Evoquant les avantages familiaux accordés en matière de pensions de retraite, qui représentent 75 milliards de francs par an, soit 40 % du montant des prestations familiales, M. Jean-Paul Probst a rejeté toute perspective de faire supporter cette dépense à la branche famille. Il a regretté que l'on dépense de telles sommes à ce titre et a jugé plus utile d'aider les familles lorsqu'elles ont des enfants à charge que quarante ans après.

M. Jean-Paul Probst a estimé que les frontières incertaines entre la CNAF et l'Etat faisaient supporter un risque de trésorerie à la branche famille. Ce risque a certes été limité par la convention signée en mai 1995 entre l'Etat et l'ACOSS mais il reste deux domaines où la CNAF fait régulièrement une avance de trésorerie à l'Etat  :

- la majoration de l'allocation de rentrée scolaire qui, en 1998, n'a pas été remboursée immédiatement par l'Etat, contrairement à 1997 ;

- les aides personnelles au logement qui ont conduit la branche famille à faire des avances de trésorerie de 4 milliards de francs en 1997 et de 2 milliards de francs en 1998.

M. Jean-Paul Probst a souhaité que l'Etat rembourse immédiatement les sommes que la branche famille avance pour son compte. S'agissant de la majoration de l'ARS, il a considéré qu'il convenait de la prévoir l'année (n-1) dans le budget de l'Etat et dans les comptes prévisionnels de la branche famille.

M. Jean-Paul Probst a considéré qu'il existait une bonne logique dans le financement, par les cotisations sociales et la CSG, des prestations familiales et dans le financement, par l'Etat, des trois minima sociaux (AAH, API, RMI). Le vrai problème réside davantage dans le financement des aides personnelles au logement : chacune des trois aides existantes (ALS, APL, ALF) est financée par des recettes différentes. Il convient par conséquent d'unifier ces trois aides et leur financement.

En conclusion, M. Jean-Paul Probst a souhaité un calendrier d'élaboration du projet de loi de financement de la sécurité sociale moins tendu, une rationalisation des comptes de la CNAF, une cohérence accrue de ces comptes avec la loi de financement et une évolution vers une loi de financement de la sécurité sociale qui fixerait à l'Etat non seulement des objectifs en termes financiers, mais aussi en termes de politiques publiques.

Il s'est enfin interrogé sur les raisons pour lesquelles la CNAF continuait à assurer la gestion du Fonds d'aide et de soutien aux travailleurs immigrés et à leurs familles (FASTIF).

M. Etienne Marie, a estimé que les solutions permettant de consolider plus rapidement les comptes des régimes publics seraient la passation de conventions beaucoup plus précises entre eux et la CNAF (conformément à la convention d'objectifs et la gestion), le versement des cotisations de ces régimes à l'ACOSS et la mise à disposition des sommes nécessaires aux prestations par la CNAF, enfin le service des prestations à leurs ressortissants par les CAF.

Audition de M. Bernard Caron, président du Conseil d'administration, et de M. Jean-Louis Buhl, directeur de l'ACOSS

Précisant qu'il s'exprimait à la fois comme président du Conseil d'administration de l'ACOSS et représentant du MEDEF, M. Bernard Caron a qualifié de " nuancé " son jugement sur l'expérience de trois lois de financement de la sécurité sociale. S'il a considéré que la démarche globale ainsi introduite avait constitué un progrès certain, il a toutefois estimé que le problème fondamental des lois de financement était leur caractère à la fois très éclaté, un peu " bric-à-brac " , et très agrégé, contrairement à la loi de finances qui comportait une présentation détaillée des différentes recettes et dépenses, ce qui contribuait à leur opacité.

Regrettant que l'ONDAM ne soit pas différencié selon les régimes, M. Bernard Caron a jugé qu'il serait utile de faire figurer dans la loi de financement ou dans ses annexes le détail des différents agrégats ainsi qu'un rapprochement des recettes et dépenses pour chaque régime.

Il a constaté que, dans la mesure où rien n'obligeait le Gouvernement à présenter une loi de financement de la sécurité sociale rectificative, aucune information n'était donnée quant à la manière dont on comblait les déficits lorsque les recettes s'avéraient insuffisantes. Il a considéré qu'aucun commissaire aux comptes ne certifierait aujourd'hui les comptes de la sécurité sociale.

