8. Derniers développements en République fédérale de Yougoslavie et situation au Kosovo - Interventions de Mme Josette DURRIEU, sénateur (Soc), et de M. Jacques BAUMEL, député (RPR) (Mercredi 22 avril)

Selon le rapporteur, cette année sera probablement unique dans les annales de l'Assemblée parlementaire qui aura consacré tant de temps à traiter la même question ou presque : la Yougoslavie, la crise dans la région et les répercussions de la crise.

En janvier, lors de l'adoption de la précédente résolution sur cette question, la situation n'était pas sans espoir, tout en restant très dangereuse. En janvier, il a été clairement dit : cette organisation européenne, le Conseil de l'Europe, garde un siège libre pour chaque pays européen, y compris la République fédérale de Yougoslavie.

Il a été dit aussi -non moins clairement- que ces pays pouvaient rejoindre les rangs du Conseil de l'Europe à la condition de remplir les obligations et les engagements spécifiques requis.

Que s'est-il passé d'important depuis mars, depuis l'adoption d'un projet de recommandation par la Commission permanente agissant au nom de l'Assemblée ? Tout d'abord, la table des négociations à Pritina attend toujours les négociateurs. La question concerne la communauté internationale et la population de la Yougoslavie.

Le rapport souligne qu'on ne voit pas de différence en ce qui concerne l'empressement des deux parties à ouvrir la discussion, et que le principal problème réside dans les conditions. La communauté internationale et le Conseil de l'Europe ont clairement exprimé leur point de vue : des négociations sans conditions préalables.

Après l'effondrement de l'ex-République socialiste, la République fédérale de Yougoslavie a demandé à adhérer à l'Organisation en qualité de membre de plein droit. Une procédure est prévue pour tous les pays candidats et elle s'applique aussi à la République fédérale. Le rapporteur souhaite que le Conseil des Ministres accepte et que la réponse à cette candidature soit qu'il faut suivre la procédure normale.

Si la République fédérale de Yougoslavie est en voie de devenir membre du Conseil de l'Europe, celui-ci devrait avoir le privilège de participer aux négociations. Lorsqu'un pays est candidat à l'adhésion, il doit savoir que cette Organisation a certaines préoccupations communes, c'est-à-dire qu'elle a la responsabilité morale et politique de savoir ce qui se passe dans ce pays.

Il ne s'agit donc plus de savoir si le Conseil de l'Europe doit participer, mais de savoir quelle forme cette participation doit prendre.

Mme Josette DURRIEU, sénateur (Soc) , prend alors la parole en ces termes :

" A mon tour, je remercie le rapporteur pour son travail. Comme beaucoup d'orateurs avant moi, je répète que le problème du Kosovo peut, à nouveau, embraser les Balkans. Dans ces conditions, il n'est plus, désormais, seulement interne à la République fédérale de Yougoslavie d'autant qu'il comporte des atteintes aux droits de l'homme, des risques pour la paix et pour l'Europe. Derrière le Kosovo, comme vient de le rappeler l'un des précédents orateurs, se profile la question albanaise car 7 millions d'Albanais sont répartis dans quatre pays.

Non, cette affaire n'est plus simplement serbe. Nous ne l'avons pas voulu, mais elle est aussi devenue la nôtre. C'est probablement la raison pour laquelle le débat a été ouvert, ici, aujourd'hui, et prend cette dimension. La question ne pourra être réglée que par des moyens politiques, par la voie pacifique, donc par le dialogue et la négociation. Un groupe de contact rassemblant six pays - la France, l'Allemagne, l'Angleterre, l'Italie, la Russie et les Etats-Unis - s'est saisi du dossier. La Grèce, pays voisin également concerné, peut être un médiateur d'autant qu'elle assumera prochainement la présidence de l'Union européenne.

Je n'oublie pas que l'histoire du Kosovo est aussi celle de la Serbie. Oui, le Kosovo est une pièce centrale du patrimoine, de l'histoire et de la culture de la Serbie depuis le Moyen-Age, beaucoup d'intervenants l'ont rappelé. Il y a ainsi une référence mythique à ce que certains appellent " la Jérusalem de la Serbie ". Il ne peut donc pas y avoir de solution en dehors de la Serbie, partant pas d'indépendance. On doit cependant en trouver une à l'intérieur de la République fédérale de Yougoslavie, celle de l'autonomie. Sous quelle forme ? Je n'en sais rien. Ce sera l'objet de la négociation. Les accords de Dayton - cela aussi est déjà un peu de l'histoire - ont ignoré, voire oublié, ce problème. Nous devons le régler maintenant. Ne reproduisons pas les mêmes erreurs.

Au centre de tout cela se trouve aujourd'hui un homme. Je suis française et la France est l'amie de la Serbie. La France et l'Allemagne ont demandé ce débat d'urgence. Je n'ai pas envie de pratiquer la langue de bois et je n'en ai pas l'habitude.

Je suis tout à fait prête à convenir que Miloevic, président de la République fédérale de Yougoslavie, a coopéré à la mise en oeuvre des accords de Dayton : c'était aussi son intérêt. Et Miloevic a contribué à stabiliser la république serbe de Bosnie et Herzégovine, c'est une réalité. Mais, enfin ! Le Kosovo est son cheval de bataille depuis longtemps, on peut dire depuis les années 80. Très souvent, cette affaire sert à " entretenir " voire à " récupérer " un nationalisme latent en Serbie - le nationalisme est latent chez tout peuple, le mien comme les autres. Il a mis en mouvement un engrenage redoutable, celui des nationalismes dans l'ensemble de l'ex-Yougoslavie. Aujourd'hui, il continue en se servant du même argument. Nous n'allons pas tomber dans ce piège et faire semblant d'être dupes.

