EXAMEN EN COMMISSION

I. AUDITION DE M. CHRISTIAN SAUTTER, SECRÉTAIRE D'ÉTAT AU BUDGET

Réunie le mardi 29 juin 1999 sous la présidence de M. Alain Lambert, président, la commission des Finances a procédé à l'audition de M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget, sur le régime de taxe à la valeur ajoutée (TVA) applicable au niveau communautaire.

A titre liminaire, M. Alain Lambert, président, a rappelé les problèmes récurrents posés, lors de l'examen des lois de finances, par les amendements de baisses ciblées de TVA et indiqué qu'une mission de réflexion avait été confiée, à ce sujet, par la commission des Finances, en mars dernier, à M. Denis Badré. Puis il a évoqué les travaux récents de la commission en matière de TVA, qu'il s'agisse de la résolution relative au passage au régime définitif de TVA ou de la communication de M. Denis Badré sur la proposition de directive visant à soumettre au taux réduit de TVA les services à forte intensité de main d'oeuvre. Il a ensuite fait état des chiffrages communiqués, à sa demande, par le secrétaire d'Etat au budget, précisant le coût budgétaire desdites mesures de baisses ciblées.

M. Christian Sautter a indiqué qu'il s'agissait tout à la fois d'un sujet important et d'un domaine compliqué.

Il a tout d'abord rappelé la position du gouvernement français sur le passage au régime définitif de TVA, et précisé que l'ensemble des Etats membres en avaient souhaité le report à une date encore indéterminée, compte tenu de ses implications budgétaires et fiscales.

Il s'est félicité du soutien apporté à cette occasion, par la commission des Finances, au gouvernement et a indiqué que la priorité allait à l'amélioration du régime transitoire, par exemple pour les modalités de remboursement de la TVA prévues par la huitième directive.

Dans le domaine de la lutte contre la fraude à la TVA intracommunautaire, il a relevé qu'il a été nécessaire d'adapter rapidement l'administration fiscale à ses nouvelles missions, dans la mesure où la suppression des frontières avait accru les potentialités de fraude. Il a rappelé le travail accompli en ce domaine, qu'il s'agisse du plan de lutte contre la fraude de septembre 1997 qui avait accru les échanges d'informations et les contrôles sur les livraisons, ou le plan d'action commun aux douanes et à la direction générale des impôts, qui avait renforcé la coopération entre ces deux directions. Il a par ailleurs fait état du nouvel article L.83 A du livre des procédures fiscales, qui autorise les agents des douanes et des impôts à échanger des renseignements sans recourir à une procédure écrite. Il a indiqué que ces mesures avaient déjà produit des résultats significatifs : ainsi les contrôles de facturation sur les opérateurs intracommunautaires étaient en progression régulière passant de 2.191 en 1997 à 2.320 en 1998. De même, il a souligné que les montants des rappels de TVA liés à des échanges intracommunautaires représentaient 2,5 milliards de francs en 1997 et 3,5 milliards de francs en 1998 tandis que les rappels sur acquisitions dont le montant était de 85 millions de francs en 1994 avaient représenté 1,7 milliard de francs en 1997 et 2,4 milliards de francs en 1998.

Il s'est enfin félicité du rôle joué par les attachés fiscaux à l'étranger, qui avaient notablement accru l'efficacité des échanges de renseignements entre les administrations fiscales et permis de démanteler des montages juridiques particulièrement sophistiqués. Il en a conclu que, si la fraude était devenue plus complexe, elle était également devenue plus risquée.

Il a enfin abordé le régime de TVA applicable aux services à forte intensité de main d'oeuvre. Il a tout d'abord rappelé qu'une harmonisation poussée en matière de TVA était indispensable pour construire le marché intérieur, ce qui limitait a priori les possibilités d'utiliser la TVA comme un instrument d'incitation fiscale. Puis il a détaillé les différentes étapes ayant abouti à la transmission au Parlement français de la proposition de directive visant à appliquer un taux réduit de TVA aux services à forte intensité de main d'oeuvre (n° E-1236). Il a tout d'abord rappelé que lors du sommet de Luxembourg de novembre 1997 consacré à l'emploi, la France avait évoqué, pour la première fois, l'idée de baisser la TVA pesant sur lesdits services. Il a également rappelé qu'en octobre 1998 il avait écrit, ainsi que le ministre de l'économie, au commissaire européen chargé de la fiscalité, afin d'accélérer le processus de décision qui avait effectivement abouti, en novembre 1998, lors du sommet de Vienne. Aussi bien, la commission a-t-elle adopté, le 17 février 1999, une proposition de directive, qui a été transmise au Parlement français.

