3. Favoriser la représentation des actionnaires salariés dans l'entreprise

L'actionnariat salarié ne peut représenter une force dans l'entreprise que s'il est organisé. Individuellement l'actionnaire salarié n'a qu'une influence marginale, même si idéalement on ne peut que souhaiter que les actionnaires salariés exercent eux-mêmes leur droit de vote. Il importe donc d'assurer une représentation collective des actionnaires salariés de manière à ce qu'ils aient un véritable poids dans la prise de décision.

Cette représentation des salariés actionnaires pourrait être renforcée tant dans les assemblées générales et les organes dirigeants de l'entreprise, afin de mieux les associer à la gestion de leur entreprise, que dans les conseils de surveillance des FCPE, afin de leur permettre de mieux contrôler la gestion de leur épargne salariale et de leur actionnariat.

A cet égard, votre rapporteur s'est interrogé sur le rôle que peuvent jouer les associations d'actionnaires salariés. Il observe que celles-ci jouent fréquemment un rôle important pour l'information des salariés actionnaires et peuvent être leurs mandataires aux assemblées générales d'actionnaires.

Toutefois, il ne semble pas souhaitable de légiférer pour leur reconnaître un statut particulier. D'une part, il ne faut pas donner l'impression que ces associations entreraient en opposition avec les organisations syndicales. Toutes deux ont des fonctions bien distinctes. Les syndicats ont d'ailleurs un rôle majeur à jouer dans l'actionnariat, notamment pour la mise en oeuvre de celui-ci par la négociation collective.

D'autre part, il est difficile de reconnaître par la loi une fonction de représentation aux associations. L'actionnariat salarié exige en effet un regroupement des actionnaires pour être efficace. Or, on constate actuellement une tendance à la multiplication d'associations dans une même entreprise. Face au risque d'éparpillement, la reconnaissance de leur rôle irait à l'encontre de l'objectif recherché. Il est sans doute préférable de renforcer la représentativité des conseils de surveillance des FCPE qui assurent un réel regroupement de l'actionnariat.

Néanmoins, les associations doivent continuer à pouvoir jouer pleinement leur rôle de mandataires.

Dans ces conditions, trois pistes peuvent être explorées pour favoriser la représentation et l'implication des actionnaires salariés dans l'entreprise.

a) Mieux garantir l'application du " rendez-vous obligatoire " prévu par la loi du 25 juillet 1994

La loi du 25 juillet 1994 avait prévu deux mécanismes pour mieux associer les salariés actionnaires à la gestion de l'entreprise :

- l'institution d'un " rendez-vous obligatoire ", lorsqu'il est constaté que les salariés détiennent plus de 5 % du capital de l'entreprise, permettant à l'assemblée générale extraordinaire spécialement convoquée de se prononcer sur l'opportunité de modifier les statuts afin de faire siéger des représentants des salariés actionnaires au conseil d'administration ou au conseil de surveillance de l'entreprise ;

- la non-application aux salariés représentant les salariés actionnaires nommés membres du conseil d'administration ou du conseil de surveillance de la limitation du nombre d'administrateurs salariés.

Votre rapporteur regrette que cette loi ne soit qu'imparfaitement appliquée s'agissant du " rendez-vous obligatoire ".

Afin de favoriser une meilleure application de cette disposition, votre rapporteur formule trois propositions :

- charger le Gouvernement de remettre au Parlement un rapport sur l'application des articles 93-1 et 129-2 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales, ces articles issus de la loi du 25 juillet 1994 régissant le " rendez-vous obligatoire " ;

- confier, pour l'avenir, à la COB la mission de contrôler l'application de cette disposition ;

- modifier la loi du 24 juillet 1966 pour introduire une nouvelle disposition prévoyant, en cas de non-respect du " rendez-vous obligatoire ", la possibilité pour les actionnaires salariés de présenter une motion tendant à modifier les statuts pour permettre la représentation des salariés actionnaires au sein du conseil d'administration ou du conseil de surveillance de l'entreprise lors de la plus prochaine assemblée générale ordinaire. Il s'agit ici de leur reconnaître un droit d'initiative.

b) Améliorer la représentation des actionnaires salariés au conseil de surveillance des FCPE

Actuellement, les règles de composition du conseil de surveillance des FCPE dépendant de la nature du FCPE :

- dans les FCPE " article 20 ", qui gèrent des portefeuilles diversifiés, le conseil de surveillance est composé, en application de l'article 20 de la loi du 23 décembre 1988, pour au moins la moitié de ses membres de " représentants des salariés porteurs de part du fonds ", les autres membres étant des représentants de l'entreprise. Toutefois, lorsque le fonds détient plus de 10 % des droits de vote attachés aux titres de capital émis par l'entreprise, le conseil de surveillance doit être composé pour 75 % au moins de représentants des salariés ;

- dans les FCPE " article 21 ", constitués exclusivement dans le but de gérer des titres émis par l'entreprise, le conseil de surveillance est exclusivement composé de représentants des salariés actionnaires.

