9. Situation en République fédérale de Yougoslavie - Intervention de Mme Josette DURRIEU, sénateur (Soc) (Mercredi 29 janvier)

M. Peter BLOETZER, co-rapporteur sur le rapport 7744, considère que ce débat d'urgence, suivi d'une discussion et, espère-t-il, de l'adoption d'un projet de résolution, permettra à l'Assemblée de jouer son rôle de garante des droits de l'homme et de la liberté, mais aussi d'assumer la responsabilité qui est la sienne dans l'application des Accords de Dayton. La République fédérale de Yougoslavie connaît actuellement une crise dont l'issue est incertaine, mais qui peut représenter la chance d'un tournant décisif au bénéfice de la démocratie et de l'Etat de droit.

L'Assemblée doit condamner sans ambiguïté l'annulation du résultat des élections locales de cet automne et exprimer sa solidarité avec une population qui manifeste de façon déterminée et pacifique en faveur de l'Etat de droit. Cependant, il ne lui appartient pas de porter un jugement politique : il ne s'agit que d'encourager le processus démocratique et de défendre les valeurs du Conseil.

L'Assemblée ne saurait non plus accorder trop d'attention à la bonne application des Accords de Dayton, dont le Conseil est co-responsable. Tous les experts s'accordent à penser que la situation ne pourra être stabilisée en Bosnie-Herzégovine sans démocratisation des Etats limitrophes. La communauté internationale se doit donc de tendre la main à la République fédérale de Yougoslavie pour lui ouvrir des perspectives européennes, en souhaitant que cette aide soit acceptée. C'est pourquoi le rapporteur demande à ses collègues d'adopter le projet de résolution.

Mme Josette DURRIEU, sénateur (Soc), prend alors la parole en ces termes :

" A ce stade de notre débat, on peut se permettre de poser un certain nombre de questions de façon brutale. Ma première sera la suivante : M. Milosevic peut-il provoquer de nouveau une guerre dans les Balkans ? Ce pouvoir n'a peut-être pas dit son dernier mot après soixante-dix jours de crise ! Mes collègues ayant bien résumé la situation ; je serai très brève.

M. Milosevic, il est vrai, a perdu une grande partie de sa popularité ; les Etats-Unis semblent ne plus le protéger et le rapport de Felipe Gonzales, présenté à l'OSCE, paraît le désavouer. Cependant, il contrôle encore les médias et il est soutenu par le milieu des affaires. Il bénéficie donc du soutien de l'argent et de la JUL, le parti fondé par sa femme. Il a donc des possibilités de reprendre la situation en main.

En effet, il peut durcir son attitude face à l'opposition, décréter l'état d'urgence et reprendre la politique " panserbe " d'avant 1993 - le slogan passe et passera toujours auprès des nationalistes nombreux dans ce pays - ainsi que faire monter la tension au Kosovo ou provoquer un conflit avec les Albanais. Une nouvelle guerre froidement provoquée pourrait aboutir à la reconstitution d'une cohésion nationale autour de lui.

Par ailleurs, la transition politique peut-elle s'effectuer sans heurts ? Avec ce régime autoritaire et les intérêts en jeu, cela paraît peu probable. Les dernières élections fédérales ou municipales ont montré qu'il y avait eu une très forte abstention. M. Milosevic a obtenu près des deux tiers des sièges serbes au parlement.

Il est évident qu'une bonne partie des manifestants ne sont pas favorables à l'opposition et ne soutiennent pas tous l'opposition " Ensemble ". Les personnes qui protestent aujourd'hui manifestent aussi contre les rigueurs de l'existence et le coût de la vie, si bien que, pour réussir une politique de transition dans ce pays, il ne suffira pas de dire que l'on est contre Milosevic.

La question essentielle est la suivante : l'opposition " Ensemble " a-t-elle la capacité de rassembler tous les opposants ?

Tout d'abord, il convient de noter que les nationalistes sont nombreux dans ses rangs. Il y a également des nationalistes ou d'anciens nationalistes parmi ses leaders. Je cite Draskovic qui a longtemps prôné le nationalisme serbe, mais il s'est maintenant converti au pacifisme et je le crois sincère. Ensuite, les Albanais représentent 20 % de l'électorat et ils ne se rallieront pas facilement aux nationalistes. Enfin, l'autre leader d'" Ensemble ", Zoran Djindjic a été, un temps, proche des Serbes de Pale.

Nous relevons donc beaucoup de points négatifs. Ce qui manque aujourd'hui à cette opposition, c'est un vrai programme, c'est-à-dire une réelle proposition d'alternative qui pousserait Milosevic dehors. Il lui manque également une certaine clarté pour affirmer effectivement sa volonté démocratique, sa volonté de respecter les droits de l'homme et de mettre en oeuvre les Accords de Dayton. Par conséquent, on attend de voir plus clairement affichées les nouvelles convictions de l'opposition.

Je souhaite donc entendre le Conseil de l'Europe affirmer et réaffirmer ses principes fondamentaux qui ne doivent être affaiblis par aucune appréciation politique : le respect des hommes dans leur différence et leur pluralisme, le respect de leurs droits et le respect de la démocratie et de ses institutions.

Le Conseil de l'Europe doit condamner sans hésitation, chaque fois que nécessaire, toutes les formes de violence, xénophobes ou autres, et toutes les méthodes qui arrêtent un processus démocratique en empêchant une élection, que ce soit à Belgrade, à Zagreb, en Albanie ou en Arménie.

Nous devrions dénoncer, de façon plus systématique, les hommes qui procèdent à de tels agissements ; il n'y a pas que Milosevic. Je rappelle que le tribunal international a prononcé soixante-quatorze condamnations, mais qu'il n'a été procédé qu'à huit arrestations.

Fuite ou renoncement : au-delà de notre crédibilité, c'est le devenir de l'Europe et de la paix qui est en jeu. "

La résolution 1110 contenue dans le rapport 7744 est adoptée, amendée.

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