CHAPITRE IV

LES DISPOSITIONS DÉROGATOIRES

Le principe général en matière de taux est posé par l'article 12-3-a de la directive de 1977. Il consiste à ne pouvoir appliquer, par exception au taux normal de droit commun, un ou deux taux réduits qu'à une liste limitative de biens et services figurant au sein de l'annexe H.

Ce principe général souffre quelques dérogations. Celles-ci sont de deux natures.

D'une part, l'article 28 de la directive de 1977 concerne les dispositions transitoires qui permettent le maintien de mesures en vigueur préalablement au 1 er janvier 1991. D'autre part, certains secteurs bénéficient à titre exceptionnel de règles particulières.

Ce choix du recours à des dispositions dérogatoires au droit commun est en outre celui que préconise la Commission européenne s'agissant de la possibilité " à titre expérimental " de baisser la TVA sur les services à forte intensité de main-d'oeuvre 70( * ) . Elle propose en effet de compléter l'article 28 de la directive de 1977. Celui-ci voit donc conforté son statut de " sas " préalable, avant l'inscription pérenne au sein de l'annexe H.

I. LE MAINTIEN À TITRE DÉROGATOIRE DE CERTAINS TAUX EXISTANT AVANT LE 1ER JANVIER 1991

Ainsi que le rappelle la Commission européenne dans son rapport précité sur l'évolution de la TVA, les Etats membres ont, conformément aux dispositions de l'article 28-2 -points a) à f)-, par ailleurs la possibilité, pendant la période transitoire 71( * ) , d'appliquer à un nombre limité de biens et de services des exonérations avec remboursement de la taxe payée au stade antérieur (le " taux zéro ") ou des taux réduits inférieurs au minimum prévu à l'article 12-3 (les taux " super-réduits ") dès lors que ceux-ci existaient avant le 1 er janvier 1991. Certains Etats membres ont également été autorisés à maintenir un taux réduit, qui ne peut être inférieur à 12 %, sur des livraisons de biens et des prestations de services autres que celles énumérées à l'annexe H, à condition que ces taux aient été en vigueur au 1 er janvier 1991 (les " taux parking " ou taux intermédiaires). Ainsi, les Etats membres qui appliquaient un taux réduit à la restauration, aux vêtements et chaussures pour enfants et au logement le 1 er janvier 1991 ont été autorisés à maintenir ces taux pendant la période transitoire que couvre le régime de TVA actuel. Enfin, la Grèce a été autorisée à poursuivre l'application de taux particulièrement réduits à certaines îles et à certains départements.

La Commission tient à ce titre à rappeler que " ces dispositions font toutes partie du régime transitoire de TVA " . Elles n'ont donc pas vocation, en principe, à être pérennisées.

Si les taux dérogatoires ainsi maintenus sont donc de trois types, taux " zéro ", taux " super-réduit " inférieur à 5 %, ou taux parking d'au moins 12 %, il convient, s'agissant du présent rapport d'information, de s'intéresser plus spécifiquement au " taux super-réduit " de 2,1 % afin d'en rappeler les principales dispositions.

L'article 28-2 b de la directive de 1977 dispose en effet que : " Les Etats membres qui, au 1 er janvier 1991, conformément à la législation communautaire .../... appliquaient des taux réduits inférieurs au taux minimal fixé à l'article 12 paragraphe 3 en matière de taux réduits, en ce qui concerne des biens et services autres que ceux visés à l'annexe H, peuvent appliquer le taux réduit ou l'un des deux taux réduits prévus à l'article 12 paragraphe 3 à la livraison de tels biens ou à la prestation de tels services " .

A. LES MÉDICAMENTS PRIS EN CHARGE PAR LA SÉCURITÉ SOCIALE

En vertu de l'article 281 octies du code général des impôts, les médicaments et produits définis comme tels (préparations magistrales, médicaments officinaux, médicaments ou produits pharmaceutiques visés à l'article L.601 du code de la santé publique) sont soumis au taux " super-réduit " de TVA s'ils sont pris en charge par la Sécurité sociale. Ce taux de 2,1% a été étendu par l'article 34 de la loi de finances rectificative pour 1997 à compter du 1 er janvier 1998 aux médicaments soumis à autorisation temporaire d'utilisation (ATU), préalablement le cas échéant à la délivrance d'une autorisation de mise sur le marché (AMM).

