Rapport d'information n° 463 (1998-1999) de M. Gérard LARCHER , fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 30 juin 1999

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N° 463

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999

Annexe au procès-verbal de la séance du 30 juin 1999

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des Affaires économiques et du Plan (1) et du groupe d'étude sur l'avenir de La Poste et des Télécommunications (2) sur les principales évolutions de La Poste et du secteur postal au cours des vingt derniers mois (novembre 1997 - juin 1999),

Par M. Gérard LARCHER,

Sénateur,

(1) Cette commission est composée de : MM. Jean François-Poncet, président ; Philippe François, Jean Huchon, Jean-François Le Grand, Jean-Pierre Raffarin, Jean-Marc Pastor, Pierre Lefebvre, vice-présidents ; Georges Berchet, Jean-Paul Emorine, Léon Fatous, Louis Moinard, secrétaires ; Louis Althapé, Pierre André, Philippe Arnaud, Mme Janine Bardou, MM. Bernard Barraux, Michel Bécot, Jacques Bellanger, Jean Besson, Jean Bizet, Marcel Bony, Jean Boyer, Mme Yolande Boyer, MM. Dominique Braye, Gérard César, Marcel-Pierre Cleach, Gérard Cornu, Roland Courteau, Désiré Debavelaere, Gérard Delfau, Marcel Deneux, Rodolphe Désiré, Michel Doublet, Xavier Dugoin, Bernard Dussaut , Jean-Paul Emin, André Ferrand, Hilaire Flandre, Alain Gérard, François Gerbaud, Charles Ginésy, Serge Godard, Francis Grignon, Louis Grillot, Georges Gruillot, Mme Anne Heinis, MM. Pierre Hérisson, Rémi Herment, Bernard Joly, Alain Journet, Gérard Larcher, Patrick Lassourd, Edmond Lauret, Gérard Le Cam, André Lejeune, Guy Lemaire, Kléber Malécot, Louis Mercier, Bernard Murat, Paul Natali, Jean Pépin, Daniel Percheron, Bernard Piras, Jean-Pierre Plancade, Ladislas Poniatowski, Paul Raoult, Jean-Marie Rausch, Charles Revet, Henri Revol, Roger Rinchet, Jean-Jacques Robert, Josselin de Rohan, Raymond Soucaret, Michel Souplet, Mme Odette Terrade, MM. Michel Teston, Pierre-Yvon Trémel, Henri Weber.

(2) Ce groupe d'étude est composé de : MM. Gérard Larcher, président ;
Pierre Hérisson, François Trucy, Paul Girod, Jean-Marc Pastor, Pierre Lefebvre, Philippe Adnot, vice-présidents ; Louis Althapé, secrétaire ; Pierre André, Jacques Bellanger, Janine Bardou, Désiré Debavelaere, François Gerbaud, Alain Gournac,
Jean Huchon, Jean-Paul Hugot, Roger Husson, Serge Lagauche, Edmond Lauret, Gérard
Le Cam, Jacques Oudin, Michel Pelchat, Danièle Pourtaud, René Trégouët, Pierre-Yvon Trémel.

Poste et Télécommunications.

RÉSUMÉ DU RAPPORT

Rappel des thèses de 1997

La présente publication commence par rappeler les analyses et les propositions du rapport « Sauver La Poste : devoir politique, impératif économique » présenté en octobre 1997, il y a vingt mois.

Celui-ci portait un diagnostic : La Poste, arrivée à la croisée des chemins, se trouve, en définitive, écartelée entre deux pôles d'attraction :

- celui de la globalisation de l'économie et des industries de la communication qui lui impose de s'engager hors de notre territoire et de développer de nouvelles activités, notamment dans les services électroniques ;

- celui du service public et de la présence territoriale qui l'enracine dans nos frontières et exige, au nom de nos valeurs républicaines, la poursuite modernisée de ses missions traditionnelles.

Se trouvaient ensuite présentées quelques 50 propositions argumentées qui traçaient un chemin politique prenant en compte l'ensemble des contraintes recensées et visant à permettre à La Poste de répondre à ce double défi dans le maintien de son unité. Ces propositions sont résumées dans le présent rapport.

Le constat du rapport de 1999

Ce rapport expose à grands traits les principales évolutions de La Poste et du secteur postal européen au cours des vingt derniers mois. Il met en évidence l'ampleur du contraste entre l'évolution de la situation en France et ailleurs en Europe.

Dans notre pays, les changements s'opèrent au ralenti . Le contrat de plan Etat/Poste 1998-2001 pèche par défaut d'ambition. Aucune loi d'orientation postale n'est encore élaborée. La transposition de la partie de la directive postale relative au service public s'est faite « à la sauvette » par un amendement à la loi pour l'aménagement du territoire. Et, à La Poste, en dépit d'avancées dans la bonne direction (Denkhaus, Coelo, ...), les résultats demeurent un peu poussifs.

En Europe, le processus d'encadrement juridique du secteur s'est enlisé mais les mouvements économiques en cours ne laissent guère de doute : avec le développement de la messagerie et de la logistique, le secteur postal est entré dans l'ère de la mondialisation , avec ses exigences de taille critique, de réseau planétaire et de forte capacité capitalisque pour ceux qui veulent y compter. Par ailleurs, le décollage du commerce électronique paraît de nature à offrir de superbes opportunités aux postes historiques.

Dans ce contexte, trois d'entre elles semblent avoir pris conscience de l'importance des bouleversements en cours : la néerlandaise, l'allemande et la britannique. Elles ont pris les moyens de s'y adapter et d'en tirer avantage, tout en continuant à assurer un service universel de qualité. Elles ont procédé à des réformes structurelles, développent leur chiffre d'affaires et accroissent leurs bénéfices. Ces derniers temps, elles ont consacré ou annoncé qu'elles consacreraient de l'ordre de 15 milliards de francs à des opérations de croissance externe, leur assurant de prendre des positions solides sur des marchés porteurs d'avenir (l'international, l'express, le monocolis, la logistique).

Face à ces trois grands, notre poste apparaît un peu fluette avec son milliard et demi d'investissements sur les mêmes créneaux. Ralentie dans son adaptation par des débats trop idéologiques, elle paraît continuer à marcher à pas lent quand ses concurrents avancent au pas de course. Le décalage des rythmes de progression est désormais flagrant . Sans réaction rapide, ce décalage peut être de nature à condamner notre poste à n'être qu'une sous-traitante régionale du marché postal mondial de demain, à limiter ses ambitions de service public et à fragiliser ses emplois.

Les propositions

1) Nouer une alliance internationale dans la messagerie en ouvrant le capital de Coelo , le holding colis et logistique de La Poste, à un partenaire étranger disposant des moyens d'un réseau mondial.

2) Ouvrir clairement le débat sur la transformation de La Poste en société anonyme à capitaux publics, dans le cadre notamment de la discussion de la loi d'orientation postale à établir pour éclairer l'avenir.

3) Création avec un grand partenaire informatique (France Télécom, Cégétel, ...) d'une filiale commune dédiée à la construction et à la gestion d'une plate-forme de commerce électronique, comportant la déclinaison par La Poste d'une gamme de prestations logistiques et financières ; cette plate-forme aurait vocation à servir d'hôte à des PME soucieuses de vendre sur Internet mais peu désireuses d'avoir à assurer l'intendance de leur vitrine électronique.

4) Parallèlement, à l'instar de la poste allemande, développement d'une offre logistique intégrée à l'intention des PME et des grandes entreprises ayant créé leur propre site de commerce électronique.

5) Prendre toutes les initiatives nécessaires pour que le programme de réglementation postale fixé par la directive de 1997 soit poursuivi dès l'installation de la nouvelle Commission européenne, afin d'éviter des débordements du marché de nature à perturber le service universel.

6) Instituer un régulateur postal autonome recevant compétence exclusive sur le secteur du courrier, les services financiers entrant dans le cadre des attributions du Conseil de la concurrence.

7) Se conformer aux exigences du droit européen relatives à la séparation des comptes des activités sous monopole et des autres, ainsi qu'à l'individualisation comptable des activités de service universel.

8) Réfléchir à une hausse temporaire du prix du timbre pour disposer de nouvelles marges de manoeuvre.

9) Créer un service universel bancaire minimum pour les ménages les plus modestes et en faire reposer le financement sur le principe du « pay or play » , ce qui permettrait à La Poste d'être en partie compensée des charges que lui impose son action en ce domaine.

10) Pour aider à l'aménagement postal du territoire , élargir la diffusion des produits postaux en acceptant le développement de leurs ventes dans des réseaux commerciaux, aménager les horaires des points de contact postaux en fonction de la fréquentation réelle du public et faire de La Poste un acteur central des maisons de service public.

11) Clarifier les compétences des divers échelons territoriaux pour favoriser la mobilisation des cadres de terrain et, par là même, la définition d'un projet conquérant d'entreprise à même d'entraîner tous les personnels.

12) Pour permettre de mieux impliquer les élus dans la revitalisation postale des territoires, envisager des partenariats institutionnels entre La Poste et les collectivités locales pouvant prendre la forme de sociétés d'économie mixte locales .

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le rapport « Sauver La Poste : devoir politique, impératif économique » 1 ( * ) présenté le 21 octobre 1997, par votre Commission des Affaires économiques et du Plan et votre groupe d'études sur l'avenir de La Poste et des Télécommunications 2 ( * ) , avait une double ambition.

En premier lieu, il s'attachait à établir, sur la base d'une analyse technique détaillée, un diagnostic de la situation de cette grande entreprise publique en décrivant l'importance de ses missions de services public et de son poids social et économique mais aussi ses atouts, ses handicaps, les défis qu'elle avait à relever et les perspectives qui s'ouvraient à elle. Il proposait, en second lieu, un ensemble de mesures composant une politique à même d'assurer à notre Poste un avenir conquérant et de renforcer, par voie de conséquence, notre économie et l'aménagement de nos territoires.

Ce document a alimenté beaucoup de débats et des réflexions dont le secteur postal a été l'objet depuis 1997. Il a notamment, en mai 1998, guidé l'action d'une partie des membres de la Commission supérieure du service public des Postes et Télécommunications, lors de l'examen, par cette instance, du contrat de plan entre l'Etat et La Poste pour la période 1998-2001.

Parallèlement, votre groupe d'études et votre commission sont restés très attentifs à l'évolution des dossiers postaux.

En 1998, dans le cadre du suivi, par le groupe d'études, de la préparation par le Gouvernement du contrat de plan précité, votre rapporteur, en sa qualité de Président dudit groupe, et M. Pierre Hérisson 3 ( * ) , en sa qualité de Vice-Président, ont procédé à douze auditions englobant notamment tous les partenaires sociaux.

Au cours des premiers mois de l'année 1999, votre commission et votre groupe d'études ont procédé, en commun, à un programme d'auditions qui leur a permis d'entendre le Président et le Directeur général de La Poste, le secrétaire d'Etat à l'Industrie et les représentants de deux grands opérateurs internationaux : le président de la poste hollandaise et le vice-président de la société américaine United Parcel Service (UPS).

Votre rapporteur s'est ensuite déplacé à Bruxelles où il a rencontré M. Karel Van Miert, Commissaire européen chargé de la concurrence, et ses principaux collaborateurs, ainsi que le Directeur général des services en charge des questions postales (DG XIII) 4 ( * ) . Il a également participé à un forum très instructif organisé, sur sa suggestion, par le quotidien régional l'Est Républicain sur la place de La Poste en milieu rural.

Enfin, une conférence-débat, placée sous le haut patronage de M. Christian Poncet, Président du Sénat, s'est tenue au Palais du Luxembourg, le 2 juin dernier, à l'initiative de votre groupe d'études. Cette conférence-débat dont le thème était « Postes Europe Territoires » a rassemblé plus de 200 participants autour d'une vingtaine d'intervenants européens, parmi lesquels six parlementaires français et anglais, des dirigeants de trois postes nationales, des représentants de syndicats de postiers français, anglais et néerlandais, ainsi que des chefs d'entreprises de divers horizons 5 ( * ) .

L'ensemble de ces travaux 6 ( * ) tout comme les changements survenus dans le domaine postal au cours des vingt derniers mois tendent à conforter l'essentiel des positions défendues dans le rapport « Sauver La Poste » , rappelées au début des développement qui vont suivre. Cependant, la rapidité de certaines des évolutions enregistrées impose de procéder à une brève actualisation des informations et des propositions qu'il contenait, tout particulièrement afin de souligner l'urgence des mesures à prendre.

Tel est l'objet du présent rapport. Il a été adopté, par la Commission des Affaires économiques et du Plan et le Groupe d'études sur l'avenir de La Poste et des Télécommunications, le mercredi 30 juin 1999.

Ses conclusions et les faits qui les inspirent sont exposés ci-après.

CHAPITRE IER - LES ANALYSES ET LES PROPOSITIONS FORMULÉES EN 1997

Le message postal lancé par le Sénat en 1997 contenait, d'une part, un avis d'alarme et, d'autre part, un appel à la mobilisation.

L'avis d'alarme s'expliquait par les menaces planant sur l'avenir de La Poste. De fait, l'état des lieux dressé après un an et demi d'investigations 7 ( * ) , augurait d'un avenir inquiétant, sauf si des mesures adaptées étaient prises rapidement.

L'appel à la mobilisation préconisait, en conséquence, une politique vigoureuse. Il était emprunt d'optimisme si celle-ci était mise en oeuvre. Dix-huit mois après, cet optimisme est devenu interrogatif.

I. LES ANALYSES : UNE BELLE ENTREPRISE DE SERVICE PUBLIC CONFRONTÉE À DES DÉFIS QUI PEUVENT ÊTRE MORTELS

A. UNE BELLE ENTREPRISE DE SERVICE PUBLIC

1. Une entreprise imposante

Premier employeur du secteur marchand (1,4 % des emplois nationaux), troisième employeur de France (après les ministères de l'Education nationale et de la Défense), La Poste figure régulièrement dans les 20 premières entreprises françaises par l'importance du chiffre d'affaires.

Elle est un acteur clef de l'économie nationale et locale du fait de cette stature financière et sociale mais, aussi, en raison des relations d'interdépendance qu'elle entretient avec les entreprises (94 % de ses activités de courrier) comme avec les territoires (17.000 points de contact). Cette place économique centrale est également due au fait que ses deux métiers -le courrier et les services financiers- sont un élément essentiel de la compétitivité du pays et de la fluidité de ses flux d'échanges.

La Poste est une belle entreprise, riche du savoir-faire des hommes et des femmes qui la composent, de la lucidité de ses dirigeants, de la confiance que lui témoignent les Français et de sa réputation à l'étranger.

Notre opérateur public a d'ailleurs su consolider ces atouts. Il a modernisé ses outils de production (automatisation du tri, réseau sécurisé d'acheminement des colis, développement des télécommunications internes,..) Il a commencé à acquérir -lentement mais résolument- un réel esprit d'entreprise au travers de la gestion de ses ressources humaines, d'une écoute plus dynamique de sa clientèle, d'un enrichissement et d'une diversification commerciale de sa gamme de produits financiers ou de courrier (Dilipack pour les colis d'entreprise, « prêt à poster », « poste livre »...).

2. Un géant du service public

Pionnier -depuis août 1848- de la péréquation tarifaire géographique, aïeul -toujours alerte- des services publics de la vie quotidienne, le courrier n'est pas la seule mission d'intérêt général assumée par La Poste.

Premier distributeur de la presse, elle est aussi un vecteur important de la démocratie.

Sa contribution massive à l'aménagement du territoire est attestée par l'importance de son réseau, tout comme par la fréquence des tournées des facteurs dans les endroits les plus reculés. Enfin, en ouvrant sans aucun ostracisme ses guichets financiers aux plus démunis, elle participe fortement à l'endiguement de la marginalisation sociale des populations fragiles.

Certes, ces deux dernières missions ne sont pas qualifiées de service public au sens juridique du terme. Cependant, elles correspondent indéniablement à la perception courante de cette notion par l'opinion.

Il en découle que, pour les Français, La Poste est un « prestataire polyvalent » de services publics. Son nom et son image sont, de ce fait et à juste titre, liés de manière indissociable à ce type d'activité.

La Poste est au coeur du service public.

B. DES DÉFIS MENAÇANTS

Les défis auxquels est confrontée notre poste peuvent se résumer sous forme de syllogisme :

Quoi qu'elle ait commencé à changer depuis plusieurs années, elle bouge moins vite que l'environnement en mutation dans lequel elle s'inscrit.

Il en résulte un retard d'adaptation qui se creuse et qui nécessite un effort de rattrapage pour assurer l'avenir.

Cet effort est entravé par des handicaps structurels et financiers.

1. Un quadruple ébranlement

L'ébranlement des positions séculaires occupées par La Poste dans notre pays prend plusieurs formes. Il est à la fois technologique, économique, juridique et culturel. Mais, il a un seul nom : « concurrence ».

Les nouvelles technologies de l'information (minitel, télécopie, fax, édition de données informatiques, courrier électronique, Internet, ...) engendrent des produits de substitution au courrier classique.

Certes, ce phénomène tend à accroître le marché global de la communication et n'est donc pas immédiatement défavorable à une entreprise qui en est un acteur majeur. Certains considèrent ainsi que l'ouverture de la concurrence dans les télécommunications françaises, en janvier 1998, a contribué à accroître les volumes de courrier en raison de l'importance des flux de publicité adressée que cela a entraîné.

Cependant, à terme, lorsque la diffusion des équipements informatiques sera telle que ces nouvelles technologies atteindront un degré d'universalité comparable à la lettre, des bouleversements structurels apparaissent probables. D'ores et déjà, on estime que le déploiement en France du réseau « social-santé » pourrait aboutir en quelques années à un transfert de trafic de 3 à 5 % du chiffre d'affaires de La Poste.

Par ailleurs, la concentration de la demande dans le courrier -les cinq premiers clients de La Poste lui assurent 10 % de son chiffre d'affaires 8 ( * ) -, le développement spectaculaire de la messagerie, l'émergence d'opérateurs privés efficaces et la sortie hors de leurs frontières de postes nationales s'étant réformées transforment profondément la donne économique du marché postal classique.

En outre, les décisions prises au sein de l'Union européenne programment une réduction progressive du monopole juridique du courrier sur lequel s'est, pour une grande part, fondée la prospérité de notre Poste. Ceci s'accompagnant d'une interdiction de fait du financement d'autres misions d'intérêt général au travers du monopole, le temps des facilités financières ouvertes à l'Etat et à La Poste au moyen des hausses du prix du timbre est désormais révolu .

Au total, le secteur du courrier est en train de basculer dans l'économie de l'information mondialisée qui s'annonce comme l'avenir de nos sociétés industrielles. Or, cela constitue pour notre Poste un choc de nature identitaire . Dans ce nouveau contexte, il lui faut, en effet, apprendre à conserver sa culture de service public -si précieuse à la Nation- en renonçant à la fonder exclusivement sur des réflexes monopolistiques enracinés par des siècles de pratiques administratives.

2. Un triple handicap

Trois handicaps entravent la capacité de réaction de La Poste à l'ébranlement concurrentiel.

Tout d'abord, trop souvent les postiers -comme d'ailleurs la plupart des Français- n'ont pas suffisamment conscience de la rapidité des changements qui s'opèrent autour d'eux, dans leurs domaines d'activité traditionnels.

Ensuite, les rigidités structurelles et sociales que connaît l'entreprise postale hypothèquent sa réactivité. Ses pesanteurs organisationnelles sont lourdes. Les atteintes parfois graves que l'exercice du droit de grève porte à la continuité du service public, le caractère parfois erratique de la qualité des prestations tendent à rebuter la clientèle, surtout celle des entreprises. L'inégalité des statuts -où la plus grande précarité côtoie la plus grande stabilité- attribués aux personnels pour assurer des tâches équivalentes fragilisent encore sérieusement l'unité sociale de l'opérateur malgré des progrès récents.

Surtout, le rapport de 1997 met en évidence le poids considérable des charges qui découlent du coût d'entretien (4,5 milliards de francs) d'un réseau immobilier pour partie peu fréquenté 9 ( * ) , du paiement de la totalité des pensions de retraite des anciens postiers fonctionnaires (600 millions d'accroissement cumulatif par an ou, si l'on préfère, 360 10 ( * ) milliards de francs de 1997 à 2015) et, d'une manière générale, d'un insuffisant soutien de l'Etat pour des missions relevant à l'évidence de l'intérêt général (coût du transport de la presse, gestion sociale du livret A : plusieurs milliards par an). Or, toutes ces charges représentaient en 1996 -hors retraites- un coût net 11 ( * ) de plus de 8 milliards de francs par an . Elles s'accumulent sur La Poste dans un contexte où celle-ci a de moins en moins de marge de manoeuvre : résultats faiblement excédentaires -voire déficitaires il y a encore peu-, fort endettement, prix du timbre déjà très élevé, tendance à un assujettissement à la fiscalité de droit commun.

II. LES PROPOSITIONS : ADOPTER UNE STRATÉGIE CONQUÉRANTE ET INNOVANTE

Le caractère inquiétant de l'état des lieux établi en 1997 s'est trouvé, depuis, reconnu par d'autres. Ainsi, dans l'ouvrage qu'il a publié cette année, notre collègue Gérard Delfau, Sénateur de l'Hérault 12 ( * ) , écrit « J'aimerais aussi pouvoir émouvoir quelques leaders d'opinion, et leur dire : sous vos yeux, La Poste que vous aimez risque de disparaître » 13 ( * ) .

Cependant, pour votre commission et votre groupe d'études, l'appréciation pessimiste portée sur la situation il y a vingt mois se trouvait tempérée par la conviction que, dans la société de communication de demain, les activités de nature postale pouvaient avoir un brillant avenir.

A. LES VOIES DE L'AVENIR

Les compétences et l'image de marque reconnue des postes historiques ne leur permettent-elles pas de s'imposer sur Internet ? Ne sont-elles pas à même d'assurer, par exemple, la fiabilité des « E-mail » les plus sensibles ou la livraison des commandes du commerce électronique ? La mondialisation de l'économie, la gestion en flux tendus des stocks et des ventes des entreprises n'offrent-elles pas à notre poste des opportunités dans des secteurs actuellement en expansion rapide ? Avec ses compétences et celles de son réseau, ne peut-elle pas caresser l'ambition de se tailler une place respectable sur le marché international du fret express et de la logistique , c'est-à-dire le transport rapide et sécurisé, partout sur la planète, de paquets contenant des pièces détachées ou des produits finis à forte valeur ajoutée ?

Le rapport « Sauver La Poste : devoir politique, impératif économique » affirmait explicitement que les voies de l'avenir étaient là. Fort de cette perspective, il estimait que La Poste était arrivée à la croisée des chemins et qu'elle se trouvait, en définitive, écartelée entre deux pôles d'attraction :

- celui de la globalisation de l'économie et des industries de la communication qui lui impose de s'engager hors de notre territoire et de développer de nouvelles activités, notamment dans les services électroniques ;

- celui du service public et de la présence territoriale qui l'enracine dans nos frontières et exige, au nom de nos valeurs républicaines, la poursuite modernisée de ses missions traditionnelles.

L'ensemble des quelque 50 propositions avancées par le rapport traçait un chemin politique prenant en compte l'ensemble des contraintes recensées et visant à permettre à La Poste de satisfaire à cette double ambition en maintenant son unité.