Aujourd'hui, politiquement, en a-t-il besoin ? Je ne le sais pas. Le contexte change : le Monténégro prend ses distances, les critiques du Président sont sévères - ce sont même des condamnations. Je me pose une question, posez-vous la aussi : que reste-t-il du dogme fondateur de la République fédérale de Yougoslavie : " Tous les Serbes unis " ?

Pour conclure, je dirai que la Serbie est un peuple ami. Miloevic n'est pas naïf, il est plutôt cynique. Je dirais qu'il est cynique. Il ne comprend et ne respecte que les rapports de force. Soit, formulons fermement nos exigences : arrêt des violences -de part et d'autre- c'est vrai, retrait des forces spéciales serbes du Kosovo, dialogue sans conditions, tierce partie.

Que M. Miloevic tienne ses engagements pris devant les deux ministres des Affaires étrangères allemand et français il y a trois semaines : négociations en présence d'un représentant du Gouvernement de la Fédération yougoslave de Serbie, c'est-à-dire son représentant. Objectif : l'autonomie du Kosovo au sein de la République serbe. Autre objectif : l'intégration de la République fédérale de Yougoslavie au sein du Conseil de l'Europe.

Alors oui, nous aurons stabilisé la paix. "

M. Jacques BAUMEL, député (RPR) , intervient à son tour dans le débat :

" Je serai d'autant plus bref que la liste des orateurs est longue.

Je voudrais, d'une part, appuyer fermement la proposition de la commission des questions politiques, soutenue par le Bureau, d'inscrire ce débat sur le Kosovo aujourd'hui, et d'autre part, dire mon accord total avec l'excellent rapport de notre président et les amendements qui viennent d'être adoptés en commission.

Dans les couloirs et ailleurs, certains journalistes m'ont demandé pourquoi parler du Kosovo lors de cette session du Conseil de l'Europe ? Eh bien, parce que je pense que nous devons dégager un triple message.

Le premier, c'est que le Conseil de l'Europe apparaisse comme l'assemblée politique qui se préoccupe essentiellement de tout ce qui concerne le droit européen, les droits de l'homme, les libertés et le respect des populations. Nous avons, hélas, dans le passé, trop méconnu ce droit et nous gardons tous un souvenir amer des événements tragiques de Bosnie et Herzégovine. Dieu veuille que nous n'ayons pas la même responsabilité dans l'affaire du Kosovo ! Il vaut toujours mieux traiter ces problèmes avant qu'après.

Le deuxième est destiné aux populations du Kosovo pour leur montrer qu'elles ne sont pas isolées, seules, abandonnées du monde civilisé que, derrière les dramatiques événements qui ont coûté la vie à cent personnes innocentes, femmes et enfants, provoqués par les forces de police et les forces spéciales serbes, il y a la conscience européenne et la volonté de les aider par des voies pacifiques, en soutenant le dialogue et en présentant les propositions, comme le souhaite le groupe de contact.

Toutefois, j'aurais bien voulu entendre de la part de l'orateur qui m'a précédé, une réponse précise à ce groupe de contact qui a fixé au 29 avril prochain, la date limite d'attente des sanctions qui seraient prises si le régime de Belgrade ne répondait pas à sa demande unanime.

Le troisième message s'adresse à la population de Serbie. En effet, nous ne voulons pas assimiler des forces politiques, des intellectuels, des travailleurs et des paysans serbes à la politique particulière du régime de M. Miloevic. Nous ne voulons pas faire de mélange. Nous savons très bien qu'un très grand nombre de Serbes souhaitent la démocratie, dans leur pays comme ailleurs, notamment au Kosovo. Ce serait une tragique erreur que de faire un amalgame entre les forces de l'opposition, qui, malheureusement, se sont trop divisées et ont perdu leur crédibilité, et un régime d'autorité comme celui du Président Miloevic.

Nous avons donc eu raison d'ouvrir ce débat. Je pense qu'une grande majorité des parlementaires européens ici présents approuvera le rapport, qui est un témoignage et un élément important dans cette affaire.

Si, par malheur, le dialogue, les procédés démocratiques, l'accord entre les parties ne pouvaient aboutir, il faudrait non pas s'orienter vers des interventions à partir de telle ou telle volonté extérieure, mais essayer de trouver une solution entre Européens, sans attendre, comme toujours, la solution du grand pays extra-européen que sont les Etats-Unis. Ces problèmes, nous devons les traiter entre Européens. Il y va de notre efficacité et aussi de notre conscience. C'est la raison pour laquelle le débat d'aujourd'hui revêt une telle importance. Il fallait l'inscrire à notre ordre du jour.

Je remercie le président de la commission des questions politiques de nous avoir présenté, grâce à son rapport, un élément important dans ce débat qui nous étreint tous, qui nous concerne tous, car nous sommes tous sensibilisés, impliqués dans cette affaire. Par delà le Kosovo, c'est toute la région des Balkans qui est concernée, c'est le problème de la paix en Europe qui est posé. "

A l'issue du débat, la recommandation 1368, contenue dans le rapport n° 8082 est adoptée, avec amendements.

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