Abordant les responsabilités supplémentaires données au Parlement et au Gouvernement par les ordonnances de 1996, M. Bernard Caron a estimé que le rôle des partenaires sociaux consistait essentiellement à faire de la figuration pendant que l'Etat détenait le réel pouvoir de décision. Il a souligné que le MEDEF réclamait depuis la création de la sécurité sociale, en 1945, une clarification des rôles respectifs de l'Etat et des partenaires sociaux. L'Etat, responsable des grands équilibres, doit se contenter de fixer des enveloppes globales et laisser les caisses de sécurité sociale gérer librement ces enveloppes.

M. Bernard Caron a considéré que les conseils d'administration des caisses avaient pour l'essentiel un rôle de conseils d'orientation consultatifs. Leur avis sur les textes législatifs et réglementaires est toujours demandé dans l'urgence et le Gouvernement en tient, en pratique, très rarement compte. Rien n'oblige d'ailleurs l'autorité de tutelle à motiver le non-respect de cet avis, ce qui n'est pas satisfaisant.

Interrogé sur la notion d'équilibre, abordée dans les lois de financement à travers des données très hétérogènes, M. Bernard Caron a considéré que cette situation n'était pas satisfaisante et estimé " nécessaire et indispensable " un véritable équilibre des lois de financement.

Interrogé sur la fiabilité de la répartition des recettes entre branches par l'ACOSS, M. Jean-Louis Buhl a souligné que cette répartition était désormais, depuis le 1 er janvier 1998, strictement comptable grâce au système RACINE. Avant cette date, la répartition s'effectuait au niveau de l'ACOSS, sur des bases statistiques, après encaissement global par les URSSAF. Ce système était à la fois compliqué et lent. Depuis la mise en place du système RACINE, la répartition des recettes par branche se fait dans les URSSAF, avec une précision très fine.

M. Jean-Louis Buhl a précisé que la mise en place de RACINE avait abouti à une répartition des recettes entre branches présentant quelques écarts avec ce qui pouvait être attendu de l'ancienne méthode ; il a convenu que ce changement de méthode avait pu " troubler " mais il a constaté que " la vérité comptable se trouve du côté de RACINE ". Pour l'année 1998, cette répartition a été donnée aux différentes caisses le 15 février 1999. La Commission des comptes de la sécurité sociale peut donc se réunir début mai si les caisses ont arrêté le volet dépenses de leurs comptes à cette date.

M. Jean-Louis Buhl a souligné que l' ACOSS avait su faire face dans les délais à trois réformes successives : la séparation des branches en 1995, la réforme des droits constatés en 1997 et la mise en place de RACINE en 1998.

Après avoir déclaré que RACINE constituait un progrès radical, M. Jean-Louis Buhl a signalé que certains encaissements n'avaient toutefois pas pu être ventilés entre branches pour des raisons techniques (absence de déclaration de l'entreprise, déclaration inexploitable...). Ces sommes s'élèvent à 12 milliards de francs à la fin 1998 et devront être réparties entre branches sur une base forfaitaire avant de faire l'objet d'une régularisation.

A cet égard, M. Bernard Caron a tenu à souligner que, du fait des différentes législations, les déclarations souscrites par les entreprises pouvaient comporter jusqu'à quarante assiettes différentes pour les cotisations, que celles-ci devaient être ensuite réparties entre quatre branches de sorte que l'exercice pour les URSSAF était particulièrement complexe.

Interrogé sur la convention signée entre l'Etat et l'ACOSS en 1995, M. Bernard Caron a expliqué que celle-ci formalisait les dettes de l'Etat à l'égard des caisses de sécurité sociale et prévoyait des échéanciers de remboursement dans un souci d'assurer la neutralité de la charge de trésorerie pour les caisses. L'Etat rembourse ainsi chaque année 60 à 70 milliards de francs d'exonérations de cotisations sociales à l'ACOSS. S'agissant du RMI et de l'AAH, le versement de l'Etat s'opère par douzièmes ; s'agissant des exonérations de cotisations sociales, le remboursement s'effectue selon des échéanciers mensuels ou trimestriels.

M. Bernard Caron a jugé très positif le principe de cette convention et a souhaité que cette dernière intègre également un échéancier des remboursements des aides au logement, afin d'assurer une meilleure neutralité de la charge de trésorerie pour la branche famille.