B. LES MOYENS DE LA CONSTRUCTION

1. Trois axes stratégiques

L'ensemble des mesures préconisées se trouvait organisé autour de trois préoccupations centrales :

Le développement d'alliances internationales (en Europe avec la poste allemande puis, avec elle et un grand intégrateur, pour les autres continents) afin de prendre pied sur le marché de la messagerie transfrontière avant qu'il ne soit trop tard, cette priorité devant amener à poser la question de la transformation de La Poste en société anonyme à capitaux publics.

Une dynamisation du réseau et du service public postal impliquant les élus locaux, afin de mieux revitaliser les territoires.

L'élaboration d'une loi d'orientation pour clarifier les objectifs à atteindre et donner un cadre à une marche conquérante.

Sur le premier point, l'alliance souhaitée avec la poste allemande n'est désormais plus possible puisque celle-ci a développé, seule, la stratégie qui était recommandée à deux. Mais la validité de l'orientation recommandée est plus que jamais d'actualité. Elle se trouve d'ailleurs confirmée, a posteriori, par les décisions prises de l'autre côté du Rhin.

Sur le second point, bien peu a été fait. Sur le dernier, en lieu et place d'une loi d'orientation, on n'a vu apparaître jusqu'ici qu'un amendement au projet de loi pour l'aménagement du territoire.

2. Plus de cinquante propositions argumentées

Il serait hors de propos de reproduire ici le détail des mesures demandées il y a vingt mois. Il apparaît toutefois utile, pour mémoire mais aussi pour faire prendre conscience du temps perdu, de rappeler leurs grandes lignes et leurs différents points d'application.

1) Initiatives européennes : lutter contre le repostage par une action diplomatique ciblée et proposer la création d'un timbre à valeur unique pour le courrier entre les Etats-membres : l'euro-timbre , assis sur un fonds de péréquation postale européenne.

2) Développer une stratégie internationale d'alliances selon les modalités rappelées ci-dessus.

3) Adopter, avant fin 1998, une loi d'orientation postale traduisant, dans notre législation, non seulement les dispositions de la directive européenne, mais aussi un grand nombre des propositions avancées ci-après.

4) Statut de La Poste : exclure sa privatisation, qui se heurterait d'ailleurs à des dispositions constitutionnelles, mais réfléchir à sa sociétisation, c'est-à-dire sa transformation en entreprise nationalisée sous forme de société anonyme détenue par l'Etat dans la perspective de la réalisation d'alliances internationales.

5) Définir un service public ambitieux :

- utiliser les marges de flexibilité offertes par la directive postale, notamment en définissant un périmètre du monopole du courrier aussi étendu que permis, et faire mieux respecter le monopole en créant un corps d'inspecteurs assermentés de La Poste ;

- confier à La Poste l'habilitation publique de la certification postale électronique restant à établir.

6) Le réseau de La Poste :

- valoriser le réseau immobilier par une démarche centrée sur l'identification locale des besoins, par une transformation des guichets les moins fréquentés en points d'appui d'offres commerciales à domicile, par la recherche de nouveaux partenariats publics, par l'examen de l'intérêt d'une polyactivité postale ;

- reformater le réseau immobilier, le compléter par un service postal mobile ;

- multiplier les partenariats entrepreneuriaux , tant au niveau national que local, pour développer les canaux de contact avec la clientèle, notamment par un partenariat avec les commerces ruraux ;

- définir dans la loi d'orientation postale préconisée des objectifs en termes de temps d'accès au service postal ;

- renforcer les responsabilités postales des élus locaux , notamment en les associant étroitement à l'adaptation aux réalités locales des orientations de la future loi postale ;

- assurer le soutien financier de l'Etat en maintenant les abattements fiscaux accordés à La Poste pour sa contribution à l'aménagement du territoire et en affectant une partie du produit de la taxe professionnelle de France Télécom à un Fonds géré de manière paritaire par les élus et l'Etat , permettant de mobiliser plus de 2,5 milliards de francs par an ;

- garantir aux élus locaux qu'il n'y aura pas de « marché de dupes » en renforçant la relocalisation de services de La Poste dans les zones rurales et en organisant des instances de rencontre Poste-élus permettant d'ouvrir le dialogue et l'examen en commun des problèmes.

7) Dépasser les paradoxes de l'aide postale à la presse , notamment en établissant la vérité des coûts, en poursuivant dans la voie du ciblage sur la presse d'opinion et en développant les relations commerciales avec les autres éditeurs.

8) Conforter les compétences financières de La Poste :

- confirmer le périmètre actuel des services financiers en appliquant la loi de 1990, toute la loi de 1990, rien que la loi de 1990 , tout en veillant cependant à ne pas ébranler le marché par des actions commerciales brutales ;

- maintenir le duopole de la collecte du livret A, en s'opposant à sa banalisation et en affirmant clairement la mission de cohésion sociale accomplie par La Poste par son inscription dans la loi d'orientation ;

9) Clarifier les relations financières entre l'Etat et La Poste dans le cadre d'un prochain contrat de plan de quatre ans, tout particulièrement en permettant à La Poste de mieux couvrir les coûts de la collecte des CCP et en examinant son éventuel assujettissement à la TVA lors de la discussion de la loi d'orientation postale.

10) Les retraites des postiers :

- traiter le problème pour 1998 et se fixer comme objectif d'ajuster les charges de retraites de La Poste sur les prélèvements sociaux de droit commun ;

- gager la soulte que La Poste acquitterait en contrepartie à l'Etat et à la collectivité des contribuables sur une meilleure continuité du service public postal, mais aussi sur une seconde tranche d'ouverture du capital de France Télécom au public.

11) Assurer la continuité du service public postal

- respecter préalablement à toute grève un préavis d'une durée minimale, comme l'impose la loi ;

-  mettre ce délai à profit pour engager des négociations et, en cas de blocage de ces négociations, recourir à un médiateur ;

- maintenir le réseau B qui fiabilise les infrastructures de tri et mieux indemniser les entreprises clientes du préjudice subi du fait d'une grève.

12) Mobiliser les personnels :

- améliorer la communication interne à l'entreprise pour donner aux postiers la visibilité indispensable à leur mobilisation ;

- confirmer la priorité donnée à la formation aux nouveaux métiers, développer une politique ambitieuse de stages des cadres de La Poste dans d'autres entreprises publiques mais aussi dans le secteur privé, embaucher davantage de cadres issus d'entreprises privées ;

- développer des formules d'intéressement du personnel à la bonne marche de l'entreprise.

CHAPITRE II - LES PRINCIPALES ÉVOLUTIONS SURVENUES EN 1998 ET 1999

L'examen des vingt mois écoulés depuis la publication de « Sauver La Poste » fait apparaître un contraste saisissant entre l'évolution de la situation en France et ailleurs en Europe.

Certes, au plan normatif, si peu a été fait en France, c'est aussi le cas dans d'autres pays de l'Union. Il est vrai également que la Commission de Bruxelles n'a pas tenu les délais qu'elle s'était fixés pour préciser le cadre réglementaire commun qu'elle a commencé à dessiner.

Mais alors que La Poste continue à avancer à petit pas sur le chemin de l'adaptation à la nouvelle donne postale, d'autres n'ont pas cette timidité. Le paysage postal européen et français est en voie de recomposition accélérée sous l'effet des initiatives de la poste allemande, mais aussi des investissements de la poste hollandaise et des annonces de la poste britannique.

I. EN FRANCE : UN MOUVEMENT AU RALENTI

Le caractère semi « cotonneux » des réactions françaises aux transformations du monde postal se vérifie, en premier lieu, dans les décisions de nature normative qui ont été prises mais aussi, quoique dans une moindre mesure ces derniers mois, au vu de la situation de notre opérateur public.

A. AU PLAN NORMATIF : LA DÉCEPTION

1. Un contrat de plan insuffisamment ambitieux

Superbe occasion pour dynamiser l'élan des 300.000 salariés de La Poste autour de l'amélioration du service public et de l'adaptation de l'entreprise au basculement concurrentiel, le contrat de plan 1998-2001 14 ( * ) s'est, en définitive, révélé une occasion largement manquée .

Bien sûr, il n'est pas sans comporter des points positifs. Mais, signé le 25 juin 1998 alors qu'il avait vocation à s'appliquer dès le début de l'année, élaboré sans réelle concertation avec les partenaires sociaux, ne contribuant que très modérément à desserrer l'étau financier qui immobilise La Poste, force est de constater qu'il manque de souffle et n'est pas à la hauteur des véritables enjeux.

a) Quelques points positifs

Au plan symbolique, il affiche un certain nombre de déclarations d'intention. Beaucoup vont dans le sens de ce qu'avait souhaité le Sénat en 1997. L'Etat s'engage, lors de la transposition de la directive postale, à définir le service universel assuré par La Poste et à délimiter le secteur qui lui sera réservé de manière à lui permettre d'accomplir sa mission de service public dans les meilleures conditions. Le renforcement de la position de La Poste dans le domaine des colis est affirmé. Une clause prévoit une saisine par l'Etat de la Commission européenne pour mettre en oeuvre une rationalisation des systèmes de frais terminaux, seul moyen d'enrayer cette forme postale du piratage qui est le repostage.

Cependant , trop souvent, ces orientations louables restent de simples pétitions de principe, faute de l'indication des moyens prévus pour leur mise en oeuvre . Ainsi en va-t-il de l'inscription des nouvelles technologies au coeur des métiers de La Poste, qui est considérée comme un axe prioritaire de développement. Il en est de même de la réduction de la précarité des conditions d'emploi des agents contractuels qui doit principalement faire « l'objet d'un suivi particulier de la part de l'entreprise ». La diversification de l'offre postale dans le domaine de l'assurance de personnes -pourtant conforme à la loi de 1990- doit s'opérer selon des « modalités qui seront définies avec ses tutelles ».

Plus concrètement, La Poste s'engage au maintien du prix du timbre et de ses autres tarifs à leurs montants actuels, ainsi qu'à des objectifs de qualité de service assez ambitieux. Parallèlement, la durée du contrat de plan passe de 3 ans à 4 ans, ce qui présente notamment l'avantage de mieux harmoniser sa périodicité avec les échéances fixées par la réglementation européenne.

Force est toutefois de constater que ce contrat de plan ne comporte que trois mesures d'importance :

- la stabilisation en francs constants au niveau de 1997, des charges de retraites dues pendant chacune des années du contrat de plan ;

- la suppression progressive (de 1999 à 2004) de l'obligation pour La Poste de verser au Trésor les avoirs créditeurs des titulaires des CCP ;

- la création dans les départements de commissions de présence postale, afin de permettre une clarification des rôles des différents partenaires dans l'évolution du réseau des points de contact.

b) Un manque de souffle indéniable

La commission supérieure du service public des postes et télécommunications a été saisie pour avis du projet de contrat de plan. Dans le cadre de leurs fonctions au sein de cette instance, votre rapporteur et M. Pierre Hérisson, sénateur de Haute-Savoie, vice-président de votre groupe d'études, ont proposé plus de trente amendements. La commission en a retenu un grand nombre mais la plupart, dont les plus importants, ont été écartés dans le document définitif.

Pourtant, les faiblesses du dispositif retenu sont nombreuses et conséquentes.

L'épée de Damoclès que constituent les charges de retraite des postiers 15 ( * ) reste suspendue sur les comptes de La Poste après 2001. Aucun soutien financier à la modernisation du réseau postal n'est accordé par l'Etat, ce qui, au travers des commissions de présence postale, aboutit à faire supporter tout effort en ce sens à La Poste et aux collectivités locales concernées.

Par ailleurs, le montant de l'aide que l'Etat doit verser à La Poste, en vertu des accords Galmot, au titre du transport et de la distribution de la presse est réduit arbitrairement de 50 millions de francs en 1998 et 1999.

Surtout, aucun horizon stratégique n'est ouvert à La Poste en matière d'alliances internationales lui permettant de s'affirmer sur le marché mondial de la messagerie. Ses compétences financières demeurent bridées en deçà de ce que lui reconnaît la loi du 2 juillet 1990 relative à La Poste et aux télécommunications. Aucune réponse de l'Etat n'est faite à la proposition audacieuse 16 ( * ) de rachat du Crédit Foncier qui a été déposée le 22 avril 1998 -deux mois avant la signature du contrat de plan- par La Poste, alliée au groupe GMF. Rien de tangible n'est défini dans le domaine du commerce et du courrier électroniques.

La dotation en capital de l'entreprise n'est pas envisagée, alors que nombre de ses homologues disposent désormais du statut de société anonyme et qu'elle est placée sur un marché qui tend à devenir de plus en plus capitalistique. Et, bien que tous les partenaires sociaux réclamaient une mesure en ce sens, aucune aide à la mise en oeuvre des 35 heures ne lui est accordée alors que ses concurrents pourraient en bénéficier.

Au total, c'est une vision frileuse et attentiste de l'évolution de l'opérateur public que traduit ce contrat de plan. L'impasse a été faite sur la plupart des points stratégiques fondamentaux (développement international, dotation en capital, solution pérenne pour les charges de retraite, coût de la mise en oeuvre des 35 heures, ...).

Beaucoup y ont vu un mauvais coup porté à La Poste.

2. Une loi d'orientation postale toujours inexistante

a) La nécessité d'une orientation législative ambitieuse

En décembre 1996, au sommet de Dublin, La Poste se trouvait exposée à la perspective d'un fort choc concurrentiel à l'horizon de 1998. Les propositions de réglementation postale présentées par la Commission européenne conduisaient, en effet, à ouvrir à cette date une large partie des monopoles postaux à la concurrence, notamment en en excluant le publipostage et le courrier transfrontière.

Par un compromis politique passé avec le Chancelier Kohl, le Président de la République, Jacques Chirac, a donné cinq ans de répit à La Poste en reportant une telle échéance à 2003.

Prise sur cette base, la directive du 15 décembre 1997 17 ( * ) engage la réalisation d'un marché postal européen sans pour autant porter atteinte aux équilibres de notre poste. Le principe de la poursuite de la libéralisation ainsi amorcée est néanmoins affirmé.

C'est pourquoi la contraction des monopoles postaux se révélant inéluctable, votre commission et votre groupe d'études estimaient que cette directive était « une chance pour la France » car elle donnait du temps à notre pays pour adapter son opérateur postal et pour « définir un service public à la fois ambitieux et évolutif ».

Pour que cette chance soit saisie, le rapport de 1997 indiquait la marche à suivre :

« La France devra mettre à profit toutes les marges de flexibilité ouvertes aux Etats-membres par le projet de directive. Elle ne saurait cependant se satisfaire d'une simple transposition -même a maxima- des dispositions de cette directive, par le biais d'une loi qui ne ferait que traduire cette dernière.

Elle doit aller au-delà d'une telle transposition et fixer, au travers d'une véritable loi d'orientation postale, un cadre ambitieux d'évolution du service public postal . [...] 18 ( * ) ».

Les objectifs à satisfaire par cette loi d'orientation étaient précisés :

« - fixer les contours du monopole de La Poste afin qu'au-delà du périmètre défini pour le service universel européen, elle continue à satisfaire à ses obligations en termes d'aménagement du territoire et de transport de la presse ;

- assurer un meilleur respect de ce monopole ;

- enrichir le monopole de façon à valoriser les compétences de La Poste dans le domaine des nouvelles technologies et à moderniser le service public ;

- fixer le cadre d'évolution du réseau postal. »

Le rapport estimait en outre que :

« L'échéance qui s'impose ainsi à nous doit servir l'ambition que nous caressons pour La Poste. Saisissons cette opportunité pour tracer dans la loi d'orientation postale, dès 1998, les voies qui permettront à La Poste de relever ses défis et d'aborder avec optimisme le XXIe siècle.

Si nous nous contentions de parcourir la moitié du chemin, tant les postiers que l'ensemble de nos concitoyens seraient fondés à nous reprocher de n'avoir pas -telle l'autruche- voulu voir la réalité des choses. Nous n'en avons pas le droit ».

Le rapport appelait de ses voeux l'adoption de la loi d'orientation postale dès 1998.

Eu égard aux perspectives ambitieuses mais réalistes tracées par notre Haute assemblée pour La Poste, on mesure mieux le caractère décevant de la méthode employée par le Gouvernement.

b) Le minimalisme du choix gouvernemental

Non seulement le dossier postal n'a pas été abordé au plan législatif en 1998, non seulement aucune loi postale n'a été préparée, mais, en outre, la transposition de la directive a eu lieu par ... voie d'amendement au projet de loi pour l'aménagement et le développement durable du territoire. Un texte, qui plus est, soumis à la procédure de l'urgence !

A la place d'un débat et d'une loi de nature à mobiliser les postiers et à sensibiliser l'opinion en traitant l'ensemble des questions postales, le Parlement a été convié à une transposition « à la sauvette ». La Poste mérite mieux !

Quoique la méthode employée traduise une regrettable sous-évaluation des enjeux globaux, sur le fond, la transcription répond aux préconisations que le Sénat avait fixées en 1997.

Le périmètre traditionnel du monopole de La Poste est abrogé. Le service universel postal est défini au nouvel article L.1 du Code des Postes et Télécommunications. Il garantit, à tous les usagers, « de manière permanente et sur l'ensemble du territoire », en application des principes de continuité et d'égalité, des services postaux « répondant à des normes de qualité déterminées », à des « prix abordables » pour tous les utilisateurs.

Ce service universel postal comprend les envois postaux 19 ( * ) d'un poids inférieur ou égal à 2 kg, les colis postaux jusqu'à 20 kg, les envois recommandés, les envois à valeur déclarée.

Le service universel postal fait partie intégrante du service public des envois postaux , qui comprend également le service public du transport et de la distribution de la presse.

La Poste est désignée comme le prestataire du service universel. Elle est, en conséquence, soumise aux dispositions de l'article 14 de la directive relatif à la comptabilité analytique des prestataires du service universel postal : comptabilités distinctes des secteurs réservés et non réservés d'une part et des services faisant ou non partie du service universel d'autre part ; règles de répartition des coûts, notamment communs, entre services réservés et non réservés ; notification à la Commission européenne et vérification des systèmes de comptabilité analytique employés.

Pour financer ses obligations de service universel, le texte attribue à La Poste comme services réservés : les services nationaux et transfrontières d'envois de correspondance, y compris le publipostage, d'un poids inférieur à 350 grammes et dont le prix est inférieur à cinq fois le tarif applicable à un envoi de correspondance du premier échelon de poids de la catégorie normalisée la plus rapide.

Ce périmètre correspond à ce qu'avait souhaité votre groupe d'études et votre commission en 1997.

En vertu du champ de ces services réservés, seuls sont ouverts à la concurrence les envois de plus de 350 grammes ou d'au minimum cinq fois le tarif de base. Le montant du chiffre d'affaires des services réservés s'élèverait, en conséquence, à environ 44,9 milliards de francs (soit les trois-quarts du chiffre d'affaires courrier) ; le courrier transporté par La Poste concerné par l'ouverture à la concurrence représenterait 1,3 milliard de francs, soit 2,2 % du chiffre d'affaires total des envois postaux, compte tenu des activités déjà soumises à la concurrence.

Le « choc concurrentiel » subi par La Poste reste donc très supportable. Mais elle doit maintenant se préparer à celui -beaucoup plus sérieux- envisagé pour 2003.

B. A LA POSTE : LA MARCHE À PETITS PAS

1. Les résultats : des signaux encourageants mais un peu poussifs

Les chiffres relatifs aux résultats de La Poste cités dans le rapport « Sauver La Poste : devoir politique, impératif économique » se référaient à l'exercice 1996. Depuis, ceux des exercices 1997 et 1998 ont été publiés. Il est donc utile de les résumer.

LES PRINCIPAUX INDICATEURS DU GROUPE LA POSTE

(en milliards de francs courants)

1997

1998

Chiffre d'affaires consolidé

- dont courrier et colis

- dont services financiers

89,88

68,31

20,95

93,38

71,29

21,51

Résultat d'exploitation

1,95

2,54

Résultat net

0,05

0,33

Source : La Poste (Rapports financiers)

Parallèlement à la croissance de 3,7 % du chiffre d'affaires 1998, il est à noter :

- une poursuite de la progression de la collecte sur les produits financiers (1.079 milliards d'encours) ;

- un tassement de l'effort de désendettement (réduction des charges financières de 279 millions de francs en 1998, contre 326 millions de francs en 1997) ;

- une augmentation de la marge brute d'autofinancement (5 milliards de francs en 1998).

Le bénéfice net, bien qu'en progression, reste modeste et démontre la faiblesse structurelle de la rentabilité de l'entreprise.

Au total, ces résultats n'alarment pas mais ne réjouissent pas non plus quand on les compare à ceux d'autres postes qui tendent à devenir des concurrentes.

2. Les 35 heures : handicap de productivité ou progrès du service public ?

L'accord sur la mise en oeuvre de la loi sur la réduction du temps de travail passé à La Poste, au 1 er trimestre 1999, porte sur les exercices 1999 et 2000. Il prévoit, pour respecter les orientations de la loi, de compenser chaque année les 20.000 départs naturels par 20.000 recrutements.

Au regard des resserrements d'effectifs antérieurs, cet accord fait apparaître une augmentation significative du nombre des embauches.

Cependant, il convient de remarquer que cela n'entraîne pas de hausse du niveau de l'emploi à La Poste , les nouveaux recrutements devant compenser au cours des deux prochaines années les départs naturels.

Surtout, cet effort volontariste en faveur de l'emploi, ne bénéficie d'aucune aide d'Etat. En effet, au contraire d'Air France et de France Télécom, La Poste ne figure pas sur la liste des entreprises publiques éligibles au dispositif d'incitation financière mis en place par le Gouvernement pour favoriser le passage aux 35 heures.

Or, des sources dignes de foi estiment le coût de la réforme appliquée par La Poste à quelque 3 milliards de francs.

Au regard de la faiblesse des bénéfices de l'opérateur et de l'importance des défis qu'il a à relever, la politique suivie est-elle raisonnable ? N'aboutit-elle pas à lui imposer un nouvel handicap de compétitivité ?

Bien sûr, la présentation officielle des décisions, gage cette nouvelle charge sur des augmentations de productivité. Si ces dernières sont si aisées à obtenir, que n'ont-elles été réalisées avant pour dégager des excédents confortables ?

On avance également l'amélioration de la qualité du service public comme l'un des avantages qu'entraînerait la mesure. Pourtant, dans certains départements, sa mise en oeuvre se traduit déjà par une réduction globale de la durée hebdomadaire d'ouverture des bureaux. Parfois, cela s'accompagne de plus grandes plages d'ouverture un ou deux jours par semaine. Il n'en demeure pas moins que le service public se trouve globalement plus souvent fermé aux usagers. Est-ce là un progrès ?

3. Des avancées dans la bonne direction : Denkaus, filiale CCP, Coelo

a) Un début de riposte aux offensives de ses homologues européens

Pendant que La Poste française se mobilisait sur l'application des 35 heures, ailleurs en Europe d'autres opérateurs historiques se préoccupaient d'abord de stratégie commerciale. Les offensives qu'ils ont déclenchées tous azimuts en 1998 seront décrites ci-après. L'importance de ces offensives a au moins eu le mérite de favoriser une certaine prise de conscience des dangers et de susciter une réaction de La Poste.