A défaut de cette prise en charge, c'est le taux réduit " de droit commun ", soit 5,5 %, qui s'applique.

La diversité et la pérennité du régime de taux de TVA applicable aux produits médicaux

Dans une réponse récente faite à une question écrite 72( * ) , le ministre de l'économie fournissait les éléments d'information suivants :

" La diversité des taux de TVA applicables dans le secteur de la santé se justifie par la diversité des produits commercialisés par cette industrie et les réglementations sociales différentes auxquelles ils obéissent. L'article 218 octies du code général des impôts soumet ainsi au taux de TVA de 2,10 % les préparations magistrales, produits officinaux, médicaments ou produits pharmaceutiques destinés à l'usage de la médecine humaine qui font l'objet d'une autorisation de mise sur le marché et qui sont remboursables aux assurés sociaux ou agréés aux collectivités publiques. Ce taux s'applique également depuis le 1 er janvier 1998 aux médicaments soumis à autorisation temporaire d'utilisation. En revanche, les médicaments ayant obtenu une autorisation de mise sur le marché (AMM), mais qui ne sont pas remboursables par les organismes de sécurité sociale relèvent du taux de 5,5 %. Par ailleurs, le taux de 5,5 % s'applique, conformément aux dispositions de l'article 278 quinquies du code précité, aux appareillages pour handicapés visés à certains chapitres du tarif interministériel des prestations sanitaires (TIPS). S'agissant des dispositifs médicaux, la directive n° 93/42/CEE qui est entrée en vigueur le 14 juin 1998, harmonise sur le plan communautaire la réglementation applicable à ces produits en subordonnant leur mise sur le marché à un marquage CE. Certains produits qui, jusqu'au 14 juin 1998, étaient considérés au regard de la réglementation nationale comme des médicaments soumis à ce titre à autorisation de mise sur le marché ont acquis depuis cette date le statut de dispositif médical. En matière de taux de TVA, ces produits ne peuvent donc plus bénéficier, depuis le 14 juin 1998, des dispositions particulières prévues en faveur des médicaments. Ils relèvent dès lors du taux de 20,6 % à l'exception de ceux qui sont inscrits aux chapitres du TIPS visés à l'article 278 quinquies précité. L'application du taux réduit de la TVA étant limitée à certains chapitres du TIPS, il n'est donc pas exclu que des matériels nécessaires au traitement d'une même pathologie ne soient pas soumis au même taux de TVA s'ils sont répertoriés dans des chapitres différents de cette nomenclature, a fortiori si certains n'y sont pas répertoriés. Par ailleurs, en ce qui concerne le contentieux communautaire qui oppose la France à la Commission européenne sur le taux de TVA applicable aux médicaments remboursables, la Commission a déposé un recours devant la Cour de justice des Communautés européennes. Le Gouvernement entend défendre sa position auprès de la Cour. Si la décision rendue par la Cour était néanmoins défavorable à la France, le Gouvernement étudierait, en concertation avec tous les acteurs concernés et notamment les représentants de l'industrie de la santé, les mesures envisageables pour se conformer à cette décision. .../... ".

B. LES 140 PREMIÈRES REPRÉSENTATIONS THÉÂTRALES DE CERTAINES OEUVRES ET DE CERTAINS SPECTACLES DE CIRQUE

Conformément à l'article 281 quater du code général des impôts, " La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux de 2,10 % en ce qui concerne les recettes réalisées aux entrées des premières représentations théâtrales d'oeuvres dramatiques, lyriques, musicales ou chorégraphiques nouvellement créées ou d'oeuvres classiques faisant l'objet d'une nouvelle mise en scène, ainsi que des spectacles de cirque comportant exclusivement des créations originales conçues et produites par l'entreprise et faisant appel aux services réguliers d'un groupe de musiciens. Un décret définit la nature des oeuvres et fixe le nombre de représentations auxquelles ces dispositions sont applicables " .

De ce fait, si la TVA est en principe perçue au taux réduit pour les spectacles de théâtres, de théâtres de chansonniers, cirques, concerts, cinémas, etc..., le taux super-réduit de 2,1 % est perçu pour les recettes réalisées aux entrées des 140 premières représentations théâtrales et de cirques définies ci-dessus.