Mardi 13 avril 1999

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Audition de M. Alain Déniel,
Conseiller-maître à la Cour des comptes

M. Alain Déniel a rappelé les efforts, réalisés depuis vingt ans, visant, d'une part, à aboutir à de véritables comptes de la sécurité sociale, fondés sur des informations juridiquement précises et, d'autre part, à utiliser les comptes dans de meilleures conditions, en accélérant les délais de sortie. Il a rendu hommage à deux personnalités ayant joué un rôle important dans l'histoire des finances sociales : tout d'abord, M. Jean Farge, secrétaire d'Etat à la sécurité sociale, à l'origine de la création de la commission des comptes, et premier responsable politique à s'intéresser aux comptes de la sécurité sociale ; ensuite, M. Jean Marmot, secrétaire général de la commission des comptes de la sécurité sociale de 1986 à 1997, à l'origine de la réforme des droits constatés.

Le rapport Mazars, commandé en 1990 par M. Claude Evin, alors ministre des Affaires sociales, étudiait les possibilités d'une réforme comptable. Cette réforme était une étape nécessaire avant de procéder à l'harmonisation des comptes. La décision d'adopter une comptabilité en droits constatés a été prise en 1994. " La réflexion a eu lieu après la décision " , avec la commission présidée par M. Etienne Delaporte, puis par M. Alain Déniel, réunissant les autorités de tutelle de l'Etat et les agents comptables des caisses concernées. La réforme des droits constatés s'applique au régime général depuis le 1er janvier 1996 et aux autres régimes depuis le 1er janvier 1997. La commission a prolongé ses travaux pour en suivre l'exécution. Les problèmes de mise en oeuvre (par exemple, définition du fait générateur) n'ont pas été très nombreux " en raison de l'application d'un dispositif pragmatique " : la comptabilité des organismes de sécurité sociale n'est pas une comptabilité totalement en droits constatés.

M. Alain Déniel a rappelé que des insuffisances avaient été relevées à de nombreuses reprises, notamment par la Cour des comptes : les plans comptables utilisés sont hétérogènes ; les comptes de la sécurité sociale sont connus très tardivement. La réforme des droits constatés ne surmontait pas ces insuffisances, mais elle constituait une étape essentielle dans la recherche de solutions.

L'article D. 253-52 du code de la sécurité sociale pose le principe de l'utilisation, par les organismes de sécurité sociale, d'un plan comptable unique, particulier au regard des règles de la comptabilité générale. En fait, ce plan comptable unique n'existe pas. La signification et la fiabilité des informations agrégées sont insuffisantes. L'utilité des informations comptables est " relativement douteuse " ; par ailleurs, il n'existe pas traditionnellement de " pression fondamentale pour accélérer la sortie des comptes " , même si les textes actuels obligent les caisses de base à fournir leurs comptes au 1er avril au plus tard et les caisses nationales avant le 30 juin.

Concernant les délais de production des comptes, de graves problèmes demeurent, liés à la centralisation et aux relations inter-régimes. La clôture de l'exercice 1996 a posé de grandes difficultés ; en quelque sorte, la dissolution de l'Assemblée nationale a été providentielle puisqu'elle a permis d'annuler la réunion de la commission des comptes au printemps 1997.

Pour l'exercice 1997, les délais ont été relativement convenables pour le régime général ; en revanche, les comptes des autres régimes ont été connus à la dernière minute. En ce qui concerne l'exercice 1998, il semble que le système RACINE ait relativement bien fonctionné. Il est toutefois nécessaire de renforcer les contrôles et les obligations de délais pesant sur les URSSAF, désormais chargées de ventiler à la source les recettes de la sécurité sociale.

La mission interministérielle chargée de l'harmonisation des plans comptables des organismes de sécurité sociale a pris la suite de la commission chargée du suivi et de l'application des droits constatés. En effet, cette commission finissait par se heurter -au-delà des bonnes volontés de ses participants- à la forte tradition d'autonomie des organismes de sécurité sociale : " pour régler le sujet, il fallait le traiter de manière ambitieuse " avec une impulsion forte des pouvoirs publics. Premièrement, donner une vocation interministérielle à cette mission (Economie et Finances, Emploi et Solidarité) ; deuxièmement, fixer des objectifs clairs : harmonisation des plans comptables, accélération de la sortie des comptes, amélioration de la préparation et du suivi des lois de financement ; troisièmement, annoncer des échéances : le rapport de cette mission sera disponible dès septembre 1999. Entre le 11 mai 1998 (date officielle de l'annonce de la création de cette mission) et le 9 décembre 1998 (débuts effectifs de ses travaux), il a fallu déterminer la composition du comité de pilotage, prévoir les moyens humains nécessaires sous forme de mises à disposition ou de détachements et trouver des locaux.