Depuis décembre 1998, elle a successivement annoncé, dans le domaine de l'express :

- un accord avec Correos y Telegrafos, la poste espagnole, pour la création d'une filiale commune avec Chronopost Espagne ;

- un accord de partenariat commercial et opérationnel avec Der Kurier, le spécialiste allemand de l'express domestique à j+1, racheté début 1999 par la poste britannique ;

- l'acquisition par Chronopost de 51 % du spécialiste britannique de la livraison express en 24 heures : Panic Link.

Dans le domaine du colis , l'événement majeur est la prise de contrôle par notre opérateur du transporteur bavarois Denkhaus, au prix d'un milliard de francs 20 ( * ) .

Denkhaus est membre du réseau Deutscher Paket Dienst (DPD) qui fédère les transporteurs de colis indépendants en Allemagne. Denkhaus réalise 1,8 milliard de francs de chiffre d'affaires. Il emploie un peu moins de 3000 salariés. Il détient 21 % du marché allemand du monocolis d'entreprise. Le réseau DPD, quant à lui, occupe la 4 ème place en Europe pour le transport de colis entre entreprises. Les membres de ce réseau couvrent plus particulièrement l'Europe centrale et du Nord. DPD a également développé un partenariat en France au travers d'une franchise où se retrouvent derrière l'Alsacien Heppuer : Dubois, Logithaus, Régis Marthelet, Rochais Bonnet et Société des Transports Gautier (STG).

En outre, en juin 1999, quelques jours avant la publication du présent rapport, La Poste a annoncé qu'elle se renforçait outre-Rhin en achetant 50,1 % de la société Bikart (360 millions de chiffre d'affaires) et la totalité de Interspe (450 millions de chiffre d'affaires). Cette opération accroît de 16 % son poids dans le réseau DPD puisque ces deux entreprises en sont membres 21 ( * ) . L'investissement consenti est de 650 millions de francs.

Cette entrée de La Poste sur le marché allemand marque le début d'une riposte aux opérations d'envergure conduite par la poste germanique en France et en Europe. Il est aussi la première traduction de l'objectif stratégique de doubler sa part de marché dans le colis européen 22 ( * ) que s'est fixé notre poste pour 2002.

Objectif dont on ne peut que se féliciter. Mais, force est de constater qu'il sera difficile à atteindre par croissance externe, sachant qu'aucune dotation en capital de sa tutelle n'est prévue pour permettre des échanges ou des prises de participation d'envergure et que ses propres résultats ne permettent guère à La Poste de consacrer actuellement plus de 2 milliards de francs à de telles opérations.

b) Une filiale dédiée à la gestion financière des fonds CCP

La Poste a obtenu, dans le cadre de son contrat de plan, le droit de gérer progressivement, à compter de 1999, les quelque 180 milliards de francs des fonds CCP, antérieurement centralisés au Trésor.

Pour assurer cette gestion, elle a créé au début de cette année une filiale sous statut d'entreprise d'investissement. Cette filiale n'est pas un établissement de crédit. Sa création n'en est pas moins un mouvement vers une meilleure structuration des activités financières car elle pourrait être l'embryon d'un véritable bilan bancaire et un élément utile pour la construction de partenariats financiers.

c) Un holding « colis et logistique »

A la fin mai 1999, a été annoncé une séparation en deux pôles de Sofipost, le holding financier qui regroupe les quelque 20 filiales de La Poste.

Le premier pôle rassemblera, dans le cadre d'une société dite Coelo 23 ( * ) , toutes les filiales et participations dans le colis et la logistique (Chronopost, TAT Express, Denkhaus, Publi-Trans).

Le second pôle abritera les autres entités de Sofipost, notamment l'Aéropostale (filiale de La Poste et d'Air France).

Avec Coelo, qui pèse potentiellement 12 milliards de chiffres d'affaires , se trouve forgé un levier d'expansion dans le secteur du colis qui peut se révéler d'autant plus prometteur qu'il s'appuie sur le développement des activités fret d'Aéropostale. Celle-ci a en effet prévu, en liaison avec Air France Cargo, un renforcement de son réseau fret entre les plus grandes villes françaises en intégrant trois gros porteurs Airbus A300.

II. EN EUROPE : DES ÉVOLUTIONS CONTRASTÉES

A contempler le paysage postal européen, on ne peut qu'être frappé du contraste existant entre l'enlisement du processus d'encadrement juridique du secteur et l'accélération des mouvements du marché .

Certes, au plan réglementaire, tout n'est pas resté immobile depuis 1997. Les problèmes posés par le repostage, cette forme de piratage postal dont votre rapporteur avait dénoncé les effets pervers, sont en voie d'atténuation au sein de l'Union européenne, sous l'effet de la validation, par la Commission de Bruxelles, des accords sur les frais terminaux passés par la quasi totalité des postes du continent. Ceci est d'autant plus un motif de satisfaction que la voie suivie a été celle que préconisaient votre groupe d'études et votre commission il y a vingt mois 24 ( * ) .

Il faut aussi relever que plusieurs pays ont transposé la directive de décembre 1997 dans leurs droits nationaux.

Mais, ce sont -de loin- les moins nombreux et les propositions que devait présenter la Commission de Bruxelles avant la fin 1998, pour engager l'élaboration de la directive suivante, n'ont pas été établies.

Or, tandis que les forces qui remodèlent le marché postal sont toujours actives et puissantes, les opérateurs les plus dynamiques développent des stratégies résolument offensives. Les règles qui pourraient être fixées demain risquent donc fort de se révéler bien vaines si les retards perdurent. De même, le réveil de notre poste et de ses personnels serait douloureux si, dans notre pays, on continuait à croire -à l'encontre de la vigueur des faits- que l'ordre ancien des choses pourra se perpétuer.

A. AU PLAN RÉGLEMENTAIRE : LE PAS SUSPENDU

1. La directive de décembre 1997 est encore peu transposée

La directive postale aurait dû être transposée dans tous les pays de l'Union à la mi-février1999.

Or, en juin 1999, elle n'a été traduite en droit interne que dans les Etats scandinaves, les Pays-Bas et la Grèce. En Italie, Belgique, Irlande, Portugal et Luxembourg, le processus est encore en cours. L'Allemagne, l'Autriche, le Royaume-Uni et l'Espagne ont réalisé une transposition partielle.

La France rejoindra les rangs de ces derniers pays quand la loi d'orientation pour le développement durable du territoire sera publiée puisque, ainsi que nous l'avons vu, celle-ci définit le service universel postal et les services réservés à La Poste.

Il convient tout d'abord d'observer que même si ces éléments constituent un volet central de la directive, d'autres parfois tout aussi importants, doivent toujours être précisés. Ainsi en est-il :

- de la transparence des comptes, qui englobe notamment la fixation des règles permettant une comptabilité séparée tant des prestations relevant du service universel que de chacun des services compris dans le secteur réservé ;

- de la désignation de l'autorité réglementaire nationale ;

- des conditions régissant la prestation des services non réservés et l'accès au réseau.

Il faut également noter que l'Allemagne qui, au sommet de Dublin, s'était jointe à la France pour faire reporter de cinq ans l'échéance d'une large ouverture à la concurrence, a fait le choix d'une libéralisation totale. La loi allemande organise un service universel équivalent au nôtre et prête une franche attention à son impact sur le territoire. Fédéralisme oblige ! Mais elle supprime tout monopole pour l'acheminement du courrier à compter du 1 er janvier 2003. D'ores et déjà, en mars 1999, dans les secteurs où la Deutsche Post n'a plus l'exclusivité, l'autorité de régulation avait délivré 220 licences.

Dans l'immédiat, l'Allemagne réserve toutefois un large monopole à son opérateur: les lettres de moins de 200 grammes et les plis publicitaires adressés de moins de 50 grammes. Ceci n'est nullement négligeable quand on sait qu'en moyenne 85% des courriers de ces catégories font moins de 50 grammes.

Il n'en demeure pas moins que l'ouverture va déjà plus loin qu'en France et que le choix de la soumission à la loi du marché est nettement arrêté.

2. Des incertitudes sur l'évolution de la réglementation européenne continuent à planer

a) Des études très documentées sur l'impact d'une libéralisation plus poussée

Tout comme cela avait été indiqué à votre rapporteur lors de son déplacement à Bruxelles en 1997, la Commission européenne a fait réaliser des études approfondies sur les effets potentiels d'une poursuite du mouvement de réduction des monopoles dans le secteur postal européen.

Ces études réalisées par des cabinets de consultants sont au nombre de cinq. Elles ont été pour la plupart publiées à la fin 1998. Elles portent sur : le coût des obligations de service universel, la libéralisation du courrier en amont de la distribution, la libéralisation du publipostage, la libéralisation du courrier transfrontalier, l'impact de la réduction des seuils de poids/prix.

Il ne relève pas du cadre du présent rapport d'exposer 25 ( * ) et de commenter ces études de caractère très technique.

Il convient toutefois de souligner que celle relative au service universel présente une analyse très intéressante des obligations qui découlent de la poursuite du processus engagé pour les entreprises postales de chaque pays de l'Union. Elle souligne, à juste titre, l'importance capitale de traiter ces obligations comme une exigence nationale.

L'étude examine plusieurs méthodes d'évaluation du coût du service universel et se prononce en faveur de la méthode du coût net évité . Celle-ci consiste à calculer l'impact sur les comptes de résultat du fournisseur de service universel de l'exploitation des flux déficitaires, les pertes résultant du niveau élevé des coûts par rapport au tarif uniforme. En conclusion, l'étude précise que le coût de l'obligation de service universel semble être inférieur à 1 % du chiffre d'affaires des fournisseurs de service universel de tous les pays de l'Union europénne, à l'exception de l'Autriche.

Les représentants de douze postes européennes regroupées au sein du « Comité de contact - Posteurop UE » ont émis des réserves sur certaines des approches de cette étude 26 ( * ) .

Au vu du chiffrage avancé, votre rapporteur, quant à lui, est amené à rappeler que :

le champ du service universel au sens européen du terme est moins large que ce que recouvrent les missions d'intérêt général confiées à La Poste, notamment au plan de l'aménagement du territoire ;

même si le coût du service universel était au niveau ainsi avancé dans le cadre légal actuel, il pourrait atteindre une proportion bien plus élevée en cas d'ouverture à la concurrence d'autres pans du monopole, car l'entrée de concurrents entraîne non seulement des pertes de trafic mais aussi des baisses de prix sur certains produits.

C'est pourquoi, dans l'hypothèse d'une libéralisation du publipostage et du courrier transfrontière s'accompagnant du maintien d'une forte présence territoriale, ses propres évaluations 27 ( * ) le conduisent plutôt à avancer pour La Poste un coût de l'ordre de 5 % du chiffre d'affaires, à productivité constante.

b) Des décisions en attente

L'article 7 de la directive postale prévoit que :

« A titre de mesure complémentaire en vue de l'achèvement du marché intérieur des services postaux, le Parlement européen et le Conseil décident, au plus tard le 1 er janvier 2000 et sans préjudice de la compétence de la Commission, de la poursuite de la libéralisation du courrier transfrontière et du publipostage, ainsi que d'un nouveau réexamen des limites de prix et de poids, avec effet à compter du 1 er janvier 2003, en tenant compte de l'évolution notamment économique, sociale et technologique qui aura lieu d'ici là et en tenant également compte de l'équilibre financier du ou des prestataires du service universel, en vue de continuer à poursuivre les objectifs de la présente directive.

Ces décisions se fondent sur une proposition de la Commission présentée avant la fin de l'année 1998 , à la suite d'un réexamen du secteur. A la demande de la Commission, les Etats-membres fournissent toute information nécessaire pour mener à bien ce réexamen ».

Le retard pris par la Commission à élaborer ses propositions puis sa démission n'ont pas permis de respecter ce calendrier.

Nonobstant les travaux de la Commission, un seul débat a eu lieu sur le sujet au sein du Conseil des ministres des Télécommunications. Il s'est tenu en novembre 1998.

A cette occasion, le Conseil a pris acte de la lenteur du processus de transposition. Il a estimé nécessaire de fixer un délai précis pour une nouvelle étape de libéralisation partielle (avant 2003-2004). Il a également considéré qu'il convenait de réduire, à terme, l'étendue du domaine réservé. Il a enfin demandé que soit arrêtée une date pour une libéralisation totale qui aurait à intervenir avant 2010, étant entendu que cette libéralisation totale ne signifierait pas la disparition du service universel mais simplement son financement exclusif par un fonds de compensation à l'exclusion de tout service réservé.

Ces orientations restent toutefois très floues.

Aujourd'hui, le temps que la nouvelle Commission européenne se mette en place et rouvre le dossier, il n'apparaît guère envisageable que des options puissent être présentées avant la fin 1999 au Parlement et au Conseil. Ceci ne laisse donc, au mieux, présager des décisions qu'au dernier semestre 2000.

Pourtant, si on veut prendre les moyens de préserver le service universel postal européen, des arbitrages rapides s'imposent pour instituer un cadre juridique évitant les débordements du marché. Contrairement à ce que certains pourraient croire, les retards pris dans la définition de ce cadre ne sont pas favorables au service public . Car, si ce n'est pas le droit qui fixe la règle, ce seront les forces d'un marché débridé .

Aujourd'hui, plus encore qu'il y a vingt mois, il apparaît que les pressions technologiques et concurrentielles deviennent aussi présentes dans le domaine postal qu'elles le sont dans celui des télécommunications. La logique de la globalisation de l'économie est désormais en oeuvre dans le secteur postal. Pour en tirer avantage plusieurs pays et plusieurs postes de l'Union ont délibérément choisi de jouer la carte de la libéralisation, ce qui tend à accroître encore la force du phénomène.

B. AU PLAN ÉCONOMIQUE : DES MOUVEMENTS INÉLUCTABLES

1. L'envolée de la messagerie et de la logistique

a) Une expansion alimentée par les tendances dominantes de l'économie mondiale

L'acheminement rapide et fiabilisé tout autour de la planète de biens physiques ne pouvant, par nature, emprunter les réseaux électroniques est un marché promis à une expansion considérable. Votre rapporteur en est convaincu et nombre d'analystes économiques également.

Cette conviction est fondée sur le fait que plusieurs facteurs se combinent pour pousser le développement de la demande de prestations en ce domaine tandis qu'en regard une offre de plus en plus attractive tend à accroître sans cesse cette demande, créant en quelque sorte un cercle vertueux d'expansion.

Les facteurs poussant cette demande à la hausse sont au nombre de quatre. Il s'agit de :

l'internationalisation généralisée des entreprises, des marchés et des clientèles, phénomène caractéristique de notre époque que l'on désigne habituellement sous le nom de « mondialisation » car il tend à fondre les différents marchés territoriaux en un gigantesque marché mondial ;

Aujourd'hui, en Europe, 23 % des colis (hors messagerie traditionnelle) sont expédiés à l`international. Cette proportion devrait atteindre 30 % en 2003, dans 4 ans.

la propension accrue des entreprises à gérer leur production à flux tendus -c'est à dire avec pas ou très peu de stocks pour réduire les frais importants que ceux-ci génèrent-, ce qui suscite une multiplication des commandes ;

Ainsi, le patron d'Extand -filiale colis du groupe Geodis- fait remarquer qu' « un magasin de confection qui était livré, par le passé, deux ou trois fois par an avec deux ou trois réassortiments reçoit aujourd'hui de 40 à 50 colis tout au long de l'année ».

le développement de la vente à distance (vente par correspondance, téléachat, commerce électronique,...) avec ses conséquences : le client emporte de moins en moins souvent son achat, l'entreprise le lui porte de plus en plus fréquemment.

une focalisation de la concurrence commerciale autant sur la qualité du service global assuré au client que sur les prix.

En regard, l'offre de prestation dans ce domaine s'étoffe et s'affine sous l'effet :

de l'explosion des nouvelles technologies qui permettent de proposer à des coûts abordables des prestations haut de gamme encore inenvisageables il y a peu (système de « tracing » 28 ( * ) en continu, signature électronique,...) ;

Extand, par exemple, consacre annuellement de l'ordre de 5  % de son chiffre d'affaires à ses seuls investissements technologiques.

d'une baisse des prix résultant des économies d'échelle liées à l'extension du marché et au jeu de la concurrence.

En France, dans le monocolis, les prix ont chuté de près de moitié en cinq ans : un colis de 7 à 8 kilos qui coûtait, il y a 4-5 ans, 105 F en messagerie et 200 F en express est transporté aujourd'hui pour 40 F en monocolis.

d'une diversification et d'un enrichissement de la gamme des prestations.

Le concept de monocolis a été lancé il y a moins de huit ans par Exapacq pour désigner des colis unitaires de 0 à 30 kilos transportés par la route. Depuis, le produit a connu un succès foudroyant.

b) Un marché fragmenté où une offre globale devient un atout décisif

Pour mieux évaluer la puissance de ce marché en essor, votre rapporteur a interrogé le Secrétariat d'Etat à l'Industrie pour savoir ce qu'il représentait en termes de chiffres d'affaires dans le monde, en Europe et en France et quels étaient ses taux de croissance ces dernières années.

En l'absence regrettable de réponse permettant de disposer de ces éléments, quelques chiffres permettent de saisir l'ampleur prometteuse de ce secteur d'activité. Ainsi, en 1998, la valeur du marché français de la messagerie se trouve estimée à 55 milliards de francs 29 ( * ) , soit à peu de choses près l'équivalent du chiffre d'affaires du courrier de La Poste hors colis.

Au plan mondial, les quatre grands messagers (Federal Express, UPS, DHL , TNT) ont transporté 8 % du fret aérien international en 1997. De 1993 à 1996, UPS a enregistré une hausse de 25 % de son chiffre d'affaires consolidé, Federal Express 30 % et TNT 55 %. Le moins que l'on puisse en déduire, c'est que le marché qu'ils exploitent est bien orienté !

Le marché intérieur européen de l'express ne l'est pas moins. Il représente 148 milliards de francs. Il vient de dépasser celui des Etats-Unis et croît de 10 % an an 30 ( * ) .

LES CARACTÉRISTIQUES DU MARCHÉ

Indéniablement porteur, le marché de la messagerie est aussi très segmenté. Cette segmentation s'établit autour de six critères :

- la clientèle : particuliers, entreprises (industrielles ou tertiaires) ou professionnels ;

- le destinataire : particuliers, entreprises ou professionnels ;

- la couverture géographique : domestique, intra-européenne ou intercontinentale ;

- le produit et le poids (document, colis de 0 à 30 kg, palette de 25 kg à 1 tonne, etc.) ;

- le délai (J, J+1, J+2, J+2/4, J+4/5) ;

- les services proposés (ex : suivi du colis, enlèvement tardif, livraison le samedi, preuve de livraison, etc).

Ainsi, les prestations relevant du domaine de l'express englobent la livraison à J + 1 avant 12 heures de documents (0 à 3kg) ou de colis (0 à 30kg). Elles connaissent des croissances élevées pour le colis dans le secteur des hautes technologies, de l'industrie médicale, de l'optique et de la vente par correspondance.

Le monocolis englobe les livraisons de J + 1 à J + 5 de paquets de 0 à 30 kilos. C'est une branche qui affiche, elle aussi, des taux de croissance élevés. Les consommables informatiques, les pièces détachées, l'électronique, l'outillage de précision sont souvent expédiés par monocolis.

En revanche, le fret express (livraisons à J + 1 avant 12 heures de colis de 0 à 150 kilos) connaît une croissance moyenne. Ce type de prestation concerne les équipements industriels, les pièces détachées mécaniques.

Dans l'express, l'acheminement est réalisé par avion et par route, dans le monocolis seulement par route.

Les activités dites de logistique englobent les prestations d'acheminement que désignent le terme de messagerie mais intègrent également des services « amont » (stockage, emballage, préparation de commande,...) et aval (installation en rayon, ...).

Dans un tel contexte, une offre globale est une garantie de séduire les grandes entreprises, celles qui ont des demandes complexes et diversifiées. La stratégie de la poste allemande n'a pas d'autres fondement. Son président le déclarait d'ailleurs explicitement : « Un nombre important de nos gros clients ont depuis quelque temps des implantations non seulement en Allemagne, mais aussi par exemple en France ou en Italie. Si alors nous ne sommes pas capables d'offrir nous-mêmes la totalité des prestations d'acheminement, d'expédition et de logistique, les clients vont rapidement nous quitter. La solution idéale, c'est que le client nous confie la totalité de la chaîne de la valeur ajoutée» 31 ( * ) .

Au-delà de cet accompagnement commercial, c'est la captation du marché des services logistiques des grandes entreprises multinationales qui est visée. Face à une offre externe de qualité, personnalisée et moins coûteuse que la réalisation en interne, la sous-traitance des activités logistiques devient une solution très attrayante pour ces entreprises. Elles peuvent par ce moyen se recentrer à moindre frais, sur leur coeur de métier.

Les groupes internationaux de grande taille pratiquent déjà aujourd'hui « l'externalisation »pour la gestion de leurs télécommunications. Ils le font de plus en plus dans le domaine de la messagerie. Comme ces transferts contrôlés sont gage de compétitivité, ils ne peuvent que s'accentuer là où la concurrence s'intensifie.

Demain les fortes valeurs ajoutées des opérateurs postaux ne se situeront donc pas dans la délivrance -avec le sourire-de la lettre de Mme de Sévigné à sa fille. Elles résulteront plus vraisemblablement de la gestion infaillible de l'acheminement des pièces détachées du réseau de concessionnaires ou des commandes des clients d'un grand groupe industriel.

Le secteur postal sous le choc de cette transformation est entré dans l'ère de la mondialisation, avec ses exigences de taille critique, de réseau planétaire et de forte capacité capitalistique pour ceux qui veulent y compter. Il suit là une voie qu'ont déjà empruntée les télécommunications, le transport aérien, l'aéronautique, l'automobile et bien d'autres avant lui.

Il ne s'agit pas, comme on a trop souvent tendance à le faire en France, de débattre à l'infini pour savoir s'il convient de s'en féliciter ou de s'en lamenter. Il s'agit de prendre conscience que cette transformation est un fait irrésistible et quelle annonce la réalité de demain, afin de définir la politique nous permettant dans un tel contexte de créer des opportunités favorables à l'emploi et de consolider nos valeurs de service public.

De ce point de vue, les postes historiques sont à la croisée des chemins. Celles qui choisissent de relever les défis qui parsèment la route de ce « nouveau monde postal » et de la suivre jusqu'au bout peuvent espérer devenir des « Microsoft » du secteur, tout en faisant que leur pays bénéficie d'un haut niveau de service universel. Celles qui, par peur ou par aveuglement, se cantonneront sur leurs métiers d'hier sont condamnées à devenir les sous-traitances régionales des premières et à fragiliser, de ce fait, les ambitions du service universel national.

2. La certitude du décollage du commerce électronique

De passage à Paris, le 1 er juin 1999, le vice-président du marketing interactif d'AOL (America on Line, l'un des plus grands « portails » Internet aux Etats-Unis) déclarait que le « réseau des réseaux » n'était plus seulement l'affaire des fans de technologie mais était en passe de « devenir l'un des plus puissants marchés de masse du monde » 32 ( * ) .

Les statistiques disponibles semblent lui donner raison. Aux Etats-Unis, les transactions commerciales en ligne représentaient 50 milliards de francs en 1998 et elles devraient atteindre plus de 110 milliards en 1999.