Il a relevé que, lors de l'examen de cette proposition par le conseil " Ecofin " du 25 mai 1999, celle-ci avait fait l'objet d'un " véritable débat " qui avait fait apparaître des divergences et même conduit certains à remettre en cause l'objectif recherché par la présente directive. Aussi, ce conseil avait-il préconisé d'effectuer en ce domaine un " travail technique approfondi " tandis que la France avait réaffirmé son souhait de mener à son terme le processus d'adoption de ce texte.

M. Christian Sautter a ainsi indiqué que se tenait ce jour, le 29 juin 1999, une réunion technique qui devrait permettre d'adopter définitivement cette proposition de directive sous la présidence finlandaise, soit à compter du 1er juillet 1999. Il a ensuite indiqué que la France avait, en matière de baisse de TVA sur les services à forte intensité de main d'oeuvre, des " préférences " dans deux domaines. Il s'agissait, d'une part, d'appliquer de telles baisses aux services destinés aux particuliers, qu'il s'agisse des aides ménagères ou des aides apportées aux jeunes enfants et aux personnes âgées. Il a en effet relevé que cette baisse de TVA pourrait créer une " impulsion forte ", même si elle risquait de mettre en concurrence les associations déjà présentes dans ce secteur avec des entreprises émergentes cherchant à s'y implanter. A ce titre, il a indiqué qu'il convenait d'étudier ces risques de mise en concurrence ainsi que l'impact d'une telle mesure, notamment sur les conventions collectives applicables dans ce secteur. Il a déclaré, par ailleurs, que les études réalisées dans ce cadre seraient transmises aux assemblées.

Il a, d'autre part, souligné que cette baisse pourrait s'appliquer aux travaux d'entretien de l'immobilier. Il a néanmoins rappelé que la réduction d'impôt pour les dépenses de grosses réparations dans l'habitation principale représentait 4 milliards de francs en 1999 et créait 12.000 emplois. S'agissant de la baisse de la TVA dans ce secteur, il a rappelé le coût budgétaire d'une telle mesure, estimé à près de 20 milliards de francs, et il a noté que des incertitudes existaient toujours quant à son contour exact et à son champ d'application.

En conclusion, il a noté deux autres incertitudes. D'une part, quant aux marges de manoeuvre budgétaires du gouvernement qui seraient connues lorsque le taux de croissance pour 1999 et pour 2000 sera affiné et, d'autre part, quant à la date exacte à laquelle cette proposition de directive serait adoptée définitivement.

M. Philippe Marini, rapporteur général, après avoir rappelé que les mesures de baisse ciblées de TVA constituaient, ainsi que le gouvernement l'avait encore rappelé lors du débat d'orientation budgétaire, l'un des axes majeurs de sa politique fiscale pour l'an 2000, s'est interrogé sur l'ordre de grandeur des marges de manoeuvre du gouvernement, mais également sur la position des autres Etats membres concernant cette proposition de directive. Il a également souhaité obtenir des précisions sur son articulation avec la préparation du projet de loi de finances pour l'an 2000. Il a par ailleurs demandé à ce que les documents qui seraient transmis, dans ce cadre, à la commission européenne, s'agissant des secteurs éligibles à une telle baisse de la TVA, puissent également être communiqués aux commissions des finances des deux assemblées.

Sur l'étendue des marges de manoeuvre dont disposait le gouvernement, M. Christian Sautter lui a précisé que le souci principal du gouvernement était de développer l'emploi et que le critère de décision était l'efficacité en matière d'emploi plus que le coût budgétaire réel des mesures de baisses ciblées.

Il a par ailleurs précisé que lors du conseil " Ecofin " qui s'était tenu le 25 mai 1999, aucun Etat n'avait émis de veto à l'encontre de cette proposition de directive, mais que des réserves avaient cependant été formulées. Il a indiqué que le gouvernement " faisait le maximum " pour que ce texte puisse être définitivement adopté, sans pouvoir néanmoins fixer de date précise, puisqu'il appartenait à la présidence finlandaise d'inscrire ce texte à l'ordre du jour.

Il a précisé, par ailleurs, que les éléments de chiffrage du coût de telles baisses qui avaient été transmis à la commission des Finances du Sénat ne concernaient que le coût budgétaire brut, et que leurs effets sur l'emploi ou le travail clandestin n'avaient pas été évalués comme habituellement en matière de prévisions budgétaires, pour d'évidentes raisons tenant à l'application du principe de précaution. Il s'est en outre déclaré favorable à ce que les informations communiquées à la commission européenne concernant la définition des secteurs éligibles soient également transmises aux commissions des finances des deux assemblées.