C. LES PUBLICATIONS DE PRESSE

S'agissant du régime de la presse et de ses fournisseurs, l'article 298 septies dispose que, " à compter du 1 er janvier 1989, les ventes, commissions et courtages portant sur les publications qui remplissent les conditions prévues par les articles 72 et 73 de l'annexe III au présent code pris en application de l'article 52 de la loi du 28 février 1934, sont soumis à la taxe sur la valeur ajoutée au taux de 2,10 % dans les départements de la France métropolitaine " .

Ainsi, les articles 72 et 73 de l'annexe III du code général des impôts définissent les deux catégories de publications pouvant bénéficier de ce taux de 2,1 %.

Il s'agit, d'une part, des publications présentant un lien avec l'actualité, apprécié au regard de l'objet de la publication, qui remplissent notamment les conditions suivantes : présenter un caractère d'intérêt général, paraître régulièrement au moins une fois par trimestre, faire l'objet d'une vente effective au public, ne pas avoir plus des deux-tiers de leur surface consacrés à la publicité et aux annonces.

Il s'agit, d'autre part, des publications d'anciens combattants (sous réserve de l'avis favorable du ministre des anciens combattants), des publications éditées par les organisations syndicales de salariés, des publications politiques, des publications mutualistes, des journaux scolaires, etc...

Les publications périodiques n'ayant pas le caractère de publication de presse tel que défini ci-dessus sont soumises, soit au taux normal, soit au taux réduit si elles correspondent à la définition fiscale du livre.

II. CERTAINS BIENS OU SERVICES, NON MENTIONNÉS DANS L'ANNEXE H, BÉNÉFICIENT CEPENDANT DU TAUX RÉDUIT

L'annexe H de la directive de 1977 a vocation par principe à recenser de façon exhaustive mais néanmoins limitative, les biens et services pouvant être éligibles à l'un des deux taux réduits autorisés par le droit communautaire.

Néanmoins, par exception à ce principe, des produits ou des services peuvent également, à titre dérogatoire, être soumis au taux réduit de 5,5 %.

Il s'agit ainsi, notamment, des fournitures de gaz naturel et d'électricité, mais également des produits de la floriculture ou des objets d'art dont il convient de présenter les principales caractéristiques du régime fiscal.

A. LES FOURNITURES DE GAZ NATUREL ET D'ÉLECTRICITÉ

L'article 12-3-b de la sixième directive de 1977 dispose que : " Les Etats membres peuvent appliquer un taux réduit aux fournitures de gaz naturel et d'électricité, à condition qu'il n'en résulte aucun risque de distorsion de concurrence. Un Etat membre qui envisage d'appliquer un tel taux en informe la Commission au préalable. La Commission se prononce sur l'existence d'un risque de distorsion de concurrence. Si la Commission ne s'est pas prononcée dans les trois mois à partir de la réception de l'information, aucun risque de distorsion de concurrence n'est censé exister ".

Ainsi l'article 29 de la loi de finances pour 1999 a soumis au taux réduit les " abonnements relatifs aux livraisons d'électivité et de gaz combustible, distribués par réseaux publics " . Cette mesure d'un coût estimé à près de 4 milliards de francs par an, avait un effet limité pour les 27 millions de foyers qui devaient en bénéficier 73( * ) . En outre, le gouvernement a précisé qu'il avait informé le 8 juillet 1998 la Commission de son intention d'appliquer une telle mesure et que le commissaire européen M. Mario Monti avait souhaité par lettre du 31 juillet 1998 obtenir communication des modalités de mise en oeuvre de cette disposition. Le gouvernement a répondu par lettre en date du 7 septembre 1998 qui constituait alors le point de départ du délai de trois mois valant acceptation tacite. Il s'agissait en outre d'être certain que l'abonnement lui-même pouvait s'analyser comme un élément constitutif de la fourniture d'énergie, au sens du droit communautaire 74( * ) .

On doit également relever que l'extension du taux réduit de TVA aux consommations de gaz et d'électricité si elle est " eurocompatible " n'en présenterait pas moins un coût élevé pour les finances publiques que le gouvernement estimait à 15,5 milliards de francs. Aussi a-t'il précisé que, " nous n'avons pas les moyens de mettre en oeuvre une telle disposition en 1999 " 75( * ) .