Après avoir essentiellement concerné des niches de vente (livres, disques, logiciels informatiques,...) le commerce électronique est en train de se banaliser. Il répond désormais aux demandes les plus variées des consommateurs. La liste des produits que l'on peut se procurer via Internet n'est plus limitée. C'est l'ensemble des produits du commerce qui y est offert. Même ceux qui ne sont pas disponibles dans la zone de chalandise du client, lui deviennent accessibles. Le consommateur n'a plus à aller au produit, c'est le produit qui vient à lui. Il y a là une chance à saisir pour les terroirs !

Les fournisseurs de services d'accès au Net prévoient, quant à eux, qu'il y aura, fin 1999, 8 millions d'Internautes en France, 60 millions en Europe. Dans le monde, on les estime à 300 millions et ils devraient être un milliard d'ici quelques années.

Les postes qui ont vocation à amener à domicile les produits achetés à distance peuvent-elles rester indifférentes à la construction d'un immense supermarché mondial qui pourrait compter jusqu'à un milliard de clients et où les échanges interentreprises joueront longtemps un rôle majeur 33 ( * ) ?

A l'évidence, non ! UPS, la poste britannique en sont d'accord. Ils développent déjà des offres spécifiques en ce domaine.

La poste allemande en est persuadée. Depuis la mi-mai 1999, un de ses nouveaux services -Evita- propose aux entreprises qui vendent des produits par Internet de prendre en charge le stockage, l'envoi et le paiement des articles. Le commerçant n'a plus qu'à s'occuper d'attirer les clients.

Notre poste n'en est pas là : elle propose ses services traditionnels (Chronopost, Coli Poste) à ses clients tenant boutique sur la « toile » (Leroy-Merlin, Galeries Lafayette, Trois Suisses, FNAC Direct...).

C. LA RECOMPOSITION DU MARCHÉ POSTAL : UN MOUVEMENT ACCÉLÉRÉ

La recomposition du marché du courrier et de la messagerie n'est pas limitée aux frontières européennes. Les grands intégrateurs mondiaux participent également au tourbillon des regroupements. A la fin de l'an dernier Fedex s'est rapproché de Nippon Express, leader du secteur au Japon. Peu de temps auparavant, UPS s'est allié au japonais Yamato Transport.

Cependant, le phénomène est particulièrement prononcé sur le Vieux Continent. Il concerne des entreprises privées 34 ( * ) mais est particulièrement flagrant pour les postes historiques 35 ( * ) .

De ce point de vue, la percée de la poste allemande au cours des vingt derniers mois est un événement majeur.

1. Vers la construction d'un empire postal allemand ?

La réforme de la poste allemande (Deutsche Post AG, en abrégé DPAG) a été entreprise de façon progressive, à compter de 1994, par les pouvoirs publics. Cette réforme a reposé sur trois axes : la transformation de DPAG en société anonyme, une évolution du statut de ses personnels et une réorganisation de son réseau. Ces politiques ont été décrites de manière détaillée en annexe au rapport « Sauver La Poste : devoir politique, impératif économique » 36 ( * ) .

Elles ont été poursuivies depuis 1997. Elles aboutissent aujourd'hui à la constitution d'un géant postal européen, dont le secret repose sur une « hybridation » des forces du monopole et de l'économie de marché .

a) Le secret d'une force de frappe considérable : monopole, productivité et privatisation

Ainsi que cela a été vu 37 ( * ) , la DPAG dispose jusqu'en 2003 d'un monopole très large dans le domaine du courrier. Comme le timbre allemand demeure le plus cher d'Europe (environ 3 F 60 ou 0,56 euro 38 ( * ) ; 3 F ou 0,46 euro pour le timbre français), la Deutschepost bénéficie d'une solide assise financière : les revenus qu'elle tire de son monopole sont évalués à environ 15,5 milliards de marks par an 39 ( * ) .

Sa position est d'autant plus forte qu'elle s'est appuyée sur cette situation privilégiée pour assainir son organisation et ses comptes.

L'amélioration de la productivité résulte pour l'essentiel d'une rationalisation du réseau à laquelle le rachat de la Postbank AG a contribué.

La transformation de son réseau vise, à la fois, à offrir un meilleur service, notamment en terme d'horaires d'ouverture, et à réduire les coûts. C'est ainsi, que le nombre global de guichets diminue et que les formules d'antennes commerciales mêlant services postaux et financiers avec des ventes de produits autres sont privilégiées. Les bureaux de poste, quant à eux, sont incités à diversifier leur offres traditionnelles en y adjoignant d'autres articles.

Rappelons que plusieurs formules coexistent :

- Deutsche Post Service und Vertriebsgesellschaft (dit DPSV Post Plus) : bureaux de postes qui vendent d'autres produits (journaux, tabac, papeterie) ;

- S hop in shop : bureaux de poste installés dans des magasins partenaires, mais tenus par des employés de la poste et non par le personnel de la structure d'accueil. Les premières expériences avaient été menées avec Mac Paper, chaîne de 550 magasins de papeterie de détail, qui a depuis été rachetée par DPAG ;

- Agences postales : guichets ouverts dans des magasins, principalement d'alimentation, des bureaux de tabac et des stations-service, ou dans des offices de tourisme. Ils sont tenus par le personnel de la structure d'accueil dont la rémunération comprend une partie fixe et une partie proportionnelle à l'activité.

La mise en oeuvre de cette stratégie a entraîné au cours des quatre dernières années une diminution relativement modérée du nombre total de points de contact postaux (- 16,4 %) mais une décroissance très marquée des bureaux de poste (- 44,3 %), ainsi que permet d'en juger le tableau ci-dessous :

Evolution du réseau de la DPAG
(1995-1998)

1995

1996

1997

1998

Bureaux de poste

13.983

11.981

10.000

7.788

DPSV Post Plus

-

-

80

188

Mac Paper

-

-

14

40

Shop in Shop

-

-

1

53

Agences

2.988

4.604

5.236

6.483

TOTAL

16.971

16.604

15.331

14.482

De plus, dans les zones où la demande ne permet pas un minimum de 5 heures 30 de travail par semaine, les services postaux et financiers sont assurés par un guichet mobile. Cette activité emploie 17.000 personnes.

Le rachat des parts de la Postbank AG détenues par l'Etat s'inscrit dans la même logique de rationalisation et de modernisation du réseau.

En effet, comme votre rapporteur avait pu le constater lors de la mission qu'il avait effectuée à Bonn en 1997, la séparation des activités financières et postales entre deux sociétés (Postbank AG, Deutsche Post AG) -réalisée par la réforme législative intervenue en 1994- était considérée comme néfaste par l'état major de la DPAG.

Les deux entreprises avaient éprouvé de grandes difficultés à trouver un accord pour l'utilisation du réseau de guichets aussi bien en termes de gestion du réseau que de partage des frais. Il avait fallu l'intervention du ministre pour trouver un compromis, insatisfaisant pour les deux parties. La Postbank AG avait d'ailleurs commencé à développer un réseau indépendant fort de près de 5.000 points de vente.

Refusée par le Gouvernement Kohl, la « réunification postale » a été acceptée par la coalition dirigée par Gerhart Schröder. Elle permettra, selon le président de la poste allemande, des synergies pouvant permettre des économies évaluées à 1 milliard de marks par an.

Parallèlement à cette rationalisation des réseaux, on observe également dans les deux entreprises un resserrement des effectifs que résume le tableau suivant :

ÉVOLUTION DES EFFECTIFS EN ÉQUIVALENT TEMPS PLEIN*

1995

1996

1997

1998

DPAG

268.512

250.131

233.350

223.863

Postbank

16.224

14.778

13.427

15.542

TOTAL

284.736

264.909

246.797

236.405

* hors acquisition d'entreprises

Ainsi, au total, depuis 1990, ce serait quelque 100.000 emplois -liés notamment à l'importance des effectifs administratifs dans les Lander de l'Est- qui auraient été supprimés.

Une privatisation programmée

Arrêtée par la loi postale du 1 er janvier 1995, l'entrée en bourse de la Deutsche Post est prévue en octobre ou novembre 2000. Cependant, elle stimule depuis plusieurs années le zèle réformiste de l'opérateur.

La quotité mise sur le marché n'est pas encore connue mais devrait être supérieure à 25 %.

La privatisation de la Postbank AG est prévue en 2001 par introduction en bourse de 30 % du capital. Au-delà, DPAG conserverait la majorité, mais une plus large ouverture reste envisageable.

Dans la perspective de la privatisation, la Deutsche Post AG a commencé dès l'exercice 1997 à faire des provisions pour couvrir ses charges futures de retraites.

En 1998, ont été ainsi provisionnés 1,5 milliard de marks. Cette provision s'ajoute au paiement de 4 milliards de marks versés au titre de pensions dues. Ce montant fixé par la loi de 1994 pour les années 1995 à 1999 sera ramené à 33 % des salaires nets des fonctionnaires en activité dans l'entreprise, à compter de 2000. Il devrait donc diminuer en raison de la réduction du nombre des personnels. On estime à plus de 2 milliards de marks par an l'économie qui sera ainsi réalisée par rapport aux charges actuelles.

b) Des ambitions dévoilées fin 1997

La stratégie de la poste allemande a été arrêtée fin 1997 40 ( * ) . Considérant la globalisation de l'économie et la tendance des clients à rechercher des offres de services complets, elle se décline selon trois axes principaux :

- constitution d'un réseau international de transport de colis, principalement en Europe, par des acquisitions ciblées, des prises de participation et des accords de coopération ;

- élargissement de la gamme de produits et services pour présenter une offre globale dans la logistique et l'express ;

- accélération du développement des services à haute valeur ajoutée dans le cadre de l'externalisation croissante des activités logistiques des clients.

L'objectif fixé est d'atteindre 50 milliards de marks de chiffre d'affaires total en l'an 2000 (il était de 19 milliards de marks en 1990, 29 en 1998) en restructurant fortement ses différentes composantes.

En 1990, ce chiffre d'affaires se décomposait en 14 milliards de marks pour le courrier (74 %), 3 milliards de marks pour les colis et services rapides (13 %) et 2 milliards de marks d'activités diverses (10 %). L'objectif est de passer en 2000 à 20 milliards de marks pour le courrier (40 %), 13 pour le colis et services rapides (26 %), 11 pour la logistique (22 %) et 6 pour les services financiers.

D'ores et déjà, le chiffre d'affaires réalisé à l'étranger est passé de 5 % en 1990 à 8 % en 1998. Il devrait atteindre 33 % en 2000.

c) Une offensive spectaculaire

Beaucoup d'opérations

En application de son ambitieuse stratégie de développement international, la poste allemande a réalisé de nombreux achats de sociétés ou des prises de participation en Europe et aux Etats-Unis.

En Allemagne, outre le rachat de la Postbank, elle a procédé à l'acquisition de deux entreprises. L'une, Trans-o-flex, intervient dans son secteur d'activité, l'autre est une chaîne de magasins de détail de papeterie, Mac Paper.

Au total, les « emplettes » réalisées par la Deutsche Post en deux ans composent un « tableau de chasse » impressionnant dont les pièces majeures sont récapitulées dans le tableau ci-après.

ACHATS DE LA DPAG

(AVRIL 1997 - MAI 1999)

Date

Société

Pays

Part achetée

Avril 1997

Servisco

Pologne

60 %

Juillet 1997

Trans-o-Flex

Allemagne

24,8%

Décembre 1997

Quickstep parcel service

Suisse

100 %

Mars 1998

Mac paper
chaîne de papeterie

Allemagne

100 %

Mars 1998

DHL Inter.

USA

22,5 %

Septembre 1998

DHL Inter.

USA

2,5001 % 41 ( * )

Septembre 1998

Global Mail

USA

100 %

Décembre 1998

Ducros services rapides

France

68,3 %

Décembre 1998

Postbank A.G.

Allemagne

82,5 %

Janvier 1999

MIT

Italie

90 %

Mars 1999

Securicor Distribution

Royaume-Uni

50 %

Mars 1999

Danzas

Suisse

98,1 %

Mai 1999

Yellow Stone

USA

100 %

Nedloyd

Pays-Bas

100 %

ASG

Suède

52,4 %

Qualipac

Suisse

100 %

Chacune de ces opérations confirme les trois lignes directrices de l'offensive engagée : le colis, l'express et la logistique.

Ainsi, les prises de participation dans Securicor (Royaume-Uni), dans Ducros (France), dans Servisco (Pologne) et MIT (Italie) et la constitution de la filiale Quickstep en république tchèque relèvent de la création du réseau de transport de colis en Europe. Les Etats-Unis -où Global Mail, entreprise de transport et de distribution de courrier, a été acquise- se trouvent également englobés dans cette stratégie.

Le rachat de 25 % du capital de DHL s'inscrit dans la logique du développement de services rapides. Cet accord permet à Deutsche Post, via DHL, d'être présente dans 227 pays. L'acquisition de Trans-o-flex, plus modeste, relève du même axe de développement.

Enfin, l'acquisition de Danzas permet à Deutsche Post de devenir le numéro un européen de la logistique avec un chiffre d'affaires total dans cette activité de plus de 10 milliards de marks (près de 35 milliards de francs).

Au total, c'est plus de 50 milliards de francs de chiffre d'affaires supplémentaires que s'offre la poste allemande avec ses achats, Danzas, Nedlyod et ASG réalisant, à eux seuls, 48 milliards.

Cependant, ces opérations au bilan déjà conséquent ne semblent pas achevées. Des négociations sont en cours pour des rachats d'entreprises en Espagne et en Grèce, voire dans l'ouest de la France, ce qui renforcerait encore la présence de la poste allemande dans l'Europe des Quinze.

D'après des informations dignes de foi, M Zumwinckel, président du directoire de DPAG, tendrait même à accélérer le rythme des acquisitions car il considère que « plus on se rapprochera de l'entrée en bourse, plus il sera difficile de faire de nouvelles acquisitions ».

Peu de transparence

Les prix d'achat des sociétés « happées » ne sont pas publiés par la Deutsche Post. Si on sait que la Postbank a coûté 15 milliards de francs, Danzas 6,3 milliards, Securicor 2,3 milliards et ASG 2,5 milliards, c'est soit par recoupements, soit par des publications ou des déclarations des entreprises achetées. Quand ces dernières se taisent, les observateurs en sont réduits à des évaluations hypothétiques. Tel est le cas pour DHL International où il existe une volonté claire et affichée de ne pas rendre public le montant de la transaction.

Nonobstant ces précautions, la plupart des observateurs estiment à quelque 30 milliards de francs le total des acquisitions allemandes sur 1998 et 1999, dont 15 milliards pour le rachat de la Postbank et 15 milliards pour les opérations de croissance externe.

Le président du directoire de la Deutsche Post, M. Zumwinckel, a indiqué avoir financé ces acquisitions par le cash flow de l'entreprise et par la vente de participations dans des entreprises de gestion immobilière.

De fait, l'estimation des possessions immobilières de la DPAG étant habituellement de 15-20 milliards de marks, la fermeture en cinq ans de près de 10.000 des 17.000 bureaux de poste et la vente de ces bureaux, ainsi que des maisons et appartements de fonction y étant liés, a sans doute permis de constituer un « trésor de guerre » assez substantiel.

A l'appui de cette explication, l'examen des bilans fait apparaître entre fin 1995 et fin 1998 une baisse de 1,1 milliards de marks des participations dans des sociétés immobilières (elles sont passées de 1,4 milliard à 300 millions de marks). Le président de la DPAG évalue, lui, à 2 milliards de marks les recettes procurées par les ventes de ces participations, la différence s'expliquant par une valorisation des titres inscrits au bilan à leur valeur historique.

Il faut souligner que les dépenses les plus élevées n'interviendront que dans le courant de 1999. Ainsi, le rachat des parts de l'Etat dans la Postbank A.G. (4,3 milliards de marks) n'a fait l'objet d'un versement qu'au début 1999. Securitor et Danzas (2,4 milliards de marks au total) ne seront payées qu'au cours de l'année 1999. Le financement de ces acquisitions pour un total d'environ 22,5 milliards de francs n'affecte pas directement les comptes 1998. Il n'en demeure pas moins que les comptes publiés par DPAG pour cet exercice ne peuvent être qualifiés de limpides puisque le résultat affiché de 5 milliards de francs est un résultat brut qui ne fait pas apparaître le montant des provisions nécessaires pour faire face à ces charges exceptionnelles.

Les acquisitions réalisées et payées en 1998 concernent des entreprises plus petites dont le chiffre d'affaires n'excède pas 300 millions de marks.

Sur le chemin parfois difficile des réformes, la poste allemande a aujourd'hui l'équivalent d'un quinquennat d'avance sur notre opérateur national. Elle n'a plus besoin de lui pour devenir un acteur global postal mondial. En revanche, le marché intérieur français, le deuxième d'Europe, peut lui inspirer bien des convoitises. Dans la perspective d'une future vague de réduction des monopoles, elle dispose désormais des moyens d'être un adversaire redoutable.

2. La consolidation des positions de TNT Post Group

a) Un changement drastique mais consensuel conduit en quinze ans

La lucidité prospective et la réussite économique des réformes préparées dès 1983 et engagées à compter de 1988 par la poste hollandaise -KPN jusqu'en 1998- ont été exposées, avec précision, dans le rapport de 1997 42 ( * ) . Cette présentation ne sera donc pas renouvelée dans le cadre du présent développement.

La stratégie néerlandaise a d'ailleurs été résumée d'une manière lapidaire par M. Ad Scheepbouwer, président de l'opérateur, lors de son audition par votre groupe d'études et votre commission le 2 avril 1999. Pour lui, elle se réduit au respect de trois principes simples qu'il est intéressant de méditer : l'amélioration de la rentabilité , l'accroissement de la responsabilisation des salariés , le positionnement sur des marchés en croissance .

Votre rapporteur serait tenté d'ajouter à ce « triptyque gagnant » : le soutien des personnels aux projets conquérants de l'entreprise . C'est en effet sur la base d'un accord, signé en 1988, avec leurs syndicats que le changement de statut des postiers hollandais a été mis en oeuvre. De fonctionnaires, ils sont devenus en 1989 salariés de droit privé dans le cadre d'une période de transition de huit ans, leur garantissant notamment une indexation de leur salaire sur les évolutions des traitements versés par l'Etat. Aujourd'hui, l'entreprise étant devenue rentable, les salaires distribués sont supérieurs à ceux des agents publics.

b) La poursuite d'une marche victorieuse

Transformée en société anonyme en 1989, privatisée en 1994, la poste royale néerlandaise a racheté en 1997 l'intégrateur australien TNT, l'un des quatre majors mondiaux du secteur.

En 1998, détenue à 44 % par l'Etat, elle s'est séparée de l'opérateur de télécommunications auquel elle était liée au sein d'un holding, prenant à cette occasion le nom de TNT Post Group (TPG). En juin de la même année, elle est devenue la première société postale au monde introduite en Bourse .

A peine six mois plus tard, écornant le « pré carré » de notre poste, elle déboursait pas moins de deux milliards de francs pour acheter Jet Services , le premier opérateur privé français dans le domaine de l'express 43 ( * ) .

En mars 1999, TPG mettait dans son escarcelle, pour un peu moins de 500 millions de francs, la totalité du capital de Nuova Tecna, la maison mère de l'entreprise italienne de stockage, de transport et d'expédition, Technologistica .

Fondée en 1992, cette entreprise opère à partir d'une centaine de dépôts répartis pour la plupart en Italie mais aussi en France, en Allemagne, au Bénélux. Elle emploie 1.800 salariés pour un chiffre d'affaires de 2,2 milliards de francs. Elle compte plus de 200 clients dans des secteurs très divers : automobile, pneumatiques, électronique, textile, édition...

Technologistica n'est toutefois, jusqu'à maintenant, que la dernière d'une longue liste sur laquelle, outre TNT, figure aussi aux quatre coins de l'Europe : GMA, Rinaldi Group, Tesselaar Marketing Services, Mail 2000, Tranjato...Au total, en deux ans, la poste hollandaise aurait acheté quelque 24 entreprises 44 ( * ) de messagerie pour 15 milliards de francs 45 ( * ) .

TPG est quasiment certain de figurer demain dans le peloton de tête des opérateurs postaux de taille mondiale.

Présent dans plus de 200 pays avec plus de 100.000 salariés, le groupe a publié pour 1998 un bénéfice net de 2,46 milliards de francs , en hausse de 18,2 % par rapport à 1997, pour un chiffre d'affaires de 49 milliards de francs (en progression de 7 %). Plus de sept fois le bénéfice de notre poste pour un chiffre d'affaires inférieur de moitié : une rentabilité presque 14 fois supérieure !

Relevons au passage -ce qui tend à conforter les prédictions d'évolution du marché postal faites en 1997- que le résultat de la branche logistique de TPG, qui ne représente encore qu'environ 10 % du chiffre d'affaires total, a connu la plus forte croissance : +18,3 %.

Si la poste allemande a un quinquennat d'avance sur notre poste, dans la marche vers l'adaptation aux réalités d'une économie mondialisée, les Néerlandais en ont deux.

3. L'émergence de la poste britannique

Le rapport de 1997 n'avait pas traité de manière détaillée de la poste britannique. Son évolution apparaissait alors incertaine tant le débat sur sa privatisation occultait la vision que l'on pouvait avoir de son avenir.

Ce projet de privatisation avait été présenté en 1992 par le Gouvernement de Mme Thatcher et figurait au programme électoral de M. Tony Blair. Il a été officiellement abandonné à la mi-1997.

Depuis, le Post Office semble avoir, lui aussi, élaboré une stratégie résolue de développement international qui ne saurait être négligée, même si l'ensemble de la presse d'outre-Manche souligne le retard pris sur ses concurrents néerlandais et allemand.

C'est pourquoi il est utile dans le cadre du présent rapport de rappeler brièvement l'organisation du British Post Office avant d'exposer les réformes dont il devrait faire l'objet et les objectifs qu'il a annoncés.

a) Une structuration autour de quatre pôles

Le Post Office Group est organisé autour de quatre branches de compétence et de statut différents :

- Royal Mail (lettres)

- Parcelforce (colis)

- Post Office Counters (réseau)

- Subscription Services Ltd (redevance TV et banques de données informatiques de télémarketing).

Le Post Office n'est plus un ministère depuis 1969. C'est un établissement de droit public placé sous la tutelle du ministère du commerce et de l'Industrie et dont les attributions ont été fixées par le « British Telecommunications Act » de 1981.

Le personnel du Post Office -193.000 personnes- n'est plus fonctionnaire depuis 1969, mais dispose du statut « d'employé d'entreprise publique » sous contrat de droit privé.

La poste britannique ne dispose plus de services financiers. Ceux-ci, filialisés sous le nom de Eurobank en 1986, ont été privatisés et vendus en 1990.

Les statuts des différentes entités qui constituent le groupe sont quelque peu différents : Royal Mail et Parcelforce sont des divisions opérationnelles du Post Office, alors que Post Office Counters et Subscription Services Ltd en sont des filiales à 100 %.

Chacune de ces composantes produit ses propres comptes, mais il existe entre elles des liens contractuels : Royal Mail et Parcelforce vendent des timbres ainsi que d'autres produits ou services par l'intermédiaire des guichets de Post Office Counters, et Parcelforce utilise Royal Mail pour la collecte et la distribution des paquets. Le personnel utilisé par SSL est fourni par le Post Office.