M. Denis Badré, après avoir rappelé l'intérêt de lutter au niveau communautaire contre les fraudes à la TVA, s'est interrogé sur l'articulation entre la présente proposition de directive et la préparation de la prochaine loi de finances. Il a par ailleurs insisté sur l'intérêt pour les différents Etats membres de mener des expérimentations en matière de TVA qui soient les plus diverses possible tout en soulignant que la proposition de directive définissait des critères d'éligibilité mais ne contenait pas de liste limitative desdits services. Il s'est ensuite interrogé sur le coût net de ces baisses et sur les secteurs qui, outre ceux déjà évoqués, pourraient être concernés tels que la restauration, mais aussi le secteur de la réparation automobile ou celui du déménagement. A ce titre, il a souhaité connaître les intentions des autres Etats membres.

Par ailleurs, il s'est interrogé sur la compatibilité, au regard de la réglementation communautaire actuelle, de baisses ciblées appliquées aux produits de chocolaterie, au droit d'utilisation des installations sportives ou au traitement des déchets.

Il a enfin souhaité connaître les intentions du Gouvernement concernant la révision du contenu de l'annexe H qui fixait la liste des biens et services éligibles aux taux réduits de TVA.

M. Christian Sautter lui a tout d'abord précisé que les estimations du coût de ces mesures de baisses ciblées ne prenaient pas en compte leur impact sur la résorption du travail au noir. Il a également indiqué, s'agissant des secteurs éligibles à ces baisses, qu'il convenait d'être sélectif afin d'être efficace. En conséquence, le Gouvernement avait estimé que deux secteurs, celui des services à la personne et des travaux dans l'immobilier, étaient prioritaires. Il a reconnu, s'agissant de la restauration, que des taux de TVA différents étaient appliqués à des opérations voisines en relevant que l'application générale du taux réduit de TVA serait coûteuse et que l'application de taux intermédiaires de TVA conduirait à pénaliser la restauration collective, ce qui ne pourrait être admis, et ce, pour d'évidentes raisons sociales. Evoquant les positions des autres Etats membres, il a indiqué que les Pays-Bas envisageaient d'appliquer un taux réduit de TVA à la fabrication de sabots.

Puis, s'agissant des mesures de baisse ciblée de TVA compatibles avec la réglementation communautaire actuelle (produits de chocolaterie, déchets ménagers, ...), il a précisé que le Gouvernement n'avait pas arrêté ses intentions pour le projet de loi de finances pour 2000 mais qu'il n'y avait aucune raison pour que les objections formulées en 1997 et 1998 soient levées. De façon plus générale, il a rappelé que le Gouvernement souhaitait la réussite de l'expérimentation permise par cette proposition de directive et qu'il conviendrait ensuite, dans un second temps, d'envisager une modification pérenne du contenu de l'annexe H. A ce titre, il a rappelé les demandes françaises préconisant d'appliquer un taux réduit de TVA aux CD Rom, aux disques, aux véhicules peu polluants ou aux réseaux de chaleur.

Revenant sur les problèmes de lutte contre la fraude, M. Marc Massion a souhaité obtenir des précisions quant à la nature des relations et aux compétences respectives des douanes et de la direction générale des impôts, notamment en matière d'exercice des poursuites consécutives à des infractions.

M. Roland du Luart a relevé que la réduction d'impôt pour les dépenses de réhabilitation dans l'habitation principale, qui coûterait à l'Etat 4 milliards de francs en 1999, avait permis de créer 12.000 emplois, soit un coût unitaire de 330.000 francs par poste créé. Il s'est demandé si ce montant n'était pas excessif et s'est interrogé sur les conséquences de l'instauration des 35 heures dans le secteur du bâtiment quant à un éventuel développement du travail au noir. Il a fait part de son souhait de voir baisser le taux de TVA applicable aux travaux réalisés dans les logements.

M. Alain Lambert, président, a souhaité de façon plus générale connaître les mesures que le Gouvernement entendait mettre en oeuvre afin d'aider le secteur de la restauration. S'agissant plus précisément du chiffrage du coût des mesures de baisses ciblées de TVA, il s'est demandé s'il était possible d'en évaluer les retours en termes de recettes fiscales.