Invité à recenser les moyens mis à la disposition de la mission, M. Alain Déniel a indiqué qu'ils étaient moins nombreux que ceux prévus initialement :

- un chef de mission ;

- un directeur départemental du Trésor ;

- une secrétaire ;

- quatre agents des caisses (à temps partiel).

Six groupes de travail ont été constitués, se réunissant au rythme d'une réunion tous les quinze jours. M. Alain Déniel aurait souhaité que le ministère des Affaires sociales " puisse participer de manière permanente " aux travaux. Il a regretté que " personne de l'INSEE ne se soit joint pour le moment à la mission " mais le Directeur général de l'INSEE vient de remédier à cette situation.

Puis, M. Alain Déniel est revenu sur les objectifs des travaux de la mission interministérielle.

Le premier objectif est d'harmoniser les plans comptables. Il s'agit de définir des nomenclatures identiques, des schémas d'écriture, un dictionnaire et une comptabilité patrimoniale, ce qui représente " un travail austère " . Le principe de réalité ( " esprit d'efficacité plutôt que d'esthétique comptable " ) guide la mission ; le plan comptable général est le modèle suivi, en l'adaptant aux spécificités de la sécurité sociale.

Le second objectif est l'accélération de la sortie des comptes. M. Alain Déniel a estimé que l'attention portée à ce sujet par le cabinet de Mme la Ministre de l'Emploi et de la Solidarité était un facteur très positif. Les causes de retard ont fait l'objet d'un examen précis. L'ACOSS, avec l'aide du cabinet Mazars, s'efforce de remédier aux retards qui lui sont directement imputables, notamment par l'existence d'une période complémentaire de deux mois.

De façon plus générale, les conditions pour accélérer la sortie des comptes sont les suivantes :

- harmoniser les plans comptables, en réalisant des interfaces informatiques permettant une remontée et une centralisation des comptes en temps réel ;

- sortir de la " routine comptable " , en remettant en cause les calendriers habituels et la culture comptable des organismes de sécurité sociale qui vise à produire des comptes exacts, le " chiffre vrai " ;

- éviter de " confondre l'essentiel et l'accessoire " ; par exemple, la CNAMTS commande pour l'ensemble des caisses d'assurance maladie les feuilles de soins. Cette opération fait l'objet d'imputations comptables extrêmement fines, mais infiniment complexes pour un enjeu financier faible ;

- coordonner le calendrier des caisses nationales. Les réunions fréquentes des agents comptables des caisses nationales, " qui n'avaient pas l'habitude de se voir " , leur font prendre conscience des besoins des autres et de la nécessité de ne pas déterminer leur calendrier selon leurs seules contraintes. Cette prise de conscience s'étend au-delà du régime général puisque le régime agricole, par exemple, a décidé de sortir ses comptes avec trois mois d'avance par rapport à d'habitude.

Interrogé sur l'état d'avancement des travaux de la mission interministérielle, M. Alain Déniel a indiqué que l'échéancier semblait pouvoir être tenu, puisque le plan comptable harmonisé, les schémas des écritures et le dictionnaire comptable seraient probablement disponibles en septembre 1999. Il a rappelé qu'il serait toutefois prématuré de fixer des dates d'obligation de sortie des comptes qui ne seraient pas tenues ou mal tenues. Il importe, en effet, pour que la réforme soit menée à bien, de modifier les systèmes informatiques et de former le personnel. De plus, il est nécessaire de désigner une institution chargée d'assurer la maintenance du plan comptable harmonisé.

Evoquant l'administration de la sécurité sociale, il a remarqué que cette direction cumulait, vis-à-vis des finances sociales, les missions qu'exercent, pour les comptes de l'Etat, la Direction de la comptabilité publique, la Direction de la Prévision, et la Direction du Budget sans disposer, loin s'en faut, de moyens équivalents.

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