Votre rapporteur considère que la composition du conseil de surveillance doit garantir l'indépendance de celui-ci vis-à-vis de toute influence, notamment dans des circonstances pouvant influer sur la structure du capital de l'entreprise (OPE, OPA).

Certes, l'article 10 de la loi du 25 juillet 1994 a permis d'aller dans ce sens. Il prévoit que, lorsque le FCPE gère exclusivement des titres de la société, le règlement peut prévoir, par dérogation, que les droits de vote sont exercés individuellement et non collectivement par le conseil de surveillance.

Votre rapporteur estime qu'il faut sans doute aller plus loin. Idéalement, il ne devrait pas y avoir de paritarisme dans la composition du conseil de surveillance quand le FCPE gère les titres de la société, sauf si les droits de vote peuvent être exercés individuellement. Cela garantirait l'indépendance des conseils de surveillance.

Constatant que les règlements des FCPE investis en titres de l'entreprise ne prévoient pas toujours cette possibilité de droit de vote individuel et observant que l'article 10 de la loi du 25 juillet 1994 ne s'applique qu'aux FCPE gérant exclusivement des titres de l'entreprise et non aux FCPE diversifiés, votre rapporteur propose de renforcer l'indépendance des conseils de surveillance et donc la représentation réelle des actionnaires salariés.

Aussi, il suggère d'abaisser à 5 % des droits de vote attachés aux titres de capital de la société détenus par le FCPE, le seuil à partir duquel les représentants des actionnaires salariés doivent composer au moins 75 % du nombre des membres du conseil de surveillance.

c) Assurer une participation réelle des salariés actionnaires aux décisions les plus importantes de l'entreprise

L'actionnariat salarié vise à permettre une réelle participation des salariés actionnaires aux décisions de l'entreprise, et en particulier à celles qui les concernent directement.

Mais, pour être efficace, l'exercice des droits de vote doit être collectif et organisé.

La loi du 25 juillet 1994 a ainsi prévu, dans son article 7, la possibilité pour le président du conseil d'administration ou le directoire d'organiser, avant chaque réunion de l'assemblée générale, une consultation des salariés actionnaires afin de leur permettre de désigner un ou plusieurs mandataires pour les représenter à l'assemblée générale. Cet article précise que cette consultation est obligatoire lorsque l'assemblée générale doit nommer au conseil d'administration ou au conseil de surveillance un ou des salariés actionnaires ou membres des conseils de surveillance du FCPE détenant des actions de la société.

Cette disposition permet de favoriser le regroupement de l'actionnariat salarié en lui offrant la possibilité de désigner un mandataire pour les représenter à l'assemblée générale. Votre rapporteur observe que cette procédure peut permettre utilement l'émergence d'un actionnariat organisé dans l'entreprise, les associations de salariés actionnaires pouvant par exemple jouer ce rôle en l'absence d'un exercice collectif des droits de vote par le conseil de surveillance du FCPE.

Votre rapporteur considère toutefois que cette consultation obligatoire pourrait être étendue à d'autres cas que la nomination de représentants des salariés actionnaires dans les organes dirigeants de l'entreprise. Il existe en effet d'autres décisions pour lesquelles il semble nécessaire de favoriser le regroupement de l'actionnariat salarié car elles engagent profondément la vie de l'entreprise et en conséquence celle des salariés. Il pourrait ainsi s'agir des assemblées générales ayant à statuer sur une prise de contrôle de l'entreprise (en cas d'OPA ou d'OPE). Il pourrait également s'agir des assemblées générales extraordinaires devant se prononcer, en application des articles 93-1 et 129-2 de la loi du 24 juillet 1966, sur l'introduction dans les statuts d'une clause permettant la représentation des salariés actionnaires au conseil de surveillance ou au conseil d'administration.

De la même manière, il serait possible de prévoir que les droits de vote ne peuvent être exercés individuellement dans ces deux cas, mais doivent être exercés par le conseil de surveillance du FCPE, lorsque celui-ci gère les titres de capital de la société auxquels sont attachés plus de 5 % des droits de vote. Un tel mécanisme assurerait alors la cohésion de l'actionnariat salarié à l'occasion des assemblées générales les plus importantes pour le destin de l'entreprise.

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