En réponse à M. Marc Massion, M. Christian Sautter a indiqué qu'il avait pu vérifier concrètement la volonté des différents services du ministère de l'économie de travailler ensemble et de développer les échanges d'informations afin de lutter plus efficacement contre la fraude. A ce titre, il s'est notamment félicité de la possibilité qui serait prochainement ouverte aux douaniers de devenir " officiers de douane judiciaire ".

En réponse à M. Roland du Luart, il a rappelé qu'il était difficile d'isoler l'effet propre de l'extension du crédit d'impôt de l'amélioration du contexte général économique. S'agissant de l'application des 35 heures au secteur du bâtiment, il s'est félicité des nouvelles conditions de travail qui avaient été négociées à cette occasion par les organisations professionnelles et estimé de ce fait que la diminution du temps de travail constituait un " élément positif ". Il a également rappelé les différentes mesures prises par le Gouvernement en faveur du logement, qui seraient par ailleurs complétées par l'extension du dispositif d'allégement des charges patronales.

En réponse à M. Alain Lambert, il a précisé que le secteur de la restauration avait déjà bénéficié des mesures générales de diminution de la taxe professionnelle et allait également profiter de l'extension du champ de l'allégement des charges sur les bas salaires. Il a par ailleurs précisé que le chiffrage du coût des mesures de baisse de TVA effectué par ses services s'était toujours révélé fiable, a posteriori, mais qu'il convenait cependant de développer les instruments d'évaluation des effets des politiques publiques.

II. COMMUNICATION DE M. DENIS BADRÉ

Réunie le mercredi 30 juin 1999 sous la présidence de M. Alain Lambert, président, la commission des Finances a entendu une communication de M. Denis Badré, sur les règles applicables en matière de taux de taxe à la valeur ajoutée (TVA).

M. Denis Badré a rappelé le cadre de sa mission consistant à expertiser la situation actuelle en France en matière de taux de TVA, et plus particulièrement de taux réduit. Il s'agissait de faire le point sur ce qui était actuellement " euro-compatible " ou non, ainsi que sur les perspectives d'évolution en ce domaine.

Il convenait donc, dans un premier temps, de rappeler l'état du droit, puis d'évoquer les perspectives, notamment au vu de la proposition de directive visant à soumettre au taux réduit les services à forte intensité de main-d'oeuvre (n° E-1236).

Il a indiqué que la TVA était un impôt perçu au plan national, d'un poids fiscal considérable (670 milliards de francs de recettes nettes prévues pour 1999 soit 44 % des recettes fiscales de l'Etat), mais dont les grandes règles et les principes étaient fixés au niveau communautaire.

Il a tenu à rappeler qu'il était indispensable de fixer ces règles au niveau communautaire, le texte de référence en ce domaine étant la directive communautaire du 25 mai 1977 dite " 6e directive TVA ".

En effet, dans le cadre d'un marché unique où les biens circulent librement, il convient d'harmoniser les règles fiscales, afin d'éviter le dumping fiscal, ou des différences d'imposition qui seraient sources de distorsions de concurrence.

Plus généralement, toute évolution du champ des biens ou services soumis au taux réduit de TVA devait donc prendre en compte une " triple contrainte " : une contrainte juridique résultant des dispositions communautaires s'imposant en ce domaine au législateur et une contrainte budgétaire puisque toute baisse du taux de TVA avait des conséquences lourdes pour le budget de l'Etat. Il fallait donc cibler ces baisses, mais également éviter des mesures compliquées ou de caractère homéopathique, à l'image de la baisse de la TVA sur les abonnements au gaz et à l'électricité votée lors de la dernière loi de finances. Cette mesure avait en effet coûté 4 milliards de francs à l'Etat et se traduisait en moyenne pour chaque ménage par un gain annuel de moins de 100 francs.

Il a enfin évoqué la " contrainte sociale " existant en matière de baisse de la TVA. Il convenait, en effet, de sérier les priorités et de ne pas porter atteinte aux particularités de certains secteurs. Ainsi, en matière de restauration alimentaire, si une baisse générale était souhaitable, elle ne devait pas se traduire par une augmentation du taux de TVA applicable dans le secteur de la restauration collective, notamment en milieu scolaire ou hospitalier.

Puis il a rappelé l'état actuel du droit tel qu'il résultait de la 6 e directive TVA de 1977. Il a indiqué que le taux normal était le taux de droit commun et que tous les biens et services vendus en France avaient vocation, en principe, à être soumis au taux normal de TVA, qui est de 20,6 % contre 19,5 % en moyenne en Europe.