Le Post Office est très rentable . Sur l'exercice 1998/1999, 22 e année consécutive de résultat positif , il a réalisé un bénéfice avant impôts de 651 millions de livres pour un chiffre d'affaires de 6,75 milliards de livres.

Différentes obligations contraignantes empêchent cependant le Post Office d'investir comme il le souhaiterait. Actuellement, le Gouvernement définit souverainement l'excédent qui doit être dégagé, détermine un objectif de rentabilité et un objectif de réduction des coûts. Le Post Office n'a pas la liberté d'emprunter sur les marchés financiers et est traité de la même façon que les autres entreprises publiques pour avoir accès aux dotations publiques. La ponction opérée par le Trésor est indépendante des bénéfices et excède largement le montant de l'impôt sur les sociétés car elle intègre aussi l'équivalent d'un très lourd dividende. De 1998 à 2000, sur trois ans, ces versements à l'Etat ont été fixés à 925 millions de livres (9 milliards de francs environ).

Royal Mail , qui a le monopole de l'acheminement du courrier dont le coût du port ne dépasse pas une livre, emploie 165.000 des 193.000 salariés du groupe. Pour l'exercice 1997/1998, son chiffre d'affaires s'est élevé à 5,4 milliards de livres (bénéfice avant impôt : 547 millions de livres, 96,5 % des excédents du groupe). Royal Mais est une entreprise très performante . Ses services sont, de plus, d'une qualité reconnue : le cabinet Price Waterhouse estime que Royal Mail assure l'un des meilleurs services postaux au monde en ce qui concerne le respect des délais fixés.

Royal Mail a, par ailleurs, su profiter de l'expansion du trafic généré par le marketing direct (envois en nombre pré-triés) et développe cette activité à l'étranger, où elle a pour partenaires plusieurs sociétés américaines. Royal Mail s'intéresse au marché américain du courrier destiné au Royaume-Uni et au courrier à y reposter à destination de pays tiers, à l'instar de ce qu'a fait la poste hollandaise. L'entreprise attend beaucoup de la libéralisation des services postaux en Europe et s'y prépare activement. Plusieurs de ses cadres supérieurs travaillent en France pour y suivre les évolutions et préparer la pénétration de notre marché postal.

Parcelforce n'a pas, comme Royal Mail, le privilège d'opérer dans un environnement protégé par un monopole. Son chiffre d'affaires, 465 millions de livres pour l'exercice 1997/1998, représente 8,6 % de celui de Royal Mail. Son déficit chronique a cependant diminué, passant de 21 à 14 millions de livres entre 1997 et 1998.

Parcelforce emploie environ 12.000 personnes. 30 % de son trafic sont réalisés par Royal Mail. Sur le marché britannique, la part de Parcelforce serait de l'ordre de 17 %, avec un trafic annuel portant sur 135 millions de paquets. Sa part de marché est plus importante pour les colis ordinaires, les moins rentables. Pour les colis express, catégorie qui connaît la plus forte croissance, il ne détient que 7 % du marché national. Parcelforce continue à déployer des efforts pour reconquérir les parts de marché perdues auprès du secteur de la VPC depuis la série de grèves qui a affecté la poste britannique en 1996.

L'international ne représente que 2 % du trafic de Parcelforce mais 25 % de son chiffre d'affaires.

Avec environ 19.200 bureaux, Post Office Counters (POC) est la principale organisation de vente au détail du Royaume-Uni. La structure des POC est cependant tout à fait particulière dans la mesure où 96 % des bureaux sont franchisés : seuls 650 bureaux sont gérés directement par POC, ce sont le plus souvent les grands bureaux de poste des villes importantes.

Il existe différents types d'agences franchisées : certaines, dans les zones rurales éloignées, où la rentabilité n'est pas possible, sont ouvertes quelques heures par jour et sont subventionnées. De nombreuses autres sont intégrées à de petits commerces : les services postaux peuvent ainsi cohabiter avec la vente de journaux ou de T-shirts !

Le franchisage , qui consiste en fait à créer un partenariat entre le secteur public et le secteur privé, a commencé en 1989 . Ce transfert de gestion a permis d'éviter la fermeture pure et simple de nombreux bureaux de poste et de maintenir la présence de la poste et son rôle social dans les zones rurales.

Le chiffre d'affaires de POC s'est élevé à 1,13 milliard de livres durant l'exercice 1997/1998 (-2,7 % par rapport à l'exercice précédent) et a réalisé un bénéfice de 33 millions de livres. Les sommes transitant par les bureaux se montent, quant à elles, à 125 milliards de livres par an.

Les services proposés par les POC se sont considérablement diversifiés au cours des dernières années et devraient continuer, l'ambition de la poste étant même de devenir un supermarché des services financiers. Le réseau mise sur le fait que son image de marque attire, surtout dans les zones rurales, toute une catégorie de clients modestes qui ne contacterait pas les organismes financiers traditionnels. POC offre bien sûr les produits et services purement postaux de Royal Mail et de Parcelforce mais aussi, sans les conseils financiers, ceux de l'ancienne banque postale, la Girobank, et des caisses d'épargne. POC effectue le paiement des prestations sociales et des retraites, vend des billets de loterie, des assurances-voyage, des cartes postales, des vignettes automobiles, des coupons cadeaux pour les grands magasins, des taille-crayons, des permis de pêche, des passeports, etc... POC est également devenu le principal réseau de bureaux de change du pays. Il commence à commercialiser des téléphones mobiles et des billets d'avion. On prévoit qu'avant la fin du siècle, POC vendra des tickets de théâtre, des abonnements de parking, des plans de retraite, des contrats d'assurance...

Subscription Services Ltd (SSL)

Subscription Services Ltd a été créé en 1989, principalement pour administrer les quelque 21 millions de redevances TV pour le compte de la BBC. SSL emploie environ 1.500 personnes et près de 90 % de son chiffre d'affaires, qui s'est élevé à 70 millions de livres pour l'exercice 1997/1998 (bénéfice avant impôt : 8 millions de livres), est généré par son contrat avec la BBC.

Disposant des bases de données de la poste (25 millions d'adresses), SSL gère l'une des plus grandes bases de données d'Europe. SSL diversifie ses activités et est déjà devenu l'un des leaders du télémarketing au Royaume-Uni avec 200.000 appels téléphoniques par semaine.

b) Une réforme clairement orientée : liberté commerciale avec maintien dans le secteur public

M. Peter Mandelson, ministre du commerce et de l'industrie, a annoncé, le 7 décembre 1998, devant la Chambre des Communes, un train de réformes à mettre en oeuvre dans les services postaux britanniques. Ces réformes devraient conduire à modifier la structure juridique du Post Office qui passerait du statut d'établissement public à celui d'IPOC 46 ( * ) , entièrement détenu par l'Etat, et qui se verrait accorder une plus large liberté commerciale tout en demeurant dans le secteur public.

Les détails concernant ces réformes devraient être précisés dans un livre blanc à paraître sur l'avenir du Post Office.

D'ores et déjà, les points clefs en ont été énoncés. Ils peuvent être résumés de la façon suivante :

L'intervention gouvernementale dans l'orientation du Post Office se limitera au niveau stratégique tant pour les questions relatives à la direction commerciale que pour la définition des objectifs sociaux. Le conseil d'administration de la Poste (Post Office Board) deviendra clairement responsable de la réussite ou de l'échec en matière de gestion de l'entreprise.

Le Post Office perdra progressivement son monopole sur les lettres de moins d'une livre, la libéralisation totale n'étant toutefois envisagée qu'après 2003.

Un régulateur indépendant sera institué pour protéger les intérêts des consommateurs, fixer les normes de services, réguler les prix 47 ( * ) , assurer une concurrence équitable, veiller à ce que l'opérateur public soit en mesure de remplir ses obligations de service universel. Le régulateur aura le devoir de promouvoir la concurrence par la libéralisation progressive du domaine postal sous monopole, tout en maintenant l'obligation de service universel.

Un tarif public uniforme sera maintenu pour les activités relevant de l'obligation de service universel imposée au Post Office. Ce dernier sera toutefois libre de fixer les prix de façon souple pour les gros utilisateurs et, dans le domaine sous monopole, le régulateur limitera les prix pour s'assurer que le Post Office ne réalise par des bénéfices excessifs en raison du monopole dont il jouit 48 ( * ) .

Une fois que des dispositions réglementaires adéquates seront en place pour superviser l'exercice d'une concurrence équitable, le Post Office pourra former des co-entreprises, établir des partenariats et réaliser des acquisitions au Royaume-Uni.

Le Post Office se verra imposer l'obligation de présenter chaque année un plan stratégique glissant de cinq ans pour approbation par le Gouvernement. Sur la base de ce plan, et en contrepartie de l'abandon du monopole, un objectif de profit pour le Post Office et l'équivalent d'un dividende pour l'Etat seront établis, conformément aux pratiques fiscales et commerciales normales 48 ( * ) . Il en résultera un accroissement des bénéfices conservés qui permettra à la poste anglaise de financer un niveau accru d'investissement.

En outre, il est reconnu que les investissements les plus importants, tels ceux nécessités par des acquisitions ou la constitution de co-entreprises, pourraient être financés par un recours à l'emprunt, dès lors qu'ils seraient justifiés par des opérations « commercialement solides ». Cependant, son autonomie commerciale ne permettra pas au Post Office d'emprunter librement sur les marchés financiers. Sur ce point, il restera soumis à autorisation gouvernementale préalable.

Beaucoup d'observateurs britanniques ont vu dans cette limitation un frein aux projets de l'opérateur qui visent à contrecarrer les projets d'expansion internationale d'autres postes européennes.

Il convient toutefois de remarquer qu'elle ne semble concerner que les opérations de croissance externe financées par l'emprunt. Or, les réserves financières de l'opérateur public sont parfois estimées jusqu'à 10 milliards de francs et, sur la base de ses derniers résultats, la réforme programmée devrait -à périmètre constant de monopole- lui permettre de dégager de l'ordre de 4 milliards de francs de bénéfices nets chaque année.

Par ailleurs, le Gouvernement a déclaré s'engager à envisager d'autres changements, tels que la vente d'une participation minoritaire ou l'échange d'actions avec d'autres entreprises, s'ils s'avéraient nécessaires pour assurer la réussite du Post Office. De même, il a évoqué la perspective de sa transformation, à terme, en société anonyme, si cela se révélait plus adaptée à l'évolution de ses activités.

c) Des objectifs annoncés : de gros appétits

Le caractère dynamique des réformes programmées ne saurait faire de doute.

Un peu plus d'un mois après les déclarations de son ministre de tutelle, la poste britannique achetait pour 300 millions de livres (environ 3 milliards de francs) German Parcel, le quatrième réseau allemand de distribution de colis. A cette occasion, son président déclarait « c'est un premier pas sur le marché international de la distribution postale et nous n'allons certainement pas nous arrêter là. Nous avons huit cibles actives sur notre écran radar ».

Quelques mois plus tard, l'opérateur britannique renforçait sa présence sur le marché allemand, en se servant de sa nouvelle filiale germanique pour prendre le contrôle de la société de messagerie Der Kurier, basée à Hamburg, qui réalise 120 millions de deutsche marks de chiffre d'affaires.

La pénétration britannique du marché postal allemand n'en est sans doute pas finie pour autant, German Parcel détenant 23 % de General Parcel, un opérateur international traitant depuis l'Allemagne avec trente pays européens, le Post Office a déjà fait savoir qu'il était désireux d'accroître sa participation dans General Parcel.

Même en cas d'aboutissement, les appétits internationaux de l'opérateur d'outre-Manche n'en seront sans doute pas apaisés. Il a, en effet, annoncé, en avril 1999, son intention « d'investir 1,5 milliard de livres (soit environ 15 milliards de francs) , dans des acquisitions à l'étranger au cours des prochaines années, de manière à faire face à une concurrence croissante sur son marché intérieur 49 ( * ) ».

Par ailleurs, il faut relever que sur la période 1998-2003 , en cinq ans, c'est plus de 27 milliards de francs que cette poste tricentenaire a, au total, programmé de consacrer à ses investissements (contre 17 milliards pour les cinq années antérieures).

Comme l'annonçait le porte-parole de ce nouvel « ogre postal » : « pour nous, le marché international sera à terme dominé par cinq ou six grands opérateurs postaux ; le Post office est déterminé à être l'un d'entre eux ».

A n'en pas douter, il va falloir apprendre en Europe à compter avec les postiers anglais.

*

* *

Face aux trois grands européens qui ont déjà consacré ou prévoient de consacrer quelque 15 milliards de francs à la construction de solides positions sur les marchés postaux de demain, notre poste apparaît un peu fluette avec son milliard et demi d'investissement.

Ralentie par des débats trop idéologiques alors que les autres guident leurs actions en fonction des faits, elle semble déjà ne plus faire partie de la même « cour ». Quand les uns semblent prendre un camion pour faire leurs emplettes, elle donne l'impression de sortir un cabas ! Alors que ses concurrents avancent au pas de course, elle paraît continuer à marcher au pas, martial mais lent, de la Légion.

Le décalage des rythmes de progression entre les principaux opérateurs du Vieux Continent sont aujourd'hui flagrants . Sans réaction rapide de notre poste, ce décalage peut la condamner à n'être qu'un sous-traitant régional du marché postal mondial de demain.

CHAPITRE III - L'URGENCE DES DÉCISIONS POLITIQUES

Dans un monde postal en mutation accélérée, la lenteur des mouvements d'adaptation est un handicap sérieux car, plus le temps passe, plus les « fenêtres d'opportunité » rétrécissent.

Quand les homologues les plus dynamiques de notre poste auront achevé leur mue, l'espace économique qu'ils lui laisseront en Europe et dans le monde, si elle n'a pas réagi à temps, risque d'être bien restreint pour pouvoir assurer l'emploi des enfants de nos postiers et une grande ambition de service public.

Les étrangers le disent souvent : les Français ne sont pas pragmatiques. Pourtant, quand l'intérêt national est en jeu, nous savons tourner le dos à nos querelles idéologiques et avancer ensemble.

Le dossier postal pourrait en être l'occasion. Ses enjeux, pour nos emplois, nos entreprises et nos valeurs de service public sont considérables. Or, nous ne pourrons pas consolider les uns et les autres au prochain siècle si nous adoptons une attitude frileuse. Pour avoir une poste conquérante, il nous faut regarder la réalité en face et agir en conséquence.

Livrée à elle-même, notre poste se trouve fort dépourvue eu égard au poids de ses boulets financiers. C'est pourquoi, il est urgent de prendre les décisions politiques permettant, d'une part, de la « rétablir dans la course » en position honorable et, d'autre part, de remettre en ordre l'environnement dans lequel elle évolue.

Ces décisions devront avoir pour priorité centrale d'assurer le meilleur avenir à notre service public et à l'aménagement postal du territoire.

I. NOUER DES ALLIANCES STRATÉGIQUES

Ce que le rapport de 1997 réclamait pour notre Poste, la poste allemande l'a fait, seule, en acquérant une part substantielle de DHL il y a plus d'un an. Notre champion national lui est toujours sans grand partenaire dans la messagerie transfrontière 50 ( * ) , alors que plus que jamais le temps presse. Comme le reconnaissait avec clairvoyance M. Claude Bourmaud, Président de La Poste, lors de son audition par votre commission et votre groupe d'études : « sur ce sujet, à la fin de 1999, la messe et les vêpres seront dites ».

Par ailleurs, l'urgence des décisions à prendre face à la force des faits dans le domaine de la messagerie ne doit pas amener à négliger la nécessité de construire des positions solides sur un segment apparaissant singulièrement porteur d'avenir : le commerce électronique.

A. UNE ALLIANCE INTERNATIONALE DANS LA MESSAGERIE

1. L'impératif de l'alliance

Sur ce point, les événements survenus ces vingt derniers mois ont validé tant le diagnostic dressé par le Sénat que les conclusions qu'il en tirait. Pour exister sur le marché postal du 21 ème siècle, celui de la messagerie et de la logistique transfrontière, La Poste n'a aujourd'hui d'autre choix que celui de s'associer avec un grand intégrateur de taille mondiale avant que les rapports de force ne se trouvent figés pour longtemps. La faiblesse de ses moyens lui interdit, en effet, toute politique d'acquisition ambitieuse.

Les mariages envisageables sont moins nombreux qu'il y a vingt mois. La poste allemande et DHL ayant déjà convolé ensemble, ne restent « épousables » que deux autres grands européens, la poste néerlandaise qui contrôle TNT ou la poste britannique, et deux grands logisticiens internationaux : UPS et Fedex.

L'avantage d'une alliance européenne est qu'elle permet de disposer d'une base territoriale solide pour s'avancer sur le marché mondial. Un partenariat européen à deux n'interdit d'ailleurs pas un partenariat mondial à trois.

Dans cette perspective, TNT Post Group (TGP) -la très dynamique poste néerlandaise- paraît présenter un intérêt indéniable. Deuxième opérateur européen du transport express et du colis entre entreprises 51 ( * ) , c'est la poste du Vieux Continent qui a le plus avancé dans la voie des réformes. TNP est donc l'un de ceux les mieux à même de faire bénéficier notre poste d'un esprit d'entreprise adapté aux nouvelles réalités mondiales, sans qu'elle ait pour autant à se départir de ses traditions les plus positives.

Quoique son marché intérieur soit restreint, TPG dispose -au travers du réseau de TNT, l'intégrateur australien qu'elle a absorbé- d'une implantation internationale de premier plan -quoique peu présent aux Etats-Unis- dans le domaine du colis et de l'express 52 ( * ) . La situation de La Poste étant inverse (grand marché intérieur, faible présence internationale), des complémentarités peuvent jouer. Parallèlement, TPG est encore d'une taille qui laisse supposer des possibilités d'associations équilibrées. Elle s'avère aussi une entreprise de forte cohésion sociale où a pu être établi un dialogue constructif 53 ( * ) .

Beaucoup d'atouts, somme toute !

Quoiqu'il en soit, le choix de l'allié relève d'une décision entrepreneuriale. Ce qui est indispensable et relève de l'impulsion politique, c'est la réalisation d'une alliance et l'appui nécessaire à son succès.

2. Les moyens de la réussite

Il y a vingt mois, bien peu proclamaient que l'activité internationale était un enjeu majeur pour notre opérateur postal et qu'au moment où « les marchés des courriers et colis internationaux sont dopés par le mouvement de mondialisation des échanges » 54 ( * ) , il se devait « de suivre ses grands clients à l'étranger, ne serait-ce d'ailleurs que pour ne pas les perdre sur le marché domestique » 55 ( * ) . Aujourd'hui, les observateurs perspicaces l'ont compris.

Il y a vingt mois, seul le Sénat osait dire que ce constat et les décisions qu'il devait emporter amenaient à poser la question du statut de notre poste : pour s'adapter à un environnement de plus en plus capitalistique, l'absence de capital n'est-elle pas une infirmité dramatique ?

A l'époque, votre rapporteur excluait toute privatisation de La Poste. Cela ne lui apparaissait ni économiquement nécessaire ni constitution-nellement autorisé. Il n'a pas changé d'opinion sur ce point.

Dans le même temps, il considérait que la question de la sociétisation de La Poste -c'est-à-dire sa transformation en société anonyme à capitaux publics- devait être posée. Il concluait toutefois que « la négociation et la conclusion d'alliances au travers de filiales n'apparaissait pas une mauvaise solution » 1 .

Aujourd'hui, il a la conviction profonde qu' un statut de société anonyme publique serait le choix le plus garant d'avenir pour La Poste , mais qu'un tel choix n'est pas envisageable pour l'instant car les postiers et l'opinion, en l'état actuel de leur connaissance du dossier, ne paraissent pas encore à même de le comprendre.

Dans ces conditions, l'urgence commande de souscrire une alliance solidement étayée par un échange de capitaux dans le cadre d'une filiale ; la sagesse exige d'expliquer à tous, parallèlement et sans relâche, qu'une translation vers la société anonyme de l'opérateur lui-même constituerait une meilleure garantie du maintien de son unité économique et sociale.

La stratégie préconisée sur ces bases pourrait reposer sur le processus suivant :

Ouverture du capital de Coelo, le holding colis et logistique, à un grand partenaire international au moyen d'un échange croisé de capital avec ce partenaire ou par création d'une filiale commune.

Cette ouverture du capital d'une filiale ne serait pas une nouveauté dans l'histoire de La Poste. Aujourd'hui, l'Aéropostale est détenue pour une moitié par La Poste et pour l'autre par Air France. Il n'y a pas si longtemps, TAT, la compagnie aérienne privée, était actionnaire de Chronopost.

La seule nouveauté qu'introduirait cette proposition serait le caractère étranger et conséquent de la participation prise. Mais quand l'Union européenne se construit et que l'économie se globalise, qui pourrait encore s'en offusquer au regard de l'importance des intérêts en jeu.

Renforcement du capital de Coelo, pouvant au besoin s'appuyer sur une titrisation 56 ( * ) d'une partie des avoirs fonciers et immobiliers de La Poste.

Développement des activités transfrontières de messagerie à partir de ce pôle capitalistique de moyens et de compétences.

Ouverture du débat sur une sociétisation de La Poste garantissant les droits de ses personnels et permettant éventuellement l'ouverture de son capital à des collectivités territoriales pour mieux enraciner son ancrage dans les régions.

Traditionnellement très faiblement consommateurs de capitaux, les métiers postaux sont en train, dans leurs nouvelles excroissances (fret express, monocolis d'entreprise à entreprise, logistique...) de se rapprocher des autres industries de réseau. Ils exigent une intensité capitalistique de plus en plus forte (systèmes informatiques de suivi des envois, flotte aérienne...). Dans le même temps, leur rentabilité, hier modeste, tend à devenir orgueilleuse.

Or, ce phénomène produit des effets rapides. Qu'on en juge. Entre 1993 et 1997 , le chiffre d'affaires de TNT Post Group a été multiplié par près de 300 %. Dans le même temps, la part de l'express et de la logistique est passée de 21 % du résultat total à 53 %. C'est-à-dire qu'aujourd'hui, sans la croissance réalisée dans ces secteurs, les revenus du groupe seraient deux fois moindres. Cela signifie aussi que si cette croissance avait été concentrée sur une seule filiale, cinq ans après sa création, cette filiale pèserait plus lourd que la maison mère en termes de résultats !

Mieux qu'un long exposé, cet exemple résume les inconvénients qui pourraient résulter, à terme, d'une trop forte disparité statutaire entre notre opérateur historique ancré dans ses métiers de longue date et ses filiales accrochées aux vagues économiques les plus porteuses. N'y aurait-il pas là le risque d'un décrochage, voire d'une rupture ?

La question mérite au moins d'être posée dans le cadre d'un grand débat parlementaire de fond sur l'avenir de La Poste que permettrait, par exemple, la discussion de la loi d'orientation postale. Telle est l'exigence de votre commission et de votre groupe d'études.

B. UNE ALLIANCE TECHNOLOGIQUE ET COMMERCIALE DANS LE COMMERCE ÉLECTRONIQUE

1. Choisir la combinaison gagnante

Une agora de commerce électronique n'est en définitive qu'un espace virtuel où se rencontrent quatre compétences réelles :

- une offre commerciale à même de générer des ventes à distance ;

- une force logistique pour la livraison des acheteurs ;

- une intermédiation financière sécurisée pour les paiements ;

- une plate-forme informatique assurant la rencontre interactive des offres et des demandes, ainsi que l'enregistrement des paiements.