Par ailleurs, il fut rappelé que cet article de la directive ne permettait pas de soumettre au taux réduit les abonnements aux réseaux de chaleur. Une telle extension aurait eu cependant un coût budgétaire limité estimé alors à 200 millions de francs. Le gouvernement a cependant dans sa lettre précitée en date du 7 septembre 1998 demandé à la Commission d'agir en ce sens mais cette dernière lui a, le 7 octobre 1998, réaffirmé que cette mesure n'était pas actuellement compatible avec la réglementation européenne. Aussi, le gouvernement a indiqué en séance publique que " nous allons continuer à insister pour que les différents réseaux de chauffage, qu'il s'agisse du gaz, de l'électricité ou des réseaux de chaleur, soient traités de façon équivalente " 76( * ) . Votre rapporteur ne peut que souscrire à une telle volonté en souhaitant que cette demande puisse effectivement aboutir dans des délais raisonnables.

Ces dispositions dérogatoires ne concernent que les fournitures de gaz et d'électricité. De ce fait, les frais de téléphone n'étant pas mentionnés, le gouvernement a rappelé que l'application du taux réduit ne peut être envisagée 77( * ) .

B. LES PRODUITS DE LA FLORICULTURE ET LE BOIS DE CHAUFFAGE

La directive n° 96/42/CE du 25 juin 1996 a modifié la directive TVA de 1977 en complétant l'article 28 relatif aux dispositions transitoires. Aussi, " les Etats membres peuvent appliquer un taux réduit aux livraisons de plantes vivantes et autres produits de la floriculture ( y compris les bulbes, les racines et produits similaires, les fleurs coupées et les feuillages pour ornement ), ainsi qu'aux livraisons de bois de chauffage ".

L'article 278 bis bis du code général des impôts issu de l'article 20 de la loi de finances pour 1997, voté à l'initiative de la commission des Finances du Sénat, a étendu, comme le permet cette directive de 1996, le champ du taux réduit de TVA. En bénéficient désormais le bois de chauffage, les produits de la sylviculture agglomérés destinés au chauffage et les déchets de bois affectés au chauffage dès lors que ces produits sont affectés à un " usage domestique ".

Conformément aux engagements pris par le gouvernement devant le Sénat, une instruction fiscale d'application en date du 31 mars 1998 78( * ) a apporté deux précisions en sens opposé. Elle a d'une part, défini de façon très large la notion " d'usage domestique " 79( * ) .

Elle a en revanche confirmé que les réseaux de chaleur utilisant le bois comme combustible ne pouvaient bénéficier du taux réduit, car toute vente d'énergie relève, en application du droit communautaire, du taux normal . Cette position avait été notamment affirmée par le gouvernement lors de la discussion de la loi de finances pour 1998 80( * ) . Aussi , lors de l'examen du DDOEF au printemps 1998, la commission des Finances avait déposé un amendement d'appel pour inciter le gouvernement à faire évoluer la législation communautaire sur ce point. Votre rapporteur ne peut que rappeler l'intérêt de cette demande qui est par ailleurs également soutenue, nonobstant sa contrainte actuelle au droit communautaire, par la commission des Finances de l'Assemblée nationale. Il se félicite donc de l'attitude récente du gouvernement indiquant " qu'il ne manquera pas bien évidemment de tenir informé le Parlement des suites qui seront réservées à ce dossier " 81( * ) .

C. LES OBJETS D'ART, DE COLLECTION OU D'ANTIQUITÉS

La directive n° 94/5 CE du 14 février 1994 vise à compléter le système commun de TVA et modifie pour cela la directive de 1977. Il est ainsi désormais précisé en son article 12-3-c que, " les Etats membres peuvent prévoir que le taux réduit, ou l'un des taux réduits, qu'ils appliquent conformément au point a) troisième alinéa s'applique également aux importations d'objets d'art, de collection ou d'antiquités visés à l'article 26 bis titre A points a), b), et c). ".

Cette directive a été transposée en droit interne par la loi du 29 décembre 1994 qui réserve le taux réduit de TVA à certaines opérations, telles que les importations d'oeuvres d'art, d'objets de collection ou d'antiquité, ou les ventes d'oeuvres d'art par l'artiste ou ses ayants-droits 82( * ) . A contrario les transactions effectuées en France par des professionnels sont imposées au taux normal sans qu'il soit fait de différence entre celles qui portent sur des oeuvres d'art et celles qui s'appliquent à des objets de collection ou d'antiquité.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page