Le droit communautaire fixait un plancher à 15 % et il résultait d'un accord politique entre les Etats membres que le plafond devait être de 25 %.

Par ailleurs, les Etats membres avaient la possibilité d'appliquer un ou deux taux réduits de TVA à une liste limitative de biens et services qui figuraient au sein de l'annexe H de ladite directive.

Le droit communautaire autorisait un ou deux taux réduits de TVA, mais la France n'avait qu'un seul taux réduit qui était de 5,5 %. Il a en outre précisé que, au terme de la réglementation communautaire, le recours au taux réduit n'était qu'une simple faculté et non une obligation.

Il a tenu à souligner l'importance de l'écart entre le taux normal et le taux réduit de TVA (15,1 points), qui était très supérieur en France à celui des autres pays européens.

Par ailleurs, il a noté qu'à l'heure actuelle, la France avait au plan juridique utilisé presque toutes ses " marges de manoeuvre ". Les principales mesures de baisse de la TVA qui étaient " euro-compatibles " concernaient les domaines suivants : les produits de chocolaterie et de confiserie, le droit d'utilisation des installations sportives ou l'ensemble des opérations de collecte et de traitement des déchets ménagers etc.. Si ces produits ou ces services n'étaient pas actuellement soumis au taux réduit, c'était non pour des raisons juridiques mais compte tenu de leur coût budgétaire ou de " considérations sociales ". Aussi, toute autre mesure de baisse de la TVA serait, en l'état actuel du droit, non conforme au texte de la directive européenne.

M. Denis Badré a en outre précisé que les différences en matière de taux de TVA applicable au secteur de la restauration provenaient du fait que les ventes à consommer sur place étaient considérées comme une prestation de service taxée à 20,6 %, tandis que les ventes à emporter étaient soumises au taux applicable aux produits, soit généralement le taux réduit.

En outre, le droit communautaire envisageait quelques dérogations à ces grands principes. Ces régimes dérogatoires étaient très complexes et traduisaient la volonté de la commission européenne de ne pas modifier le contenu de l'annexe H, tant que le régime définitif de TVA ne serait pas mis en place.

Il a indiqué que deux grands types de dérogation existaient. D'une part, les Etats membres avaient la possibilité de conserver les taux réduits ou " super réduits " qui existaient avant le 1er janvier 1991, ce qui avait permis de maintenir un taux " super réduit " pour les médicaments remboursés par la sécurité sociale et pour les publications de presse. D'autre part, certains biens et services ne figurant pas dans l'annexe H étaient cependant soumis au taux réduit de TVA en vertu de dispositions spécifiques. Il s'agissait notamment de la fourniture de gaz et d'électricité, du bois de chauffage ou des produits de la floriculture.

Dans ce contexte, il a tenu à souligner que, à l'exception des quelques baisses ciblées " euro-compatibles " déjà mentionnées, les perspectives d'évolution en ce domaine ne pouvaient venir que d'une modification du droit communautaire.

Toute nouvelle mesure de baisse ciblée devait donc avoir été proposée, au préalable, par la Commission et adoptée par le Conseil, statuant à l'unanimité des membres et cela, afin de figurer au sein de l'annexe H. Il a souligné que la Commission européenne était néanmoins réservée quant à de telles baisses car elle était soucieuse d'oeuvrer en faveur de l'harmonisation fiscale, d'éviter de développer le " dumping fiscal ", ou de créer de trop importantes distorsions de concurrence.

Il a cependant noté que la proposition de directive sur les services à forte intensité de main-d'oeuvre offrait une possibilité dérogatoire de baisser ponctuellement la TVA. Cette proposition de directive permettait d'appliquer à titre expérimental un taux de TVA réduit sur les services à forte intensité de main-d'oeuvre, mais présentait cependant un caractère limité à 3 ans : du 1 er janvier 2000 au 31 décembre 2002. Elle devait par ailleurs pouvoir s'appliquer au moment de l'examen de la loi de finances pour 2000.

Il s'agissait ainsi de permettre aux Etats membres d'appliquer ponctuellement des taux réduits de TVA et cela, afin de lutter contre le chômage et le travail clandestin. Cette disposition, qui allait dans le bon sens, relevait donc de la seule responsabilité des Etats membres.

Or, des incertitudes existaient toujours quant aux marges de manoeuvre budgétaires du gouvernement et quant à la nature des services qui seraient concernés par ce taux réduit. Ces incertitudes n'avaient en effet été que partiellement levées par l'audition de M. Christian Sautter le 29 juin 1999.