Ses deux métiers traditionnels confèrent à La Poste une vocation naturelle à s'inscrire au coeur d'un tel dispositif. L'aptitude de sa branche courrier à réaliser une distribution de masse de colis de toutes tailles est prouvée ; ses services financiers, forts de leurs quelque 30 millions de clients, constituent une solide assise pour un système fiabilisé de paiement électronique.

En outre, notre poste pourrait apporter un soutien appréciable au plan logistique et au plan publicitaire à sa « clientèle électronique » . Elle pourrait, s'inspirant de l'exemple de la Deutsche Post, leur proposer de s'occuper du stockage de leurs produits, de leur emballage, de leur affranchissement, de leur enlèvement, et pas seulement de leur acheminement. Des campagnes de publipostage à tarifs préférentiels pourraient être ajoutées en option à cette gamme de prestations.

Surtout, ainsi que le mettent fort pertinemment en évidence certains travaux de l'IREPP 57 ( * ) , la pénétration du « web commercial » pourrait permettre à notre opérateur national d'élargir ses compétences en matière de publipostage aux nouvelles techniques de marketing en ligne.

Selon les auteurs précités, le publipostage et plus généralement la notion de marketing direct (qui englobe également les éditions publicitaires, les prospectus et le marketing téléphonique) « prend avec Internet un nouveau visage. Fréquemment appelé marketing « one to one », en référence à l'idée qu'il est hautement personnalisé, il offre aux entreprises la possibilité de déployer une stratégie commerciale centrée sur le client et non plus sur le produit. Dématérialisé de bout en bout, il exploite toutes les possibilités des bases de données clients, en suivant très finement le comportement des consommateurs, en mémorisant, analysant et déduisant les offres commerciales à proposer à tel client en particulier. Ce marketing d'un nouveau genre se caractérise donc par sa réactivité, les différentes étapes mentionnées pouvant être traitées en « temps réel » grâce à la puissance informatique déployée derrière certains sites web. »

En revanche, pour ce qui concerne la plate-forme informatique pouvant accueillir un site de commerce électronique d'envergure, La Poste n'apparaît pas à même de mobiliser rapidement en interne les moyens nécessaires. Quoique très performant et ayant déjà permis de réaliser d'importantes économies, ses systèmes informatiques ne sont pas orientés vers ce type de fonction. La panne qui les a affectés en janvier 1999 a d'ailleurs quelque peu terni leur image de marque. Force est, en outre, de constater que la lourdeur des structures administratives de notre opérateur ne se prêtent pas facilement à la conduite d'une opération réactive sur un des marchés les plus mobiles du moment.

2. Prendre les moyens de la mener à bien

Au vu de tous ces éléments, la proposition faite par votre groupe d'études et votre commission se décline comme suit :

Recherche par La Poste d'un grand partenaire informatique pour construire une plate-forme de commerce électronique intégrant la déclinaison d'une gamme de services postaux et financiers. Ce site aurait vocation à servir d'hôte à des PME soucieuses de vendre sur Internet mais peu désireuses d'avoir à assurer la logistique de leur vitrine électronique.

Ce partenaire pourrait être France-Télécom, l'ancienne administration soeur, ou par exemple, Cégétel qui a notamment emporté l'appel d'offres sur l'expérimentation du réseau Vital.

Création avec ce partenaire d'une filiale commune dédiée à la gestion de ce site.

Parallèlement, développement par La Poste d'une offre logistique intégrée à l'intention des PME et des grandes entreprises ayant créé leur propre site Internet et souhaitant se décharger de la gestion de leurs commandes électroniques sur un sous-traitant fiable.

Sur la base d'une telle stratégie, La Poste pourrait, à la fois, associer sa branche « colis » à la dynamique d'Internet et développer une expertise de paiement électronique de nature à conforter ses savoir-faire financiers. Si, comme certains le prédisent, le commerce électronique représenterait 1.000 milliards de dollars dès l'an 2000, un tel investissement serait là même de rapporter gros, notamment en termes de développement de nouveaux métiers et de création d'emplois.

II. CLARIFIER LES RÈGLES

A. UNE DEMANDE DE PLUS EN PLUS FORTE DES ENTREPRISES PRIVÉES

Les « razzias » opérées par les postes allemande et néerlandaise dans les entreprises de la messagerie et de la logistique ont aiguisé les inquiétudes des opérateurs privés du secteur. Ils craignent que la lutte soit par trop inégale face à des géants économiques alimentés par des capitaux d'Etat et des ressources issues de monopole, car ceux-ci peuvent fonctionner sans véritable pression de rentabilité en supportant des déficits. Ils dénoncent les distorsions de concurrence qui en découlent et réclament une intervention publique régulatrice .

Ces critiques ne datent pas d'aujourd'hui. Déjà, en 1994, UPS avait déposé une plainte contre la poste allemande auprès de la Commission européenne 58 ( * ) .

Depuis deux ans, les reproches se sont avivés. L'European Express Organisation (EEO) -dont UPS est membre- accuse les opérateurs publics européens d'utiliser des garanties d'Etat ou les fonds engrangés grâce à leur monopole pour racheter des sociétés privées.

Selon Rohan Malhotra qui représentait cette organisation au colloque « Postes Europe Territoires » 59 ( * ) : « Ce sont des méthodes anti-concurrentielles puisque les opérateurs privés n'y ont pas accès. Il est donc très important que la commission européenne ouvre une enquête sur la poste allemande en vertu des règles communautaires sur les aides d'Etat. [...] Mais ce sont (aussi) autant de moyens anti-concurrentiels : le service réservé n'existe que pour garantir le service universel et non pour permettre aux postes de réaliser l'acquisition d'opérateurs privés. S'il le lui permet, c'est sans doute que ce monopole est trop étendu et doit être réduit ».

En France, les fédérations professionnelles des secteurs concernés -la Fédération nationale des Transporteurs routiers (FNTR) et la Fédération des entreprises de transport et logistique de France (TLF)- expriment, quoique sur un mode moins vif, des observations et des inquiétudes de même nature.

D'aucuns, s'appuyant sur l'expérience acquise 60 ( * ) , redoutent que cette irruption croissante de monopoles publics dans une sphère d'activités concurrentielles conduise à tirer les prix vers le bas, lamine les marges bénéficiaires, menace l'investissement et finisse par porter atteinte au dynamisme de la filière.

Beaucoup restent sourds aux objurgations d'entreprises américaines peinant à pénétrer le marché européen, au prétexte que le marché intérieur américain est bien loin d'être aussi ouvert que le prétendent ses zélotes. Peu peuvent demeurer indifférents au malaise de PME françaises créatrices d'emplois, dont le nombre 61 ( * ) et la bonne santé sont un gage de vigueur pour notre économie.

B. LA NÉCESSITÉ DE RÉPONSES EUROPÉENNES ET FRANÇAISES

1. En Europe : une nouvelle directive doit baliser l'avenir

Jusqu'à présent la Commission européenne est peu intervenue sur ce dossier. Elle ne s'est pas opposée aux acquisitions d'entreprises par les postes publiques au motif que le marché sur lequel elles se réalisent est en pleine croissance, que de nombreux concurrents s'y pressent et que le risque de formation d'une position dominante s'en trouve être minime 62 ( * ) .

De même, la Commission de Bruxelles a longtemps considéré que la plainte d'UPS se heurtait à des problèmes de recevabilité : il ne lui paraissait pas possible d'assimiler à des aides d'Etat des « subventions croisées » à l'intérieur d'une seule et même entreprise, juridiquement indépendante.

La sévérité accrue de sa jurisprudence à l'égard de telles subventions quand elles sont versées à leurs filiales par des entreprises publiques détentrices d'un monopole et l'action engagée contre elle par UPS, devant la Cour européenne de Justice, semblent toutefois l'amener désormais à envisager des enquêtes 63 ( * ) .

Parallèlement, en mai 1999, l'intervention de la Commission 64 ( * ) a conduit la Deutsche Post à renoncer à son projet de prendre le contrôle de Trans-O-Flex, société allemande de messagerie dans laquelle elle détient une participation minoritaire.

Enfin, les commissaires européens ont adopté le 31 mars dernier un projet de modification de la directive « transparence » 80/723/CEE. Ce projet vise à mieux contrôler l'existence de subventions croisées en imposant un renforcement de la transparence des comptes des entreprises publiques. Certes, en l'état, le texte présenté exclut de son champ d'application les domaines dans lesquels existent des dispositions spécifiques les soumettant déjà au respect de certaines exigences comptables. Or, cela est le cas des services postaux en vertu de la directive de décembre 1997, précisée par la Communication (98/C39/01) de la Commission sur l'application des règles de concurrence au secteur postal.

Il n'en demeure pas moins que ces éléments rassemblées démontrent une volonté des autorités européennes d'endiguer les comportements hétérodoxes de certains opérateurs publics .

Il ne faudrait pas pour autant que, dans le domaine postal, cette remise en ordre aboutisse à un cantonnement des prérogatives du Parlement et du Conseil européen au prétexte de l'urgence . Le processus de libéralisation et d'harmonisation a été engagé au plan européen sur le fondement de l'article 100 65 ( * ) du Traité de Rome ou la co-décision appartient à ces deux instances. Mais la Commission dispose en la matière de pouvoirs propres, en vertu de l'article 90-3 du même Traité 2 .

Commentant la genèse de la directive de 1997 au colloque « Postes Europe Territoires », Robert Verrue, Directeur général de la DG XIII à la Commission européenne indiquait d'ailleurs : « Il aurait bien sûr été possible de recourir à des décisions ponctuelles de politique de concurrence au lieu de créer une nouvelle directive. Ces décisions auraient été beaucoup plus simples à mettre en oeuvre puisqu'elles ne nécessitent pas l'intervention du Parlement et se prennent au cas par cas. Dans la politique de concertation qui semble prévaloir aujourd'hui au sein des grands groupes postaux, de telles décisions seront peut-être nécessaires. »

Le maintien du contrôle politique du Parlement et du Conseil sur le processus engagé en 1997 impose donc que ce dernier soit poursuivi. Et, ceci doit se faire sans tarder, car ainsi que le déclarait M. le Commissaire Karel Van Miert à votre rapporteur 66 ( * ) : « on a moins de temps que certains le pensent pour faire évoluer les choses d'une manière harmonisée permettant notamment de prémunir le service universel ».

Il est en effet nécessaire d'éclaircir l'horizon réglementaire non seulement pour améliorer la visibilité des opérateurs, non seulement pour encadrer les soubresauts désordonnés de la recomposition du secteur mais, aussi, pour éviter que la recomposition « sauvage » en cours n'aboutisse à déstabiliser les opérateurs de service universel ne s'étant pas réformés et, puisse, par voie de conséquence, menacer le bon accomplissement du service universel postal.

Aujourd'hui, pour protéger notre poste et notre service public, il faut poursuivre dans la voie de l'harmonisation des règles postales européennes. Il nous faut également fixer des échéances au processus contrôlé de libéralisation pour éviter qu'il soit emporté par le bouillonnement du marché.

C'est pourquoi, votre commission et votre groupe d'études demandent au Gouvernement de prendre toutes les initiatives nécessaires pour que le programme de réglementation postale fixé par la directive de 1997 soit poursuivi dès l'installation de la nouvelle Commission.

2. En France : la loi d'orientation postale doit instituer un régulateur autonome

La clarification juridique souhaitée au plan européen doit également s'accomplir en France. La loi d'orientation postale demandée par le Sénat en 1997 ne saurait se faire attendre au-delà de l'année 1999 sans porter atteinte, d'une part, aux engagements de transposition de la directive postale pris par la France et, d'autre part, aux intérêts de notre poste.

Cette loi devra, entre autres, instituer dans notre pays une autorité de régulation postale pour se conformer à l'article 22 de la directive qui dispose « Chaque Etat membre désigne une ou plusieurs autorités réglementaires nationales pour le secteur postal, juridiquement distinctes et fonctionnellement indépendantes des opérateurs postaux ».

En la matière, les mesures à prendre doivent se conformer à nos traditions nationales 67 ( * ) et devraient s'inspirer des solutions retenues pour l'Autorité de Régulation des Télécommunications (ART) par la loi de juillet 1996 68 ( * ) . Il s'agira, en particulier, de déterminer précisément les compétences attribuées. Il s'agira aussi d'unifier les voies de recours contre les arbitrages du régulateur postal avec celles déjà définies pour l'ART et le Conseil de la Concurrence, à savoir la Cour d'Appel de Paris.

Conformément aux choix effectués en 1996, l'instance administrative à créer aurait à être indépendante mais adossé à l'Etat .

A la question de savoir si elle aurait vocation à traiter de l'ensemble des activités de la Poste, la réponse apparaît a priori devoir être non . Les services financiers de notre opérateur s'exerçant de longue date dans un cadre concurrentiel banalisé, leur arbitre naturel semble devoir être le Conseil de la Concurrence 69 ( * ) .

Pour ce qui concerne la régulation « des services qui consistent en la levée, le tri, l'acheminement et la distribution des envois postaux » 70 ( * ) , votre rapporteur avait suggéré, lorsque la question lui avait été posée en 1997, qu'elle soit confiée à l'ART dont les compétences auraient été étendues à cet effet.

Cependant, le bilan du remarquable travail accompli en deux ans par l'ART amène désormais à considérer que ce dont a le plus besoin cette autorité, et la régulation du secteur des télécommunications en général, c'est de stabilité. Or, la permanence des attributions est un facteur essentiel en ce domaine.

En outre, en France, la régulation de monopoles en voie d'ouverture à la concurrence se révèle, au vu des solutions déjà retenues, obéir à un principe de spécialité sectorielle. Celui-ci amène à exclure l'intervention du Conseil de la Concurrence mais conduit aussi, par cohérence, à écarter un mélange des genres. Ainsi, le projet de loi relatif à l'ouverture du secteur de l'électricité prévoit l'instauration d'un régulateur spécifique.

Dans ces conditions, après en avoir débattu, votre commission et votre groupe d'études se sont prononcés en faveur de la constitution d'un régulateur postal autonome et recevant compétence exclusive sur le secteur du courrier .

III. ASSURER LA TRANSPARENCE DES COMPTES ET DESSERER L'ETAU FINANCIER

A. ASSURER LA TRANSPARENCE DES COMPTES

1. Cerner les vulnérabilités du système en place

Le rapport « Sauver la Poste » présenté en 1997 rendait hommage à l'effort accompli par La Poste pour édifier, à compter de 1991, une comptabilité analytique solide. Il soulignait d'ailleurs 71 ( * ) que « en 1996, pour la première fois, les comptes de La Poste ont été certifiés sans réserves ».

Il n'en relevait pas moins que les méthodes d'affectation des charges « continuaient à susciter des critiques et que les exigences du droit de la concurrence imposent à La Poste de s'y mettre à l'abri » 72 ( * ) .

De fait, les principes sur lesquels repose la comptabilité analytique de notre opérateur aboutissent à affecter à un produit donné des charges non affectables.

Ainsi, les charges imputables directement à ses deux métiers centraux (services financiers et courrier) représentent 45 % du total des charges alors que les charges indivises réparties au moyen de clefs d'affectation, en représentent 55 %.

Dans son avis précité du 25 juin 1996, le Conseil de l a Concurrence a fait des observations dans le même sens 73 ( * ) , en considérant que la comptabilité analytique de La Poste soulève trois questions majeures :

- la répartition de l'imputation des frais de réseaux, ces charges ne faisant pas l'objet d'imputation ;

- la distinction entre coûts fixes et coûts variables en fonction de l'activité, à laquelle il n'est pas procédé ;

- les conditions dans lesquelles le système de comptabilité analytique pourrait permettre l'exercice du contrôle du respect des règles de la concurrence.

A cet égard, le Conseil relevait que l'exercice de ce contrôle « présuppose au minimum une analyse de coûts à l'usage externe que devrait effectuer la Poste selon des normes précisées par l'autorité de tutelle dans un cahier des charges ».

En l'état des informations de votre rapporteur, la situation ayant fait l'objet de l'ensemble de ces observations n'a pas significativement changé au cours des vingt derniers mois. Elle devra évoluer très nettement au cours des vingt prochains mois pour se conformer aux exigences du droit européen.

2. Se conformer aux exigences du droit européen

L'article 14 de la directive postale impose des obligations comptables très strictes aux prestataires de service universel. Il fixe un délai de deux ans aux Etats membres pour prendre les mesures nécessaires.

La directive prévoit notamment que :

les coûts qui peuvent être directement affectés à un service particulier le sont ;

les coûts communs, c'est-à-dire ceux qui ne peuvent pas être directement affectés à un service particulier, sont répartis comme suit :

- chaque fois que cela est possible, les coûts communs sont répartis sur la base d'une analyse directe de l'origine des coûts eux-mêmes ;

- lorsqu'une analyse directe n'est pas possible, les catégories de coûts communs sont affectées sur la base d'un rapport indirect à une autre catégorie de coûts ou à un autre groupe de catégories de coûts pour lesquels une affectation ou imputation directe est possible ; le rapport indirect est fondé sur des structures de coût comparables ;

- lorsqu'il n'y a pas moyen de procéder à une imputation directe ou indirecte, la catégorie de coûts est imputée sur la base d'un facteur de répartition général calculé en établissant le rapport entre, d'une part, toutes les dépenses directement ou indirectement affectées ou imputées à chacun des services réservés et, d'autre part, toutes les dépenses directement ou indirectement affectées ou imputées aux autres services.

L'article 7-2 du contrat de plan entre l'Etat et La Poste prend en compte la nécessité de satisfaire à ces règles.

Il dispose que : « La Poste tient dans sa comptabilité interne des comptes séparés pour chacun des services compris dans le secteur réservé, d'une part, et pour les services non réservés, d'autre part. Les comptes relatifs aux services non réservés établiront une nette distinction entre ceux qui feront partie du service universel et ceux qui n'en feront pas partie.

La Poste définira et proposera à l'Etat, avant la fin du premier semestre 1999, un schéma de présentation analytique de ses activités permettant de répondre en particulier aux exigences mentionnées ci-dessus ».

Eu égard à l'importance de ce dossier, votre commission et votre groupe d'études demandent que le Parlement soit régulièrement informé du respect par l'opérateur public des engagements ainsi souscrits.

B. MIEUX SOUTENIR LES MISSIONS D'INTÉRÊT GÉNÉRAL MAL COMPENSÉES

1. Une faible amélioration

En 1997, votre commission et votre groupe d'études évaluaient -sans être démentis- à plus de 8 milliards de francs par an les charges nettes non compensées 74 ( * ) pesant sur La Poste en raison de l'accomplissement de ses missions d'intérêt général.

A savoir : 3,2 milliards de francs pour sa participation à l'aménagement du territoire (coût d'entretien d'un réseau immobilier pour partie peu fréquenté) ; 3,6 milliards de francs pour la contribution au transport de la presse ; 1,3 milliard de francs pour son rôle de guichet bancaire des plus démunis.

Depuis, une bouffée d'oxygène a été donnée par l'application des accords « Galmot » pour le transport et la distribution de la presse. Sur cinq ans, sous l'effet de l'augmentation de la contribution de la profession et des efforts de productivité de l'opérateur, cette charge nette devrait être ramenée de 3,6 milliards à 2 milliards de francs, soit en 2001, un allégement de l'ordre de 1,6 milliard de francs par rapport aux comptes de 1996.

Cependant, pour ce qui concerne l'aménagement du territoire et la mission sociale des services financiers rien ou presque rien de significatif n'a encore été enregistré.

2. Réfléchir à des initiatives de « réoxygénation » : faut-il augmenter le prix du timbre ?

S'agissant des charges pesant sur la poste financière, le présent rapport proposera plus avant des mesures à même de les réduire en organisant son financement solidaire par l'ensemble de la profession (voir ce chapitre, IV ci-après). S'agissant de la présence territoriale, des suggestion structurelles seront également avancées.

Il n'en reste pas moins que ces dispositions risquent d'être d'effet trop lent pour permettre à La Poste de réaliser complètement les actions que lui impose la redistribution de la donne internationale.

Sur ce point, l'Etat devrait accepter d'assumer les responsabilités qui lui incombent.

Cependant, lors du colloque « Postes Europe Territoires » , les postiers venus au Sénat pour y assister ont déclaré avoir été déçus d'entendre leur ministre déclarer : « Je suis convaincu que La Poste a les moyens de trouver en elle-même les ressources pour financer ses nouvelles ambitions. Elle doit trouver 5 à 7 milliards de francs pour affermir ses positions face à la concurrence et trouver sa place » 75 ( * ) .

Si, comme le redoute votre rapporteur, cet effort est hors de portée pour La Poste, en l'état actuel de ses comptes, ne faut-il pas envisager des moyens radicaux d'assurer une embellie desdits comptes ? Ne convient-il pas en définitive de réfléchir à une hausse temporaire du prix du timbre ? 76 ( * )

Son produit serait, par exemple, affecté à la modernisation du réseau, ce qui permettrait à notre opérateur de disposer de davantage de ressources pour résister à l'accentuation de la pression concurrentielle.

Il est évident qu'une telle augmentation serait provisoire et s'effacerait lors de la prochaine étape de libéralisation du secteur car, comme le démontrait le rapport de 1997, de tels « expédients » se trouveront condamnés par l'irruption de la concurrence. En attendant, cette option ouvre des marges de manoeuvre significatives . Sur trois ans, une augmentation de 10 centimes et ses répercussions proportionnelles sur les autres tarifs d'affranchissement peut générer de l'ordre de 6 milliards de francs de recettes . A peu de choses près, le montant de l'enveloppe évoqué par le ministre ! N'y a-t-il pas là de quoi réfléchir ?

N'oublions pas que la Deutsche Post, dont le timbre était déjà le plus cher d'Europe, n'a pas hésité de recourir à cette solution en 1997 avec l'accord du Gouvernement Kohl. Elle s'est ainsi assuré de substantielles recettes jusqu'à la libéralisation du marché postal allemand programmée pour 2003. Ceci a indéniablement contribué à lui donner les moyens de la stratégie offensive qu'elle a lancé peu de temps après.

Notons également que les risques d'un détournement de trafic liés au repostage qu'une telle mesure aurait engendrés il y a encore peu se trouvent, désormais, limités par l'endiguement de cette forme postale de piratage 77 ( * ) .

Enfin, ses incidences en termes de stabilité des prix ne paraissent pas devoir être perturbatrices eu égard au niveau des indices actuels.

Pour toutes ces raisons, votre groupe d'études et votre commission formulent le voeu que le principe d'une hausse temporaire du prix du timbre en faveur de l'aménagement postal du territoire soit débattue.

IV. LES SERVICES FINANCIERS AUX PLUS DÉMUNIS : QUELLE PLACE POUR LA POSTE DANS LE CADRE D'UN SERVICE UNIVERSEL BANCAIRE ?

Le rapport de 1997 mettait en avant que l'accueil des plus démunis par les guichets financiers de La Poste n'avait pas le caractère juridique d'un service public, mais il soulignait que cette fonction « constitue le véritable garant de la citoyenneté financière de nombre de Français » et représente une charge importante (de l'ordre de 1,3 milliard de francs). Il souhaitait que cette mission soit reconnue législativement.

Depuis, un certain nombre d'initiatives tant européennes que nationales, ont alimenté la réflexion sur l'intérêt d'un service universel bancaire. Ceci peut donc être l'occasion de reconsidérer le traitement actuellement réservé aux prestations financières d'ordre social rendues par La Poste.