Si celui-ci avait indiqué que deux secteurs avaient la préférence du gouvernement (les travaux à domicile et les services d'aide à la personne), il n'avait pas donné de précision quant à la date prévisible d'adoption de cette directive ou quant aux marges de manoeuvre budgétaires qu'il était prêt à consacrer à de telles baisses.

Sur le fond, M. Denis Badré a souhaité que soient prises des mesures claires et lisibles en faveur des particuliers afin d'éviter tant les effets d'annonce que la mise en place de mesures homéopathiques, à l'image de ce qui avait été pratiqué lors de la dernière loi de finances.

Le champ de cette expérimentation devait être le plus large possible : plus les expériences mises en place par les Etats membres seraient diverses, meilleurs en seraient les enseignements et plus grandes les chances de voir le champ de la TVA à taux réduit être modifié de façon pérenne.

Trois secteurs lui paraissaient donc avoir plus particulièrement vocation à bénéficier de cette expérience : le secteur de la restauration, celui des services d'aide à la personne et celui des travaux dans l'habitat.

S'agissant du secteur de la restauration, il a tenu à souligner qu'il y avait désormais avec cette proposition de directive une possibilité en droit de baisser le taux de la TVA, ce qui n'était pas le cas auparavant et cela, même si une double contrainte continuait à exister en ce domaine : qu'il s'agisse de la contrainte budgétaire ou de la contrainte sociale qui devaient inciter le gouvernement à préserver la spécificité de la restauration collective, notamment en milieu scolaire et hospitalier.

Par ailleurs, il s'est interrogé sur le champ précis et la nature des services d'aide à la personne qui seraient concernés ainsi que sur les effets de cette mesure quant à la situation des associations d'aide à domicile.

Enfin, en matière de travaux dans l'habitat, il a souhaité que l'on ne restreigne pas le champ d'application de cette mesure, afin de ne pas nuire à son efficacité et, partant, à sa portée.

En conclusion, il a rappelé les quatre préconisations émises par la commission des Finances du Sénat : des mesures lisibles et claires, un champ d'expérimentation le plus large possible, la mise en place d'une vraie diminution des prélèvements obligatoires et une action dans la transparence.

M. Roland du Luart, après avoir félicité M. Denis Badré pour la qualité de son exposé, a souhaité, s'agissant de la baisse de la TVA dans le secteur du logement, que des mesures générales et simples soient prises. Il a en effet craint que le gouvernement ne mette en place en ce domaine une " usine à gaz ".

M. Michel Moreigne a souhaité obtenir des précisions quant à la nature des services d'aide à la personne qui seraient éligibles à une baisse ciblée de TVA.

Après avoir rappelé que le gouvernement n'entendait pas proposer à la Commission européenne de soumettre au taux réduit de TVA le secteur de la restauration, M. Alain Lambert, président, a souhaité connaître l'état du droit applicable en matière de TVA sur les frais de justice.

M. Denis Badré a indiqué, en réponse à M. Michel Moreigne, que, selon les indications fournies par le gouvernement, les services d'aide à domicile éligibles au taux réduit devraient être ceux qui sont définis comme tels par le code du travail.

Il a confirmé à M. Alain Lambert, président, que le gouvernement n'entendait pas proposer des mesures de baisse de la TVA dans le secteur de la restauration. En tout état de cause, il a estimé que si l'écart actuel entre le taux normal et le taux réduit était source de distorsion de concurrence, il convenait de préserver la spécificité de la restauration collective, notamment en milieu scolaire ou hospitalier. Il a cependant confirmé que la proposition de directive sur les services à forte intensité de main-d'oeuvre permettait bien, désormais, en droit, de baisser le taux de TVA applicable à ce secteur.

En réponse à M. Roland du Luart, il a indiqué qu'il convenait de prendre des mesures simples et claires, s'agissant des baisses de TVA applicables aux travaux dans les logements, et de lutter contre la stratification fiscale, source de complexités inutiles. Il a rappelé qu'il appartiendrait donc au gouvernement, si la proposition de directive était adoptée définitivement, de faire des propositions en ce sens, à l'occasion de la prochaine loi de finances.

Il a par ailleurs précisé que, seules, les prestations des avocats indemnisés au titre de l'aide juridictionnelle bénéficiaient du taux réduit de TVA, eu égard à son " caractère social ".

A l'issue de ce débat, la commission a donné acte à M. Denis Badré de sa communication et décidé d'en publier les conclusions sous la forme d'un rapport d'information.

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