A. LE DÉVELOPPEMENT DES RÉFLEXIONS SUR UN ÉVENTUEL SERVICE UNIVERSEL BANCAIRE

1. Dans l'Union européenne

Au sommet d'Amsterdam 78 ( * ) , le Conseil européen a adopté, à la demande de plusieurs Etats membres 79 ( * ) , une déclaration sur les services d'intérêt économique rendus par les établissements de crédit.

Sur le fondement de cette déclaration, la Commission européenne a procédé à une enquête dont les résultats ont été publiés en décembre 1998. Deux éléments particulièrement intéressants ressortent de cette publication, nourrie des réponses des Etats à un questionnaire :

la fourniture des services spécifiques aux populations défavorisées n'est pas une seule fois mentionnée parmi les missions d'intérêt général confiées à des établissements financiers ;

mais, l'Allemagne et l'Autriche considèrent que l'obligation faite à certains établissements de crédit de fournir une infrastructure financière de base sur l'ensemble du territoire relève du service universel même si elle s'exerce dans un secteur ouvert à la concurrence.

2. En France

a) La mission « Jolivet »

En septembre 1998, le ministre de l'Economie et des Finances a confié à M. Jolivet, Président du comité consultatif des services bancaires, le soin de formuler des propositions sur l'évolution de la rémunération des dépôts et de la facturation des services bancaires.

Le groupe de travail qui a été constitué dans ce cadre a commencé à se pencher sur la question du service minimum que les banques devraient assurer aux actuels exclus du système.

A la suite du rapport d'étape qu'il a remis début avril 1999, M. Jolivet a déclaré : « Nous nous dirigeons vers un système à trois étages : un service bancaire de base délimité par décret, un service universel, plus ou moins contractualisé, destiné aux ménages modestes, comprenant notamment des chèques gratuits, et un troisième étage libre 80 ( * ) ».

b) La loi relative à l'exclusion

Par ailleurs, l'article 137 de la loi relative à l'exclusion 81 ( * ) a changé la règle relative à l'ouverture d'un compte de dépôt.

Jusqu'alors la loi bancaire 82 ( * ) prévoyait qu'un établissement pouvait refuser l'ouverture d'un compte et qu'il fallait qu'une personne se soit vue opposer plusieurs refus pour être en droit de demander à la Banque de France qu'elle désigne un établissement devant d'office procéder à l'ouverture. Dans les faits, les personnes écartées par les réseaux bancaires se tournaient vers les seuls établissements les accueillant sans difficulté : La Poste et, dans une moindre mesure en raison du nombre plus restreint de ses guichets, le Trésor public.

Dorénavant, le droit au compte est affirmé et un refus d'ouverture permet à la personne concernée de saisir directement la Banque de France pour se voir désigner d'office un établissement financier.

Tout comme auparavant l'ouverture d'un compte ne signifie pas l'obtention d'un droit au chéquier mais simplement l'accès à des services bancaires de base : carte de retrait, paiement à distance, délivrance de relevé d'identité bancaire.

Cependant, maintenant, quand l'utilisation du compte est limitée à ces services de base, les conditions tarifaires sont fixées par décret.

Reste que la loi n'impose pas d'informer de ses droits la personne à laquelle un compte de dépôt est refusé. Ceci peut gêner son application.

c) La loi portant statut de Caisses d'Epargne

Dernier élément nouveau du dossier : la loi sur l'épargne et la sécurité financière traitant du statut des Caisses d'épargne, qui a été adoptée définitivement le 17 juin 1999.

Son article 1 er dispose en effet que ce réseau « remplit des missions d'intérêt général. Il participe à la mise en oeuvre des principes de solidarité et de lutte contre les exclusions ».

Ainsi, pour la première fois, un texte attribue le caractère d'une mission d'intérêt général à des services financiers et précise que cette mission englobe la « bancarisation » des plus démunis.

Cette compétence se révélant attachée à la gestion du Livret A, cette reconnaissance législative paraît, mutatis mutandis, pouvoir être étendue à La Poste.

B. LA PLACE DE LA POSTE AU SEIN D'UN SERVICE UNIVERSEL BANCAIRE DESTINÉ AUX PLUS MODESTES

1. L'importance de l'enjeu

Le lien financier occupe une place déterminante dans le processus d'intégration sociale. Nul ne saurait le nier.

Or, dans le rapport « Exclusions et liens financiers » qu'il vient de publier 83 ( * ) , le Directeur général de la Caisse des Dépôts et Consignations, M. Daniel Lebègue estime que 5 millions de personnes sont exclues de fait du système bancaire . Il précise d'ailleurs, dans un entretien accordé à la revue « Actualité bancaire » 84 ( * ) , que dans le cadre de la loi bancaire de 1984, « au cours des dernières années, certains réseaux ont mis en place des politiques de sélection de leur clientèle qui ont parfois abouti à écarter les personnes privées d'emploi ainsi que les associations et entreprises très récentes » 85 ( * ) .

Dans le même entretien, il déclare également que, dans les quartiers urbains réputés difficiles et dans les territoires ruraux, « le seul acteur financier qui opère encore est le service public de La Poste qui ne peut offrir toute la gamme des produits bancaires ».

Quelques-uns des chiffres avancés peuvent sans doute apparaître excessifs à certains 86 ( * ) . Ils mériteraient vraisemblablement d'être étayés par des études complémentaires.

Il n'en demeure pas moins que les éléments ainsi apportés confortent les analyses dressées, en 1997, par votre groupe d'études et votre commission sur le rôle social crucial des services financiers de La Poste. Ils recoupent, sur bien des points, des informations alors recueillies auprès des postiers de terrain.

Ces éléments soulignent la nécessité, déjà exprimée il y a vingt mois, de mener une véritable réflexion sur la situation et les moyens financiers de La Poste.

2. Faut-il appliquer le principe « pay or play » ?

a) Les limites opérationnelles des nouvelles règles applicables

En droit, la loi sur l'exclusion refuse de spécialiser La Poste dans le rôle d'une « banque des pauvres » , telle qu'il en existe en Europe 87 ( * ) ou au ... Bangladesh. L'obligation d'assurer l'intégration financière des ménages les plus modestes est juridiquement imposée à tous les acteurs du secteur : banques, Trésor, Poste.

Mais, dans les faits, la situation actuelle va-t-elle s'en trouver changée ? La charge assumée -sans aucun état d'âme- par La Poste va-t-elle en être allégée ? Les efforts vont-ils être plus équitablement partagés ?

Il est permis d'en douter pour deux raisons. La première est que -cela a déjà été signalé 88 ( * ) -  l'article 137 de la loi relative à l'exclusion ne prévoit aucune obligation d'information sur leurs droits des personnes auxquelles l'ouverture d'un compte de dépôt est refusée. La seconde raison est d'ordre pratique : ceux accueillis à La Poste alors qu'ils étaient rejetés ailleurs et qui, en grand nombre, utilisent leur maigre Livret A comme un compte courant n'ont, pas plus qu'hier, de motif sérieux de quitter un établissement qui répond à leur attente. D'autant plus qu'il est souvent l'un des seuls à leur proposer un guichet proche de leur domicile.

En bref, dans l'immédiat, il est fort probable que la loi ne change rien à la situation de La Poste. Et il n'est pas du tout sûr qu'elle l'infléchisse à l'avenir.

Peut-on raisonnablement penser que les personnes qui se seront vues fermer la porte d'une banque se tourneront en grand nombre vers la Banque de France pour voir désigner un établissement financier ? Il leur sera tellement plus simple, tout comme aujourd'hui, de frapper à l'huis jaune du service public toujours ouvert aux faibles ! La loi risque donc d'être relativement inopérante.

Cependant, dès lors qu'elle s'inscrirait dans le cadre des propositions déjà esquissées par la mission « Jolivet », elle pourrait ouvrir des perspectives plus porteuses.

b) La proposition faite : dépasser les contradictions en ouvrant une alternative

Le dispositif préconisé

Dans l'hypothèse de l'instauration d'un service universel bancaire pour les ménages les plus modestes, déjà suggérée par le rapport d'étape de la mission présidée par M. Jolivet, la solution assurant la répartition équitable de la bancarisation des populations défavorisées pourrait reposer sur le principe « pay or play » .

Ce principe est déjà institué au niveau européen pour la gestion d'autres services universels, celui des télécommunications notamment. Il signifie que les acteurs d'un secteur économique où est institué un service universel ont le choix soit d'assurer ce type de service, soit de financer le coût de son exécution par d'autres, à due proportion de la part de leur activité dans le secteur considéré.

Pour le service universel bancaire minimum réservé aux ménages les plus modestes, la règle à appliquer pourrait prendre la forme suivante :

les opérateurs financiers chargés de mission d'intérêt général (La Poste, le Trésor, les Caisses d'épargne...) auraient l'obligation de l'assurer ;

les autres opérateurs pourraient ou y participer ou s'en exonérer, restant alors libres de mener la politique commerciale de leur choix ;

comme prévu par l'article 137 de la loi relative à l'exclusion, la Banque de France répartirait les usagers entre les opérateurs participant au service ;

les coûts imputables aux obligations de ce service universel minimum seraient évalués sur la base d'une comptabilité appropriée tenue par les opérateurs et auditée par un organisme indépendant désigné par la Banque de France ;

le financement des coûts nets de ce service serait assuré par un fonds géré par la Banque de France ;

la part des coûts nets supportée par chaque opérateur serait calculée au prorata de son activité 89 ( * ) ;

pour les opérateurs participant au service, le coût net de cette participation serait déduit de leur contribution au fonds ;

ceux de ces opérateurs participant au service au-delà de ce que représente leur part des coûts nets recevraient une compensation proportionnelle du fonds ;

le montant des contributions versées ou des compensations perçues serait arrêté, sur proposition de la Banque de France, par le ministre de l'Economie et des Finances.

Deux objections devant être écartées

Bien entendu, deux objections risquent fort d'être opposées à cette proposition :

- la difficulté de recenser dans chaque réseau les populations relevant du service universel minimum ;

- la disparité juridique des différents acteurs de notre système financier.

Aucune des deux n'apparaît dirimante.

Dans le premier cas, il suffit de fixer -éventuellement sous l'autorité de la Banque de France- des critères simples permettant une sélection informatique par chaque réseau des personnes concernées ; ceux appliqués par certains établissements commerciaux pour écarter ces personnes pourraient constituer une bonne base de travail. On pourrait aussi convenir, sous réserve d'un examen approfondi, que tous les adultes titulaires d'un compte de dépôt ou d'épargne sans chéquiers entreraient de plein droit dans la catégorie.

En revanche, la seconde objection n'est pas sans soulever une véritable interrogation. Les opérateurs chargés de mission d'intérêt général disposent le plus souvent de régimes et de droits spécifiques qui ne facilitent pas la comparaison avec les banques.

Celles-ci reprochent en particulier aux services financiers de La Poste de bénéficier d'avantages concurrentiels (partage du réseau avec le service du courrier, moindres contraintes d'ouverture des guichets et de rentabilité des fonds propres, duopole du Livret A partagé avec les Caisses d'épargne).

D'aucuns pourraient donc plaider que les coûts nets réels supportés par chaque type de réseau pour assurer le service universel bancaire minimum ne sont pas identiques et que, dans ces conditions, un système de péréquation généralisée n'est pas viable 90 ( * ) .

Cependant, il convient de se rappeler aussi que les banques disposent en matière de crédit de droits qui sont refusés à La Poste. Ainsi, celle-ci ne peut consentir de prêts à la consommation, ni de prêts immobiliers sans épargne préalable.

Aussi, sur la base du système comptable souhaité précédemment pour La Poste, apparaît-il raisonnable de supposer que le Conseil de la Concurrence serait à même de rendre un arbitrage garantissant un traitement équitable de tous, évitant toute distorsion de concurrence et levant donc définitivement la difficulté évoquée.

Un avantage pour tous

Reste que la relative fragilité du secteur bancaire français peut amener à considérer que sa contribution, réelle et non plus formelle, à un service universel bancaire pourrait être source de déstabilisation dangereuse pour notre économie.

Si cet argument était fondé, il serait de nature à instiller le doute, tant la vigueur de son secteur bancaire est indispensable à la réussite d'un pays.

Pourtant, là encore, il n'emporte pas la conviction. Tout d'abord, l'innovation proposée est de nature à gager l'acceptation par les consommateurs et l'opinion publique des réformes concernant la rémunération des dépôts et de la facturation des services bancaires, notamment des chèques, qui forment l'objet premier des réflexions conduites de M. Jolivet.

Ensuite, son coût pour les établissements de crédit n'apparaît pas disproportionné au regard de celui assumé actuellement par La Poste (1,3 milliard de francs) pour assurer une très large part de ce qui pourrait être demain le service universel bancaire minimum.

Enfin, est-il certain que les réseaux commerciaux les plus sélectifs aient objectivement intérêt à favoriser le développement d'un système financier à deux vitesses dont une branche serait réservée aux profits et l'autre à l'aide sociale, sans réelle solidarité entre les deux ?

Rien n'est moins sûr ! Les informations recueillies par votre rapporteur laissent même supposer qu'aux Etats-Unis, l'implication sociale est un facteur de succès commercial pour les banques.

C'est pourquoi, sur la proposition de votre rapporteur et après en avoir largement débattu, votre commission et votre groupe d'études demandent que soit examinée la création d'un service universel bancaire minimum assis sur le principe « pay or play » et financé par tous les acteurs du secteur.

V. AIDER LES TERRITOIRES EN IMPLIQUANT LES ÉLUS LOCAUX

Décidé en 1993, le moratoire sur la fermeture des services publics en milieu rural a été supprimé en 1998 par le Gouvernement de M. Lionel Jospin 91 ( * ) . Parallèlement, le Gouvernement a institué, dans le contrat de plan de La Poste, les commissions de présence postale mais a refusé le fonds de modernisation du réseau que lui proposaient les parlementaires membres de la CSSPPT.

Dans le même temps, près d'un cinquième des 17.000 points de contact postaux continuent à enregistrer moins de deux heures d'activité par jour. Le Président de La Poste, quant à lui, répète que « La Poste ne pourra rester durablement seule sur l'ensemble du territoire et en supporter seule le coût », ce qui est incontestable tant sont lourds les défis que lance à l'entreprise l'accroissement des pressions concurrentielles.

Dans ces conditions, les inquiétudes qu'expriment certains élus locaux se comprennent.

Pourtant des solutions permettant de concilier lucidité financière et solidarité territoriale existent. Le rapport de 1997 en a exposé plusieurs. Elles ne seront pas répétées ici. En revanche dans le cadre du double principe qui inspirait ces propositions, quelques pistes ou illustrations complémentaires peuvent être présentées.

A. RENONCER AU JACOBINISME POSTAL

1. Agir localement

Dans les territoires, l'élan ne doit pas être attendu de Paris. Le rapport de 1997 citait l'exemple des initiatives prises dans la Creuse. Les travaux menés depuis ont trouvé d'autres illustrations de cette évidence.

L'EXEMPLE DE LA MEUSE

Ainsi, dans le département de la Meuse, la direction départementale ne pouvant prendre en charge le financement d'un nouveau guichet mobile desservant des communes isolées, un accord de partenariat a été signé avec ces communes.

Chaque commune met à disposition de La Poste un local quelques heures par semaines et un agent de La Poste vient tenir une permanence sur chaque site. La convention de partenariat a été signée le 10 décembre 1998, à Loupmont. Les communes concernées sont Apremont la Forêt, Buxerulles, Buxières sous les Côtes, Dompcevrin, Koeur la Petite, Loupmont, Les Paroches, Rambucourt, Varnéville et Woinville.

Il faut souligner que cette organisation représente une première en France . Elle est l'image d'une collaboration efficace entre les dirigeants locaux de La Poste et les communes.

La Poste doit indéniablement prendre les moyens de favoriser cette réactivité locale. De ce point de vue, elle a la responsabilité d'établir un cadre clair pour l'action de ses responsables territoriaux. Or, actuellement l'empilement et l'enchevêtrement des structures sont tels que plus d'un ne perçoit pas exactement quelle est sa place. Entre la délégation régionale, la direction départementale et les groupements postaux, les compétences se brouillent et s'embrouillent.

Les groupements qui devaient se consacrer à l'animation du réseau ne commencent-ils pas à se voir attribuer des tâches de contrôle de gestion et d'emploi des ressources humaines, relevant a priori des directions départementales ?

Celles-ci, déchargées par ailleurs du suivi des colis et de services financiers sont-elles encore considérées comme un échelon pertinent d'action ? Ne serait-il pas nécessaire de procéder à une clarification des rôles prenant mieux en compte le poids croissant des régions et l'émergence des pays ? Surtout, n'est-il pas prioritaire de dissiper le malaise désormais perceptible des cadres de terrain ?

N'est-il pas temps, enfin, de s'appuyer sur leur remotivation pour mobiliser l'ensemble des personnels autour d'un projet conquérant d'entreprise clairement expliqué ?

Votre rapporteur tend à considérer que l'absence de réponse suffisamment nette à ces dernières questions nuit actuellement à l'élan local de La Poste en certains endroits et délite quelque peu sa combativité générale.

2. Elargir la diffusion des produits postaux

Il estime également que le « centralisme communal » qui préside aujourd'hui à la distribution des produits postaux procède de cette vision jacobine des réalités postales.

En effet, La Poste peut se vanter de compter plus de 17.000 « succursales ». Mais elle oublie de dire que, comme certaines grandes communes en ont plusieurs, plus de 20.000 des 36.000 communes de France n'ont pas d'accès direct aux produits postaux .

Pourquoi ne pas commencer à accepter que soient vendus dans un des commerces de ces « communes exclues », des produits autres que les timbres (prêts à poster, voire même parfois, recommandés...) ?

Une telle stratégie serait complémentaire de celle -déjà préconisée en 1997- visant à étendre la gamme des produits vendus dans les bureaux de poste, quand ceci n'a pas pour effet de perturber le commerce local.

Elle accompagnerait une politique locale visant à développer des maisons de services publics sur des sites précis et à aménager les horaires des points postaux de simple exercice en fonction de la fréquentation réelle du public.

B. ÉQUILIBRER LES DROITS ET OBLIGATIONS DE L'ETAT ET DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Le dispositif préconisé en 1997 repose sur une articulation simple :

La Poste supporte en tout point du territoire le coût du service universel postal ;

L'Etat assume les incidences financières des actions exigées de La Poste, quand elles correspondent aux normes d'aménagement postal des territoires établies par la loi d'orientation postale à élaborer ;

Les élus locaux peuvent fixer, sur les territoires où ils ont autorité, des normes plus ambitieuses que celles définies par le législateur, mais mobilisent les ressources nécessaires au financement des surplus de dépenses pouvant en résulter, quand ces normes excèdent les limites de la solidarité nationale instituée par le Parlement ;

Un fonds d'aide à la modernisation du réseau postal, financé par une partie de la taxe professionnelle versée par France Télécom est institué pour soutenir ces initiatives locales.

En d'autres termes, le contrat proposé aux élus territoriaux était : « davantage de prérogatives et plus d'implication ».

Ce schéma demeure celui préconisé aujourd'hui, étant observé que le fonds proposé pourrait aussi être abondé par le produit d'une hausse du prix du timbre, ainsi que cela a été évoqué ci-dessus.

Au vu de ce qui se réalise dans d'autres domaines (transports ferroviaires, par exemple), paraît aussi pouvoir aujourd'hui être envisagé le développement de partenariats plus institutionnels entre La Poste et les instances locales. Ceux-ci pourraient, par exemple, prendre la forme de sociétés d'économie mixte locales ayant pour objet la distribution, par le réseau des guichets et les tournées des facteurs, de produits autres que les produits postaux. Ces partenaires pourraient également prendre part au capital de La Poste, si elle était transformée en SA publique, afin de conforter leurs engagements locaux.

Le réseau ne doit pas, en effet, rester figé dans les formes qui ont été les siennes dans le passé. Il doit évoluer pour mieux accompagner la répartition de la population sur le territoire et mieux répondre aux nouvelles contraintes économiques supportées par La Poste. Il doit également, dès lors que cela apparaît utile au plan local, ne pas rester cantonné par un principe de spécialité suranné.

A l'étranger , de tels changements ont eu lieu en associant le secteur privé et le secteur public . Ceci n'a pas à être écarté en France , mais ne correspond pas toujours à nos traditions et aux attentes que les populations placent dans les pouvoirs publics .

C'est pourquoi, votre groupe d'études et votre commission estiment qu'il peut y avoir place dans notre pays pour un modèle original d'évolution postale, associant plusieurs pôles d'action publique.

L'adaptation aux transformations du monde ne signifie nullement que nous devions importer des solutions forgées hors de nos frontières . Elle suppose d'abord que nous ayons le courage d'inventer des voies nouvelles nous permettant de préserver l'essentiel (nos emplois, les valeurs du service public, la force de l'économie nationale,...) en acceptant de changer l'accessoire : les formes ayant exprimé ces valeurs dans le passé. C'est sans doute le prix à payer pour ne pas perdre l'essentiel.

CONCLUSION - POUR UNE CONCEPTION CONQUÉRANTE DU SERVICE PUBLIC : UN SERVICE PUBLIC CENTRÉ SUR LE CITOYEN ET LE SUCCÉS DE L'ÉCONOMIE NATIONALE

L'examen de la situation de La Poste est riche d'enseignements sur les blocages psychologiques, sociaux et politiques qui freinent l'adaptation de nombre de nos grands services publics aux nouvelles donnes économiques et qui, parfois, les conduisent à des déficits abyssaux.

Dans notre pays, la notion de service public, forte des valeurs de solidarité et d'égalité qui l'inspirent, est au coeur de l'idéal républicain. Les prestations que recouvre ce concept, celles dont l'accomplissement est essentiel à la vie collective et à l'exercice des droits des citoyens, constituent un des ciments de l'unité nationale. Qui plus est, pétri par l'esprit volontariste qui soufflait sur le Conseil national de la Résistance à la Libération, le service public « à la française » a une vocation colbertiste de structuration et de dynamisation de l'économie.

Pourtant, quand face à un monde en mutation accélérée on s'interroge sur la meilleure incarnation possible de ces ambitions supérieures dans les temps à venir, que constate-t-on ? Les termes du débat sur l'avenir de nos services publics ne se révèlent-ils pas aujourd'hui bien frileux au regard de l'importance des enjeux ? Ce débat ne se trouve-t-il pas en définitive focalisé, de manière réductrice, autour de la défense des formes -historiquement datées- de l'organisation des missions d'intérêt général dans la France d'hier ? Le culte quasi intégriste des moyens ne tend-t-il à faire oublier la grandeur et la nécessité des fins à poursuivre ?

Les crispations sur les statuts ne font-elles pas perdre de vue l'essentiel : le service rendu tant au citoyen -qui est aussi consommateur/usager et contribuable- qu'à l'économie nationale ?

L'attachement proclamé au service public et à l'intérêt général ne sert-il pas, parfois, de masque à l'expression de corporatismes, résurgence contemporaine des jurandes de l'Ancien Régime que la Révolution de 1789 avait supprimées ?

D'aucuns inclinent à répondre par l'affirmative à de telles interrogations. Ainsi, le sociologue Eric Macé observe, dans une grande entreprise publique autre que La Poste, la tentation du « néocorporatisme version dégradée du service public, dans laquelle personnel et direction, alliés, défendent leurs intérêts spécifiques » 92 ( * ) .

Votre rapporteur, quant à lui, estime que la préservation des droits des agents des services publics est un devoir politique. Il considère toutefois que ce devoir ne signifie nullement que tout doive rester figé. Car, si tel était le cas, non seulement ce sont ces droits eux-mêmes qui, sous les coups de boutoir des réalités, finiraient par se trouver menacés mais, au-delà, ce serait l'avenir même de nos services publics et des Principes républicains qu'ils servent qui pourraient s'en trouver ébranlés.

N'oublions pas que l'adaptabilité est -avec la continuité, l'égalité et l'universalité- un des principes juridiques auquel nos services publics doivent se conformer. Ainsi, en vertu de ce principe d'adaptatilité, le service public doit pouvoir à tout moment, répondre aux besoins de la société.

C'est pourquoi, il est urgent de replacer la satisfaction du « citoyen/usager/contribuable » et le dynamisme de l'économie nationale au centre des réflexions sur l'évolution de nos services publics dans un contexte de mondialisation. Les emplois de demain et la place de notre pays sur le théâtre économique planétaire en dépendent pour une grande part.

L'exemple de la transformation de France Télécom en société anonyme, en dépit des craintes que cette réforme a pu susciter dans le passé, ne démontre-t-il pas que le changement permet d'adopter des attitudes offensives sans porter atteinte à l'essentiel ? A ce qu'on sache, nulle dégradation de la qualité du service public des télécommunications n'a été constatée depuis janvier 1998. Bien au contraire, l'offre de services s'est enrichie et, globalement, les prix ont diminué. Parallèlement, contrairement à ce qui avait pu être annoncé, « l'apocalypse sociale » n'a pas eu lieu. L'opérateur public n'a pas procédé à des licenciements. Il a même continué à recruter... des fonctionnaires.

Copernic avait raison contre les croyances de son époque en affirmant que c'était la Terre qui tournait autour du Soleil et non l'inverse. Aujourd'hui, au vu des leçons de l'expérience, ne convient-il pas d'opérer une révolution « copernicienne » dans la conception de nos services publics ? N'est-il pas temps de reconnaître que la priorité consiste à adapter tant leurs formes que leurs moyens aux évolutions prévisibles de leur environnement et de leurs missions, plutôt qu'à s'arc-bouter sur la conservation de structures existantes en s'aveuglant sur la réalité des faits.

En ce qui concerne La Poste, cette question peut se traduire sous une forme plus imagée. Qu'y-a-t-il, au total, de plus important : maintenir à tout prix des règles héritées de sa longue histoire ou garantir que demain, avec les armes statutaires les mieux adaptées aux contraintes de l'époque, ses couleurs continuent à s'affirmer au service de tous partout sur notre territoire, brillent hors de nos frontières et soient symbole d'emplois ? Peu soucieux des débats idéologiques paralysants, le présent rapport préconise le choix du succès : le seul à même d'assurer la perpétuation de nos valeurs de service public.

Le Général de Gaulle écrivait dans le Fil de l'Epée : « Les grands pays le sont pour l'avoir voulu » . Cette formule vaut aussi pour les entreprises. La Poste ne sera grande au début du prochain siècle que si elle se veut, si nous la voulons conquérante. Cela dépendra des postiers, des décideurs politiques et, en définitive, de la capacité des uns et des autres à regarder les réalités en face.

ANNEXE N° 1 - LISTE DES PERSONNES OFFICIELLEMENT ENTENDUES LORS DES AUDITIONS, ENTRETIENS ET RENCONTRES RÉALISÉS POUR LA PRÉPARATION DU PRÉSENT RAPPORT

I. - AUDITIONS DEVANT LA COMMISSION ET LE GROUPE D'ÉTUDES

- M. Claude BOURMAUD, Président de La Poste, accompagné de M. Martin VIAL, directeur général (mercredi 27 janvier 1999)

- M. Anton VAN DER LANDE , vice-président de la Société United Parcel Service UPS) et M. Patrick MARTIN ; directeur des affaires publiques Europe d'UPS (mercredi 31 mars 1999)

- M. Ad SCHEEPBOWER , Président de TNT Post Group (mercredi 7 avril 1999)

II - AUDITIONS DU RAPPORTEUR

A - BRUXELLES

- M. Karel VAN MIERT , Commissaire chargé de la concurrence

- M. Robert VERRUE , Directeur général de la DG XIII à la Commission européenne, et M. Fernando TOLEDANO , Chef de Division à la DG XIII

B - A PARIS

- M. René PETIT , Président de la Fédération nationale des Transports routiers

- M. Hervé CORNEDE , Délégué général de la Fédération des entreprises de transport et logistique de France

II - INTERVENANTS AU COLLOQUE « POSTE EUROPE TERRITOIRES » * (SÉNAT - 2 JUIN 1999) **

- M. Jacques GUYARD , Député, Président de la Commission supérieure du Service public des Postes et Télécommunications (CSSPPT)

- M. René PETIT , Président de la Fédération Nationale du Transport Routier (FNTR)

- M. Robert VERRUE , Directeur Général de la DG XIII à la Commission Européenne

- M. Claude BOURMAUD , Président de La Poste

- M. Ad SCHEEPBOUWER , Président de TNT Post Group

- Dr TUMM , Membre du Direction de Deutsche Post AG

- M. Richard WOODS , Ambassadeur de Nouvelle-Zélande en France

- Mme Marie-Dominique HAGELSTEEN , Présidente du Conseil de la Concurrence

- M. Christian PIERRET , Secrétaire d'Etat à l'industrie

- M. Rohan MALHOTRA , European Express Organisation

- Regina SAUTO ARCE , Conseiller économique, Bureau européen des Unions de consommateurs (BEUC)

- M. Pierre HERISSON , Sénateur de Haute-Savoie, Vice-Président de l'Association des maires de France

- M. François-Xavier BORDEAUX , Président de la Caisse Sociale de développement local

- M. Gérard DELFAU , Sénateur de l'Hérault, Président de l'Association « Promouvoir les services publics »

- M. François BROTTES , Député de l'Isère, membre de la CSSPPT

- M. Alan JOHNSON , député anglais, ancien responsable syndical de la poste britannique

- M. Jacques LERMERCIER , Secrétaire général de FO PTT

- M. Alfred LOHMAN , Responsable du syndicat CFO de la poste hollandaise

- M. Pierre SEGURA , Directeur de la Direction du service public et de l'Aménagement du territoire (La Poste)

- M. Jean-Paul VILLOT , Président de Néopost

ANNEXE N° 2 - ÉTAT DE LA QUESTION DES FRAIS TERMINAUX ET DU REPOSTAGE EN EUROPE

Les échanges internationaux de courrier posent le problème de la rémunération des prestations fournies par une poste de distribution à la poste du pays d'où sont expédiés les courriers. En application du dispositif de rémunération actuellement en vigueur, la poste expéditrice facture le service rendu à ses clients et rémunère la poste de distribution sur la base de frais terminaux. Ces derniers, forfaitaires, sont déconnectés des coûts réels de distribution.

Ce système crée des effets pervers, la poste d'origine pouvant développer ainsi une activité très rémunératrice, liée à la pratique du repostage.

On distingue trois formes de repostage, le repostage ABA, ABB et ABC, l'élément commun étant généralement la distribution finale par l'administration postale du pays de destination.

La technique a d'abord consisté à injecter du courrier d'un pays A pour un pays C via un pays intermédiaire B, l'expéditeur du pays A pouvant obtenir des tarifs plus bas via B, ceux-ci étant fondés sur les frais terminaux et non sur les coûts de la poste d'arrivée (repostage ABC).

Cette activité étant rémunératrice, les acteurs du repostage se sont attachés au courrier national transformé en courrier international par la délocalisation de son dépôt ou de sa fabrication dans d'autres pays (repostage ABB et ABA).

1. Les frais terminaux

Pour enrayer les effets pervers de ces pratiques, la quasi totalité des postes européennes ont signé un accord dit « Reims II » qui vise, sur les quatre prochaines années, à rapprocher les frais terminaux des frais réels de distribution.

La Commission européenne a autorisé l'application de cet accord à compter du 1 er avril 1999. Cette autorisation ne couvre toutefois que ses trois premières années de mise en oeuvre. L'ajustement final prévu par « Reims II » est soumis à une nouvelle autorisation de la Commission, celle-ci n'ayant pas été convaincue par les arguments qui lui ont été présentés pour justifier la dernière hausse.

En application de Reims II, les frais terminaux représentent 55% des tarifs domestiques depuis le 1 er avril 1999. Ils en représenteront 65 % en 2000, 70 % en 2001 et (sous réserve d'approbation) 80 % en 2002.

2. Le repostage

Les autorités juridictionnelles communautaires ont affirmé la licéité du repostage ABC sur le territoire de l'Union. Il va cependant devenir difficile sur la zone « Reims », compte tenu de la hausse des frais terminaux, mais deux brèches subsistent :

- les postes non engagées dans la hausse des frais terminaux comme la poste néerlandaise ;

-les plates-formes de repostage en Europe ou à proximité qui profitent d'un système de frais terminaux plus avantageux : Jersey, Gibraltar, pays d'Europe de l'Est, Maghreb.

L'article 25 du Traité de l'Union Postale Universelle, qui prévoit de facturer la poste de repostage sur la base des tarifs intérieurs, permet de combattre ces formes de concurrence déloyales. Son maintien, qui devrait être contesté par certaines postes très libérales lors du congrès de Pékin, constitue donc un enjeu majeur pour La Poste.

Le repostage ABA évolue et révèle un marché qui s'organise :

- le ABA physique reste très marginal ; on ne le rencontre pratiquement qu'en zone frontalière ;

- le ABA non physique en revanche se développe à grande échelle, les entreprises multinationales rationalisant leurs activités courrier en concentrant la fabrication des envois à destination de plusieurs pays là où les conditions sont les plus intéressantes. L'article 25 de l'UPU est de peu de poids face aux règles de concurrence qui garantissent aux entreprises la liberté de prestation et de circulation des services. C'est pourquoi, des appels d'offres sont désormais passés sur le marché afin de sélectionner les opérateurs et l'on assiste parfois à des arbitrages entre le pays de fabrication du courrier et la poste d'expédition (exemple : American Express concentre la production de ses envois en Grande-Bretagne mais confie leur distribution à la poste néerlandaise).

On attend la position définitive de la Commission européenne sur cette activité à l'occasion d'un contentieux qui lui est soumis.

3. La position des opérateurs sur le marché

Les opérateurs se sont à peu près accordés sur ce qu'ils considéraient licite et illicite.

Sont unanimement sanctionnés le repostage ABC via un pays à frais terminaux plus bas et le ABA physique.

Le repostage ABA non physique est admis lorsqu'il procède d'une logique industrielle, ce qui signifie que les flux détectés font l'objet d'une appréciation au car par cas.

La poursuite des activités de repostage de la poste néerlandaise pose encore problème, dès lors que cet opérateur refuse d'intégrer l'accord « Reims II ». La Commission européenne s'est engagée à inciter les Pays-Bas à évoluer sur cette question, sans résultat à ce jour.

* 1 Rapport Sénat n°42 (1997-1998).

* 2 Rattaché à la Commission des Affaires économiques ; nombre de ses adhérents font partie de cette commission, d'autres n'y appartiennent pas.

* 3 Sénateur de Haute-Savoie, également Vice-Président de la Commission supérieure du Service public des postes et télécommunications.

* 4 La liste des auditions menées dans le cadre de l'élaboration du présent rapport est présentée en annexe n° 1.

* 5 Les actes de cette journée particulièrement dense -au cours de laquelle sont également intervenus M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'Industrie, et M. Richard Woods, Ambassadeur de Nouvelle-Zélande en France- seront publiés prochainement.

* 6 Ces travaux ont été complétés par l'envoi de questionnaires à nos Ambassades à Bonn et à Londres pour obtenir des informations sur l'évolution des postes britannique et allemande. Ces informations ont été fournies à la diligence de nos ambassadeurs par nos postes d'expansion économique dans ces pays. Votre rapporteur leur adresse ses remerciements.

* 7 Au cours duquel plus de 110 auditions et réunions conduites en France, à Bruxelles, dans trois pays européens (Pays-Bas, Allemagne, Suède) et aux Etats-Unis ont permis de rencontrer 420 personnes, dont 220 membres du personnel de La Poste exerçant les divers métiers de l'entreprise.

* 8 Et les 86 premiers clients en assurent environ un tiers.

* 9 Environ 3.000 points postaux fonctionnent moins de deux heures par jour, soit 18 % du réseau ; 2.000 à 2.400 points postaux fonctionnent moins d'une heure.

* 10 Quatre fois le chiffre d'affaires 1998.

* 11 Le coût net étant celui des obligations auxquelles La Poste est assujettie déduction faite des contreparties qui lui sont accordées.

* 12 Qui avait remis en 1990, à la demande du ministre des Postes et Télécommunications, un rapport sur « la présence postale en milieu rural ».

* 13 Gérard Delfau « La Poste, un service public en danger : constat et propositions », Paris, l'Harmattan, février 1999, page 10.

* 14 Dit contrat d'objectifs et de progrès.

* 15 Qui, rappelons-le, sont -situation unique en droit français- supportées entièrement par La Poste quand il s'agit de postiers fonctionnaires.

* 16 Et soutenue tant par les syndicats de La Poste que par ceux du Crédit Foncier.

* 17 Directive 97/67/CE du Parlement et du Conseil dont le contenu, arrêté pour l'essentiel en octobre 1997, a été commenté en détail dans le rapport « Sauver La Poste ».

* 18 « Sauver La Poste : devoir politique, impératif économique », rapport précité, page 252.

* 19 Correspondances, livres, journaux, catalogues, colis, selon l'énumération de l'article 2, point 6 de la directive.

* 20 Selon l'estimation donnée par M. Claude Bourmaud, Président de La Poste, lors de son intervention au colloque « Postes Europe Territoires » tenu au Sénat, le 2 juin 1999.

* 21 Au même moment notre opérateur a fait savoir qu'il s'implantait aux Etats-Unis en acquérant les activités de transport international de presse de la société INSA (100 millions de chiffre d'affaires).

* 22 En la portant à 10 %.

* 23 Au capital de 125 millions de francs.

* 24 Pour davantage de précisions sur les modalités techniques du traitement de ce dossier, voir en annexe n°2 : « Etat de la question des frais terminaux et du repostage en Europe ».

* 25 Elles sont actuellement consultables, en anglais, sur le site Internet de la Commission : www.ispo.cec.be (cliquer sur « Postal services »).

* 26 Voir rapport de ce comité : « Examen des études de la Commission européenne sur la libéralisation postale ». Février 1999.

* 27 Qui prennent notamment en compte l'affinement, depuis la publication des lois télécoms de 1996, des calculs relatifs au coût du service universel des télécommunications.

* 28 C'est-à-dire du suivi en temps réel des différentes étapes de l'acheminement.

* 29 Source : La Poste.

* 30 Source : L'Usine nouvelle, n° 2669, 7 janvier 1999, article de Sophie Peters Van Deinse.

* 31 Voir interview de M. Klaus Summwinkel, Président de DPAG, dans Die Welt du 16 mars1999.

* 32 Source : Le Monde, 8 juin 1999.

* 33 80% de la valeur totale en l'an 2000 même si la croissance rapide des ventes au détail tendra, à moyen terme, à minorer cette proportion d'après le rapport « Lorentez » sur le commerce électronique (avril 1998).

* 34 Ainsi le britannique Hays a acquis deux PME françaises en deux mois entre la fin 1998 et le début 1999 (Colirail et France Partner).

* 35 Doit ainsi être noté, l'engagement résolu de la poste italienne , longtemps l'une des moins efficaces d'Europe occidentale, dans la voie des réformes. Transformée en société anonyme, dotée d'un nouvel état major et ayant bénéficié d'une importante aide financière de l'Etat, elle semble promise à devenir une entreprise de premier plan à l'horizon de cinq à six ans .

* 36 Rapport Sénat n° 42 (1997-1998), Annexe 4, pages 414 à 427.

* 37 Supra : ce chapitre, A.1.

* 38 Il a été augmenté en 1997 .

* 39 Soit davantage que ce que lui rapporte ses activités sur les marchés concurrentiels (de l'ordre de 14 milliards de marks).

* 40 Voir interview de M. Klaus Zummwinkel, Président de DPAG, dans Die Welt du 16 mars 1999.

* 41 Luftansa détenant 25 % du capital de DHL, les intérêts allemands représentent 50,0001 % de ce capital -puisque DAPG en a acquis 22,5 % en mars et 2,5001 en septembre 1998- et y sont donc majoritaires.

* 42 Rapport précité. Voir notamment pages 443 à 450 : « Les succès de KPN : regards sur la poste du XXIème siècle ».

* 43 Qui emploie 4.000 salariés et réalise un chiffre d'affaires équivalent au prix de son acquisition

* 44 En comptant les principales filiales des sociétés mères avalées.

* 45 Dont TNT.

* 46 Independant Public Owned Corporation.

* 47 Cela devrait constituer une véritable incitation à l'efficacité et assurer que le public ne paie pas plus que nécessaire pour le service postal.

* 48 Cela signifiera, en pratique, une diminution de plus de moitié du taux auquel les bénéfices de l'entreprise étaient jusqu'alors ponctionnés. Ce taux devrait passer d'une moyenne de l'ordre de 80 % à environ 40 %.

* 49 The Times - 5 avril 1999 - « Post Office poised for £ 1,5 bn spree », by Carl Mortished.

* 50 Rappelons que, dans la terminologie postale, la messagerie désigne les expéditions jusqu'à 300 kilos. Ceci englobe en particulier le fret express (livraison à J + 1 avant 12 heures) et le colis (c'est-à-dire le monocolis de 0 à 30 kilos).

* 51 Avec 17 milliards de francs (en incluant Jet Services). La première est la poste allemande (25 milliards de francs depuis l'achat de DHL). La Poste est cinquième (4,5 milliards de francs).

* 52 La Poste -par l'intermédiaire de Chronopost- et d'autres postes européennes sont d'ailleurs liées à ce réseau jusqu'en 2001, par des accords commerciaux et opérationnels.

* 53 Ainsi qu'en atteste l'histoire de sa transformation en société anonyme qui a été rappelée précédemment (ch. II.II.C.2).

* 54 « Sauver La Poste : devoir politique, impératif économique », page 229.

* 55 Rapport précité, page 144.

* 56 La transformation en valeurs mobilières d'éléments immobiliers inscrits à l'actif du bilan, par exemple sous forme de parts ou d'actions de sociétés gérant ces actifs.

* 57 Institut de recherches et prospective postales. Voir notamment sur le sujet les communications de MM. Paul Soriano et Jean-Rémi Gratadour.

* 58 Etait reproché à la branche colis de l'opérateur germanique de pratiquer des prix anormalement bas (en violation de l'article 85 du Traité de Rome) en subventionnant ses activités concurrentielles déficitaires par les bénéfices tirés du monopole du courrier, ceci s'assimilant, selon UPS, à des aides d'Etat prohibées par l'article 92 du Traité de Rome).

* 59 Tenue au Sénat le 2 juin 1999.

* 60 En particulier, la concurrence de la SERNAM, filiale de la SNCF.

* 61 La FNTR revendique 15.000 entreprises adhérentes et TLF 4.400.

* 62 A cela s'ajoute la difficulté de définir un marché de référence pertinent, les complémentarités des différents compartiments du secteur rendant la tâche ardue.

* 63 Voir le Financial Times, 26 mai 1999, « War in european postal sector ».

* 64 Sur le fondement de la réglementation en matière de fusion d'entreprises.

* 65 Numérotation « pré-Amsterdam » du Traité.

* 66 Lors de l'entretien qu'il a eu avec lui, à Bruxelles, le 19 avril 1999.

* 67 Voir sur ce sujet, le rapport d'information présenté au nom de la Commission des Affaires économiques par votre rapporteur : « L'avenir de France Télécom : un défi national », pages 119 à 124 (Sénat n° 260 ; 1995-1996).

* 68 Loi n° 96-659 du 26 juillet 1996 de réglementation des télécommunications.

* 69 Qui a d'ailleurs déjà eu à examiner leur situation à l'occasion de l'avis qu'il a formulé, le 25 juin 1996, suite à une demande de l'Association française des Banques (AFB) sur leur fonctionnement et lors de l'avis qu'il a prononcé, le 17 septembre 1996, sur saisine de la Commission des Finances du Sénat concernant les conditions de concurrence prévalant dans le système bancaire et de crédit français.

* 70 A savoir les services postaux tels que définis à l'article 2 de la directive 97/67/CE du 15 décembre 1997.

* 71 Rapport précité, page 314.

* 72 Rapport précité, page 313.

* 73 La mise en place d'un système de comptabilité analytique fiable et transparent et de comptes généraux séparés est donc pour La Poste une impérieuse nécessité , dès lors que coexistent en son sein deux types d'activités de nature différente dont l'une est couverte par un monopole public.

* 74 Déduction faite des contreparties budgétaires ou fiscales accordées.

* 75 Voir aussi le commentaire de cette déclaration dans Transports Actualités n° 677 - Article de M. Luc Battais.

* 76 Il faut savoir qu'une hausse de 10 centimes de ce tarif et des affranchissements qui lui sont liés équivaut à une recette de l'ordre de 2 milliards de francs par an pour La Poste.

* 77 Voir annexe n° 2.

* 78 Le 18 juin 1997.

* 79 L'Allemagne, l'Autriche, le Luxembourg.

* 80 Interview publiée dans Le Monde du 11 avril 1999.

* 81 Loi n° 98-657 du 29 juillet 1998.

* 82 Loi n° 84-56 du 24 janvier 1984, relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit.

* 83 Rapport du Centre Walras 1999-2000.

* 84 N° 415 en date du 9 juin 1999.

* 85 Il fait d'ailleurs remarquer que « dès lors qu'une partie significative de la population et des très petites entreprises ne trouve pas d'appui financier, c'est un potentiel de production et de consommation qui se trouve stérilisé ».

* 86 Selon une étude du Credoc effectuée à partir du fichier central des chèques, 2,4 millions de personnes étaient frappées d'interdiction bancaire à la fin de 1997.

* 87 En Italie : la banca etica universale

* 88 Supra IV A.2.b.

* 89 Un tel dispositif apparaît plus incitatif à une action collective de la profession que l'approvisionnement d'un fonds de ce type par une taxe d'un centime sur chaque transaction par carte bancaire, telle qu'elle est suggérée par M. Daniel Lebègue (Le Monde, 1 er juin 1999, « Pour en finir avec l'exclusion bancaire »). Néanmoins, cette proposition mériterait d'être débattue lors de l'établissement d'un service universel bancaire si elle se révélait administrativement plus aisée à mettre en oeuvre sans pour autant introduire ou conforter une spécialisation de certains établissements.

* 90 Car si la compensation était supérieure au coût réel du service, elle entraînerait une distorsion de concurrence

* 91 Le rapport de 1997 se demandait si, avec le temps, le moratoire n'était pas devenu une orientation erronée et demandait de  « laisser vivre le réseau ».

* 92 Dans l'ouvrage collectif « Violence en France » publié sous la direction de Michel Wiervorka (Seuil - 1999).

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